Notre mission est d'aider les Canadiens et les Canadiennes
à maintenir et à améliorer leur état de santé.
Santé Canada
Rédaction: Frederick Mathews, Ph.D., C. Psych.
Les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur et
ne reflètent pas nécessairement les points de vue officiels de Santé
Canada.
Also available in English under the title The Invisible Boy Revisioning
the Victimization of Male Children and Teens
Pour obtenir d'autres exemplaires, veuillez vous adresser au:
Centre national d'information sur la violence dans la famille
Direction générale de la promotion et des programmes de santé
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mais sa reproduction à toutes autres fins est encouragée, à condition
que la source soit citée.
On peut obtenir, sur demande, la présente publication sur disquette,
en gros caractères, sur bande sonore ou en braille.
© Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada 1996
Cat.: H72-21/143-1996F
ISBN: 0-662 -81082 - 1
Table des matières
Introduction: S'ouvrir aux victimes
masculines
- De la nécessité d'une perspective d'inclusion du vécu masculin
- De la nécessité d'un nouveau regard sur la victimologie au masculin
.
- Le garçon invisible et sa raison d'être
Chapitre 1. La prévalence: Un drame
aux nombreuses facettes .
- Exploitation sexuelle des garçons - enfants et adolescents
- Conduite sexuelle abusive entre frères et/ou soeurs
- Harcèlement sexuel
- Viols et agressions sexuelles contre les hommes en prison
- Enfants maltraités physiquement et émotivement, et en carence de
soins
- Violence entre frères et/ou soeurs
- Châtiments corporels
- Violence dans le cadre communautaire, scolaire et institutionnel
- Suicide
- Jeunes de la rue
- Prostitution
- Jeunes souffrant de handicaps
- Réaction des professions aux victimes masculines - un des déterminants
de la prévalence
- Images de violence contre les garçons et les jeunes gens dans les
médias
Chapitre 2. Agresseurs des garçons
et des hommes
- Conduite sexuelle abusive
- Contrevenants adolescents
- Étrangers; connaissances
- Contrevenants féminins
- Dynamique de la conduite sexuelle abusive des femmes
- Mauvais traitements et carence de soins
- Châtiments corporels
Chapitre 3. Effets sur les victimes
masculines
- Conduite sexuelle abusive
- Mauvais traitements physiques, châtiments corporels et carence de
soins
- La «licence des moeurs sexuelles des mâles » et ses conséquences
Chapitre 4. Implications
- Implications pour la recherche
- Implications en matière d'évaluation, de traitement et de développement
de programmes
- Une boucle de la violence?
- Implications en matière de développement du personnel et de supervision
des programmes
- A la recherche d'une grille d'analyse plus inclusive
- Nos messages aux victimes masculines
- En quoi les choses seraient-elles différentes pour les victimes
masculines si nous reconnaissions leur existence?
- Commencer avec nous-mêmes comme adultes
Ressources et bibliographie
Remerciements
Le garçon invisible: Nouveau regard sur la victimologie au masculin:
enfants et adolescents a été préparé par l'Association des familles
d'accueil du Canada (AFAC) pour le compte du Centre national d'information
sur la violence dans la famille de Santé Canada.
L'AFAC aimerait tout particulièrement remercier ceux et celles qui
ont aidé à la préparation du manuscrit - Judy Urquhart, Len Kushnier,
Veronica Marsman, Philip Quigley; la Unité de la prévention de la violence familiale et le Centre national d'information sur la violence
dans la famille de Santé Canada - de leur soutien au projet; ainsi que
Fred Mathews et John Meston.
Linda Lelièvre
Présidente
l'Association des familles d'accueil du Canada
Introduction
S'ouvrir aux victimes masculines
« Étant donné que nous sommes parfois poussés contre notre volonté
par des personnages de haut rang, voici comment par compression, l'opération
est effectuée: des enfants, encore d'âge tendre, sont placés dans un
bassin d'eau chaude et ensuite, lorsque les parties sont ramollies dans
le bain, les testicules doivent être pressés avec les doigts jusqu'à
ce qu'ils disparaissent. »
Paulus Aegineta
Ier siècle
Cette citation qui figure au début de l'ouvrage de Sander Breiner Slaughter
of the Innocents: Child Abuse Through the Ages and Today [Le Massacre
des innocents: enfants maltraités aujourd'hui et au cours des siècles]
nous rappelle sans ménagement que la brutalisation des garçons remonte
à la plus haute antiquité. Le passage en question est une «instruction»
à ceux qui cherchaient à contourner une loi promulguée par l'empereur
romain Domitien qui interdisait la castration des garçons destinés à
des bordels ou vendus à des maîtres qui les sodomisaient. Au tournant
du vingtième siècle, on pratiquait encore régulièrement la circoncision
masculine sans anesthésie en guise de «thérapeutique» pour réprimer
des comportements comme l'hyperactivité et la masturbation (De Mause,
1988). Quant à ceux qui croiraient que ce type de traitement inexcusable
des petits ou des jeunes de sexe masculin est chose du passé, nous attirons
leur attention sur les éléments suivants:
- un épisode d'une émission de télévision humoristique: contexte
- un camp d'été; situation - l'exploitation sexuelle d'un «garçon
de cantine» par un adulte (nul autre qu'un conseiller du camp);
- un journal canadien annonce un jeu de société «Les 101 usages d'un
pénis amputé »;
- une autre émission de télévision illustre une situation d'inceste
mère/fils dans le cadre d'un sketch comique portant sur le sexe au
téléphone;
- un article de journal au sujet d'une mère qui a laissé son fils
de 11 ans attaché et bâillonné dans un garde-robe cite les propos
du travailleur social qui aurait déclaré durant le procès que le garçon
était très porté à« mentir, voler, manipuler et à être perturbateur
à l'école» et qu'il s'agissait en général d'«un enfant très désagréable».
Ces quelques exemples illustrent certains des thèmes que nous explorons
dans les pages qui suivent, notamment une attitude de «deux poids, deux
mesures» dans les soins et le traitement offerts aux victimes masculines,
ainsi que l'invisibilité et la banalisation de la violence
et de la conduite abusive exercées à l'encontre des garçons et des jeunes
gens dans notre société.
En dépit du fait que plus de 300 ouvrages et articles sur les victimes
masculines aient été publiés au cours des 25 à 30 dernières années,
les garçons, petits et grands, demeurent à la périphérie du propos relatif
aux enfants maltraités. Peu d'ateliers leur sont consacrés dans les
conférences sur le sujet et il n'existe pas de programmes de formation
spécialisés pour les cliniciens. Les évaluations spécifiques aux victimes
masculines sont quasi inexistantes et les programmes de traitement sont
rares. Et si l'on parie des adultes (hommes), la carence est
encore plus criante. On a récemment pu être témoin à Toronto d'un triste
exemple de cet état de choses. Après la diffusion du film Les garçons
de Saint-Vincent - sur les mauvais traitements infligés à des garçons
dans un orphelinat dirigé par l'Église - la ligne téléphonique de secours
aux enfants Kids Help Phone a reçu plus d'un millier d'appels
d'hommes angoissés qui se présentaient comme adultes rescapés de sévices
sexuels infligés durant l'enfance. Il n'y a pas de mots pour décrire
la cruelle ironie que ces hommes n'aient d'autre issue que de s'adresser
à une ligne téléphonique d'urgence pour enfants.
Même le langage que nous utilisons dans le discours actuel sur la violence
et les mauvais traitements masque, minimise ou occulte certaines réalités
concernant les victimes de sexe masculin. Les expressions comme «violence
familiale» sont devenues synonymes de «violence contre les femmes»,
surtout aux mains de maris, pères, ou autres hommes adultes. En fait,
cette locution fait conceptuellement disparaître du rang des victimes
potentielles tous les hommes (garçons, adolescents, hommes âgés, frères
de tous âges maltraités par des frères ou soeurs), tout en occultant
la notion de contrevenants féminins.
Le Canada traîne sérieusement de la patte par rapport à d'autres pays
occidentaux en ce qui concerne les études sur les victimes masculines
et les contrevenants des deux sexes. En fait parmi les multiples études
et le nombre croissant de recherches sur les victimes masculines, seul
un petit nombre sont canadiennes. Il y a d'énormes lacunes à combler
en matière de politiques sociales, d'information publique, de financement
des recherches et programmes de traitement, et en ce qui concerne la
formulation d'un discours plus inclusif sur la violence interpersonnelle,
qui refléterait aussi l'expérience masculine.
De la nécessité d'une perspective d'inclusion du vécu masculin
Une perspective sur la violence et la victimologie qui serait «inclusive
du vécu masculin» doit nécessairement être dynamique et évolutionniste,
étant donné que les victimes masculines ne font tout juste que commencer
à s'exprimer sur leurs expériences. Au fur et à mesure, leurs histoires
nous forceront à remettre en question nombre de présomptions anciennes
qui font partie de notre paysage psychologique des victimes et des contrevenants.
Il ne faut surtout pas s'imaginer que les victimes masculines constituent
un groupe homogène, et avec le temps, il est probable qu'un certain
nombre de perspectives distinctes surgiront. Hommes hétérosexuels, homosexuels,
bisexuels, autochtones, vivant avec des déficiences et membres de minorités
visibles et culturelles apporteront différentes facettes aux drames
qui se dessinent de la victimologie masculine.
Il existe, toutefois, quatre éléments qui sont fondamentaux au concept
d'«inclusion du vécu masculin»; premièrement, la nécessité d'articuler
un ou plusieurs points de vue au masculin, reflétant la diversité des
hommes et des garçons au sein de la population dans son ensemble; deuxièmement,
la nécessité pour les victimes masculines de rechercher l'équilibre
émotionnel, physique, mental et spirituel dans leur lutte pour soigner
la blessure dans ces divers aspects de leurs vies; troisièmement, la
nécessité d'honorer et de protéger les gains obtenus par les victimes
féminines et de reconnaître les contributions que les femmes ont faites
pour rompre le silence sur la violence et les mauvais traitements; quatrièmement,
la nécessité de développer une vision commune d'intégration des histoires
des victimes, aussi bien masculines que féminines, pour que puisse évoluer
une perspective cohérente et inclusive qui nous appartiendrait à tous
et que nous pourrions utiliser collectivement dans la lutte pour réduire
et éliminer la violence interpersonnelle et les mauvais traitements
dans notre société. Malheureusement, comme le révèlent les histoires
que racontent les victimes masculines, nous avons encore énormément
de chemin à faire pour réaliser l'un ou l'autre de ces objectifs.
Les victimes masculines mentionnent qu'elles sont extrêmement navrées,
frustrées, et parfois même en colère de voir que leurs histoires ne
sont pas reflétées dans le discours public sur la violence et les mauvais
traitements. Plusieurs vastes études canadiennes sur la violence interpersonnelle
faites ces dernières années ne signalent que des constats propres à
la victimologie féminine et cachent les résultats portant sur les victimes
masculines. De nombreux documents universitaires sur les victimes de
la violence se targuent d'être «équilibrés» alors qu'ils ne donnent
ordinairement qu'un faible écho de la situation masculine dans leurs
analyses. D'un point de vue conceptuel, bien des gens font également
l'erreur d'accepter et d'utiliser, sans un instant de réflexion, un
modèle victimologique uniquement axé sur la femme. Les victimes masculines
estiment également qu'une bonne partie de ce travail est déshumanisante
et qu'elle fait peu de cas de leur vécu. Ces hommes considèrent en outre
que de nombreux auteurs et penseurs dans le domaine ont démarqué le
discours sur la violence et les mauvais traitements en traçant des frontières
qui les excluent.
Les hommes s'aperçoivent souvent que leurs thérapeutes, conseillers
ou autres types de praticiens habitués à fonctionner avec des modèles
axés sur la victimologie féminine ne sont pas capables de les aider.
Par conséquent, ils sont susceptibles de tout simplement abandonner
la thérapie, laissant inexplorés de nombreux problèmes issus de leur
expérience de victime, alors qu'ils sont cruciaux à leur rétablissement
spirituel.
Comme leurs contreparties féminines avant eux, ces hommes aussi ont
eu à se bute r à une panoplie de critiques et détracteurs, de s gens
qui refusaient de les croire, ignorant les statistiques de prévalence,
minimisant l'impact des mauvais traitements, s'appropriant la parole
des hommes dans une volonté de déni, ou reléguant la victimologie masculine
au rang de faux problème. En présence de données statistiques sur la
prévalence de la victimologie masculine, l'opinion selon laquelle la
plupart des contrevenants sont des hommes est fort répandue. Cette croyance
est sans fondement. Elle tend d'habitude à vouloir réduire la victimologie
masculine à un «problème d'hommes». En plus d'être désobligeantes, de
telles opinions sont perçues par les rescapés masculins comme autant
de blâmes à l'endroit des victimes. Certes, il est utile de scruter
et critiquer concepts et théories, et cela joue même un rôle important
dans l'évolution et le développement de tout domaine, mais il ne fait
aucun doute que le déni, la minimisation et le silence sont dommageables
pour les victimes.
À bien des égards, les victimes masculines se retrouvent là où leurs
contreparties féminines en étaient il y a 25 ans. La plupart d'entre
nous oublions l'énorme opposition rencontrée par le mouvement des femmes
lorsque celles-ci ont commencé à s'organiser et à exiger d'avoir voix
au chapitre pour manifester contre la violence et montrer du doigt les
auteurs de sévices. C'est de haute lutte qu'elles ont obtenu les services
de soutien actuels qui, pourtant, courent encore constamment le risque
d'être privés de fonds. Par comparaison, il n'existe pas réellement
comme tel de mouvement organisé des victimes masculines. En général,
le mode de socialisation de s mâles ne favorise p as leur regroupement
comme c'est le cas pour les femmes, ni la communication intime, pas
plus que leur capacité à se percevoir comme soutien l'un pour l'autre.
Bref, une bonne partie de ce dont ont besoin les victimes masculines
pour s'organiser en «mouvement» les obligerait à surmonter de nombreux
éléments communs du mode de socialisation masculine, lesquels militent
tous contre l'avènement d'une telle réalité
De la nécessité d'un nouveau regard sur la victimologie au masculin
Le sous-titre de cet ouvrage, Nouveau regard sur la victimologie
au masculin, est une invitation au public aussi bien qu'aux praticiens
à «revoir» et à «réévaluer» leur savoir et leur compréhension de la
violence et des mauvais traitements, et de faire en sorte que l'on puisse
y inclure une perspective masculine . Si l'on se fie aux indices présentés
dans les pages du présent rapport, cette doléance est convaincante et
incontournable.
La réflexion et le dis cours actuels, tant publics que professionnels,
en matière de mauvais traitements et de violence interpersonnelle sont
majoritairement fondés sur un point de vue axé sur la femme. Il n'y
a là ni juste ni faux, ni bien ni mal; cela étant plutôt fonction de
ceux et celles qui ont su prendre la parole. Cependant, il en résulte
que la victime a toujours un visage féminin, les contrevenants, un visage
masculin. Et c'est ce visage masculin des bourreaux qui fait que la
violence dans notre société a été «masculinisée» et qu'elle est exclusivement
imputée aux hommes et aux «modes de socialisation masculins». Bien qu'il
soit indéniable qu'il existe une dimension masculine à de nombreuses
formes de violence, surtout sexuelles, des théories aussi superficielles
sur la socialisation des mâles ne peuvent expliquer pourquoi l'écrasante
majorité des hommes ne sont pas violents.
La violence est même imputée à l'hormone masculine, la testostérone.
Le paradoxe de cet argument n'échappe pas aux victimes masculines. Alors
que les femmes luttent depuis belle lurette pour invalider la prétendue
malédiction qui voudrait qu'elles soient à la merci de leurs hormones,
voilà que l'on accuse les hommes d'être à la merci des leurs.
Les hommes victimes cheminent sur un sentier très étroit, entre leur
volonté d'être entendus et validés, d'une part, et leur désir d'être
«pro-femmes» et solidaires des victimes féminines, tout en remettant
en question des idées reçues qui reflètent des stéréotypes qui ne les
favorisent guère. En luttant contre certains de ces stéréotypes, ils
s'exposent souvent à des accusations de misogynie, d'appartenir à la
réaction idéologique contre le féminisme, ou encore d'appliquer en sous-main
un programme occulte visant à miner les gains des femmes. S'il y a la
moindre véracité à l'une ou l'autre de ces accusations, elles devront
être confrontées par nous tous. Mais si elles ne sont motivées que par
la crainte qu'une reconnaissance de la victimologie masculine puisse
saper les gains des femmes, alors il faudra en discuter sans détour
et surtout sans essayer de minimiser le vécu de ces hommes en s'engageant
dans une sorte de compétition qui chercherait à établir lequel des deux
groupes aurait été le plus meurtri. Néanmoins, il importe que nous nous
rendions tous compte que bien des femmes risquent d'avoir de la difficulté
à prêter l'oreille aux drames des victimes masculines avant d'avoir
été rassurées à cet égard.
Il est triste de constater que les hommes victimes et leurs porte-parole
risquent gros en s'opposant au statu quo et qu'ils subissent de fortes
pressions pour rester tranquilles. N'est-il pas paradoxal que les pressions
exercées sur eux ne font que reproduire, à un niveau social, les mêmes
modèles de silence, de déni, et de tentative de banalisation qu'ils
ont subis aux mains de leurs agresseurs? Si nous ne confrontons pas
la nécessité de guérir les «blessures de l'être sexuel», aussi bien
des hommes que des femmes, alors nous mettons en péril la recherche
de la paix entre les sexes.
Enfin, et c'est peut-être là la raison la plus importante de réexaminer
notre compréhension de la problématique, force est de constater que
hommes et adolescents ne se joignent pas de manière significative aux
femmes dans la lutte pour mettre fin à la violence. Cela est en partie
explicable dans la mesure où les hommes n'ont pas du tout le sentiment
que leurs propres drames sont reflétés dans les discussions publiques
sur la violence et les mauvais traitements. S'il fallait se fier uniquement
aux médias pour faire connaître cet aspect du vécu masculin, fort peu
de drames individuels viendraient à être connus, hormis les cas particulièrement
sensationnels des orphelinats d'obédience religieuse ou de diverses
écoles provinciales de formation. Il n'est pas rare d'entendre des garçons
manifester du ressentiment à l'égard d'un programme scolaire anti-violence
qui attribue sans discernement à leur sexe les rôles d'exploiteurs,
de harceleurs, de violeurs et d'agresseurs sexuels en puissance. En
effet, il est difficile pour une personne de se solidariser avec un
mouvement social collectif contre la violence lorsqu'elle a le sentiment
que les drames de sa propre vie sont banalisés, exclus du propos ou
repoussés du revers de la main. Un examen même sommaire de la documentation
fait clairement ressortir qu'elle est essentiellement fondée sur des
stéréotypes, et sur des hypothèses jamais remises en question quant
à une présumée « colère masculine », « agression masculine » ou « sexualité
masculine » . Trop souvent, les auteurs prennent pour point de départ
une caricature des pires éléments imaginables de la «virilité » et présument
que cette caricature est valable pour tous les hommes.
Maintenant que les hommes commencent à se lancer sur les sentiers déjà
battus par les femmes, ils font appel à tout leur courage pour ajouter
leurs propres voix au débat public et au discours professionnel sur
la violence et les mauvais traitements. Si nous souhaitons que les hommes
s'engagent dans un véritable dialogue, nous devons être ouverts à l'expression
de leurs critiques, de leurs expériences, et de leur
souffrance.
Le garçon invisible et sa raison d'être
Le garçon invisible est destiné aux lecteurs les plus divers.
Certains trouveront sans doute inattendues ou surprenantes quelques-unes
des questions abordées ou recherches présentées dans le document, peut-être
même les jugeront-ils un peu controversées. D'autres ne seront pas du
tout étonnés et y trouveront plutôt une confirmation de leur propre
expérience, de ce qu'ils ont eux-mêmes observé, ou de ce qu'ils ont
toujours su. Quoi qu'il en soit, il importe probablement surtout de
considérer le document non pas comme un énoncé définitif de l'expérience
masculine (le combat vient à peine de commencer), mais plutôt comme
un instantané croqué sur le vif de certaines controverses, de quelques-uns
des défis, des insuffisances dans le savoir, et des problèmes inexplorés
relatifs à la victimologie masculine. Si le présent document devait
provoquer chez les lecteurs l'envie d'en savoir plus sur ce qui s'est
écrit sur le sujet, ou devait encourager les milieux des thérapeutes
à étendre leur savoir sur les victimes et les contrevenants, ou encore
servir à élargir le débat public sur les mauvais traitements dans le
sens de l'inclusion de toutes le s victimes, alors il aura atteint
son but.
Les lecteurs ne devraient surtout pas voir dans les pages du garçon
invisible une quelconque tentative de diluer l'expérience des femmes
affectées par la violence et les mauvais traitements. Qu'il n'y ait
aucun doute, les femmes et les filles qui souffrent quotidiennement
de la violence au Canada sont légion. Les drames des femmes doivent
être entendus, reçus et respectés, sans déni ou minimisation. Il faut
résister à toute tentative de mettre les victimes masculines et féminines
en compétition en termes de ressources ou de crédibilité. Nous ne pouvons
plus nous permettre la division qui démarque les sexes et qui envahit
malheureusement les discussions sur la victimologie masculine et féminine.
Si l'on veut faire avancer le mouvement contre la violence au Canada,
il faut nous diriger vers la «réconciliation des sexes» et nous tenir
à l'écart des brutales polémiques qui passent pour une «défense des
droits» dans bien des débats publics.
Idéalement, les histoires des victimes des deux sexes devraient être
présentées côte à côte afin que nous sachions mieux observer et comprendre
à quel point leurs vécus sont inextricablement enchevêtrés. Une tâche
de cette ampleur dépasse malheureusement la portée de ce texte. Puisque
leurs expériences sont mal comprises, insuffisamment signalées, essentiellement
non reconnues, et qu'elles semblent exclues de la majorité des propos
publics et professionnels, Le garçon invisible se concentrera
principalement sur les victimes masculines et regroupera en un même
lieu nombre des variantes de leur vécu collectif.
Des tas de questions demeurent sans réponse. Pourquoi la société canadienne
qui se targue d'être charitable et juste accuse-t-elle un tel retard
par rapport à d'autres pays dans la défens e des droits de s victimes
masculine s ? Pourquoi l es médias refusent-ils d'accorder une importance
égale aux problèmes de ces victimes-là? Pourquoi négligeons-nous aussi
régulièrement les besoins de soutien des hommes victimes? Pourquoi cette
attitude de deux poids, deux mesures lorsqu'il s'agit de traitement
et de soins aux victimes masculines? Sans doute la réponse la plus simple
à tout ce qui précède réside dans le fait que l'essentiel de ce qui
constitue la victimologie masculine est invisible à nous tous, surtout
aux victimes masculines elles-mêmes. Le garçon invisible se propose
d'explorer ces problèmes-là ainsi que d'autres questions connexes dans
les pages qui suivent.
Chapitre 1
La prévalence: Un drame aux nombreuses facettes
Quelle est l'ampleur du phénomène des mauvais traitements infligés
à des victimes masculines? Les chiffres suggèrent une multitude de scénarios,
selon l'orientation de l'étude, le cadre théorique de l'analyse, la
définition donnée aux mauvais traitements et à la victimologie, et les
sources que l'on consulte. En fonction de ce qui précède, il y a plusieurs
façons bien différentes de répondre à la question.
Si l'on se cantonne aux seules catégories communément signalées de
mauvais traitements physiques, sexuels ou psychologiques, et de carence
de soins, on obtient un certain tableau. Mais si l'on ajoute les châtiments
corporels, la violence communautaire et en milieu scolaire, et le suicide,
la toile se complique nettement. D'autres aspects surgiraient encore
si l'on développait la notion de «violence dans la famille» et si l'on
explorait plus en profondeur des descripteurs cliniques couramment utilisés
comme «enfants ou jeunes difficiles à encadrer», «conflits parents-enfants»,
«enfants turbulents», «familles dysfonctionnelles», «adolescents à problèmes»,
«conduite perturbée», «attitude d'opposition et de défi», ou «déficience
de l'attention», pour ne nommer que ceux-là. Dans les enquêtes de population
générale, lorsque l'on utilise des expressions comme «contact sexuel»
ou «attouchement sexuel» au lieu d'«agression sexuelle» ou «abus sexuel»,
les chiffres de prévalence augmentent considérablement, surtout pour
les sujets masculins qui, souvent, ne se rendent pas compte que leur
vécu sexuel en fait des victimes de «conduite abusive» en termes strictement
cliniques et juridiques.
On pourrait ajouter d'autres catégories si l'on examinait de plus près
le concept de situation « à risque » . Par exemple, aux É. -U., les
garçons sont plus susceptibles que les filles d'être diagnostiqués comme
souffrant de troubles du comportement et de problèmes mentaux, plus
susceptibles d'être admis dans des hôpitaux psychiatriques, deux fois
plus susceptibles de souffrir d'autisme, huit fois plus susceptibles
de faire l'objet d'un diagnostic d'hyperactivité, plus susceptibles
d'accoutumance aux drogues et à l'alcool, et plus susceptibles de décrochage
scolaire au secondaire (Kimbrell, 1995).
Les choses se compliquent davantage lorsqu'on ajoute les expériences
quotidiennes des enfants et des jeunes de sexe masculin placés sous
la garde de l'État, vivant dans une famille d'accueil, dans un foyer
de groupe, avec un tuteur légal ou dans un établissement de détention
pour jeunes contrevenants. Il ne faut pas non plus oublier les agressions
contre les aînés de sexe masculin, la victimisation masculine dans les
cas de violence entre frères et soeurs, les mauvais traitements entre
partenaires de sexe masculin, ainsi que la violence à l'égard des handicapés
de sexe masculin, qu'il s'agisse d'enfants, d'adolescents ou d'hommes.
Sans compter tout ce qui arrive aux jeunes sans abris, aux gamins des
rues et aux adolescents de sexe masculin qui ont recours à la prostitution
pour survivre.
Il devient très vite apparent que les histoires personnelles de nombreux
types de victimes masculines restent à raconter. Même si la réalité
des enfants maltraités a beaucoup gagné en crédibilité dans les débats
publics et dans les milieux professionnels, on risque toujours d'oublier
qu'il s'agit encore d'un champ d'étude très neuf. Les définitions de
la conduite abusive continuent à évoluer, tout comme celles de s donné
es de prévalence, des théories de victimologie et de contravention,
et des modèles d'évaluation et de traitement. Nous sommes encore loin
de posséder un savoir exhaustif ou global du sujet. Nous n'avons tout
simplement pas eu assez de temps pour tester nombre de nos idées de
façon empirique, pas plus que nous ne savons encore toutes les questions
qui doivent être posées.
Même si, répétons-le, la crédibilité des allégations de mauvais traitements
a généralement fait du chemin, nous ne devons jamais oublier qu'il s'agit
d'un domaine d'intérêt qui est émotivement et politiquement chargé,
et c'est là un point que les victimes et leurs porte-parole seraient
mal venus d'oublier. La discussion rationnelle est parfois difficile,
la poursuite d'indices est fréquemment dis qualifiée ou ignoré e dans
l'intérêt de la politique, et de s tas de gens, même dans les professions,
ne croient toujours pas qu'un phénomène comme l'exploitation sexuelle
des enfants représente véritablement une problématique sociale répandue
et inquiétante. Ainsi, jusqu'au milieu des années 70, le point de vue
dominant en psychiatrie à l'égard de l'inceste était qu'il s'agissait
d'un phénomène extraordinairement rare (Freedman, Kaplan et Sadock,
1975).
Pour la victime de sexe masculin, la situation est encore plus précaire.
De nombreux obstacles culturels et autres doivent être surmontés par
les garçons (enfants et adolescents), les milieux professionnels et
le grand public, ne serait-ce que pour en arriver à reconnaître que
le vécu qui s'inscrit dans la victimologie masculine rejoint les mauvais
traitements. Quant aux garçons et aux hommes «gais», toute révélation
des sévices qui leur seraient infligés les obligerait à divulguer leur
homosexualité, et par conséquent, il est caractéristique qu'ils gardent
le silence. En fait, c'est très simple, si l'on ne se met pas à la recherche
des victimes masculines, elles ne se manifestent pas spontanément. Si
nous n'explorons pas la problématique de la victimologie masculine avec
les hommes et les garçons, ceux-ci ne nous livreront pas leurs histoires
de leur propre chef. Par conséquent, et cela est malheureusement très
caractéristique, la première fois qu'un contrevenant masculin, adolescent
ou adulte, reçoit la moindre aide au niveau de sa propre victimologie,
c'est lorsqu'il a retenu l'attention du système judiciaire pour avoir
lui-même fait des victimes (Sepler, 1990).
Exploitation sexuelle des garçons - enfants et adolescents
La quasi totalité de la discussion sur la prévalence de la victimologie
masculine au Canada et ailleurs se fonde sur des «statistiques officielles»,
c.-à-d. chiffres tirés de rapports sur les cas signalés à un organisme
public: hôpitaux, police, aide à l'enfance. Toutefois, il ressort nettement
de toute étude sur les enquêtes de population générale que la victimologie
masculine souffre d'un grave déficit sur le plan des signalements -
déficit autrement plus aigu que dans le cas des victimes féminines.
Dans la Ontario Incidence Study of Reported Child Abuse and Neglect
[étude ontarienne d'incidence des signalements d'enfance maltraitée
et en carence de soins], les filles faisaient l'objet de 54 % des
enquêtes (25016) et les garçons, de 46 % (21426) (Trocme, 1994). Les
adolescents comptaient pour 14 % des allégations d'abus sexuels imputées
aux parents et pour 18 % des allégations imputées à d'autres. Cependant,
lorsque l'on examine les cas qui concernent des enfants plus jeunes
(8-11 ans), on constate que les garçons comptent pour 42 % à 44 % des
allégations.
En 1984, le gouvernement fédéral a publié une étude en deux tomes,
maintenant très connue, Infractions sexuelles à l'égard des enfants,
ou «Rapport Badgley». De nombreux aspects de la victimologie masculine
détaillés dans cette étude à l'échelle nationale n'ont toujours pas
été portés à l'attention du public ou même des milieux professionnels.
Un coup d'oeil sur certaines des données de prévalence que l'on y trouve
permet un constat étonnant sur la prévalence des victimes masculines
d'abus sexuels.
Si l'on prend comme point de départ les résultats de l'étude en matière
de prévalence, on constate qu'un homme ou garçon sur trois (33 %) et
qu'une femme ou fille sur deux (50 %) ont affirmé avoir été victimes
d'attouchements sexuels non désirés durant leur vie. De ces incidents,
environ 4 sur 5 se sont produits durant l'enfance ou la jeunesse du
sujet. Sur une population canadienne que nous placerons à 29 millions,
divisée également par sexe, ces pourcentages livrent les taux de prévalence
suivants:
Table 1
Taux de prévalence de l'exploitation sexuelle des enfants
au Canada par sexe
Sexe masculin |
Sexe féminin |
Population: 29 000 000
|
14 500 000 à 33 % |
14 500 000 à 50 % |
= |
= |
4 785 000 |
7 250 000 |
A partir de ces simples calculs, on peut voir qu'il y a près de cinq
millions de garçons ou d'hommes au Canada qui ont été victimes
d'une forme quelconque d'attouchements sexuels non désirés. On peut
considérer qu'il s'agit là d'une estimation minimale étant donné que
la victimologie masculine souffre d'un déficit des signalements plus
aigu que dans le cas des femmes.
Dans la catégorie des agressions sexuelles, quelque 3 victimes
sur 4 dans l'étude étaient de sexe féminin, dans 1 cas sur 4 il s'agissait
donc d'un garçon. L'étude Badgley a également constaté que la proportion
des victimes masculines d'agressions sexuelles augmente avec l'âge,
alors que les signalements diminuent, et dramatiquement, après la puberté.
Dans l'Enquête nationale sur la santé de la population, 90 %
des garçons/hommes et 75 % des filles/femmes n'avaient pas signalé l'expérience
subie. Dans l'ensemble, les victimes féminines étaient deux fois plus
susceptibles de le faire.
L'étude signalait également des constats relatifs aux contrevenants
féminins qui n'ont absolument pas été portés à l'attention du public
ou des professionnels, particulièrement en matière d'«outrages à la
pudeur» (exhibitionnisme, notamment) visant des personnes de sexe masculin,
et le recours à des juvéniles s'adonnant à la prostitution. Ces deux
types de constats sont ignorés dans les discussions sur les taux de
prévalence relatifs aux victimes masculines. Parmi les constats de la
sous-étude Enquête nationale sur les forces de l'ordre (Badgley,
1984), le rapport révèle que les hommes comptent pour 99,4 % des personnes
accusées d'outrage à la pudeur, les femmes, pour 0,06 %. Toutefois,
dans l'Enquête sur la santé ci-dessus (Badgley, 1984), 77,6 %
des victimes des deux sexes ont signalé avoir été la cible d'hommes,
alors que 22,4 % avaient été la cible de femmes. Dans ce contexte, 33
% des victimes masculines ont indiqué avoir été exposées, contre leur
volonté, au spectacle d'un sexe féminin. Une victime féminine sur 13
avait été la cible d'un contrevenant féminin, dans un cas sur 20, il
s'agissait de l'exhibition d'un sexe féminin. En dépit des taux de signalement
d'attentats à la pudeur de la part de femmes dans l'Enquête sur la santé,
seule une faible proportion des incidents sont signalés, et peu de contrevenants
féminins finissent par être poursuivis.
Dans l'Enquête nationale sur la prostitution juvénile, 50 %
des 229 jeunes sujets qui s'adonnaient à la prostitution dans diverses
régions du Canada, signalaient qu'ils avaient été sexuellement sollicités
par une femme adulte, soit 62 % des sujets masculins et 43,4 % des sujets
féminins. Dans 75 % de ces incidents, le consommateur était la femme
elle-même; dans les autres cas, le destinataire était une connaissance
masculine. Vingt-deux pour cent des juvéniles de sexe masculin et 20
% des juvéniles de sexe féminin avaient été sollicités par des femmes
trois fois ou plus. Cependant, dans cette étude et dans d'autres, les
clients masculins représentent toujours plus de 95 % des consommateurs
de services sexuels offerts par des juvéniles et des adultes des deux
sexes qui s'adonnent à la prostitution.
Aux É.-U., les enfants victimes d'agressions sexuelles violentes sont
plus souvent des garçons (Office of Juvenile Justice et Delinquency
Prevention, 1995). Les indices suggèrent que les garçons sont plus susceptibles
que les filles d'être maltraités physiquement et sexuellement à la fois
(Finkelhor, 1984). Les recherches qui explorent les différences dans
la gravité des abus sexuels subis par les victimes masculines, en les
comparant avec les victimes féminines, suggèrent que les garçons subissent
des agressions plus envahissantes, sont victimes d'une plus grande variété
d'actes sexuels, perpétrés par un plus grand nombre d'auteurs (Baker
et Duncan, 1985; Bentovim, 1987; DeJong, 1982, Dubé, 1988; Ellerstein,
1980; Finkelhor et cool., 1990; Gordon, 1990; Kaufman, 1980; Reinhart,
1987). Toutefois, il est probable que ces constats ne tiennent pas compte
du fait que c'est la gravité même de l'agression qui permet à un incident
impliquant une victime masculine d'être porté à l'attention des autorités.
Garçons et hommes n'ont pas tendance à signaler les abus sexuels moins
graves, surtout lorsque l'auteur est de sexe féminin.
La Table 2 donne les taux de prévalence des mauvais traitements sexuels
pour différentes populations masculines. Les échantillons et les taux
couvrent une très grande échelle. Il est intéressant de constater les
taux élevés de mauvais traitements dans les antécédents des contrevenants
sexuels masculins.
Table 2
Taux de prévalence des abus sexuels chez les personnes de sexe masculin
Auteurs |
Échantillon |
Prévalence % |
Canada
Badgley (1984)
|
Enquête de population générale |
14 |
Violato & Genuis (1992) |
Étudiants d'université (Canada) |
14 |
É.-U.
Finkelhor, et coll. (1990)
|
Enquête nationale (É.-U.) |
16 |
Condy et coll. (1987) |
Universitaires - hommes (É.-U.) |
16 |
Fromoth et Burkhart (1987) |
Étudiants pré-diplômés (É.-U.) |
24 |
Stein et coll. (1988) |
Enquête communautaire É.-U.) |
12,2 |
Urquiza (1988) |
Étudiants pré-diplômés (É. -U. ) |
32 |
Cameron et coll. (1986) |
Enquête nationale (É.-U.) |
16 |
Risin et Koss (1987) |
Garçons de moins de 14 ans |
7,3 |
Condy et coll. (1987) |
Prisonniers - hommes (victimes de femmes seulement)
|
46 |
Groth (1979) |
Contrevenants sexuels adultes - hommes |
33 |
Petrovich et Templer (1984) |
Contrevenants sexuels adultes - hommes (victimes de
femmes seulement) |
59 |
Johnson (1988) |
Garçons (4-13 ans) ayant eu une conduite sexuellement
abusive |
49 |
G.-B.
Baker & Duncan (1985)
|
Enquête nationale (G.-B.) |
8 |
Les taux de prévalence des victimes masculines dans le total de la
population des victimes d'abus sexuels figurent à la Table 3.
Table 3
Victimes masculines comme pourcentage du total des victimes d'abus
sexuels
Auteurs |
Échantillon |
Prévalence % |
DeJong, et coll. (1982) |
Étude des hôpitaux |
17 |
Ellerstein et Canavan (1980) |
Étude des hôpitaux |
11 |
Finkelhor (1984) |
Examen de la documentation sur les abus sexuels |
10-33 |
Neilson (1983) |
Estimations des programmes de traitement |
25-35 |
Pierce et Pierce (1985) |
Étude sur les lignes d'urgence pour enfants maltraités
|
12 |
Ramsay-Klawsnik (1990a) |
Enfants adressés pour leur protection
Cas confirmés d'abus sexuels |
39
45 |
Rogers et Terry (1984) |
Étude des hôpitaux |
25 |
Grayson (1989) |
Interviews de cliniciens |
25-50 |
Conduite sexuelle abusive entre frères et/ou soeurs
L'inceste entre frères et soeurs est un autre domaine dont on commence
tout juste à discuter et dont l'étude a été entravée du fait que bien
des gens omettent de classer de tels incidents sous la rubrique des
mauvais traitements. Il est difficile d'obtenir une image complète de
la prévalence des abus sexuels entre frères et soeurs du fait que bien
des enfants, des adolescents et des adultes jugent qu'il s'agit de «curiosité
sexuelle» ou d'«expérimentation». Certaines victimes voient cela comme
de l'«exploration mutuelle».
En termes strictement juridiques et cliniques, il est parfois difficile
d'étiqueter ces actes sexuels comme un comportement «délinquant» si
l'on ne se donne pas la peine de considérer l'âge des enfants, les différences
d'âge entre victimes et auteurs, le pouvoir qu'impartit l'âge, le fonctionnement
intellectuel, la taille et la force, l'impact sur la victime, ou l'éventuelle
position d'autorité de la personne plus âgée - frère ou soeur (c.-à-d.
gardien-gardienne). Dans d'autres cas, l'enfant «contrevenant» agit
«en réaction», en s'en prenant à un frère ou une soeur plus jeune ou
plus faible pour avoir été lui-même (elle-même) maltraité(e). Peu de
cas de ce genre figurent dans les statistiques officielles sur la délinquance
ou la prévalence du fait que les contrevenants ont moins de 12 ans.
Pour les victimes masculines d'abus sexuels infligés par un frère ou
une soeur, certains avancent des chiffres de 6 % (Pierce et Pierce,
1985a), 13 % (Finkelhor, 1980), et 33% (Thomas et Rogers, 1983). Longo
et Groth (1983) ont constaté que parmi les victimes de contrevenants
juvéniles au sein de la famille on trouve: des soeurs, soeurs par remariage,
ou soeurs adoptives (20 %); des «frères» en famille d'accueil (16 %);
et des frères biologiques (5 %).
Harcèlement sexuel
Les femmes ont eu à se battre pendant des années pour que les discussions
publiques sur la violence et la victimologie intègrent leurs expériences,
préoccupations et appréhensions en matière de harcèlement sexuel. Leurs
efforts ont réussi à nous sensibiliser aux subtilités et à l'impact
du harcèlement sur les fillette s, les adolescentes et l es femme s
dans bien de s milieux de travail et scolaires. Même s'il y a encore
du chemin à faire, le harcèlement sexuel est maintenant reconnu comme
un grave problème pour les femmes. Mais c'est une problématique qui
engendre des victimes masculines aussi. Toutefois, comme pour tout phénomène
relatif à la victimologie, les hommes sont en butte à des stéréotypes
discriminatoires et à une attitude de deux poids, deux mesures. Il suffit
de soulever la question des victimes masculines du harcèlement sexuel
pour voir les sourcils se froncer et l'incrédulité se peindre sur tous
les visages.
Malheureusement, lorsque l'on essaie d'établir la prévalence du harcèlement
sexuel dont des hommes font les frais, on est encore confronté au même
problème du retard du Canada par rapport aux autres pays occidentaux.
La Communauté européenne a produit un rapport de 93 pages sur le harcèlement
sexuel intitulé The Guide to Implementing the European Code of Practice
on the Dignity of Women and Men at Work [Guide d'application du Code
européen des pratiques relatives à la dignité des femmes et des hommes
au travail]. Dans ce document, on mentionne que 19 % des hommes
en Allemagne et 21 % des jeunes gens en France ont signalé qu'ils ont
fait l'objet d'avances sexuelles non sollicitées (Globe & Mail,
1993). Que femmes et filles soient plus exposées au harcèlement sexuel
ne justifie nullement le fait qu'il n'existe pratiquement aucune recherche
entreprise au Canada pour documenter la prévalence du phénomène lorsqu'il
vise les hommes. Quant à la question du harcèlement entre homosexuels
masculins, elle n'a même pas fait surface.
Il y a pourtant une exception: une étude récemment publiée sur le harcèlement
sexuel entre élèves du secondaire. Cependant, elle tombe rapidement
dans le piège du reportage biaisé et de l'interprétation. Un dépliant
qui fait la promotion de l'étude contient le paragraphe suivant:
«Dans une étude récente effectuée dans les écoles secondaires de
l'Ontario, plus de 80 pour cent des filles ont affirmé avoir été harcelées
sexuellement. Quant aux garçons, ils ont déclaré que leur harcèlement
était souvent un compliment ou une taquinerie: peu d'entre eux ont dit
qu'ils ne se sentaient pas en sécurité ou que le harcèlement était une
interférence dans leur quotidien, sauf si l'auteur du harcèlement était
de sexe masculin. » (OSSTF, 1994)
La plupart des gens lisent un tel passage sans y penser deux fois.
Ce qu'il y a d'inquiétant dans des propos de ce genre, c'est qu'ils
renforcent des stéréotypes biaisés et nocifs au sujet des hommes et
qu'ils renforcent l'attitude des deux poids, deux mesures. Et ce n'est
pas tout, il y a d'autres problèmes.
Tout d'abord, le pourcentage global des jeunes gens qui ont signalé
avoir été harcelés sexuellement n'est pas donné, de sorte qu'il est
difficile de comparer quoi que ce soit avec la proportion de 80 % indiquée
dans le cas des jeunes filles.
Deuxièmement, à la question: <.Avez-vous parfois peur d'être sexuellement
harcelé(e)s?», quelque 70 % des filles et 30 % des garçons ont répondu
«Oui». Entre un quart et un tiers des jeunes gens ont donc dit «Oui»
(qu'ils l'ont cette crainte). On ne peut pas dire qu'il s'agit là d'un
petit pourcentage. Mais ce qui est sans doute plus important, c'est
que cela rend indéfendable la position des auteurs qui est de minimiser
la gravité du problème pour les garçons sous prétexte que la prévalence
est plus élevée chez les filles.
Troisièmement, les auteurs émettent également des jugements qualitatifs
quant à l'impact sur les garçons, sans reconnaître que ces derniers
sont moins susceptibles de signaler les cas de harcèlement, plus portés
à minimiser tout impact négatif, plus disposés à réprimer toute expression
de crainte, et plus enclins à banaliser leur expérience dans la mesure
où la socialisation qui leur est propre leur enseigne à apprécier et
à considérer comme positives les «ouvertures sexuelles» venant de la
gent féminine. Il faut se demander si l'on pourrait se permettre de
ne pas douter des commentaires des jeunes femmes dans l'étude qui déclareraient
avoir perçu comme un compliment ou une taquinerie le harcèlement dont
elles ont fait l'objet.
Cette critique ne diminue en rien l'importante contribution du travail
ou des efforts incessants de ceux qui essaient de protéger les étudiants
du harcèlement. Il ne s'agit pas non plus d'une banalisation du fait
que, ordinairement, les filles éprouvent davantage la crainte, l'inconfort
et les conséquences émotionnelles du harcèlement. Le problème est plutôt
que les auteurs, dans leurs commentaires et interprétation des résultats,
renforcent de malheureux stéréotypes qui ne font que perpétuer le problème
du harcèlement sexuel entre étudiants, surtout lorsque l'une des parties
est de sexe masculin.
Du fait que la conscience publique ne fait tout juste que s'éveiller
au harcèlement sexuel, il n'est pas du tout inusité de rencontrer des
gens qui croient que les garçons ne peuvent pas être harcelés sexuellement
parce que, en tant que mâles, ils ont le «pouvoir». Certes, le harcèlement
sexuel est une question de pouvoir, mais une définition du «pouvoir»
exprimée en termes politiques ou économiques seulement serait trop étroite
pour être appliquée au quotidien des enfants et des adolescents. Elle
serait également trop restreinte si l'on supposait que seuls les mâles
ont le pouvoir en vertu de leur sexe. L'attirance physique, l'âge, la
popularité, et même la «personnalité» peuvent être des formes de «pouvoir
social». Par exemple, avec quel sérieux un administrateur scolaire ou
même des copains sont-ils susceptibles d'écouter un garçon boutonneux,
maigrichon ou de type «rat de bibliothèque» qui se plaindrait d'avoir
été sexuellement provoqué ou taquiné par une fille attirante et populaire?
Et que dire d'un cas où le garçon en question serait «plus jeune» ou
s'il s'agissait d'un étudiant appartenant à une minorité visible dont
la première langue n'est pas le français alors que l'étudiante serait
une blanche? Ou encore si l'étudiant venait d'un milieu religieux très
strict où l'on considère le moindre propos ou contact «sexuel» comme
non approprié et agressif? Vu de cet angle-là, le harcèlement sexuel
peut donc être perçu comme une atteinte à la dignité humaine fondamentale
et une violation des croyances religieuses ou des normes et valeurs
culturelles.
Viols et agressions sexuelles contre les hommes en prison
La forme d'agression sexuelle la plus négligée dans notre société a
pour victimes des hommes qui se font violer en prison. Les études sur
la prévalence des agressions sexuelles ne mentionnent jamais cette forme
de violence. En fait, on ne trouve aucune recherche qui documente les
agressions sexuelles infligées à des hommes adolescents et adultes dans
les prisons ou dans des établissements de garde fermée, bien que l'on
estime que cela soit courant. Il est facile d'ignorer le sort de ces
hommes à cause de leur statut « diminué » en tant que contrevenants;
même trop facile de manquer totalement de compassion pour eux - jusqu'à
ce que l'on se mette à réfléchir au fait que nombre d'entre eux sont
eux-mêmes des «rescapés» (anciennes victimes) de diverses formes de
mauvais traitements durant l'enfance.
Enfants maltraités physiquement et émotivement, et en carence de
soins
Les mauvais traitements sexuels infligés aux enfants et aux jeunes
ont été une dominante d'une bonne partie des activités de recherche,
des prises de position sociales, et de nombre de reportages dans les
médias au cours des dix dernières années sur les enfants maltraités,
en dépit du fait que ce phénomène ne compte que pour environ 14 % des
diverses formes de mauvais traitements signalés ou prouvés (NCCAN, 1994).
Aux É.-U., les enfants en carence de soins (négligés) comptent pour
49 % des cas de mauvais traitements, les enfants maltraités physiquement,
pour 23 % et émotivement, pour 5 %. La privation de soins médicaux,
elle, compte pour 3 %, les enfants autrement carencés, pour 9 %, et
les cas de négligence pour raisons inconnues constituent le reste. Cela
est particulièrement significatif lorsque l'on se rend compte que les
garçons, surtout dans les catégories d'âge plus jeunes, représentent
habituellement la majorité des victimes de mauvais traitements physiques
et émotionnels.
Dans l'étude ontarienne d'incidence des signalements d'enfance maltraitée
et en carence de soins, il a été constaté que les garçons étaient
sur-représentés dans la catégorie des mauvais traitements physiques.
Ils comptaient pour 59 % des enquêtes dans la catégorie d'âge 0-3 ans,
pour 56 % des 4-7 ans, pour 55 % des 8-11 ans, et pour 44 % des 12-15
ans. En ce qui concerne les victimes de mauvais traitements émotionnels,
les garçons comptaient pour 54 % de toutes les enquêtes. Les taux d'incidence
étaient à leur plus élevé pour les garçons de 4-7 ans (69 % ) et à leur
plus bas pour ceux de 8-11 ans (33 %). Pour ce qui est de la carence
de soins, les chiffres étaient passablement équivalents, sauf pour les
enfants de 8- 11 ans où les garçons représentaient 55 % des cas. Curieusement,
cette étude ne donne pas les taux comparatifs des cas où «il y a matière»,
entre garçons et filles, que l'on a trouvé être beaucoup moins élevés
pour les garçons, surtout dans les cas comportant des mauvais traitements
sexuels (Powers et Eckenrode, 1988). Rosenthal (1988) a constaté que
les garçons dans toutes les catégories d'âge étaient victimes de coups
et blessures beaucoup plus graves que les filles, les cas les plus extrêmes
se manifestant chez les garçons de moins de 12 ans.
L'étude ontarienne rapporte que les taux de mauvais traitements
physiques étaient légèrement plus élevés pour les filles de 12-15 ans
( 56 %) et affirme que les filles dans cette catégorie d'âge sont en
général «à plus haut risque» de mauvais traitements physiques que les
garçons. Des résultats analogues ont été signalés ailleurs (Johnson
et Showers, 1985; Russell et Trainor, 1984; et Walker et d'autres, 1988).
Néanmoins, ce que cette interprétation omet de prendre en ligne de compte,
c'est que les garçons sont moins susceptibles de signaler la conduite
abusive, qu'il est moins probable que celle-ci soit portée à l'attention
des autorités, et que les garçons sont plus enclins à se défendre du
fait qu'ils sont, en moyenne, plus grands à cet âge-là (Gelles, 1978;
Russell et Trainor, 1984).
Toutefois, il y a des indices qui suggèrent que les mauvais traitements
physiques infligés aux adolescents des deux sexes sont sous-signalés
(Garbarino, Schellenbech, et Sebes, 1986; Powers et Eckenrode, 1988;
Farber et Joseph, 1985; Pelcovitz et d'autres, 1984; et Libbey et Bybee,
1979).
Violence entre frères et/ou surs
Tout comme en ce qui a trait aux mauvais traitements sexuels, la violence
entre frères et soeurs du même sexe ou de sexe opposé pose un grave
problème du fait aussi qu'elle fait l'objet d'une sérieuse carence de
signalements (Steinmetz, 1977). Ce type de violence est ignorée par
les parents et elle est occultée par des expressions comme «interactions
un peu rudes mais normales», «rivalité entre frères et/ou soeurs», ou
«chicanes». Les garçons sont même parfois encouragés à se battre pour
«les endurcir» et les préparer à «la vraie vie».
Presque tous les enfants américains sont violents à l'égard de leurs
frères et soeurs (Straus et coll., 1980). Selon cette recherche, 83
% des garçons et 74 % des filles ont agressé un frère ou une soeur.
Cinquante-neuf pour cent des garçons et 46 % des filles ont attaqué
un frère ou une soeur avec des conséquences graves.
Bien qu'il s'agisse de la forme la plus ignorée de «violence familiale»,
la violence exercée par un frère ou une soeur a des conséquences significatives
pour les garçons et les jeunes gens. Selon Straus: ce type de violence
est plus fréquent qu'entre parents et enfants ou mari et femme; les
gars dans tous les groupes d'âge sont plus violents à l'égard d'un frère
ou d'une soeur que ne le sont les filles; et le niveau le plus élevé
de violence se manifeste lorsqu'un garçon n'a que des frères.
Châtiments corporels
La question des châtiments corporels a fait tout juste son apparition
dans le propos sur l'enfance maltraitée et nous commençons à être témoins
de remises en question de la justesse de certains articles du Code criminel
qui sanctionnent le recours aux châtiments corporels comme mesure disciplinaire
à l'égard des enfants. Ce qui inquiète, c'est que les châtiments corporels
font partie d'un continuum qui commence par des fessées et se termine
par des mauvais traitements physiques et des agressions. Il est parfois
très difficile d'évaluer à quel stade un parent ou tuteur a franchi
la ligne de démarcation. Quoi qu'il en soit, que le recours à la force
ait constitué une agression ou que l'intention ait été de nature disciplinaire,
les effets sur l'enfant sont nocifs (Yodanis, 1992; Vissing et coll.,
l991).
Les châtiments corporels sont particulièrement inquiétants dans le
cas des garçons. Au Canada, 70 % des victimes d'agressions non sexuelles
dans la catégorie des moins de 12 ans sont des garçons (Statistique
Canada, 1991). Il est évident que les garçons sont frappés plus souvent
que les filles (Bryan et Freed, 1982; Gilmartin, 1979; Knutson et Selner,
1994; Maccoby et Jacklin, 1974; Newson et Newson, 1989; et Wauchope
et Straus, 1992).
Des études publiées aux É.-U. montrent qu'entre 93 % et 95 % des jeunes
adultes signalent avoir fait l'objet de châtiments corporels durant
l'enfance ou l'adolescence (Bryan et Preed, 1982; Graziano et Namaste,
1990). Les enquêtes menées auprès des parents indiquent qu'environ 90
% des adultes ont recours à des châtiments corporels comme mesure disciplinaire
pour «corriger» leurs enfants (Wauchope et Straus, 1990; Straus, 1983).
Violence dans le cadre communautaire, scolaire et institutionnel
La violence dans le cadre communautaire et scolaire parmi les enfants
et les adolescents est un sujet qui a gagné de la notoriété dans les
médias et dans les milieux scolaires. Un article de journal récent rapportait
que des chercheurs à l'Université du New Hampshire qui utilisaient un
échantillon aléatoire d'enfants de 10 à 16 ans, ont trouvé qu'un garçon
sur 10 (10 %) aux É.-U. avait subi un traumatisme génital qui n'était
pas une agression sexuelle, soit ordinairement un coup de pied de la
part de quelqu'un du même âge (Globe & Mail, 1995). Le taux analogue
pour les filles était de 2 %. Ces mêmes chercheurs ont rapporté aussi
que 40% des auteurs de traumatismes étaient des filles. Les garçons
porteurs de lunettes ou vivant avec d'autres types de déficiences étaient
trois fois plus susceptibles de recevoir des coups. Un an après avoir
reçu un coup de pied, un garçon sur quatre souffrait encore de dépression
liée à l'incident.
En 1990, Statistique Canada avait fait une étude des modèles de victimologie
d'origine criminelle. On y a constaté que la catégorie la plus «à risque»
était celle des hommes, jeunes, célibataires, et vivant en milieu urbain.
Dans une étude portant sur un millier d'élèves du cours moyen en Ontario,
29 % des garçons de 6e année ont signalé avoir été battus dans l'enceinte
de l'école et 22 % auraient été victimes de vol, toujours à l'école,
par comparaison avec 19 % et 10 % respectivement pour les filles de
6e année. Dans cette même étude, on a constaté que, globalement, les
garçons et les filles étaient susceptibles, à proportions égales, d'être
victimes ou auteurs d'actes violents (Ryan, Mathews, et Banner, 1993).
Dans une étude à Calgary portant sur 962 élèves du cours moyen et du
secondaire, 47, 5 % des garçons et 26,6 % des filles ont signalé avoir
été giflés, avoir reçu un coup de poing ou un coup de pied, à l'école,
durant l'année écoulée (Smith et coll., 1995). Au Canada, la violence
exercée à l'école ou au sein de la communauté contre les jeunes gens
homosexuels représente un autre problème dont on discute rarement.
Aux É.-U., 72 % des victimes juvéniles d'homicides sont de sexe masculin.
Quarante pour cent des victimes juvéniles sont tuées par des membres
de la famille, principalement par l'un des parents. Dans le cas des
garçons, 53 % des victimes sont tuées par leur père, et dans le cas
des filles, un peu plus de la moitié (51 %) par leur mère (OJJDP, 1995).
On rapporte également dans cette étude le fait que les blancs de sexe
masculin comptent pour 83 % des suicidés de moins de 20 ans, et que
pour deux jeunes de 0- 19 ans assassinés aux É. -U. en 1991, un jeune
s'était suicidé.
Suicide
Le Canada a l'un des taux de suicide les plus élevés dans le monde
occidental. Un peu moins de 2 % de tous les décès au Canada sont des
suicides, et près de quatre fois plus d'hommes/garçons que de femmes/filles
se suicident annuellement. Les taux de suicide des jeunes ont appréciablement
augmenté depuis les années 1950, surtout parmi les jeunes gens de 16
à 24 ans (Santé Canada, 1994). Les adolescents homosexuels de sexe masculin
et les jeunes autochtones sont particulièrement à risque.
Jeunes de la rue
Dans divers pays en développement, le nombre des enfants de la rue
est estimé à entre 10 et 100 millions, en grande majorité des garçons
(Organisation mondiale de la santé, 1995). Au Canada, parmi les jeunes
de la rue les deux sexes semblent être également à risque face à la
violence physique, la plupart des auteurs de cette violence étant quelqu'un
que la jeune personne considérait être un(e) ami(e) ou une connaissance
de la rue (Janus et coll., 1995). Dans cette étude, les mauvais traitements
physiques étaient la raison la plus fréquemment avancée pour expliquer
le départ de ces jeunes de la maison. La conduite abusive était le plus
souvent le fait d'un parent biologique, et plus particulièrement de
la mère. Dans d'autres études portant sur les jeunes fugueurs, Powers
et Eckenrode (1987) ont constaté que les garçons constituaient42,3 %
des victimes de mauvais traitements physiques (filles, 57,7 %), 37,9
% des victimes de mauvais traitements émotionnels (filles, 62,1 %),
et 47,7 % des victimes de carence de soins (filles, 52,3 %). McCormack
et d'autres (1986) ont découvert que 73 % des fugueuses et 38 % des
fugueurs avaient été physiquement maltraités.
Prostitution
Les abus sexuels figurent souvent dans la victimologie des adolescents
et adolescentes qui s'adonnent à la prostitution (Mathews, 1989). Trente
pour cent des filles et 27,4 % des garçons qui se prostituent ont signalé
une expérience sexuelle incestueuse. Dès l'âge de 13 ans, 62,8 % des
filles et 77 % des gars indiquaient avoir eu des expériences sexuelles,
par comparaison avec des échantillons de la population générale de 1,7
% et de 5,4 % respectivement (Badgley, 1984). Bien entendu, ces chiffres
ne reflètent pas la réalité existentielle qui est que 100 % des garçons
et des filles de moins de 16 ans qui louent leurs corps à des adultes
sont, de fait, sexuellement exploités par leurs clients.
Jeunes souffrant de handicaps
Soixante-et-un pour cent des enfants et des adolescents qui ont des
problèmes de développement - désordres généralisés du développement
et arriération mentale, notamment - sont soumis à des mesures disciplinaires
corporelles très dures (Ammerman, 1994). Graham (1993) a constaté que
les garçons et les filles handicapés sont tout autant à risque en matière
d'exploitation sexuelle. Les adultes handicapés des deux sexes en institution
sont eux aussi physiquement maltraités en très grands nombres (Roeher
Institute, 1995; Sobsey et Varnhagen, 1988).
Réaction des professions aux victimes masculines un des déterminants
de la prévalence
L'une des difficultés pour essayer de comprendre le véritable taux
de prévalence de la victimologie masculine concerne la façon dont le
tableau actuel de la situation a été influencé par des facteurs relatifs
à la pratique professionnelle. Ici, nous devons jeter un coup d'oeil
sur la question des faibles taux de corroboration (justification des
allégations) des diverses formes de mauvais traitements, particulièrement
dans le cas des enfants plus jeunes. Les taux de corroboration sont
toujours plus élevés parmi les adolescents; il est nettement plus facile
de les interviewer et ils sont plus aptes à expliquer aux enquêteurs
ce qui leur est arrivé.
Cette problématique est encore plus aiguë dans le cas des victimes
masculines. Lorsque la victime est un garçon, on a tendance à ne pas
se rendre compte qu'il a tout autant besoin de soins et de soutien qu'une
fille (Watkins et Bentovim, 1992). On est également plus porté à les
blâmer pour ce qui leur est arrivé (Burgess, 1985; Broussard et coll.,
1988; Whatley et Riggio, 1993) et leurs agresseurs ne sont pas tenus
pour responsables au même degré (Burgess, 1985). Dans l'une des études
les plus troublantes, Pierce et Pierce (1985) ont constaté que les victimes
masculines, bien qu'ayant été assujetties à des types de mauvais traitement
plus «envahissants» et soumis à davantage de types d'actes sexuels
que les victimes féminines, avaient 5 fois moins de chances d'être
retirées de leur foyer.
Images de violence contre les garçons et les jeunes gens dans les
médias
Si l'on porte le regard au-delà des formes plus conventionnelles de
recherche et d'autres types d'information sur la violence et les mauvais
traitements, il n'est pas difficile de trouver des images dans les médias
qui semblent encourager l'agression contre les garçons et les hommes.
Il y a déjà belle lurette que les femmes ont sommé les médias de se
montrer responsables et de s'abstenir d'exploiter dans la publicité
et dans les émissions de divertissement des images de femmes qui seraient
nocives, sexistes et déshumanisantes. A leur tour, les hommes commencent
maintenant à exprimer leurs propres préoccupations.
La violence contre les hommes et les garçons est tellement banalisée
dans notre société qu'elle est devenue pour ainsi dire «invisible» aux
yeux de la plupart des gens, tout comme les images qui renforcent les
stéréotypes nocifs concernant les hommes et la virilité. Par exemple,
on attend des hommes qu'ils soient physiquement forts et capables, de
vrais «durs de durs», et ainsi on ridiculise dans les bandes dessinées,
dessins animés et films comiques le garçon ou l'homme petit de taille,
maigrichon ou trop sensible. Hélas, des tas de jeunes gens qui essaient
de s'imposer les impossibles normes que dictent les culturistes et autres
haltérophiles sont en train de se tuer lentement par l'usage de stéroïdes.
Notre insensibilité aux victimes masculines est flagrante dans les
images que véhiculent les médias, la publicité, les films comiques au
cinéma ou les comédies de situation à la télévision, et même les bandes
dessinées dans les journaux au Canada (Mathews, 1994). Il suffit de
regarder America's Funniest Home Videos pendant quelques semaines
pour observer les inévitables images qui se veulent «amusantes» d'un
jeune homme qui se fait mal aux testicules en faisant du sport, dans
une rencontre avec un animal agité ou un enfant particulièrement énergique,
ou à cause d'un quelconque autre accident. Une publicité pour une compagnie
américaine de restauration rapide montre l'un des personnages de la
comédie de situation Seinfeld recevant une rondelle de hockey
dans les testicules.
Des bandes dessinées à forte distribution - Fox Trot, For Better
or Worse et Nancy mettent en situation des filles qui s'attaquent
à des garçons de leur classe, ou des soeurs adolescentes qui s'en prennent
à leur frère: un coup de poing par ci, un coup de trique par là, ou
encore en lui brisant ses lunettes. D'autres bandes dessinées comme
Beetle Bailey et Andy Capp montrent régulièrement des violences
infligées à des hommes d'âge mûr.
Dernièrement, un film pour enfants, Tom et Huck, nous montrait
un garçon qui se faisait donner un coup de poing sur le visage par le
personnage féminin, Becky, alors que la même scène dans la version originale
du film et dans le livre dont est tirée l'histoire ne comportait pas
de violence. Un autre film récent, les Beverly Hillbillies, nous
montre une jeune femme (Elly-Mae) en train de lutter avec un camarade
de classe et de lui donner des coups de pied dans les testicules. Les
viols dans les prisons, les blessures aux testicules, l'exploitation
sexuelle des garçons par des femmes sous prétexte d'«initiation», ainsi
que d'autres comportements que l'on identifie facilement comme agression
physique ou sexuelle lorsque des filles/femmes en sont les victimes,
sont si régulièrement exploités sur le registre de l'«humour» qu'ils
sont devenus une sorte de norme dans les films de divertissement populaire
et comédies de situation (Mathews, 1994).
Chapitre 2
Agresseurs des garçons et des hommes
Conduite sexuelle abusive
La plupart des données qui ont déterminé notre perception de la conduite
sexuelle abusive nous viennent de rapports sur des études de cas, de
statistiques officielles sur la criminalité de constats de police et
de registres d'organismes d'aide à l'enfance. Lorsque l'on examine les
études de cas, il est évident que la majorité des agresseurs sexuels
qui s'en prennent à la fois aux filles, aux garçons, aux femmes et aux
adolescentes sont des contrevenants masculins hétérosexuels (DeJong
et coll., 1982; Ellerstein et Canavan, 1980; Faller, 1987; Parber et
coll., 1984; Reinhart, 1987; Showers et coll., 1983; Spencer et Dunklee,
1986). Ramsay-Klawsnik (199Oa) a constaté que les garçons sont victimisés
par des hommes adultes dans 33 % des cas et par des adolescents dans
12 % des cas. Le contrevenant est le père biologique dans 20 % des cas
selon Pierce et Pierce (1985), 7 % selon Ellerstein et Canavan (1980),
29 % selon Paller (1989), 14 % selon Spencer et Dunklee (1986), et 48
% selon Priedrich et d'autres. (1988). Le contrevenant est le conjoint
de la mère dans 28 % des cas selon Pierce et Pierce (1985). Bien qu'il
n'existe pas d'études sur les agressions sexuelles de même sexe ou les
«viols de rendez-vous» parmi les adolescents homosexuels masculins,
on dispose d'indices tirés d'une étude sur les hommes gais adultes qui
suggèrent que les agresseurs dans cette catégorie pourraient bien être
en majorité d'autres hommes gais ou bisexuels (Mezey et King, 1989;
Waterman, Dawson et Bologna, 1989).
Contrevenants adolescents
Les abus infligés à des victimes masculines par des adolescents sont
bien documentés dans les textes. Rogers et Terry (1984) ont constaté
que 56 % des victimes masculines ont été la cible de contrevenants adolescents,
comparé à 28 % des filles et des femmes. Longo et Groth (1983) ont constaté
que 19 % des auteurs d'inceste frère-soeur étaient de sexe féminin.
D'autres ont également documenté les taux élevés des abus infligés par
des adolescents à des victimes masculines (Ellerstein et Canavan, 1980;
Showers et coll., 1983; Spencer et Dunklee, 1986). Longo et Groth (1983)
ont constaté que les auteurs adolescents (81 %) etadolescentes (19 %)
dedélitssexuelsont jetéleurdévolusurunfrère (16 % et 5 % respectivement).
Dans la plupart des cas d'inceste frère-soeur, la victime était plus
jeune que le contrevenant (Pierce et Pierce, 1987). Il s'agit habituellement
de personnes qui ont une faible estime de soi, un profond sentiment
d'inadéquation et d'isolement, et on a affaire à des solitaires sans
maturité qui préfèrent la compagnie d'enfants plus jeunes (Groth et
Laredo, 1981; Shoor et coll., 1966).
Étrangers; connaissances
Les garçons semblent plus susceptibles que les filles d'être victimes
d'exploiteurs multiples (Paller, 1989; Pinkelhor, 1984; Rogers et Terry,
1984). Certaines recherches signalent qu'un garçon est plus susceptible
d'être la victime d'un étranger (Pinkelhor, 1979; Rogers et Terry, 1984).
Paller (1989) indique qu'enseignants, employé(e)s de garderie, chefs
scouts et membres du personnel de camps d'été sont responsables de 24
% des abus infligés aux garçons. Risin et Koss (1987) signalent que
les contrevenants sont des membres de la famille dans 22 % des cas;
des étrangers à 15 %; gardien(ne)s d'enfants à 23 %; voisins, enseignants
ou amis de la famille à 25 %, amis d'un frère ou d'une soeur à 9 %;
et des pairs de la victime dans moins de 6 % des cas seulement. Cependant,
il ressort dans l'ensemble que les garçons, comme les filles, sont plus
susceptibles d'être victimes d'une connaissance (Paller, 1989; Parber
et coll., 1984; Promuth et Burkhart, 1987,1989; Risin et Koss, 1987;
Rogers et Terry, 1984; Showers et colli., 1983; Spencer et Dunklee,
1986).
Les résultats des recherches sur les abus infligés à des garçons au
sein de la famille varient, avec des taux qui vont de 20 % à près de
90 % (Pierce et Pierce, 1985; Pinkelhor et al., l990). Selon d'autres
rapports, la majorité des abus sexuels vécus par des garçons sont extra-familiaux
(Farber et coll., 1984; Risin et Koss, 1987; Showers et coll., 1983).
Mais ordinairement, il semblerait bien que les garçons sont plus susceptibles
que les filles d'être exploités-agressés en dehors de la famille et
par des personnes sans lien de parenté avec eux.
Contrevenants féminins
Jusqu'à il y a à peine 10 ans, on croyait communément qu'une femme
ou fille ne pouvait même pas s'en prendre sexuellement à un enfant ou
à un jeune. Même certains professionnels actifs sur le terrain estimaient
que les femmes ne représentaient que 1 % à 3 % des contrevenants tout
au plus. Cependant, les résultats de recherches qui s'accumulent sur
les contrevenants sexuels féminins (adolescentes et adultes) commencent
à remettre en question nos croyances sur le sujet; en revanche, la perspective
ancienne et périmée reste encore extrêmement répandue chez la majorité
des gens.
Mais le pourcentage des femmes et adolescentes que l'on retrouve parmi
les contrevenants dans les rapports sur les études de cas est plutôt
restreint: 3 % à 10 % (Kendall-Tackett et Simon, 1987; McCarty, 1986;
Schultz et Jones, 1983;
Wasserman et Kappel, 1985). Pour les victimes masculines, le contrevenant
est féminin dans 1 % à 24 % des cas; pour les victimes féminines, dans
6 % à 17 % des cas (American Humane Association, 1981; Finkelhor et
Russell, 1984; et Finkelhor et coll., 1990). Dans l'étude ontarienne
d 'incidence des signalements d'enfance maltraitée et en carence de
soins, 10 % des enquêtes pour conduite sexuelle abusive impliquaient
un contrevenant féminin (Trocme, 1994). En revanche, dans six études
revues par Russell et Finkelhor, ce chiffre passe à 25 %. Ramsay-Klawsnik
( 1990) a constaté que des femmes adultes étaient responsables d'abus
infligés à une victime masculine dans 37 % des cas, et qu'il s'agissait
d'adolescentes dans 19 % des cas. Ces deux pourcentages sont plus élevés
que ceux que l'on signale dans la même étude pour les contrevenants
masculins, adultes ou adolescents.
Dynamique de la conduite sexuelle abusive des femmes
Une recherche a rapporté que les contrevenants féminins, comparés aux
hommes, commettent des abus sexuels moins nombreux et des actes moins
«envahissants». Alors que les agresseurs masculins sont plus susceptibles
de sodomiser leurs victimes et de leur imposer un contact oral-génital,
les contrevenants féminins sont plus portés à avoir recours à des objets
durant l'acte (Kaufman et coll., 1995). Cette étude a également signalé
que l'on ne trouvait pas de différences de fréquence en termes de pénétration
vaginale, attouchements par la victime ou l'agresseur, frottements génitaux
sans pénétration, ou contacts avec la bouche de la part de l'agresseur.
Les femmes seraient plus portées à la coercition verbale que physique.
Les types d'abus les plus communément signalés dans le cas des contrevenants
féminins comportent: pénétration vaginale, sexe oral, attouchements,
et actes sexuels de groupe (Faller, 1987; Hunter et coll., 1993). Toutefois,
les femmes s'adonnent également à la masturbation mutuelle et à des
actes sexuels de type oral, anal et génital; elles montrent à des enfants
des images pornographiques et elles jouent à des jeux sexuels (Johnson,
1989; Knopp et Lackey, 1987). La recherche suggère que, dans l'ensemble,
les contrevenants féminins et masculins commettent essentiellement les
mêmes actes et suivent en majorité les mêmes modèles de conduite abusive
à l'encontre de leurs victimes. En outre, ils n'ont pas tendance à être
bien différents en termes de leur relation avec la victime (la plupart
étant apparentés) ou du lieu où se déroule l'acte (Allen, 1991; Kaufman
et coll., 1995).
Il est intéressant de noter dans l'étude de Kaufman et coll. (1995)
que 8 % de ces femmes étaient des enseignantes et 23 % des gardiennes
d'enfants; les contrevenants masculins assumant ce type de fonctions
dans 0 % et 8 % des cas respectivement. Finkelhor et coll. ( 1988) signalent
aussi des taux nettement plus élevés d'exploitation sexuelle d'enfants
par des femmes dans un cadre de garderie ou de garde d'enfants. Ce constat
ne devrait pas surprendre puisque la majorité des employés de garderie
sont des femmes.
La recherche sur les contrevenants sexuels féminins a permis de constater
que nombre de ces adolescentes ou adultes ont une faible estime de soi,
un comportement anti-social, des aptitudes sociales inadéquates, de
la difficulté à se contrôler, elles craignent le rejet, et elles souffrent
de passivité, de promiscuité, de problèmes de santé mentale, d'un désordre
consécutif à un stress post-traumatique et de très brusques sautes d'humeur
(Hunter et coll., 1993; Mathews, Matthews et Speltz, 1989). Néanmoins,
comme dans le cas des contrevenants masculins, la recherche ne permet
pas d'établir que ce soient des femmes psychotiques ou fortement perturbées
qui prédominent dans cette catégorie (Faller, 1987).
Il y a toutefois des indices qui suggèrent que les femmes seraient
plus portées à agir de concert avec un autre contrevenant, ordinairement
un homme, bien que les études affichent sur ce point un écart de l'ordre
de 25 % à 77 % (Faller, 1987; Kaufman et coll., 1995; McCarty, 1986).
Cependant, Mayer (1992), dans un examen des données sur 17 adolescentes
ayant commis des délits sexuels, a constaté que deux d'entre elles seulement
avaient agi de concert avec un homme. Elle a également observé que les
jeunes femmes dans cette étude connaissaient leurs victimes et qu'aucune
d'entre elles n'avait eu à souffrir des conséquences judiciaires de
ses actes.
Les études sur les auto-signalements offrent un tableau très différent
des délits sexuels et gonflent considérablement le nombre des contrevenants
féminins. Dans une étude rétrospective des victimes masculines, 60 %
rapportent avoir été exploitées par une femme (Johnson et Shrier, 1987).
On retrouve le même taux dans un échantillon d'étudiants universitaires
(Fritz et coll.,1981). Dans d'autres études sur des universitaires masculins,
on a noté des taux de délinquance féminine allant jusqu'à72 %-82 % (FromuthetBurkhart,
1987, 1989; Seidner et Calhoun, 1984). Bell et coll. (1981) ont constaté
que 27 % des victimes masculines avaient été ciblées par des contrevenants
féminins. Dans certaines des études de ce type, les contrevenants féminins
représentent jusqu'à 50 % du total (Risin et Koss, 1987). Knopp et Lackey
(1987) ont constaté que 51 % des victimes des contrevenants féminins
étaient de sexe masculin. Il est évident que les études de signalement
de cas livrent des données de prévalence très différentes de celles
des auto-signalements. Ces écarts extraordinaires nous alertent à la
nécessité de commencer à remettre en question toutes nos idées reçues
concernant les contrevenants et les victimes en matière d'enfance maltraitée.
Finalement, dans les antécédents des violeurs, des contrevenants sexuels
et des hommes sexuellement agressifs, il y a des taux alarmants d'exploitation
sexuelle par des femmes: 59 % (Petrovich et Templer, 1984), 66 % (Groth,
1979) et80 % (Brière et Smiljanich, 1993). Il est impératif d'identifier
les contrevenants féminins comme on peut le constater à la Table 4 qui
présente les résultats d'une étude de O'Brien (1989) sur les contrevenants
sexuels adolescents des deux sexes. Ceux de sexe masculin qui avaient
précédemment été exploités par une personne de sexe «féminin seulement»
ont presque exclusivement choisi des victimes féminines.
Table 4
Sexe de la victime selon le sexe de l'agresseur du contrevenant
Sexe de l'agresseur du contrevenant |
Sexe de la victime Masculin ou masculin
et féminin |
Féminin seulement |
Masculin seulement |
67,5% |
32,5% |
Féminin seulement |
6,7% |
93,3% |
Berkowitz (1993), dans une étude sur les victimes sexuelles masculines
en thérapie de groupe à Winnipeg, a obtenu les résultats suivants:
Table 5
Sexe des exploiteurs de victimes masculines en thérapie de groupe
Sexe des exploiteurs |
Nbre |
% |
Délits au sein de la famille (Nbre = 54)
Contrevenant masculin
|
54 |
100,0 |
Contrevenant féminin |
39 |
72,2 |
Délits en dehors de la famille (Nbre = 55)
Homme adulte
|
50 |
90,9 |
Femme adulte |
30 |
54,5 |
Adolescent |
39 |
70,9 |
Adolescente |
24 |
43,6 |
Mauvais traitements et carence de soins
Dans l'étude ontarienne d'incidence, 41 % des enquêtes sur l'enfance
maltraitée portaient sur la conduite brutale, en comparaison de 24 %
pour inconduite sexuelle, 30 % pour carence de soins, 10 % pour carence
émotive ou cruauté mentale, et 2 % pour autres formes de mauvais traitements.
Dans 12 % des enquêtes, on soupçonne deux formes ou plus de mauvais
traitements. Dans 27 % des cas, il y avait eu corroboration; dans 30
%, des soupçons; et dans 42 %, pas de corroboration. Dans 49 % des enquêtes,
la victime présumée était un garçon, tout comme dans 35 % des cas où
il y avait soupçon d'inconduite sexuelle (Trocme, 1994). En Ontario,
34 % des enquêtes portaient sur des enfants vivant avec les deux parents
biologiques, 19 % avec un parent biologique et un parent par remariage,
36 % avec une mère célibataire, et 6 % avec un père célibataire. L'aide
sociale était la principale source de revenus du ménage dans 38 % des
cas. Au moins 17 % des personnes vivaient dans un logement subventionné.
Aux É.-U., les chiffres fournis par l'American Association for the
Protection of Children (1985) révèlent que la majorité des mauvais traitements
physiques et que la plupart des coups et blessures infligés à des enfants
étaient attribuables à des femmes. D'autres recherches livrent des indices
qui suggèrent que les mères représentent la majorité des contrevenants
en matière d'enfance maltraitée et carence de soins (Johnson et Showers,
1985; Rosenthal, 1988). Archambault et coll. (1989) ont constaté que
les mères sont les principaux contrevenants aussi bien dans le cas des
fugueurs que des fugueuses, victimes de mauvais traitements physiques.
Il ressort donc que de nombreux enfants maltraités et en carence de
soins se retrouvent dans des familles dirigées par une mère célibataire
et vivant dans un milieu à stress élevé. Poussées à bout, ces mères
frustrées s'en prennent à leurs enfants. Certaines d'entre elles sont
également victimes de violence conjugale, ont été maltraittées comme
enfants, ou subissent un certain nombre de facteurs courants et chroniques
de stress. Les mères demeurent la principale source de soins aux enfants
et elles passent plus de temps avec eux; il n'est donc pas surprenant
qu'elles apparaissent en plus grand nombre dans les statistiques sur
l'enfance maltraitée et carencée.
Bien que plus de femmes que d'hommes soient responsables de mauvais
traitements physiques et de carence de soins aux enfants, on dispose
de certains indices qui montrent que les hommes infligeraient des coups
et blessures plus graves à leurs victimes, surtout masculines (Rosenthal,
1988). En outre, les pères sont deux fois plus susceptibles que les
mères d'être responsables lorsqu'il y a mort d'enfant (Jason et Andrek,
1983). Dans d'autres études, on n'a pas trouvé de différence entre les
sexes dans les familles à deux parents quant à la gravité des mauvais
traitements ou en termes de mort d'enfant (Gelles, 1989; Greenland,
1987). Cependant, les femmes étant encore la principale source de soins
aux enfants, l'impact émotif des mauvais traitements infligés par la
mère, quelle que soit leur forme, pourrait être plus grand que celui
des agissements d'un père.
Le fait que les coups donnés par le père ont des conséquences physiques
plus graves est sans doute attribuable à la force plus considérable
des hommes en général, mais aussi aux effets anti-inhibitifs de l'alcool
et, dans une moindre mesure, des drogues, qui entrent massivement en
ligne de compte dans les cas d'enfants et de jeunes maltraités par les
parents (Cavaiola et Schiff, 1988). Les mauvais traitements d'enfants,
dans toutes leurs formes, voient l'intervention d'éléments comme l'excès
de boisson, l'abus de drogue, les problèmes de santé mentale et la violence
interparentale en tant que facteurs de risque chez les parents, mais
surtout en matière de mauvais traitements physiques et de carence de
soins (Trocme, 1995).
Le stade où commencent les mauvais traitements est susceptible d'avoir
un certain impact sur leur évolution, leur durée et leurs conséquences,
même si l'on n'a toujours pas suffisamment de résultats de recherche
pour pouvoir «cartographier» un cheminement et des séquelles prévisibles.
En général, l'évolution des mauvais traitements suivra l'un des trois
cheminements suivants: commencent durant l'enfance et se terminent lorsque
l'enfant atteint l'adolescence; commencent durant l'enfance et se poursuivent
durant l'adolescence; commencent durant l'adolescence (Lourie, 1979).
La durée peut s'étendre d'un mois à plus de 15 ans. La durée moyenne
est d'environ cinq ans (Farber et Joseph, 1985).
Châtiments corporels
Les châtiments corporels infligés par des parents, enseignants, responsables
de garde de jour, ou divers professionnels en milieu institutionnel,
passent essentiellement inaperçus ou ne sont pas considérés comme des
mauvais traitements du fait que l'on estime qu'ils font partie des fonctions
acceptables de l'adulte dans le rôle de parent, de substitut de parent
ou de responsable des soins de l'enfant. Cela est en partie attribuable
aux normes culturelles répandues dans la société nord-américaine qui
sanctionnent le recours à la force comme outil disciplinaire pour corriger
les enfants et les jeunes, et à une vision d'un «monde juste» en vertu
de laquelle les enfants qui se conduisent mal, sont difficiles à contrôler
ou mettent les adultes dans tous leurs états, méritent bien la fessée.
Mais cela est aussi dû au fait que cette forme de mauvais traitements
n'est portée à l'attention des autorités que lorsqu'elle prend une tournure
grave. Comme dans le cas des mauvais traitements entre conjoints, nous
avons historiquement considéré ces incidents de violence au sein de
la famille comme une préoccupation «domestique» ou une question familiale
strictement privée, même si d'importantes étapes ont été franchies pour
modifier cette perception au Canada. Néanmoins, nous n'avons pas encore
appris que les enfants méritent le même type de compassion et le même
souci dont on a enfin reconnu la légitimité dans le cas des épouses.
Presque tous les parents américains souscrivent aux châtiments corporels
et y ont régulièrement recours, aussi bien avec les tout petits qu'avec
les moins jeunes et les adolescents, bien que l'usage tende à diminuer
avec l'âge. Cependant, il semble que les garçons soient plus souvent
la cible des châtiments corporels que les filles. Plus de fils signalent
avoir été frappés par les parents, et plus de parents admettent avoir
frappé un fils qu'une fille (Straus, 1994). Dans la même étude, les
fils indiquent qu'ils sont tout aussi susceptibles d'être frappés par
les deux parents, alors que les filles adolescentes sont plus susceptibles
d'un tiers d'être frappées par la mère. Le modèle le plus fréquent concerne
les mères qui frappent des fils adolescents, et le moins fréquent est
celui des pères qui frappent leurs filles. Les deux tiers des mères
qui ont des bambins les frappent trois fois par semaine ou plus. D'autres
études ont également constaté des taux plus élevés pour les mères qui
frappent des enfants adolescents (Wauchope et Straus, 1990).
Lorsqu'un/une adolescent(e) est frappé(e), c'est ordinairement les
deux parents qui s'y mettent, surtout s'il s'agit d'un garçon. Quand
un fils est frappé, c'est le père qui inflige les coups dans 23 % des
occurrences, la mère dans 23 %, et les deux parents dans 53 % des cas.
Lorsqu'une fille reçoit des coups, c'est le père qui frappe dans 20
% des occurrences, la mère dans 39 %, et les deux parents dans 41 %
des cas. Le taux le plus élevé des coups portés contre des adolescents
se manifeste dans des familles de la classe moyenne (Straus, 1994).
Plusieurs théories résumées par Straus (1994) avancent des explications
pour essayer de savoir pourquoi les garçons sont frappés et punis plus
souvent que les filles: conduite plus souvent détestable; encouragés
à être plus actifs (subtile invitation à mal se conduire?); ferait partie
de leur préparation à un futur rôle de pourvoyeur et protecteur; servirait
à les endurcir. Le sexe du parent qui administre le châtiment corporel
est lui aussi susceptible d'influencer nos perceptions. A cause de nos
stéréotypes sur la femme «nourricière naturelle», nous sommes moins
portés à attribuer une intention malicieuse aux mères et autres femmes.
On aurait plutôt tendance à considérer que lorsqu'une femme a recours
à la force physique ou aux châtiments corporels, c'est qu'elle est poussée
à bout. On est donc tout aussi porté à ne pas trop s'attarder (préoccupation
passagère) sur les cas où une femme aura recours à la force physique
ou à des châtiments corporels à l'encontre d'un grand garçon ou d'un
adolescent dont elle a la charge. Néanmoins, les théories qui expliquent
le recours à la violence de la mère contre des enfants et des adolescents
uniquement en termes de stress omettent de recevoir et d'intégrer les
problématiques à spécificité sexuelle, alors qu'elles ont des conséquences
particulières sur les victimes masculines.
On estime généralement que le stress parental attribuable à la pauvreté
ou la modestie du statut socio-économique (SSE) contribue à la situation
des enfants «à risque». Toutefois, la recherche n'est pas concluante.
L'examen de la documentation sur les châtiments corporels qu'a fait
Erlanger n'a révélé aucune corrélation particulière entre le recours
aux châtiments corporels et le SSE. D'autres ont conclu à des taux plus
élevés pour les familles à revenu moins élevé (Bryan et Preed, 1982;
Stark et McEvoy, 1970). Une étude a constaté que les taux de châtiments
corporels sont à leur plus élevé dans les familles de classe moyenne
(Straus, 1994). Cette même étude a également révélé qu'alors que moins
de parents adolescents de SSE modeste frappent leurs enfants, ceux qui
le font les frappent plus souvent.
Croyances personnelles, expérience de vie, imputation de motifs, et
apprentissage social semblent tous jouer un rôle dans la prévisibilité
du recours aux châtiments corporels. Les parents convaincus que frapper
un enfant ne constitue pas une agression et que cela sert à le corriger;
ceux qui imputent la mauvaise conduite à de la préméditation ou à un
désir de provocation; qui attribuent le comportement à des caractéristiques
personnelles de l'enfant, qu'il leur appartient de réprimer; qui observent
un partenaire qui a recours à la force ou, au contraire, qui se sentent
totalement démunis, sont les plus susceptibles d'appliquer des châtiments
corporels ou d'abuser de leur force (Bugental et coll., 1989; Dibble
et Straus, 1990; Dietrich et coll., 1990; Dix et Grusec, 1985; Fry,
1993; Institut pour la prévention de l'enfance maltraitée, l 990; et
Walters, 1991). Plus les parents croient dans les châtiments corporels,
plus ils sont susceptibles d'y avoir recours, et plus la probabilité
est grande qu'ils le feront durement (Moore et Straus, 1987).
Chapitre 3
Effets sur les victimes masculines
La majorité des textes sur les effets des sévices ont été consacrés
aux victimes féminines et ont par conséquent tendance à refléter une
perspective centrée sur elles. Pour reprendre les paroles de Fran Sepler,
nous assistons à une «féminisation de la victimologie» ( 1990). Mais
il ne faut pas croire que ces textes ne peuvent pas s'appliquer aux
victimes masculines. Il y a probablement plus d'analogies que de différences
entre victimes masculines et féminines.
Il est classique, dans les discussions sur la victimologie, que surgissent
des questions cherchant à établir lequel des sexes souffre davantage
de l'impact des mauvais traitements. Watkins et Bentovim (1992), dans
un survol de la documentation sur le sujet, n'ont pas été en mesure
d'établir clairement qui, des victimes masculines ou féminines, souffrait
le plus de leur vécu en termes de victimologie. Toutefois, la question
elle-même est vaine étant donné l'énorme éventail des caractéristiques
qui distinguent différentes personnes au plan de leur souplesse d'adaptation,
leur capacité à faire face, leurs ressources personnelles, la disponibilité
de supports sociaux, et les différences individuelles, pour ne nommer
que ces quelques traits.
Un problème qui surgit lorsque l'on essaie d'évaluer l'impact des mauvais
traitements sur des personnes d'un sexe ou de l'autre concerne le tri
à faire entre conséquences immédiates ou réactions à court terme, d'une
part, et celles qui sont susceptibles d'être durables. Un autre problème
réside dans la difficulté à évaluer l'impact sur les enfants et les
jeunes qui ont connu deux types ou plus de mauvais traitements. Par
ailleurs, les personnes, les milieux familiaux, et les contextes culturels
et de développement sont très différents l'un de l'autre, tout comme
certains autres facteurs - l'état de santé mentale et physique avant
les mauvais traitements, ou encore le fonctionnement intellectuel ou
cognitif. D'autres éléments compliquent la situation comme le fait que
la plupart des recherches récentes sur les impacts ont été faites sur
des victimes et des rescapés de mauvais traitements sexuels. Par conséquent,
il est difficile d'affirmer quoi que ce soit de portée générale sur
les impacts, qui puisse s'appliquer à toutes les victimes, même dans
des cas de mauvais traitements analogues.
Conduite sexuelle abusive
De nombreux facteurs ont été cités comme éléments qui contribuent à
une situation durable ou délétère: durée et fréquence des mauvais traitements,
pénétration, recours à la force, contrevenants qui sont des membres
de la famille ou des proches, absence de soutien après la divulgation,
pressions pour se rétracter, multiples autres problèmes dans la famille,
et le jeune âge de la victime (Browne et Pinkelhor, 1986; Conte et Schuerman,
1987; Pinkelhor, 1979; Priedrich et d'autres, 1986; Russell et Finkelhor,
1984; Tsai et d'autres, 1979). Dans le cas des victimes masculines,
il y a la dimension supplémentaire de ne pas pouvoir divulguer la conduite
abusive de crainte d'être traité de «gai», de faiblard, ou de menteur
qui peut amplifier les effets des autres facteurs. Même lorsque la victime
masculine choisit la voie de la divulgation, elle dispose de peu de
supports et de services, et il n'y a pas beaucoup de professionnels
dotés des compétences et du savoir voulus pour lui apporter une aide
efficace.
On considère généralement que les victimes masculines sont plus susceptibles
que leurs contreparties féminines d'«extérioriser leurs sentiments»
en réaction à ce qu'ils ont vécu. Il se développe chez ces garçons des
comportements sociaux problématiques: contravention aux moeurs sexuelles,
agressions, désordres de conduite, ou délinquance; et ils semblent plus
portés à adopter des comportements qui sont au détriment de leur santé
comme fumer, s'adonner à la drogue, fuguer, ou avoir des problèmes scolaires
menant à l'expulsion (Bolton, 1989; Priedrich et coll., 1988; Kohan
et coll., 1987; Rogers et Terry, 1984).
On estime que les filles, généralement, réagissent en intériorisant
leur réaction au niveau de leur «être intime» et qu'elles développent
davantage de problèmes émotionnels, souffrent de désordres somatiques
et de sautes d'humeur, adoptent des comportements autodestructeurs,
et deviennent vulnérables à de nouvelles agressions. Bien que cette
perspective ne soit pas dénuée de fondement, elle conforte les stéréotypes
des rôles sexuels et ne cadre pas avec la recherche actuelle relativement
à l'impact des mauvais traitements sur les garçons. En général, les
victimes masculines sont tout aussi susceptibles que les autres de connaître
la dépression, sauf qu'on ne leur donne pas beaucoup la «permission»
d'en afficher les manifestations. On attend des garçons qu'ils soient
stoïques et qu'ils sachent s'en sortir «comme des hommes».
Habituellement, les hommes ne discutent pas de leurs sentiments ni
ne se tournent vers de s thérapeutes pour obtenir de l'aide et, par
conséquent, ils ne sont pas susceptibles de figurer dans les statistiques
sur la dépression. Étant donné que les garçons n'ont pas vraiment la
permission de discuter de leurs sentiments, la dépression chez les mâles
peut prendre des allures de bravade, d'agression, ou de besoin d'agir
dans une tentative de surcompensation face à des sentiments d'impuissance.
Les victimes masculines en dépression sont également susceptibles de
se fondre dans d'autres statistiques: suicides, accoutumances, et accidents
mortels inexpliqués au volant. Si les victimes masculines sont effectivement
plus portées à adopter des comportements d'extériorisation par les actes,
ce pourrait être tout simplement le résultat du fait que nous ne leur
permettons pas d'être vulnérables ou même d'avoir été des victimes.
En réalité, les textes documentent une énorme foule d'indices de perturbation
émotionnelle chez les victimes masculines: anxiété, faible estime de
soi, sentiment de culpabilité et de honte, fortes réactions d'appréhension,
dépression, stress post-traumatique, retrait et isolement, rappel d'images,
désordres de la personnalité multiple, anesthésie émotionnelle, colère
et agressivité, hyper - vigilance , passivité , et un besoin anxieux
de faire plaisir aux autres (Adams-Tucker, 1981; Blanchard, 1986; Brière,
1989; Brière et coll., 1988; Burgess et coll., 1981; Conte et Schuerman,
1987; Rogers et Terry, 1984; Sebold, 1987; Summit, 1983; Vander Mey,
1988). Par comparaison avec les hommes qui n'ont pas été maltraités,
les anciennes victimes masculines de mauvais traitements sexuels connais
sent à l'âge adulte une plus forte proportion de problèmes psychiatriques
- dépression, anxiété, dissociation, tendance au suicide et désordres
du sommeil (Brière et coll., 1988).
On a découvert dans les antécédents d'un grand nombre d'hommes incarcérés
dans les prisons fédérales qu'ils avaient été victimes de conduite sexuelle
abusive durant l'enfance (Diamond et Phelps, 1990; Spatz-Widom, 1989;
Condy et coll., 1987). Du fait que les garçons sont plus susceptibles
d'être agressés physiquement et sexuellement à la fois, il se pourrait
qu'ils soient plus conditionnés à amalgamer sexe, violence et agression
comme éléments inséparables. Cela pourrait nous servir d'indice pour
expliquer pourquoi les victimes masculines semblent exploiter ou agresser
sexuellement autrui plus souvent que ne le font les anciennes victimes
féminines, pourquoi leur colère et leur frustration paraissent davantage
orientées sur autrui que dans le cas des filles, pourquoi les garçons
semblent se créer un site externe de contrôle plus ferme, et pourquoi
ils affichent une sensibilité amoindrie à l'impact sur leurs victimes
des sévices qu'ils leur infligent.
Cependant, l'exploitation sexuelle n'est que l'une des conséquences
possibles pour les anciennes victimes masculines. La plupart ne deviennent
pas des contrevenants sexuels (Becker, 1988; Condy et coll., 1987; Freeman-Longo,
1986; Friedrich et coll., 1987; Friedrich et Luecke, 1988; Groth, 1977;
Kohan et coll., 1987; Petrovich et Templer, 1984). Certains deviennent
«sexualisés»: se masturbent plus souvent, sont obsédés par des pensées
sexuelles ou utilisent fréquemment un langage sexuel. D'autres développent
des fétiches (Friedrich et coll., l 987; Kohan et coll., l 987).
Les victimes masculines connaissent un certain nombre de symptômes
physiques analogues à ceux des femmes. Les plus courants sont: perturbation
du sommeil, désordres alimentaires, automutilation, pratiques sexuelles
dangereuses, cauchemars, agoraphobie, énurésie et encoprésie, anxiété
très élevée et phobies de tous genres (Adams-Tucker, 1981; Burgess et
coll., 1981; Dixon et coll., 1978; Hunter, 1990; Langsley et coll.,
1968; Spencer et Dunklee, 1986). Les victimes masculines souffrent également
de problèmes psychosomatiques normalement associés à un mode de vie
comportant des niveaux élevés de stress durable ou chronique, ils attrapent
des maladies transmises sexuellement, se blessent par suite d'attouchements
rudes, de pénétration ou d'insertion d'objets, ou, dans les cas extrêmes,
se font tuer. Chez les garçons d'âge préscolaire et chez les tout petits,
on a observé: absence d'épanouissement, masturbation précoce et compulsive,
hyperactivité, comportement sexuel avec les animaux de compagnie, attouchements
sexuels sur d'autres enfants avec qui ils reproduisent ce qui leur a
été infligé, et régression au niveau de la parole ou des compétences
linguistiques (Hewitt, 1990).
La victimisation sexuelle du jeune mâle produit une incapacité à s'imposer
des limites personnelles, un sentiment de désespoir, et une propension
à divers types de comportements insouciants ou autodestructeurs comme
l'intimité sexuelle avec des partenaires à haut risque. Il n'est donc
pas surprenant de découvrir que 42 % des séropositifs sont d'anciennes
victimes sexuelles (Allers et Benjack, 1991; Allers et coll., 1993).
Johnson et Shrier (1987) ont constaté que les garçons qui avaient été
molestés par de s hommes étaient plus susceptibles que ceux qui avaient
été molestés par des femmes de se percevoir comme «gais», donc dotés
d'un statut dévalorisé dans la société nord-américaine. Mais dans cette
même étude, d'autres garçons, qui avaient été la cible d'une femme,
affichaient des symptômes nettement plus graves, peut-être comme conséquence
d'un renversement des rôles sexuels stéréotypés, élevant la femme à
un rôle plus puissant.
Parmi les raisons qui font que la victime sexuelle masculine risque
d'être meurtrie davantage, il y a le fait que sa victimisation remet
en question dans son esprit l'intégrité globale de son identité sexuelle
et personnelle «en tant qu'homme»; en effet, elle est plus susceptible
de souffrir de confusion sur ce plan (Johnson et Shrier, 1987; Rogers
et Terry, 1984; Sebold, 1987). L'anatomie masculine joue sans doute
un rôle clé dans la formation de cette perception. Du fait que les parties
génitales masculines sont externes, l'excitation en réponse à une stimulation
directe est plus évidente. Avoir eu une érection, ressenti du plaisir
ou connu un orgasme sont des «indices d'homosexualité» dans l'esprit
de la victime masculine. Cela renforce également la croyance erronée
du garçon qu'il était responsable d'une manière ou d'une autre de sa
victimisation puisqu'il en a tiré un plaisir «flagrant». Contrairement
à la croyance populaire, un garçon peut avoir une érection et arriver
à l'orgasme, même lorsqu'il a peur.
Nombre de victimes masculines connaissent des difficultés dans leurs
relations intimes par suite de leur expérience. Ces hommes ont peu ou
pas du tout d'amis proches, sont portés à la promiscuité, ont de la
difficulté à demeurer fidèles à leurs partenaires, s'attachent rarement
à des gens et se retrouvent souvent dans des relations à court terme,
abusives et dysfonctionnelles. Nombreux sont ceux qui ne connais sent
que très peu de relations sexuelle s satisfaisantes au plan de s émotions
ou physiquement, et parfois ils évitent complètement le sexe. D'autres
deviennent sexuellement compulsifs, développent des dysfonctions sexuelles,
ou s'adonnent à la prostitution (Coombs, 1974; Dimock, 1988; Promuth
et Burkhart, 1989; Johnson et Shrier, 1987; Krug, 1989; Lew, 1986; Sarrel
et Masters, 1982; Steele et Alexander, 1981; Urquiza, 1993).
Mauvais traitements physiques, châtiments corporels et carence de
soins
Il semble y avoir une certaine vérité à la notion que la violence engendre
la violence. Les enfants qui ont des antécédents de mauvais traitements
physiques et de châtiments corporels sont plus agressifs, moins capables
de se contrôler dans leur conduite, affichent des taux plus élevés de
criminalité et de violence une fois adultes, et sont plus susceptibles
de maltraiter leurs frères ou soeurs ou d'attaquer leurs parents (Bandura
et Walters, 1959; Bryan et Freed, 1982; Eron, 1982; Hirschi, 1969; Sears
et coll., 1957; Straus et coll., 1980; Welsh, 1978; Widom, 1989). Hommes
et femmes qui ont subi des châtiments corporels sont aussi plus susceptibles
de maltraiter leurs partenaires ou conjoints (Straus, 1991). Les plus
forts indicateurs de criminalité et délinquance futures sont les suivants:
être frappé une fois par semaine ou plus à l'âge de 11 ans; et avoir
une mère, à cet âge-là, qui croit fermement dans les châtiments corporels
(Newson et Newson, 1990).
Il y a des indices qui permettent de croire que les adultes qui ont
été frappés en tant qu'adolescents s ont plus susceptibles de connaître
la dépression ou d'avoir une fixation sur le suicide que les autres,
indépendamment du sexe, du statut socio-économique, de problèmes de
boisson, de violence conjugale, ou du fait d'avoir été témoin ou non
durant l'enfance de scènes de violence entre les parents. A vrai dire,
plus on a été frappé, plus la dépression en sera l'une des conséquences
probables (Straus, 1994).
Straus avance quatre conséquences éventuelles des châtiments corporels.
Sur le plan immédiat, cela mène à une escalade - où un enfant
qui résiste oblige le parent à appliquer de plus en plus de force, ce
qui pourrait causer des blessures graves. Au plan du développement,
plus on a recours à des châtiments corporels, plus souvent il faudra
le faire car l'enfant sera moins susceptible de développer des contrôles
intériorisés dans son comportement. Au plan macro-culturel, les
châtiments corporels créent une société qui approuve la violence comme
forme de punition. Au plan inter-générations, cela accroît les
risques que l'enfant, devenu adulte, approuve la violence interpersonnelle,
se retrouve dans un mariage caractérisé par la violence, et connaisse
la dépression.
Il est difficile d'évaluer l'impact de la carence de soins étant donné
que ses effets sont susceptibles d'être inséparables de problèmes reliés
à un mode d'existence aux caractéristiques suivantes, notamment: environnement
domiciliaire dangereux ou très stressé; quartier ou localité peu sûrs;
pauvreté; compétences parentales inadéquates; parents ayant des problèmes
de santé mentale; criminalité parentale ou abus des substances et accoutumance;
et violence interparentale. Là, les effets sont susceptibles d'être
analogues pour les victimes masculines et féminines. On peut également
s'attendre à des problèmes de santé reliés à une absence d'épanouissement
sans raisons organiques, des caries dentaires, la malnutrition, l'anémie,
et de faibles niveaux de protection immunitaire.
La «licence des moeurs sexuelles des mâles» et ses conséquences
Habituellement, hommes et garçons ont davantage la permission d'agir
comme des êtres sexuels dans notre société. Cela fait des siècles que
l'on applique une norme différentielle de moralité selon le sexe. Ainsi,
il n'existe pas d'expressions positives ou flatteuses pour les femmes
correspondant à «c'est un homme à femmes », « après tout, c'est un garçon!
» et «il butine à toutes les fleurs ». On tient ordinairement pour acquis
qu'il est avantageux d'avoir une certaine «licence de moeurs sexuelles».
Selon la perception qui prévaut, l'homme dérive un pouvoir de sa capacité
à obtenir des faveurs sexuelles ou à s'imposer sexuellement, alors que
la femme exerce le sien en privant l'autre de telles faveurs.
Malheureusement, la licence des moeurs sexuelles a de sérieuses répercussions
sur les victimes masculines. Elle accroît la susceptibilité d'un garçon
à une conduite abusive par la promotion ou l'encouragement de la participation
à des activités sexuelles. Elle pousse les garçons à être cachottiers
car ils ont peur de signaler les expériences sexuelles qui tournent
mal de crainte d'être responsables et de s'attirer la réprobation. Cela
va même jusqu'à voiler nos perceptions en tant que professionnels (thérapeutes
ou autres responsables) et à encourager les gens à blâmer la victime
masculine et à minimiser l'impact sur celle-ci des agressions sexuelles
perpétrées par un contrevenant masculin, et encore plus lorsqu'il s'agit
d'un contrevenant féminin. Cette «licence» pousse les mâles à considérer
que les faveurs sexuelles d'une femme sont un dû. Elle encourage une
conduite sexuelle à risque et elle crée un certain nombre d'attentes
chez les mâles: ils sont censés prendre les devants en matière sexuelle
et avoir des connaissances et de l'expérience.
Chapitre 4
Implications
Implications pour la recherche
Comme on peut s'y attendre dans tout nouveau champ de recherche, les
textes sur la victimologie masculine manquent de cohésion, surtout en
matière de mauvais traitements sexuels. Les échantillons ont une portée
très générale. Certaines études ne donnent même pas de définition de
la conduite sexuelle abusive. Certaines ne couvrent que les délits comportant
un contact direct. D'autres ne parlent d'exploitation sexuelle que si
la différence d'âge entre victime et contrevenant est de cinq ans ou
plus. Certaines, enfin, ne placent l'auteur de l'acte dans la catégorie
des contrevenants que s'il s'agit d'un adulte ou d'une personne de 16
ans au moins. De la sorte, on ne compterait pas l'exemple d'un garçon
de 10 ou 1 1 ans qui aurait été la victime sexuelle d'un garçon de 15
ans ou encore d'une adolescente. Certaines victimes masculines ont même
été exclues si elles avaient admis avoir «souhaité» ou accepté l'acte
en question.
Il y a toujours une foule de problèmes au plan des définitions et des
concepts sur ce qui constitue une conduite sexuelle abusive à l'encontre
des garçons et des jeunes gens. Même lorsque des définitions sont clairement
énoncées dans la loi, nous sommes souvent en proie à des difficultés
pour cerner la notion: lorsqu'il y a pression pour s'engager dans des
actes sexuels entre pairs adolescents; que des adolescentes ou des femmes
adultes s'exposent sans pudeur devant des garçons; que des femmes adultes
ont recours aux services d'adolescents qui s'adonnent à la prostitution;
que des femmes abordent des garçons ou des adolescents pour échanger
des propos lascifs; ou qu'une personne adulte montre du matériel pornographique
à un garçon ou à un adolescent. Même si l'on s'entend sur certaines
de ces catégories lorsqu'il est question d'un jeune garçon, nos perceptions
ont tendance à refléter l'attitude des deux poids, deux mesures, dès
qu'il s'agit d'un adolescent.
L'imprécision et les partis-pris dans le choix des questions ont une
très forte influence sur les résultats. Par exemple, des termes comme
«contact» sexuel et «exploitation» sexuelle ont des sens très différents
pour les mâles dont le mode de socialisation les amène à souhaiter et
à valoriser toute interaction sexuelle avec la gent féminine. C'est
pourquoi les études qui amplifient leur définition de l'exploitation
sexuelle (conduite sexuelle abusive) et demandent aux mâles de parler
de leurs «expériences sexuelles» avec des adolescentes plus âgées qu'eux
ou avec des femmes livrent des taux de prévalence plus élevés sur les
contrevenants féminins. Les enquêtes de type études de cas, qui livrent
toujours des taux de prévalence plus faibles, sont responsables de la
forme actuelle du discours professionnel sur l'exploitation sexuelle
des enfants et de l'impression qu'a le public de la victimologie masculine
à présent - essentiellement erronée et trompeuse.
L'application d'une norme différentielle (deux poids, deux mesures)
dans l'interprétation des résultats a également influencé nos perceptions
quant aux impacts sur les victimes masculines. Il n'est pas rare dans
les études sur les victimes masculines de contrevenants sexuels féminins
de trouver des affirmations selon lesquelles les garçons ne percevaient
pas le contexte sexuel comme «de l'exploitation» et qu'ils considéraient
la chose comme une expérience neutre ou positive. Quiconque lirait ces
études où l'on accepte de telles affirmations sans les remettre en question
pourrait être amené, à tort, à croire qu'il n'y a effectivement eu
aucun impact négatif ou délétère. Du moment où l'on fait une telle supposition,
on oublie que le mode de socialisation des mâles les pousse à minimiser
l'impact de leur propre victimologie, surtout si le contrevenant appartient
«au beau sexe», et ils cachent souvent leur crainte ou leur inconfort
en affichant une attitude «machiste».
En acceptant de telles auto-évaluations sans sourciller, on renforce
des stéréotypes sur les mâles qui ont des conséquences imprévues sur
les deux sexes et qui perpétuent la prévalence d'une norme différentielle
no cive dans le champ d'étude de l'enfance maltraitée. Ces stéréotypes
font également passer un message qui semble dire que les victimes masculines
sont capables «d'encaisser» et que les femmes ne sont pas des contrevenants,
mais plutôt des «douces séductrices», et ils encouragent certains contrevenants
féminins à faire du déni en se persuadant qu'elles ne sont que des initiatrices
sexuelles pour leurs victimes masculines. Ces auto-évaluations renforcent
le stéréotype qui veut que les garçons sont «séduits» alors que les
filles sont violées ou sexuellement agressées; elles peuvent avoir un
effet pernicieux sur les attitudes, croyances et comportements des policiers,
médecins, employés d'hôpitaux, responsables de l'aide à l'enfance, ou
de toute autre personne qui examine les victimes pour établir les répercussions,
ou qui enquête sur des incidents impliquant des contrevenants féminins
et des victimes masculines; et elles pousseraient les investigateurs
à ne s'attarder que sur d'éventuelles traces de blessures et à ignorer
ou minimiser les réactions sur le plan des émotions. De telles affirmations
laissent entendre que, si notre mode de socialisation avait été le même
pour les garçons et les filles, ces dernières auraient elles aussi exprimé
les mêmes types de réactions «positives» ou «neutres». Ce n'est certainement
pas le message à faire passer à qui que ce soit au sujet des enfants
ou des jeunes.
Nous avons l'obligation à l'égard de nous-mêmes et des victimes masculines
de poser des questions plus incisives dans nos recherches. Par exemple,
si l'on re-situait l'expérience pour ces victimes masculines et qu'on
les invitait à réexaminer les différences de pouvoir entre l'enfant
que ces garçons ou ces hommes étaient et le contrevenant (femmes adultes
ou adolescentes), à sonder leurs sentiments de confusion ou d'anxiété
avant, durant ou après le contact sexuel, et à examiner dans leur vie
adulte la qualité ou la quantité de leurs relations infimes et sexuelles,
est-ce que ces victimes masculines seraient plus susceptibles de répondre
différemment? Est-ce que l'on accepterait sans broncher d'une victime
féminine l'affirmation que son «contact sexuel» avec un adolescent ou
un homme adulte n'était pas de l exploitation, ou encore qu'il s'agissait
tout simplement d'un aspect de son apprentissage sexuel? Peu probable.
Il importe de se demander pourquoi l'on accepte si facilement une telle
réponse de la part des hommes.
Cette norme différentielle qui opère dans le domaine de l'enfance maltraitée
a créé une situation très fâcheuse pour les garçons et les jeunes gens.
Ce n'est que lorsque les conséquences des actes des contrevenants féminins
sont extrêmement graves et flagrantes qu'on les considère responsables
d'agression. Donc, les mâles doivent être maltraités de façon plus grave
et évidente avant qu'on ne les prenne au sérieux en tant que victimes.
Il y a aussi de sérieuses lacunes dans la documentation. On a insisté
de manière extraordinaire sur les mauvais traitements sexuels, ce
qui - relativement à la prévalence d'autres formes de mauvais traitements
- est hors de toutes proportions. Le moment est venu pour nous de consacrer
davantage de temps, d'attention et de ressources à l'étude des mauvais
traitements physiques, y compris les châtiments corporels, à la carence
de soins, et aux mauvais traitements émotionnels des enfants. Les victimes
masculines représentent la majorité des cas dans ces catégories.
Nous devons également enquêter sur les besoins particuliers des victimes
masculines qui appartiennent à une minorité visible, culturelle ou d'orientation
sexuelle. Les impacts sur la victime masculine (garçon ou jeune homme),
de concert avec nos réactions à ses besoins et à ses problématiques,
peuvent être fortement déterminés par son appartenance à l'une ou à
plusieurs de ces catégories à la fois.
Enfin, il serait nécessaire de rétablir une certaine justice dans l'allocation
des ressources consacrées à la recherche et à l'éducation publique en
matière d'enfance maltraitée et de violence interpersonnelle. Le champ
est dominé par les études qui se concentrent uniquement sur les préoccupations
des femmes. Même si cela a représenté un investissement utile et valable
de nos ressources, l'accent placé sur la défense des droits d'un seul
sexe est à présent une entrave à la préparation d'un tableau plus inclusif
et complet sur la violence interpersonnelle au Canada. Jusqu'à ce que
nous arrivions à mieux comprendre les problématiques de s victimes masculines,
nous continuerons à accuser beaucoup de retard par rapport aux autres
pays occidentaux, et à compromettre l'objectif d'une véritable égalité
des sexes.
Implications en matière d'évaluation, de traitement et de développement
de programmes
On s'imagine ordinairement que les approches qui servent pour travailler
avec les victimes féminines fonctionneront également avec les mâles.
Même si cela n'est pas totalement dénué de fondement, nos modèles actuels
de victimologie, essentiellement centrés sur la femme, ne sont pas adéquats
à plusieurs égards qui ont leur importance lorsqu'on les applique aux
victimes masculines, et ils peuvent en fait être nuisibles si on les
utilise sans réfléchir.
Le silence, le déni et la résistance qui entourent la question de l'enfance
maltraitée sont particulièrement problématiques dans le cas des mâles.
Étant donné que les connaissances au sujet de la victimologie masculine
sont très limitées parmi le grand public, que l'on en parle peu dans
les médias, et que l'on n'y consacre pas beaucoup de recherches, les
victimes ont besoin de se faire dire dès le début qu'elles ne sont ni
le premier ni le seul mâle à avoir été exploité, maltraité ou agressé.
En s'assurant que le sujet comprend la prévalence de la victimologie
masculine, on fait un pas énorme en l'aidant à se débarrasser de son
sentiment d'isolement et de mépris de soi, sentiment qui accompagne
souvent une perception fort répandue du style «ces choses, ça arrive
rien qu'à moi» ou «j'ai pas été à la hauteur».
Apprendre à faire confiance à un thérapeute et même à ne pas se méfier
de ses propres pensées, sentiments et perceptions lorsque l'on a été
victime, cela présente un problème de taille pour tous les «rescapés».
S'ouvrir à un thérapeute est parfois un défi extraordinaire pour les
victimes masculines qui ont en plus à surmonter un obstacle en ce qui
concerne leur mode de socialisation qui enseigne aux mâles à être stoïques
et silencieux, les empêche d'afficher leur vulnérabilité même s'ils
le désirent, et les encourage à ne compter que sur soi. Les compétences
et connaissances du thérapeute, et son expérience passée avec des victimes
masculines, sont très importantes pour faciliter l'avènement de la confiance
chez les mâles et les amener au-delà de ces obstacles. Être en mesure
d'identifier pour les victimes masculines que nous soignons les « oeillères
» altérant nos perceptions de chacun des deux sexes, et qui finissent
par être la cause ou le facteur d'exacerbation de nombre de leurs problèmes,
doit les aider à rebâtir leur confiance en soi et, en définitive, à
nous faire davantage confiance.
Les thérapeutes qui travaillent avec des victimes masculines doivent
avoir une connaissance approfondie du développement humain à toutes
les étapes de la vie. Par exemple, bon nombre de séquelles de mauvais
traitements subis alors que l'on était garçon ne font surface que plus
tard dans la vie. C'est en comprenant comment les mauvais traitements
ont pu avoir un effet sur le développement durant l'enfance, et en élucidant
leurs séquelles potentielles, que les thérapeutes peuvent être des guides
plus efficaces pour la victime masculine et devenir une ressource importante
pour ceux qui en ont soin, pour ses partenaires intimes, ou pour toute
autre personne qui l'aide dans sa guérison.
Une évaluation approfondie et globale s'impose absolument lorsque l'on
travaille avec ces victimes. Les garçons plus âgés, les adolescents
et les jeunes hommes adultes se remémorent souvent leurs expériences
de façon fragmentaire ou comme dans un rêve. Cela est en partie attribuable
à l'âge auquel la conduite abusive a eu lieu, au fait qu'elle était
bien «déguisée» dans le contexte d'interactions en apparence typiques
entre enfant et adulte, ou dissimulées - car fusionné es - dans les
interactions quotidiennes d' un environnement familial sexuellement
chargé. La permission donnée aux mâles dans leur processus de socialisation
de vivre comme des êtres sexuels peut également semer la confusion dans
les souvenirs et déformer l'interprétation de l'expérience . L'exploitation
sexuelle laisse souvent les victimes masculines avec une sexualité traumatisée
qui peut être intériorisée ou interprétée comme un mode de fonctionnement
sexuel «normal» pour un mâle.
Étant donné que la socialisation des mâles les forme pour prendre les
choses en main, être responsables, et s'occuper d'eux-mêmes, les mauvais
traitements physiques et les châtiments corporels peuvent être interprétés
comme «mérités», et donc intériorisés sous forme d'une image de soi
négative qui renforce une tendance à se blâmer soi-même. Elle peut également
renforcer l'intériorisation de la colère qui se manifestera sous forme
d'abus de drogue et de boisson, de risques excessifs, de suicide, et
de tentatives mal pensées de réaffirmer un sentiment tordu de la virilité.
Toutes ces problématiques particulières aux rôles sexuels doivent être
démêlées et énoncées pour les victimes masculines.
Un autre aspect qui a une pertinence spéciale pour les mâles concerne
le recours à des types d'intervention à forte teneur langagière et à
base d'introspection. Les garçons ont tendance à accuser du retard par
rapport aux filles dans l'acquisition et l'utilisation des compétences
linguistiques (Maccoby et Jacklin, 1974). Cela est peut-être partiellement
attribuable à des différences dans les modes de développement ou de
maturation du cerveau entre les deux sexes. La documentation sur les
jeunes gens à haut risque de comportement violent et agressif, dont
beaucoup sont des victimes, contient de très nombreux textes sur la
prédominance des déficits linguistiques et autres difficultés d'apprentissage.
Ce retard dans le développement linguistique pourrait servir d'explication
supplémentaire au fait que les garçons sont moins susceptibles que les
filles de passer à la divulgation.
Ce dont on discute rarement, toutefois, c'est le fait qu'un retard
dans le développement linguistique, ou même la présence de déficits
linguistiques, pourrait également avoir des racines dans le différentiel
du mode de socialisation, dans des facteurs familiaux et environnementaux,
ou dans des problèmes de mauvais traitements et de carence de soins.
En général, les mâles ne sont pas encouragés à parler de leurs sentiments
ou de leurs réflexions personnelles. Par conséquent, peu de garçons
et d'adolescents ont beaucoup d'expérience dans l' exploration ou l'exploitation
de leur état d'esprit et de leurs émotions profondes. Ils sont ordinairement
plus orientés sur l'action, et donc enclins à rejeter un long processus
d'exploration intime, et ils préfèrent tout simplement «prendre les
choses au jour le jour». Un recours à des types d'interventions exclusivement
basées sur l'exploration introspective et à forte teneur langagière
risque de bousculer le mâle dans un processus thérapeutique ou de guérison
qui le mettra mal à l'aise du fait qu'il n'y est pas préparé ni capable
d'y faire face.
La langue de la thérapie est habituellement un langage sur les sentiments,
ce qui pose des problèmes pour certaines victimes masculines. Ces personnes
ont ordinairement beaucoup de difficulté à exprimer leurs sentiments.
Il ne faut pas interpréter cela comme une confirmation des stéréotypes
qui veulent que les hommes soient démunis au plan des sentiments, ou
que leurs niveaux d'expressivité émotionnelles seraient plus faibles
que ceux des femmes. En fait, les hommes ressentent les mêmes émotions
que les femmes, mais ces émotions sont simplement moins susceptibles
d'être différenciées et articulées. Par exemple, les sentiments de honte,
culpabilité, humiliation, anxiété, tristesse, et rage peuvent se retrouver
amalgamés sous forme de colère. Étant donné que la colère est le seul
sentiment «légitime» qu'ils peuvent exprimer, ils font souvent l'erreur,
et nous aussi, de ne pas aller plus loin pour comprendre ce qui se passe
lorsque, en tant que victimes, ils expriment leur colère. Certains mâles
ont peur d'exprimer une colère quelconque à cause du tourbillon potentiel
de sentiments incontrôlés et confus qu'ils craignent de déclencher.
Certains ont peur d'exprimer cette colère car ils l'associent à la violence.
Des thérapeutes qui ne seraient pas conscients de ces complexités risquent
d'inviter une victime masculine à exprimer sa colère au point de se
faire peur à soi-même et de finir par abandonner le counselling. Inversement,
lorsque l'on suggère à un mâle qu'il a besoin d'acquérir des techniques
pour «contrôler» ou «gérer» sa colère, le message qui risque de passer
est qu'il s'agit d'une «pathologie» qu'il faudra corriger, et que la
douleur et la confusion sous-jacentes ne sont pas légitimes.
C'est pourquoi il est si important de différencier entre colère toxique
et colère juste dans le cas des victimes masculines. La colère toxique
est une réaction de rage inadéquate, non reçue, réprimée ou mal orientée
qui peut faire du tort à la victime et à ses relations avec les autres.
La colère juste est potentiellement «habilitante» une fois qu'elle
est comprise comme une réaction normale et saine aux restrictions étouffantes
des rôles sexuels du mâle, et une réponse adéquate au fait d'avoir été
exploité, et à l'environnement social «pipé», peu accueillant et qui
cherche à imposer le silence, que les mâles sont obligés de confronter
lorsqu'ils essaient de divulguer l'agression.
Certaines victimes masculines deviennent intensément «homophobes»,
leur colère étant provoquée par des perceptions de soi et des doutes
quant à leur «virilité» ou par la crainte d'être «gai». Il est important
d'aider ces jeunes gens à comprendre que le fait d'avoir été agressé
ne «provoque» pas de changement d'orientation sexuelle chez la victime.
Il importe également d'aider les mâles à comprendre que cette colère
émane d'une menace perçue au plan de leurs convictions personnelles
au sujet de leur masculinité, et d'un contexte culturel qui renforce
les préjugés homophobes. Si notre société était bien disposée à l'égard
des homosexuels, ces sentiments et ces perceptions homophobes seraient
moins susceptibles de surgir. Il nous faudra expliquer à ces garçons
et à ces jeunes gens que la masculinité est une construction sociale
qui est malléable. Nombre d'entre eux souffrent de la tyrannie d'une
définition étriquée de ce que signifie «être un homme». Ces garçons
ont besoin d'aide, de soutien et d'encouragement pour apprendre à être
eux-mêmes, en dehors des rigides prescriptions sur les rôles sexuels.
Dans certains autres cas, la victime masculine n'exprime aucune émotion
de colère mais a plutôt tendance à se retirer, à s'isoler et à entrer
en dépression. Beaucoup de mâles cachent leurs émotions en se lançant
intensément dans le travail, le perfectionnisme et la super-performance.
Tous ces comportements peuvent opposer une très vive résistance à tout
changement puisqu'ils ont pour effet de détourner la souffrance et qu'ils
sont richement récompensés en termes d'argent, de prestige ou de statut
social.
Bien que la dynamique fondamentale de toute forme de victimisation
soit l'abus de pouvoir, de nombreuses victimes masculines ne mentionnent
pas s'être senties impuissantes et ne se voient pas comme des «victimes».
Même s'il est important de respecter leurs points de vue, nous ne pouvons
pas donner l'impression d'approuver le comportement des contrevenants
ni omettre de communiquer les aspects juridiques, moraux et éthiques
qui entrent en jeu dans la conduite abusive à l'encontre de garçons
ou de jeunes gens par des personnes plus âgées. Être plus âgé, physiquement
plus grand, plus attirant, riche, populaire, intelligent, ou en position
d'autorité, tout cela représente des formes de «pouvoir social» qui
peuvent être utilisées par des contrevenants pour piéger, séduire, harceler
ou exploiter des victimes, ou leur nuire.
Une boucle de la violence?
Avons-nous là une boucle de la violence qui se perpétuerait dans le
cas des victimes masculines? Les perspectives varient, et la question
résiste à une réponse simple, car il y a sans doute de nombreux facteurs
qui interviennent de front pour influencer le comportement subséquent
d'une victime.
Beaucoup de gens croient que les mâles qui sont victimisés deviennent
automatiquement des délinquants. Certains critiques font valoir que
s'il existe effectivement un modèle de «boucle perpétuelle», il y aurait
davantage de contrevenants sexuels féminins que masculins, étant donné
que plus de femmes que d'hommes sont sexuellement exploitées. Cependant,
cette position omet de tenir compte de plusieurs facteurs. Premièrement,
la délinquance sexuelle féminine est beaucoup plus élevée que
ne le révèle la recherche fondée sur des études de cas. Deuxièmement,
beaucoup plus de garçons sont sexuellement exploités que ne le
documente la recherche fondée sur des études de cas. En fait, garçons
et filles seraient tout aussi susceptibles d'être exploités sexuellement,
surtout au sein de la famille. On oublie également le fait que,
alors que l'exploitation sexuelle des garçons se poursuit durant l'adolescence,
les signalements, eux, chutent de façon dramatique après la puberté.
Troisièmement, de nombreuses formes d'exploitation par des contrevenants
sexuels féminins sont difficiles à détecter du fait qu'elles sont masquées
derrière des apparences de comportement «nourricier» ou qu'elles ne
ressemblent pas aux actes perpétrés par des hommes. Mathews (1989) documente
quelques-uns des agissements moins évidents qui semblent caractériser
les contrevenants sexuels féminins: laver de façon compulsive les parties
génitales, prendre des dispositions inopportunes pour le coucher, entrer
inopinément à la salle de bain pendant que l'enfant y est ou qu'il se
déshabille avant le coucher, tenir des propos sexualisés, ou encore
taquiner un enfant au sujet de ses organes sexuels et de leur développement.
Quatrièmement, du fait que notre mode de socialisation ne favorise pas
particulièrement la sexualisation des filles, les contrevenants féminins
seraient plus portés à exprimer colère et frustration sous forme de
carence (passive) de soins aux enfants, de châtiments corporels ou de
brutalité, ou encore de mauvais traitements psychologiques.
D'autres critiques s'inquiètent du message que nous transmettons aux
victimes masculines par l'intermédiaire de ce modèle d'une boucle perpétuelle.
Bien que certaines victimes masculines, tout comme certaines victimes
féminines, s'en prennent ensuite à d'autres, la majorité ne le fait
pas. Si l'on demande à brûle-pourpoint à une victime masculine si elle
commet des actes de cette nature, est-on en train de pousser le jeune
sur la voie d'une présumée fatalité incontournable? Est-on en train
de créer ou de renforcer des sentiments chez le sujet qui l'emmèneraient
à croire qu'il est «foncièrement mauvais» ou qu'il est «marqué» une
fois pour toutes par ce qui lui est arrivé? Les critiques s'inquiètent
aussi de ce que les victimes masculines exposées à la rhétorique politiquement
chargée - sur les hommes en tant qu'«oppresseurs» des femmes - puissent
en arriver à croire que les agissements délinquants font inévitablement
partie de leur destin. On risque également de cultiver chez la victime
masculine un affaiblissement de l'estime de soi ou de la valeur individuelle
en véhiculant le message que sa victimisation personnelle serait
moins dramatique que la victimisation des autres.
D'autres critiques encore avancent des arguments nettement plus curieux.
Par exemple, lorsque les contrevenants sont des femmes ou des adolescentes,
ils considèrent que leurs antécédents de victimes ou leur situation
de stress «causent» le comportement délinquant, mais n'admettent pas
cette même causalité dans le cas des contrevenants masculins. Ces critiques
ne reconnaissent pas que les traumatismes vécus par des mâles - résultant
d'une victimisation antérieure, du stress consécutif à la perte d'un
emploi, des attentes rattachées à leur rôle de principal pourvoyeur
de la famille, ou de problèmes de santé mentale ou physique - puissent
eux aussi contribuer à expliquer pourquoi certains pères se déchaînent
contre les enfants ou d'autres membres de la famille. Fondamentalement,
cette perspective illustre parfaitement la position qui veut que, pour
l'essentiel, les femmes sont les victimes et les hommes, les bourreaux.
Néanmoins, abstraction faite des propos qui précèdent, il est évident
que de nombreuses personnes exploitées, des deux sexes, s'en prennent
effectivement à d'autres et leur nuisent. Et même s'il est possible
de parler en termes généraux d'attitudes spécifiques à chaque sexe en
réaction à une victimisation antérieure, la violence et l'agression,
quelle que soit leur forme, ne représentent pas uniquement un problème
propre à un sexe. On a documenté dans les textes des modes de transmission
inter-générations de la violence et de l'agression qui remontent aux
grands-parents, se poursuivent avec les parents et sont transmis aux
enfants. On a constaté des taux élevés de victimisation historique dans
les antécédents d'hommes et de femmes dans les prisons. Le modèle d'une
boucle perpétuelle, bien qu'il soit loin d'être complet, représente
un outil conceptuel utile pour nous aider à mieux comprendre toutes
les formes de mauvais traitements et leurs conséquences personnelles
et sociales ainsi que leur effet sur le développement.
Implications en matière de développement du personnel et de supervision
des programmes
Il est probable qu'une proportion significative des jeunes contrevenants,
surtout ceux qui ont commis des crimes impliquant l'agression physique
et sexuelle, est constituée de victimes de mauvais traitements d'une
forme ou d'une autre. Si nous avons eu si peu de succès avec nombre
de ces jeunes, l'une des raisons ne serait-elle pas précisément parce
que nous n'avons pas su reconnaître la problématique des mauvais traitements
et de la carence de soins qui sous-tend leur comportement antisocial?
La formation spécialisée pour les professionnels dans le domaine de
la victimologie masculine est terriblement inadéquate ou non-existante.
Le personnel de première ligne et les effectifs de supervision dans
les organismes qui servent les enfants, les jeunes et la famille vont
devoir se tenir au courant de ce qui s'écrit sur la victimologie masculine,
dont les textes sont maintenant nombreux et ne cessent d'augmenter.
Si nous voulons mieux servir les clients masculins et leurs familles,
une formation continue du personnel dans ce domaine devra devenir la
norme pour pouvoir continuer à pratiquer.
Étant donné que les garçons et les jeunes gens exploités ont souvent
de la difficulté avec leur conception de soi «en tant qu'hommes», tous
ceux qui prodiguent les soins devront être vigilants et éviter que leur
propre comportement et leurs attentes face aux victimes masculines ne
renforcent des notions étroites ou stéréotypées de la «masculinité».
Les travailleurs masculins, plus particulièrement, vont devoir se rendre
compte qu'ils contribuent au «modèle masculin» à chaque instant qu'ils
passent avec un garçon ou un adolescent. Et du fait que les garçons
passent une si grande partie de leurs premières années formatrices avec
leurs mères et leurs enseignantes, les femmes doivent elles aussi être
vigilantes en ce qui concerne la manière dont leur comportement ou leurs
commentaires risquent de renforcer ces stéréotypes étriqués.
Les professionnels et autres travailleurs de soutien qui prodiguent
des soins aux victimes masculines doivent comprendre clairement les
effets saillants de l'homophobie et de leurs propres vues personnelles
sur l'homosexualité. Les croyances personnelles de ceux qui prodiguent
les soins peuvent avoir, et ont, un très fort impact sur ceux dont le
vécu de mauvais traitements les ont laissés super-attentifs à toutes
sortes d'indices chez les autres, y compris les expressions du visage
et la gestuelle du corps. Nous trahissons tous un peu trop facilement
notre malaise à l'égard des agressions ou des mauvais traitements sexuels
dans les cas où contrevenant et victime sont du même sexe. Pour le garçon
ou l'adolescent qui a été victime et dont le concept de soi a souffert
ou s'est fragilisé, toute indication de notre part qui trahirait un
jugement, une répulsion ou de l'hypocrisie ne fera que créer davantage
de souffrance.
Quel que soit notre rôle professionnellement, nous devons tous arrêter
de minimiser l'impact des mauvais traitements sur les victimes masculines
ou de présumer que les mâles doivent être capables d'«encaisser». Les
symptômes de la conduite abusive sont souvent invisibles dans le cas
des garçons. En continuant à appliquer une norme différentielle aux
victimes masculines, nous renforçons et nous appuyons subtilement la
violence à l'encontre des garçons et des jeunes gens dans nos écoles,
nos communautés, nos foyers et nos institutions.
À mesure que les gouvernements provinciaux procèdent à des compressions
budgétaires, la pression se fait sentir dans les organismes d ' aide
à l' enfance pour qu'ils rationalisent leurs services. Certains choisissent
de discontinuer le service dans les cas de mauvais traitements sexuels
d'enfants en dehors de la famille, cédant cette responsabilité à la
police. L'un des problèmes immédiats dans le contexte d'une telle décision
concerne le fait que dans de plus en plus de cas de ce type, il y a
des victimes masculines. Si les enquêteurs de la police ne possèdent
pas la formation voulue pour reconnaître la symptomatologie spécifique
qui opère dans le cas des mâles, ils risquent de ne pas adresser les
intéressés aux personnes compétentes ou de ne pas tenir compte d'indices
importants. Dans les cas intrafamiliaux, les enquêteurs de l'aide à
l'enfance doivent poser des questions plus ciblées afin que des subtilités
- comme «un environnement sexuellement chargé» ou d'autres facteurs
moins flagrants, mais qui ont un impact sur le sain développement du
garçon - ne leur échappent pas durant les évaluations . Les indices
de la recherche courante suggèrent que l' on est moins susceptible de
corroborer les dires des garçons; que les victimes masculines risquent
davantage d'être blâmées pour leur propre victimisation; et que les
exploiteurs sexuels de garçons sont moins souvent tenus responsables
de leurs actes. Tout cela fait ressortir la nécessité d'une plus grande
sensibilisation des policiers, des enquêteurs de l'aide à l'enfance
et des praticiens des soins de santé.
Dans les cas d'exploitation d'un enfant impliquant des contrevenants
des deux sexes à la fois, on ne doit plus continuer à présumer que c'est
le contrevenant masculin qui est seul responsable ou qui est à l'origine
du délit. Si l'on omet de tenir le contrevenant féminin pleinement responsable,
on fait du tort à la victime masculine par le déni de ce qui lui est
arrivé. En outre, cela infantilise les femmes ou les adolescentes en
renforçant les stéréotypes selon lesquels seuls les mâles sont capables
de conduite abusive.
Enseignants et administrateurs scolaires doivent devenir plus vigilants
en ce qui concerne les niveaux de la violence à l'encontre des garçons
et des adolescents dans les écoles. Tout programme anti-violence qui
escamote la réalité de la violence et de la victimisation des mâles,
qui minimise le harcèlement sexuel dont ils font l'objet, ou qui les
présente comme étant les seuls contrevenants possibles, aura pour résultat
une totale désaffectation des garçons et des jeunes gens. Les contenus
de programmes doivent prévoir autant de temps pour enseigner aux garçons,
aussi, comment éviter de devenir des victimes. Et il nous faut aussi
enseigner aux filles comment éviter de devenir des contrevenants, étant
donné que les étudiantes signalent que, dans les écoles, ce sont d'autres
filles qui posent le plus grand risque (Mathews, 199 5 ) . Assurément,
tout programme qui ne présente la problématique qu'à la lumière d'un
«contrevenant masculin» sans consacrer autant d'importance à la façon
dont les rôles et les attentes des deux sexes sont interdépendants et
mutuellement limitatifs, ne peut qu'être biaisé et aliénant pour les
élèves de sexe masculin. Nous ne devons plus tolérer les textes sur
l'enfance maltraitée et en carence de soins qui présentent, avec force
détails, des histoires de victimes féminines, et qui n'abordent l'expérience
des mâles qu'en passant, ajoutant à la sauvette que «cela arrive aussi
aux garçons et aux hommes». La violence et la victimisation vues d'une
perspective masculine ne sont pas toujours la même chose que pour les
victimes féminines, et il faut absolument les reconnaître séparément.
Bien des élèves violents et agressifs apportent avec eux à l'école
d'extraordinaires problèmes personnels et familiaux. Chahutage, déficit
de l'attention, hyperactivité et difficultés d'apprentissage peuvent
masquer des problèmes sous-jacents de mauvais traitements. Les administrateurs
scolaires doivent veiller à ce que tous les membres du personnel reçoivent
une formation régulière pour reconnaître les indices et les symptômes
de mauvais traitements et de carence de soins tels qu'ils se manifestent
chez les garçons. Dans les cas où ces derniers affichent une conduite
de défi et d'opposition ou de déficit de l'attention ( avec ou sans
hyperactivité), on doit maintenant pouvoir trancher quant à la possibilité
d'une victimisation courante et continue, ou de mauvais traitements
dans le passé.
Les activités sportives à l'école présentent un défi particulier. De
nombreux jeunes «à risque» ont le sentiment que les programmes sportifs
communautaires et scolaires leur offrent une bonne «soupape de sécurité»
et les aident à éviter les problèmes. Il est effectivement important
de reconnaître les effets bénéfiques du sport, en termes de forme physique,
d'activité en équipe et d'autodiscipline. Mais il est essentiel que
les entraîneurs ou autres employés de supervision fassent clairement
savoir que la violence et les contacts d'une rudesse excessive ne seront
pas tolérés sous prétexte de défoulement. Le personnel des programmes
sportifs scolaires doit également comprendre que de nombreux garçons,
rescapés de la violence familiale, fuient les classes de gymnastique
et évitent complètement les sports. Ils ont peur de se changer dans
les vestiaires ou de se déshabiller pour la douche et d'avoir à «s'exposer».
À la recherche d'une grille d'analyse plus inclusive
Il importe de se souvenir que l'enfance maltraitée est un champ d'étude
relativement neuf et qu'il ne peut ni ne doit demeurer statique. Pour
que le domaine maintienne son intégrité et qu'il se développe comme
champ d'étude de plus en plus rigoureux au sein des sciences sociales,
il doit se tenir ouvert aux nouvelles idées, aux questionnements et
aux voix multiples qui viennent déranger le statu quo et les hypothèses
reçues.
L'un des pièges dans lesquels nous sommes tombés dans notre étude de
la violence et des mauvais traitements concerne notre tendance à voir
les choses à partir d'une perspective «essentialiste». La position essentialiste
présume que tous les membres d'un groupe, d'un sexe, d'une classe, d'une
culture, etc., sont semblables; que ce qui est caractéristique d'un
individu est caractéristique du groupe tout entier, indépendamment de
la manière dont les membres individuels peuvent se percevoir ou interprètent
leur propre comportement.
La réflexion essentialiste nous fait utiliser des expressions comme
«la violence masculine», en dépit du fait que la plupart des mâles ne
sont pas violents. Si l'on utilisait l'expression «la criminalité juvénile
au sein des groupes minoritaires», le racisme inhérent d'une telle déclaration
sauterait immédiatement aux yeux, étant donné que les jeunes appartenant
à des minorités seraient ainsi stéréotypés comme résultat des actions
de quelques-uns. Alors que l'on peut «voir» le racisme dans les mots
qui précèdent, le préjugé véhiculé dans l'expression «violence masculine»
est invisible. Par conséquent, l'utilisation de cette expression dans
notre propos nous éloigne d'une saisie plus complète de la violence
interpersonnelle et des mauvais traitements. Les mâles semblent effectivement
représenter la majorité des contrevenants sexuels, mais les femmes
sont les principaux agents responsables de l'enfance maltraitée physiquement
et en carence de soins. Les mères et les pères semblent être
tout aussi susceptibles d'avoir recours aux châtiments corporels. Les
mères et les pères pourraient être tout aussi susceptibles d'infliger
à un enfant des sévices graves ou mortels. Étant donné que les enfants
sont plus souvent victimes de carence de soins et de violence physique
que d'exploitation ou d'agression sexuelle, nous devrions très sérieusement
examiner la manière dont les termes et les concepts que nous utilisons
risquent de nous aveugler en occultant une partie importante et négligée
du problème des mauvais traitements.
Ce qu'une perspective essentialiste empêche de voir, c'est la complexité
des problèmes sociaux et la dynamique des relations interpersonnelles.
La réflexion essentialiste finit par compromettre l'intégrité d'un domaine
du fait que sa concentration étriquée sur les caractéristiques de groupe
omet de tenir compte des différences individuelles et de l'impact des
variables situationnelles et autres sur le comportement. C'est le problème
auquel nous sommes confrontés dans le domaine de l'enfance maltraitée.
Les femmes ayant pris les devants dans le domaine des mauvais traitements,
une bonne partie des écrits sur le sujet reflètent un point de vue féminin
et une grille d'analyse essentiellement féministe et à forte spécificité
sexuelle, connue généralement sous le nom de «théorie du patriarcat»,
caractérisée dans l'oeuvre de Herman (1981). Dans le cadre de cette
théorie, les mauvais traitements surtout sexuels - sont la résultante
d'une «culture patriarcale du pouvoir et des prérogatives du mâle, et
de l'inclination de celui-ci à sexualiser toutes les relations» (Hyde,
1990).
À première vue, la théorie du patriarcat s'impose car elle est fondée
sur le vécu historique des femmes et sur les inégalités politiques,
sociales et économiques très réelles auxquelles les femmes sont confrontées
tous les jours. Elle a également le potentiel d'apporter un éclairage
à de nombreux aspects du quotidien des femmes, y compris la façon dont
les inégalités sociales peuvent se répercuter sur la santé mentale et
émotionnelle, et cela est effectivement vrai.
En tant que théorie générale issue du vécu des femmes «comme groupe»,
elle a du mérite. Mais elle se fonde aussi sur certaines hypothèses
concernant les hommes comme groupe qui, lorsqu'on les scrute de plus
près, s'avèrent biaisées. Les victimes masculines commencent à remettre
en question une certaine vision de la violence, de la victimisation
et des relatons de pouvoir, strictement basée sur le sexe, étant donné
que leur propre vécu leur démontre quelque chose de totalement différent.
Par exemple, l'un des domaines où cette théorie commence à s'essouffler
réside dans son analyse des interactions au niveau des classes sociales
et des races. En termes économiques et politiques, une femme riche a
plus de pouvoir social qu'un homme pauvre ou sans abri. Une femme de
profession - médecin, juge ou avocate - a plus de pouvoir qu'un homme
sans formation, en vertu de ses études, son pouvoir d'achat et son influence
sociale. Une femme blanche a plus de pouvoir social qu'un homme appartenant
à une minorité visible. La théorie omet également de tenir compte du
pouvoir que les femmes exercent sur les enfants de sexe masculin, d'abord
à titre d'adultes et aussi comme mères, enseignantes, gardiennes, ou
employées de garderie.
Et il y a également d'autres problèmes. La théorie du patriarcat, et
cela est évident dans la citation de Hyde, porte préjudice à tous les
hommes dans la manière dont elle généralise le stéréotype négatif de
la «sexualité masculine». La plupart des hommes sont en fait bons, corrects
et sympathiques dans leurs relations avec les femmes comme maris, amants,
partenaires, collègues, pères et amis. La sexualité des hommes varie
d'une personne à l'autre autant que chez les femmes.
Il ressort clairement des recherches auxquelles on se réfère dans ce
rapport que la violence interpersonnelle est un phénomène complexe qui
ne peut être réduit à une théorie unique. Les modèles qui se basent
exclusivement sur le mode patriarcal de relations entre les sexes, même
lorsqu'ils sont utiles, ne suffisent pas à expliquer les nombreuses
facettes du drame de la violence et des mauvais traitements. Ils ne
réussissent pas non plus à rapprocher les hommes et les femmes dans
l'objectif commun de mettre fin à la violence.
En outre, lorsqu'il est strictement appliqué, un modèle très spécifique
à un sexe ne réussit pas à expliquer pleinement l'existence de contrevenants
sexuels féminins, et notamment l' exploitation de garçons par leurs
mères, ou par d'autres femmes adultes ou adolescentes, ni la séduction
de jeunes gens mineurs par des adolescentes plus âgées et par des femmes,
pas plus que l'inceste mère-fille, ou l'exploitation sexuelle d'enfants
par des enseignantes, des employées de garderie, des responsables féminines
dans les institutions, et par d'autres femmes en position de pouvoir
et d'autorité (Mathews, 1995). La théorie est également «hétérosexiste»
et elle n'explique pas l'exploitation et les abus sexuels ni les mauvais
traitements physiques dans les relations entre lesbiennes (Renzetti,
1992) ou entre hommes gais. Elle ne réussit pas non plus à rendre pleinement
compte de la responsabilité de s femme s dans les châtiments corporels,
la carence de soins et les mauvais traitements émotifs infligés aux
enfants. Mais sa plus grande faiblesse réside dans le fait qu'elle n'est
pas exhaustive. Son plus grand atout est qu'elle identifie une «dynamique
du pouvoir» qui a de vastes applications à tous les types de relations
sociales.
Il y a un certain nombre de considérations que l'on pourrait appliquer
à une grille d'analyse plus ample pour expliquer les mauvais traitements.
La plupart d'entre elles cadreraient dans les catégories du comportemental,
du relationnel, et du pouvoir. Crowder (1993) offre un point de départ
utile, surtout dans le domaine de la conduite sexuelle abusive. Elle
définit les mauvais traitements sexuels comme étant « une conduite sexuelle
explicite ou implicite entre deux personnes quand existent les conditions
suivantes: la nature de l'acte sexuel n'est pas appropriée sur le plan
du développement dans le cas d'au moins l'un des participants; l'équilibre
du pouvoir et de l'autorité (psychologique, économique, rôle, statut,
etc.) entre les deux personnes n'est pas égalitaire; et il existe déjà
entre les deux personnes un autre type de lien émotif établi (par exemple,
entre un enfant et un gardien ou une gardienne, ou entre un enfant et
une personne en position d'autorité) ».
Un modèle de la conduite abusive qui s'articule sur des déséquilibres
de pouvoir ou sur l 'exploitation illicite d'un pouvoir représente un
b on point de départ dans notre recherche d'une grille d'analyse plus
globale du fait qu'il nous encourage: à tenir sur un même pied de responsabilité
les exploiteurs masculins et féminins; à «habiliter» les victimes à
prendre le contrôle de leur démarche de guérison et de leur vie; à reconnaître
et valider le vécu de la victime; à réaffirmer que la connaissance que
la victime a d'elle-même est suprême; à mettre en lien la lutte individuelle
de la victime et le combat collectif pour transformer les relations
de pouvoir dans notre société; et à nous concentrer sur la dynamique
du pouvoir dans la relation thérapeutique (Mathews, 1995).
On commence à se rendre compte que différents types de conduite abusive
requièrent différents modèles explicatifs et théoriques, pris séparément
ou conjugués. Par exemple, une théorie féministe des relations sexuelles
de type patriarcal peut partiellement expliquer l'inceste père-fille,
l'exploitation sexuelle d'une fille par le conjoint de sa mère, et le
recours d'un père à des châtiments corporels. Un modèle axé sur les
relations de pouvoir peut expliquer plus pleinement le recours des femmes
à la violence physique contre des garçons et des adolescents, l'exploitation
sexuelle de garçons et d'adolescents par de s femmes, le recours maternel
aux châtiments corporels, ou la violence entre frères et/ou soeurs.
Un cadre théorique plus inclusif est nécessaire non seulement pour
comprendre l' étiologie afin de créer de meilleurs programmes d'évaluation
et de traitement, mais aussi pour éliminer la norme différentielle que
l'on a tendance à appliquer aux cas où la victime de la conduite abusive
est masculine. Un modèle d'«abus de sexualités» variante de la perspective
de l'abus de pouvoir s'appliquerait aux deux sexes et nous donnerait
un cadre conceptuel plus inclusif à utiliser, par exemple, dans des
cas d'outrage à la pudeur commis par une femme à l'encontre d'un mâle,
et d'exploitation sexuelle de garçons et d'adolescents par des femmes
plus âgées (Bolton, 1989). Bolton, reflétant en cela l'opinion de Finkelhor
(1986), Russell (1983), et Brandt et Tisza (1977), prône l'application
de niveaux multiples de conceptualisation de la conduite abusive afin
de saisir des éléments comme «l'environnement sexuellement chargé» dans
une famille, l'exploitation sexuelle d'un enfant, ou toute expérience
abusive qui interfère avec le sain développement d'un enfant. Le modèle
d'«abus de sexualité» de Bolton décrit un continuum d'environnements
qui s'étale de la promotion d'un développement sexuel normalisé chez
les garçons et les filles, pour aller jusqu'aux environnements qui oblitèrent
la possibilité même d'un développement normal.
Les indices suggèrent qu'un cadre théorique global basé sur un modèle
d'abus de pouvoir pourrait être plus prometteur. Cependant, nous sommes
encore loin d'avoir toutes les réponses, en supposant que nous ayons
même su poser toutes les questions. Une compréhension plus complète
et globale de l'enfance maltraitée et de la violence interpersonnelle
pourrait se situer aux points où se croisent un certain nombre de modèles
théoriques ou conceptuels. Nous allons devoir adopter une perspective
développementale en ce qui concerne les impacts de la conduite abusive.
Il faudra nous attaquer aux effets ou à l'influence d'éléments très
multiples: statut socio-économique, appartenance ethnique et raciale,
relations entre les sexes, systèmes familiaux, compétences et connaissances
parentales, santé mentale et physique des parents, attachements, normes
culturelles suscitant la violence et la conduite abusive, abus de boisson
et accoutumance aux drogues, stress, fonctionnement intellectuel, inégalités
structurelles, préjugés contre les gais et les lesbiennes, et les facteurs
situationnels. Nous allons devoir également examiner avec soin nos écoles,
institutions, méthodes thérapeutiques, et la préparation et la formation
des professionnels qui s'occupent des jeunes, pour établir la responsabilité
de chacun à l'égard du problème d'encouragement ou de promotion implicite
de la violence interpersonnelle et de la conduite abusive.
Nos messages aux victimes masculines
Minimisation et déni du vécu de la victime masculine sont tellement
omniprésents dans notre culture que l'on en trouve des traces partout,
des comptines pour les tout petits jusqu'à la recherche universitaire
en passant par les bandes dessinées, les comédies au cinéma, les émissions
de télévision et les articles de journaux. Nous faisons passer un message
aux victimes masculines, tous les jours de leur vie, où nous semblons
leur dire qu'ils risquent gros s'ils osent se plaindre. De façon succincte,
nous leur disons: si un garçon ou un homme a été victime, c'est qu'il
l'a mérité, qu'il l'a cherché, ou qu'il ment. S'il s'est blessé, c'est
de sa faute. S'il pleure ou qu'il se plaint, nous ne le prendrons pas
au sérieux, et nous ne l'approuverons pas s'il «pleurniche» parce qu'il
est censé «prendre ça comme un homme». Nous rirons de lui. Nous le pousserons
à minimiser l'impact de ce qui lui est arrivé. Nous l'encouragerons
à accepter la responsabilité d'avoir été victime et nous lui enseignerons
à passer outre à tous sentiments associés à ce qui s'est passé. Nous
le culpabiliserons et nous le réduirons à avoir honte afin qu'il se
tienne debout et qu'il n'oublie pas que «ce n'est pas la fin du monde».
En transmettant aux garçons et aux jeunes gens toutes sortes de messages
qui suggèrent que leur vécu de violence et de victimisation ne compte
pas comme celui des filles ou des jeunes femmes, nous semblons leur
donner une leçon quant à leur valeur en tant que personnes. Nous leur
enseignons également que le recours à la violence à l'encontre des mâles
est légitime. Lorsque nous faisons peu de cas de leur souffrance, nous
n'encourageons pas exactement les garçons et les jeunes gens à écouter
et à prendre au sérieux les préoccupations des femmes au sujet de la
violence et de la victimisation. Lorsque nous cherchons à atténuer la
gravité de leurs expériences ou que nous omettons de tenir leurs exploiteurs
masculins et féminins pleinement responsables de leurs actes, nous ne
faisons en fait que perpétuer leur victimisation.
En quoi les choses seraient-elles différentes pour les victimes
masculines si nous reconnaissions leur existence?
Comment notre société serait-elle différente si nous reconnaissions
les victimes masculines et que nous leur donnions notre appui? On aurait
à reconnaître la manière dont le conditionnement des rôles sexuels prive
les garçons d'une vie émotionnelle riche et les ampute de portions entières
de leur être essentiel. On découvrirait alors comment certaines de nos
pratiques pour élever les enfants (distance émotionnelle et physique
à l'égard des fils «pour les endurcir» tôt dans la vie) handicapent
leur aptitude à former des attachements sécurisants et nourriciers.
On commencerait alors à voir comment l'appartenance même au sexe masculin
est en soi un facteur de risque capable d'amplifier les effets de toutes
les formes de mauvais traitements et de les canaliser dans des actes
violents, agressifs et irréfléchis, ciblés contre soi-même ou les autres.
On admettrait enfin les indices incontournables issus de la recherche
concernant l'importance et la fréquence de la carence de soins et des
mauvais traitements physiques, sexuels et psychologiques, y compris
les châtiments corporels, infligés à des garçons et à des adolescents
par des personnes de sexe féminin, sans plus jamais faire de minimisation.
Nous serions tenus de reconnaître que s'il existe une dimension propre
au sexe masculin dans les nombreuses formes de violence exprimées ouvertement,
les causes n'ont pas besoin d'être reliées à la violence routinière
et normalisée qui est prévalante dans notre société à l'égard des mâles,
et qui prend la forme d'enfants maltraités et en carence de soins, de
mauvais traitements psychologiques, de châtiments corporels, et d'agression
implicite dans le mode de socialisation des mâles. Nous nous rendrions
enfin compte que toutes les formes de violence à l'égard des garçons
et des adolescents dont nous avons discuté dans ce document sont le
lot quotidien de la plupart des mâles plutôt que l' exception . Nous
ne tolérerions plus les images dans le s médias qui se veulent humoristiques
ou divertissantes dans leur façon de présenter les victimes masculines
ou féminines de la violence, ni le journalisme de parti pris qui omet
de présenter le tableau complet de la situation de l'enfance maltraitée
et en carence de soins, et de la violence interpersonnelle, familiale
et communautaire.
Nous reconnaîtrions que, indépendamment de nos propres points de départ
théoriques, les victimes masculines ont leur propre voix pour s'exprimer,
et leurs propres interprétations de leur vécu. Si nous continuons à
ignorer leurs drames, en passant à autre chose ou en refusant d'explorer
la situation, nous serons privés d'éléments importants dont nous avons
besoin pour les amener à la thérapie et à la guérison. Nous aurions
la prétention de retracer pour eux les origines et le parcours de leurs
difficultés, alors que, du fait de s limitations de nos propres visions
du monde sur le plan personnel et professionnel, nous serions en train
de les «réformer» à notre image. Et en ayant recours à nos pratiques
professionnelles actuelles, nous risquons de reproduire les mêmes modèles
dysfonctionnels et inhabilitants de communication et de relation que
nombre de ces mâles ont trouvé dans leurs familles d'origine ou dans
les milieux où ils ont grandi.
Nous aurions à admettre que nous ne parviendrons jamais à résoudre
le problème complexe de la violence dans notre société avant de nous
être mis à l'écoute des drames et des propos des victimes de la violence;
avant que des hommes et des femmes de bonne volonté ne choisissent de
commencer à travailler côte à côte; et avant que les outils de notre
lutte collective en faveur de la paix ne reflètent le respect, la compassion
et l'inclusion que l'on doit se donner comme norme minimale. Nous reconnaîtrions,
enfin, que les moyens sont des fins. C'est dans le choix de nos moyens
d'action que nous sommes le plus en mesure de prendre consciemment des
décisions d'inclusion au sujet de notre orientation future. Dans une
perspective post-moderne, dans tout processus inclusif de formation
d'un consensus à l'égard d'un but donné, on ne peut pas voir l'aboutissement
dès le point de départ. Donc, si les moyens que nous choisissons pour
essayer de créer une société plus juste ne sont pas eux-mêmes justes
et équitables, nous ne ferons que tourner en rond.
Commencer avec nous-mêmes comme adultes
Peut-être que, en fin de compte, la plus grande part de responsabilité
à l'égard du sort des garçons et des jeunes gens demeure entre les mains
des adultes. C'est bien nous qui faisons des recherches biaisées et
portant sur un seul sexe. C'est bien nous qui présentons aux médias
plus d'opinions politiques sur la victimologie masculine que d'informations
objectives et empiriques. C'est bien nous qui contribuons à la survivance
de stéréotypes biaisés sur les garçons et les jeunes gens, stéréotypes
qui continuent à les réduire au silence. C'est bien nous qui contribuons
à renforcer dans l'esprit du public l'image de la victime masculine
forte et capable d'encaisser alors que nous savons qu'il s'agit en réalité
d'êtres humains qui souffrent énormément dans l'isolement et la solitude.
Les adultes, surtout ceux qui travaillent dans le domaine de l'enfance
maltraitée, sont les yeux de la société canadienne sur cet aspect de
la souffrance humaine. C'est à nous qu'il incombe d'élever notre voix
contre la conduite abusive et l'injustice, et pour la
compassion et l'inclusion. Si nous ne nous ouvrons pas à l'autocritique,
pour réfléchir consciencieusement et continuellement à nos hypothèses,
méthodes et normes de travail, ou si nous nous permettons de tomber
dans le piège de la rhétorique, ce sera alors nous, plus que quiconque,
qui mettrons en péril la crédibilité dans ce domaine.
En définitive, nous allons tous devoir réfléchir sur une vérité fort
simple et pleine de sagesse: on ne peut pas emmener les autres - des
enfants, des adolescents, le public, ou d' autres professionnels - au
- delà du point où l'on est rendu en termes de conscience de soi et
de compréhension, car on ne dispose pas soi-même d'un plan de voyage.
Comment prétendre que notre collectivité est en quête de justice alors
qu'elle tolère l'application d'une norme différentielle, qu'elle accepte
un discours qui nous divise sur la violence et les mauvais traitements,
et qu'elle laisse les victimes masculines en dehors du champ de notre
compassion et de nos soucis? Éventuellement, toutes les victimes, des
deux sexes, et tous les Canadiens et Canadiennes, perceront notre hypocrisie.
Si nous ne parlons pas pour tous les enfants, pour toutes les victimes,
des deux sexes, nous finirons par ne parler pour personne.
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