Adrienne Crowder, M.S.W.
Conseiller clinique : Rob Hawkings, M.A., M.E.S., M.B.A.
ã
Services à la famille et aux enfants de la région de Waterloo
Septembre 1993
Le présent projet a été financé par la Unité de la prévention de la violence familiale de Santé et Bien-être Canada sous le numéro FVDS
4887-06-91-088. Les opinions et les résultats présentés sont ceux des
auterus et ne reflètent pas nécessairement la position du ministère.
Numéro de catalogue : 872-21/95-1993 F
ISBN No. : 0-662-98644-X
Ce livre est dédié à Christopher Crowder.
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS
CHAPITRE 1 - INTRODUCTION
Définition de l'abus sexuel
Langue
Méthodologie
Limitations de la recherche
Organisation du texte
CHAPITRE 2 - PRÉVALENCE, IMPACT ET PROBLÈMES
Estimations de la prévalence
Facteurs qui influent sur le dévoilement de l'abus sexuel parmi les
hommes
1. Facteurs liés à la recherche
2. Impact des croyances et des stéréotypes culturels
Mythe de l'autonomie masculine
Mythe de l'initiation sexuelle
Mythe de l'innocence féminine
Mythe de la contamination
3. Facteurs cliniques
Impacts de l'abus sexuel et problèmes éprouvés par les hommes qui en
ont été victimes
Variables qui influencent l'impact de l'abus sexuel
L'âge auquel l'abus a commencé
La durée et la fréquence de l'abus
Le type d'activités qui ont constitué l'abus
La nature de la relation entre l'agresseur et la victime
Le nombre et le sexe des agresseurs
La façon dont l'abus a été dévoilé
Les autres circonstances atténuantes dans la vie de la victime
Effets de l'abus sexuel sur les survivants
Effets sur le plan physique
Effets sur le plan mental
Effets sur le plan affectif
Stress post-traumatiques et dissociation
Difficultés avec l'identité masculine
Confusion quant à l'orientation sexuelle et homophobie
Perpétration réactionnelle d'abus sexuel et agression
Conduites sexuelles obsessionnelles
Difficultés interpersonnelles
Différences entre les hommes et les femmes qui ont survécu à l'abus
sexuel
CHAPITRE 3 - MODÈLE DE TRAITEMENT ET ÉTAPES DE GUÉRISON
Modèle thérapeutique à l'intention des survivants d'abus sexuel
Principes de base du traitement des survivants
Validation
Thérapie basée sur le client et dispensée au rythme du client
Lien entre le passé et le présent
Modèle de croissance et d'apprentissage
Intégration
Reconnaissance de sa peine
Sécurité
Reconnaissance que l'abus est à la fois personnel et culturel
Transfert et contre-transfert
Étapes de la thérapie - modèle en quatre étapes
Étape 1 - Rupture du silence
Étape 2 - Étape de la victime
Étape 3 - Étape du survivant
Étape 4 - Étape du combattant
CHAPITRE 4 - CONSIDÉRATIONS THÉRAPEUTIQUES GÉNÉRALES
Établissement d'un contrat thérapeutique
Frontières de la confidentialité
Honoraires
Structure des séances
Limites des contacts physiques
Crises et plans en cas d'urgence
Contre-indications
État de crise
Manque de soutien social
Manque de motivation
Limites des thérapeutes
Rupture du contrat thérapeutique
Évaluation du client
Antécédents généraux familiaux et sociaux
Antécédents sexuels
Stratégies de défense
Perpétration réactionnelle d'abus sexuel
Objectifs du traitement
Évaluation de la thérapie
CHAPITRE 5 - THÉRAPIE INDIVIDUELLE : ÉTAPE DE LA VICTIME
Interventions
Travail avec l'enfant intérieur
Visualisation
Visualisation d'un « contenant »
Visualisation d'un « lieu sûr »
Hypothèses
Livre de vie
Histoire de sa vie
Dessin de l'abus sexuel
Reconnaissance du scénario
Techniques de concentration
CHAPITRE 6 - THÉRAPIE INDIVIDUELLE -. ÉTAPE DU SURVIVANT
Fantasmes de revanche et d'agression et fantasmes sexuels
Fantasmes de revanche
Fantasmes de perpétration d'abus sexuel et de comportements sexuels
déviants
Toxicomanies et obsessions
Augmentation de l'expression affective
Musique
Chaise vide
Rédaction d'une lettre
Collage
Travail sur la respiration
Expression concrète des émotions
Jeu de rôle
Libération bioénergétique de la colère
Les processus de dissociation
Tenir un journal
Utiliser des techniques d'ancrage dans la réalité
Se regarder dans une glace
Écrire ou parler à quelqu'un de ses souvenirs
Utiliser des symboles de son identité adulte
Dissociation thérapeutique
CHAPITRE 7 - THÉRAPIE INDIVIDUELLE : ÉTAPE DU COMBATTANT
Confrontation de l'agresseur
Travail axé sur le corps
Fin de la thérapie
CHAPITRE 8 - THÉRAPIE DE GROUPE AVEC LES SURVIVANTS DEL'ABUS SEXUEL
Sélection des membres du groupe
Aptitude du client à parler de l'abus sexuel dont il a été victime
Soutien
Motivation
Aptitudes interpersonnelles
Autonomie
Homophobie
Fonctionnement dans la vie présente
Perpétration réactionnelle d'abus sexuel
Trouble de personnalité multiple
Modèle de thérapie de groupe à deux niveaux
Règles des groupes
Confidentialité
Frontières
Expression affective
Participation active
Présence
Abstention
Sobriété
Thérapie de groupe
Mise au point
Rituel de conclusion
Cessation
Chefs de groupe
CHAPITRE 9 - PROBLÈMES PARTICULIERS ASSOCIÉS AU TRAITEMENT DES SURVIVANTS
Stratégies d'incitation au traitement
Impasses thérapeutiques
Problèmes associés au sexe de la personne en charge de la thérapie
CHAPITRE 10 - COUNSELING DES SURVIVANTS ADOLESCENTS
Rôle du counseling des adolescents victimes d'abus sexuel
Évaluation des adolescents victimes d'abus sexuel
Traitement des adolescents victimes d'abus sexuel
Style de la ou du thérapeute
Sexe de la personne en charge de la thérapie
Définitions des frontières et des limites
Processus de counseling
Traitement de groupe
CHAPITRE 11 - QUESTIONS CONCERNANT LES THÉRAPEUTES
Le contre-transfert dans les thérapies à l'intention des survivants
Comment gérer les contre-transferts
Vision de la thérapie comme d'un partenariat
Thérapie personnelle pour les thérapeutes
Identification de ses limites et frontières personnelles
Supervision
Soutien des pairs
Engagement social
Satisfaction dans sa vie personnelle
Problèmes particuliers aux thérapeutes qui sont eux-mêmes des survivants
de l'abus sexuel
CHAPITRE 12 - RESSOURCES
Bandes magnétoscopiques
Documents imprimés
Pour les thérapeutes et les clients
Pour les thérapeutes
Pour les clients
Documents imprimés en français
Formation
ANNEXE A - QUESTIONNAIRE
ANNEXE B - LISTE DES PERSONNES QUI ONT CONTRIBUÉ À LA RECHERCHE
ANNEXE C - DES
ANNEXE D - INTERVENTION VISANT À GÉRER LES FLASHBACKS ET INTERVENTION
VISANT À AIDER LES CLIENTS À PRENDRE CONSCIENCE D'EUX-MÊMES DANS LE
PRÉSENT
ANNEXE E - COMPORTEMENTS QUI FAVORISENT LE PROCESSUS DE GROUPE
ANNEXE F - QUESTIONNAIRE DEAN À L'INTENTION DES ADOLESCENTS
ANNEXE G - RÉFÉRENCES
REMERCIEMENTS
Il aurait été impossible d'effectuer les recherches présentées ici
et de rédiger ce livre sans l'aide et le soutien d'un grand nombre de
gens.
La Unité de la prévention de la violence familiale* de
Santé et Bien-être Canada m'a offert un généreux soutien financier et
Carole Miron et Giselle LaCroix ont administré le projet au nom de Santé
et Bien-être Canada avec efficacité, patience et courtoisie.
La direction des Services à la famille et aux enfants de la région
de Waterloo m'a accordé un congé de trois mois pour travailler sur ce
livre. Jim Phillips et Del Armbruster ont veillé à ce que le projet
ne dépasse les limites de son budget.
Susan Waterman et Fran Kolentsis, qui se sont chargées de rechercher
les publications sur les survivants de l'abus sexuel, se sont admirablement
acquittées de leur tâche. Rob Hawkings m'a apporté son concours sur
le plan de l'expérience clinique et de la rigueur rédactionnelle. James
Morgan a fait des recommandations qui sont devenues partie intégrante
de l'organisation du texte. Témoin de mes joies et de mes frustrations
pendant les dix-huit mois qu'a duré mon travail, il m'a été d'une aide
inestimable tant par ces idées et ses suggestions que par le soutien
moral qu'il m'a apporté. Susan Lawrence a édité la version finale du
texte et ses suggestions ont permis d'en améliorer la qualité générale.
Les talents d'éditrice électronique de Joan Laing ont permis de produire
un texte final accessible et agréable à lire. L'excellente version française
est le fruit du travail de Claude Gillard et Hélène Roulston. Je remercie
tous ces gens de tout mon cur.
Je voudrais enfin remercier de leur contribution les
quarante et un thérapeutes qui ont généreusement partagé avec moi leur
expérience de thérapie avec des survivants. J'ai toujours eu beaucoup
de plaisir à parier avec elles et avec eux de leur travail et j'ai souvent
été émue par leur compassion et leur talent. Je pense que la meilleure
façon de leur exprimer ma profonde reconnaissance est de transmettre
leurs idées à d'autres et de partager leur sagesse collective.
CHAPITRE 1 - INTRODUCTION
L'abus sexuel est une activité qui est perpétrée en secret. Les agresseurs
sont souvent dans une position de confiance et toujours dans une position
de pouvoir par rapport à leurs victimes. Les victimes se soumettent
à l'autorité des agresseurs parce qu'elles y sont contraintes par la
menace ou la séduction. Le manque de maturité intellectuelle et affective
des victimes les rend souvent incapables de se rendre compte des risques
associés aux comportements qui constituent l'abus sexuel.
Le processus thérapeutique a plusieurs traits en commun avec l'abus
sexuel. La thérapie a lieu sous le couvert de la confidentialité. Les
clients abordent la thérapie de bonne foi en partant du principe que
les thérapeutes ont leurs intérêts à cur. Les thérapeutes sont
investis du pouvoir de décider du type d'intervention qui a le plus
de chances d'aider leurs clients. Comme dans les situations d'abus,
les clients n'ont généralement pas de moyen immédiat de juger des effets
à long terme de leur thérapie ou de la compétence de leur thérapeute.
La différence fondamentale entre thérapie et abus, cependant, tient
au fait que, si tout se passe comme il se doit, la thérapie est mue
par les besoins des clients alors que l'abus ignore les besoins des
victimes. Pour que la thérapie réussisse à rendre aux clients autonomie
et bien-être, la ou le thérapeute doit dispenser le traitement d'une
façon qui ne répète ni ne rappelle la dynamique de l'abus initial.
Quand la porte s'ouvre a été écrit pour aider les thérapeutes
qui travaillent ou qui ont l'intention de travailler avec des survivants
de l'abus sexuel. L'ouvrage ne perd jamais de vue le parallélisme entre
thérapie et abus sexuel, et le modèle de traitement présenté est fondé
sur les différences essentielles entre les deux processus qui font de
la thérapie une occasion de guérison plutôt qu'une expérience nocive.
Le matériel brut qui constitue la base de ce livre a été recueilli
auprès de quarante et un thérapeutes qui ont une solide expérience de
travail avec des survivants de l'abus sexuel. On trouvera dans les chapitres
qui suivent une discussion des similarités et des différences dans la
façon de procéder de ces personnes ainsi qu'une description des interventions
pratiques qu'elles utilisent pour mieux faire leur travail.
Ce livre est écrit à l'intention des spécialistes de la santé mentale
(thérapeutes, travailleurs sociaux, infirmiers psychiatriques, médecins,
travailleurs des centres d'intervention en cas de crise, etc.) qui offrent
des services thérapeutiques aux adolescents et/ou aux adultes de sexe
masculin qui ont survécu à l'abus sexuel. Les renseignements présentés
ici ne prétendent pas être prescriptifs. Ils ont plutôt pour objet de
stimuler la réflexion et la créativité des lecteurs qui sont invités
à les améliorer en les adaptant à leur propre style et à leur propre
expérience thérapeutiques.
Le livre est fondé sur l'idée que le processus de rétablissement
d'un traumatisme sexuel subi dans l'enfance est différent pour chaque
individu. Je pars également du principe que les types de traitements
officiels discutés ici ne constituent qu'une partie du parcours personnel
de chacun vers la guérison. Par ailleurs, bien que ce texte ne puisse
pas faire abstraction des composantes politiques et culturelles de l'abus
sexuel, il vise essentiellement les aspects personnels et psychologiques
de la guérison du traumatisme.
DÉFINITION DE L'ABUS SEXUEL
On utilisera l'expression « abus sexuel » dans tout le livre pour décrire
un comportement sexuel explicite ou implicite entre deux individus qui
se produit dans les conditions suivantes :
1. La nature des actes sexuels n'est pas conforme au degré de développement
d'au moins l'un des participants;
2. L'équilibre du pouvoir et de l'autorité (au sens du pouvoir psychologique,
du pouvoir économique, du pouvoir associé au rôle, etc.) entre les deux
individus est inégal; et
3. Il existe un rapport affectif établi entre les deux individus (comme
entre enfant et pourvoyeuse ou pourvoyeur de soins ou enfant et personne
en situation d'autorité).
Toute définition de l'abus sexuel fait nécessairement intervenir des
valeurs et des croyances culturelles sur la sexualité, l'autodétermination
et les rôles sociaux. Au sens le plus large, l'abus sexuel peut être
défini comme :
des conduites sexuelles qu'un enfant ne peut pas comprendre, auxquelles
un enfant ne peut pas donner de consentement informé ou qui viole
les tabous sociaux de la société. (Krugman, 1986, dans Banning, 1989,
p. 566)
La nature des actes sexuels qui constituent un abus varie en fonction
du degré d'intrusion. Des activités comme le voyeurisme ou l'observation
de matériel pornographique ou un intérêt pour la santé physique de l'enfant
non adapté à son âge (p. ex., vérifier que le pénis d'un garçon de douze
ans « se développe comme il faut ») se situent à un extrême du continuum.
L'abus sadique et rituel occupe l'autre extrême.
Il faut noter que la perception qu'ont les clients du
degré d'intrusion associé à une activité sexuelle spécifique est subjective.
Le jugement d'un client peut évoluer à mesure qu'il redéfinit les expériences
de son enfance à partir de sa compréhension d'adulte. C'est à l'expérience
du client que s'adresse la thérapie plutôt qu'au fait que le comportement
est jugé objectivement importun.
LANGUE
Ce texte traite du travail thérapeutique à effectuer auprès des personnes
de sexe masculin qui ont survécu à un traumatisme sexuel subi dans l'enfance.
Pour des raisons d'exactitude et de simplicité, j'utilise le masculin
lorsque je me réfère aux victimes ou aux clients. Pour faciliter la
lecture, dans la version française du texte, le masculin pluriel est
également utilisé pour désigner les deux sexes.
Les termes « victime » et « survivant » sont tous deux couramment utilisés
dans les discussions et les publications sur l'abus sexuel. Ces termes
ont été adoptés par le mouvement féministe pour décrire les victimes
de viol. Or, les victimes de viol sont agressées dans le cadre d'un
incident violent qui est extérieur au déroulement normal de leur vie.
Dans le cas de l'abus sexuel, le traumatisme est généralement répétitif
et souvent accompagné de séduction. L'abus, sexuel est habituellement
intégré à la vie de l'enfant et, d'une façon ou d'une autre, il conditionne
ses croyances, ses sentiments, son comportement et sa sexualité. C'est
pourquoi le terme « victime » ou « survivant » de l'abus sexuel risque
de minimiser la dysfonction intériorisée à laquelle l'abus peut donner
lieu à cause de son caractère envahissant et prolongé. Ces termes risquent
également de constituer une généralisation hâtive de l'identité du client
que l'on voit essentiellement comme un réchappé d'un traumatisme sexuel
dans l'enfance au détriment des aspects de sa personne qui fonctionnent
actuellement de façon saine et productive.
Compte tenu des limites du langage et des besoins de concision, j'utiliserai
les termes « victime » et « survivant » dans le texte mais il ne faut
pas ignorer que ces termes ont leurs limitations. En dernière analyse,
en effet, les deux termes « victime » et « survivant » perpétuent l'association
avec des antécédents de mauvais traitements (Hunter, 1990). On espère
qu'à l'issue d'une thérapie réussie, un client considérera l'impact
de l'abus sexuel dont il a été victime comme représentant une partie
de sa vie et non sa totalité. L'idéal serait qu'il se voit comme « quelqu'un
qui a été sexuellement abusé dans son enfance » plutôt que comme une
« victime » ou un « survivant » de l'abus sexuel. « Le but ultime de
la thérapie devrait être de transcender la survivance. [...]
C'est l'intégrité de la personne qui doit venir en premier lieu » (Hunter
et Gerber, 1990, p. 83). On demande donc aux lecteurs de ne pas oublier
que les termes « victime » et « survivant » sont utilisés à titre de
raccourcis pratiques plutôt que de descripteurs empiriques.
Les quarante et un thérapeutes qui ont été interrogés
sur le travail qu'ils effectuent avec des survivants sont désignés dans
le texte par les expressions « participants » ou « personnes qui ont
contribué à la recherche ».
MÉTHODOLOGIE
Le matériel présenté dans ce texte a été compilé à partir de deux sources
principales, à savoir des entrevues avec des thérapeutes qui ont dispensé
un traitement à des garçons et des hommes victimes d'abus sexuel et
les publications existantes (essentiellement livres et articles des
journaux professionnels). Les personnes qui ont été invitées à participer
à la recherche constituaient un échantillon non probabiliste de cliniciennes
et de cliniciens choisis à dessein pour leur expérience thérapeutique
avec des survivants de l'abus sexuel.
Les données ont été recueillies dans l'ordre suivant : pour commencer,
des recherches informatiques et en bibliothèque ont permis de découvrir
les publications pertinentes sur les survivants de l'abus sexuel. En
deuxième lieu, une lettre a été envoyée aux auteurs nord-américains
des livres ou des articles, décrivant la nature de la recherche et les
invitant à y participer. Nous demandions en outre à ces auteurs de nous
communiquer le nom d'autres thérapeutes travaillant avec des survivants
et ces personnes ont également été contactées. Dans un troisième temps,
on a envoyé un questionnaire à tous les thérapeutes qui avaient accepté
de participer à la recherche leur demandant des renseignements sur leur
orientation clinique, les caractéristiques démographiques de leur population
de clients et les ressources qu'ils utilisent pour travailler avec des
survivants. (On trouvera un exemplaire du questionnaire à l'annexe A.)
En quatrième lieu, le questionnaire écrit a été suivi par une entrevue
téléphonique semi-structurée visant à recueillir des informations plus
approfondies sur la pratique clinique de chaque personne invitée à contribuer
à la recherche et sur les interventions et techniques spécifiques utilisées
par chacune d'elles. Ces entrevues téléphoniques ont eu lieu au cours
de l'automne 1992 et de l'hiver 1993.
En tout, cinquante-huit thérapeutes du Canada et des États-Unis ont
été invités à participer à la recherche et quarante et un ont accepté
l'invitation. Le nom et l'adresse de ces personnes figurent à l'annexe
B. Trente et une personnes ont renvoyé le questionnaire dûment rempli.
Les participants à la recherche comprennent trente-deux hommes et neuf
femmes. La majorité ont une formation professionnelle en psychologie,
travail social ou thérapie conjugale et familiale; certains thérapeutes
ont des antécédents de soins infirmiers et de kinésithérapie. Ces personnes
travaillent dans différents milieux en rapport avec la santé mentale,
notamment des cliniques communautaires de santé mentale, des centres
de thérapie familiale, des hôpitaux, des centres d'intervention en cas
de viol, des programmes de traitement des délinquants sexuels et des
cabinets privés.
Les thérapeutes ont été invités à identifier leurs années d'expérience,
d'une part dans le traitement des victimes de l'abus sexuel en général
et, plus spécifiquement, dans le traitement des victimes de sexe masculin.
Comme on s'y attendait, compte tenu de la plus grande sensibilisation
culturelle à la violence contre les femmes, les thérapeutes avaient
davantage d'années d'expérience clinique dans le domaine de l'abus sexuel
en général (prestation de thérapies aux victimes de sexe féminin et
à leur famille) que dans celui des victimes de sexe masculin en particulier.
·
68 % des participants à la recherche ont dispensé un traitement
à des victimes de l'abus sexuel en général pendant plus de huit
ans;
·
23 % ont dispensé un traitement à des victimes de l'abus sexuel
en général pendant six à huit ans;
·
9 % ont dispensé un traitement à des victimes de l'abus sexuel en
général pendant cinq ans ou moins.
Eu égard aux victimes de sexe masculin de l'abus sexuel
·
32 % des participants ont dispensé un traitement à des victimes
de sexe masculin pendant plus de huit ans;
·
42 % ont dispensé un traitement à des victimes de sexe masculin
pendant six à huit ans;
·
26 % ont dispensé un traitement à des victimes de sexe masculin
pendant cinq ans ou moins.
Bien que certains des participants se spécialisent dans le travail
avec un groupe d'âge particulier, beaucoup travaillent avec des gens
de tous âges.
·
93 % des participants dispensent des thérapies à des survivants
adultes (clients de plus de 25 ans);
·
90 % travaillent avec de jeunes adultes (20 à 25 ans);
·
58 % travaillent avec des survivants adolescents (13 à 19 ans);
·
35 % travaillent avec des enfants en période de latence (6 à 12
ans);
·
16 % travaillent avec des garçons d'âge préscolaire qui ont cinq
ans ou moins.
Les participants ont été invités à identifier les différentes modalités
thérapeutiques qu'ils offrent aux survivants de l'abus sexuel.
·
97 % des participants dispensent une thérapie individuelle;
·
77 % dispensent une thérapie de groupe;
·
52 % dispensent une thérapie conjugale ou familiale.
Certains participants organisent aussi régulièrement
des ateliers à l'intention des survivants et/ou dispensent une formation
régulière à d'autres professionnels sur le traitement des survivants
de l'abus sexuel.
LIMITATIONS DE LA RECHERCHE
Le processus de recueil des données primaires utilisées pour ce livre
a été journalistique plutôt que scientifique. La compilation du matériel
avait pour objet de créer une ressource pratique et appliquée à l'intention
des thérapeutes qui travaillent avec des survivants de l'abus sexuel.
J'ai utilisé à cette fin des méthodes de recherche qualitatives et exploratoires.
Les participants ont été choisis soit parce qu'ils avaient des publications
à leur actif sur les survivants de l'abus sexuel, soit parce qu'ils
connaissaient quelqu'un qui avait publié dans ce domaine. Il est évident
que j'ai pu omettre de faire appel à certains thérapeutes importants
parce qu'ils n'ont rien publié sur leur travail avec des survivants
ou parce qu'ils ont échappé à mon attention aux étapes initiales de
la recherche. En outre, certaines des personnes éminentes qui ont été
invitées à participer à la recherche n'ont pas pu le faire parce que
leur travail les retenait ailleurs.
La thérapie est une interaction humaine dynamique. Fluide
par nature, elle est basée sur le vécu. L'expression écrite des concepts
et de l'expérience thérapeutiques entraîne nécessairement une certaine
perte de sens. J'espère cependant que le modèle de traitement décrit
dans ce livre vous aidera dans votre travail avec les survivants.
ORGANISATION DU TEXTE
Le texte qui suit est divisé en onze chapitres (avec sept annexes).
Le chapitre 2, intitulé « Prévalence, impact et problèmes », présente
des renseignements sur la fréquence de la victimisation sexuelle parmi
les personnes de sexe masculin, l'impact de cette victimisation sur
l'individu et les problèmes que les victimes apportent généralement
en thérapie.
Le chapitre 3 présente un modèle de traitement en quatre étapes à l'intention
des survivants. Ces étapes sont appelées, Rupture du silence, Étape
de la victime, Étape du survivant et Étape du combattant. Les tâches
thérapeutiques typiquement associées à chacune de ces étapes y sont
présentées et discutées.
Le chapitre 4 présente les grands processus associés à toutes les modalités
thérapeutiques (thérapie individuelle, travail de groupe, etc.) utilisées
pour le traitement des survivants de l'abus sexuel. On y discute des
contrats à passer avec les clients et on y propose des directives sur
l'évaluation de la situation et les méthodes à utiliser à cette fin.
Les chapitres 5, 6 et 7 portent sur le traitement individuel des survivants
et examine tour à tour les différentes étapes de la thérapie, à savoir
l'étape de la victime, l'étape du survivant et l'étape du combattant.
La description des interventions mises au point par les personnes qui
ont contribué à la recherche pour chacune de ces étapes est accompagnée
de considérations théoriques d'ordre général.
Le chapitre 8 présente un modèle de traitement de groupe des survivants
à deux niveaux. On y aborde des problèmes thérapeutiques comme les contre-indications
au traitement de groupe et certaines des interventions qui peuvent être
utilisées dans les groupes de survivants.
Le chapitre 9 examine plusieurs problèmes critiques associés au traitement
des survivants. On y discute des stratégies d'engagement, des impasses
thérapeutiques et de la dynamique liée à la différence ou à la non-différence
de sexe entre client et thérapeute.
Le chapitre 10 porte sur l'application du processus thérapeutique aux
survivants adolescents. On y discute des façons dont le processus de
traitement doit être adapté aux besoins développementaux de ce groupe
d'âge.
Comme la thérapie est un processus interactif et que les thérapeutes
jouent un rôle tout aussi important que les clients dans le parcours
thérapeutique, le chapitre 11 discute des questions qui concernent les
thérapeutes plutôt que les clients.
Enfin, le chapitre 12 présente les ressources (documents
imprimés et bandes magnétoscopiques ainsi que possibilités de formation)
que les thérapeutes et les clients peuvent utiliser pour renforcer le
processus de guérison d'un traumatisme sexuel.
CHAPITRE 2 - PRÉVALENCE, IMPACT ET PROBLÈMES
Ce chapitre présente des renseignements sur la prévalence
de la victimisation sexuelle parmi les personnes
de sexe masculin et discute des nombreuses raisons qui
compromettent les efforts tentés pour dresser un tableau
exact de la situation. On y discute des effets possibles
de l'expérience du traumatisme sexuel sur les victimes
de sexe masculin et on identifie les variables primaires
qui permettent généralement de prédire la gravité
de la pathologie qui en résulte. On examineenfin les différences
essentielles entre les hommes et les femmes en matière de
victimisation sexuelle en basant la discussion à la fois
sur la recherche empirique et sur l'expérience clinique.
|
ESTIMATIONS DE LA PRÉVALENCE
Notre aptitude à reconnaître beaucoup des mauvais traitements et des
formes d'exploitation qui font partie de notre culture est conditionnée
par un certain nombre de mythes sociaux et culturels. L'abus sexuel,
et particulièrement l'abus sexuel des enfants de sexe masculin, est
resté jusqu'à très récemment invisible dans notre société.
Du temps de Freud, l'inceste père-fille n'était pas pensable. Il
a fallu attendre les années 1960 pour reconnaître que les enfants
pouvaient être victimes de mauvais traitements et le milieu des
années 1970 pour admettre qu'ils pouvaient être abusés sexuellement.
Ce n'est qu'au cours des années 1980 que l'on a reconnu qu'il "tait
des victimes de sexe masculin et les études ont alors révélé que
la victimisation des garçons était plus fréquente qu'on ne l'avait
pensé précédemment. (Banning, 1989, p. 569)
Il est difficile d'estimer avec exactitude la prévalence de la victimisation
sexuelle parmi les hommes et cela pour toutes sortes de raisons. Les
chercheurs qui « [...] s'efforcent de déterminer le nombre de cas d'abus
sexuel au sein de la population générale (prévalence) indiquent des
taux qui varient entre 3 % et 31 % pour les personnes de sexe masculin
[...] » (Finklehor et al., 1986 dans Dimock, 1988, p. 203). On remarque
également une augmentation du taux de fréquence des déclarations d'abus
sexuel parmi les hommes : « Bien que le taux des déclarations ait augmenté
parmi les victimes des deux sexes, la proportion des hommes est passée
de 15,7 % du total en 1980 à 21,7 % en 1984 » (American Humane Association,
1986 dans Dimock, 1988, p. 203). Au Canada, en 1984, le rapport Badgley
a conclu que 33 % des hommes sont victimes d'abus sexuel à un moment
ou un autre de leur vie, que 75 % de ces abus sont perpétrés contre
des garçons de moins de 17 ans et que 25 % d'entre eux peuvent être
considérés comme des infractions graves condamnables aux termes du Code
criminel canadien (Bruckner et Johnson, 1987, p. 81).
Les estimations de la prévalence de l'abus sexuel varient d'une étude
à l'autre. Une recherche effectuée en 1989 auprès de 592 étudiants américains
de collèges situés dans deux régions géographiques différentes a trouvé
que 15 % des étudiants du campus du Centre-Ouest et 13 % des étudiants
du campus du sud-est « ont décrit au moins une expérience d'abus sexuel
au cours de leur enfance » (Fromuth et Burkhart, 1989, p. 536). Un échantillon
national représentatif de 2 972 étudiants américains des collèges a
conclu ce qui suit :
7,3 % des hommes ont indiqué qu'ils avaient eu une expérience dans
l'enfance qui répondait au moins à l'un des trois critères suivants
de l'abus sexuel : 1) l'existence d'une différence d'âge entre l'enfant
et la personne qui perpétrait l'abus, 2) l'utilisation d'une forme
quelconque de contrainte pour obtenir la participation de la victime
ou 3) le lait que la personne responsable de l'abus était chargée
de s'occuper de l'enfant ou était en situation d'autorité vis-à-vis
de lui. (Risin et Koss, 1987, p. 309)
Il est clair que, bien que les études empiriques aient fourni des données
quantitatives qui permettent d'identifier le problème de l'abus sexuel
parmi les personnes de sexe masculin, les chiffres relatifs à la prévalence
ne sont que des estimations. On peut résumer comme suit le problème
général que pose l'estimation de l'étendue de l'abus sexuel parmi les
hommes :
Beaucoup et même la plupart des infractions sexuelles ne sont pas
déclarées. Il est donc impossible de déterminer le nombre réel d'infractions,
que la victime soit de sexe masculin ou féminin. (Freeman-Longo,
1986, p. 411)
FACTEURS QUI INFLUENT SUR LE DÉVOILEMENT DE L'ABUS
SEXUEL PARMI LES HOMMES
Les nombreux facteurs qui compliquent le processus de dévoilement de
l'abus sexuel parmi les hommes seront discutés en trois catégories :
1) facteurs liés à la recherche,
2) impact des croyances et des stéréotypes culturels,
3) facteurs cliniques.
1. Facteurs liés à la recherche
Les études qui s'efforcent de déterminer la prévalence de l'abus sexuel
parmi les hommes parviennent à des estimations différentes et cela en
partie parce qu'elles définissent l'abus sexuel en fonction de la recherche
effectuée. Il n'y a pas de définition standard de l'abus sexuel qui
tienne compte à la fois du sexe, de l'âge et des différences culturelles
et régionales (Urquiza et Keating, 1990; Risin et Koss, 1987). Chaque
étude part donc d'une définition unique de l'abus sexuel et, en lait,
mesure différents types d'expérience.
Les échantillons utilisés par les différentes études ne sont pas standardisés.
Certaines recherches utilisent des populations non cliniques comme les
étudiants des collèges alors que d'autres se fondent sur des populations
cliniques comme les adolescents actuellement en traitement ou les adultes
emprisonnés pour infraction d'ordre sexuel. Il est clair que les données
qui décrivent ces différentes populations refléteront des expériences
influencées par des variables spécifiques. En outre, la méthodologie
utilisée pour la collecte des données (p. ex., questionnaires individuels,
entrevues particulières, sondages téléphoniques, etc.) varient d'une
étude à l'autre, ce qui a un effet sur le degré de fiabilité des données.
C'est ainsi que « [...] les différences entre les taux de prévalence
déclarés sont davantage une réflexion de la méthode de collecte des
données que du nombre d'enfants sexuellement abusés » (Urquiza et Keating,
1990, p. 96).
2. Impact des croyances et des stéréotypes culturels
La sous-déclaration de l'abus sexuel des enfants de sexe masculin est
souvent un reflet des croyances culturelles sur le rôle des sexes et
la socialisation. Certains actes, comme la victimisation sexuelle des
enfants de sexe masculin, restent cachés parce que la façon dont ils
sont interprétés est modelée par les valeurs et les mythes culturels.
Mythe de l'autonomie masculine
Dans son examen du problème, Finklehor dit qu'à cause de « l'éthique
masculine d'autonomie, [on] a eu tendance à décrire la sexualité masculine
du jeune en termes très positifs et audacieux [ce qui est] en partie
responsable de la grave sous-déclaration des expériences de victimisation
sexuelle des garçons » (Finklehor, 1984, p. 152).
La croyance que les hommes sont toujours forts et capables de se tirer
d'affaire a créé une mythologie qui sous-entend que, si un garçon ou
un homme admet avoir été victimisé, il est vu comme n'étant pas vraiment
un homme. Notre culture n'a pas de mythologie pour identifier le processus
de la victimisation masculine et cette lacune a pour effet d'émasculer
les garçons victimes d'abus sexuel. On les voit soit comme des femmes
et donc féminisés, soit comme des êtres faibles et donc imparfaits,
son comme des individus intéressés par les relations sexuelles avec
les hommes et donc homosexuels. Aucune de ces interprétations de la
victimisation n'offre de réponse utile à un garçon qui a été abusé sexuellement
et essaie de se réconcilier avec cette expérience.
Que les garçons soient abusés par des personnes de sexe masculin ou
féminin ou les deux, l'interprétation culturelle de l'événement a tendance
à minimiser son impact ou à assigner la responsabilité de l'abus à la
victime (Sepler, 1991).
Mythe de l'initiation sexuelle
Les garçons qui ont été abusés par un homme sont souvent considérés
comme ayant participé à des actes homosexuels pour le plaisir. Cette
interprétation peut être celle de la victime elle-même, particulièrement
si, au cours de l'abus, son pénis a répondu à la stimulation sexuelle
par une érection (Struve, 1990; Urquiza et Keating, 1990; Dimock, 1988).
Il est intéressant de noter que plusieurs articles de journaux professionnels
(Sandfort, 1984; Tindall 1987) discutent de la nature des rapports sexuels
entre les adultes et les enfants et concluent que « [...] si les circonstances
s'y prêtent (intimité, degré d'excitation sexuelle, etc.), la première
relation sexuelle [entre un adulte mâle et un enfant mâle] s'est produite
en conséquence d'un désir mutuel » (Tindall, 1978, p. 380). Cette façon
d'interpréter les actes sexuels entre des hommes et des enfants de sexe
masculin comme des expériences sexuelles consensuelles, sans tenir compte
des éléments de pouvoir et de contrôle en cause, témoignent des illères
culturelles qui ont pour effet de perpétuer l'exploitation sexuelle
des enfants. Des déclarations comme celle qui suit ignorent sciemment
les différences de développement entre les adultes et les enfants dans
le domaine des besoins sexuels et de leur expression.
Les recherches à venir sur la pédophilie ne devraient pas classer
a priori les adultes qui ont des contacts pédosexuels comme des
délinquants et les enfants comme des victimes et cataloguer tous
les contacts pédosexuels comme des abus ou des mauvais traitements.
Les chercheurs auront avantage à commencer par considérer les relations
pédophiles simplement comme un autre type de rapport humain. (Sandfort,
1984, p. 140)
Ce type de déclaration témoigne des difficultés auxquelles doivent
faire face certains hommes victimes d'abus sexuel lorsqu'ils commencent
à identifier et à examiner leur expérience et qu'ils se heurtent à de
pareilles tentatives de redéfinition de l'abus comme une activité sexuelle
consensuelle.
Notre culture entretient la croyance que toute activité sexuelle est
bonne pour les hommes et que le contexte importe peu. Les images que
présentent la publicité, la télévision et le cinéma montrent souvent
des activités sexuelles où les « réactions émotionnelles des victimes
de sexe masculin [...] sont gravement déformées par rapport à celles
des victimes réelles » (Trivelpiece, 1990, p. 67). Lorsque l'abus est
hétérosexuel et qu'une femme sexuellement mûre agresse un garçon, il
peut avoir du mai à reconnaître qu'il s'agit d'un abus puisque l'interprétation
culturelle de cet événement est qu'il a « eu de la chance ». Dans des
films comme The Summer of '42, l'abus sexuel est romancé et présenté
comme une initiation (Trivelpiece, 1990).
Mythe de l'innocence féminine
Les garçons qui sont abusés par des femmes ou des filles font également
face à des mythes sociaux qui peuvent les empêcher d'identifier l'abus.
Les préjugés culturels sur les sexes perpétuent la croyance que les
femmes en général et les mères en particulier sont aimantes. Les mères
ont culturellement la permission de toucher leurs enfants. Lorsque ce
contact est érotisé, parfois sous l'apparence de rituels liés à la toilette
ou aux soins médicaux, un garçon peut avoir du mai à reconnaître ce
comportement comme un abus. Comme il est également assujetti au mythe
culturel selon lequel le toucher des femmes est une preuve d'amour plutôt
qu'une expression de la sexualité, il peut être incapable de se rendre
compte que le comportement sexuel a gratifié les besoins de la personne
qui l'a agressé plutôt que les siens.
Les préjugés culturels déforment la façon dont les faits sont interprétés
et les mêmes actes sont vus différemment suivant qu'ils sont accomplis
par un homme ou par une femme. C'est à cause de cette double mesure
que les rapports sexuels inopportuns entre une femme adulte et un enfant
sont ignorés
Il y a une croyance très répandue dans la société que les femmes
ne peuvent pas abuser sexuellement de leurs enfants. Au pire, leur
comportement est vu comme séducteur et non comme nuisible alors
que chez un père, la même façon d'agir est jugée être une atteinte
à la pudeur. (Banning, 1989, p. 567)
Mythe de la contamination
La croyance populaire est que les victimes d'abus sexuel de sexe masculin
deviennent automatiquement des délinquants. Bien qu'il soit vrai que
certains délinquants sexuels ont eux-mêmes été victimes d'abus sexuel,
les infractions sexuelles sont liées à des facteurs complexes et ne
peuvent s'expliquer uniquement par une victimisation sexuelle antérieure
(Freund, Watson et Dickey, 1990). Or, le stéréotype culturel qui veut
que les victimes d'abus sexuel deviennent des délinquants empêche certaines
victimes de dévoiler l'abus dont elles ont fait l'objet.
3. Facteurs cliniques
Plusieurs aspects du système de service social font obstacle au dévoilement
de la victimisation sexuelle des personnes de sexe masculin. Le plus
important est le fait que les organismes de protection de l'enfance
ont tendance à s'occuper des cas d'abus sexuel au sein des familles
où ils sont chargés d'assurer la sécurité des enfants. A l'issue du
sondage qu'il a effectué auprès des étudiants, Finklehor a trouvé que
« les garçons couraient plus de risques que les filles d'être victimisés
par quelqu'un d'extérieur à la famille » (Finklehor, 1984, p. 166).
En fait, environ 83 % des agresseurs des étudiants visés par ce sondage
n'étaient pas des membres de leur famille (Finklehor, 1984). C'est ainsi
que les actes d'abus sexuel perpétrés contre des victimes de sexe masculin,
en admettant qu'ils soient dévoilés, ont tendance à être déclarés à
la police ou au système de justice criminelle et non aux organismes
de protection ou de traitement de l'enfance. Ce manque de reconnaissance
sociale des besoins de traitement et de protection des victimes de sexe
masculin a pour effet de perpétuer le silence. On ne peut guère s'attendre
à ce que les victimes dévoilent l'abus sexuel dont elles ont fait l'objet
si elles n'ont rien à gagner de ce dévoilement.
Comme on en discutera plus loin dans ce chapitre, les personnes qui
ont subi un traumatisme sexuel dans leur enfance répriment souvent leurs
souvenirs de l'événement. Cette structure de défense primitive réduit
les chances de dévoilement. Même lorsque les souvenirs reviennent, si
la personne chargée de la thérapie ou de la protection de l'enfant n'est
pas à l'aise pour poser des questions sur la possibilité d'abus sexuel
et les aborde d'une façon telle que l'enfant ne fait pas le rapport
avec ce qu'il a vécu, l'abus n'est parfois pas dévoilé (Hunter, 1990).
La sensibilisation à la question de la victimisation sexuelle des jeunes
garçons dans la communauté thérapeutique professionnelle est limitée
par les mêmes facteurs que ceux qui informent la culture dans son ensemble.
Jusqu'à récemment, les publications et les articles professionnels ont
traité de la prévalence de la victimisation sexuelle des enfants de
sexe masculin plutôt que de l'impact de l'abus sexuel sur les victimes
ou des modèles et des méthodologies à utiliser pour aider les survivants.
Cette absence d'informations sur la façon de travailler avec les survivants
explique que beaucoup de thérapeutes aient ignoré qu'elles et ils comptaient
des survivants parmi leurs clients ou n'aient pas su comment leur parler.
L'absence de questions sur la possibilité d'abus sexuel peut se solder
par une absence de dévoilement de la part du client.
En résumé, il y bien des raisons pour lesquelles l'ampleur véritable
de l'abus sexuel des enfants de sexe masculin est relativement mal connue
et probablement sous-déclarée.
[...] les hommes hésitant encore plus que les femmes à admettre
leur victimisation, c'est à nous de deviner quel est l'ampleur véritable
de la victimisation des hommes. Elle est certainement plus élevée
que les rapports ne l'indiquent actuellement. (Blanchard, 1987,
p. 20)
IMPACTS DE L'ABUS SEXUEL ET PROBLÈMES ÉPROUVÉS PAR
LES HOMMES QUI EN ONT ÉTÉ VICTIMES
Les répercussions de l'abus sexuel sur ceux qui en ont été victimes
sont généralement multiples et complexes. Toutes les parties du moi
- physique, mentale, affective et spirituelle - sont touchées par l'abus
et toutes peuvent présenter des manifestations et des symptômes en rapport
avec l'abus.
Les symptômes liés à l'abus sexuel apparaissent à la fois à court et
à long terme. Certains symptômes (comme les coupures et meurtrissures
physiques, les maladies transmises sexuellement, le choc émotionnel
ou les réactions d'agression) sont l'effet de la crise et leur impact
se fait sentir à court terme. D'autres symptômes (comme la distorsion
de la perception ou le manque d'amour-propre) sont intériorisés plus
profondément par la victime et ont un impact à beaucoup plus long terme
(Evans, 1990).
L'abus sexuel est souvent accompagné d'autres formes de mauvais traitements
et de négligence si bien qu'il est difficile d'isoler le traumatisme
causé par l'abus sexuel et qu'il n'est pas toujours possible de déterminer
l'origine des symptômes dont les racines sont multiples. Cependant,
comme le note Olsen (1990) :
Que l'on se fonde sur l'auto-dévoilement anecdotique ou sur une
méthodologie comparative et une instrumentation valide et fiable,
les données indiquent que les hommes qui commençaient une psychothérapie
et avaient été abusés sexuellement à l'intérieur ou à l'extérieur
de leur famille quand ils étaient enfants étaient beaucoup plus
perturbés psychologiquement que les autres clients. (p. 148)
Il y a des chercheurs qui soutiennent que l'interaction sexuelle entre
des adultes et des enfants ou des enfants plus âgés et des enfants plus
jeunes a un impact neutre ou positif sur les jeunes enfants (Condy et
al., 1987; Constantine, 1979; Sandfort, 1984; Tindall, 1978). Je ne
partage pas cette opinion. Les jeunes enfants ne sont pas suffisamment
mûrs intellectuellement, émotionnellement ni physiquement pour faire
un choix informé en ce qui concerne leur participation à des activités
sexuelles avec des adultes. C'est pourquoi, bien que certains survivants
de l'abus sexuel puissent identifier cette expérience comme ayant eu
sur eux un impact positif ou neutre, ce n'est certainement pas le cas
pour la majorité des victimes d'un traumatisme sexuel.
La forme spécifique de l'expression des effets du traumatisme sexuel
varie d'un individu à l'autre. Il est généralement vrai qu'un grand
nombre des effets de la victimisation sexuelle, même s'ils ont constitué
des tentatives d'adaptation au moment de l'abus, sont devenus dysfonctionnels
dans le contexte qui le suit (Briere, 1990).
Chacune des victimes de l'abus sexuel a une histoire unique à raconter
sur le rôle que cet événement a joué dans sa vie. Dans le reste du chapitre,
je décrirai les divers effets que l'abus sexuel peut avoir sur les victimes
de sexe masculin. Il n'existe pas de classification unique qui puisse
tenir compte de toutes les conséquences possibles du traumatisme sexuel.
Cependant, les survivants ont un grand nombre de thèmes et de problèmes
en commun. On insistera plutôt sur les impacts à long terme qui deviennent
partie intégrante de la vie du survivant que sur les effets aigus à
court terme.
N'oubliez pas que l'histoire personnelle que vous racontent vos clients
constitue le guide le plus utile pour comprendre les répercussions que
l'abus sexuel a eu sur eux. Les renseignements qui figurent ici ont
pour but de vous aider à mieux comprendre l'expérience de vos clients,
non de remplacer une évaluation minutieuse.
Variables qui Influencent l'impact de l'abus sexuel
Les chercheurs et les thérapeutes ont observé que la sévérité de l'impact
de l'abus sexuel sur ses victimes est fonction de plusieurs variables
clés :
· l'âge
auquel l'abus a commencé,
·
la durée et la fréquence de l'abus,
·
le type d'activités qui ont constitué l'abus,
· la
nature de la relation entre l'agresseur et la victime,
·
le nombre et le sexe des agresseurs,
· la
façon dont l'abus a été dévoilé,
· les
autres circonstances atténuantes dans la vie de la victime.
(Condy et al., 1987; Crowder et Myers-Avis, 1993; Hunter, 1990a; Pierce,
1987)
L'âge auquel l'abus a commencé
De façon générale, plus jeune est la victime au moment où l'abus sexuel
commence, plus grand est l'impact sur son développement psychologique
(Hunter, 1990a; Pierce, 1987). Les enfants plus jeunes font appel à
des défenses plus primitives et moins conscientes pour protéger l'intégrité
de leur psyché. À mesure que l'enfant mûrit, ces défenses primitives
provoquent souvent de graves troubles développement aux (Kilgore, 1988).
Des défenses comme le déni, la répression, le clivage et la dissociation
deviennent problématiques si la victime généralise ces stratégies d'adaptation
et les applique à d'autres aspects de sa vie. Plus âgée est la victime
au moment où commence l'abus, plus elle est capable de décider consciemment
comment se protéger et moins nombreuses seront les étapes de son développement
qui seront touchées par ses décisions.
La durée et la fréquence de l'abus
Plus l'abus sexuel est fréquent et plus il dure longtemps, plus il
y a de chances pour que la victime soit conditionnée par l'expérience
et plus sévère est donc l'impact du traumatisme (Hunter, 1990a). L'atmosphère
psychologique que respire l'enfant nourrit sa psyché. Si l'atmosphère
qui l'entoure est contaminée, sa psyché sera forcée de s'adapter à cet
air pollué. Tout comme le plomb que respire l'enfant dans l'air des
taudis empoisonne son système neurologique, de même l'abus sexuel répété
déforme le rapport qu'il a avec lui-même et avec les autres.
Le type d'activités qui ont constitué l'abus
L'utilisation de la force a tendance à exacerber l'impact de l'abus
sexuel (Pierce, 1987; Urquiza et Capra, 1990). Les menaces ou les actes
de violence mettent en danger non seulement la santé psychologique d'un
enfant mais aussi son existence physique. L'impuissance, l'incapacité
et la rage d'un enfant sont plus grandes lorsqu'il est dominé par la
force physique.
Dans certains cas d'abus rituel, la victime est forcée de participer
activement à des rituels odieux (comme lorsqu'elle est forcée de tenir
le couteau qui accomplit le sacrifice). Souvent la victime oublie que
des adultes l'ont forcée ou l'ont obligée à se soumettre à leur plan
et elle est accablée par la culpabilité et la haine de soi ou bien elle
réprime le souvenir de l'événement. De façon générale, « Dans la plupart
des cas, plus l'acte sexuel est déviant, plus grand est l'impact négatif
» (Hunter, 1990a, p. 46).
La nature de la relation entre l'agresseur et la victime
L'abus peut être perpétré par des étrangers complots ou par les membres
de la famille les plus proches de l'enfant. Lorsqu'il s'agit d'un membre
de la famille ou d'un ami proche, l'interaction est plus intense et
la victime se sent d'autant plus trahie. Le sentiment de loyauté de
la victime à l'égard des membres de sa famille est généralement plus
complexe qu'à l'égard des étrangers. C'est pourquoi, lorsque l'abus
sexuel est perpétré par une personne de la famille, l'outrage à la confiance
est encore plus profond.
Les membres de la famille continuent souvent à tenir un rôle significatif
dans la vie de la victime et il n'est pas facile de les éviter ou de
les oublier. C'est pourquoi le sentiment de perte, de chagrin et de
trahison de la victime est plus fort si l'abus se produit au sein de
la famille. Les victimes qui ont été séduites par une personne de la
famille qui était douce et gentille pendant l'abus déclarent souvent
qu'elles ont davantage de difficultés à se réconcilier avec leurs sentiments
résiduels que les victimes qui ont été violées de force par une personne
étrangère.
Les stratégies de séduction utilisées par une personne avec laquelle
la victime a une relation continue créent un sentiment de confusion
et d'ambivalence quant à la nature de l'abus. Les victimes d'abus intrafamilial
ont généralement des sentiments mixtes à l'égard de leur(s) agresseur(s).
L'ambivalence des sentiments, qui oscillent entre l'attachement envers
l'agresseur et la peur et la rage devant ses actes abusifs, peut créer
des tendances continues à l'instabilité dans les rapports humains. Comme
le note Dimock (1988) :
[Pour beaucoup de survivants] la vulnérabilité devient associée
à l'impuissance qu'ils ont ressentie étant enfant lorsque quelqu'un
de plus fort a abusé d'eux. [Dans les rapports adultes] ils sont
incapables de séparer leurs expériences passées du présent et
[ils] réagissent émotionnellement comme s'ils étaient toujours
impuissants lorsqu'ils se sentent vulnérables. (p. 217)
Le nombre et le sexe des agresseurs
« Plus les adultes qui participent effectivement à l'abus sexuel sont
nombreux, plus l'enfant a de chances de voir le monde comme un lieu
habité uniquement par des êtres dangereux (Hunter, 1990a, p. 48). Si,
comme dans l'abus rituel, des sections importantes du monde de l'enfant
tournent autour de l'abus et de sa nature secrète, l'enfant en vient
à croire qu'il n'existe pas d'autre réalité. De même, si l'abus a été
perpétré à la fois par des hommes et par des femmes, l'enfant se sent
moins en sécurité que s'il avait été abusé par des personnes d'un seul
sexe. Les hommes qui ont été abusés par plusieurs personnes ont généralement
davantage de difficulté à guérir. La dynamique de l'abus est plus complexe
et le processus de rétablissement plus lent.
La façon dont l'abus a été dévoilé
En général, lorsqu'une victime est capable de parler volontairement
de l'abus sexuel qu'elle a subi ou retrouve graduellement les souvenirs
qui y sont associés, le processus est moins pénible que si le dévoilement
est involontaire ou brutal (Kilgore, 1988). Si le dévoilement a lieu
alors que la victime habite toujours à la maison, les réactions des
membres de la famille sont très importantes. Si les membres de la famille
nient ou réfutent l'existence de l'abus sexuel, le sentiment d'impuissance
et de désespoir de la victime pourra augmenter. Si, par contre, on écoute
la victime et on lui apporte un soutien, cela l'aidera à se remettre
du traumatisme qu'elle a subi.
L'étape de développement de la victime influence la façon dont elle
révèle l'abus et son aptitude à faire face aux réactions des autres.
Les enfants plus jeunes dévoilent souvent ce qui s'est produit en simulant
le comportement abusif. Les adolescents peuvent dévoiler la chose indirectement
en parlant à une ou un ami(e) proche qui, à son tour, informe une personne
de confiance en situation d'autorité. Les adultes ont tendance à être
plus directs une fois qu'ils ont admis personnellement qu'ils ont été
victimes d'abus sexuel. En général, plus tôt la victime dévoile l'abus
et cherche de l'aide pour lutter contre ses effets négatifs, plus facile
est le rétablissement.
Il n'est pas rare que les enfants se rétractent après un dévoilement
parce que les pressions familiales auxquelles ils doivent faire face
sont trop horribles (Summit, 1983). Les enfants révèlent ce qui leur
est arrivé parce qu'ils veulent que le comportement abusif cesse ou
pour protéger la sécurité d'un autre enfant. Ils sont rarement prêts
à faire face au processus d'enquête que la police et les organismes
de protection de l'enfance sont tenus d'effectuer ou au bouleversement
de la structure familiale que cela entraîne souvent.
Les autres circonstances atténuantes dans la vie de la victime
L'abus sexuel n'est pas l'unique événement de la vie d'un enfant. S'il
représente seulement un incident parmi d'autres expériences relativement
positives, il aura moins d'impact que s'il fait partie de tout un ensemble
de négligences et d'abus physiques et psychologiques. Trois facteurs,
en particulier influent sur l'aptitude de l'enfant à se rétablir de
l'abus sexuel. Ce sont :
1) les caractéristiques constitutionnelles de base de l'enfant
(par exemple, son tempérament, son amour-propre et son niveau de
contrôle interne); 2) l'existence d'un milieu familial qui est une
source de soutien (chaleur, affection, organisation, etc.); et 3)
la présence d'une personne ou d'un organisme qui offre à l'enfant
un système de soutien primaire pour l'aider à faire face et à trouver
un modèle positif auquel s'identifier. (Urquiza et Capra, 1990,
p. 129)
Effets de l'abus sexuel sur les survivante
L'abus sexuel est une agression à plusieurs niveaux qui est souvent
accompagnée d'autres formes de mauvais traitements et de négligence.
C'est pourquoi on présenterait un tableau inexact de l'expérience de
la plupart des survivants si l'on isolait certains symptômes ou que
l'on ignorait le rapport entre les différents symptômes provoqués par
l'abus sexuel.
On examine ici l'impact de l'abus sexuel sur les victimes de sexe masculin
d'un point de vue clinique en commençant par les symptômes généraux
avant de passer aux symptômes plus complexes et spécifiques comme la
dissociation. La discussion des effets typiques de l'abus sexuel sur
les garçons et les hommes est présentée sous les titres suivants
· effets
sur le plan physique,
· effets
sur le plan mental,
· effets
sur le plan affectif,
· troubles
post-traumatiques et dissociation,
· difficultés
avec l'identité masculine,
· confusion
quant à l'orientation sexuelle et homophobie,
· perpétration
réactionnelle d'abus sexuel et agression,
· conduites
sexuelles obsessionnelles,
· difficultés
interpersonnelles.
Effets sur le plan physique
Les enfants n'ont généralement pas le vocabulaire qu'il faut pour raconter
aux autres leurs expériences d'abus sexuel ou les conséquences de ces
expériences. Ils ont davantage tendance à « montrer » cette expérience
aux autres en la simulant ou en utilisant d'autres comportements indicateurs.
Il arrive souvent que les garçons victimes d'abus sexuel aient des cauchemars
et des troubles du sommeil, souffrent d'encoprésie ou d'énurésie ou
présentent d'autres symptômes physiques de souffrance (Urquiza et Capra,
1990). Des douleurs somatiques chroniques pour lesquelles il n'existe
pas de cause organique apparente peuvent être des indicateurs d'abus
sexuel.
Dans certains cas, les symptômes sont le dégoût et la haine à l'égard
de sa personne physique (Hunter, 1990; Myers, 1989). Les garçons se
sentent souvent trahis par leur corps qui a répondu aux avances sexuelles
qui lui étaient faites. Leur sentiment intérieur de confusion, de peur
ou de colère était en conflit avec leur excitation physique. Ce mépris
du corps se manifeste sous différentes formes, notamment la négligence
devant les besoins physiques (p. ex., boulimie ou anorexie, non-attention
aux problèmes médicaux) ou les comportements autodestructeurs.
Les comportements autodestructeurs peuvent prendre diverses formes.
Les conduites physiques téméraires (p. ex., conduite automobile imprudente,
pratiques sexuelles dangereuses, etc.), l'alcoolisme, la toxicomanie
et l'automutilation sont parmi les plus courantes. L'automutilation
est souvent « une tentative pour bloquer ou interrompre des sentiments
ou des pensées [...] et peut donc constituer un effort pour survivre
aux symptômes invalidants [...] » (Briere, 1989, p. 27). Il n'est pas
rare que les survivants manifestent leur haine d'eux-mêmes et leur désespoir
par des idées de suicide ou de réelles tentatives de suicide (Dixon,
1978; McCormack, Janus et Burgess, 1986).
Les comportements autodestructeurs peuvent être l'expression de toute
une variété de dynamiques différentes et il faut examiner le système
de croyances personnelles de chaque client pour comprendre la signification
métaphorique de ses conduites. Par exemple, avec des clients qui présentent
une personnalité multiple, le comportement autodestructeur peut relever
du domaine d'une personnalité particulière. À moins de travailler avec
cette personnalité spécifique, le client risque de ne pas pouvoir accéder
aux émotions qui sont à l'origine des actes autodestructeurs.
Lorsque la sexualité a été la façon de répondre à différents besoins
non sexuels, le survivant peut voir son corps et sa sexualité comme
une marchandise à échanger contre de l'argent ou un logement et ce comportement
peut s'intégrer à son style de vie. Les prostitués et les fugueurs qui
ont appris en tant que victimes d'abus sexuel quand ils étaient enfants
que leur sexualité peut être une façon d'obtenir pouvoir et ressources
se servent de leur corps pour gagner leur vie (McCormack, Janus et Burgess,
1986).
Le fait d'être une victime de sexe masculin est une expérience contre-culturelle
puisque les hommes ne sont généralement pas considérés comme vulnérables
et impuissants. Certains hommes craignent que leur vulnérabilité transparaisse
et que même de parfaits étrangers puissent voir qu'ils ont été victimisés
et sont donc imparfaits. Ils s'adonnent parfois à des activités contre-phobiques
comme la musculation et l'athlétisme, non par amour du sport mais parce
que cela représente un moyen de devenir plus forts et de cacher leurs
« faiblesses ».
Effets sur le plan mental
L'une des distorsions de la perception les plus courantes chez les
survivants est qu'ils se tiennent responsables de l'abus qu'ils ont
subi (Briere et ai., 1988; McCormack, Janus et Burgess, 1986; Myers,
1987; Nielsen, 1983; Vander May, 1988). Les enfants ont une compréhension
limitée des dynamiques interpersonnelles auxquelles ils participent.
Lorsqu'ils sont maltraités ou négligés, ils comprennent la chose comme
étant le résultat d'une insuffisance de leur part plutôt que d'une insuffisance
de la part des adultes qui les maltraitent ou les négligent (Leehan
et Wilson, 1985). Cette tendance à l'autocondamnation est souvent exacerbée
par l'agresseur qui peut dire des choses comme « C'est toi qui me fais
faire ça... » ou « Je fais ça parce que je t'aime... » ou « Si tu n'étais
pas si séduisant, je n'aurais pas besoin de faire ça... »
Beaucoup de survivants parvenus à l'âge adulte ont besoin d'aide pour
comprendre qu'un enfant n'est jamais responsable du comportement des
adultes, dans aucune circonstance. Il arrive souvent que les survivants
d'abus sexuel projettent des valeurs et des jugements adultes sur leur
propre participation à l'événement. lis oublient qu'en tant qu'enfants,
ils n'étaient pas suffisamment mûrs intellectuellement et émotionnellement
pour porter un jugement éthique sur leur comportement sexuel. En aidant
un survivant à se voir comme l'enfant qu'il était à l'époque de l'abus
sexuel, on parvient souvent à réduire son sentiment de responsabilité.
Les survivants répriment fréquemment les souvenirs de l'abus dont ils
ont été victimes ou nient l'impact qu'il a eu sur leur vie (Briere,
1989). Ils érigent habituellement ces défenses mentales à l'époque de
l'abus dans un effort pour faire face aux événements dissonants de leur
vie. Par exemple, dans les cas d'abus intrafamilial, beaucoup d'enfants
ont dû faire face au dilemme que leur posait le fait que l'abus était
perpétré par une personne qui leur montrait également amour et affection.
Dans un effort pour admettre ce comportement discordant, l'enfant a
pu juger qu'en niant l'abus ou en réprimant inconsciemment le souvenir
qu'il en avait, il pouvait tolérer sa situation.
Les survivants présentent souvent des tendances à l'impuissance et
à la passivité apprises (Blanchard, 1986; Briere, 1989).
Même si la façon de réagir de la victime représente un mécanisme
d'adaptation utile dans l'enfance, elle perd sa raison d'être lorsqu'elle
se maintient à l'âge adulte. L'individu victimisé est devenu adulte,
avec les choix et le pouvoir d'un homme, mais il continue à se voir
comme petit, impuissant et responsable de tous les mauvais traitements
qu'il subit. Il passe sa vie adulte à apprendre aux autres à le
maltraiter parce qu'il est passif et ne se défend pas. [...] L'abus
était un élément normal de son enfance que personne n'a rien fait
pour arrêter et il considère donc que c'est une partie normale et
acceptable de la vie. (Hunter, 1990a, p. 71-72)
Les survivants qui pensent qu'ils sont responsables de l'abus dont
ils ont été victimes et qu'ils sont incapables de faire quoi que ce
soit pour modifier leur expérience ont souvent très peu d'amour-propre
(Nielsen, 1983). lis pensent que le traitement qu'ils ont reçu des adultes
était ce qu'ils méritaient et que le monde n'a rien de mieux à leur
offrir. Ce désespoir et cette impuissance peuvent se concrétiser dans
l'existence si le survivant ne trouve pas le moyen de changer ses convictions
intimes.
Effets sur le plan affectif
Jusqu'à récemment, dans notre culture, les hommes n'étaient guère encouragés
à exprimer leurs sentiments. Les survivants ont souvent été invités,
dans le cadre de leur socialisation, à supprimer ou à réprimer leurs
émotions. Beaucoup de survivants ne sont pas capables d'identifier,
de reconnaître ou de montrer leurs sentiments. Ils souffrent d'engourdissement
affectif (Hunter, 1990a; Leehan et Wilson, 1985). Certains hommes homophobes
pensent que seuls les hommes homosexuels expriment leurs émotions et
ils se créent un personnage stoïque pour confirmer leur « masculinité
».
Certains hommes n'ont pas conscience de leurs émotions et adoptent
des comportements obsessionnels pour veiller à ce qu'elles restent réprimées
(Urquiza et Capra, 1990). Les comportements obsessionnels sont des processus
émotionnels inconscients secondaires qui bloquent temporairement les
affects primaires. Le caractère compulsif du comportement obsessionnel
est si absorbant et satisfaisant temporairement qu'il masque la réalité
émotionnelle très profonde qui le sous-tend.
Beaucoup de survivants deviennent des toxicomanes et leurs rapports
avec l'alcool, la drogue ou la nourriture peuvent mobiliser une grande
partie de leur énergie mentale et affective. D'autres survivants se
réfugient dans des conduites obsessionnelles et leurs rapports avec
le travail, le sport, le sexe ou d'autres activités sont marqués par
la compulsion et la dépendance. Leur travail ou leur intérêt pour le
sport devient totalement absorbant parce qu'il assume la fonction secondaire
d'empêcher la prise de conscience des émotions. Les comportements obsessionnels
sont souvent bien acceptés socialement et peuvent assurer au survivant
le respect de son patron ou des ses co-équipiers. Les personnes qui
tirent avantage du comportement obsessionnel du survivant ne se rendent
généralement pas compte que son activité est en fait mue par un besoin
de bloquer l'émergence des sentiments.
Lorsqu'un survivant est en contact avec ses émotions, il ressent généralement
des sentiments d'anxiété et de peur, de dépression, de culpabilité,
de colère, de rage et de honte (Blanchard, 1986; Briere, 1989; Bruckner
et Johnson, 1987; Constantine, 1979; Hunter, 1990a; Nielsen, 1983; Olsen,
1990; Pierce, 1987; Schacht, Kerlinsky et Carlson, 1990; Vander May,
1988; Urquiza et Capra, 1990).
Initialement, la colère est l'émotion que les survivants expriment
souvent le plus facilement (Dimock, 1988). La rage des hommes est souvent
dirigée vers l'homosexualité liée à l'abus plutôt que vers ses aspects
d'exploitation. La colère a de la force et de l'énergie. C'est un état
affectif en accord avec les rôles masculins tels que définis par la
culture. La colère et la rage peuvent devenir l'émotion « fourre-tout
» pour les victimes de sexe masculin. L'expression de la colère, émotion
active, est ressentie comme plus acceptable que l'expression d'émotions
davantage liées à la vulnérabilité.
Tous les survivants ne ressentent pas de la colère devant le fait qu'ils
ont été victimes d'abus sexuel. Beaucoup ont du mai à éprouver et à
exprimer leur rage. Pour un grand nombre d'hommes, la colère est associée
à la violence. Beaucoup de survivants ont peur de céder à la violence
s'ils entrent en contact avec leurs sentiments de colère. D'autres survivants
adoptent une attitude de « victime » dans leur vie et réagissent au
fait d'avoir été exploités par la passivité et le retrait.
Stress post-traumatique et dissociation
Les personnes qui travaillent dans le domaine des interventions en
cas de viol, des interventions auprès des anciens combattants de la
guerre du Vietnam et de la lutte contre l'abus sexuel des enfants ont
rassemblé leurs connaissances pour mieux comprendre les effets des traumatismes
graves sur les victimes. Ces connaissances combinées ont pris le nom
d'étude du stress post-traumatique. Elles ont produit des concepts très
utiles pour celles et ceux qui travaillent avec des survivants de désastres
naturels, de guerres, de prises d'otages, de viols et, plus récemment,
d'abus sexuel.
Les victimes d'abus sexuel partagent beaucoup de problèmes avec les
victimes d'autres désastres. Citons en particulier ce qui suit :
· Elles
n'ont pas choisi la fréquence ni la durée de l'événement traumatisant.
· Leurs
ressources personnelles étaient sans effet devant des forces négatives
d'une grande puissance.
· Leur
sécurité physique et psychologique était menacée.
· Elles
ne savaient pas quand leur milieu était sans danger et quand il ne l'était
pas.
· Leurs
efforts pour parier du traumatisme avec d'autres se heurtent souvent
à l'incrédulité et au manque de compréhension, ce qui provoque l'isolement
affectif, la confusion et la honte.
· Elles
ne sont pas capables de faire face émotionnellement au traumatisme tant
qu'elles ne se sentent pas physiquement et psychologiquement en sûreté.
(Briere, 1989; Evans, 1990)
Le stress post-traumatique, à cause de ses caractéristiques étiologiques,
donne lieu à des stratégies de défense très variées auxquelles la victime
a recours pour tenter de préserver son intégrité. Les symptômes les
plus courants du stress post-traumatique comprennent les flashbacks;
(éclairs de mémoire) et la répétition de l'expérience du traumatisme
(Briere, 1989), un engourdissement général des réactions intellectuelles
et affectives (Blanchard, 1986; Briere, 1989; Myers, 1989), l'hypervigilance
(Blanchard, 1986; Briere, 1989) et toute une variété de réactions de
dissociation (Briere, 1989; Evans, 1990; Hunter, 1990a; Nielsen, 1983).
Les flashbacks peuvent faire intervenir un ou plusieurs des
cinq sens du survivant qui ont consciemment ou inconsciemment encodé
le souvenir de l'abus (Briere, 1989). Les survivants mentionnent souvent
de vagues sensations corporelles récurrentes qui ne sont associées à
aucun souvenir conscient. Ces sensations ou ces souvenirs sont déclenchés
par des stimuli internes ou externes qui évoquent le traumatisme initial.
Par exemple, la présence d'un appareil-photo peut déclencher un flashback
chez un survivant dont l'abus a consisté, entre autres, à poser pour
des photos pornographiques; ou un survivant qu'on laissait seul pendant
de longues périodes de temps après l'abus sexuel peut avoir des flashbacks
de son expérience lorsqu'il se sent isolé.
Plus le traumatisme a été répété et plus l'intrusion a été grande,
plus le souvenir neurologique du survivant est profond et puissant.
Si un événement déclencheur se produit pendant un épisode de la vie
du survivant qui rappelle des événements abusifs passés, une chitine
d'associations se met en branle, habituellement inconsciemment, et le
client commence à refaire l'expérience de l'abus dont il a été victime.
Cette répétition de l'expérience s'accompagne souvent d'un brouillage
entre le passé et le présent. Le survivant se retire inconsciemment
du présent et projette les souvenirs et les sentiments liés au passé
sur les stimuli actuels. Ce phénomène, qui ressemble à une transe, s'accompagne
d'une baisse des perceptions sensorielles et le survivant a généralement
besoin de reprendre contact avec sa réalité présente pour pouvoir transcender
le flashback.
Des souvenirs réprimés peuvent revenir sous forme de flashbacks. lis
peuvent aussi émerger sous forme de rêves et de cauchemars. Les survivants
ont souvent des rêves qui rappellent explicitement l'abus dont ils ont
été victimes ou des cauchemars récurrents de poursuite qui évoquent
symboliquement les thèmes de l'abus (Briere, 1989; Nielsen, 1983).
Briere définit le symptôme d'engourdissement émotionnel qui
fait souvent partie du stress post-traumatique comme « [...] une perte
de réactivité, un détachement des autres et/ou un étouffement de l'émotivité
» (Briere, 1989, p. 8). Les survivants donnent souvent des détails explicites
sur l'abus dont ils ont été victimes sans ressentir d'émotions, comme
s'ils parlaient d'événements qui sont arrivés à quelqu'un d'autre.
Bien que la distance émotionnelle ait une valeur à court terme comme
moyen de défense contre le choc et la crise, lorsqu'elle est maintenue
pendant une longue période de temps, elle sépare et isole le survivant
de la gamme complète de ses sentiments (Grubman-Black, 1990; Nielsen,
1983). Les survivants ont souvent peur d'identifier ou d'exprimer leurs
émotions parce qu'ils craignent que leurs réactions affectives soient
si intenses qu'ils ne pourront pas les dominer.
Il arrive souvent que les survivants de traumatisme et d'abus sexuel
deviennent hypervigilants en préparation pour la prochaine agression
possible sur leur personne (Blanchard, 1986). Le stress post-traumatique
est caractérisé par l'hypertension et l'hyperactivité du système nerveux
sympathique. La tension musculaire chronique, l'incapacité de dormir,
l'agitation, les troubles du sommeil et les sursauts exagérés sont des
symptômes typiques des survivants de traumatisme sexuel (Nielsen, 1983).
La dissociation par rapport à l'expérience constitue une réaction courante
des victimes de traumatisme en général et d'abus sexuel en particulier.
Le corps d'un enfant peut rester présent au cours de l'abus mais son
esprit s'en sépare pour se protéger psychologiquement. Certains des
symptômes de dissociation que Briere (1989) mentionne sont la
fuite mentale dans un espace apparemment neutre (mieux connue sous l'expression
« perte de contact »), la déréalisation (le sentiment que les choses
autour de soi sont fausses ou n'ont pas de réalité), la dépersonnalisation
(le sentiment qu'on est différent de son moi habituel), les expériences
extra-corporelles (la sensation de flotter à l'extérieur de son corps
et de voyager ailleurs) et la présence de trous de mémoire bien définis
dans des souvenirs par ailleurs continus.
Les comportements dissociatifs se répartissent le long d'un continuum
qui va du rêve éveillé au trouble de personnalité multiple. Les formes
bénignes de la dissociation font partie de l'expérience quotidienne.
Cependant, lorsque des défenses dissociatives plus extrêmes comme le
dédoublement et la répression sont utilisées pour faire face au stress,
elles compromettent le sentiment d'intégrité personnelle.
Beaucoup de survivants ont dissocié leurs affects de leurs souvenirs
intellectuels. D'autres ont le sentiment vague et inconfortable qu'ils
ont été abusés mais ne peuvent pas se souvenir d'incidents d'abus spécifiques.
Dans les deux cas, le survivant a souvent l'impression qu'il est fou
et que son moi est partialisé. La thérapie a pour tâche de l'aider à
réintégrer la totalité de son expérience.
Lorsque l'abus a eu lieu très tôt dans la vie, qu'il a été sévère et
prolongé et qu'il a été perpétré par plusieurs personnes différentes,
il arrive souvent que la victime an recours à des défenses hautement
dissociatives et développe des symptômes comme le trouble de personnalité
multiple. La personnalité multiple est une défense inconsciente sophistiquée
par laquelle la psyché s'efforce paradoxalement de protéger sa cohérence
en partialisant ses diverses composantes. Les sous-personnalités servent
le système de personnalité multiple en assumant les tâches de protecteur,
d'agresseur ou de victime. Généralement, les sous-personnalités sont
très distinctes les unes des autres avec des caractéristiques et des
traits vraiment différents. Les souvenirs de chaque sous-personnalité
ne sont pas partagés avec les autres parties du système. C'est pourquoi
les survivants qui présentent une personnalité multiple souffrent souvent
de pertes de mémoire apparentes et ne se souviennent pas d'actions qui
leur sont rappelées par d'autres personnes et qui se sont effectivement
produites.
Difficultés avec l'identité masculine
Notre culture a créé une mythologie sociale qui attend des hommes qu'ils
aient le contrôle de leur vie, qu'ils soient autonomes et forts. Les
hommes ne sont pas supposés avoir besoin d'aide pour faire face à leurs
sentiments. Des expressions comme « un garçon ne pleure pas » encouragent
les hommes à dissimuler leur vulnérabilité. Dans notre culture, les
hommes qui réussissent sont présentés comme des hétérosexuels, des initiateurs
sexuels et des protecteur d'eux-mêmes et des autres.
Pour les survivants, la prescription sociale de la virilité réussie
est en conflit direct avec l'expérience. Il arrive souvent que les survivants
récrivent leur histoire d'abus en oubliant qu'ils étaient à l'époque
des enfants impuissants. Ils projettent leur identité d'homme mûr sur
les souvenirs de l'abus et se considèrent coupables de ne pas avoir
empêché leur agresseur d'agir. En conséquence de l'abus, beaucoup d'hommes
signalent « une atteinte à leur sentiment subjectif de virilité ou de
masculinité [...] » (Myers, 1989, p. 210).
Certaines attitudes sociales augmentent l'aliénation du survivant par
rapport à une identité masculine saine. Lorsque l'on répond au dévoilement
d'un survivant par des questions comme « Êtes-vous un délinquant sexuel?
» ou « Êtes-vous homosexuel? », son sentiment d'imperfection est confirmé
(Dimock, 1988; Myers, 1989). L'un des sentiments qui prévaut parmi les
survivants est :
qu'ils ont réagi sexuellement dans des circonstances où un homme
normal aurait été impuissant. En conséquence, ils en sont venus
à se considérer comme anormaux ce qui, à son tour, a provoqué ou
reprovoqué des sentiments d'insuffisance en tant qu'homme. (Sarrel
et Masters, 1982, p. 127)
Au cours de la thérapie, les survivants ont besoin d'examiner comment
leur aptitude à affirmer leur masculinité authentique est limitée par
les facteurs culturels. Grubman-Black (1990) dit que les thérapeutes
peuvent aider les clients à acquérir une identité masculine positive
en les amenant à reconnaître que les idées rigides sur les rôles et
les stéréotypes sexuels basés sur des renseignements inexacts sont responsables
d'une partie de la souffrance personnelle des survivants de l'abus sexuel.
Les thérapeutes peuvent aider les victimes à prendre conscience du fait
qu'il émerge aujourd'hui des définitions nouvelles de la masculinité
qui affirment l'expression des émotions et intègrent la vulnérabilité.
Confusion quant à l'orientation sexuelle et homophobie
Beaucoup de survivants ont été abusés par un homme et cela les amène
inévitablement à se poser des questions sur leur orientation sexuelle
et leur masculinité. Ils se demandent parfois si leur orientation sexuelle
naturelle est hétérosexuelle, homosexuelle ou bisexuelle (Bruckner et
Johnson, 1987; Dimock, 1988; Hunter, 1990a; Myers, 1989). Les questions
et les préoccupations liées à l'orientation sexuelle constituent souvent
un problème central pour les survivants dont la confusion est parfois
manifeste. Dimock (1988) dit que beaucoup de survivants s'adonnent à
une activité sexuelle avec une personne du sexe opposé à leur orientation
sexuelle déclarée ou ne sont pas capables d'affirmer leur préférence
sexuelle.
En général, les victimes ont été excitées physiologiquement par la
stimulation de leurs organes génitaux. Il arrive souvent qu'elles aient
eu leur premier orgasme avec une autre personne à l'occasion de l'épisode
d'abus sexuel. Désarmés devant ce qui leur est arrivé, beaucoup de survivants
ont tendance à se référer aux signes extérieurs (c.-à-d. excitation
physique et orgasme) plutôt qu'aux signes intérieurs (c.-à-d. désarroi
affectif et confusion) dans leurs efforts pour identifier leur orientation
et leurs préférences sexuelles. lis en viennent à croire que « [...]
excitation signifie plaisir et plaisir signifie complicité » (Gerber,
1990, p. 173).
Les enfants ne savent pas que beaucoup d'hommes qui s'adonnent à des
comportements sexuels avec des personnes du même sexe ne sont pas homosexuels.
Ils n'analysent pas leur expérience en termes de contrôle et de pouvoir.
Les enfants interprètent souvent l'abus sexuel dont ils ont été victimes
comme un épisode homosexuel plutôt que comme un traitement abusif. lis
voient l'agresseur comme « un homme gai qui a un rapport sexuel avec
un enfant » plutôt que comme « un délinquant qui utilise un enfant sexuellement
pour satisfaire des besoins essentiellement non sexuels ».
Tous les survivants posent des questions comme « Pourquoi est-ce que
cela m'est arrivé à moi et pas à quelqu'un d'autre? Qu'est-ce que le
fait d'avoir été abusé sexuellement révèle sur moi et sur ma sexualité?
Pourquoi est-ce moi qu'on a choisi? » Les survivants qui ont été abusés
par une personne du même sexe se posent des questions supplémentaires.
Les hommes homosexuels ont tendance à se demander « Est-ce que je suis
gai parce que j'ai été abusé? » ou « Est-ce que j'ai été abusé parce
que je suis gai? ». Les hommes hétérosexuels, de leur côté, se demandent
« Si j'ai été abusé par un homme, est-ce que cela veut dire qu'en réalité
je suis gai? ».
Notre société est très homophobe. Tous les hommes, qu'ils soient hétérosexuels
ou homosexuels, qui ont grandi dans notre culture ont intériorisé des
croyances homophobes. Lorsque les survivants sont des hommes gais, le
processus d'acceptation de leur homosexualité peut être plus difficile
à cause de leur propre incertitude quant à l'impact que l'abus sexuel
a eu sur leur orientation sexuelle. Leur famille et leurs amis peuvent
avoir tendance à régler la question de leur orientation sexuelle en
déclarent « Il est gai parce qu'il a été abusé sexuellement. » Leur
propre homophobie intériorisée peut les inciter à voir l'abus sexuel
comme responsable de leur orientation sexuelle parce qu'ils peuvent
alors croire que le rétablissement de l'abus comprendra une - guérison
- de leur homosexualité.
À l'heure actuelle, il n'existe pas de rapport prévisible entre l'orientation
sexuelle et l'abus sexuel subi dans l'enfance. Certains chercheurs ont
conclu à « un rapport [...] statistiquement fort entre l'abus sexuel
subi dans l'enfance et l'activité homosexuelle à l'âge adulte » (Dimock,
1988, p. 205), mais on ne sait pas si cela démontre une cause, un effet
ou une corrélation.
Certaines preuves indiquent que les garçons qui sont marginalisés sont
plus vulnérables à l'abus sexuel (Finkelhor, 1984). Dans la mesure où
les garçons qui s'écartent de l'identité masculine traditionnelle (c.-à-d.
les garçons qui n'aiment pas les sports, qui s'intéressent aux sentiments,
etc.) sont davantage marginalisés, ils sont peut-être plus susceptibles
d'être abusés. La recherche sur cet aspect de l'abus sexuel est lourde
de sous-entendus politiques et éthiques et les chercheurs courent le
risque d'être vus comme anti-gais et homophobes (Hunter, 1990a).
Il est évident que les thérapeutes (qu'ils soient hommes ou femmes,
homosexuels ou hétérosexuels) sont dans l'obligation de prendre conscience
de leurs propres préjugés à l'égard du sexisme, du racisme, des classes
sociales et de l'orientation sexuelle. Tout en sachant que l'orientation
sexuelle couvre toute la gamme de l'hétérosexualité à l'homosexualité
en passant par la bisexualité, nous avons concentré notre savoir et
notre compréhension sur les deux extrêmes, à savoir l'hétérosexualité
et l'homosexualité. On ne comprend pas bien comment le continuum entre
ces deux pôles est influencé par les variables innées, situationnelles
et transitionnelles. Il faut poursuivre plus avant les recherches sur
le rapport entre l'abus sexuel et l'identité sexuelle subséquente.
Les thérapeutes doivent veiller à maintenir l'équilibre, au cours des
séances de thérapie, entre les préoccupations thérapeutiques et politiques
et ceci au nom des intérêts de leurs clients et non des leurs. Pour
optimiser l'utilité du processus thérapeutique pour les clients, les
thérapeutes doivent prendre conscience de leurs propres préjugés culturels
et politiques et de la façon dont ils influencent leurs interventions
auprès de leurs clients.
Perpétration réactionnelle d'abus sexuel et agression
L'expérience de la victimisation sexuelle semble donner lieu à trois
réactions inconscientes typiques chez les victimes :
1. L'enfant comprend ce que c'est que d'être une victime et décide
inconsciemment « C'est ce que je suis. » Il accepte son expérience
de victimisation comme une image de sa propre valeur, ne définit
jamais les frontières et les limites de son moi et ne cesse de répéter
son expérience de victimisation.
2. L'enfant comprend ce que c'est que d'être une victime et décide
inconsciemment « Je ferai en sorte que les autres ne deviennent
jamais des victimes. » Il donne suite à cette conviction en offrant
aux autres l'aide et la protection qu'il n'a jamais reçues lui-même.
3. L'enfant comprend ce que c'est que d'être une victime et décide
inconsciemment « Cela ne m'arrivera plus jamais. » Pour retrouver
son pouvoir, il décide de s'identifier avec la personne qui l'a
agressé et d'utiliser des stratégies basées sur l'abus d'autrui
pour satisfaire ses besoins.
Bien qu'il soit possible de réagir de plus d'une façon, les survivants
ont tendance à s'identifier essentiellement à l'une de ces réactions.
Beaucoup de survivants, même s'ils s'identifient d'abord avec la victime
ou le protecteur, craignent de devenir aussi des agresseurs. Bruckner
et Johnson (1987) font remarquer qu'il est relativement courant que
les survivants aient peur d'avoir un comportement sexuel avec les enfants
ou se sentent coupables d'avoir eu des expériences sexuelles avec des
enfants lorsqu'ils étaient adolescents.
Il est évident que toutes les victimes ne deviennent pas des délinquants
sexuels et que tous les délinquants sexuels n'ont pas été des victimes
d'abus sexuel. Certains facteurs réduisent les risques à cet égard.
Il y a moins de chances pour que la victime réagisse par l'agression
si elle avait acquis un solide sens du moi avant l'expérience de l'abus,
si elle a des rapports avec des modèles masculins positifs, si elle
a des relations interpersonnelles qui lui sont une source de soutien
et si elle a conscience de ce qui constitue une expression saine de
la sexualité (Gerber, 1990).
Certaines victimes d'abus sexuel intériorisent inconsciemment le comportement
de la personne qui les a agressées. La théorie de l'apprentissage social
suggère que la copie des modèles et l'apprentissage par personne interposée
jouent un rôle important dans la façon dont les comportements sociaux
sont façonnés et mis en uvre. Pour certains survivants, le comportement
abusif devient une défense contre la victimisation puisqu'ils croient
qu'il vaut mieux être fort que faible et que, pour être fort, il faut
contrôler les autres. L'identification avec l'agresseur peut amener
certains survivants à commettre eux-mêmes des abus dans un effort mai
adapté pour satisfaire leur besoin d'être forts (Gerber, 1990). Il s'agit
d'une tentative contre-phobique erronée pour comprendre et surmonter
l'expérience de la victimisation (Hunter, 1990a).
La socialisation des hommes encourage l'action et tolère l'agression
pour assurer la gratification de ses besoins. Certains survivants ont
un répertoire limité d'aptitudes pour satisfaire leurs besoins et c'est
pourquoi ils adoptent des comportements de contrôle et de manipulation
à l'égard des autres. Bruckner et Johnson (1987) notent que les membres
des groupes de survivants reconnaissent souvent qu'ils agressent sexuellement
leurs partenaires adultes, qu'ils se montrent violents à leur égard
et qu'ils ont généralement recours à la manipulation dans les rapports
qu'ils ont avec les autres.
Lorsque les survivants se sont eux-mêmes rendus coupables d'abus contre
les autres, il faut procéder à une évaluation sérieuse pour établir
si ce comportement est un processus structuré, prédateur et délibéré
ou s'il s'agit d'une expérience isolée et réactionnelle qui est le résultat
d'une expérimentation comportementale ou de la répétition d'une conduite.
Il n'entre pas dans le cadre du présent travail d'examiner l'évaluation
et le traitement des délinquants sexuels récidivistes. Cependant, comme
certains survivants sont devenus des agresseurs par réaction, on discutera
de certaines des questions associées à ce comportement.
Les survivants qui se sont adonnés à des activités sexuelles abusives
réactionnelles lorsqu'ils étaient adolescents ont souvent très honte
de ce comportement. Cette honte ressentie à deux niveaux, pour avoir
été à la fois une victime et un agresseur, doit être examinée. Les survivants
ont souvent besoin que l'on replace leur comportement d'agression dans
le contexte de leur propre victimisation. Il ne s'agit pas d'une tentative
pour excuser leur conduite mais plutôt d'une stratégie visant à réduire
la honte qu'ils en ressentent. En réduisant le degré de honte, on permet
au client d'éprouver la culpabilité appropriée et d'assumer la responsabilité
de ses actes.
Les survivants ont besoin de savoir que l'énergie sexuelle d'un enfant
dont l'éveil sexuel a été prématuré n'est pas contenue comme il se doit
par le jugement et la maturité. En grandissant, le survivant devra examiner
ses expériences sexuelles précoces et peut-être corriger certaines tendances
dysfonctionnelles inconscientes. Il devra canaliser son besoin d'être
fort et d'exprimer sa rage devant l'abus dont il a été victime et l'orienter
vers des comportements non abusifs.
Les survivants qui sont à la fois des victimes et des agresseurs représentent
un défi pour beaucoup de professionnels de la santé mentale qui se heurtent
alors aux limitations des théories qui leur sont chères sur les victimes
et les agresseurs (Gerber, 1990). Lorsque la frontière entre victime
et agresseur n'est pas claire, les modèles de traitement axés exclusivement
sur la victimisation ou sur les processus d'agression comme sur des
phénomènes séparés perdent de leur utilité. Beaucoup d'organismes séparent
les services aux victimes des services aux agresseurs. Les clients qui
tombent dans les deux catégories créent un dilemme au niveau de la prestation
des services.
Conduites sexuelles obsessionnelles
L'activité sexuelle apporte avec elle un sérieux renforcement - à savoir
l'excitation sexuelle et l'orgasme. L'excitation sexuelle des victimes
est conditionnée par l'abus sexuel. Par définition, l'abus sexuel crée
un conditionnement dysfonctionnel. Comme les jeunes enfants n'ont pas
la maturité émotionnelle, intellectuelle et sociale nécessaire pour
comprendre l'expérience sexuelle adulte, leur initiation sexuelle abusive
peut créer des tendances à l'excitation et des comportements de défense
érotisés qui peuvent s'avérer dysfonctionnels aux étapes de développement
ultérieures.
Friedrich, Beilke et Urquiza (1988) ont comparé le comportement de
deux groupes de jeunes garçons de trois à huit ans. Un groupe présentait
un trouble du comportement et l'autre avait été victime d'abus sexuel.
lis ont trouvé qu'ils pouvaient déterminer qui appartenait à chaque
groupe avec un niveau d'exactitude relativement élevé. La variable qui
contribuait le plus à cette différence concernait les problèmes sexuels.
Les garçons qui avaient été abusés sexuellement étaient notablement
plus érotisés en tant que groupe. Le comportement sexuel de ces jeunes
garçons comprenait une masturbation excessive, une préoccupation pour
lés choses du sexe et une répétition de leur abus sexuel avec leurs
frères et surs. Si des victimes comme ces jeunes garçons ne reçoivent
pas de thérapie au moment du dévoilement de l'abus, leur sexualité se
développera d'une façon qui reflétera leur expérience sexuelle abusive
initiale.
Pour les hommes de notre culture, le premier orgasme est un rite de
passage et marque l'entrée dans l'âge adulte. Lorsque cet orgasme se
produit dans le contexte d'un rapport abusif, il est marqué par des
associations problématiques comme l'usage du pouvoir, le non-consentement
mutuel et parfois la violence. Certains survivants ont élaboré des fantasmes
et des rituels masturbatoires autour de leur expérience d'abus sexuel
et sont excités par des activités sexuelles qui font intervenir l'agression,
la violence ou l'exploitation.
Le mélange du secret et de l'excitation sexuelle laisse souvent à la
victime un sentiment de grande honte à l'égard de sa sexualité, particulièrement
s'il se rend compte que la façon dont il l'exprime est déviante. Certains
survivants ne sont pas conscients du fait que leur comportement sexuel
a été façonné par des processus d'abus et ils pensent qu'ils sont inadaptés,
bizarres ou anormaux à cause de la nature de leurs désirs sexuels et
de la façon dont ils vivent leur sexualité.
Il y a souvent un rapport entre l'expérience d'abus sexuel d'une victime
et la façon dont elle exprime sa sexualité par la suite. Par exemple,
si l'abus faisait intervenir des actes de violence et de sadisme, l'expression
sexuelle subséquente de la victime peut fort bien répéter certains aspects
de cette violence. A cause de la honte qui entoure ce comportement,
un survivant hésitera généralement beaucoup à parier aux autres de sa
sexualité.
Beaucoup de survivants déclarent s'adonner à des comportements sexuels
obsessionnels comme des activités sexuelles fréquentes sans établissement
d'une relation avec l'autre ou une masturbation compulsive.
Le comportement sexuel obsessionnel peut être défini simplement
comme un manque de contrôle sur une ou plusieurs activités sexuelles
spécifiques. Ces activités sont le plus souvent étrangères au moi
et l'individu ressent honte et remords après s'y être adonné. Malgré
son désir d'arrêter, il en est incapable même lorsqu'il est clair
qu'il se fait du mal ou qu'il fait du mal aux autres. (Dimock, 1988,
p. 207)
Comme les autres obsessions, l'obsession sexuelle est habituellement
une tentative erronée de la part du survivant pour se guérir. Les comportements
sexuels obsessionnels sont utilisés pour bloquer certains états d'esprit
intolérables (p. ex., l'anxiété). Pour certains survivants, l'obsession
sexuelle remplace l'intimité sexuelle. La masturbation avec du matériel
pornographique est moins menaçante que le rapport sexuel avec une ou
un partenaire, particulièrement si les situations sexuelles interactives
déclenchent souvent, consciemment ou inconsciemment, des souvenirs de
l'abus sexuel (Hunter, 1990a). Dans certains cas, les survivants s'efforcent
de répondre à leur inconfort devant la sexualité en évitant complètement
tout contact sexuel avec les autres (Bruckner et Johnson, 1987).
Pour que le client puisse modifier son comportement obsessionnel, il
a besoin de prendre conscience du cycle que suit l'obsession. En observant
le déroulement de sa conduite compulsive et des états d'esprit qui précédent
le comportement obsessionnel, un survivant peut parvenir à décoder ses
actes obsessionnels et à les remplacer par des comportements fonctionnels.
Difficultés interpersonnelles
L'abus sexuel est un traumatisme induit par des êtres humains et il
a des répercussions durables sur les rapports subséquents avec les êtres
humains. Chez les jeunes enfants, les réactions à l'abus comprennent
l'agression contre les autres, la délinquance et la désobéissance (McCormack,
Janus et Burgess, 1986; Schacht, Kerlinsky et Carlson, 1990; Urquiza
et Capra, 1990). Les survivants ont souvent des sentiments ambivalents
vis-à-vis de la personne qui les a agressées. Même S'ils n'ont pas aimé
l'aspect non partagé du rapport sexuel, ils ont pu apprécier Inattention
et l'intérêt que leur a montré l'agresseur (Blanchard, 1986; Hunter,
1990a; Nielsen, 1983). Cette ambiguïté peut se manifester plus tard
comme une incapacité à distinguer entre sexualité et affection, confiance
et exploitation et rapport sans danger ou abusif (Briere, 1989).
Les victimes d'abus sexuel peuvent avoir de la difficulté à amorcer,
développer et entretenir des relations interpersonnelles intimes (Urquiza
et Capra, 1990). L'abus de confiance qui est inhérent à l'abus sexuel
amène souvent la victime à éviter les rapports interpersonnels. Cet
isolement social exacerbe la stigmatisation de la victime et rend encore
plus difficile l'intégration réussie de la crise psycho-sociale qu'a
constituée l'abus (Briere, 1989; Leehan et Wilson, 1985).
Les chercheurs et le personnel clinique ont noté que les survivants
de l'abus sexuel ont tendance à être plus souvent victimisés à nouveau
dans leurs relatons subséquentes (Briere, 1989; Dimock, 1988; Hunter,
1990a; Myers, 1989; Nielsen, 1983). La dynamique du processus de revictimisation
est complexe. Certaines victimes ne savent pas reconnaître les signaux
de danger qui indiquent la présence d'un risque d'abus ou bien elles
se dissocient quand cela se produit et entrent dans un état passif où
leur aptitude à se protéger disparaît ou bien ces signaux font tellement
partie de leur expérience normale qu'elles ne peuvent pas imaginer qu'il
y ait des interactions interpersonnelles non abusives. D'autres victimes
ont du mai à discerner les limites et les frontières de leur moi et
ne sont pas capables d'identifier les moments où leurs besoins de sécurité
ne sont pas satisfaits.
Une des façons de réagir à la victimisation subie dans l'enfance pour
les survivants est de devenir hypervigilants à l'égard des humeurs et
des comportements des personnes importantes qui les entourent (Blanchard,
1986; Briere, 1989). L'enfant qui pouvait prédire qu'un abus risquait
de se produire acquérait un sentiment marginal de contrôle de la situation.
Pour avoir ce faux sentiment de contrôle, il fallait absolument apprendre
à déchiffrer l'état d'esprit et l'humeur de l'agresseur. Ce comportement,
qui visait initialement la sécurité, devient dysfonctionnel dans les
rapports adultes subséquents lorsqu'un survivant ne peut pas identifier
son propre vécu intérieur et se concentre sur l'état d'âme des personnes
qui ont de l'importance dans sa vie. Son amour-propre ne se développe
pas comme il se doit et il façonne sa conduite en réaction aux autres
plutôt qu'en réponse à ses propres besoins.
Les comportements sexuels interactifs des survivants sont souvent très
problématiques (Blanchard, 1986; Briere, 1989; Myers, 1989; Nielsen,
1983; Sarrel et Masters, 1982). Un survivant peut être hanté par toute
une gamme de dysfonctions sexuelles telles que manque de désir, difficultés
détection et dissociation au cours de des activités sexuelles.
En général, l'abus sexuel accélère, retarde ou complique
le développement sexuel de l'enfant. Lorsque la victime d'abus sexuel
grandit, son développement psycho-sexuel reflète son expérience passée.
Dans les rapports adultes, les partenaires sexuels sont parfois l'objet
des projections inconscientes des survivants, ce qui peut être une source
de confusion et de souffrance pour les uns et pour les autres tant que
ces projections n'ont pas été identifiées et traitées. Par exemple,
si un agresseur récompensait une victime avec des cadeaux après l'abus,
la victime, une fois adulte, peut réagir de façon négative à tout cadeau
qu'il reçoit de ses partenaires. Ceci peut être une source de confusion
autant pour la ou le partenaire, qui s'attend à ce que les cadeaux soient
acceptés avec joie, que pour le survivant qui ne peut pas comprendre
pourquoi il réagit de cette façon au comportement de l'autre.
DIFFÉRENCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES OUI ONT
SURVÉCU À L'ABUS SEXUEL
Les recherches actuelles indiquent qu'il existe des différences notables
entre la victimisation sexuelle des garçons et celle des filles. Ces
différences touchent la nature de l'expérience même de l'abus mais aussi
la façon dont cette expérience est comprise et intégrée.
Les renseignements sur les différences entre les hommes et les femmes
qui ont survécu à l'abus sexuel seront présentés de la façon suivante
: je commencerai par discuter des résultats des recherches effectuées
sur le sujet puis je décrirai certaines des observations des personnes
qui ont contribué au présent travail sur la façon dont le sexe des clients
influence le processus thérapeutique.
Il est très difficile d'établir les taux de prévalence de la victimisation
sexuelle parmi les garçons et les filles. Les études actuelles indiquent
qu'en chiffres absolus, plus de filles que de garçons sont victimes
d'abus sexuel (Bruckner et Johnson, 1987; Finklehor, 1984; Fritz, Stoll
et Wagner, 1981; Vander May, 1988). Il reste à voir si ces résultats
changeront à mesure que les conditions sociales permettront aux hommes
de reconnaître leur expérience de victimisation.
Les résultats de recherche notent régulièrement que les garçons et
les filles ressentent l'abus sexuel différemment. Les hommes interprètent
souvent l'abus sexuel comme une initiation sexuelle plutôt que comme
un outrage à leur personne (Condy et ai., 1987; Constantine, 1979; Finklehor,
1984; Fritz, Stoll et Wagner, 1981; Risin et Koss, 1987; Sandfort, 1984;
Tindall, 1978). D'après Fritz, Stoll et Wagner (1981), les femmes avaient
tendance à attribuer une signification négative et nettement malfaisante
à leur expérience sexuelle prépubertaire alors que les hommes la voyaient
comme un phénomène neutre ou même positif.
Les différences de perception entre les victimes d'abus sexuel sont
influencées par de nombreux facteurs, y compris la socialisation des
sexes, la différence entre leurs réactions physiologiques et la façon
dont la culture détermine les expressions de la sexualité. Le fait que
les victimes de sexe masculin ne perçoivent pas nécessairement leur
abus comme une expérience négative ne signifie pas que l'expérience
ne les ait pas marquées de façon négative. Comme Finklehor (1984) a
conclu à l'issue de son enquête sur les survivants, les garçons avaient
davantage tendance que les filles à noter l'intérêt et le plaisir comme
constituant leur réaction immédiate à l'abus sexuel. Cependant, lorsqu'il
a examiné les effets à long terme de l'abus en mesurant son impact sur
l'amour-propre sexuel des survivants, Finklehor a noté que les garçons
étaient aussi marqués que les filles, sinon plus.
Les garçons sont plus souvent abusés de façon homosexuelle que les
filles (Finklehor, 1984; Fritz, Stoll et Wagner, 1981; Risin et Koss,
1987). La réalité de la victimisation est que les garçons, comme les
filles, sont plus souvent victimisés par des hommes.
Les chercheurs ont trouvé que les victimes de sexe féminin étaient
plus souvent abusées par des membres de leur famille alors que les garçons
étaient plus souvent les victimes d'agresseurs de l'extérieur (Finklehor,
1984; Fritz, Stoll et Wagner, 1981; Pierce et Pierce, 1985; Risin et
Koss, 1987; Vander May, 1988). Statistiquement, les garçons courent
davantage de risques d'être abusés. par le personnel enseignant, le
personnel d'entraînement, les personnes chargées de les garder et autres
adultes en situation d'autorité que par des membres de leur propre famille.
Les recherches empiriques indiquent cependant que le nombre absolu de
garçons qui sont abusés sexuellement au Sein de leur famille demeure
très élevé.
Les victimes de sexe masculin vivent plus souvent avec leur mère dans
des familles monoparentales que les victimes de sexe féminin (Pierce
et Pierce, 1985; Vander May, 1988). Un grand nombre des garçons victimes
d'abus sexuel n'ont pas de parent actif de sexe masculin ou de modèle
masculin qui leur apporte soutien et protection.
Les garçons sont plus souvent abusés avec d'autres enfants alors que
les filles le sont plus souvent de façon isolée. Dans les cas où l'abus
est intrafamilial, les garçons ont davantage tendance à être l'une de
plusieurs victimes (Finklehor, 1984; Fritz, Stoll et Wagner, 1981; Dixon,
Arnold et Calestro, 1978; Pierce et Pierce, 1985; Vander May, 1988).
Si c'est une fille qui est victime de l'un de ses parents, dans
65 % des déclarations, elle sera la seule victime déclarée. S'il
s'agit d'un garçon, dans 60 % des cas, il y aura une autre victime.
(Finklehor, 1984, p. 164)
Les garçons victimes d'abus sexuel sont aussi plus souvent victimes
de mauvais traitements que les filles (Finklehor, 1984; Dixon, Arnold
et Calestro, 1978; Vander May, 1988). Non seulement les garçons courent
plus de risques d'être également victimes de mauvais traitements mais
ils courent aussi davantage de risques que l'abus sexuel soit violent.
Pierce et Pierce (1985) ont trouvé que le recours à la force et aux
menaces était notablement plus fréquent avec les garçons qu'avec les
filles.
Les types d'activité qui constituent l'abus diffèrent entre les victimes
en fonction des sexes (Pierce et Pierce, 1985; Risin et Koss, 1987).
Les garçons sont beaucoup plus souvent victimes de sodomie et participent
plus souvent à une masturbation mutuelle. En outre, les garçons ont
plus souvent un orgasme au cours de l'abus (Fritz, Stoll et Wagner,
1978). Une étude effectuée par Pierce et Pierce (1985) a conclu que
les agresseurs avaient plus souvent des rapports sexuels oraux avec
les garçons [52 % des garçons et 17 % des filles avaient des rapports
oraux]. La même étude a conclu que 40 % des agresseurs masturbaient
les garçons, ce qui est plus élevé que la statistique équivalente pour
les filles. Cependant, les garçons étaient caressés beaucoup moins souvent
que les filles.
Les garçons ont moins tendance que les filles à parler à des membres
de leur famille de leurs expériences de victimisation (Fritz, Stoll
et Wagner, 1978; Risin et Koss, 1987). Lors du dévoilement de l'abus,
s'il s'agit d'un garçon qui n'a pas atteint la majorité, l'abus est
plus souvent déclaré à la police qu'à un organisme de protection de
l'enfance. Si l'abus est déclaré à des services de protection, le garçon
est moins souvent placé hors de la famille aux fins de protection (Finklehor,
1984; Pierce, et Pierce, 1985; Vander May, 1988). Une fois l'abus dévoilé,
les victimes de sexe masculin reçoivent moins souvent de thérapie que
les filles et le traitement qu'ils reçoivent est en moyenne plus court
(Vander May, 1988).
Le personnel clinique interviewé dans le cadre du présent travail a
tout de suite tenu à faire remarquer que les différences cliniques entre
les garçons et les filles victimes d'abus sexuel sont faibles comparées
aux similitudes. Les victimes des deux sexes se sentent isolées et marginalisées.
Elles ont toutes des problèmes d'amour-propre et d'intégrité. En dernière
analyse, pour les uns comme pour les autres, le processus de guérison
et de rétablissement est un processus d'acceptation de tous les aspects
de la condition humaine, un processus qui transcende les sexes.
L'une des différences entre les deux sexes souvent mentionnée par les
participants à la recherche est la réticence des victimes de sexe masculin
à reconnaître leur victimisation. Les hommes ressentent davantage de
honte devant leur victimisation que les femmes. Le fait d'être une victime
est une expérience contre-culturelle pour un homme. Il est plus difficile
pour un homme d'admettre qu'il a été victimisé, qu'il a été un enfant
impuissant. Certains hommes refusent complètement d'ouvrir la porte
a leurs souvenirs et à leurs sentiments en disant « Mon enfance, c'est
du passé. » La conséquence de cette difficulté à briser le silence et
à révéler aux autres l'abus dont ils ont été victimes est que les hommes
cherchent moins que les femmes à se faire aider par des professionnels
pour se remettre de leur expérience traumatisante. Lorsque les hommes
entament une thérapie, ils ont moins tendance à identifier leurs antécédents
d'abus sexuel comme présentant un problème. Beaucoup de victimes d'abus
sexuel cherchent à se faire aider pour des problèmes relationnels ou
des problèmes sexuels et n'ont pas fait intellectuellement le rapport
entre leurs difficultés actuelles et leur passé de victimisation.
Les personnes qui ont collaboré à la recherche ont observé que les
survivants ont plus souvent tendance à identifier les difficultés d'ordre
sexuel (p. ex., dysfonction sexuelle, questions liées à l'orientation
ou à l'identité sexuelle) comme posent un problème que les survivantes.
Les survivantes ont aussi des problèmes sexuels mais il est rare qu'ils
constituent leur préoccupation dominante. Lorsque ces difficultés font
surface au cours d'une thérapie, les problèmes se présentent différemment
que pour les survivants.
On a suggéré que notre culture encourage les hommes à faire de leur
sexualité, particulièrement leur sexualité génitale, une composante
primaire de leur identité. C'est pourquoi, quand cet aspect de la vie
d'un homme ne fonctionne pas bien, il souffre d'une perte d'intégrité.
Les femmes sont encouragées à s'identifier avec leurs relations intimes.
Pour les femmes, la sexualité n'est qu'une partie du comportement intime.
Les femmes sont donc moins centrées sur leur sexualité et davantage
sur la qualité de leurs relations intimes.
L'orientation culturelle qui encourage les femmes à utiliser leurs
relations avec les autres pour mieux se connaître alors qu'elle invite
les hommes à plus d'autonomie a d'autres conséquences pour les personnes
qui ont survécu à l'abus sexuel. Bruckner et Johnson, qui ont dispensé
un traitement de groupe à des survivantes et à des survivants, notent
que les hommes ont tendance à ne pas poursuivre leurs rapports avec
les membres du groupe en dehors des séances alors que les femmes deviennent
souvent amies. Comme l'isolement est un problème majeur pour les survivants,
il peut être essentiel, pour les aider à guérir, de les encourager à
se risquer à établir des rapports avec les autres, y compris avec les
membres du groupe.
On dit que les hommes extériorisent leurs sentiments et que les femmes
les intériorisent et ceci est vrai des personnes qui ont survécu à l'abus
sexuel. Les personnes qui ont contribué au présent travail ont remarqué
que les survivantes s'adonnent davantage à des comportements dépressifs
et autodestructeurs alors que les survivants ont tendance à confronter
leur agresseur pour exprimer leur colère et à se montrer agressif envers
les autres. Beaucoup de survivants subliment leur colère à l'égard de
l'abus en adoptant un comportement antisocial généralisé.
En thérapie, les survivants ont tendance à prendre contact avec leur
colère et leur rage longtemps avant de sentir leur chagrin. Ils présentent
souvent des fantasmes de revanche active et violente. Les survivantes,
par contre, sont au départ davantage en contact avec leur tristesse
et leur dépression, et leur rage devant la victimisation dont elles
ont fait l'objet n'apparaît habituellement que plus tard dans la thérapie.
En réponse à la question « Remarquez-vous des différences entre les
survivantes et les survivants sur le plan de la dissociation? », les
personnes qui ont contribué à la recherche ont donné des réponses variées.
Certaines ont dit qu'elles ne voyaient pas de différence. D'autres,
cependant, ont suggéré que leurs clients avaient davantage tendance
à se dissocier des composantes affectives de l'abus alors que leurs
clientes se dissociaient de ses composantes intellectuelles.
Les survivants racontent souvent ce qui leur est arrivé tout à fait
objectivement en décrivant en détail les comportements abusifs en cause.
Ils parlent de ces événements comme s'ils étaient arrivés à quelqu'un
d'autre et expriment peu d'émotion ou de compassion. Les survivantes
ont en général plus de difficultés à se souvenir des incidents spécifiques
qui ont constitué l'abus et plus de mal à en parier aux autres. Elles
éprouvent cependant des sentiments intenses à l'égard de ces événements,
même si elles ne s'en souviennent pas avec exactitude.
Les thérapeutes qui ont dispensé des traitements de
groupe à des victimes d'abus sexuel des deux sexes remarquent que les
hommes étaient davantage orientés vers l'action que les femmes. À cause
de cette tendance à l'action, les thérapeutes doivent veiller à ce que
leurs clients soient émotionnellement préparés aux comportements qu'ils
ont l'intention d'adopter. Une confrontation prématurée avec l'agresseur
ou des actes de colère et de revanche irréfléchis peuvent être contre-thérapeutiques.
CHAPITRE 3 - MODÈLES DE TRAITEMENT ET ÉTAPES DE GUÉRISON
Ce chapitre donne des renseignements sur les principes
de base des thérapies à l'intention des survivants. On
y propose un modèle de traitement fondé sur le principe
du partenariat entre client et thérapeute qui vise à renforcer
les aptitudesinnées du client à se rétablir de l'abus sexuel.
Le modèle décrit quatre étapes de guérison, à savoir
la rupture du silence, l'étape de la victime, l'étape du survivant
et l'étape du combattant. Ce modèle en quatre étapes servira
de cadre à la présentation d'interventions thérapeutiques
spécifiques dans les chapitres suivants |
On a parlé, dans l'introduction au présent ouvrage, des similarités
qui existent entre l'abus sexuel et la thérapie. L'abus sexuel est un
processus étalé dans le temps qui a lieu dans le cadre d'un rapport
où les besoins de l'agresseur ont la priorité sur les besoins de la
victime. Les activités qui le constituent sont gardées secrètes à cause
de la honte qui les entoure. Or, il y a un risque que le processus thérapeutique
reprenne ces caractéristiques de l'abus sexuel et devienne lui-même
un processus abusif. Si la thérapie cherche à répondre aux besoins des
thérapeutes plutôt qu'à ceux des clients et si la confidentialité du
processus est utilisée pour protéger les thérapeutes plutôt que les
clients, le processus peut devenir une expérience négative pour le client.
La conviction des clients que les gens cherchent à les utiliser à leurs
propres fins et qu'il n'est pas possible d'avoir des relations intimes
sans danger, au moins pour lui, se trouvera renforcée.
Cependant, d'une façon qui n'est pas sans rappeler les principes de
la médecine homéopathique, la thérapies à cause même de ses similarités
structurelles avec le processus de l'abus sexuel, peut également guérir
les blessures provoquées par ce dernier. Lorsqu'elle aide vraiment les
clients à effectuer leur parcours thérapeutique et à retrouver leur
pouvoir personnel, la thérapie peut s'avérer un instrument de guérison
puissant. Une thérapie réussie permettra au client de faire l'expérience
d'une dynamique de pouvoir fondée sur le respect et non sur l'exploitation
qui l'aidera à reprendre possession des parties de lui-même qui avaient
été perdues ou altérées par l'abus sexuel.
Les renseignements présentés dans le reste de cet ouvrage
ont été recueillis à la fois dans les publications et dans le cadre
des entrevues avec les personnes qui ont contribué à la recherche. Le
modèle de traitement présenté propose un processus thérapeutique à l'intention
des personnes de sexe masculin qui ont survécu à l'abus sexuel. Le présent
chapitre discute des principes généraux de ce modèle de traitement,
décrit les étapes générales de la guérison et identifie les problèmes
qui risquent d'entraver le processus thérapeutique.
MODÈLE THÉRAPEUTIQUE À L'INTENTION DES SURVIVANTS
DE L'ABUS SEXUEL
Il est difficile de parler d'un processus général de rétablissement
ou de guérison. Chacune des personnes qui guérit de l'abus sexuel suit
un parcours différent. Pour bien travailler avec les survivants de l'abus
sexuel, cependant, chaque thérapeute doit élaborer un « plan de guérison
» général sur lequel elle ou il se basera pour orienter le processus
thérapeutique. Il est évident que la façon dont ce « plan » est conçu
évoluera au cours de la carrière des thérapeutes mais elles et ils doivent
pouvoir définir à tout moment les changements que leurs interventions
ont pour but de faciliter chez leurs clients.
Le modèle présenté ici part du principe que le rétablissement d'un
traumatisme sexuel est un processus qui mène le survivant d'une situation
où il prend des décisions en réaction contre l'abus subi et sur la base
de son expérience passée à une situation nouvelle où il prend des décisions
et fait des choix proactifs basés sur ses besoins présents. À mesure
que le survivant prend conscience de ses stratégies de défense inconscientes,
son autonomie personnelle s'accroît. Les flashbacks de l'abus sexuel
deviennent des souvenirs volontairement rappelés à la conscience, les
peurs et les anxiétés inexplicables deviennent des associations avec
des éléments du présent qui font écho aux expériences d'abus sexuel
et certains symptômes somatiques chroniques deviennent des signaux qui
permettent de reconnaître les besoins émotionnels et physiques non satisfaits.
À mesure que le survivant décode ses comportements, ses pensées et
ses sentiments, il commence à comprendre comment son système de croyances
a été façonné par sa victimisation et par la façon dont il a réagi à
l'expérience. Cette compréhension est comme une porte qui s'ouvre pour
lui offrir de nouvelles options. L'apprentissage, la pratique et l'intégration
d'attitudes nouvelles et de comportements nouveaux ne se font pas de
façon linéaire mais suivent un mouvement de spirale. Il faut souvent
revisiter maintes fois les vieilles tendances avant de les remplacer
par de nouvelles. Cependant, « avec chaque nouveau cycle, la capacité
[du survivant] de sentir, de se rappeler, d'effectuer des changements
durables est renforcée » (Bass et Davis, 1988, P. 59).
Les effets de l'abus sexuel sont compliqués par les autres formes de
négligence et de mauvais traitements que la victime a pu subir dans
l'enfance et ils sont renforcés par les dommages causés par les stratégies
de défense qui, même si elles étaient adaptées au départ, finissent
par s'avérer autodestructrices. Les traumatismes de nature sexuelle
sont une source de honte et de dégradation pour la victime au niveau
de son centre existentiel. Étant donné la longueur et les complexités
du traumatisme, « [...] la résolution de l'abus sexuel subi dans l'enfance
est un processus à long terme plutôt qu'à court terme » (Courtois, 1991,
p. 51).
Les survivants ne peuvent pas changer la réalité de ce qui leur est
arrivé. Ils ne peuvent pas arracher l'abus sexuel de leur vécu personnel.
Ils peuvent cependant changer les rapports qu'ils entretiennent avec
cette histoire et modifier les effets que ces événements ont sur leur
vie.
Pour que le changement personnel soit authentique et intégré à la vie
du survivant, il doit disposer de beaucoup de temps pour explorer et
mettre à l'essai d'autres comportements. Les personnes qui ont contribué
à la recherche ont généralement travaillé avec leurs clients pendant
au moins un an et souvent beaucoup plus longtemps pour les aider à effectuer
des changements importants et durables.
Tous les problèmes des survivants ne sont pas liés à leur expérience
d'abus sexuel dans l'enfance. D'autres traumatismes ont aussi leur rôle
à jouer. Les thérapeutes doivent faire preuve de discernement dans leur
diagnostic. lis doivent veiller à ne pas trop simplifier les choses
et à ne pas attribuer les problèmes des clients uniquement à leur traumatisme
sexuel si cela n'est pas exact.
La thérapie à l'intention des survivants de l'abus sexuel
a bien des aspects. Il s'agit, entre autres, de réduire le sentiment
d'isolement du survivant, de l'aider à exprimer ses émotions, de remettre
en question ses distorsions intellectuelles, de normaliser son expérience
et de le mettre au courant des processus liés à l'abus sexuel (Briere,
1989). Il est également important de nourrir sa spiritualité (au sens
le plus général du terme) et de ranimer son espoir. A la fin du voyage,
le survivant a pris conscience du fait que « [...] il est un adulte
qui peut prendre soin de lui-même mieux qu'on a pris soin de lui quand
il était enfant » (Dimock, 1988, p. 217). PRINCIPES DE BASE DU TRAITEMENT
DES SURVIVANTS
Les personnes qui ont contribué à cet ouvrage sont des thérapeutes
expérimentés qui ont des connaissances à la fois pratiques et théoriques
sur le travail avec les survivants. Elles sont représentatives d'une
vaste gamme d'orientations théoriques, notamment les systèmes familiaux,
la thérapie féministe, les processus de reconstruction de l'intellect
et du comportement, l'hypnose et l'approche psychodynamique.
Toutes les personnes qui ont contribué à la recherche sont éclectiques
dans la façon dont elles abordent leur travail avec les survivants.
Bien que certaines d'entre elles accordent la préférence à un modèle
théorique particulier, aucune n'utilise une seule base théorique. Elles
conviennent toutes qu'il est plus important d'utiliser un modèle théorique
qui soit adapté au client et à la façon dont il présente ses problèmes
que de rester à tout prix fidèle à une théorie. Si, par exemple, un
client est très intellectuel dans la façon dont il présente les choses,
elles proposent de commencer par utiliser une orientation théorique,
comme la restructuration de l'intellect, parce que c'est ce qui lui
convient le mieux pour le moment. On attendra, pour utiliser des modalités
thérapeutiques davantage basées sur les affects, comme la thérapie gestalt
ou le psychodrame, que le client soit capable d'éprouver ses émotions
sans trop de difficultés.
Malgré les différences entre leurs orientations théoriques, les personnes
qui ont contribué à la recherche reconnaissent toutes que les facteurs
suivants constituent des éléments clés d'une thérapie réussie avec les
survivants.
Validation
Toutes les personnes qui ont contribué à la recherche conviennent que
l'aide dispensée aux clients pour leur permettre de récupérer leur pouvoir
personnel constitue une composante majeure du traitement réussi de l'abus
sexuel. Il est essentiel de reconnaître les points forte du client et
de valider ses aptitudes à la survie, qu'elles soient ou non fonctionnelles
dans son contexte de vie actuelle. La seule présence d'un survivant
dans le bureau d'une ou d'un thérapeute est une prouve vivante qu'il
a ce qu'il faut pour transcender l'impact de l'abus sexuel. Quelle que
soit la nécessité où il se trouve de transformer ses stratégies de survie
en processus mieux adaptas, il faut qu'il reconnaisse que son niveau
d'aptitudes actuel lui a permis de survivre jusqu'ici.
Thérapie axée sur le client et dispensée au rythme du client
Les thérapeutes et les clients doivent travailler ensemble à la résolution
des problèmes des clients en rapport avec l'abus sexuel. Les thérapeutes
qui se placent en position d'autorité dans la relation thérapeutique
créent un risque de transfert de l'expérience initiale d'abus où l'agresseur
utilisait son pouvoir sur la victime. Bien que ce transfert puisse éventuellement
être résolu de façon constructive, il menace à court terme l'établissement
de la relation thérapeutique. Le stress que cela impose aux thérapeutes
comme aux clients est inutilement éprouvant et va à l'encontre de l'objecta
recherché.
Cela ne signifie pas que le personnel clinique ne doive pas utiliser
les compétences et les connaissances qui peuvent faciliter la guérison
des clients. Mais le processus thérapeutique doit se dérouler dans un
cadre où les thérapeutes agissent à titre d' « experts-conseils » auprès
de leurs clients et où les clients sont des « consommateurs » informés
qui décident des services qu'ils désirent « acheter ».
[...] le client est l'autorité en ce qui concerne le traumatisme
subséquent à l'abus et c'est lui qui sait ce qui semble lui faire
du bien et si la thérapie progresse comme elle le devrait [...].
(Briere, 1989, p. 59)
Non seulement le survivant est l'expert en ce qui concerne son expérience
d'abus sexuel mais il est également responsable de son processus de
guérison. Les thérapeutes peuvent faciliter le rétablissement des clients
mais ils ne peuvent pas en assumer la responsabilité. Les clients et
les thérapeutes doivent tous deux reconnaître clairement qui est responsable
d'apporter des changements dans la vie du client. Si cela n'est pas
clair, les clients risquent de rester dans une position de victimes
qui ne prennent pas leur vie en charge tandis que les thérapeutes risquent
de se transformer en sauveteurs ou en persécuteurs.
Lien entre le cassé et le présent
Beaucoup de survivants ne sont pas conscients des rapports entre leur
expérience d'abus sexuel quand ils étaient enfants et les problèmes
auxquels ils font face dans leur vie adulte. Parce qu'ils ont soit réprimé
leurs souvenirs de l'abus, soit nié Inexpérience et déclaré qu'elle
n'avait pas eu d'effet sur eux, ils n'ont pas de contexte pour comprendre
leur comportement actuel. Cela les laisse souvent avec un sentiment
d'anormalité ou de honte. Lorsque les symptômes sont vus comme « une
adaptation créative à des circonstances extrêmement négatives plutôt
que comme une expression de psychopathologie » (Courtois, 1991, p. 50),
les survivants peuvent commencer leur trajet personnel vers la guérison.
À mesure que les survivants retrouvent leurs souvenirs et expriment
leurs affects réprimés, ils peuvent commencer à comprendre et à modifier
leurs tendances dysfonctionnelles. Lorsqu'ils se rendent compte que
tout leur comportement a du sens, ils peuvent commencer à décoder leur
expérience plutôt qu'à la désavouer ou à la juger. Les épisodes soi-disant
« psychotiques » de certains survivants ne sont pas autre chose que
des flashbacks dus au stress post-traumatique ou des expressions de
personnalité multiple. Un client qui se voit comme un survivant qui
présente des symptômes connus pour être liés à l'abus sexuel plutôt
que comme un malade mental dont le seul espoir est dans les médicaments
aura plus de chances d'apporter des changements positifs dans sa vie.
Cela ne signifie pas que certains survivants n'auront pas besoin de
psychotropes ou d'hospitalisation. Cependant, en général, le sentiment
de normalité que les survivants retrouvent lorsque leur comportement
présent est relié aux événements passés facilite le processus de rétablissement.
Modèle de croissance et d'apprentissage
Les personnes qui ont contribué à la recherche conviennent que les
survivants doivent être invités à participer au processus thérapeutique
en partant du principe que « Nous faisons tous tout le temps tout ce
que nous pouvons. » C'est parce qu'il manque de compétences, qu'il est
submergé par ses émotions ou par la confusion de sont état intérieur
que le survivant réagit d'une façon non appropriée ou dysfonctionnelle
aux événements de sa vie présente. Pour changer ces réponses mésadaptées,
il doit acquérir de nouvelles compétences, prendre conscience de ses
processus internes et mieux les comprendre et savoir reconnaître ses
états émotionnels.
Le remplacement des tendances et des croyances maladaptées par des
tendances et des croyances fonctionnelles et l'intégration de ces changements
dans un milieu encourageant constituent des éléments essentiels du processus
de rétablissement. La plupart des défis auxquels les clients doivent
faire face dans leur vie ne se présentent pas au cours des séances de
thérapie. Les clients ont besoin de soutien pour transférer l'apprentissage
acquis au cours du processus thérapeutique dans leur vie quotidienne.
Les thérapeutes doivent aider les clients à mettre en place les structures
qui leur permettront d'ancrer leur croissance psychosociale pour qu'elle
devienne un comportement habituel.
Intégration
La guérison de l'abus sexuel consiste en partie à reprendre possession
de certaines parties du moi qui ont été perdues ou bloquées. Les survivants
ont besoin qu'on leur dise : « Il t'est arrivé des choses mauvaises.
Ce n'est pas toi qui étais mauvais. » Il arrive souvent qu'à l'époque
de l'abus sexuel, du lait de son immaturité intellectuelle, affective
et physique, l'enfant ait décidé qu'il était victime d'abus parce qu'il
le méritait. Il a conclu qu'il était lui-même responsable de l'abus.
Il a pensé que des parties honteuses ou dangereuses de son être avaient
provoqué sa victimisation. Il a alors inconsciemment réprimé ou dissocié
ces parties honteuses ou dangereuses dans un effort mal avisé pour retrouver
sa normalité. Ces parties dévaluées du moi ont été exclues de la conscience
mais vont réapparaître plus tard sous forme inconsciente.
La plupart des survivants ont besoin de reprendre possession des parties
dévaluées d'eux-mêmes et de les intégrer. Les hommes qui nient ou qui
répriment leur expérience de victimisation et présentent cependant des
symptômes liés à l'abus sexuel comme la toxicomanie ont besoin de prendre
conscience du fait qu'ils ont des besoins internes complexes et parfois
conflictuels. lis ont besoin de reconnaître que, tout en ayant une persona
adulte, ils portent également en eux un enfant interne blessé qui peut
continuer à poser des problèmes quel que soit leur âge chronologique.
C'est lorsque les différentes parties de son moi entrent en communication
les unes avec les autres et qu'aucune partie n'est plus dévaluée ni
ignorée que le survivant commence à retrouver santé et équilibre.
Reconnaissance de sa peine
Les survivants ont besoin de reconnaître ce qu'ils ont perdu en conséquence
de l'abus sexuel subi dans leur enfance. Ils ont perdu l'innocence de
leur enfance lorsque l'abus sexuel a commencé. Leur horloge sexuelle
a été mise en marche prématurément. Ils ont souvent perdu leurs relatons
intimes avec leur famille. Beaucoup doivent faire face aux conséquences
de l'abus sexuel hors du soutien familial. Une partie du processus de
guérison pour les survivants consiste à pleurer leurs pertes. Les étapes
du déni, du marchandage, de la colère, de la tristesse et de l'acceptation
font partie du parcours du survivant vers la guérison (Hunter, 1990a).
Sécurité
Dans la théorie du développement d'Erickson, la confiance constitue
la première étape du développement psychosocial. Cette étape sous-tend
toutes les autres et constitue la base de la croissance psychosociale.
Or, par définition, la confiance du survivant dans les autres a été
violée. Que le moyen utilisé ait été la séduction ou l'agression, le
survivant a été violé par un autre être humain. Lorsqu'un survivant
entame une thérapie, il apporte son manque de confiance dans les autres
avec lui.
Au début du traitement, il faut gagner la confiance des survivants.
Pour ce faire, il faut veiller à ce que le processus thérapeutique soit
sans danger. Cela signifie qu'il ne faut pas s'attendre à ce que les
clients fassent confiance à la thérapie ou à la personne qui la dispense
tant que cela ne leur vient pas naturellement. C'est cependant à chaque
client d'identifier ce dont il a besoin pour se sentir en sécurité dans
le processus thérapeutique. Les thérapeutes aident les clients en les
invitant avec douceur mais avec persistance à exprimer ces besoins.
Par ailleurs, en discutant ouvertement du contrat et des règles thérapeutiques,
on accroît la sécurité du processus. (Ces questions seront reprises
en détail au chapitre 4.)
Reconnaissance que l'abus est à la lob personnel et culturel
Bien que l'abus sexuel soit une expérience personnelle, il est intrinsèquement
lié à des forces culturelles plus vastes. L'analyse des forces culturelles
et politiques à l'origine de l'abus sexuel ne fait généralement pas
partie de la thérapie. Cependant, il est impossible d'examiner les réactions
d'un client à l'abus sexuel sans reconnaître que les clients et les
thérapeutes sont tous deux membres d'une culture qui permet la violence
et l'exploitation sexuelle.
Il est encore plus important d'aborder les questions culturelles et
sociales lorsque la victimisation due à l'abus sexuel vient s'ajouter
à d'autres types de victimisation comme la discrimination raciale, les
préjugés homophobes ou la pauvreté. Dans ce cas, les problèmes de la
victime sont souvent le résultat complexe de processus de victimisation
concomitants et doivent être traités thérapeutiquement comme tels.
Une partie du traitement des survivants consiste à démonter divers
mythes sociaux concernant l'abus sexuel. Beaucoup de ces mythes sont
liés à la façon dont le survivant voit sa masculinité ou aux questions
qu'il se pose sur son orientation sexuelle. La démythification exige
que l'on examine les valeurs culturelles et les attentes de la société.
Une thérapie réussie passe par la compréhension de la façon dont les
forces sociales ont été intériorisées et intégrées au moi du survivant.
Souvent, en conséquence directe ou indirecte de la thérapie, les survivants
réexaminent les valeurs sociales et culturelles du milieu qui les entoure.
Cela les rend plus libres d'accepter pleinement les réalités de leur
propre vie, y compris leur victimisation.
Transfert et contre-transfert
Les survivants de l'abus sexuel, comme les autres clients, ont tendance
à interpréter et à façonner leur expérience thérapeutique en fonction
de ce qu'ils croient. Si un client pense que tous les hommes sont sexuellement
inadaptés ou que personne ne pourra jamais l'aider, il apportera ces
croyances avec lui dans le processus thérapeutique et il cherchera inconsciemment
à utiliser la ou le thérapeute pour confirmer ces convictions venues
de l'enfance.
Pour pouvoir intervenir adroitement, les thérapeutes doivent être conscients
des dynamiques de transfert et de contre-transfert. Les thérapeutes
ont souvent des problèmes personnels non complètement résolus qui coïncident
avec ceux de leurs clients. Dans ces circonstances, il est facile de
réagir de façon personnelle aux problèmes ou aux appels au transfert
des clients. Ceci n'est pas bon. Les thérapeutes doivent au contraire
chercher à comprendre avec les clients d'où viennent leur façon de voir
le monde et leurs modes d'interaction avec les autres. On n'insistera
jamais assez sur l'importance d'une bonne supervision pour aider les
thérapeutes à gérer avec succès les dynamiques de transfert et de contre-transfert.
Les personnes qui ont contribué au présent ouvrage ont également noté
que certaines positions thérapeutiques sont nuisibles lorsque l'on travaille
avec des survivants.
Les survivants n'ont pas besoin que leurs thérapeutes soient des modèles
de perfection. En conséquence de leur enfance douloureuse, les survivants
ont souvent des fantasmes de « rapports parfaits » où ils s'imaginent
que tous leurs besoins non satisfaits sont enfin reconnus et comblés.
Ces images de perfection sont tout aussi dysfonctionnelles pour établir
des relations réelles que les rapports abusifs dont ils ont fait l'expérience
dans l'enfance. L'authenticité est une qualité importante dont les thérapeutes
peuvent donner l'exemple.
Les thérapeutes doivent respecter leurs propres limitations - « [...]
les thérapeutes sont des êtres humains qui font inévitablement des erreurs
et qui ne sont pas toujours capables de maintenir le lien d'empathie
qui permet de dispenser une aide adéquate » (Briere, 1989, p. 59). Lorsque
les thérapeutes reconnaissent honnêtement leurs erreurs et tiennent
compte de ce que ces erreurs leur ont appris dans leur travail subséquent
avec les clients, ils présentent à ceux-ci un modèle d'apprentissage
par tâtonnements qui les aide à reconnaître leurs propres limites humaines.
Les thérapeutes qui ont appris au cours de leur formation
à se présenter aux clients comme un « écran vide » doivent modifier
cette attitude lorsqu'ils travaillent avec des survivants. Le client
risque de percevoir une position neutre comme un manque d'attention
à sa souffrance ou comme un jugement de son expérience et cela peut
provoquer chez lui des sentiments de confusion, de peur et d'isolement.
Les survivants ont besoin d'établir une alliance thérapeutique psycho-éducationnelle
où les réponses des thérapeutes les aident à valider leur expérience
et à dépasser ses effets négatifs. Les thérapeutes qui travaillent avec
des survivants doivent faire ouvertement montre d'empathie, d'acceptation
et de soutien.
ÉTAPES DE LA THÉRAPIE - MODÈLE EN QUATRE ÉTAPES
Du point de vue des thérapeutes, la thérapie avec les survivants comprend
quatre étapes distinctes. Ce modèle de thérapie en quatre étapes est
utile aussi bien à titre de description du processus de guérison des
survivants qu'à titre d'instrument analytique de gestion des cas et
de planification du traitement.
Les quatre étapes sont les suivantes
·
1 - Rupture du silence
·
2 - Étape de la victime
· 3
- Étape du survivant
·
4 - Étape du combattant
(Dans les chapitres suivants, les interventions sont organisées par
rapport à ce modèle en quatre étapes et présentées en fonction de l'étape
thérapeutique à laquelle elles sont le mieux adaptées.)
Les étapes seront plus ou moins longues suivant les besoins de chaque
client et certaines étapes empiéteront les unes sur les autres. Certains
clients resteront longtemps à l'une des étapes qui représentera un plateau
dans leur croissance. Il sera parfois bon alors de décider d'arrêter
la thérapie pendant un moment. Cependant, de façon générale, chaque
étape est associée à des problèmes distincts et exige des compétences
différentes de la part des thérapeutes.
À toutes les étapes, le processus thérapeutique doit correspondre aux
besoins individuels des survivants. L'identification de l'étape à laquelle
se trouve un client peut aider les thérapeutes à diriger adroitement
et stratégiquement la thérapie en réponse aux besoins particuliers de
ce client.
Avant d'entamer une thérapie axée sur l'abus sexuel, il faut expliquer
le processus thérapeutique aux clients. Les clients qui savent à l'avance
que la guérison est généralement un processus à long terme plutôt qu'à
court terme et que le parcours thérapeutique n'est pas linéaire seront
mieux à même de décider s'ils veulent poursuivre. (La question de l'engagement
du client est discutée au chapitre 9.) C'est à chaque client de décider
quelles ressources (p. ex., temps, argent, etc.) consacrer à sa guérison.
En présentant le processus thérapeutique aux clients avec honnêteté
et en leur donnant une idée relativement exacte de la longueur du traitement,
on les aidera à prendre ces décisions.
On pourra rendre service aux clients en leur proposant un cadre intellectuel
qui leur permette de comprendre, le processus de rétablissement. Bien
que le modèle en quatre étapes soit relativement abstrait, un client
qui pourra identifier l'étape à laquelle il se trouve sera mieux à même
de comprendre où il va et à quoi il peut s'attendre. Que les clients
soient intéressés ou non, cependant, il est essentiel que chaque thérapeute
utilise un cadre pour guider ses interventions. On trouvera ci-dessous
une description des différentes étapes du modèle.
Étape 1 - Rupture du silence
La première étape que don franchir un survivant pour se rétablir est
de reconnaître qu'il a été victime d'abus sexuel étant enfant. Le recours
au soutien des autres pour valider cette expérience et la rupture du
silence qui a entouré le secret de l'abus constituent une étape importante
de la guérison.
Les survivants prennent conscience du fait qu'ils ont été victimes
d'abus sexuel de différentes façons. Pour certains, les souvenirs apparaissent
au cours d'une thérapie entreprise pour traiter des problèmes sans rapport
avec l'abus lorsqu'ils commencent à se rendre compte que leurs comportements
sont le résultat d'un traumatisme sexuel subi dans l'enfance. D'autres
n'ont jamais oublié qu'ils avaient été victimes d'abus sexuel mais n'ont
pas tenu compte de l'impact de ces événements sur leur vie ou ne les
ont jamais considérés comme un abus. D'autres encore se rendent compte
tout d'un coup, en regardant un programme de télévision sur l'abus sexuel
ou en lisant un livre qui traite de la question qu'ils ont eux-mêmes
été des victimes.
Quelle que soit la façon dont elle se produit, la reconnaissance de
la victimisation sexuelle est le début du processus de rétablissement
des survivants. Certains hommes cherchent immédiatement à se faire aider
en allant voir une personne-conseil ou en se joignant à un groupe d'entraide.
Beaucoup attendent longtemps avant de partager cette information avec
d'autres.
Lorsqu'une ou un thérapeute traite un homme pour d'autres problèmes
mais soupçonne des antécédents d'abus à cause des symptômes de son client,
elle ou il est éthiquement tenu d'explorer avec lui la possibilité d'un
traumatisme subi dans l'enfance. Même si le client nie qu'il y ait eu
abus sexuel, la ou le thérapeute doit évoquer la possibilité d'un traumatisme
subi dans l'enfance avec les symptômes qui lui sont associés (Courtois,
1991). Il est clair que si le client ne trouve aucune association avec
l'abus sexuel, il ne faut pas insister. Mais tant que les symptômes
suggèrent un traumatisme subi dans l'enfance, il ne faut pas fermer
la porte à cette possibilité.
Il faut parfois du temps pour amener le client à prendre conscience
d'un traumatisme subi dans l'enfance et cela suppose qu'un rapport de
confiance ait été établi entre thérapeute et client. Le client a aussi
parfois besoin de développer certaines aptitudes fondamentales (p. ex.,
communication, affirmation de soi, gestion de l'anxiété, etc.) avant
d'avoir un moi suffisamment fort pour faire face aux réactions émotionnelles
qui suivront la reconnaissance de l'abus sexuel.
Certains thérapeutes hésitent à continuer à poser des questions sur
l'abus sexuel si leur client ne se souvient pas en avoir été victime.
Le « syndrome des faux souvenirs », qui laisse entendre que les thérapeutes
créent les souvenirs de leurs clients par des suggestions hypnotiques,
fait actuellement l'objet de bien de débats dans les milieux thérapeutiques.
Je pense que la crainte de créer de faux souvenirs est moins importante
que la nécessité de faire comprendre à un client que ses symptômes suggèrent
des antécédents de traumatisme subi dans l'enfance qui peuvent comprendre
l'abus sexuel. Tant que cette possibilité ne peut pas être clairement
rejetée, la question reste ouverte.
Étape 2 - Étape de la victime
L'objectif premier de cette étape de la thérapie est de valider les
antécédents d'abus sexuel du client, d'établir un rapport thérapeutique
sans danger avec lui et de lui donner des renseignements sur les effets
de l'abus sexuel sur les victimes. À moins que le client n'ait des flashbacks
intenses ou d'autres problèmes affectifs pressants, une grande partie
du travail effectué à cette étape consiste en une prise de conscience
intellectuelle.
Les hommes ont souvent besoin qu'on les aide à reconnaître leur victimisation.
Même s'ils peuvent se souvenir que des événements sexuellement importuns
leur sont arrivés, beaucoup ne considèrent pas qu'il s'agissait d'abus
sexuel. En parlant aux clients des rapports de pouvoir, de la coercition,
de la fausse représentation de la réalité adulte, de l'utilisation de
la menace et du mensonge pour obtenir ce qu'on veut, on peut les aider
à prendre pleinement possession de leur expérience.
À cette étape, il est important de trouver le juste milieu et de ne
pas s'éloigner du matériel en rapport avec l'abus sexuel sans pour autant
pousser le client hors de sa zone de confort. Si les choses deviennent
trop intenses ou si le client a l'impression que la ou le thérapeute
cherche à contrôler le processus thérapeutique, il risque de se fermer
devant cette répétition de la dynamique de l'abus sexuel.
Dans la mesure où ses souvenirs le lui permettent, le client sera invité
à élaborer une « histoire de l'abus sexuel dont il a été victime » au
cours de cette étape de la thérapie. Les secteurs à explorer sont les
souvenirs de la façon dont il a été préparé à l'abus, qui a perpétré
l'abus, combien de fois il a été perpétré, ce qui est exactement arrivé,
quelles ont été ses réactions à l'époque, s'il en a parlé à quelqu'un
ou non et s'il a pris plaisir à l'expérience. Le plus important, à cette
étape thérapeutique, est de parier ouvertement de l'abus sexuel et de
continuer à contester tout démenti de l'expérience.
Les clients qui se sont défendus contre le souvenir de l'abus sexuel
en s'adonnant à la toxicomanie ou à en adoptant des conduites obsessionnelles
se trouvent en quelque sorte devant une « impasse » - s'ils continuent
à s'adonner à leur manie, ils ne peuvent pas assumer comme il se doit
leur passé d'abus sexuel; s'ils abandonnent leur manie, ils sont souvent
submergés par des souvenirs et des sentiments incontrôlables qui peuvent
conduire à la rechute. Les thérapeutes doivent suivre de près les comportements
obsessionnels à cette étape de la thérapie.
Si un client n'est pas encore prêt à abandonner une manie, on peut
l'aider en lui recommandant d'autres moyens de faire face à son anxiété
avant de commencer à examiner ses antécédents d'abus sexuel. Des rechutes
occasionnelles sont à prévoir pour ce type de client - cependant, lorsque
la manie continue à être utilisée comme une stratégie de défense primaire,
la thérapie liée à l'abus risque d'être nuisible et est généralement
contre-indiquée.
Les thérapeutes doivent apprendre aux clients comment gérer leur stress
et prendre soin d'eux-mêmes pendant cette étape pour qu'ils disposent,
lorsque la thérapie prendra une orientation plus affective, de moyens
fonctionnels pour faire face à leurs émotions. À la phase de la victime,
il faut s'assurer que les clients ont à leur disposition des systèmes
de soutien actifs ou s'arranger pour en mettre en place.
À cette étape, les clients ressentent généralement un certain soulagement
émotionnel lorsqu'ils comprennent que les problèmes auxquels ils font
face dans leur vie ne viennent pas du fait qu'ils sont anormaux mais
sont le résultat de l'abus sexuel dont ils ont été victimes dans leur
enfance. À mesure qu'ils comprennent le processus de dissociation et
d'autres stratégies de défense, ils commencent à se sentir plus normaux
et à reprendre espoir dans l'avenir.
Le client passe de l'étape de la victime à l'étape du survivant lorsqu'il
est capable de tenir l'agresseur comme pleinement responsable de l'abus
sexuel. Lorsque le client reconnaît qu'il a été victime d'un rapport
abusif et que l'abus sexuel qu'il a subi n'est pas une réflexion de
sa valeur en tant que personne mais des problèmes non résolus de l'agresseur,
il passe à l'étape suivante de la thérapie.
Étape 3 - Étape du survivant
L'étape du survivant décrit le travail souvent ardu qui consiste à
réparer les dysfonctions émotionnelles, intellectuelles et comportementales
des clients. C'est une étape caractérisée par un mouvement de « va-et-vient
». Les comportements désadaptés sont lentement remplacés par des comportements
fonctionnels à mesure que le client prend le risque d'utiliser de nouvelles
stratégies. La clé du succès, pendant cette étape de la thérapie, est
de trouver le juste milieu entre le contrôle et l'expression des émotions
et d'établir un équilibre viable entre les deux.
Les clients se découragent souvent au cours de cette étape. Parce qu'ils
reprennent possession de processus affectifs précédemment bloqués, ils
sont davantage conscients de leurs sentiments de peur, de souffrance,
de rage ou de tristesse. Ils éprouvent une impression d'instabilité
tandis qu'ils abandonnent leurs vieilles méthodes de défense et les
remplacent par de nouvelles stratégies auxquelles ils sont encore peu
habitués et qui ne sont pas faciles à utiliser. Ils ont le sentiment
que la thérapie leur fait plus de mal que de bien. Beaucoup de clients
mettent fin prématurément à la thérapie à cette étape parce qu'ils perdent
l'espoir de pouvoir jamais changer de façon significative.
À cette étape de la thérapie, les thérapeutes doivent rester fermes
et ne pas perdre de vue l'objectif visé. Ils doivent rappeler aux clients
qu'il faut s'attendre à des moments de découragement à l'étape du survivant.
L'enthousiasme initial associé à la reconnaissance de l'abus sexuel
a perdu de sa force et une certaine fatigue s'installe. Les thérapeutes
doivent cependant continuer à aider les clients à identifier leurs sentiments
et à remettre en question leurs erreurs de jugement et leurs croyances
erronées. Pendant toute cette étape, les thérapeutes doivent rendre
hommage à la force et au courage des clients. En validant les difficultés
et les souffrances associées à cette étape du travail thérapeutique
et en reconnaissant les changements positifs effectués jusqu'ici, les
thérapeutes remettent les choses en perspective, ce qui facilite la
guérison des clients.
L'étape thérapeutique du survivant est marquée par des tâches thérapeutiques
particulières. C'est le moment de l'identification des réactions affectives
et du travail sur les émotions. Il s'agit, pour les clients, de reconnaître
toute une gamme de sentiments et de chercher des moyens de les exprimer.
Cela fait peur et prend du temps. Cependant, à mesure que les survivants
se familiarisent avec des émotions préalablement dissociées, ils commencent
à éprouver un sentiment d'intégrité et de bien-être. C'est aussi l'étape
où l'on travaille sur les tendances intellectuelles et comportementales
dysfonctionnelles. Les erreurs de jugement et les comportements voués
à l'échec sont identifiés et remplacés par des substituts plus sains.
Les clients apprennent à utiliser de nouvelles stratégies pour parvenir
à l'autonomie.
Tout au long de l'étape du survivant, les nouvelles compétences doivent
être mises en pratique en dehors des séances thérapeutiques. Les séances
peuvent comprendre à la fois des processus spontanés et des processus
abréactifs planifiés. (On discutera du travail avec les abréactions
au chapitre 6.) Il arrive que les clients aient besoin de cesser la
thérapie pendant un moment pour intégrer ce qu'ils ont appris avant
de poursuivre.
Le client passe de l'étape du survivant à l'étape du combattant au
moment où il reprend possession de son pouvoir personnel. Cela se manifeste
souvent par le fait que le client est prêt à confronter la personne
qui l'a agressé, soit en réalité soit, plus souvent, symboliquement.
Il ne s'agit pas d'un geste de défi vis-à-vis de l'agresseur. Il s'agit
plutôt de l'intégration d'un changement qui fait que le client ne ressent
plus l'agresseur comme ayant un pouvoir sur sa vie.
Étape 4 - Étape du combattent
Lorsque le client arrive à l'étape du combattant, il reprend espoir.
Valorisé par le fait qu'il a réussi à changer certaines de ses tendances
dysfonctionnelles passées, il peut parier de la façon dont il a été
influencé par l'abus dont il a été victime. il comprend que la marque
d'une thérapie réussie n'est pas de « vivre heureux pour toujours »
mais de disposer des aptitudes et des ressources dont on a besoin pour
faire face aux difficultés de l'existence.
Le combattant est responsable de sa vie et sait qu'il a le choix entre
afférentes options pour faire face à ses problèmes de vie, à la fois
passés et présents. L'abus n'est plus vu comme un problème central dans
l'auto-identification du client. Son image de lui-même s'est déplacée
vers le présent et il fait confiance à son moi adulte.
C'est à l'étape du combattant que les clients et les thérapeutes doivent
entamer le processus de cessation de la thérapie. Il faut permettre
aux clients de mettre fin au processus thérapeutique à leur propre rythme.
Il faut aussi insister sur le fait que les clients sont toujours invités
à revenir en thérapie en cas de résurgence de leurs symptômes ou d'apparition
de nouveaux souvenirs de l'abus sexuel.
Il faut veiller à ne pas compromettre les frontières
entre clients et thérapeutes en permettant à une relation double de
s'établir. Les clients ont besoin que leur thérapeute reste à leur disposition
pour des consultations possibles à l'avenir. Toute relation double,
comme cela se produit lorsqu'une ou un thérapeute devient ami, amant,
propriétaire ou associé d'un client, compromet la sécurité du rapport
thérapeutique. Il y a un risque de relation double lorsque le thérapeute
est lui-même un survivant qui a besoin du soutien social d'autres survivants
relativement « guéris » ou lorsqu'un client en cours de guérison est
vu comme un allié professionnel qui peut aider à dispenser d'autres
services à des survivants qui en ont désespérément besoin.
CHAPITRE 4 - CONSIDÉRATIONS THÉRAPEUTIQUES GÉNÉRALES
Ce chapitre décrit certains processus communs à toutes
les modalités de traitement de l'abus sexuel. On y discute
en détail des contrats thérapeutiques ainsi que des méthodes
d'évaluation de la situation initiale et des progrès. On y identifie
également les comportements et les circonstances qui constituent
une contre-indication à la thérapie axée sur l'abus. |
Toutes les modalités psychothérapeutiques primaires - traitement individuel,
travail de groupe, travail en couple et thérapie familiale - peuvent
être utilisées pour traiter les effets de l'abus sexuel subi dans l'enfance.
Pour les survivants adultes, le traitement individuel et le travail
de groupe sont généralement considérés les thérapies les plus efficaces.
Tout en reconnaissant que les thérapeutes doivent toujours faire preuve
de flexibilité et s'adapter aux besoins de chaque client, les personnes
qui ont contribué à la recherche sont tombées d'accord sur le fait que
la meilleure façon de s'occuper des survivants est généralement de commencer
par une thérapie individuelle et de passer ensuite à une thérapie de
groupe avec travail individuel parallèle au besoin. Le travail en couple
ou en famille peut être utilisé comme un ajout réguler au processus
thérapeutique s'il contribue au rétablissement du client. Le travail
axé sur le corps peut aussi constituer une addition utile au processus
de guérison, surtout pendant l'étape du combattant.
Les personnes qui ont contribué à la recherche ont tout de suite remarqué
qu'il faut faire la différence entre la situation idéale et ce qui est
possible en termes de services aux survivants. Ce sont souvent les circonstances
qui dictent les réalités auxquelles les clients et les thérapeutes doivent
faire face. Un grand nombre des choix thérapeutiques des clients sont
déterminés par des considérations d'ordre financier plutôt que par leurs
besoins. Certaines régions géographiques ont des ressources cliniques
limitées et le traitement individuel est le seul type de thérapie disponible.
Ailleurs, le traitement de groupe est possible mais il n'y a pas suffisamment
de thérapeutes individuels.
Certains aspects de la thérapie sont communs à toutes
les modalités thérapeutiques. L'établissement d'un contrat thérapeutique,
l'identification des problèmes qui constituent une contre-indication
à la thérapie, l'évaluation minutieuse de la situation initiale et des
résultats thérapeutiques constituent des composantes essentielles de
la thérapie, quelle que soit la modalité utilisée. Ce sont ces composantes
générales de la thérapie qui sont présentées ci-dessous.
ÉTABLISSEMENT D'UN CONTRAT THÉRAPEUTIQUE
L'abus sexuel et la thérapie sont tous deux des processus interpersonnels.
Compte tenu de cette similitude, il est essentiel que la thérapie se
déroule dans un contexte d'intégrité éthique et clinique si l'on veut
qu'elle ait des effets positifs et non négatifs. Les clients comme les
thérapeutes ont besoin de directives claires sur les aspects relationnels
de la thérapie. Le contrat thérapeutique permet de clarifier les rôles
et les règles du processus thérapeutique. La thérapie n'étant
pas un processus statique, le contrat doit être renégocié au fur et
à mesure que progresse le traitement. L'établissement d'un contrat thérapeutique
est pour beaucoup de survivants l'occasion de parier de leurs besoins.
Les contrats thérapeutiques peuvent être écrits ou oraux. Cela dépend
du style personnel de chaque thérapeute et de chaque client. Il arrive
souvent que les aspects formels de l'accord (fourchette des prix, heure
des séances, etc.) soient écrits alors que les aspects non structurés
et spontanés du traitement (comment travailler avec un problème particulier)
font l'objet d'une négociation verbale. Un contrat thérapeutique écrit
pourra s'avérer particulièrement utile pour les clients qui présentent
une dissociation grave. Ce sera quelque chose de tangible à quoi se
référer s'ils ne peuvent pas se souvenir de ce qui s'est passé pendant
une séance.
Certains thérapeutes utilisent le système de contrat pour donner à
leurs clients des renseignements sur la façon dont ils travaillent.
Certains thérapeutes, par exemple, préviennent explicitement leurs clients
qu'ils n'auront pas de rapports sociaux ni sexuels avec eux et n'assumeront
pas de rôle double. Ils disent aux clients que c'est à eux de déterminer
le rythme et la durée du processus thérapeutique. Ils donnent explicitement
aux clients la permission de remettre en question toute interaction
qui s'avère pénible, difficile à comprendre ou peu claire afin qu'ils
aient toujours la possibilité de réexaminer le processus thérapeutique.
Ilspeuventdécrirebrièvementleurstylethémpeutiquepourdonnerauxclients
la possibilité d'agir en consommateurs informés lorsqu'ils choisissent
leur thérapeute.
Il est rassurant pour les nouveaux clients de passer du temps à mettre
au point un contrat thérapeutique. Un contrat clair signifie que l'on
dispose de directives concernant les comportements et les actions à
venir et évite d'avoir des problèmes plus tard. On trouvera ci-dessous
une description des éléments clés à discuter lorsqu'on établit un contrat
thérapeutique.
Frontières de la confidentialité
Il faut assurer aux clients que le processus thérapeutique est confidentiel
et que la ou le thérapeute respectera leur histoire personnelle. Les
clients doivent également savoir, cependant, que s'ils se font du mal
ou qu'ils font du mal aux autres (y compris à la ou au thérapeute) ou
s'ils se montrent violents avec leur entourage, la confidentialité thérapeutique
cessera de prévaloir. Les thérapeutes doivent être informés des aspects
légaux du signalement des mauvais traitements et ils doivent partager
ces informations avec leurs clients lorsque cela s'avère nécessaire.
Las clients doivent savoir que, s'ils donnent des renseignements sur
des situations actuelles d'abus sexuel ou sur des agresseurs qui ont
accès à de jeunes enfants, la police et les organismes de bien-être
de l'enfance devront en être informés. Les considérations de sécurité
l'emportent toujours sur la confidentialité.
Comme l'abus sexuel se produit dans le secret, certains clients ressentent
de l'anxiété devant la confidentialité thérapeutique. lis auront peut-être
besoin de réexaminer les frontières de la confidentialité en détail
pour s'assurer que la thérapie ne répétera pas l'abus sexuel. Les clients
qui ont peur de ne pas pouvoir contrôler le processus thérapeutique
sont souvent rassurés par des questions comme « Comment me préviendrez-vous
si la thérapie va dans une direction qui ne vous fait pas de bien? ».
Honoraires
Les clients ont besoin d'avoir des renseignements clairs sur le prix
que demandent l'es thérapeutes pour leurs services et sur la façon dont
ils s'attendent à être payés. Les thérapeutes doivent s'expliquer clairement
sur la flexibilité dont ils sont prêts à faire preuve en matière de
paiement. L'établissement de politiques claires constitue une aide aussi
bien pour les thérapeutes que pour les clients.
Structure des séances
Il faut informer les clients de la durée et de la fréquence des séances.
Bien que ces éléments soient parfois renégociés en fonction des circonstances,
l'établissement de frontières claires en matière de temps est un moyen
important de différencier la thérapie de l'abus sexuel.
Limites des contacts physiques
Il est impératif que ce soient les clients qui contrôlent quand et
comment ils sont touchés au cours de la thérapie. Chaque client doit
toujours fixer ses propres limites en matière de contact physique. Au
cours de l'abus sexuel, la victime n'avait pas de contrôle sur la façon
dont elle était touchée. Les thérapeutes doivent veiller à ne pas répéter
cette expérience pendant les séances de thérapie. Même des rituels sociaux
habituels, comme la poignée de main, ne doivent se produire que s'ils
sont amorcés par le client.
De même, chaque thérapeute doit veiller à ce que sa propre zone de
confort en ce qui concerne les contacts physiques ne soit pas menacée.
Si un client demande qu'on le prenne dans ses bras mais que ce contact
met le thérapeute mal à l'aise, celui-ci doit le reconnaître et respecter
ses frontières personnelles. Ce comportement présentera au client un
modèle positif de respect des limites en matière de contacts physiques.
Crises et plans en ces d'urgence
Avant de commencer une thérapie, les clients doivent être informés
du type de soutien qu'ils recevront de leur thérapeute en dehors des
séances planifiées. Les clients ont besoin de savoir quelles sont les
limites de leur thérapeute en ce qui concerne l'accès par téléphone
et s'ils peuvent bénéficier, le cas échéant, de séances d'urgence non
prévues. Lorsque les thérapeutes partent en vacances, les clients ont
besoin de savoir s'ils se sont arrangés pour qu'une autre personne prenne
la relève en cas d'urgence.
La planification d'une stratégie en cas de crise peut réduire le niveau
d'anxiété des clients. Si un client devient si autodestructeur qu'il
doit être hospitalisé pour sa sécurité personnelle, il acceptera plus
facilement cette décision s'il a préalablement reconnu ses mérites.
L'élaboration de plans en cas d'urgence avec les clients constitue un
préalable utile avant d'entamer la thérapie.
Certains thérapeutes donnent à leurs clients un prospectus
qui décrit leurs politiques et leurs façons de procéder. Ceci peut réduire
le temps passé à communiquer ces renseignements et donne aux clients
quelque chose de concret à quoi se référer.
CONTRE-INDICATIONS
Pour qu'une thérapie axée sur l'abus sexuel constitue une guérison
plutôt qu'un nouveau traumatisme, les clients doivent être prêts à faire
face à leur victimisation sexuelle et les thérapeutes doivent avoir
suffisamment de compétences pour garantir que la thérapie produira un
rajustement émotionnel. Il faut bien choisir son moment lorsque l'on
offre ce type de traitement. On trouvera ci-dessous certaines des misons
principales pour lesquelles une thérapie axée sur l'abus sexuel est
parfois contre-indiquée.
État de crise
Si un survivant est en plein état de crise, le travail intensif sur
le traumatisme passé ne fera généralement qu'exacerber son instabilité
présente. Les clients qui ont du mal à garder un emploi ou à gagner
suffisamment d'argent pour satisfaire leurs besoins fondamentaux ou
qui sont en rupture de couple ne sont pas de bons candidats pour la
thérapie axée sur l'abus sexuel. Ils doivent résoudre ces problèmes
plus immédiats avant de commencer à travailler sur l'abus.
Les clients qui sont activement violents ou qui se trouvent dans une
situation d'abus doivent s'occuper de ces tendances pour pouvoir les
dépasser avant de s'attaquer aux causes plus profondes de leur comportement.
Les survivants suicidaires ou psychotiques doivent régler ces problèmes
de santé mentale avant de se concentrer sur leur victimisation.
Les clients qui présentent un comportement obsessionnel ou une toxicomanie
ne sont pas de bons candidats à une thérapie axée sur l'abus sexuel
tant qu'ils n'ont par, adopté de stratégie de défense émotionnelle plus
saine. Bien que certains thérapeutes acceptent de travailler avec ces
clients après six mois seulement d'abstinence, la plupart de ceux qui
travaillent avec des ex-toxicomanes suivent la règle d'« une année sans
alcool et sans drogues ».
Manque de soutien social
Si un survivant est très isolé, la thérapie doit viser l'acquisition
d'aptitudes sociales et l'établissement d'une communauté de soutien
avant de passer au processus d'abus sexuel. Il n'est bon ni pour les
thérapeutes ni pour les clients que les thérapeutes soient l'unique
source de soutien dans la vie des clients. Le manque de soutien social
renforce les croyances dysfonctionnelles des clients. Il confirme l'image
qu'ils ont d'eux-mêmes comme ne méritant pas l'attention d'autrui et
leur conviction que leurs expériences de victimisation sont trop honteuses
pour être partagées avec d'autres.
La thérapie ne constitue qu'une petite partie de la vie des clients.
Les clients ont besoin d'attention et d'amitié aussi bien dans leur
communauté naturelle que dans le cadre de la thérapie. Beaucoup de clients
suivent des programmes en douze étapes pour trouver des formes nouvelles
de soutien social. Les relations humaines, thérapeutiques aussi bien
que sociales, constituent une composante importante du processus de
guérison.
Manque de motivation
Certains clients commencent une thérapie parce que d'autres personnes
pensent que cela les aiderait. Si un client ne reconnaît pas qu'il a
un problème et que certaine aspects de sa vie ne sont pas satisfaisants,
il n'a pas le désir de changer. La thérapie axée sur l'abus sexuel dans
l'enfance exige un engagement de la part du client. Il devra faire face
à des sentiments douloureux de trahison et de perte au cours du processus
de rétablissement. Si un client n'est pas décédé à effectuer des changements
et à atteindre les objectifs visés par la thérapie, ce n'est pas un
bon candidat pour le travail axé sur l'abus sexuel.
Limitation des thérapeutes
Si une ou un thérapeute n'est pas en mesure de travailler avec un client
de façon suivie ou ne se sent pas les compétences nécessaires pour faire
face aux questions liées à l'abus sexuel, elle ou il devrait recommander
le client à quelqu'un d'autre. C'est une expérience très traumatisante
pour un survivant qui commence à explorer la possibilité de faire confiance
aux autres, nommément à la ou au thérapeute, de voir soudain ce processus
menacé parce que son thérapeute change d'emploi ou doit, pour une raison
quelconque, mettre fin à la thérapie. Il est évident que des événements
non prévus se produiront dans la vie aussi bien des thérapeutes que
des clients; cependant, dans la mesure du possible, les thérapeutes
doivent respecter les besoins de leurs clients en matière de stabilité
et de sécurité et essayer d'éviter de mettre fin prématurément à la
thérapie.
Rupture du contrat thérapeutique
Si un client n'est pas prêt à respecter les conditions
acceptées du contrat thérapeutique, ce n'est pas un bon candidat au
travail axé sur l'abus sexuel. Les clients qui n'assument pas la responsabilité
de leur propre comportement, qui menacent la sécurité des autres, y
compris celle de leur thérapeute, ou qui rompent régulièrement les accords
passés sur l'heure des séances ou le paiement des honoraires doivent
régler ces problèmes avant d'ouvrir la porte à leurs expériences de
victimisation. Les émotions qui émergent au cours du processus de rétablissement
ont tendance à être intenses. Si un client n'est pas prêt à assumer
la responsabilité de ses rapports avec lui-même et avec les autres,
la thérapie axée sur l'abus sexuel peut s'avérer dangereuse.
ÉVALUATION DU CLIENT
Lorsque l'on procède à une évaluation psychologique avec un survivant
de l'abus sexuel ou avec quelqu'un que l'on pense pouvoir être un survivant
de l'abus sexuel, il est très important d'insister auprès du client
pour qu'il donne des renseignements sur l'abus sexuel et sur ses effets.
Si l'on attend que le client parle le premier, on risque de ne jamais
aborder le sujet. Si l'on ne pose pas de questions sur l'abus sexuel,
le client pourra penser que l'on sanctionne son propre comportement
de minimisation et de déni. C'est parce que le client a honte d'avoir
été victime d'abus sexuel qu'il entoure l'événement de silence. Il revient
aux thérapeutes d'apporter un soutien aux clients et de les encourager
doucement mais activement à briser le silence et à faire face à leurs
sentiments de honte.
Les thérapeutes ne doivent pas avoir d'idées préconçues sur les expériences
d'abus sexuel de leurs clients. Il faut donner aux clients le temps
et l'espace nécessaires pour qu'ils racontent leur propre histoire dans
leurs propres termes. On peut généralement s'attendre à ce que la plupart
des clients dévoilent leur histoire d'abus sexuel par morceaux. Les
clients commencent par des révélations partielles pour voir la réaction
des thérapeutes avant de se sentir suffisamment en sécurité pour faire
une révélation complète. Ce sont habituellement les parties de l'expérience
qui font le plus honte aux clients qui sont dévoilées les dernières.
Les thérapeutes se trouvent dans une situation délicate où ils doivent
inciter les clients à donner des renseignements sur leur expérience
tout en évitant toute intrusion psychologique.
Pour que les renseignements soient utiles au diagnostic, les questions
posées par les thérapeutes aux fins d'évaluation doivent être spécifiques
et formulées d'une façon qui évite tout jugement. Au lieu de demander
« Avez-vous des problèmes de sommeil? », posez une question plus ouverte
et moins menaçante comme « Quelles sont vos habitudes de sommeil? ».
Pour beaucoup de clients, les stratégies de défense dysfonctionnelles
sont compatibles avec le moi ou sanctionnées par la culture et n'apparaissent
pas comme anormales. Les thérapeutes doivent veiller à ce que les questions
soient précises, directes et non menaçantes.
Les histoires de certains clients sont choquantes et très perturbantes
et les thérapeutes doivent être prêts à entendre les réponses aux questions
qu'ils posent. Les questions sur les pratiques et les habitudes sexuelles,
par exemple, qui seraient embarrassantes dans un contexte social, doivent
faire partie d'une évaluation complète. Il est essentiel que la ou le
thérapeute se sente à l'aise pour interroger le client sur la masturbation,
les fantasmes sexuels, les pratiques sexuelles, la colère, la peur et
autres questions culturellement délicates ou chargées d'émotions. Si
la ou le thérapeute est embarrassé, le sentiment se communiquera au
client qui risquera alors de ne révéler que des informations partielles
dans un effort pour détendre l'atmosphère.
En général, plus l'évaluation est minutieuse, moins il y aura de surprises
au cours de la thérapie. Si, pendant le processus d'évaluation, il devient
apparent qu'un client présente une forte dissociation, la ou le thérapeute
devra être prêt à travailler avec une personne qui souffre peut-être
d'un trouble de personnalité multiple ou d'autres symptômes connexes.
La prévisibilité renforce la confiance et la sécurité des clients et
le temps passé à effectuer une évaluation minutieuse représente généralement
du temps gagné plus tard dans le processus thérapeutique. Certains clients
présentent des symptômes associés à l'abus sexuel mais ne se souviennent
pas consciemment d'avoir été victimisés. Dans ce cas, des questions
générales et ouvertes comme « Je me demande si vous avez été traumatisé
dans le passé. Les choses que vous me dites sur vous-même semblent indiquer
que vous avez dû apprendre à faire face à des situations très traumatiques
» peuvent aider le client. Il est important que les clients qui ont
réprimé leurs souvenirs n'aient pas honte de ne pas pouvoir se rappeler
leurs expériences et ne soient pas forcés de se souvenir de ce qui s'est
passé avant que leur inconscient ne soit prêt à le faire. Les thérapeutes
doivent laisser l'histoire de l'abus sexuel venir des clients et ne
pas contaminer le processus thérapeutique en attendant des clients qu'ils
révèlent des souvenirs prématurément. Lorsqu'un client retrouve des
souvenirs réprimés au moment opportun, il fait confiance à sa propre
mémoire et ne compromet pas son rétablissement en se posant des questions
sur la validité de son expérience.
Si l'on ne comprend pas bien la dynamique d'un client, il faut consulter
un collègue en qui l'on a confiance. Le processus d'évaluation pose
les fondations du reste de la thérapie. Il est important que les clients
ne soient pas sur ou sous-pathologisés en conséquence de ce processus.
Certains secteurs clés doivent être évalués avec un soin particulier.
lis sont décrits ci-dessous.
Antécédente généreux familiaux et sociaux
La vie des victimes d'abus sexuel a souvent été également marquée par
d'autres événements traumatisants. Il faut procéder à une évaluation
sérieuse des antécédents sociaux et familiaux du client pour comprendre
les événements et les personnages qui ont marqué sa vie. Il faut évaluer
les secteurs problématiques, comme la violence ou le manque de soutien
social, mais il faut aussi procéder à un inventaire clair des points
forts et des ressources du client. Les qualités et les modes de fonctionnement
positifs sont aussi importants que les secteurs problématiques et les
traumatismes.
Il faut examiner soigneusement les tendances du survivant dans sa vie
présente pour déterminer où il se situe en termes de travail, de rapports
avec les autres, de santé, d'aptitudes parentales, etc. Tant que la
vie quotidienne d'un client ne fonctionne pas comme il faut, il peut
être contre-thérapeutique de se concentrer sur les événements en rapport
avec l'abus sexuel.
Antécédente sexuels
Au cours de l'évaluation, les survivants ne sont pas toujours capables
de donner des renseignements spécifiques sur leur victimisation sexuelle.
Si l'on formule ses questions avec soin, on peut mettre le client plus
à l'aise et l'aider à partager ses souvenirs conscients. En disant à
un client « Dites-moi ce que vous pensez que je dois savoir sur vos
expériences sexuelles quand vous étiez enfant pour comprendre ce qui
vous est arrivé », on ouvre parfois la porte à davantage de renseignements
qu'en posant une question plus directe parce qu'on réduit ainsi souvent
le niveau d'anxiété du client.
Dimock (1988) encourage ses clients à écrire leur autobiographie sexuelle
parce que cela leur donne davantage d'intimité ainsi que de sécurité
et de contrôle. L'information est ensuite partagée avec la ou le thérapeute
au gré du client qui reste en charge du processus de dévoilement. Comme
beaucoup de clients ont peur que leur thérapeute ne se transforme en
voyeur de leur passé sexuel (comme la personne qui les a agressés),
il est très important de réduire le niveau de menace et de honte associé
à l'exposé de leur histoire. Dimock suggère d'offrir aux clients un
moyen de classer leurs expériences d'abus sexuel. Il donne à ses clients
une liste de quatre catégories de comportement sexuel dont chacune est
accompagnée de plusieurs exemples. Ce sont :
(a) infractions punissables (relations sexuelles anales et orales,
caresses, relations sexuelles, etc.);
(b) enfance passée dans une atmosphère sexualisée (intérêt excessif
de la part des membres de la famille pour le voyeurisme et l'exhibitionnisme,
présence explicite de pornographie, contacts implicitement érotiques
et choses semblables);
(c) comportement importun (punitions sexuelles, intérêt et questions
exagérées à l'égard de la sexualité, lavements inutiles, bains sous
surveillance au-delà de l'âge raisonnable et application de substances
médicamenteuses sur les parties génitales alors que l'enfant pourrait
le faire tout seul, etc.); et
(d) rapports déplacés où l'enfant est mis dans une situation d'adulte
avec des implications sexuelles (partage régulier du lit d'un parent,
rendez-vous d'amoureux, partage d'informations sexuelles avec l'enfant,
etc.).
Dans la mesure du possible, l'histoire sexuelle du survivant doit comprendre
des renseignements sur les comportements spécifiques associés à l'abus
sexuel, les personnes présentes, l'âge du client au moment de l'abus,
l'âge de l'agresseur ou des agresseurs, les émotions ressenties et,
le cas échéant, les souvenirs sensoriels (goût, odeur, etc.) liés à
l'expérience (Dimock, 1988). Si le client a déjà parlé à quelqu'un de
l'abus dont il a été victime, il faut l'interroger à ce sujet. Le fait
d'avoir été crû ou non, d'avoir été aidé ou non peut influencer la façon
dont il s'attend à ce que vous receviez ses révélations.
Stratégies de défense
Il faut demander aux clients de quelles façons, fonctionnelles ou dysfonctionnelles,
ils ont fait face aux conséquences de l'abus sexuel. Beaucoup de clients
ne sont pas capables de mettre en mots leurs mécanismes de défense.
Cependant, c'est souvent les stratégies de défense dysfonctionnelles
utilisées par le client qui l'ont amené à commencer une thérapie.
Il faut évaluer les comportements dissociatifs. Il est souvent nécessaire,
avant de procéder à une évaluation complète, de parler aux clients des
processus de dissociation et de leur faire prendre conscience de la
façon dont ils ont recours à ce type de comportement. (On trouvera à
l'annexe C une échelle des expériences dissociatives (DES) qui pourra
être utilisée pour évaluer les tendances à la dissociation.)
Les survivants présentent souvent des symptômes dominants du système
nerveux sympathique comme une tendance exagérée à sursauter et une tension
musculaire chronique. Beaucoup de survivants vivent dans un état de
peur émotionnelle et d'anxiété chronique. L'équilibre normal entre les
systèmes nerveux sympathique et parasympathique est donc perturbé. Les
crises d'anxiété, l'irritabilité excessive et l'hypervigilance sont
des symptômes courants des survivants de traumatisme sexuel. L'alimentation
et le sommeil sont souvent perturbés. Les difficultés à s'endormir ou
le réveil au milieu de la nuit, l'incapacité de digérer les aliments
ou la perte de poids rapide sont des indicateurs d'un système nerveux
sympathique surchargé.
Beaucoup de survivants s'adonnent à des substances toxiques ou à des
comportements obsessionnels dans un effort pour masquer leurs sentiments
en rapport avec l'abus sexuel. Les problèmes mêmes que les obsessions
ont pour objet de couvrir feront surface au cours de la thérapie. Comme
le dit Dimock (1988), bien qu'on puisse s'attendre à des recours occasionnels
aux comportements obsessionnels au cours de la thérapie, il est difficile
de continuer la thérapie si le client s'adonne de façon continue à ces
activités.
Perpétration réactionnelle d'abus sexuel
Comme on l'a vu au chapitre 2, certaines victimes, par suite soit d'une
identification avec la personne qui les a agressées soit d'un effort
inconscient pour comprendre leur propre victimisation, se sont rendues
coupables d'abus sexuel envers d'autres. Cette activité doit être évaluée
dès le début du traitement. Si un survivant est actuellement un agresseur
sexuel ou l'a été dans le passé, il doit être tenu responsable de ses
actes. Dans la plupart des instances, les thérapeutes sont obligés par
la loi de déclarer toute infraction révélée par leurs clients. Même
s'il s'agit d'infractions rares commises pendant l'adolescence du client,
celui-ci doit reconnaître cette composante de son comportement et lui
faire face en thérapie.
Il peut être difficile de poser des questions sur la perpétration d'abus
réactionnelle. Beaucoup de victimes n'ont pas répété leur propre victimisation
et seront bouleversées par l'insinuation qu'elles aient pu le faire.
Il y a lieu de poser la question adroitement (comme dans l'exemple suivant)
: « Il arrive souvent que les victimes d'abus aient envie d'imposer
à quelqu'un d'autre ce qu'elles ont subi. Est-ce que cela vous est arrivé?
».
Objectifs du traitement
Les thérapeutes doivent évaluer les objectifs de leurs
clients et établir s'ils sont réalistes ou non. Des objectifs bien délimités
et concrets sont en général plus utiles que des objectifs plus vastes
et plus abstraits. On pourra aider les clients à identifier des objectifs
de traitement appropriés en leur posant des questions comme « Quelle
est la première petite réussite qui vous indiquera que vous êtes sur
le chemin de la guérison? » ou « Qu'est-ce que vous pensez que votre
(ami, patron, partenaire, etc.) remarquera à mesure que vous vous rétablissez?
» (Dolan, 1991).
ÉVALUATION DE LA THÉRAPIE
Les clients comme les thérapeutes ont besoin de pouvoir évaluer le
processus thérapeutique. Lorsqu'on leur a demandé si elles utilisaient
des méthodes systématiques ou non systématiques pour évaluer leur travail,
la plupart des personnes qui ont participé à la recherche ont répondu
qu'elles utilisaient des méthodes non systématiques. Les quelques personnes
qui se servaient régulièrement de méthodes d'évaluation systématiques
avec leurs clients avaient tendance à utiliser des tests psychologiques
normalisés, avant et après la thérapie, pour mesurer les résultats du
traitement.
Les thérapeutes qui utilisent des méthodes non systématiques pour évaluer
les progrès de leurs clients interrogent ces derniers sur les résultats
du processus thérapeutique. Des changements comme la réduction des symptômes
de stress post-traumatique ou des souvenirs importuns liés au traumatisme,
l'augmentation de la prise de conscience de soi, l'amélioration affective
et la restructuration intellectuelle sont utilisés pour évaluer le succès
de la thérapie. La satisfaction du client et les changements qu'il apporte
dans sa vie, l'atteinte des objectifs proposés, l'amélioration du fonctionnement
au travail ou dans les relations humaines sont d'autres indicateurs
d'amélioration.
Les personnes qui utilisent des tests systématiques doivent les démystifier.
Il faut expliquer en détail les tests aux clients pour qu'ils comprennent
leur potentiel d'utilité et acceptent de s'y soumettre en connaissance
de cause. Il faut aussi discuter des limites des tests (faux négatifs
et faux positifs) pour que les clients se rendent compte que le testage
n'est pas un processus infaillible.
Les personnes qui évaluent leurs clients avec des tests normalisés
utilisent les deux échelles conçues spécifiquement à l'intention des
survivants de l'abus sexuel ainsi que d'autres tests psychologiques
généraux.
L'échelle des expériences dissociatives (DES) - instrument de dépistage
utilisé pour identifier les survivants qui présentent des niveaux élevés
de dissociation - est un test autodéclaré qui mesure trois principaux
facteurs :
(1) dissociation amnésique,
(2) absorption et fuite dans l'imaginaire,
(3) expérience de dépersonnalisation et de déréalisation.
(On trouvera un exemplaire de l'échelle à l'annexe C.)
Le Trauma Symptom Checklist (TSC-33) est une liste de trente-trois
questions conçues spécifiquement pour évaluer les perturbations psychologiques
post-traumatiques. Le test mesure cinq sous-échelles cliniques (dissociation,
anxiété, dépression, problèmes de sommeil et hypothèse de traumatisme
dû à l'abus sexuel) et permet de procéder à une mesure générale du traumatisme.
Ce test a été mis au point par John Briere et ses collègues. Le TSC-33
est décrit dans Therapy for Adults Molested As Children (voir
le chapitre 12).
Les tests psychologiques non axés sur l'abus que certaines personnes
utilisent pour évaluer leurs clients sont le Tennessee Self-Concept
Scale, le Beck Depression Inventory, le Hudson Self-Esteem Scale
et le Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI).
Certains thérapeutes évaluent la thérapie régulièrement. Toutes les
quatre ou six séances, ils revoient le processus de thérapie avec leurs
clients. D'autres font moins d'évaluations au cours de la thérapie mais,
une fois celle-ci terminée, effectuent des appels téléphoniques de suivi
pour vérifier la stabilité des changements thérapeutiques. Les thérapeutes
qui travaillent avec des adolescents s'adressent à l'occasion aux parents
ou aux enseignants de leurs clients pour vérifier que la thérapie les
aide. Les clients des thérapies de groupe utilisent parfois un processus
de vérification par les pairs pour suivre les changements et les progrès.
La plupart des thérapeutes définissent le succès thérapeutique par des
résultats comme l'accroissement de l'estime de soi de leur client. La
combinaison de l'auto-évaluation et des changements observés personnellement
par la ou le thérapeute constitue généralement une base adéquate pour
évaluer la thérapie.
Il n'existe guère d'instruments d'évaluation faciles
à utiliser dans le cadre du travail clinique, particulièrement à l'égard
des survivants d'abus sexuel. Les données impressionnistes sont la forme
la plus courante d'évaluation thérapeutique. Comme on l'a déjà dit,
cette méthode a certainement des mérites mais elle rend impossible la
généralisation d'un cas à l'autre. Les thérapeutes qui travaillent avec
des survivants de l'abus sexuel ont besoin de meilleures méthodes normalisées
d'évaluation de la thérapie.
CHAPITRE 5 - THÉRAPIE INDIVIDUELLE : ÉTAPE DE LA
VICTIME
Ce chapitre présente les principales tâches thérapeutiques
à accomplir pendant l'étape de la victime. Diverses techniques
sont décrites dont certaines sont expressives tandis que d'autres
portent sur les processus internes. Ces interventions ont pour
objet d'accroître l'aptitude des clients à prendre conscience
de leur expérience affective et à acquérir les compétences nécessaires
pour gérer ces émotions de façon productive. |
Le succès de la psychothérapie en général et de la psychothérapie liée
à l'abus sexuel en particulier dépend de la nature du rapport entre
thérapeute et client. Les clients ont besoin de se sentir suffisamment
en sécurité dans cette relation pour être en mesure d'apprendre et de
grandir. Les thérapeutes doivent avoir suffisamment de compétences et
d'intégrité pour pouvoir encourager et soutenir l'apprentissage de leurs
clients.
À mesure que les clients prennent conscience de leurs propres processus
psychologiques et de leurs réactions inconscientes au traumatisme, ils
commencent à avoir davantage de choix dans la façon dont ils réagissent
aux événements qui se produisent dans leur vie. Ils peuvent alors remplacer
les tendances dysfonctionnelles qui ont été adoptées en réponse au traumatisme
aux étapes initiales de leur développement par des réponses plus saines
et appropriées aux circonstances de leur vie actuelle.
Ce que je propose ici est un cadre général de thérapie individuelle
avec les survivants plutôt qu'un guide étape par étape. J'illustrerai
la présentation par des exemples spécifiques d'interventions utilisées
par les personnes qui ont contribué à la recherche afin de transformer
la théorie en processus clinique appliqué.
La raison pour laquelle la plupart des thérapeutes suggèrent que les
survivants commencent par faire un travail individuel est que la sécurité
constitue un élément essentiel de la thérapie axée sur l'abus sexuel.
S'il ne se sent pas suffisamment en sécurité, le client ne peut pas
faire face à son histoire passée d'abus sexuel. S'il est préoccupé par
ce qui se passe dans le présent, il ne peut pas libérer suffisamment
d'énergie psychique pour confronter son passé.
Les séances individuelles donnent au client la possibilité de se familiariser
à la fois avec la ou le thérapeute et avec le processus thérapeutique.
Dans le cadre de la thérapie individuelle, le client est encouragé à
parler de sa victimisation à une personne qui le croit et qui lui apporte
un soutien. La thérapie individuelle permet à la ou au thérapeute d'évaluer
les compétences et les déficits du client et permet à celui-ci d'établir
un rapport sans risque et encourageant avec une autre personne adulte.
Ces deux éléments sont des précurseurs essentiels de la participation
à une thérapie de groupe axée sur l'abus sexuel.
L'objectif de la première étape de la thérapie est de reprendre possession
des faits et des conséquences de la victimisation du client et de les
valider. La ou le thérapeute donne à son client la permission de se
souvenir et de reconnaître l'abus sexuel dont il a été victime et écoute
ses révélations d'une façon qui lui apporte un soutien sans le juger.
Il s'agit de questionner doucement le client sur son passé et de commencer
à remettre en question les notions déformées engendrées par l'abus sexuel
que le client s'est constituées sur lui-même, sur les autres et sur
le monde en général.
À cette étape de la thérapie, la ou le thérapeute travaille avec le
client à faire de la thérapie un processus sans danger. Cela peut supposer
que l'on enseigne au client comment contenir ses émotions (p. ex., techniques
de gestion des flashbacks ou des crises d'anxiété) et qu'on l'aide à
comprendre les processus liés à l'abus sexuel en partageant avec lui
du matériel psycho-éducationnel.
Les conduites du client sont normalisées et déstigmatisées.
On l'encourage à examiner ouvertement son expérience d'abus sexuel et
l'impact que cela a eu sur lui. On l'aide à se réconcilier avec certaines
parties de son expérience et certaines parties de lui-même qui lui font
honte ou qu'il a repoussées. La douceur et l'humour facilitent souvent
ce processus. Par exemple, on peut relever la tendance du client à se
critiquer en disant « Tiens, revoilà cette partie de vous qui porte
le monde sur ses épaules » et l'aider ainsi à reconnaître certains de
ses aspects dysfonctionnels sans accroître sa honte ou son anxiété.
INTERVENTIONS
On trouvera ci-dessous une description de certaines des interventions
que les personnes qui ont contribué à la recherche ont utilisées à l'étape
thérapeutique de la victime pour aider les clients à développer leur
sentiment de sécurité personnelle et à augmenter leurs souvenirs et
leur accès aux affects réprimés.
Je tiens ici à demander aux personnes qui intégreront ces interventions
à leur travail de ne pas les utiliser n'importe quand et avec n'importe
qui. Elles devront veiller à ce que ces techniques répondent effectivement
aux besoins de leurs clients plutôt qu'aux leurs. L'enthousiasme aveugle
pour les nouvelles idées et les nouvelles interventions ne doit pas
l'emporter sur la discrimination. En outre, « aucune technique ne peut
remplacer le respect mutuel et le rapport stable et encourageant qu'offre
une bonne psychothérapie générale [...] » (Briere, 1989, p. 82).
Travail avec l'enfant intérieur
Au cours de l'étape de la victime, on peut introduire la métaphore
de l'enfant intérieur. La plupart des clients sont heureux d'apprendre
qu'ils ont plusieurs « moi ». En général, plus le client est dissocié,
plus il a de « moi ». La reconnaissance que les différents « moi » peuvent
entrer en conflit les uns avec les autres ou réagir séparément au même
stimulus peut aider les clients à mieux s'accepter et à mieux comprendre
leur propre comportement.
Lorsque les clients commencent à voir l'enfant en eux qui a été traumatisé
et maltraité, ils ouvrent la porte à une façon d'être basée sur l'amour
de soi plutôt que sur la haine de soi. Ils commencent à éprouver de
la compassion pour eux-mêmes, une compassion qui est ressentie indépendamment
de leur état émotionnel ou intellectuel. Le client est graduellement
invité à accepter de servir de parent aux parties de lui-même qui n'ont
pas eu de parent adéquat dans l'enfance. Il est rassuré par le fait
que la ou le thérapeute est prêt à lui servir de guide ou d'entraîneur
dans ce processus et à lui offrir le soutien dont il a besoin.
Pour certains hommes, la métaphore de l'enfant intérieur est difficile
à accepter pour commencer. Le fait d'être comme un enfant ou de réagir
comme un enfant à certaines situations est vu sous un jour négatif.
On peut parfois surmonter ce rejet des éléments immatures du moi en
utilisant des métaphores de captivité. En comparant un enfant victime
d'abus sexuel à un prisonnier de guerre exploité par ses ravisseurs
à leurs propres fins, on peut aider certains hommes à mieux comprendre
la situation où ils se sont trouvés quand ils étaient enfants. La reconnaissance
que même les soldats entraînés pour la bataille décompensent lorsqu'ils
se retrouvent en captivité peut aider certaines victimes à considérer
leurs propres réactions à l'abus sexuel avec moins d'autocritique et
davantage de respect.
D'autres hommes éprouvent plus facilement de la compassion pour les
filles que pour les garçons. Ils croient que les hommes doivent être
plus résistants à la souffrance que les femmes, quels que soient leur
âge ou leur situation. Si on leur raconte leur propre histoire d'abus
sexuel en changeant le sexe de la victime, on peut susciter chez eux
les sentiments de compassion qu'ils n'arrivent pas éprouver pour eux-mêmes.
Lorsqu'ils se montrent concernés par la victime imaginaire, on peut
leur rappeler que les mêmes choses leur sont arrivées et qu'ils méritent
également d'être traités avec compassion.
Visualisation
La visualisation peut s'avérer une technique utile pour permettre à
certains clients de prendre contact avec leur « enfant intérieur ».
Avant d'entraîner un client dans une visualisation, demandez-lui d'identifier
des « ancres » où amarrer son moi adulte et ses ressources actuelles.
Ces rappels adultes peuvent être des objets concrets comme l'alliance
du client ou tout autre symbole de sa situation adulte. Si le client
ressent de l'anxiété au cours de la visualisation, il peut reprendre
contact avec son moi adulte en touchant l'objet symbolique.
Une fois le client ancré dans sa réalité actuelle, amorcez le processus
de visualisation. Après avoir demandé au client de fermer les yeux,
guidez-le vers un état de relaxation profonde. Si le client n'aime pas
l'idée de fermer les yeux, invitez-le à regarder un point dans la pièce
en se concentrent sur sa respiration et ses sensations corporelles.
Une fois le client profondément détendu, demandez-lui d'entrer en contact
avec l'enfant qu'il était juste avant que l'abus sexuel ne commence.
(L'âge de l'enfant peut varier d'une situation à une autre en fonction
des besoins des clients et des thérapeutes.) Vous pouvez aussi faire
une suggestion plus générale, par exemple, « Laissez l'image d'un enfant
vous venir à l'esprit. »
Lorsque le client a l'image d'un enfant, aidez-le à la renforcer en
posant des questions comme « Comment l'enfant est-il habillé? » et «
À quoi ressemble l'enfant? ». Demandez à l'enfant de dire au moi adulte
du client s'il y a quelque chose qui le dérange ou de décrire au moi
adulte du client son état de bien-être. Demandez ensuite au client de
répondre à l'enfant. Cet échange entre le moi adulte et l'enfant intérieur
peut être parlé ou silencieux. Il est utile d'appeler l'enfant par le
nom qu'on lui donnait à son âge. Si un client s'appelle Robert mais
qu'on l'appelait Rob au moment de l'abus sexuel, il faut s'adresser
à son moi enfant en l'appelant Rob.
À la fin de la visualisation, demandez au moi adulte du client de s'assurer
que l'enfant se sent en sécurité et protégé avant de quitter l'image.
Il est possible que le client ait besoin d'effectuer un acte imaginaire
avant de prendre congé de l'enfant.
Tout d'abord, beaucoup de clients on du mal à prendre contact avec
leur enfant intérieur. Les clients sont parfois embarrassés à l'idée
de prendre part à un processus de visualisation ou déclarent que leur
enfant intérieur refuse tout contact parce qu'il a peur ou qu'il n'a
pas confiance. Cependant, si le client accepte de persévérer et si on
lui apprend comment aborder un enfant qui a peur ou qui n'a pas confiance,
il prendra éventuellement contact avec son moi enfant. Lorsque cela
se produira, le client sera souvent surpris de la façon dont ce processus
peut stimuler des sentiments et des souvenirs intenses et de l'aide
que l'on peut recevoir si l'on apprend à être le parent de son moi enfant.
La visualisation guidée est un instrument puissant pour aider les clients
à développer leurs aptitudes à établir de solides limites personnelles.
Les personnes qui ont contribué à la recherche utilisent cette technique
de différentes façons. En voici deux
Visualisation d'un « contenant »
Les clients sont souvent hantés par leurs souvenirs ou ne cessent de
penser à leurs expériences d'abus sexuel. On peut les soulager en les
aidant à se créer un contenant imaginaire où ils peuvent placer ces
souvenirs ou ces pensées en sachant qu'ils pourront aller les y chercher
quand ils le voudront.
Après s'être assuré que le client est ancré de façon concrète dans
son état adulte actuel, guidez-le dans un exercice de relaxation musculaire
progressive jusqu'à ce qu'il soit profondément détendu physiquement.
Lorsqu'il montre des signes de relaxation comme les yeux qui se ferment
ou une respiration régulière, demandez-lui de penser à un contenant
réel ou imaginaire qui est parfaitement étanche et auquel lui seul a
accès. Invitez-le à placer les souvenirs importuns et les pensées répétitives
dans ce contenant et à s'entraîner à les en sortir et à les y remettre
à son gré. Dites-lui qu'il peut utiliser ce contenant à tout moment
pour y garder ses pensées ou ses sentiments. Il peut toujours aller
les chercher s'il en a envie ou il peut les laisser dans le contenant
aussi longtemps qu'il le veut.
Certains thérapeutes utilisent cet exercice pour clore les séances
au cours des premières étapes de la thérapie. Juste avant son départ,
on guide le client vers un état de transe où il peut avoir accès au
contenant et on lui dit : « Laissez toute pensée dont vous ne voulez
pas prendre conscience avant la prochaine séance dans le contenant.
» Le client est ensuite ramené graduellement dans la réalité présente
de la salle de thérapie. En apprenant aux clients à utiliser cette technique
régulièrement, on leur donne un moyen facile de gérer les expériences
intérieures importunes. Plus cette aptitude est pratiquée, plus elle
devient efficace.
Visualisation d'un « lieu sûr »
Comme pour la visualisation du contenant, commencez cet exercice en
aidant le client à se détendre progressivement jusqu'à ce qu'il présente
des signes de relaxation profonde. Dites-lui de se transporter dans
un lieu, réel ou imaginaire, où il peut être seul dans un état de sécurité
et de confort complets. Vos instructions sur le lieu en question doivent
être délibérément vagues pour donner à l'inconscient du client la liberté
de produire une image qui convienne à ses besoins du moment. Demandez
au client de faire l'expérience totale de ce lieu intérieur - vue, ouïe,
odorat, goût et sensation. Demandez-lui d'ancrer ce lieu sûr par une
position de main ou un objet physique toujours disponible (p. ex., une
bille ou une pierre). Dites-lui que, s'il se sent anxieux, il peut faire
le geste de la main ou toucher la pierre et envoyer le signal à tous
les niveaux de conscience qu'il se détend et pénètre dans un lieu sûr.
Dites-lui qu'il peut retourner dans cet endroit quand il le voudra -
personne d'autre n'aura besoin de savoir ce qu'il fait.
Une fois que le client a fermement établi un sanctuaire intérieur sans
danger, on peut lui demander, en variation de cette visualisation, d'inviter
quelqu'un à qui il fait confiance et qu'il respecte à lui rendre visite
dans ce lieu sûr. S'il le veut, il peut poser des questions à son visiteur
ou en recevoir des affirmations. Le client doit rester en tout temps
en charge de son sanctuaire et, s'il ne veut pas inviter quelqu'un à
le partager avec lui, ce désir doit être respecté.
Pour clore cette visualisation, demandez au client de quitter graduellement
son sanctuaire, de revenir dans son corps et, lorsqu'il sera prêt, de
revenir dans la salle de thérapie. Comme l'exercice du contenant, cette
technique gagne en efficacité si elle est pratiquée fréquemment et devient
un élément régulier de l'autogestion du client.
Hypothèses
Lorsqu'ils discutent de certains aspects de l'abus sexuel dont ils
ont été victimes, les clients se montrent souvent réticents et projettent
leur propre malaise sur la ou le thérapeute. Pour neutraliser les projections
du client, la ou le thérapeute doit aborder les questions difficiles
directement et sans porter de jugement. Cela donne au client la permission
d'être également direct. On « part de l'hypothèse » que le client a
fait certaines expériences puis on vérifie auprès de lui l'exactitude
de ces hypothèses. Par exemple, pour en savoir davantage sur les peurs
homophobes d'un client, on peut dire « Je ne sais pas si cela est vrai
pour vous, mais beaucoup de survivants s'inquiètent de l'excitation
qu'ils ont ressentie lorsqu'ils ont été abusés. Qu'en est-il dans votre
cas? ». On peut étendre à beaucoup de secteurs cette méthode de l'hypothèse
d'une expérience commune suivie de questions sur l'expérience personnelle
du client.
Livre de vie
Invitez les survivants à revisiter les événements de leur enfance avec
des yeux d'adulte en créant un « livre de vie ». Demandez à votre client
d'acheter un cahier ou un carnet à couverture ferme. Le livre doit être
de bonne qualité pour souligner l'importance de son contenu. Dites à
votre client d'assigner une page à chaque année de sa vie depuis l'année
de sa naissance jusqu'au moment présent. Demandez-lui d'écrire des histoires
à propos de chaque année ou de faire des commentaires sur lui-même à
l'époque. L'objectif est toujours dirigé vers le client. Si des événements
traumatisants sont arrivés aux personnes qui l'entourent, dites-lui
de décrire la façon dont ces événements l'ont affecté. Il faut laisser
de la place en bas de page ou dans la marge pour pouvoir ajouter d'autres
commentaires à l'histoire de sa vie.
Le livre de vie est un instrument actif et concret qui offre un moyen
d'organiser les flashbacks et les souvenirs d'une façon non menaçante.
Il indique les périodes de temps où les souvenirs sont bloqués ou réprimés.
Il aide les clients à reconnaître leurs propres points forts et il ouvre
la porte à une réflexion sur leur vie. Les clients peuvent faire preuve
de toute l'imagination qu'ils veulent dans la façon dont ils créent
et utilisent leur livre de vie. Lorsque vous revoyez le livre de vie
avec chaque client, demandez « Qu'est-ce que ce processus vous permet
d'apprendre sur vous-même? »
Histoire de sa vie
Un exercice similaire mais plus court consiste à demander au client
de vous raconter l'histoire de sa vie. Il est bon d'utiliser un format
structuré pour que le survivant garde le contrôle du processus. La narration
doit être une expérience de guérison et non de renouvellement du traumatisme.
Demandez à votre client de vous parler de sa famille en traçant un génogramme
sur un tableau blanc ou en vous apportant des photos des membres de
sa famille. On peut utiliser des objets symboliques comme des pierres
pour représenter les membres de la famille. Pendant que le client raconte
son histoire personnelle, aidez-le à identifier les compétences qu'il
a utilisées pour survivre à l'abus dont il a été victime et à reconnaître
les thèmes et les tendances de sa vie.
Dessin de l'abus sexuel
Cette intervention peut s'avérer efficace avec les clients qui s'expriment
mieux par l'art que par la parole. Donnez à votre client un grand bloc
de papier - la taille du papier évoque la réaction de l'enfant - et
dites-lui d'emporter le papier chez lui et de « dessiner l'abus ». Dites-lui
bien qu'il ne s'agit pas d'un exercice artistique mais d'une occasion
pour lui de se rappeler des événements qui sont arrivés dans le passé
et de les clarifier. Dites-lui de dessiner une scène de sa vie avant
l'abus sexuel puis de dessiner des scènes spécifiques de l'abus dont
il a été victime sous forme de bande dessinée. Il peut, par exemple,
dessiner une bulle qui lui son de la tête pour décrire ce qu'il pensait
ou ce qu'il ressentait ou mettre des légendes sous ses dessins pour
expliquer ce qui se passe.
Demandez au client d'apporter ses dessins à la séance de thérapie et
posez-lui des questions sur les informations qu'ils contiennent. N'interprétez
pas les dessins - toute interprétation doit venir du client. Il arrive
souvent qu'en concrétisant les images de l'abus sexuel, le client leur
donne davantage de réalité et prenne mieux conscience des ses souvenirs
et de ses sentiments. En touchant l'autoportrait du client, la ou le
thérapeute touche symboliquement le client, ce qui peut l'encourager
sans pour autant le menacer.
Reconnaissance du scénario
Cette intervention est une pratique relativement courante parmi les
thérapeutes formés en analyse transactionnelle et elle convient bien
aux clients victimes d'abus sexuel au sein de la famille. Six différents
« moi » sont identifiés et chacun est symbolisé par une chaise ou un
coussin.
Le premier « moi » est le « parent aimant » qui sait satisfaire ses
propres besoins et reconnaît que les besoins de son enfant sont séparés
des siens. Le second est le « parent critique » qui contamine ses interactions
avec l'enfant par ses propres besoins non satisfaits. Ce parent peut
être critique et punitif ou étouffant et surprotecteur et n'écoute pas
l'enfant lorsqu'il exprime ses propres besoins. Le troisième est l'«
adulte » qui est le moi logique et rationnel. L'adulte est capable d'analyser
les situations et de chercher de nouveaux renseignements et de nouvelles
compétences pour prendre de nouvelles orientations et grandir.
Les trois derniers « moi » sont l'« enfant naturel », l'« enfant obéissant
» et l'« enfant rebelle ». L'enfant naturel est la source des sentiments,
de la spontanéité et de la créativité. Il porte aussi la blessure de
l'abus sexuel. L'enfant obéissant et l'enfant rebelle sont des adaptations
réactionnelles à l'influence du parent critique et des déformations
de l'énergie de l'enfant naturel.
Une fois que les « moi » ont été décrits et identifiés, demandez au
client de s'asseoir à l'endroit qui représente le « moi » où il a passé
la plus grande partie de son temps quand il était enfant. Le temps peut
être divisé entre avant et après l'abus sexuel. Encouragez-le à parler
de son expérience tandis qu'il se trouve dans cet endroit. Demandez-lui
d'identifier les positions que son père et sa mère occupaient habituellement,
de s'asseoir dans ces lieux respectifs et de jouer le rôle de chaque
parent.
Ce processus, souvent intense, s'avère généralement utile pour les
clients. La reconnaissance des rôles tenus par les membres de la famille
peut représenter une libération pour les clients en leur permettant
de comprendre la part qu'ils ont joué dans le maintien du scénario et
les options dont ils disposent pour changer. La première étape que doit
franchir le client pour modifier ces processus est de prendre clairement
conscience des messages explicites et implicites qu'il a absorbés en
tant qu'enfant et des dynamiques auxquelles il continue à se plier par
loyauté envers sa famille.
Techniques de concentration
Pendant une séance où le client parle de son vécu d'abus sexuel ou
de sa vie présente, suggérez-lui de rester assis tranquillement et de
se concentrer sur les sensations physiques qu'il ressent. Demandez-lui
s'il remarque une sensation physique ou corporelle en particulier. Dans
ce cas, invitez-le à prendre pleinement conscience de cette sensation.
Après avoir passé quelque temps à explorer la sensation, demandez-lui
si des images lui viennent à l'esprit en rapport avec l'expérience physique
sur laquelle il se concentrait. On peut alors explorer et travailler
sur les images ou les sentiments qui viennent à l'esprit du client.
Cette technique peut aider les clients à retrouver des souvenirs réprimés
et à honorer leurs perceptions kinesthésiques.
Les interventions ci-dessus sont des exemples du type
de travail qui se produit aux premières étapes de la thérapie. À mesure
que le client prend davantage conscience de sa victimisation et, ce
qui est encore plus important, des effets qu'elle a eus sur sa vie,
il commence à passer de l'étape de la victime à l'étape du survivant
où le parcours thérapeutique devient souvent plus intense. Lorsqu'un
client cesse de se blâmer et commence à tenir la personne qui l'a agressé
pour responsable de l'abus sexuel qu'il a subi, il libère son énergie
psychique et peut faire face aux émotions qu'il a éliminées de sa conscience.
CHAPITRE 6 - THÉRAPIE INDIVIDUELLE : ÉTAPE DU SURVIVANT
J'examine dans ce chapitre l'étape intermédiaire de la
thérapie appelée l'étape du survivant. Au cours de cette période
de la thérapie, le client reprend possession des parties dissociées
de son moi (comportement, intellect, affects) et acquiert de
nouvelles façons de faire face aux éléments de stress de sa
vie présente et aux événements traumatiques de son passé. Je
décris des interventions qui accroissent la gamme affective
des survivants et duplique comment remplacer les rapports avec
soi-même et avec les autres établis en réaction contre l'abus
par des modes de fonctionnement plus sains. |
La phase intermédiaire de la thérapie, l'étape du survivant, est habituellement
la plus longue et la plus difficile. À cette étape, le client est amené
à identifier comment, dans sa vie actuelle, il continue à réagir aux
effets de sa victimisation et il est invité à adopter des stratégies
de vie plus fonctionnelles. Sa principale tâche à cette étape consiste
à élaborer et à intérioriser de nouvelles croyances et de nouveaux comportements
en remplacement des tendances dysfonctionnelles qu'il a développées
inconsciemment en réponse à sa victimisation. En général, le client
effectue également un travail abréactif et régressif pendant cette étape
de la thérapie. Ces processus libèrent les émotions réprimées et, quand
ils sont bien orchestrés, permettent au client d'intégrer le matériel
psychique préalablement non assimilé.
Lorsque le client parvient à l'étape du survivant, sa relation avec
la ou le thérapeute a mûri, ce qui lui permet de prendre davantage de
risques dans le processus thérapeutique. C'est pourquoi il est possible
d'entreprendre des tâches difficiles pendant cette période comme le
travail avec l'image intériorisée de l'agresseur. L'intensité de cette
étape de la thérapie peut être éprouvante aussi bien pour les clients
que pour les thérapeutes. Les deux parties doivent être sûres qu'elles
disposent des aptitudes d'autoprotection nécessaires pour conserver
leur force et leur motivation pendant toute cette période difficile.
Je discuterai dans ce chapitre de plusieurs thèmes thérapeutiques clés
qui marquent l'étape thérapeutique du survivant :
- fantasmes de revanche et d'agression et fantasmes sexuels,
- manies et obsessions,
- augmentation de la gamme affective du client,
- processus de dissociation.
FANTASMES DE REVANCHE ET D'AGRESSION ET FANTASMES
SEXUELS
Les fantasmes des clients contiennent des renseignements importants
sur leur victimisation sexuelle et la façon dont ils y ont réagi. La
relation thérapeutique doit offrir des occasions de parler simplement
de ces fantasmes bien que les survivants hésitent souvent à les révéler
parce qu'ils en ont honte ou ont peur d'être jugés.
Fantasmes de revanche
La plupart des hommes victimes d'abus sexuel ont des fantasmes de revanche
active où ils s'imaginent qu'ils se vengent de la personne qui les a
agressés. Généralement, lorsqu'on les interroge sur leurs fantasmes
de revanche, les clients ne révèlent que leurs fantasmes les plus inoffensifs
tant qu'ils ne sont pas sûrs qu'ils peuvent partager d'autres informations
sans danger. Les clients ont besoin de soutien pour révéler leurs fantasmes.
Ils ont besoin de savoir que, lorsqu'on reconnaît ses fantasmes et qu'on
en parle plutôt que de les garder secrets, ils ont moins de chances
de se développer et de se matérialiser.
Les fantasmes de revanche exposent la rage et la colère du client.
Il peut être utile de proposer au client de dessiner ou de représenter
symboliquement son fantasme en thérapie tout en déchargeant simultanément
sa colère. Une représentation symbolique qui s'est avérée efficace consiste
à recouvrir une vielle boîte de carton de rappels de l'abus sexuel et
de la personne qui l'a perpétré puis de détruire la boîte. Cela peut
se faire au cours d'une séance de thérapie ou dans d'autres circonstances.
Le processus doit cependant être partagé avec au moins une personne
compréhensive pour faire savoir au client que sa colère envers la personne
qui l'a agressé n'est pas honteuse ni secrète.
Chaque fois que le client dévoile des fantasmes qu'il avait gardés
secrets jusqu'ici, il a besoin de travailler à la fois sur le contenu
du fantasme et sur le processus de dévoilement. Un grand nombre des
clients qui révèlent leurs fantasmes privés à leur thérapeute en ressentent
beaucoup de honte. Ils deviennent autodestructeurs pour se punir s'ils
ne se sont pas donné intérieurement la permission d'exprimer leurs sentiments
et leurs fantasmes. Les thérapeutes doivent avoir conscience de ces
dynamiques et veiller à ce que leurs clients aient assez d'aptitudes
à l'autoprotection pour participer à des interventions émotionnellement
intenses. Les thérapeutes ont parfois besoin de rappeler fréquemment
aux clients la différence entre fantasmes et comportements réels pour
leur permettre de reconnaître leurs fantasmes et de travailler sur eux
dans le cadre du processus thérapeutique.
Fantasmes de perpétration d'abus sexuel et de comportements sexuels
déviants
Si un survivant s'est rendu coupable d'abus sexuel envers une autre
personne, il doit être tenu responsable de sa conduite et reconnaître
son infraction. Il doit ressentir une culpabilité appropriée tout en
remettant son comportement dans le contexte de sa propre victimisation
de façon à assumer sa conduite d'une manière qui ne soit pas source
de honte. Si les infractions du survivant sont récentes et indiquent
une tendance à la répétition, la thérapie devra porter sur les problèmes
en rapport avec les infractions, ce qui prolongera le processus de guérison.
Bien que beaucoup de survivants n'aient jamais commis d'infraction
envers une autre personne, ils peuvent avoir des fantasmes où ils s'imaginent
qu'ils abusent d'un enfant. Certains survivants ont très peur d'avoir
un comportement sexuel avec un enfant et ces pensées déviantes leur
causent une grande anxiété.
Pour faire face à ce problème, il faut aider le client à comprendre
d'où viennent ses peurs de devenir un agresseur sexuel. Pour certains
clients, elles proviennent d'une suridentification avec l'agresseur
(p. ex., « Je suis comme mon père, donc je vais aussi agresser les autres
»). D'autres clients ont pris des habitudes « contaminées » d'excitation
sexuelle au cours de leur expérience d'abus sexuel. La victimisation
les ayant excités, ils créent des fantasmes masturbatoires basés sur
cette expérience. Leur excitation sexuelle subséquente devient associée
aux fantasmes en rapport avec l'abus sexuel.
Pour soulager les craintes du client, il faudra peut-être lui enseigner
des techniques mentales comme l'arrêt de la pensée, qui lui permettront
de contrôler ses peurs ou ses fantasmes déviants. Un client qui a utilisé
des fantasmes associés à l'abus pour renforcer son excitation sexuelle
devra se constituer d'autres fantasmes plus appropriés.
Le client devra également mettre ses peurs à l'épreuve
de la réalité. Il devra examiner sa vie adulte actuelle pour chercher
des signes qui indiquent une tendance à abuser des enfants. En général,
il n'y en a pas. On a parfois besoin de lui rappeler qu'en tant qu'adulte,
il a des moyens de satisfaire ses besoins dont il ne disposait pas étant
enfant (p. ex., il peut exprimer sa colère ou son besoin de se sentir
fort directement, sans faire mal aux autres). Si les peurs du client
persistent, il pourra élaborer un plan avec la ou le thérapeute qu'il
pourra mettre en uvre s'il commence à présenter des comportements
problématiques. L'élaboration d'un plan d'urgence a généralement un
effet très rassurant sur les clients qui ont peur de se comporter d'une
façon destructive.
TOXICOMANIES ET OBSESSIONS
La toxicomanie et l'obsession sexuelle sont courantes parmi les hommes
victimes d'abus sexuel, ainsi que d'autres comportements obsessionnels
en rapport avec la nourriture, le travail ou l'exercice physique, par
exemple. Les thérapeutes doivent veiller à ne pas se concentrer sur
les symptômes obsessionnels au détriment des problèmes sous-jacents
que le comportement obsessionnel est destiné à masquer.
Les obsessions ont bien des raisons d'être. Elles peuvent être un moyen
de répondre à des besoins qui ne sont pas satisfaits par ailleurs ou
une façon de créer une distraction afin d'éviter certaines prises de
conscience ou la reconnaissance de certains sentiments. Les gens adoptent
des comportements obsessionnels parce que, au moins à court terme, cela
les aide à faire face à des expériences devant lesquelles ils sont désarmés.
Pour changer un comportement obsessionnel, le client doit comprendre
les émotions qui sous-tendent sa conduite et il doit accepter de reconnaître
ce que lui coûtent ses obsessions. Il doit être prêt à essayer d'autres
façons de répondre aux besoins non satisfaits qui sont à l'origine de
son comportement obsessionnel.
Les thérapeutes doivent veiller à ne pas s'engager dans une lutte pour
le pouvoir avec leurs clients obsessionnels. Les clients doivent eux-mêmes
être décidés à changer leur comportement obsessionnel s'ils veulent
adopter des mécanismes de défense différents. Si les thérapeutes tiennent
davantage à ces changements que leurs clients, ils risquent d'être déçus.
Les thérapeutes ne doivent jamais perdre de vue que seuls les clients
ont le pouvoir de changer leur façon d'être.
Beaucoup de thérapeutes recommandent à leurs clients toxicomanes de
suivre un programme en douze étapes approprié. Ces groupes offrent un
soutien, des informations et une structure prévisible qui peuvent aider
notablement les clients à modifier leurs tendances obsessionnelles.
À cette fin, les thérapeutes doivent se tenir au courant de ce qui se
passe dans les groupes d'entraide en douze étapes et garder le contact
avec les groupes locaux.
Lorsque le client prendra conscience de l'état d'esprit
ou des sentiments que son comportement obsessionnel sert à bloquer,
il aura besoin d'aide pour faire face directement à ces sentiments et
pour remplacer ses conduites obsessionnelles par un système d'autoprotection
sain. Les clients font souvent une expérience abréactive lorsqu'ils
se permettent de sentir les affects qui ont été bloqués par le comportement
obsessionnel. Cette abréaction peut fournir des informations sur les
origines de la toxicomanie. Cela peut permettre au client, graduellement
ou d'un seul coup, de se réconcilier avec l'état d'esprit ou le sentiment
qui était précédemment inacceptable.
AUGMENTATION DE L'EXPRESSION AFFECTIVE
Beaucoup de survivants ont du mai à prendre conscience de leurs sentiments.
Ils assimilent l'expression de l'émotion à la vulnérabilité et à l'impuissance.
Les hommes croient souvent qu'ils peuvent compter sur leur force physique
pour les protéger des sentiments de peur ou de vulnérabilité. Certaines
victimes ont un monologue interne qui dit « Si quelqu'un essayait de
me victimiser maintenant, je lui montrerais à qui il a affaire. » Ces
hommes masquent leur vulnérabilité par un étalage de pouvoir. Ils peuvent
se fâcher avec les thérapeutes qui suggèrent qu'ils auraient avantage
à reconnaître leur vulnérabilité. Dans leur esprit, ils pensent que
ces thérapeutes leur demandent de devenir impuissants et de prendre
le risque d'être à nouveau victimisés.
D'autres survivants craignent d'être inondés par des affects non contrôlés
s'ils ouvrent la porte à l'expression de leurs sentiments.
Comme les émotions réprimées sont souvent très puissantes et que le
survivant associe les sentiments avec (d'une certaine façon) la non-survie,
la victime d'abus sexuel peut effectivement croire que la libération
émotionnelle est un processus dangereux. (Briere, 1989, p. 86)
Il faut veiller à ne pas pousser prématurément les clients à l'expression
affective. Cela inviterait à la résistance et créerait une lutte pour
le pouvoir et serait donc contraire à l'effet recherché. Certains clients
peuvent être tellement effrayés par le contact trop rapide avec des
émotions intenses qu'ils abandonnent la thérapie. L'expression des émotions
réprimées est le résultat naturel du processus de guérison. Les thérapeutes
et les clients doivent tous deux faire confiance au fait que le client
saura quand il sera prêt à faire l'expérience directe de ses sentiments
au sujet de l'abus.
Certains clients n'ont pas besoin d'une forte libération émotionnelle
pour guérir. Pour d'autres, particulièrement ceux qui expriment inconsciemment
leurs émotions dans leurs relations présentes avec les autres, l'expression
active des sentiments est essentielle pour faire le lien entre les émotions
réprimées et le comportement actuel.
Chaque fois qu'un travail affectif ou abréactif intense se produit
en thérapie, il est important qu'il soit structuré de façon à accroître
le pouvoir et la maîtrise du client. La reproduction du traumatisme
original sans gains thérapeutiques a un effet contre-thérapeutique.
Les clients ont besoin qu'on leur enseigne comment identifier et gérer
leurs processus émotionnels. Beaucoup d'expériences somatiques, telles
que migraines ou douleurs dorsales chroniques, recouvrent des émotions
non exprimées. A mesure que le client développera sa pleine capacité
à exprimer ses émotions, ses problèmes physiques diminueront. Leehan
et Wilson (1985) déclarent que beaucoup de victimes d'abus sexuel ont
réprimé leurs sentiments avec tant d'efficacité qu'ils ne savent pas
qu'ils les ont. Il arrive souvent que les thérapeutes aient besoin de
demander « Avez-vous de la tension dans les épaules? Avez-vous la poitrine
serrée? Avez-vous des maux de tête? ». Une fois que ces réactions physiologiques
ont été identifiées, on peut discuter de leur signification et de leur
rapport possible avec des émotions spécifiques.
Beaucoup de survivants éprouvent leur vie émotionnelle comme tout ou
rien. Ou bien ils bloquent leurs émotions et les éliminent de la conscience
ou bien ils laissent leurs sentiments exploser et les submerger. Tant
que les clients n'auront pas appris comment contenir leurs affects de
façon saine et n'auront pas adopté des façons fonctionnelles d'exprimer
leurs émotions, ils risquent de conserver cette tendance émotionnelle
au tout ou rien. En prévenant les clients de cette possibilité, on pourra
les aider à gérer leurs incohérences émotionnelles tout en adoptant
des stratégies plus saines pour faire face à leurs émotions.
Beaucoup de clients ont besoin d'aide pour trouver le vocabulaire qui
leur permettra d'identifier leurs différentes émotions. Les thérapeutes
pourront expliquer aux clients que leurs émotions suivent un continuum
et qu'ils peuvent éprouver divers degrés de peur, de colère, de joie
et de tristesse. On peut demander aux clients d'observer les autres
de près pour voir comment différentes personnes expriment leurs émotions.
On peut souvent aider un client à retrouver des émotions perdues en
faisant des commentaires comme « Je suppose que vous ressentez une certaine
tristesse (ou colère ou autre chose) quand vous me parlez de ça. »
On peut identifier et remettre en question les injonctions personnelles
et culturelles qui empêchent les hommes d'exprimer leurs émotions. Il
faut également identifier les injonctions parentales comme « Arrête
de pleurer ou je vais te faire pleurer pour de bon. » Certaines parties
du client restent souvent loyales à ces vieux messages et, tant qu'il
n'en prend pas conscience, les messages continuent à façonner son comportement.
On peut remettre en question les prescriptions sociales sur les hommes
et l'expression des sentiments en posant des questions comme « Qu'est-ce
qu'on apprend aux hommes dans notre culture sur la façon de faire face
à ses émotions? Quels sont les messages que reçoivent les hommes sur
la vulnérabilité? Est-ce que les messages que vous avez reçus de la
société sur la façon dont les hommes doivent exprimer leurs émotions
conviennent à la vie que vous menez? ». La remise en question de ces
injonctions dépassées donne aux clients la permission de reprendre possession
de la gamme complète de leurs sentiments.
La colère est un sentiment que la plupart des hommes ont culturellement
la permission d'exprimer. Elle devient souvent une expression affective
unidimensionnelle qui dévore toutes les autres. D'autres émotions, comme
la peur ou la tristesse, peuvent par déformation se transformer en colère
et en rage. Pour découvrir les sentiments qui sous-tendent leur colère,
il faut d'abord aider les clients à faire l'expérience totale de leur
colère. À cette fin, les hommes doivent faire une distinction claire
entre la colère et la violence. Il ne faut jamais confondre la permission
de ressentir et d'exprimer la colère avec la permission de se conduire
avec violence.
Les survivants découvrent habituellement que l'émotion qu'ils ont le
plus besoin d'exprimer n'est pas la colère qu'ils ressentent mais la
peur ou un autre sentiment (comme une profonde tristesse) qui a été
dissimulé par ce masque de colère. La séparation des processus émotionnels
primaire et secondaire fait partie du parcours thérapeutique à l'étape
du survivant. Par exemple, lorsqu'un survivant commence à comprendre
qu'il se bat avec les autres quand il essaie d'éviter de ressentir de
la peur, il peut commencer à regarder sa peur directement.
Lorsque les hommes ont très peur de découvrir leurs réactions émotionnelles,
la création d'une distance avec l'intensité des sentiments peut paradoxalement
les aider à prendre contact avec leurs affects. En demandant aux hommes
de parler de leurs sentiments à la troisième personne, comme s'ils parlaient
d'un de leurs bons amis, on peut les aider à reprendre possession de
cet aspect de leur vie.
Si les survivants ont des sentiments très ambivalents et éprouvent
à la fois un amour intense et une rage intense à l'égard de la personne
qui a abusé d'eux, les thérapeutes doivent veiller à soutenir ces deux
émotions. Des efforts prématurés d'intégration de l'ambivalence pourraient
ralentir le processus de guérison. Bien que le client puisse être frustré
par les sentiments apparemment contradictoires qu'il ressent, ces deux
émotions opposées font partie de sa vérité émotionnelle et les deux
doivent être honorées. Beaucoup de survivants ont besoin d'apprendre
que l'amour et la colère peuvent être ressentis simultanément et que
les deux sentiments ne sont pas mutuellement exclusifs.
Comme les sentiments réprimés ou reniés que les survivants apportent
en thérapie sont basés sur l'expérience passée, il est bon de faire
appel à l'avenir pour les encourager à modifier leurs tendances émotionnelles
actuelles. En parlant au client d'un avenir où il aura intégré ses émotions
et où ses sentiments seront en harmonie avec ses pensées et son comportement,
on lui fait comprendre qu'il s'agit là d'un objectif possible qui vaut
la peine que l'on y travaille.
Les personnes qui ont contribué à la recherche utilisent diverses techniques
pour aider les clients à augmenter leur expression affective. Certaines
se servent de la musique pour susciter les émotions des clients.
Par exemple, elles jouent une chanson d'amour pendant la séance et demandent
au client d'imaginer qu'il se la chante à lui-même. Cet exercice peut
révéler la résistance à l'amour de soi ou le cynisme devant la notion
d'amour. Quelle que son la réponse spécifique qui émerge, cela ouvre
la porte à l'exploration des réactions affectives.
Certains thérapeutes utilisent la technique gestalt de la chaise
vide pour aider les clients à découvrir leurs réactions émotionnelles.
Les clients qui ont une orientation concrète et pratique auront peut-être
du mal à faire ce genre de chose. Ceux qui acceptent de participer à
l'exercice pourront s'y préparer en rédigeant une lettre à la
personne ou à la partie d'eux-mêmes qu'ils veulent placer sur la chaise
vide. Ils pourront alors commencer le dialogue en lisant cette lettre
tout haut. Il est important que les clients comprennent que les lettres
qu'ils écrivent en thérapie ne sont pas destinées à être envoyées à
la personne réelle à laquelle elles sont adressées. Elles visent plutôt
l'image intériorisée de cette personne que le client porte en lui.
On peut inviter les clients qui sont à l'aise avec l'expression non
verbale à faire un collage pour montrer ce que l'on ressent lorsque
l'on est victimisé, que l'on éprouve de la colère ou du chagrin. Pendant
la préparation du collage ou pendant qu'on en discute en thérapie, le
client prendra généralement contact avec l'affect associé aux événements
représentés par le collage.
Certains thérapeutes utilisent le travail sur la respiration
pour aider à libérer les sentiments. On peut encourager un client à
régresser en accroissant la fréquence de sa respiration, comme dans
le travail holotropique. Les thérapeutes qui utilisent ces techniques
doivent avoir une formation très sérieuse pour pouvoir les mettre en
uvre avec compétence.
Des formes moins techniques de travail sur la respiration peuvent aider
les survivants à acquérir des aptitudes de gestion des émotions. On
peut demander aux clients de prendre conscience de leur respiration
tout en se concentrant sur une suite d'associations qui suscitent des
réactions émotionnelles. On s'assure ainsi qu'ils ne commencent pas
à retenir leur respiration à mesure que s'accroît l'intensité du sentiment.
On peut leur apprendre à envoyer leur respiration dans une partie de
leur corps ou de lui associer un son pour les aider à approfondir leur
prise de conscience émotionnelle. En suggérant à un client de laisser
sa respiration porter les sentiments qui le submergent tandis qu'il
se souvient d'un événement traumatique, on lui donne un outil nouveau,
à savoir le moyen de maintenir le souvenir dans sa conscience sans être
traumatisé par lui. La pratique de techniques de respiration qui induisent
la détente physique donne au client l'assurance qu'il peut être présent
à ses souvenirs d'abus sexuel sans être submergé par eux.
Les personnes qui ont contribué à la recherche utilisent diverses formes
d'expression concrète des émotions pour faciliter la croissance
affective de leurs clients. Le but de ce type de travail est de reprendre
contact avec les sentiments originaux qui ont été dissociés au cours
de l'abus et de les extérioriser sous forme concrète pour que le client
les accepte mieux ou en ait moins peur. Par exemple, si un client éprouve
un sentiment de perte et de tristesse devant son manque d'amour-propre,
on peut lui proposer de participer à une tire à la corde (avec une serviette
ou tout autre objet adéquat) pour reprendre possession de son amour-propre.
Pendant la tire à la corde, encouragez le client à verbaliser et à vocaliser
sa colère devant le dommage causé à son amour-propre par la personne
qui l'a agressé. De même, si un client veut se débarrasser de ses sentiments
de honte sexuelle, on peut l'aider à trouver une façon d'extirper littéralement
ces sentiments de sa personne. La clé de ces dramatisations est de saisir
les indices offerts par le client qui suggèrent une façon de concrétiser
ou d'extérioriser ses sentiments et ses processus affectifs.
Le jeu de rôle peut être une façon très efficace de susciter
les émotions. Si l'on utilise le jeu de rôle pour représenter une scène
de l'abus subi par le client, il est conseillé de représenter ensuite
des scènes qui lui donnent des messages de protection et d'encouragement
pour lui permettre de se constituer un scénario interne d'affection
et de soutien. Il ne faut pas demander aux clients de représenter les
personnes qui les ont agressés pendant l'étape du survivant. En admettant
que cela arrive, ce devra être à l'étape du combattant. Si un client
joue le rôle de la personne qui l'a agressé avant d'avoir pleinement
exploré sa propre réaction émotionnelle à l'agression, il peut devenir
trop sensible aux vulnérabilités de l'agresseur et lui pardonner prématurément
sans prendre pleinement contact avec ses propres processus émotionnels.
Certains participants au présent travail utilisent la libération
bioénergétique de la colère pour aider les clients à trouver un
exutoire puissant mais sans danger à leur rage. Avant de pratiquer ce
type d'intervention, les thérapeutes doivent convenir avec les clients
qu'ils y mettront fin si l'un ou l'autre est préoccupé par la direction
qu'elle prend. Les thérapeutes doivent bien connaître ce genre de travail
pour rester émotionnellement disponibles pendant la libération des sentiments
sans se préoccuper de leurs propres réactions aux émotions intenses
du client. Il faut apprendre aux clients qui font un travail centré
sur la colère à garder les yeux ouverts et les deux pieds fermement
sur le sol pour ne pas être emportés par une rage aveugle. Après avoir
effectué ce type de travail, les clients doivent l'examiner minutieusement
pour intégrer tout nouvel élément que le processus leur a permis de
comprendre.
Il faut garder à portée de la main tous les objets dont on peut avoir
besoin pour faciliter le travail actif de libération émotionnelle comme
des raquettes de tennis, des serviettes, des oreillers, etc. Il faut
aussi mettre à la disposition des clients des objets susceptibles de
leur apporter un réconfort tactile. Beaucoup d'hommes qui ne toucheraient
pas un ours en peluche ou un autre symbole enfantin de réconfort pourront
utiliser aux mêmes fins un ballon de basket rembourré ou une couverture.
Si la libération émotionnelle se produit en présence
d'autres personnes, au cours d'une séance de groupe, par exemple, il
faut prévenir les observateurs que le processus peut susciter des réactions
de leur part. Ils doivent avoir la permission de se protéger pendant
le processus. Certains hommes se couvriront les yeux et les oreilles.
D'autres pourront avoir besoin de changer de place pour aller s'asseoir
auprès de quelqu'un à qui ils font confiance. Les observateurs ont également
besoin de temps après la libération émotionnelle pour pouvoir eux aussi
examiner l'expérience.
LES PROCESSUS DE DISSOCIATION
Les enfants sont généralement honnêtes et directs à moins qu'ils ne
pensent qu'il est dangereux de dire la vérité. Lorsqu'on leur dit de
ne pas parler de quelque chose qui est arrivé dans leur vie, comme le
fait d'avoir été abusés sexuellement, ils doivent, pour ne pas mentir,
« oublier » ce qui est arrivé. En jargon technique, ils apprennent à
se dissocier de leurs comportements, de leurs sentiments, de leurs sensations
et/ou de leurs pensées.
Si l'on compare un enfant à une maison, on peut dire qu'un enfant dissociatif
a condamné la porte de certaines pièces de sa maison et agit comme si
elles n'existaient pas. Le souvenir d'avoir été abusé est conservé derrière
des portes condamnées, bloqué hors de sa conscience. Le moi victime
de l'abus est en fait coupé et dissocié de l'identité de l'enfant.
Bien qu'un survivant adulte puisse ne pas avoir de souvenir conscient
des événements sur lesquels il a fermé la porte, il peut avoir des comportements
qui rappellent la présence de ces fantômes. Par exemple, un homme dont
on a abusé dans un sous-sol peut ne pas avoir de souvenirs de l'abus
mais ressentir de l'anxiété chaque fois qu'il pénètre dans un sous-sol.
Certains hommes ressentent une excitation sexuelle jusqu'au moment où
le comportement sexuel devient interactif. Bien qu'ils ne se souviennent
pas avoir été victimes d'abus sexuel, leur comportement témoigne de
la réalité de leur victimisation. Des comportements, des pensées ou
des sentiments qui sont sans rapport avec les circonstances présentes
de la vie du survivant indiquent souvent la présence d'expériences dissociées.
De bien des façons,
[...] les traumatismes non assimilés [provoquent] des flashbacks,
une réaction excessive aux stimuli, une déformation des perceptions
et un niveau élevé de stress intérieur. (Steele et Colrain, 1991,
p. 1)
Les survivants dissociatifs ont besoin d'examiner de près leurs processus
de dissociation. Ils doivent commencer à remarquer quand et où ils font
appel à la dissociation. Ils pourront tenir un journal personnel
dans lequel ils noteront quotidiennement leurs épisodes de dissociation.
À mesure qu'ils commenceront à comprendre ce qui déclenche la dissociation
(p. ex., certains moments de la journée, certains endroits de la maison,
un type d'activité, etc.), ils auront le choix entre la dissociation
et d'autres façons de faire face à la situation qui provoque le stress.
À mesure que les clients prendront conscience de leurs tendances à
la dissociation, ils pourront se demander, lorsque cela se produit «
Quelle est la partie de moi qui a besoin de se sauver? ». On peut enseigner
des techniques d'ancrage dans la réalité aux survivants qui ont
tendance à la dissociation pour les ramener à la réalité actuelle et
à leur identité présente. Le client peut se regarder dans une glace
pour se rappeler qu'il est un adulte et non un enfant impuissant. Le
fait de mettre par écrit la situation qui suscite les souvenirs traumatisants
et d'écrire ou de parler à quelqu'un de ces souvenirs peut valider
l'expérience du survivant et réduire son isolement. La présence de symboles
de son identité adulte permettra également au survivant de reprendre
contact avec son moi actuel et de rompre la dissociation. Certains survivants
ne sont pas à l'aise avec ces interventions parce qu'elles sont une
façon de reconnaître l'abus dont ils ont été victimes, ce qui peut s'avérer
douloureux.
Le type le plus extrême de dissociation est le trouble de personnalité
multiple. Les clients qui présentent ce trouble sont surdifférenciés
et leur thérapie vise à les aider à réintégrer les parties fragmentées
de leur moi (appelées « alters »). Pour poursuivre l'analogie de la
maison, les clients qui présentent le trouble de personnalité multiple
vivent dans plusieurs pièces séparées sans couloir pour les relier entre
elles. La thérapie a pour but d'aider le client à relier les pièces.
La personnalité multiple est une stratégie de défense créée pour faire
face à des situations d'abus trop accablantes pour pouvoir être intégrées
par le moi immature d'un enfant. Bien que l'intention initiale de la
défense ait été d'assurer la survie de l'enfant, cette stratégie inconsciente
ne fonctionne plus dans la vie adulte du client. Certaines parties du
moi s'identifient avec une époque qui est sans rapport avec le présent
et utilise des stratégies qui ne sont plus fonctionnelles. Il faut éliminer
les obstacles entre les différents « alters » et intégrer et remettre
à jour les fonctions qu'ils assument.
En général, si le trouble de personnalité multiple est pathologisé,
les clients ont tendance à se comporter de façon pathologique. Si le
trouble est normalisé, les clients ont tendance à se comporter de façon
normale et continuent d'aller à l'école, au travail ou autre. Pour que
les différentes parties du moi fusionnent, les clients ont besoin de
stabilité dans leur vie. Il faut établir la sécurité thérapeutique séparément
avec chacune des personnalités et faire prendre conscience au client
du rôle spécifique de chaque « alter » et des renseignements qu'il porte
avec lui.
Au cours de l'étape du survivant, si le client se sent en sécurité
dans l'alliance thérapeutique et n'est pas entièrement mobilisé par
les crises de sa vie présente, les expériences dissociées sont invitées
à revenir à la conscience. Cette reprise de possession est souvent accompagnée
par la libération d'émotions réprimées intenses. Le client entre temporairement
dans un autre état de conscience et, en fait, revit les incidents qu'il
a dissociés. C'est ce qu'on appelle l'abréaction.
Les souvenirs traumatisants doivent parfois être revécus à plusieurs
reprises pour permettre l'accès à tous les morceaux qui manquent (Steele
et Colrain, 1991). Steele et Colrain (1991) ont constitué une liste
des changements de comportement qui indiquent quand le travail abréactif
est terminé. Ces changements sont les suivants .
1. Le client a un souvenir relativement continu des périodes traumatisantes.
2. Il ne présente pas actuellement de dissociation incontrôlée ou dysfonctionnelle.
3. Il n'a pas de flashbacks ni d'autres façons de revivre le traumatisme.
4. Il peut se souvenir du traumatisme et en parler sans émotion intolérable.
5. Il a acquis un sentiment subjectif de la signification personnelle
du traumatisme.
6. Il montre de l'intérêt et de l'espoir pour l'avenir plutôt que de
se sentir submergé par le passé.
La répression des souvenirs varie suivant les individus. À un extrême,
on trouve les survivants qui se souviennent parfaitement de l'abus dont
ils ont été victimes; à l'autre extrême, ceux qui n'en ont aucun souvenir.
La majorité des survivants se situent entre ces deux pôles. Ils ont
certains souvenirs conscients et certains trous de mémoire. Il n'est
pas nécessaire qu'un survivant reprenne possession de tous ou même de
la plupart de ses souvenirs réprimés pour se rétablir. Les survivants
ont seulement besoin de suffisamment de souvenirs pour contrer leur
propre déni.
Lorsque les clients pratiquent l'abréaction en thérapie, il faut souvent
rapprocher les séances de thérapie pour leur donner le soutien et la
sécurité dont ils ont besoin. Il y a guérison lorsque les vieux souvenirs
traumatisants sont revisités et font l'objet de nouvelles associations
affectives et intellectuelles. À l'issue d'une thérapie réussie, la
stimulation des souvenirs traumatisants se produit dans le contexte
de nouvelles associations puissantes. Le client a davantage de pouvoir
parce qu'il dispose d'un nouveau contexte et de nouvelles aptitudes
pour faire face à son vécu. Une nouvelle association est créée, par
exemple, lorsque l'abréaction du client se produit en présence de la
ou du thérapeute si bien que le souvenir de l'abus cesse d'apparaître
dans une situation d'isolement et de honte. Une autre association nouvelle
est créée lorsqu'un client a la permission d'exprimer pleinement les
sentiments suscités par le souvenir de l'abus sexuel sans avoir à tempérer
cette expression en réponse aux besoins d'autres personnes (c.-à-d.
de ceux qui l'ont agressé).
(Pour d'autres renseignements sur le travail avec les processus d'abréaction,
voir l'excellent chapitre de Katherine Steele et Joanna Colrain intitulé
« Abreactive Work with Sexual Abuse Survivors: Concepts and Techniques
» dans The Sexually Abused Male, Volume 2.)
Dissociation thérapeutique
La dissociation thérapeutique, que l'on appelle aussi transe ou hypnose,
est un outil puissant pour aider les clients à gérer leur dissociation
inconsciente. Cette intervention agit de façon paradoxale - des comportements
dissociatifs inconscients adoptés au cours de l'abus sexuel sont gérés
et assimilés en thérapie grâce à une dissociation consciente.
La transe utilisée en thérapie est une extension d'un processus naturel.
Le rêve éveillé, l'hypnose engendrée par la conduite sur la route et
les techniques systématiques de relation sont des expériences de transe
quotidiennes courantes que connaissent bien la plupart des clients.
Avant d'utiliser la transe avec les clients, il est important de leur
expliquer en quoi consiste ce type d'intervention. La dissociation thérapeutique
est un processus naturel mais il doit souvent être normalisé et démythifié.
On peut dire aux clients que l'hypnose est une façon de demander à l'inconscient
d'aider le client dans son voyage vers la guérison. Le client a seulement
besoin de se souvenir des événements qui l'aideront dans le processus
de rétablissement.
Avant d'entrer en transe, le client est ancré dans sa réalité adulte
actuelle. Cet ancrage se fait dans le plus possible de systèmes de représentation
pour permettre au client de faire appel à tous ses sens pour quitter
la transe s'il le désire. Les clients sont prévenus que des régressions
spontanées peuvent se produire en état de transe. Ce phénomène est normal
et courant.
L'hypnose permet souvent aux clients de reprendre contact avec des
pensées et des croyances qu'ils ont acquises dans l'enfance et qui ne
pénètrent pas dans leur conscience habituelle. Si le client s'est dissocié
de croyances négatives fondamentales qu'il a élaborées dans son enfance,
ces informations peuvent souvent être rappelées à la conscience pendant
la transe. Les distorsions de la pensée et les croyances erronées peuvent
alors être remises en question par l'esprit adulte du client.
La dissociation thérapeutique invite les aspects moins conscients de
l'esprit du client à aider son esprit conscient à effectuer activement
des changements. Cela aide le client à reprendre le contrôle de processus
qu'il avait préalablement utilisés de façon inconsciente et dysfonctionnelle.
À mesure que les survivants de l'abus sexuel apprendront à entrer en
transe à leur gré, ils commenceront à remarquer les moments de leur
vie où ils font la même chose inconsciemment. Cette nouvelle prise de
conscience sera pour eux l'occasion d'adopter des méthodes plus fonctionnelles
pour répondre aux situations difficiles de leur réalité présente.
Deux interventions thérapeutiques spécifiques basées sur la dissociation
et élaborées initialement par Yvonne Dolan sont présentées à l'annexe
D (voir page 138). Du fait de leur longueur, elles ne sont pas inclues
dans le texte. L'une des techniques aide les clients qui se trouvent
dans une situation de dissociation à s'ancrer et constitue également
une induction efficace de relaxation physique. La seconde intervention
donne aux survivants une méthode pour faire face aux flashbacks et distinguer
entre les aspects de leur réalité présente qui sont menaçants et ceux
qui ne le sont pas.
Les personnes qui ont contribué à la recherche s'accordent pour reconnaître
que la dissociation thérapeutique est un instrument très utile pour
aider les clients à gérer leurs souvenirs traumatisants mais moins utile
comme méthode de rappel des souvenirs réprimés. Les clients qui rappellent
les souvenirs perdus sous hypnose ne sont généralement pas convaincus
que ces souvenirs sont valides. Les personnes qui ont contribué à la
recherche s'accordent également sur le fait que les thérapeutes qui
ont l'intention d'utiliser l'hypnose avec leurs clients doivent s'assurer
une formation et une supervision adéquates.
La dissociation thérapeutique n'est pas recommandée
avec les clients qui veulent utiliser l'hypnose à des fins non thérapeutiques
(p. ex., un client qui n'est pas vraiment intéressé à travailler sur
son expérience d'abus sexuel mais veut davantage de renseignements pour
pouvoir accuser les autres d'avoir ruiné son existence). Il n'est pas
non plus recommandé d'utiliser ce type d'intervention avec des clients
psychotiques ou des clients qui poursuivent en justice la personne qui
les a agressés parce que les souvenirs rappelés sous hypnose ne constituent
pas une preuve acceptable au tribunal et que le client peut perdre son
procès pour cette raison technique.
CHAPITRE 7 - THÉRAPIE INDIVIDUELLE : ÉTAPE DU COMBATTANT
À quelques exceptions près, comme lorsqu'un client victime
d'abus sexuel confronte symboliquement ou en réalité la ou les
personnes qui l'ont agressé, une grande partie du traitement
dispensé à cette étape finale de la thérapie est la même que
pour les clients qui n'ont pas été victimes d'abus sexuel. Je
discute de l'utilité et de l'opportunité d'un travail axé sur
le corps à cette étape pour certains clients. Finalement, je
traite de la façon de mettre fin à une thérapie axée sur l'abus
sexuel et fais des suggestions pour réussir cette transition. |
Lorsque le client arrive à l'étape du combattant, la majorité du travail
à effectuer au cours des séances de thérapie est semblable à ce qui
se fait avec les autres clients. À cette étape, la partie la plus difficile
du parcours du client vers la guérison est généralement terminée.
Cette étape est souvent une période satisfaisante et agréable pour
les clients et les thérapeutes. Les tendances dysfonctionnelles engendrées
par l'abus sexuel ont été remplacées par des tendances plus saines et
l'amour-propre du client s'est amélioré de façon remarquable.
Les problèmes que les combattants apportent en thérapie portent sur
leurs difficultés relationnelles avec leurs partenaires, leurs enfants
ou les membres de leur famille, leurs dysfonctions et leurs problèmes
sexuels et leurs préoccupations en matière de sécurité personnelle et
d'autoprotection (Courtois, 1991). En général, la thérapie utilisée
pour faire face à ces problèmes est la même pour les victimes d'abus
sexuel que pour les autres clients.
À cette étape de la thérapie, les clients devraient être en mesure
d'identifier et de gérer leurs propres frontières. C'est le moment où
certains clients choisissent de faire un travail axé sur le corps, ce
pour quoi ils devraient être maintenant suffisamment préparés.
Les techniques axées sur le corps permettent à certains
survivants de prendre contact avec des blessures qui risqueraient autrement
de rester cachées. Les thérapies axées sur le corps accèdent directement
à des questions essentielles pour le sentiment de sécurité du survivant
comme son rapport avec son propre corps et sa capacité à toucher et
être touché. Ce chapitre traite de ce sujet plus en détail dans la section
intitulée « Travail axé sur le corps ».
CONFRONTATION DE L'AGRESSEUR
Une partie de l'étape thérapeutique du combattant qui ne touche que
les survivants de l'abus sexuel concerne la nécessité pour le client
de reprendre totalement possession de son pouvoir personnel. Pour ce
faire, on peut amener le client à confronter son agresseur, soit symboliquement
soit, plus rarement, en personne. Dans les cas d'abus sexuel au sein
de la famille, certains clients expriment le désir de confronter plusieurs
membres de leur famille. La famille du client ne participe à cette démarche
que si cela ne compromet pas la sécurité du client. Le choix des membres
de la famille qui seront invités aux séances de confrontation dépend
de leur acceptation, de la nature de la relation présente du client
avec eux et de la nature de ses rapports avec eux dans le passé.
Avant de participer à une séance de confrontation, le client doit être
parfaitement sûr de ses souvenirs et de ses expériences d'enfant. Qu'une
réunion familiale soit réelle ou symbolique, il faut consacrer plusieurs
séances à la préparer. Les thérapeutes doivent veiller à ce que les
attentes des clients en la matière soient réalistes et réalisables.
Il faut prévoir les résultats possibles de la réunion et mettre au point
des stratégies de soutien pour parer à toutes les éventualités. Pour
que la confrontation soit réussie, il est essentiel que le client définisse
ses objectifs et que ceux-ci soient formulés de telle façon que la réussite
dépende du processus personnel du client et non de la réaction désirée
des autres.
Pour certains clients, les séances familiales sont décevantes. Elles
brisent leur illusion secrète que, s'ils parlent des problèmes avec
la famille, cela les réglera. Les membres de la famille peuvent réagir
aux renseignements sur l'abus sexuel du client par le déni, la minimisation
ou la rationalisation. Si le client n'est pas préparé comme il faut,
il peut se retrouver très perturbé.
D'autres clients trouvent que les séances familiales
ont un important pouvoir de confirmation, qu'elles se passent bien ou
non. La possibilité de vérifier ce qu'il pense des membres de la famille
peut représenter une expérience positive pour le client qui observe
les comportements attendus. Cela lui permet de voir combien il a changé
et de reconnaître son aptitude à se différencier de sa famille. Il arrive
aussi que les idées qu'avait le client sur sa famille ne soient pas
confirmées et qu'il découvre qu'il peut la voir de façon plus réaliste.
TRAVAIL AXÉ SUR LE CORPS
Le client conserve les détails et les souvenirs de l'abus sexuel non
seulement dans son esprit mais aussi dans son corps. Certains clients
trouvent que, pour se rétablir, ils ont besoin d'ajouter des thérapies
non verbales axées sur le corps à la psychothérapie traditionnelle.
Ils comprennent intuitivement que le traumatisme dont leur corps a été
victime requiert des interventions physiques autant que symboliques.
Le travail axé sur le corps consiste en une suite d'interventions qui
vont des séances sans aucun contact physique où le client reste tout
habillé, jusqu'au massage, en passant par le travail sur la respiration
et les étirements du yoga. Les types de processus de guérison qui peuvent
se produire à l'issue du travail sur le corps sont innombrables. Ils
peuvent être à la fois physiologiques et psychologiques. La personne
qui effectue le travail doit avoir une formation adéquate et s'y connaître
à la fois en thérapies physiques et thérapies psychologiques. Il arrive
souvent que les survivants reprennent possession de souvenirs en rapport
avec l'abus sexuel au cours du travail sur le corps. La personne en
charge du travail doit être prête à aider ses clients à faire face aux
abréactions si elles se produisent.
L'un des avantages physiologiques du travail axé sur le corps est qu'il
aide les clients à prendre conscience des tensions physiques chroniques
inconscientes qui leur ont servi de structure de défense. Les systèmes
de défense du corps sont contrôlés par l'inconscient. La tension nerveuse
chronique peut raidir les libres musculaires pour en faire une armure
défensive. Le travail sur le corps aide les clients à prendre conscience
de ces lieux de tension chronique. Cela donne aux clients l'occasion
de changer car ils peuvent alors apprendre à se détendre et à libérer
les affects réprimés.
Le traumatisme de l'abus sexuel produit souvent des réactions psychosomatiques
qui déséquilibrent le système nerveux. L'hyperstimulation nerveuse provoque
des réactions hypertoniques comme une tension extrême et une incapacité
de se détendre. À l'opposé, les réactions hypotoniques se manifestent
par la dépression et la léthargie. Les thérapeutes peuvent enseigner
aux survivants des techniques de relaxation et les aider à faire l'expérience
de niveaux de relaxation de plus en plus profonds et à restructurer
graduellement leurs réactions aussi bien émotionnelles que physiques.
Psychologiquement, le travail axé sur le corps présente beaucoup d'avantages
pour les survivants. En travaillant avec une personne qualifiée, le
survivant fait parfois l'expérience pour la première fois du contact
sans danger et contractuel avec quelqu'un d'autre. Le travail sur le
corps est l'occasion pour les clients d'apprendre à accepter des contacts
rassurants et non sexuels dont ils gardent le contrôle. Ceci leur permet
de prendre conscience de leurs propres frontières physiques et de les
définir.
Beaucoup de survivants de l'abus sexuel ou bien ont évité le contact
physique avec les autres ou se sont hypersexualisés et ont des contacts
physiques avec n'importe qui. Dans les deux cas, ils n'ont guère eu
de choix véritable quant au niveau de contact physique qu'ils reçoivent
et aux circonstances dans lesquelles ce contact se produit. Il peut
être très important pour eux d'apprendre à déterminer le type de contact
qu'ils désirent en réponse à des besoins définis intérieurement. Le
travail sur le corps peut servir de cadre à cet apprentissage.
Beaucoup de survivants de l'abus sexuel ont une image déformée de leur
corps ou ont établi un rapport d'évitement avec leur personne physique.
Certains survivants se sentent très superficiellement liés à leur corps.
D'autres sont très mal à l'aise avec leur corps ou leurs processus corporels.
Le travail axé sur le corps peut aider les clients à reprendre contact
avec leur corps et à en reprendre possession pour eux-mêmes. Beaucoup
de clients commencent à éprouver leurs sentiments pour la première
fois lorsqu'ils prennent conscience de sensations et de processus physiques
préalablement dissociés.
C'est toujours aux clients de décider s'ils veulent ou non effectuer
un travail axé sur le corps. Il ne faut pas le leur proposer tant qu'ils
n'ont pas eux-mêmes indiqué qu'ils ont pris conscience des aspects physiques
de l'expérience d'abus sexuel. Si un client se sent trop menacé par
le travail sur le corps, il ne donnera pas suite aux suggestions qui
lui seront faites à cet égard.
À certaines exceptions près, la personne en charge du travail axé sur
le corps et la ou le psychothérapeute doivent généralement être deux
personnes distinctes pour réduire le risque de transfert négatif. Cette
séparation des rôles permet au client de faire face à son expérience
de thérapie corporelle ou à ses réactions de transfert, le cas échéant,
envers la personne qui l'effectue avec lui, avec l'aide d'une tierce
partie neutre et rassurante, à savoir sa ou son psychothérapeute. La
ou le psychothérapeute peut exceptionnellement assumer ce double rôle
lorsque le travail sur le corps se produit dans le cadre d'une thérapie
de groupe et qu'elle ou il n'est pas seul avec le client.
Comme on l'a déjà dit, il faut respecter scrupuleusement les frontières
des clients en matière de contact physique en psychothérapie. Lorsqu'une
ou un thérapeute a établi un rapport avec un client et que celui-ci
se déclare par la suite intéressé à effectuer un travail sur le corps,
si c'est la ou le thérapeute qui commence à faire le travail, ceci peut
être perçu comme une invitation à répéter la dynamique de l'abus sexuel
initial. Le client peut considérer le travail effectué en thérapie avant
le travail axé sur le corps comme un processus élaboré de préparation
au contact physique. La croyance du client que les personnes en situation
d'autorité finiront par chercher à avoir des contacts physiques sexuels
avec lui se trouve confirmée.
Bien que les deux personnes qui dispensent la psychothérapie et le
travail axé sur le corps doivent être distinctes, elles ne doivent pas
travailler indépendamment l'une de l'autre. Il faut demander aux clients
qui travaillent avec plus d'une ou d'un thérapeute d'accepter que ces
personnes partagent les renseignements qu'elles recueillent de façon
à leur dispenser le meilleur traitement possible. Lorsque le travail
s'effectue avec plusieurs spécialistes, on court le risque d'une division
improductive des rôles ou d'un manque de partage d'information entre
les différentes parties.
Il faut éviter le travail sur le corps avec les clients toxicomanes
ou qui souffrent d'épisodes psychotiques. Il faut également l'éviter
avec les clients dont les objectifs en la matière ne sont pas réalistes
ou appropriés. Certains clients, qui ont peu de souvenirs de l'abus
dont ils ont été victimes, entreprennent un travail axé sur le corps
parce qu'ils supposent que cela libérera leurs souvenirs réprimés. Bien
que ceci puisse se produire, ce n'est pas garanti. Les clients peuvent
finir par mettre en doute l'utilité du travail sur le corps non parce
que cela ne les a pas aidés mais parce que cela ne s'est pas conformé
à leurs attentes.
Si un client décide d'effectuer un travail axé sur le corps, il faut
lui suggérer de demander à d'autres survivants et thérapeutes de lui
recommander une ou un spécialiste qui a l'expérience des survivants
de l'abus sexuel. Il doit aussi faire confiance à ses réactions intuitives.
Il ne doit pas travailler avec une personne avec qui il ne se sent pas
à l'aise.
Lors de la première rencontre avec une personne spécialisée dans le
travail sur l e corps, il faut s'efforcer d'établir un contrat de travail
axé sur les problèmes que le client apporte à ce type de thérapie. La
personne en charge du travail corporel doit évaluer les besoins du client
et déterminer s'ils correspondent à sa pratique. Bien qu'elle ne doive
pas poser de questions importunes au client sur l'abus sexuel dont il
a été victime, elle doit recueillir suffisamment de renseignements pour
s'assurer que ses interventions sont appropriées. Pour veiller à ce
que le client garde le contrôle de ce qu'il choisit de divulguer, on
peut lui demander « Dites-moi seulement ce que j'ai besoin de savoir
sur votre passé d'abus sexuel pour vous aider à guérir. »
La personne en charge du travail axé sur le corps doit informer explicitement
le client que le contact sexuel ou la stimulation sexuelle ne feront
pas partie de leurs rapports. Elle doit également informer le client
qu'il doit la prévenir s'il éprouve des sensations sexuelles au cours
de la séance, de façon à renégocier le travail effectué ensemble. Le
client doit rester en tout temps en charge du type de contact qu'il
a avec la ou le spécialiste et il doit toujours pouvoir mettre fin au
processus s'il le désire.
Les spécialistes compétents doivent toujours demander la permission
du client avant de procéder à un contact physique. Si on a l'impression
que le client est mal à l'aise, Il faut lui dire « Je sens une tension
quand j'approche de votre épaule (ou d'une autre partie du corps). Voulez-vous
que je continue? De quelle façon voulez-vous que je vous touche là?
». C'est la réponse du client qui doit toujours guider le type de travail
à effectuer.
Il est important que le travail sur le corps se produise dans un cadre
éthique de la plus haute qualité. Lorsqu'un client décide de suivre
une thérapie non verbale, il augmente ses chances de complète guérison
mais aussi ses risques de revictimisation. La ou le spécialiste en charge
doit agir avec un très haut degré d'intégrité pour veiller à ce que
le processus soit positif et sans danger.
La crainte des conséquences sexuelles possibles du contact
physique a amené beaucoup de thérapeutes à éviter tout travail axé sur
le corps. La solution se trouve du côté de l'éducation et du perfectionnement
professionnel, non de l'évitement. (Timms et Connors, 1990, p. 130)
FIN DE LA THÉRAPIE
La dernière étape thérapeutique pour le combattant est de planifier
la In du traitement. Cette dernière tâche mérite autant d'attention
que toutes, celles qui l'ont précédée. La célébration de la réussite
du client et la reconnaissance de ses aptitudes et de ses points forts
actuels font partie de ce processus final. Il est essentiel de procéder
à un examen sérieux des progrès thérapeutiques du client et de reconnaître
ouvertement l'importance de la relation thérapeutique aussi bien pour
le client que pour la ou le thérapeute. Le client doit quitter la thérapie
de façon nette sans laisser derrière lui d'aspects non résolus du processus
thérapeutique.
Les clients indiquent qu'ils sont prêts à mettre fin à la thérapie
lorsqu'ils se comportent régulièrement d'une façon autonome, montrant
par là qu'ils sont prêts à devenir les architectes de leur propre rétablissement.
Cela ne signifie pas nécessairement qu'ils ne présentent plus de symptômes
en rapport avec l'abus sexuel. Cependant, lorsque ces symptômes apparaissent,
le client se sent sûr de lui et capable de leur faire face.
Il est important que le client qui met fin à la thérapie
sache que la porte de la ou du thérapeute lui est ouverte s'il désire
revenir. Certains clients trouvent rassurant de revoir leur thérapeute
à l'occasion et utilisent des séances de suivi irrégulières pour stabiliser
leurs gains thérapeutiques. D'autres clients ont besoin de savoir qu'ils
peuvent retrouver le soutien thérapeutique sans honte et sans perdre
la face si des événements inattendus se produisent comme le rappel de
souvenirs d'abus préalablement réprimés. En donnant au client la possibilité
de renouveler son contrat avec la ou le thérapeute, si le besoin s'en
fait sentir, on apporte un élément de sécurité au processus de cessation
de la thérapie.
CHAPITRE 8 - THÉRAPIE DE GROUPE AVEC LES SURVIVANTS
DE L'ABUS SEXUEL
Ce chapitre présente une thérapie de groupe à deux niveaux
à l'intention des survivants de l'abus sexuel. Après avoir décrit
les critères de sélection des participants et les règles générales
qui s'appliquent aux groupes, on explique la différence entre
les deux niveaux dont le premier est essentiellement psycho-éducationnel
tandis que le deuxième est axé sur le processus. Je recommande
un modèle de facilitation de groupe basé sur un leadership mixte
et discute des problèmes associés au sexe des chefs de groupe. |
La thérapie individuelle offre aux survivants un lieu rassurant et
sans danger où identifier et examiner leur passé d'abus sexuel. La ou
le thérapeute est souvent la première personne à qui le survivant parle
de l'abus sexuel qu'il a subi dans son enfance et de la façon dont il
a réagi par la suite à cette expérience. Même si la thérapie individuelle
a un rôle central à jouer dans le processus de guérison, elle est renforcée
et complétée par le traitement de groupe.
La thérapie de groupe axée sur l'abus sexuel donne aux survivants l'occasion
de normaliser leurs expériences. et de réduire leur isolement. Beaucoup
de survivants se sentent plus forts lorsqu'ils se rendent compte qu'ils
n'ont pas été les seuls à être maltraités par une personne adulte à
qui ils faisaient confiance. Les groupes de survivants donnent aux clients
l'occasion de faire l'expérience d'un milieu social où le respect des
frontières personnelles est de la plus haute importance et où ils peuvent
pratiquer les aptitudes nouvellement acquises dans leurs rapports avec
eux-mêmes et avec les autres. Les membres du groupe deviennent des modèles
mutuels de guérison et catalysent la croissance les uns des autres.
Les groupes de survivants offrent à leurs membres un milieu sûr, structuré
et rassurant où acquérir de nouvelles compétences et résoudre le traumatisme
de l'abus sexuel. Pour beaucoup de survivants, c'est la première occasion
qu'ils aient jamais eue de parler avec d'autres hommes de vulnérabilité
et de blessure. Un homme qui se joint à un groupe de survivants déclare
ouvertement qu'il a été victime d'abus sexuel. C'est un signe tangible
qu'il cesse de nier la chose et qu'il est prêt à travailler plus directement
avec les questions en rapport avec l'abus sexuel (Timms et Connors,
1990).
Le soutien que les survivants reçoivent des membres du groupe prend
toutes sortes de formes. Le fait d'être écouté et cru constitue une
validation puissante de l'expérience de victimisation de chaque survivant.
L'écoute des expériences d'abus sexuel des autres membres suscite souvent
chez les survivants des sentiments de compassion et de colère préalablement
réprimés. Au départ, ces sentiments sont projetés sur les autres membres
du groupe. Ils finissent par être revendiqués et intégrés au moi. Le
partage émotionnel avec d'autres hommes, sans que cette intimité soit
chargée de sous-entendus sexuels, offre à beaucoup de survivants de
nouvelles possibilités d'amitiés masculines.
L'appartenance à un groupe donne aux survivants l'occasion de prendre
conscience de leurs processus interactifs mésadaptés et de pratiquer
de nouvelles aptitudes interpersonnelles. Les interactions directes
avec les autres participants et les jeux de rôle effectués au sein du
groupe permettent aux membres d'apprendre comment résoudre les conflits
sans violence, comment veiller à ce que leurs besoins soient satisfaits
et comment donner et recevoir une affection non sexuelle. Le fait de
donner et de recevoir de l'aide renforce l'amour-propre des clients
et compense leur sentiment d'impuissance.
Les membres du groupe se présentent les uns aux autres des modèles
de stratégies d'adaptation efficaces et non efficaces. Ils réagissent
directement et indirectement les uns aux autres à toutes sortes de niveaux.
Il est fréquent que les interventions de groupe aient un effet indirect.
Les membres du groupe apprennent par personne interposée en regardant
leurs pairs croître et changer. « Chaque fois que quelqu'un prend davantage
sa vie en charge, la réalité de la guérison est renforcée pour tout
le monde » (Lew, 1988, p. 212).
Le traitement de groupe, cependant, n'est pas une panacée
qui convient à tous les survivants. Pour certains clients, l'expérience
du groupe peut s'avérer écrasante. Si les ressources intérieures d'un
client ne sont pas suffisamment fortes pour contrebalancer le poids
du processus de groupe, l'expérience peut s'avérer contre-thérapeutique.
Chaque client a beaucoup moins de contrôle sur son expérience dans un
groupe qu'en thérapie individuelle. Le fait que les clients déclenchent
les souvenirs les uns des autres et servent de catalyseurs à leur croissance
mutuelle peut être un élément positif ou négatif suivant le niveau de
fonctionnement du client.
SÉLECTION DES MEMBRES DU GROUPE
Le processus d'évaluation des candidats possibles à une thérapie de
groupe donne le ton des expériences de groupe subséquentes. Il faut
prendre le temps nécessaire pour procéder à une évaluation minutieuse
et complète des candidats. Pour fournir des renseignements utiles, les
questions posées dans le cadre de l'évaluation doivent être directes,
concrètes et axées sur le comportement.
Le travail de sélection est utile aussi bien pour les clients que pour
les thérapeutes. Les clients peuvent utiliser l'entrevue d'évaluation
pour se renseigner sur la thérapie de groupe et pour décider s'ils veulent
ou non prendre part au processus. Les thérapeutes utilisent les entrevues
de sélection pour se renseigner sur les antécédents d'abus sexuel des
clients possibles et sur leur processus de rétablissement jusqu'ici
afin de juger s'ils sont prêts à faire l'expérience de la thérapie de
groupe.
Pendant l'entrevue de sélection, les clients doivent donner suffisamment
de détails sur leur passé d'abus sexuel pour que les thérapeutes disposent
des renseignements nécessaires pour encourager adroitement leur croissance
dans le groupe. Les clients doivent aussi être informés des objectifs
de traitement du groupe, de la philosophie qui le sous-tend et des méthodes
qu'il met en uvre. Il est bon de remettre aux clients une feuille
d'information qui donne une liste des comportements acceptables et non
acceptables dans le groupe et/ou des renseignements sur les objectifs
et la structure du groupe. (On trouvera à l'annexe E un exemple de liste
des comportements favorables au travail de groupe.)
Les personnes qui ont contribué à la recherche évaluent les questions
spécifiques suivantes pour décider si un client est prêt à participer
à une thérapie de groupe en rapport avec l'abus sexuel :
Aptitude du client à parler de l'abus sexuel dont il a été victime
Les survivants doivent pouvoir parler de leur passé d'abus sexuel sans
trop de difficultés avant de se joindre à un groupe. Ils doivent avoir
au moins un souvenir clair d'avoir été victimes d'abus sexuel. S'ils
parlent de l'abus sexuel comme de « ça » ou ne sont pas capables de
dire ou d'entendre les mots qui se réfèrent explicitement à l'abus sexuel,
ils ne sont pas prêts à se joindre à un groupe.
Soutien
Les clients qui n'ont pas de soutien en dehors du groupe de thérapie
ne sont pas de bons candidats pour le travail de groupe. Les membres
d'un groupe doivent avoir accès à au moins une ou un ami proche ou à
un réseau d'entraide en douze étapes qui leur fournisse un soutien social
à l'extérieur du groupe. L'idéal serait que les clients qui participent
à un traitement de groupe suivent en même temps une thérapie individuelle,
au moins en fonction de leurs besoins. Au cours de l'évaluation, les
thérapeutes en charge des groupes doivent demander à leurs clients un
consentement à la divulgation d'informations pour pouvoir prendre contact
avec leur thérapeute individuel(le) si nécessaire.
Il arrive qu'un client ne puisse pas suivre de thérapie individuelle
simultanée faute d'argent ou faute de thérapeute. Dans ce cas, les chefs
de groupe doivent être absolument sûrs, avant d'admettre le client dans
leur groupe, que ses soutiens sociaux et ses aptitudes à l'autonomie
sont suffisants pour faire face aux exigences de la participation à
un groupe.
Motivation
Les membres des groupes doivent pouvoir parler de la façon dont leur
victimisation sexuelle leur pose des problèmes dans leur vie actuelle.
Ils doivent aussi être capables de mettre en mots les objectifs qu'ils
cherchent à atteindre à l'issue du travail de groupe. Si les clients
sont envoyés en traitement de groupe par leur thérapeute individuel(le),
il est important de s'assurer que l'intérêt pour la thérapie de groupe
vient du client et non de la ou du thérapeute. Les clients qui participent
à un groupe parce que quelqu'un d'autre le leur conseille ne sont pas
de bons candidats pour le travail de groupe.
Aptitudes Interpersonnelles
Les membres des groupes doivent avoir les aptitudes interpersonnelles
nécessaires pour participer à un travail de groupe. Si un client se
retrouve le bouc émissaire des autres membres du groupe à cause de son
manque d'aptitudes sociales, le traitement de groupe n'aura sur lui
qu'un effet de revictimisation ou de patronage. Tant qu'un client n'a
pas suffisamment d'aptitudes sociales pour participer pleinement au
travail de groupe, il est préférable d'utiliser d'autres modalités de
traitement.
Autonomie
Les membres potentiels d'un groupe doivent pouvoir décrire les stratégies
d'autoprotection qu'ils utiliseront pour faire face à leur propre souffrance
et à la souffrance qu'ils ressentiront en écoutant les autres. Ils doivent
prouver non seulement qu'ils connaissent ces stratégies mais qu'ils
sont capables de les mettre en pratique.
Homophobie
Les clients activement homophobes ne sont pas de bons candidats pour
le traitement de groupe de l'abus sexuel. Les hommes victimes d'abus
sexuel doivent disposer de l'espace nécessaire pour explorer leur orientation
sexuelle et leur identité masculine au cours du traitement de groupe
et les attitudes rigoureusement hétérosexistes font obstacle à cette
exploration.
Les hommes hétérosexuels et homosexuels sont traités dans les mêmes
groupes. Certaines des personnes qui ont contribué à la recherche ont
dit qu'elles séparaient autrefois les groupes en fonction de l'orientation
sexuelle des membres mais qu'elles n'observent plus cette pratique.
L'objet des groupes de traitement des survivants est l'expérience humaine
de victimisation qu'ils partagent et non la question de l'orientation
sexuelle.
Les personnes qui ont contribué à la recherche ont noté un paradoxe
- bien que beaucoup de survivants soient très préoccupés par le fait
qu'ils ont été agressés par un homme (lorsque c'est le cas) et que beaucoup
d'entre eux soient passablement homophobes, ils ont un très grand désir
d'établir des rapports plus étroits avec les hommes. lis ont remarqué
que le mélange d'hommes hétérosexuels et homosexuels dans un groupe
commence par provoquer la consternation. Pendant la période d'installation
dans le groupe, les hommes commencent par être très sensibles à l'orientation
sexuelle des membres. Cependant, lorsqu'ils arrivent à se connaître
et à comprendre la différence entre les pédophiles et les homosexuels,
cette tension se relâche. À la fin du traitement de groupe, quand les
membres s'ouvrent les uns aux autres et partagent leur humanité, la
question de l'orientation sexuelle n'a plus aucune importance.
Fonctionnement dans la vie présente
Les clients qui sont des toxicomanes actifs ou qui se remettent tout
juste de leur toxicomanie ne sont pas de bons candidats pour la thérapie
de groupe. Les clients suicidaires ou homicides sont trop instables
émotionnellement pour se joindre à un groupe. Les clients qui se trouvent
impliqués dans des rapports de mauvais traitement ou d'abus sexuel doivent
régler ces problèmes directement avant d'entrer dans un groupe de survivants.
Les clients activement psychotiques ou qui font face à une crise de
vie majeure ne doivent pas non plus se joindre à un groupe.
Perpétration réactionnelle d'abus sexuel
Les thérapeutes doivent demander aux clients s'ils ont eux-mêmes pratiqué
l'abus sexuel. Ce sera à vous de décider comment évaluer les actes commis
par un client lorsqu'il était adolescent. La règle générale est qu'un
client qui a commis des actes de perpétration répétitifs et structurés
ou qui en a commis au cours des cinq dernières années ne doit pas se
joindre à un groupe de survivants.
Trouble de personnalité multiple
Les clients qui présentent un trouble de personnalité
multiple peuvent participer à un travail de groupe à condition de contrôler
suffisamment leurs différentes personnalités. Les clients qui peuvent
négocier des contrats thérapeutiques sur la façon dont ils gèrent leur
dissociation et qui peuvent garder leur personnalité persécutrice à
l'écart du groupe peuvent être acceptés dans un groupe. Les thérapeutes
de groupe doivent expliquer aux autres participants en quoi consiste
la personnalité multiple et ses manifestations afin de normaliser le
processus.
MODÈLE DE THÉRAPIE DE GROUPE À DEUX NIVEAUX
Les personnes qui ont contribué à la recherche ont mis au point un
certain nombre de modèles de groupe à l'intention des hommes victimes
d'abus sexuel : toutes sortes de groupes - groupes menés par un et par
deux leaders, groupes structurés et non structurés, groupes ouverts
et fermés - sont offerts par différents thérapeutes dans différents
lieux. Certains de ces modèles sont basés sur des principes théoriques,
d'autres sur des nécessités pratiques. Cependant, qu'elles aient ou
non dirigé un groupe elles-mêmes, toutes les personnes qui ont contribué
à la recherche s'accordent à reconnaître l'utilité du traitement de
groupe. Le modèle de traitement de groupe présenté ici reflète à la
fois l'expérience de ces personnes et mon expérience personnelle.
Je recommande d'effectuer le travail de groupe à deux niveaux. Au premier
niveau, on pratique un travail psycho-éducationnel dans un groupe fermé
et structuré pendant huit à dix semaines. Cela convient aux clients
qui en sont à l'étape de la victime. Les clients qui veulent pousser
le traitement de groupe plus loin peuvent passer au deuxième niveau
dans un groupe ouvert et non structuré qui se concentre sur la résolution
du traumatisme lié à l'abus sexuel et sur l'acquisition d'aptitudes
de vie fonctionnelles. Le niveau de traitement des effets de l'abus
sexuel et l'intensité de cette deuxième étape conviennent aux clients
qui en sont à l'étape du survivant.
Ce modèle convient aux survivants de l'abus sexuel pour un grand nombre
de raisons. Comme pour la thérapie individuelle, la sécurité est le
principe directeur du traitement de groupe offert aux survivants. Au
début, lorsque les survivants commencent à fréquenter un groupe axé
sur l'abus sexuel, ils sont anxieux et hésitants. Ils craignent de parler
de leur victimisation avec d'autres personnes. Un groupe psycho-éducationnel
structuré, dont l'objectif est connu à l'avance, constitue une initiation
sans risque à ce processus nouveau.
Chaque semaine, le groupe psycho-éducationnel se concentre sur un thème
choisi, comme la sexualité, les stratégies d'adaptation, l'autoprotection,
la dynamique de l'abus sexuel, etc. On remet aux clients du matériel
écrit ou un travail à effectuer avant la séance. La structure du groupe
est flexible et la personne qui le dirige dit aux clients qu'ils peuvent
demander au groupe de leur donner du temps pour s'occuper de leurs préoccupations
personnelles en fonction de leurs besoins. Personne n'attend d'un membre
du groupe qu'il parle de lui s'il n'en a pas envie.
Tous les clients du groupe psycho-éducationnel commencent et finissent
le traitement de groupe en même temps. Cette structure donne aux nouveaux
venus une occasion égale d'établir des rapports prévisibles et sans
risque dans un contexte de groupe. Cela signifie aussi que les membres
franchissent en même temps les diverses étapes de développement du groupe.
La première séance porte sur les règles et procédures qui s'appliquent
au groupe, les séances intermédiaires portent sur le matériel en rapport
avec l'abus sexuel et le développement du travail de groupe et la dernière
séance est une célébration du partage et de la croissance.
Cette façon d'aborder avec douceur le matériel lié à l'abus sexuel
est une source de soutien et d'encouragement pour les clients. Elle
donne aussi aux thérapeutes l'occasion d'évaluer pleinement la capacité
des membres du groupe de faire face au travail de groupe dans le cadre
d'une structure bien établie. Le groupe psycho-éducationnel permet aux
clients qui ne sont pas encore prêts à se joindre à un groupe plus intense
axé sur le processus de faire une expérience de groupe réussie. Ils
peuvent ensuite se concentrer sur le renforcement de leurs aptitudes
jusqu'à ce qu'ils soient vraiment prêts à participer à un groupe de
traitement.
Le deuxième niveau exige davantage aussi bien des clients que des thérapeutes.
Le groupe n'est pas structuré, c'est-à-dire que c'est aux clients de
produire le matériel traité chaque semaine. Il est moins prévisible
aussi bien pour les clients que pour les thérapeutes puisqu'il n'est
pas possible de connaître l'ordre du jour à l'avance. Il est également
plus souple et plus interactif que le groupe psycho-éducationnel. Les
clients peuvent être invités à participer au travail les uns des autres
et ils sont censés prendre une part active au processus de groupe.
Au deuxième niveau, le groupe est ouvert. Cela signifie que ce sont
les clients qui décident combien de temps ils resteront dans le groupe
en fonction de son utilité pour eux. Dans les groupes de survivants
dirigés par les personnes qui ont contribué à la recherche, la durée
moyenne du séjour des clients dans le groupe est habituellement d'un
à deux ans. Comme les clients se joignent au groupe à des moments différents,
les membres établis sont chargés de l'initiation et du soutien des nouveaux
venus.
Les groupes axés sur l'abus sexuel sont basés sur un mélange de travail
mutuel et de travail dirigé par la ou le thérapeute. Le partage et le
soutien que les clients s'apportent mutuellement sont des composantes
essentielles de la guérison. Cependant, à certains moments, les aptitudes
de la ou du thérapeute, qui aide les clients à faire face aux situations
abréactives ou à décoder leurs réactions de transfert, constituent des
éléments indispensables de la guérison. Les thérapeutes doivent apprendre
à discerner quand faciliter le processus de groupe et quand prendre
du recul et laisser les participants prendre la relève.
Les groupes dirigés par les personnes qui ont contribué à la recherche
comptaient entre six et dix membres. Un groupe de huit membres est idéal.
Cependant, un ou deux membres de plus ou de moins ne modifie pas la
qualité du service.
Les séances variaient en longueur, allant d'une heure à une heure et
demie jusqu'à trois heures. Je recommande des séances de groupe de deux
heures à deux heures et demie pour donner à tous les membres le temps
de s'engager pleinement dans le processus. Les séances de groupe doivent
avoir lieu une fois par semaine bien que les groupes de deuxième niveau
puissent s'interrompre à plusieurs reprises au cours de l'année.
Pour ce modèle à deux niveaux, il est recommandé de
réserver la participation au groupe aux hommes. Je pense qu'il est préférable
pour la plupart des survivants, hommes et femmes, de commencer par travailler
avec des membres du même sexe devant lesquels elles et ils peuvent plus
facilement exprimer leur honte et leur embarras. Certaines personnes
déclarent cependant travailler avec succès avec des groupes mixtes.
Je pense qu'il est préférable de réserver les groupes mixtes aux clients
qui veulent continuer à travailler en groupe après avoir terminé un
groupe de deuxième niveau avec des hommes seulement. Les groupes mixtes
pourront surtout aider les clients à l'étape thérapeutique du combattant.
RÈGLES DES GROUPES
Dans les groupes de premier comme de deuxième niveau, il faut établir
un ensemble de règles afin de donner une structure au processus et d'en
assurer la sécurité. Bien que beaucoup de règles soient les mêmes dans
les différents groupes, chaque groupe doit veiller à ce que ses règles
correspondent à ce qu'il a d'unique. Il est essentiel, au cours de la
première séance des groupes psycho-éducationnels, de passer du temps
à élaborer un ensemble de règles. Dans les groupes de deuxième niveau,
il faut revoir les règles chaque fois qu'un nouveau membre se joint
au groupe. Bien que certaines règles demeurent les mêmes pendant toute
la vie d'un groupe, d'autres changent suivant son étape de développement.
Beaucoup de survivants auront d'abord du mal à formuler leurs besoins
de sécurité. Ils ne sont pas habitués à penser à leurs besoins et n'ont
guère eu l'occasion de les exprimer. La négociation en cas de conflit
peut aussi représenter une expérience totalement nouvelle pour beaucoup
de survivants. C'est pour cela qu'il faut revoir les règles de temps
en temps pour s'assurer qu'elles restent appropriées et opportunes.
On trouvera ci-dessous certaines des règles clés utilisées par les
personnes qui ont contribué à la recherche pour faire de leur groupe
un milieu sans risque pour leurs clients. Il est très important que
les chefs de groupe se servent des règles pour rappeler aux membres
qu'ils sont responsables du processus. Les contraventions aux règles
doivent être examinées. Beaucoup de survivants viennent de familles
où régnait le chaos. L'établissement de limites prévisibles et cohérentes
au sein du groupe est une étape essentielle de préparation du terrain
pour permettre aux clients de prendre des risques et de commencer à
guérir.
Confidentialité
Les participants doivent respecter le caractère confidentiel des renseignements
fournis par les autres membres du groupe. Ils peuvent parler de leurs
propres expériences dans le groupe à leurs amis ou à leur thérapeute
mais ils ne doivent pas identifier les autres membres du groupe dans
leurs conversations.
Frontières
Toute transgression des frontières d'un autre membre du groupe est
inacceptable. Le contact physique ne peut se produire qu'avec l'accord
des deux parties. Les rapports sexuels entre des membres du groupe sont
interdits, au moins pendant la durée du groupe.
Expression affective
Tous les sentiments sont acceptables dans le groupe. Cependant, ils
ne peuvent pas être exprimés d'une façon qui menace la sécurité de qui
que ce soit - ni celle du survivant qui éprouve le sentiment ni celle
de personne d'autre.
Participation active
Les membres sont censés participer activement au travail du groupe.
Les problèmes qui se posent entre les membres doivent être traités au
sein du groupe.
Présence
Les membres du groupe sont censés venir à toutes les séances. Si un
membre ne peut pas venir à une séance, il doit prévenir les chefs de
groupe avant la réunion. Si un client manque plus de deux séances consécutives,
il doit renégocier son appartenance au groupe. Si un client décide de
se retirer du groupe, on lui demande de l'annoncer au groupe et de revenir
à la séance suivante pour dire au revoir.
Abstention
Tout membre du groupe peut choisir de ne pas participer à une partie
ou à la totalité du travail de groupe. La seule chose obligatoire est
la mise au point (voir ci-dessous). Le membre qui décide de ne pas participer
est invité à déclarer « je passe » pour que les autres sachent qu'il
s'agit d'un choix délibéré et non d'une dissociation ou d'un refus d'assumer
ses responsabilités.
Sobriété
Les participants ne doivent pas venir aux séances après avoir consommé
de l'alcool ou des drogues ou dans un état qui les rend incapables de
participer au travail de groupe.
(On trouvera à l'annexe E, « Comportements qui renforcent
le travail de groupe », une liste des règles élaborées par un organisme
pour aider les membres des groupes à créer un environnement positif.)
THÉRAPIE DE GROUPE
Chacune des séances doit avoir un début, un milieu et une fin prévisibles.
En faisant des séances des événements relativement prévisibles, on rend
le milieu thérapeutique moins menaçant et plus bienfaisant.
La plupart des groupes commencent par une mise au point où chaque
membre prend un moment pour parler au reste du groupe. Ce peut être
l'occasion pour chacun de dire aux autres comment il s'est porté depuis
la dernière séance ou d'annoncer ce dont il veut parler au cours de
la séance présente. Certains facilitateurs commencent les groupes par
des questions comme « Quel petit signe de guérison remarquez-vous? »
ou « Quelle est la partie de votre corps que vous aimez le mieux et
pourquoi? » et demandent à chaque membre du groupe de répondre dans
le cadre de la mise au point. Les questions changent à chaque fois.
Quelle que soit la façon dont s'effectue la mise au point, elle doit
être prévisible. Elle doit aussi être clairement limitée dans le temps
et en termes de contenu pour que les membres ne l'utilisent pas pour
commencer le travail thérapeutique. Les mises au point non maîtrisées
qui deviennent le centre de la séance tout entière renforcent le comportement
dysfonctionnel centré sur la crise. Même lorsqu'un client est en crise,
le soutien que lui apporte la mise au point doit aussi le rétablir dans
ses limites pour que tout le monde ait l'occasion de parler au groupe
avant qu'une personne donnée ne retienne l'attention.
La portion intermédiaire de la séance variera suivant qu'il s'agit
d'un groupe de premier ou de deuxième niveau. Dans un groupe de premier
niveau, à moins qu'un client ait demandé du temps pour traiter une question
particulière, le travail portera sur du matériel psycho-éducationnel.
Bien qu'un certain travail affectif puisse se produire, ce n'est pas
l'objectif premier du travail de groupe.
Les sujets utilisés avec des groupes de premier niveau par les personnes
qui ont contribué à la recherche comprennent, entre autres :
- aspects légaux et criminels de l'abus sexuel,
- distribution typique des rôles dans les familles où se produit l'abus
sexuel,
- types d'agresseurs,
- éducation sexuelle et information sur le développement sexuel normal,
- intimité sexuelle et non sexuelle,
- affirmation de soi,
- types de relations - codépendance ou interdépendance,
- résolution des conflits,
- violence familiale - mauvais traitements physiques, sexuels et affectifs,
- développement de l'enfant,
- aptitudes parentales - conséquences ou punitions,
- développement de l'amour propre,
- techniques d'autoprotection et de réduction du stress,
- comportements qui ont un effet contraire à l'objectif recherché.
Dans un groupe qui se réunit pendant huit à dix semaines, il est impossible
de considérer tous les aspects des comportements liés à l'abus sexuel.
Il faut demander aux membres des groupes de premier niveau de choisir
les sujets qui les touchent de plus près et en faire les thèmes des
séances.
Dans un groupe de deuxième niveau, l'étape intermédiaire de la séance
est imprévisible. C'est en effet le moment utilisé pour travailler sur
les questions identifiées par les clients au cours de la mise au point.
La forme exacte que cela prendra dépendra du style et des compétences
des chefs de groupe. Suivant le type de leadership du groupe, la nature
de la question, le niveau de sécurité et de confiance au sein du groupe
et la force du moi de chaque membre du groupe, on se concentrer sur
la personne qui a soulevé la question ou on se servira de la question
pour effectuer un travail de groupe.
Par exemple, si un client parle de ses sentiments de honte au cours
de la mise au point, on peut suggérer qu'il travaille là-dessus individuellement.
Cela signifie qu'il parlera des moments où il ressent de la honte et
qu'on lui proposera des techniques pour l'aider à dépasser sa honte.
Ces techniques pourront faire intervenir ou ne pas faire intervenir
directement les autres membres du groupe. Par exemple, on peut demander
aux membres du groupe de servir de miroir au client et de lui renvoyer
à la fois son opinion de lui-même et l'opinion de lui qu'a chacune des
autres personnes.
Une autre possibilité est de faire participer tous les membres du groupe
à un exercice axé sur la honte. On peut leur demander de noter cinq
de leurs expériences les plus honteuses sur des morceaux de papier séparés.
Ces morceaux de papier sont placés dans une enveloppe que l'on fait
circuler dans le groupe. On demande à chaque membre de tirer un papier
et de le lire à voix haute. On travaille ensuite sur les réactions des
hommes à ces révélations anonymes. Dans ce cas, l'attention ne porte
pas sur un membre particulier du groupe et la question est traitée par
le groupe dans son ensemble.
Quel que soit le style du groupe, il est important, après un travail
intense, que tout le monde ait une chance de parler de son expérience
personnelle. Il est essentiel de reconnaître l'importance de tous les
membres du groupe, qu'ils parlent peu ou qu'ils parlent beaucoup, qu'ils
soient au tout début ou à la fin de leur parcours personnel.
Dans un groupe de deuxième niveau, bien que le travail doive s'effectuer
sans risque, il peut être une source d'inconfort. Leehan et Wilson (1985)
remarquent que les membres du groupe forment des alliances ou définissent
leur rôle dans le groupe sur la base du rôle qu'ils occupaient précédemment
dans leur famille. Les chefs de groupe remettent en question ces tendances
au transfert que les clients apportent dans le groupe. Les clients peuvent
être très perturbés par la prise de conscience et la remise en question
de leur façon habituelle d'établir des rapports avec les autres.
Les chefs de groupe doivent surveiller le type de question que les
clients apportent dans le groupe et veiller à établir un équilibre raisonnable
entre le travail intense axé sur le processus et les échanges sociaux
agréables. Il faut partager et célébrer les succès des clients à égalité
avec leurs souffrances. Le groupe ne doit pas seulement concentrer ses
énergies sur la résolution des vieux traumatismes mais aussi sur l'acquisition
de nouveaux comportements fonctionnels comme la reconnaissance des événements
positifs et des résultats efficaces.
À la fin de chaque séance, on recommande que les clients participent
à un rituel de conclusion. Les survivants ont besoin de temps
pour se reprendre en main avant de quitter le groupe et de retrouver
leur vie ordinaire. Si les membres du groupe (ou certains d'entre eux)
ont effectué un travail intense, les clients ont besoin de temps pour
intérioriser ce travail. Il est important de conclure un travail de
groupe.
Des questions rituelles comme « Désirez-vous dire quelque chose avant
de partir ce soir? » ou « Qu'est-ce que vous allez faire pour vous-même
quand vous rentrerez chez vous? » peuvent faire partie de cette conclusion.
Après un travail intense, certains groupes lâchent ensemble un grand
cri de groupe ou un autre signal vocal approprié avant de clore la séance.
Certaines des personnes qui ont contribué à la recherche offrent une
retraite à leurs groupes de deuxième niveau. Le groupe passe une fin
de semaine ensemble dans un endroit confortable et une atmosphère détendue.
Ce temps plus long passé ensemble permet aux membres du groupe de s'adonner
ensemble à un travail émotionnel plus profond et plus soutenu. Tandis
que les participants parlent de leur vécu d'abus sexuel, il arrive souvent
que de nouveaux souvenirs et de nouveaux sentiments émergent. Dans un
cadre temporel plus vaste, les membres du groupe peuvent participer
à un travail expressif et symbolique puissant.
Lorsque vient le moment pour un client de terminer le
travail de groupe, qu'il s'agisse d'un groupe de premier ou de deuxième
niveau, il faut gérer son départ avec tact et intelligence. Les clients
doivent être bien préparés pour la cessation du travail de groupe.
Ils ont besoin de beaucoup de temps pour remplacer le soutien qu'ils
ont reçu au sein du groupe par d'autres ressources. Ils doivent avoir
la permission de faire de nouveau appel au groupe ou à d'autres interventions
thérapeutiques s'ils en éprouvent le besoin. Ils doivent avant tout
être conscients des changements que leur participation au groupe a produits
et ils doivent célébrer leur succès. Beaucoup de clients hésitent à
assumer pleinement leurs triomphes parce qu'ils craignent que cela ne
soit une façon de tenter le destin. Sans s'en rendre compte, ils minimisent
une victoire durement gagnée. Les chefs de groupe doivent tenir compte
de cette réduction subtile et encourager les clients à honorer leurs
réussites.
CHEFS DE GROUPE
Dans les groupes axés sur l'abus sexuel, il est important d'avoir deux
chefs de groupe, particulièrement au deuxième niveau. Les survivants
déclenchent des réactions en chaîne dans les groupes et il y a souvent
trop de travail pour une seule ou un seul thérapeute. Si deux thérapeutes
sont présents à chaque séance, la première ou le premier peut assumer
le rôle de leader principal tandis que l'autre peut s'occuper des membres
moins actifs. Les clients tranquilles peuvent en fait être en cours
de dissociation et avoir besoin de soutien et d'aide pour revenir au
travail qui se fait ici et maintenant.
Les deux chefs de groupe doivent avoir des connaissances et des compétences
bien adaptées les unes aux autres. Ils doivent tous deux pouvoir rassurer,
confronter et mettre au défi les clients en fonction des besoins. Ils
doivent travailler en équipe parce que les membres du groupe essaieront
souvent inconsciemment de les partager en bon thérapeute et mauvais
thérapeute pour reproduire les anciennes tendances familiales.
Les deux thérapeutes doivent s'attendre de temps en temps à des réactions
de transfert de la part des clients. Ceci peut aller de la haine à l'adoration.
Les chefs de groupe doivent s'assurer qu'ils disposent du temps nécessaire
entre les séances de groupe pour examiner ces réactions et travailler
sur leurs propres contre-transferts. Une bonne supervision est essentielle
pour aider les chefs de groupe à séparer les processus présents et actuels
des transferts liés au passé.
Certaines des personnes qui ont contribué à la recherche soutiennent
que les deux chefs de groupe doivent être des hommes alors que d'autres
pensent qu'une équipe mixte homme et femme est un modèle plus approprié
pour mener un groupe. Les deux points de vue ont leurs mérites. Une
équipe mixte donne aux membres du groupe la possibilité de pratiquer
l'autodévoilement avec les deux sexes et d'observer ce que sont des
rapports mutuellement respectueux entre un homme et une femme. En fait,
le modèle que représente un rapport de travail sain entre un homme et
une femme est souvent cité comme l'un des avantages les plus importants
d'un leadership mixte. Une équipe constituée de deux hommes est une
façon de remettre en question ce que les membres du groupe pensent des
hommes. En voyant deux chefs de groupe de sexe masculin travailler en
collaboration et se montrer rassurants ou provocants en réponse à la
situation, les clients sont amenés à remettre en question leurs idées
préconçues sur le comportement masculin.
La plupart des personnes qui ont contribué à la recherche
s'accordent sur le fait que l'aptitude des thérapeutes à travailler
avec les questions en rapport avec l'abus sexuel constitue le facteur
le plus important. Leur sexe a moins d'importance que le fait qu'ils
travaillent bien en équipe et sont compétents et expérimentés. Avant
de se joindre à un groupe, les membres potentiels devraient rencontrer
les deux chefs de groupe. Si un client n'est pas préparé à travailler
avec une équipe de deux hommes ou avec une équipe mixte, on peut l'aider
à trouver d'autres possibilités de traitement.
CHAPITRE 9 - PROBLÈMES PARTICULIERS ASSOCIÉS AU TRAITEMENT
DES SURVIVANTS
Ce chapitre traite de trois problèmes thérapeutiques critiques.
On y présente les stratégies mises au point par les personnes
qui ont contribué à la recherche pour inciter les survivants
à entamer une thérapie. On y discute également de certaines
impasses thérapeutiques typiques auxquelles se sont heurtées
les personnes qui ont contribué à la recherche et l'on y présente,
pour finir, différentes opinions sur la question complexe du
sexe respectif du client et de la personne en charge de la thérapie. |
Les personnes qui ont contribué à la recherche ont identifié plusieurs
thèmes communs qui reviennent régulièrement dans leur travail avec les
survivants. Beaucoup de clients potentiels ne cherchent pas à se faire
aider parce qu'ils minimisent l'impact sur leur vie adulte de l'abus
sexuel dont ils ont été victimes. Lorsque les survivants ont recours
à des services professionnels, ils le font souvent dans l'espoir de
trouver une solution toute faite à leurs problèmes et ils ne sont pas
prêts pour le long processus d'examen de soi qui fait partie intégrante
du rétablissement de l'abus sexuel.
Les transferts négatifs sur les personnes en situation
d'autorité ou sur tous les adultes du même sexe que la personne qui
a perpétré l'abus sexuel peuvent aussi contaminer le processus thérapeutique.
Tant que ces dynamiques n'ont pas été examinées consciemment, les clients
peuvent refuser d'entamer un traitement parce qu'ils généralisent les
expériences négatives passées et les projettent sur un grand nombre
d'autres situations, y compris la thérapie.
STRATÉGIES D'INCITATION AU TRAITEMENT
Il peut être difficile d'inciter des survivants de l'abus sexuel à
entamer une thérapie. En fait, certaines des personnes qui ont contribué
à la recherche ont dit que c'était souvent la tâche thérapeutique la
plus ardue. Comme beaucoup d'hommes ne considèrent pas comme un abus
sexuel l'expérience qu'ils ont eue dans leur enfance, ils ne font pas
le rapport intellectuel avec leur vécu lorsqu'une ou un thérapeute utilise
une terminologie associée à l'abus sexuel en réponse à leur histoire
passée. Si le client n'a pas fait de rapport entre l'abus sexuel dont
il a été victime et ses problèmes présents, la terminologie associée
à l'abus sexuel lui semble incongrue. Si l'on soupçonne qu'un client
est un survivant de l'abus sexuel mais qu'il n'est pas prêt à identifier
son expérience comme un « abus » ou lui-même comme une « victime »,
il faut utiliser l'expression plus générale de « traumatisme subi dans
l'enfance » lorsque l'on fait allusion au passé du client.
En expliquant aux survivants comment leurs sentiments de vulnérabilité
(comme la souffrance, la tristesse, la perte et l'abandon) ne sont pas
reconnus pour des raisons culturelles et en les encourageant à assumer
complètement leur expérience personnelle, on leur donne la permission
de redéfinir leur concept de masculinité.
Il faut du courage et de la conviction pour chercher à changer et pour
accepter de faire face à ses blessures. Ces qualités correspondent aux
modèles traditionnels de la masculinité. En insistant sur ces qualités
chez le client, on facilite le processus d'incitation à la thérapie.
Pour des raisons évidentes, les survivants ont du mal à faire confiance
aux autres. Les clients ont besoin d'entendre que la confiance n'est
pas une condition préalable au rétablissement - en fait, c'est plus
souvent un résultat du rétablissement. L'aptitude à discerner qui est
digne de confiance et qui ne l'est pas et à retenir sa confiance jusqu'à
ce que l'autre l'ait gagnée devrait se développer au cours de la thérapie.
La sécurité, cependant, est une condition du succès de la thérapie.
Il est essentiel que les thérapeutes et les clients passent des accords
clairs et les thérapeutes ne doivent pas cesser d'encourager les clients
à formuler explicitement leurs besoins en matière de sécurité. Comme
il y a des chances pour que ces besoins changent bien des fois au cours
de la thérapie, les clients doivent savoir que les questions liées à
la sécurité sont toujours à l'ordre du jour.
En encourageant les clients à adopter une attitude de consommateurs
à l'égard de la thérapie, on leur donne la permission de choisir la
personne avec qui travailler. On peut suggérer aux clients, pour les
rassurer, d'interviewer plusieurs thérapeutes avant de choisir définitivement
celle ou celui avec qui ils décident de rester. Au cours de l'abus sexuel
subi dans l'enfance, les victimes n'avaient qu'un choix - se soumettre
à l'agresseur. En thérapie, les clients ont besoin de savoir qu'ils
disposent d'un grand nombre d'options concernant la personne avec qui
travailler, à quelles fins et pendant combien de temps.
Les thérapeutes doivent être prêts à ce qu'on leur pose des questions
comme « Êtes-vous vous-même un survivant? Quelle est votre orientation
sexuelle? Pourquoi faites-vous ce travail? ». Dans beaucoup de thérapies,
on entraîne les thérapeutes à répondre à ces questions en les renvoyant
au client. Bien que cette façon de réagir ait certainement sa place
dans les thérapies avec les survivants, je suggère qu'avant de ramener
l'attention au client, les thérapeutes donnent des réponses simples,
directes et honnêtes à ces questions. Il y a des chances pour que les
survivants mettent votre sincérité à l'épreuve. On peut habituellement
renforcer le processus d'incitation à la thérapie en répondant simplement
à des questions directes.
En prévenant les clients des choses qui peuvent arriver en thérapie,
comme les périodes de stagnation ou les échecs réels, on les aide à
accepter ces événements lorsqu'ils se produisent. Si l'on dit aux clients
au départ que leur moi a différents aspects dont certains fonctionnent
à un âge ou une étape qui ne correspond pas à leur âge chronologique,
cela leur donne la permission de laisser émerger ces parties réprimées
de leur moi. Il se peut que les clients régressent au cours des flashbacks
ou des interventions hypnotiques. En normalisant et en prévoyant ces
types d'incident, on les rend moins effrayants s'ils se produisent.
La plupart des survivants ont besoin de comprendre les avantages immédiats
qu'ils peuvent tirer de thérapie. Les clients viennent chercher progrès
et soulagement en thérapie. lis ne sont pas préparés pour les affects
intenses et apparemment négatifs qui émergent au cours d'une thérapie
axée sur l'abus sexuel. En expliquant les avantages présents et à venir
de la thérapie, on peut aider les clients à tenir le coup lorsqu'ils
se sentent découragés.
Certains clients n'ont guère d'expérience en thérapie et pensent que
c'est la même chose qu'une visite chez le médecin. Ils s'attendent à
ce qu'on leur offre une solution toute faite sans effort de leur part.
Il est essentiel, au début de toute thérapie, d'expliquer aux clients
en quoi consiste le processus thérapeutique et de les inviter à peser
ses coûts et ses avantages.
Il faut, en particulier, donner aux clients une idée raisonnable du
temps qu'ils devront sans doute passer en thérapie. Bien que la plupart
des thérapies axées sur l'abus sexuel exigent un engagement d'au moins
un an, le processus thérapeutique peut commencer par un court contrat
de quatre à six séances. Cela permet au client d'évaluer l'utilité du
processus et de se familiariser avec lui avant de décider de consacrer
le temps et l'argent nécessaires à la thérapie. En passant avec les
clients des contrats ciblés et limités dans le temps, on peut réduire
de beaucoup la crainte qu'ils ont d'être submergés par le processus
thérapeutique.
Une partie particulièrement importante de ce travail consiste à planifier
le déroulement de la thérapie avec les clients en fonction de leurs
ressources intérieures et extérieures. Ils doivent avoir suffisamment
de ressources personnelles (p. ex., temps, argent, soutien social) pour
s'engager dans le processus thérapeutique. Si la thérapie ajoute une
pression supplémentaire aux ressources limitées d'un client, il risque
d'être obligé d'y mettre fin prématurément, peut-être à l'étape du survivant
pendant laquelle il est en fait plus vulnérable qu'il ne l'était avant
d'entamer la thérapie.
Lorsqu'on commence une thérapie avec un survivant, il faut découvrir
comment il traite généralement l'information et agir en conséquence.
Si un client est très concret dans sa façon de procéder, la ou le thérapeute
devra également être concret. Cela signifie que la thérapie avec les
survivants commence souvent sur le plan intellectuel.
Au départ, certains survivants ont très peur et ne savent pas quoi
attendre du processus thérapeutique. Pour aider ces clients à entamer
une thérapie, il est important que les thérapeutes leur présentent des
modèles de simplicité et de confort lorsqu'ils abordent des questions
difficiles et leur donnent des renseignements qui ont un effet de normalisation.
D'autres clients débordent d'émotions lorsqu'ils abordent la thérapie.
Au cours des séances initiales, il faut les aider à contenir leurs sentiments
jusqu'à ce qu'ils aient établi un rapport plus ferme avec la ou le thérapeute
et puissent donner cours sans risque à leur vulnérabilité.
Lorsqu'on questionne les clients sur leur passé d'abus sexuel, il est
très important de donner à chacun la permission de raconter son histoire
à son propre rythme. Si un client ne se sent pas suffisamment en sécurité
pour parler de son vécu d'abus sexuel, il y a des chances pour qu'il
devienne dissociant ou évasif, ce qui est contre-thérapeutique. Le dévoilement
des événements explicites qui ont constitué l'abus sexuel est généralement
un processus continu plutôt qu'un événement unique. Les parties de l'abus
sexuel auxquelles le client a participé activement ou qui lui ont causé
le plus de honte sont généralement les dernières à être dévoilées.
Dans Resolving Sexual Abuse, Yvonne Dolan parle de la façon
dont elle invite ses clients à parler de leur passé :
La thérapeute doit communiquer un sentiment d'attention concernée qui,
tout en évitant le voyeurisme dans son intérêt pour les détails, ne
minimise ni ne rejette rien par inadvertance faute d'une exploration
suffisante des faits réels de la victimisation. J'aime commencer par
demander doucement à mon client de « bien vouloir me dire tout ce que
vous estimez que je dois savoir pour que vous sachiez que je comprends.
» (Dolan, 1991, p. 26)
Ce type d'interrogation respectueuse rassurera le client en lui montant
que c'est parce que l'on s'intéresse à lui qu'on lui pose des questions
susceptibles de provoquer de l'anxiété. En donnant au client la permission
de « me dire juste ce qu'il faut pour que je comprenne ce qui vous est
arrivé » la ou le thérapeute remet au client le pouvoir de décider quelles
informations révéler.
Les hommes qui suivent une thérapie sont invités à ne pas modifier
leurs relations personnelles tant qu'ils n'ont pas atteint l'étape du
combattant à moins qu'il ne s'agisse d'une relation abusive. Habituellement,
les relations sont renforcées par le processus de rétablissement à mesure
que l'amour-propre et les aptitudes interpersonnelles du client s'améliorent.
Il est bon de dire aux clients qu'ils n'ont pas besoin
d'être mieux pour commencer à profiter de la vie. Le plaisir de vivre
doit être un processus continu et non un objectif à venir. La participation
à des activités enrichissantes qui ne sont pas axées sur le rétablissement
aide les clients à maintenir un équilibre dans leur existence.
IMPASSES THÉRAPEUTIQUES
Malgré tout ce que les thérapeutes peuvent faire pour inciter leurs
clients à participer au processus thérapeutique, il arrive toujours
que des clients rejettent la thérapie ou y mettent fin prématurément.
Certains thèmes ont émergé lorsque l'on a demandé aux personnes qui
ont contribué à la recherche d'identifier dans quelles circonstances
les clients avaient tendance à abandonner la thérapie avant la fin.
Les thérapeutes expérimentés savent que, pour beaucoup de survivants,
l'expérience de vie subjective empire au cours de la thérapie à mesure
qu'ils reprennent possession de souvenirs et de sentiments qui étaient
préalablement dissociés.
Le client n'a aucun moyen de savoir qu'une fois qu'il aura abandonné
ses stratégies de défense mésadaptées et acquis des stratégies fonctionnelles,
il trouvera la vie beaucoup plus satisfaisante. Au contraire, à court
terme, il peut estimer que la thérapie fait empirer sa vie plutôt qu'elle
ne l'améliore. En conséquence, beaucoup de clients abandonnent prématurément
la thérapie pendant l'étape du survivant.
En prévenant le client à l'avance, on peut l'aider à faire confiance
à son propre processus de rétablissement et à poursuivre la thérapie.
Il peut être utile d'utiliser la métaphore du trapéziste. Un trapéziste
doit abandonner un trapèze avant d'en attraper un autre. Pendant un
moment, il se retrouve en l'air sans pouvoir s'accrocher à aucun des
deux trapèzes. Il doit faire confiance à la vitesse acquise qui lui
permettra d'arriver à destination. On peut étendre la métaphore en faisant
remarquer que le rôle de la ou du thérapeute est de servir de filet
tout au long du processus.
Certains clients manquent de réalisme. Ils attendent du processus thérapeutique
qu'il compense toutes les peines et toutes les pertes passées. Lorsqu'ils
se rendent compte que le traitement ne répond pas à ces attentes, ils
mettent fin à la thérapie.
Certains survivants entretiennent de faux espoirs sur le temps qu'il
faut pour effectuer des changements affectifs. Ils cherchent une solution
toute faite à la dépression, par exemple, et abandonnent par désespoir
lorsque cela ne se concrétise pas. Ils peuvent transférer leur colère
sur la ou le thérapeute qui ne les « répare » pas. Il faut savoir identifier
ce transfert et le ramener à ses racines traumatiques.
D'autres survivants confondent résolution de crise avec rétablissement
et guérison. Ayant entamé une thérapie à cause des problèmes qui se
posaient dans leur vie, comme la rupture d'une relation ou des difficultés
avec les personnes en situation d'autorité au travail, ils abandonnent
la thérapie dès que la crise immédiate associée à ce problème est résolue.
Ils ne se rendent pas compte que, bien que les symptômes immédiats aient
pu disparaître, la dynamique sous-jacente reste la même. La croyance
que la disparition du symptôme correspond à la guérison amène beaucoup
de clients à abandonner la thérapie prématurément. Cependant, si les
problèmes réapparaissent, ce qu'ils font généralement, cela incite certains
clients à décider d'explorer les éléments qui sont à la base de leur
comportement. C'est pourquoi il est recommandé aux thérapeutes d'inviter
clairement leurs clients dès le départ - sans les juger - à revenir
en thérapie à tout moment.
Il y a une symétrie entre les injonctions (les ordres reçus dans l'enfance)
qu'une victime a reçues dans le cadre de l'abus sexuel et son fonctionnement
adulte. Lorsqu'un client n'est pas prêt à faire face à une injonction
et à la changer, sa loyauté envers l'injonction peut l'amener à abandonner
la thérapie. Par exemple, si la personne qui l'a agressé lui a dit que
sa vie serait en danger s'il parlait de ce qui lui arrivait, le fait
de parler de l'abus sexuel en thérapie peut lui causer tellement d'anxiété
qu'il se retrouve incapable de continuer.
Lorsque le client a été victime d'abus sexuel grave ou rituel, les
prohibitions peuvent réduire ses aptitudes à faire face au matériel
associé à l'abus. Il peut s'avérer complexe et délicat d'inciter à la
thérapie un client qui présente un trouble de personnalité multiple
et dont le « moi persécuteur » reste loyal à l'agresseur. Dans le cas
des clients qui ont souffert d'un abus sexuel moindre, il faut identifier
les injonctions en termes à la fois de leur contenu et de la personne
qui les a émises. L'examen intellectuel de la réalité et un travail
expressif de validation permettent de remettre en question la vieille
injonction et réussissent généralement à réduire son pouvoir.
Certains survivants ont tiré des gains secondaires de
leur identité de victime et ils peuvent résister à la thérapie parce
qu'ils ne veulent pas modifier leurs tendances dysfonctionnelles. S'ils
ne voient pas les avantages du changement et n'ont conscience que de
l'anxiété et de l'effort qui l'accompagnent, ils n'investiront pas dans
le processus thérapeutique. Ces survivants ont souvent des aptitudes
sociales et professionnelles inadéquates. Avant de pouvoir s'attendre
à apporter des changements substantiels à leur vie, ils doivent acquérir
les aptitudes qui serviront de soutien à ces changements. Par exemple,
si un client a projeté la colère qu'il ressent envers son agresseur
sur ses patrons et perd sans cesse son emploi parce qu'il n'arrête pas
de se disputer avec ses employeurs, il se peut qu'il ait besoin d'apprendre
à contrôler sa colère et à régler les conflits avant de stabiliser suffisamment
son existence pour commencer une thérapie axée sur l'abus sexuel.
PROBLÈMES ASSOCIÉS AU SEXE DE LA PERSONNE EN CHARGE
DE LA THÉRAPIE
Les clients qui ont été victimes d'abus sexuel projettent inconsciemment
leur expérience passée dans le présent. Dans bien des cas, ils projettent
sur la ou le thérapeute leurs rapports avec l'agresseur ou certains
aspects de ces rapports. Il faut décoder et comprendre ces projections,
ou transferts, pour aider le client à prendre conscience de ses tendances
inconscientes. Les transferts peuvent être déclenchés par le sexe de
la personne en charge de la thérapie ainsi que par son comportement
personnel ou ses caractéristiques. Le transfert associé au sexe se présente
de façon différente pour chaque client en fonction du sexe de la personne
qui l'a agressé, de sa propre orientation sexuelle et des aspects particuliers
de son expérience d'abus sexuel.
La question du sexe de la personne en charge de la thérapie fait l'objet
de débats au sein de la communauté thérapeutique. Certains disent que
les hommes qui ont été abusés par un homme doivent être traités par
d'autres hommes pour retrouver un sentiment sain de masculinité. D'autres,
et j'en suis, estiment que le sexe de la personne en charge de la thérapie
est un problème mineur comparé à sa compétence.
Les thérapeutes qui estiment que les survivants sont mieux servis par
des hommes avancent des arguments basés sur la théorie de l'apprentissage
social et la politique des sexes. Ils estiment que les hommes qui ont
été blessés par d'autres hommes ont besoin de guérir ces blessures grâce
à l'attention et au soutien compétent d'une personne du sexe masculin.
Lorsqu'un client travaille avec un thérapeute et que le thérapeute devient
un modèle d'attention masculine appropriée et non abusive, il reçoit
un message implicite de soutien masculin. Le thérapeute partage les
expériences culturelles de son client en matière de sexe. Ces expériences
informent son travail et cela fait de lui une source d'aide plus appropriée
que ne le serait une femme. Les tenants de cette positon soutiennent
que, lorsqu'un client travaille sur ses problèmes de vulnérabilité sexuelle
ou d'identité sexuelle avec un homme, il peut résoudre plus profondément
ses problèmes que s'il travaille avec une femme. (Les femmes thérapeutes
qui travaillent avec des survivantes ont utilisé des arguments presque
identiques à l'appui d'un modèle de traitement cliente/thérapeute de
sexe féminin.)
On avance parfois des raisons pratiques plutôt que théoriques à l'appui
de la position que les clients sont mieux servis par des thérapeutes
de sexe masculin. Comme beaucoup d'hommes, y compris les survivants,
ont intériorisé des croyances culturelles sexistes ou misogynes, on
soutient que les hommes abordent plus facilement le processus thérapeutique
lorsqu'ils ont affaire à un autre homme. Dans cette perspective, une
thérapeute ne jouira pas de la même crédibilité aux yeux du client et
celui-ci aura tendance soit à rejeter le processus thérapeutique comme
« une affaire de femme », soit à tenter de le transformer en rencontre
sociale. Certains suggèrent que les survivants adolescents sont trop
embarrassés pour parler de leur sexualité ou de l'abus sexuel avec une
thérapeute et que ces clients sont mieux servis par des hommes.
Les thérapeutes qui estiment que le sexe de la personne en charge de
la thérapie est une variable mineure ou sans conséquence dans le processus
de rétablissement ont tendance à utiliser des arguments humanistes à
l'appui de leur pratique. Leur position est basée sur la croyance que
la sécurité, le respect, l'empathie, l'intégrité, l'ouverture, la compétence
et l'expérience qu'une ou un thérapeute apporte dans son travail sont
plus importants que son sexe. Pour ces thérapeutes, tout ce qu'un client
présente apporte de l'eau au moulin de la thérapie. Que le transfert
du client soit déclenché par un homme ou par une femme, il fournit du
matériel intéressant avec lequel travailler.
Dans le cas des thérapies de groupe, les membres de cette école de
pensée ont recours à un leadership mixte pour diriger le groupe parce
qu'ils estiment que cela a l'avantage supplémentaire de servir de modèle
de rapports appropriés entre un homme et une femme et que les deux chefs
de groupe peuvent dispenser aux participants un soutien respectueux
et encourageant indépendamment de leur sexe.
Les opinions sur l'importance du sexe respectif de la personne en charge
de la thérapie et du client varient parmi les personnes qui ont contribué
à la présente recherche. Certaines croient fermement que, bien que le
processus thérapeutique puisse être plus lent au départ, un survivant
dont l'agresseur était un homme sera finalement mieux servi si la thérapie
est dispensée par un homme. Les autres sont persuadées que les questions
de sexe sont politiques plutôt que thérapeutiques. Leur préoccupation
dominante est que les clients bénéficient d'une bonne thérapie.
Les points de vue théoriques mis à part, c'est souvent à partir de
considérations administratives plutôt que thérapeutiques que l'on décide
quels clients vont travailler avec quelles ou quels thérapeutes. La
situation financière d'un client peut limiter ses choix thérapeutiques.
Certains organismes traitent les clients à mesure qu'ils se présentent
et non en fonction de ce qui convient le mieux. Dans d'autres organismes,
le seul personnel qui ait des connaissances dans le domaine de l'abus
sexuel est constitué de femmes et, pour le meilleur ou pour le pire,
ce sont elles qui traitent les survivants.
L'idéal serait que chaque client puisse choisir librement le sexe de
la personne avec qui il effectuera sa thérapie. Les craintes, conscientes
ou inconscientes, de revictimisation des clients et leur sentiment de
sécurité avec une personne plutôt qu'une autre sont des éléments très
personnels. Le client et la personne en charge de la thérapie ont tout
deux besoin de faire confiance à l'intuition du client quant au sexe
qui semble au départ offrir le plus de confort parce que la thérapie
doit commencer avec le plus grand sentiment de sécurité possible.
Éventuellement, les survivants devront faire face aux deux sexes. Dans
le cadre du processus de rétablissement, ils trouveront probablement
utile de travailler avec des personnes du sexe avec lequel ils se sentent
moins à l'aise. La seule règle à suivre est qu'un client ne doit jamais
être obligé de travailler avec une personne qui ne lui donne pas un
sentiment de sécurité soit à cause de son sexe, soit pour d'autres raisons,
parce que cela répète la dynamique originale de l'abus sexuel.
L'idéal serait que le choix du sexe de la personne en
charge de la thérapie soit basé sur les besoins du client. L'orientation
sexuelle du client est aussi une autre variable dont il faut tenir compte
lorsqu'on choisit une ou un thérapeute. La sous-culture gaie a des normes
bien à elle qui régissent la sexualité et les relations. Étant donné
la nature hétérosexiste de notre culture, beaucoup de thérapeutes ne
sont pas familiers avec les habitudes et les nuances de la sous-culture
gaie. Les thérapeutes qui travaillent avec des clients gais doivent
être prêts à examiner leurs propres attitudes et leurs propres prémisses
hétérosexistes et à se renseigner sur la sous-culture de leurs clients.
CHAPITRE 10 - COUNSELING DES SURVIVANTS ADOLESCENTS
Ce chapitre porte sur le traitement des adolescents qui
ont survécu à l'abus sexuel. On y discute de la difficulté à
inciter cette population à suivre un traitement et on propose
divers moyens d'encourager le processus. On y traite également
de la question de l'évaluation des adolescents, notamment, de
leur niveau de motivation et de leur maturité. On y présente
des directives pour travailler avec cette population et plusieurs
interventions que les personnes qui ont contribué à la recherche
ont mises au point à cette fin. On recommande enfin le traitement
de groupe comme modalité de traitement préférée pour les adolescents
parce que cela correspond à leur étape de développement. |
Les survivants adolescents ne différent pas des survivants adultes
dans la façon dont ils réagissent à l'abus sexuel. Les uns et les autres
éprouvent des sentiments de trahison, de stigmatisation, de honte et
de colère. Les uns et les autres se posent des questions sur leur masculinité
et leur identité sexuelle. Du point de vue du développement, cependant,
les survivants adolescents sont différents des adultes et la thérapie
qui leur est dispensée doit refléter cette différence.
Les adolescents en sont encore à former leur identité sexuelle, psychologique
et physique. Ils ont une persona plus facile à changer que les adultes
et sont davantage prêts à expérimenter des styles psychosociaux différents
et souvent opposés. Les adolescents sont très influencés par leurs camarades.
Pour la plupart d'entre eux, l'essentiel est d'être acceptés par la
culture des pairs. Les parties du moi avec lesquelles les adolescents
s'identifient le plus consciemment reflètent généralement les valeurs
de leur groupe de camarades du moment.
Les adolescents qui ont été victimes d'abus sexuel ne sont pas disposés
à intégrer des expériences qu'ils considèrent déviantes (comme l'abus
sexuel) à leur persona sexuelle. Ils ont tendance à accepter le mythe
qui dit qu'ils doivent tout savoir sur les questions sexuelles quelles
que soient les limites de leurs connaissances personnelles. Il n'est
pas bien vu d'avoir des inquiétudes sur sa sexualité.
Pour beaucoup de survivants adolescents, le pouvoir des mythologies
sanctionnées par la culture sur la sexualité et la masculinité l'emporte
sur l'expérience personnelle. C'est à cause de cela que beaucoup nient
leur victimisation. Ou bien ils répriment leurs souvenirs de l'abus
sexuel ou bien ils récrivent leur histoire et présentent l'abus comme
une chose à laquelle ils ont consenti. Comme beaucoup d'agresseurs ont
l'art de se décharger de la responsabilité de leurs actions sur leurs
victimes, cette fausse interprétation de la réalité bénéficie généralement
aussi du soutien de l'agresseur. D'autres victimes voient clairement
que l'abus sexuel était une forme d'exploitation mais nient qu'il ait
eu un impact quelconque sur eux (Froning et Mayman, 1990).
L'ironie est qu'il est souvent plus facile pour les survivants adolescents
de parler de leurs infractions sexuelles contre d'autres que de parler
de leur propre victimisation parce que les comportements d'agression
sont davantage conformes aux attentes culturelles sur le pouvoir et
le contrôle masculins. Un grand nombre des survivants adolescents en
cours de counseling se retrouvent dans un établissement de traitement
pour infraction d'ordre sexuel. Les adolescents qui ne réagissent pas
à l'abus sexuel dont ils ont été victimes par des comportements dangereux
pour les autres ne sont souvent jamais traités, particulièrement si
l'inconfort qu'ils éprouvent à l'égard de leur victimisation les empêche
d'en parler.
Les adolescents ont tendance à se croire invincibles.
Ils n'ont généralement pas conscience des circonstances et/ou des besoins
de leur enfance qui les ont laissés vulnérables à l'abus sexuel. Ils
se blâment pour leur victimisation. Encore à la recherche de leur identité,
ils ne voient pas le rapport entre les difficultés qu'ils éprouvent
dans leurs relations de couple ou leurs comportements dysfonctionnels
et leur victimisation sexuelle. Ils n'ont pas encore de longue histoire
de problèmes d'intimité qui les incite à remonter à la source de leurs
difficultés. Ils ont davantage tendance à se voir comme souffrant d'un
vice secret ou bien ils acceptent leurs difficultés comme des traits
de caractère inévitables.
RÔLE DU COUNSELING DES ADOLESCENTS VICTIMES D'ABUS
SEXUEL
La thérapie est une expérience contre-culturelle pour les adolescents.
Le processus thérapeutique constitue une remise en question de l'autonomie
et de l'indépendance masculines et des comportements basés sur l'action.
Pour beaucoup d'adolescents, participer à une thérapie veut dire qu'on
est « dingue » ou « malade ». La grande difficulté pour les thérapeutes
consiste à gérer la thérapie de telle sorte qu'elle constitue une expérience
utile et non stigmatisante pour les survivants adolescents.
L'expérience thérapeutique des survivants adolescents ne sera pas la
même suivant que l'abus sexuel a eu lieu au sein de la famille ou à
l'extérieur. Dans les deux cas, il faut faire participer la famille
de l'adolescent au traitement s'il vit toujours à la maison. Si l'abus
sexuel a eu lieu au sein de la famille, les autres membres de la famille
devront également faire l'objet d'un counseling étendu. Si les membres
de la famille veulent rester ensemble, le traitement comprendre une
thérapie intensive sur le plan de l'individu, du groupe et de la famille.
Même lorsque les familles réagissent de façon appropriée au dévoilement
de l'abus sexuel, le rétablissement de l'adolescent sera renforcé par
une thérapie familiale.
La thérapie familiale peut s'avérer impossible si les adolescents n'habitent
pas avec leur famille. Les adolescents qui vivent en établissement ou
dans des familles d'accueil et ceux qui vivent seuls doivent pouvoir
compter sur un soutien dans leur communauté immédiate pour pouvoir faire
face à leur victimisation. Si ce soutien n'existe pas ou s'il y a d'autres
problèmes plus pressants qui préoccupent l'adolescent, il est contre-thérapeutique
de faire porter le traitement sur l'abus sexuel. Pour que le processus
thérapeutique réussisse, il est très important d'attendre que l'adolescent
soit prêt à faire face à sa victimisation.
Un adolescent a besoin du soutien et de l'affection de sa famille et
de sa communauté pour intégrer pleinement sa victimisation et la résoudre.
La famille (ou la communauté) de la victime a également besoin d'aide.
Si l'insuffisance de la supervision parentale a contribué à la victimisation
du petit garçon, il faut s'occuper de ces questions, particulièrement
s'il y a de jeunes enfants dans la famille. Certaines familles surprotègent
les enfants qui ont été victimes d'abus sexuel. Elles excusent tous
les comportements aberrants, quelle que soit leur origine, à cause de
l'abus sexuel.
Le counseling des survivants adolescents n'a pas la même orientation
que celui des adultes. On parle de counseling plutôt que de thérapie
parce que le traitement vise l'acquisition de compétences plutôt que
la résolution d'un traumatisme. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas
résolution du traumatisme. Cependant, avec les clients adolescents,
on ne fait pas appel aux processus d'abréaction de la même façon qu'avec
les survivants adultes. Très peu d'adolescents ont suffisamment de maturité
ou un moi suffisamment bien développé pour se lancer dans un processus
d'abréaction volontaire. Cependant, et cela est en leur faveur, les
adolescents ont rarement développé les dissociations profondes qui causent
les abréactions et ils peuvent donc souvent confronter leurs expériences
d'abus sexuel de façon plus directe.
Les survivants adolescents ont besoin de faire face aux conséquences
de l'abus sexuel qui ont un effet sur leur vie présente. Cela signifie
que le traitement portera souvent sur des questions comme l'expression
sexuelle et l'identité sexuelle. Il faut les aider à voir que la sexualité
est en elle-même une force positive dans leur vie mais que des rapports
sexuels sans consentement mutuel sont néfastes. Il faut les aider à
distinguer entre contacts entre égaux et contacts basés sur le pouvoir
dans les rapports sexuels. Il faut étendre leur compréhension de la
sexualité au-delà de l'excitation sexuelle génitale.
Il faut aussi préparer les adolescents au fait qu'ils
auront peut-être besoin de reprendre conscience de l'abus sexuel dont
ils ont été victimes et de son effet sur leur vie à mesure qu'ils se
développeront. Il ne faut cependant pas trop insister sur cette possibilité
car cela pourrait l'inviter à se réaliser. Il arrive souvent, cependant,
que les victimes d'abus sexuel réexaminent leurs expériences passées
quand elles parviennent à maturité. Par exemple, lorsqu'un homme victime
d'abus sexuel devient lui-même un père et comprend pleinement la vulnérabilité
des enfants devant le pouvoir des adultes, cela peut réactiver son chagrin
devant sa propre enfance perdue. C'est pourquoi le counseling doit être
une expérience positive pour les clients adolescents afin de garder
la porte ouverte à une thérapie à venir si le besoin s'en fait sentir.
ÉVALUATION DES ADOLESCENTS VICTIMES D'ABUS SEXUEL
L'évaluation des clients adolescents requiert tact et finesse de la
part des thérapeutes. Pour que les évaluations fournissent des informations
diagnostiques utiles, les clients doivent coopérer en donnant des réponses
exactes et détaillées aux questions posées. Pour cela, les clients doivent
avoir confiance dans le processus.
Certains adolescents réagissent bien lorsqu'on les invite à « poser
le fardeau de secret » qui a entouré l'abus sexuel dont ils ont été
victimes. S'ils voient dans le dévoilement de l'abus sexuel un moyen
de soulager leur sentiment de stigmatisation et leur manque d'amour-propre,
ils participeront plus facilement au processus d'évaluation.
La plupart des adolescents ne sont pas habitués à parler explicitement
de leur sexualité avec des adultes. En lait, s'ils l'ont jamais fait,
c'est généralement dans le contexte de l'abus sexuel. C'est pourquoi
la personne qui procède à l'évaluation doit expliquer clairement à ses
clients quel est son rôle et quelle est son intention pour qu'ils n'aient
pas le sentiment que l'évaluation est une nouvelle procédure élaborée
de préparation à l'abus sexuel.
La première grande étape de l'établissement d'un rapport de confiance
consiste à expliquer au client adolescent la procédure d'évaluation
et le rôle de la personne qui l'effectue. Ceci est particulièrement
important si la personne qui procède à l'évaluation n'est pas la même
que celle qui sera chargée de la thérapie. Les clients ont besoin de
savoir à l'avance qu'ils seront évalués par une personne et traités
par une autre.
En utilisant une analogie médicale, on peut aider les survivants adolescents
à comprendre pourquoi ils doivent donner des renseignements intimes
sur l'abus sexuel dont ils ont été victimes. La ou le thérapeute peut
dire au client que si l'on amène à l'urgence quelqu'un qui souffre de
graves maux de ventre, le médecin qui examinera cette personne aura
besoin de savoir pourquoi elle a tellement mal avant de la traiter sinon
il pourrait l'envoyer en chirurgie alors qu'en réalité il faut seulement
la débarrasser de ses gaz. De la même façon, c'est l'évaluation qui
permet à la ou au thérapeute d'intervenir avec adresse. Les renseignements
qu'elle ou il reçoit du client l'aident à formuler un plan de traitement
efficace.
Une bonne évaluation offre l'occasion de parler au client à la fois
de l'abus sexuel et du processus de traitement. Comme les adolescents
ressentent beaucoup de honte devant leur participation répétée à des
pratiques abusives, il faut les rassurer sur la normalité de leur comportement.
Si la personne en charge de l'évaluation dit au client que les victimes
d'abus sexuel ont en général de très bonnes raisons de ne pas
parier à quiconque de ce qui leur est arrivé et demande au client s'il
avait lui-même des raisons de garder la chose secrète, cela soulage
la honte qu'il ressent pour n'avoir pas parlé de l'abus sexuel quand
il a commencé.
Les clients adolescents ont également honte d'avoir ressenti une excitation
physique au cours de l'abus sexuel. Le partage de renseignements physiologiques
de base peut faciliter le processus d'évaluation. Lorsqu'un adolescent
comprend que si son pénis est stimulé, il se raidit, quelle que soit
la personne qui le stimule et pourquoi, il ressent moins de honte à
parler de son excitation. On peut rappeler avec humour à l'adolescent
que son pénis n'a pas d'yeux ni de cerveau ni d'autre moyen de déterminer
qui le stimule.
Il faut montrer aux adolescents que, lorsqu'un événement se produit,
il peut être compris de bien des façons différentes. Ils ont pu interpréter
leur réponse physiologique à l'abus sexuel en pensant « Je suis très
sexy » ou « Je suis gai » ou « Je suis pervers ». Ces interprétations
ont pu limiter leur compréhension de ce qui arrivait. En aidant les
clients à voir comment ils ont interprété leur victimisation, on leur
donne la permission de moins se blâmer pour la façon dont ils ont compris
les événements. Ceci peut les aider à parler plus facilement de l'abus
sexuel dont ils ont été victimes. Une simple analogie peut souvent aider
les clients à voir comment l'interprétation change la façon dont nous
comprenons un événement. Par exemple, si l'on attend un coup de téléphone
d'un ami qui n'appelle pas, on réagira différemment suivant que l'on
pense que l'ami a eu un accident ou qu'il est fâché.
Les clients adolescents ont besoin de savoir que la personne qui les
évalue s'intéresse tout autant à leurs points forts qu'à leurs faiblesses.
Le processus d'évaluation doit viser à recueillir des renseignements
aussi détaillés que possible, y compris des renseignements sur les succès
et les stratégies d'adaptation positives des clients.
Si un client présente des distorsions de la pensée, comme une tendance
à beaucoup se blâmer, ceci doit être noté mais non remis en question
au cours de l'évaluation. C'est à l'étape de la thérapie qu'il faut
modifier les erreurs de jugement, non à l'étape de l'évaluation (Gerber,
1990). Si la personne qui pratique l'évaluation remet prématurément
en question des tendances intellectuelles dysfonctionnelles, le client
pourra avoir le sentiment qu'il n'a pas été entendu ou n'a pas été compris
et, en conséquence, pourra cesser de donner des renseignements personnels.
Il arrive souvent que toutes les personnes qui entourent l'adolescent
à l'exception de l'adolescent lui-même veuillent qu'il suive un traitement.
Si l'adolescent n'est pas prêt lui-même à faire face à ses problèmes
en rapport avec l'abus sexuel, le traitement ne fera que renforcer son
expérience de rapports de pouvoir dysfonctionnels. Un client adolescent
a besoin de savoir qu'il a son mot à dire dans le processus de traitement
et que c'est à lui de décider de ce qu'il dira à la ou au thérapeute
et du moment où il le dira.
Il est contre-thérapeutique de forcer un adolescent à suivre un traitement
tant qu'il n'est pas prêt à le faire. La seule exception à cette règle
concerne les cas où un adolescent agresse des enfants plus jeunes. Il
faut alors le mettre en face de ses responsabilités pour qu'il ne continue
pas à mettre les autres en danger.
Au cours du processus d'évaluation, il faut évaluer la force du moi
et l'aptitude à faire face à l'anxiété du client adolescent. Si la confrontation
avec l'abus sexuel dont il a été victime accroît son comportement destructeur
envers lui-même ou envers les autres, il n'est pas conseillé de poursuivre.
Beaucoup d'adolescents n'ont pas de stratégies de défense suffisamment
sophistiquées pour contenir les émotions qui émergent lorsqu'ils se
souviennent de ce qui leur est arrivé. Si c'est le cas, le traitement
doit viser le renforcement de l'aptitude à l'autoprotection plutôt que
le matériel directement lié à l'abus.
Il faut évaluer les tendances à la dissociation des clients adolescents
avant le traitement. Les adolescents dissociatifs ont tendance à être
autodestructeurs, à changer d'humeur brutalement et à s'extérioriser
par des comportements qui sont sans rapport avec leur persona primaire.
(On trouvera à l'annexe F, page 142, un test d'évaluation de la dissociation
des adolescents intitulé le Dean Adolescent Inventory Scale.)
(On trouvera des renseignements plus détaillés sur l'évaluation
des adolescents victimes d'abus sexuel, y compris des questions d'évaluation
spécifiques, dans « The Assessment Interview for Young Male Victims
» de Paul Gerber. Il est fait référence à cet article à l'annexe G.)
TRAITEMENT DES ADOLESCENTS VICTIMES D'ABUS SEXUEL
Les survivants adolescents présentent la même vaste gamme de symptômes
et de points forts que les survivants adultes. Du fait de leur jeunesse,
cependant, les adolescente n'ont pas eu autant d'occasions d'intérioriser
des mécanismes de défense dysfonctionnels. Ils sont à une étape de développement
qui encourage l'expérimentation et sont souvent davantage prêts que
les adultes à essayer de nouveaux comportements à condition de ne pas
se sentir embarrassés ou humiliés.
Style de la ou du thérapeute
Les thérapeutes qui travaillent avec les adolescents doivent être à
l'aise avec ce groupe d'âge. Ils doivent être capables de faire face
à des changements d'humeur et d'attitude déconcertants sans réagir comme
des parents. Ils doivent avoir confiance dans ce qu'ils font sans faire
preuve d'autoritarisme. Ils doivent être à l'aise avec le langage et
le jargon des adolescents. Les styles de communication et la terminologie
sexuelle des adolescents suivent des modes et les thérapeutes doivent
se tenir au courant de ce qui se fait.
Sexe de la personne en charge de la thérapie
Les survivants adolescents sont en général plus à l'aise pour parler
de leur sexualité avec un homme. Le niveau de confort du client est
renforcé par le fait que le thérapeute avec qui il parle de sexualité
partage la même réalité psychophysiologique que lui. Cependant, si un
adolescent a été agressé par un homme, il se sentira peut-être plus
en sécurité pour commencer avec une femme. Il est important de respecter
et d'honorer les préférences des clients quant au sexe de leur thérapeute.
Définitions des frontières et des limites
Les thérapeutes doivent déclarer explicitement qu'au cours du counseling,
les adolescents seront censés parler de leur sexualité mais que ce sera
toujours à eux de décider de la quantité d'informations qu'ils seront
prêts à dévoiler. Les thérapeutes qui travaillent avec des survivants
adolescents doivent aborder la sexualité simplement, de façon directe
et détendue.
En général, les clients adolescents mettent à l'épreuve l'aptitude
de leur thérapeute à aborder les questions sexuelles. Ce sont les réactions
de la ou du thérapeute qui détermineront dans quelle mesure le client
participera au processus thérapeutique. Les thérapeutes peuvent s'attendre
à ce que les clients ne dévoilent pas la totalité de l'abus sexuel dont
ils ont été victimes tant qu'ils ne se sentiront pas suffisamment en
sécurité pour ce faire. En posant des questions comme « Qu'est-ce qui
est arrivé d'autre? » ou « Veux-tu me dire quelque chose de plus sur
ce qui t'est arrivé? », on peut aider le client à faire une révélation
complète. La question « Quels types d'expériences sexuelles as-tu eus?
» est une façon non stigmatisante d'interroger le client sur son passé
et produira généralement davantage de renseignements que les questions
qui contiennent l'expression « abus sexuel ».
Non seulement la personne en charge de la thérapie doit prévenir clairement
le client que l'on discutera de sa sexualité au cours du counseling,
mais elle doit aussi définir clairement les autres frontières et limites
thérapeutiques.
Les adolescents doivent savoir quelles sont les limites de la confidentialité
de la personne en charge de la thérapie. Les thérapeutes doivent leur
dire qu'ils cesseront de respecter la confidentialité thérapeutique
s'ils craignent pour la sécurité du client ou de quelqu'un d'autre.
Par exemple, si le client donne des informations sur d'autres incidents
d'abus, la ou le thérapeute est tenu par la loi de les déclarer. Si
d'autres membres de la famille du client sont également en traitement,
le client doit savoir comment les renseignements seront partagés entre
les différents pourvoyeurs de traitement. Il faut également établir
clairement si le client sera mis au courant de ce qui se passe lors
des séances de traitement des autres membres de la famille et vice-versa.
Processus de counselling
Le meilleur traitement des survivants adolescents est généralement
un traitement à court terme. Il doit porter clairement sur les questions
ou les problèmes qui touchent de plus près le client au moment du traitement.
Une bonne stratégie à utiliser avec les survivants adolescents consiste
à découper le traitement de façon à travailler avec un problème à la
fois. En créant une succession de petits succès, on renforce l'amour-propre
du client. Cela garantit aussi que le traitement constituera une expérience
positive pour le client si bien qu'il aura plus facilement recours à
des ressources thérapeutiques à l'avenir s'il en a besoin.
Par exemple, si un adolescent extériorise ses sentiments en se montrant
agressif avec les personnes en situation d'autorité (en déplaçant inconsciemment
sa colère envers son agresseur sur d'autres figures adultes), son contrat
thérapeutique pourrait porter sur l'expression de la colère et l'acquisition
de moyens sûrs et efficaces de gérer son agressivité. La ou le thérapeute
pourrait tenter de relier sa colère présente avec sa trahison passée
mais l'objectif premier de la thérapie serait d'aider le client à faire
face à ses préoccupations actuelles. Une fois qu'il aurait appris et
intégré ces nouvelles aptitudes, le contrat prendrait fin. La ou le
thérapeute encouragerait le client à revenir en thérapie à l'avenir
s'il avait de nouveaux problèmes psycho-sociaux ou présentait d'autres
symptômes en rapport avec l'abus sexuel.
Les adolescents s'engagent souvent plus rapidement dans le processus
thérapeutique s'ils peuvent aborder les questions directement associées
à l'abus sexuel avec une certaine distance. Ceci peut se produire de
différentes façons. Lune des méthodes consiste à utiliser des techniques
d'extériorisation comme le dessin ou d'autres formes d'expression artistique.
En demandant à un survivant adolescent de dessiner ce qu'il aimerait
faire à son agresseur, on peut lui donner l'occasion de discuter de
la colère et des façons constructives de canaliser les sentiments intenses.
Les garçons choisissent souvent des façons dangereuses ou socialement
inacceptables d'exprimer leur colère (comme passer son poing par la
fenêtre) et ils ont besoin de trouver des moyens de décharger cette
émotion sans danger. Certains garçons ont tellement peur du pouvoir
de leur rage qu'ils ont réprimé leur colère et l'on sublimée dans d'autres
secteurs de leur existence. Ces clients ont tout particulièrement besoin
d'apprendre à s'affirmer et à séparer colère et violence.
Le matériel psycho-éducationnel aide les clients adolescents à faire
face à l'abus dont ils ont été victimes. Non seulement il comble les
lacunes des clients en matière de connaissances mais il ouvre également
la porte à des révélations plus personnelles. Par exemple, si un client
n'est pas disposé à donner des renseignements sur les détails de l'abus
qu'il a subi, on peut lui remettre un paquet de cartes-éclairs décrivant
différentes formes de contact. (Les cartes peuvent comprendre des comportements
comme l'étreinte, le baiser sur la joue, le baiser sur la bouche, le
toucher des seins, la poignée de main, la fellation, le coup de poing,
etc.) Demandez au client de partager les cartes en trois piles : contact
acceptable, contact non acceptable et contact ambigu. On peut ensuite
discuter de ses choix et des raisons de ses choix. On peut demander
aux clients qui sont prêts à participer davantage de constituer leur
propre liste des différents types de contact.
Il arrive qu'en lisant aux adolescents des histoires prévues pour des
enfants plus jeunes, on puisse stimuler la discussion sur les événements
de leur enfance. L'âge de développement du client est souvent inférieur
à son âge chronologique. À condition qu'il ne ressente pas le fait qu'on
lui lise une histoire comme une forme de condescendance, son enfant
intérieur sera souvent stimulé par un matériel de lecture prévu pour
des enfants plus jeunes. Ce type de stimulation peut « dégeler » des
parties du moi qui se sont fermées à l'époque de l'abus sexuel. De même,
la présentation de bandes magnétoscopiques et de films qui traitent
de l'abus sexuel peut constituer une façon indirecte d'accéder au matériel
en rapport avec l'abus. (On trouvera au chapitre 12 une liste de bandes
magnétoscopiques et de ressources imprimées.)
Une première étape du travail d'intégration peut consister à séparer
les parties du moi qu'un client accepte de celles qu'il rejette ou avec
lesquelles il n'est pas à l'aise. Il est parfois bon de faire référence
aux différentes parties du moi des clients comme « petit Louis triste
», « petit Louis en colère » ou « petit Louis effrayé » et d'en parler
comme si elles étaient séparées.
Pour redonner au comportement sexuel du client une forme plus appropriée
à son âge, il sera souvent nécessaire de travailler avec ses fantasmes
sexuels. À cet égard, il est parfois utile d'avoir recours à une visualisation
guidée. Par exemple, après avoir placé votre client dans un état de
détente profonde, demandez-lui d'imaginer un lieu où il se sent totalement
en sécurité et qui est le plus bel endroit qu'il connaisse. Dites-lui
qu'il est complètement seul dans ce lieu secret et demandez-lui de penser
à ce qu'il aimerait faire sexuellement qui lui donnerait le plus d'excitation
possible. Demandez-lui si cela fait intervenir quelqu'un d'autre. S'il
dit oui, demandez-lui de noter le nom de la personne. (Veillez à ne
pas spécifier d'âge ni de sexe afin de donner au client l'espace nécessaire
pour développer pleinement son propre fantasme.) Demandez à votre client
de remercier la personne de s'être jointe à lui et de la laisser quitter
le fantasme le plus doucement possible. (On n'encourage pas le client
à imaginer effectivement un rapport sexuel avec l'autre personne parce
que cela ne fera que renforcer un comportement peut-être déviant.) On
ramène ensuite graduellement le client dans la séance de counseling
et on examine le fantasme et le rôle de la ou des personnes auxquelles
il a fait appel dans son fantasme. Si les tendances à l'excitation du
client sont basées sur des comportements déviants, on l'aide à trouver
des associations plus orthodoxes à la stimulation sexuelle.
Il faut aider les clients adolescents à élaborer des plans de sécurité
qui leur permettent de réduire les risques de revictimisation ou qu'ils
pourraient mettre en uvre s'ils étaient effectivement de nouveau
victimes d'abus sexuel. Ceci est particulièrement important pour les
clients qui ont été agressés au sein de leur famille et qui continuent
à vivre à la maison. Dans les cas où l'abus a eu lieu au sein de la
famille, tous les membres de la famille doivent participer à l'élaboration
d'« exercices de sauvetage » à mettre en place si un membre de la famille
est inquiet pour sa propre sécurité ou la sécurité de quelqu'un d'autre.
Cela peut consister à veiller à ce que tous les membres de la famille,
particulièrement la victime, aient une personne de confiance vers laquelle
se tourner s'ils s'inquiètent pour leur sécurité. Dans certains cas,
les exercices font intervenir des contrats familiaux qui définissent
ce que certains membres de la famille sont prêts à faire les uns pour
les autres. Quelle que soit la forme qu'ils prennent, ces plans de sécurité
sont essentiels pour veiller à ce que les clients adolescents aient
à leur portée des stratégies d'autoprotection à titre de prévention
et en cas de crise.
Traitement de groupe
Le traitement de groupe est une forme de traitement particulièrement
efficace pour les adolescents victimes d'abus sexuel. Étant donné que
les adolescents sont orientés vers leurs camarades et que beaucoup ont
des associations négatives vis-à-vis du contact individuel avec une
ou un adulte à cause de leur victimisation, le traitement de groupe
constitue une forme de traitement efficace et sans danger. Le processus
de groupe brise l'isolement du survivant adolescent et l'aide à déstigmatiser
sa victimisation. Le contact avec d'autres victimes encourage les survivants
adolescents à reconnaître ouvertement leur expérience d'abus sexuel.
La formule du groupe permet aux clients de limiter ce qu'ils veulent
révéler d'eux-mêmes du fait qu'ils ne sont pas l'objet unique de l'attention
de la ou du thérapeute. Beaucoup de survivants adolescents sont plus
à l'aise dans un groupe où la scène est occupée tour à tour par différentes
personnes que dans un cadre de counseling individuel où ils sont toujours
le centre d'attention. Le contrôle que cela leur donne augmente généralement
leur sentiment de sécurité et leur permet de participer plus librement
au traitement.
On recommande aux thérapeutes d'utiliser avec leurs
clients adolescents le modèle de traitement à deux niveaux qui a été
décrit à l'intention des survivants adultes au chapitre 8. Bien que
la discussion au sein d'un groupe d'adolescents reflète les préoccupations
associées à l'étape de développement de cette population, les questions
thérapeutiques touchant l'évaluation et le travail de groupe sont les
mêmes que pour les groupes d'adultes.
CHAPITRE 11 - QUESTIONS CONCERNANT LES THÉRAPEUTES
La thérapie étant un processus interactif, le bien-être
et l'intégrité des thérapeutes ont un impact fondamental sur
le développement de la thérapie du client. Les clients sentent
intuitivement les inconsistances entre ce que dit une ou un
thérapeute et ce queue ou il fait. On trouvera dans ce chapitre
une description de certaines stratégies importantes d'autoprotection
que les thérapeutes pourront intégrer à leur travail et à leur
vie. On y propose également sept façons de reconnaître et de
gérer les contre-transferts des thérapeutes. Enfin, je mentionne
brièvement certains problèmes qui risquent de se poser spécifiquement
aux thérapeutes qui sont eux-mêmes des survivants d'abus sexuel
subi dans l'enfance. |
Il est très grattant de dispenser une thérapie à des survivants. L'intimité
du processus thérapeutique et la possibilité de participer à la croissance
et au rétablissement des clients sont pour les thérapeutes une source
de satisfaction à la fois professionnelle et personnelle. La confiance
et l'efficacité des thérapeutes augmentent à mesure qu'ils développent
les aptitudes spécialisées nécessaires pour travailler avec des survivants
et qu'ils comprennent intuitivement de mieux en mieux comment les mettre
en couvre.
Cependant, l'attention qu'ils consacrent à l'histoire des survivants
rend les thérapeutes vulnérables à des expériences indirectes de traumatisme
et de perte. L'ironie, comme le dit Briere (1989), est que l'empathie
thérapeutique rend les thérapeutes particulièrement vulnérables au risque
d'intégration du traumatisme exprimé par leurs clients, ce qui peut
en faire des victimes secondaires.
Le phénomène du traumatisme par personne interposée ou par procuration
est quelque chose que tous les thérapeutes qui travaillent beaucoup
avec des clients traumatisés dans l'enfance doivent apprendre à gérer.
Les thérapeutes doivent sans cesse rajuster l'équilibre entre l'attention
aux événements révélés par les clients et la réponse thérapeutique à
leur donner et la distance qu'ils doivent prendre vis-à-vis de cette
information pour assurer leur propre protection.
Non seulement les thérapeutes font indirectement l'expérience du traumatisme
de leurs clients mais ils peuvent être directement affectés si l'histoire
d'un client active des problèmes non résolus dans leur propre passé.
Certains thérapeutes déclarent avoir eu des rêves violents et troublants
après avoir travaillé avec des survivants (Briere, 1989). Les thérapeutes
qui travaillent avec des survivants ont besoin d'une supervision continue
pour les aider à examiner leurs réactions à leurs clients. Dans certains
cas, la thérapie personnelle est une composante importante de l'autoprotection
de la ou du thérapeute.
Les thérapeutes qui travaillent avec des clients victimes d'abus sexuel
redoublent souvent de vigilance à l'égard d'eux-mêmes et de leurs enfants.
Plusieurs des personnes qui ont contribué à la recherche ont déclaré
qu'après avoir travaillé avec beaucoup de survivants de l'abus sexuel,
elles avaient une vision du monde moins confiante et plus cynique. Il
y a certainement un prix à payer pour les thérapeutes qui font un travail
intense avec des survivants.
La thérapie étant un processus d'interaction entre deux personnes,
chacune est susceptible d'être influencée par l'autre. Étant donné la
nature du contrat thérapeutique, il est donc essentiel que les thérapeutes
adoptent des stratégies qui leur permettent de gérer leurs propres contre-transferts
pour éviter de les extérioriser en thérapie. En outre, les thérapeutes
doivent prendre conscience de leurs difficultés personnelles pour veiller
à ne pas les projeter inconsciemment sur leurs clients.
On trouvera ci-dessous une description de certains contre-transferts
courants parmi les thérapeutes et de certaines méthodes à utiliser pour
réduire leur effet négatif à la fois sur le client et sur la ou le thérapeute.
LE CONTRE-TRANSFERT DANS LES THÉRAPIES À L'INTENTION
DES SURVIVANTS
Tout comme les clients, les thérapeutes intériorisent les attitudes
et les préjugés culturels en matière de sexe. Lorsqu'ils extériorisent
inconsciemment ces attitudes et ces préjugés, ils risquent de les projeter
sans le savoir sur leurs rapports avec les clients. Il faut savoir identifier,
remettre en question et transformer cette contamination du processus
thérapeutique. Tout comme ils aident leurs clients à remettre en question
les comportements qui ne sont plus utiles, les thérapeutes ont eux-mêmes
besoin d'être confrontés et soutenus afin de développer et de renforcer
leurs compétences thérapeutiques.
Les émotions et les comportements dysfonctionnels que les survivants
présentent peuvent susciter toute une gamme de réactions chez les thérapeutes.
Il n'est pas rare que les thérapeutes commencent à adopter les mêmes
types de défense que leurs clients au cours de leur travail commun.
La dissociation, la minimisation, l'évitement, l'impuissance et d'autres
processus similaires peuvent apparaître chez les thérapeutes.
De façon générale, un changement de l'état affectif ou du comportement
des thérapeutes est une indication qu'il y a contre-transfert. Certains
thérapeutes, par exemple, ont tendance à s'endormir lorsque leurs clients
discutent de choses qui font écho à leurs propres problèmes thématiques.
D'autres dirigent l'attention de leur client vers du matériel moins
chargé émotionnellement lorsque leur propre niveau d'anxiété commence
à monter. Si une ou un thérapeute commence à redouter ses séances avec
un client particulier ou à se sentir dépassé ou incompétent devant les
problèmes d'un client, il y a probablement contre-transfert. Pour réduire
l'effet négatif de ces dynamiques sur la thérapie, il faut apprendre
à reconnaître ces indices et à les utiliser comme le signal qu'il est
temps de procéder à un examen personnel.
Il y a également contre-transfert lorsque la ou le thérapeute commence
à considérer un client comme « spécial » et méritant une attention particulière.
Lorsqu'une ou un thérapeute allonge les séances sans faire payer le
client davantage, rencontre ce dernier en dehors des séances prévues
ou change d'une autre façon les frontières normales de la relation thérapeutique,
cela indique la présence d'un contre-transfert qu'il faut examiner dans
le cadre des séances de supervision.
Il est parfois nécessaire de modifier les frontières
normales de la relation thérapeutique et d'allonger les séances ou de
les rapprocher. Mais les thérapeutes doivent veiller à ce que ces changements
soient le résultat d'un jugement clinique sain et non d'un contre-transfert
inconscient. Chaque fois que le rapport d'une ou d'un thérapeute avec
un client est régi par ses propres besoins plutôt que par les besoins
du client, on court le risque de reproduire la dynamique de l'abus initial.
Dans les thérapies avec les survivants, il est important d'être conscient
de ce risque et de travailler à l'éviter.
COMMENT GÉRER LES CONTRE-TRANSFERTS
Suggestions des personnes qui ont contribué à la recherche pour gérer
les contre-transferts et assurer sa propre protection :
- vision de la thérapie comme d'un partenariat,
- thérapie personnelle pour les thérapeutes,
- identification de ses limites et frontières personnelles,
- supervision,
- soutien des pairs,
- engagement social et
- satisfaction dans sa vie personnelle.
Vision de la thérapie comme d'un partenariat
Les thérapeutes qui travaillent avec des survivants ont souvent besoin
de se rappeler que la capacité de se rétablir d'un traumatisme subi
dans l'enfance relève du client et non de la ou du thérapeute. Comme
de bons jardinier, les thérapeutes peuvent fertiliser le terrain et
favoriser la croissance de leurs clients. Ils peuvent aider à arracher
les mauvaises herbes ou les autres obstacles à un rétablissement complot.
Cependant, tout comme le jardinier avec les plantes, les thérapeutes
doivent faire confiance à l'aptitude inhérente de leurs clients à réagir
favorablement aux interventions appropriées.
C'est aux victimes de l'abus sexuel de choisir le rythme de leur processus
de rétablissement. Les thérapeutes qui adoptent une attitude autoritaire
avec les clients provoquent généralement des transferts contre-thérapeutiques.
Les thérapeutes qui se voient comme des guides susceptibles de faciliter
le rétablissement des survivants plutôt que comme des experts chargés
de prescrire des cures ont plus de chances d'aider leurs clients. Non
seulement le partage du pouvoir en thérapie constitue une composante
essentielle du rétablissement de la capacité de prendre des décisions
autonomes des clients mais l'abandon de la nécessité de contrôler le
processus réduit le stress des thérapeutes.
Plusieurs des personnes qui ont contribué à la recherche ont insisté
sur le fait que les thérapeutes doivent répondre à leurs clients et
aux problèmes qu'ils présentent sans toutefois en prendre la responsabilité.
Les clients doivent assumer la responsabilité totale de leurs actions,
de leurs croyances, de leurs comportements et de leurs pensées. La tâche
des thérapeutes est de répondre à tous les aspects des clients sans
les juger. Les thérapeutes doivent éviter de jouer le rôle de parent
avec les clients car cela ira généralement à l'opposé de l'effet recherché
qui est d'accroître l'autonomie des clients.
Les thérapeutes indiquent qu'ils voient la thérapie comme un partenariat
lorsqu'ils reconnaissent leurs propres imperfections et leurs propres
insuffisances. Tous les thérapeutes font inévitablement des erreurs
avec leurs clients. Par exemple, on peut mal choisir le moment d'une
intervention ou interrompre un client prématurément avec les meilleures
intentions du monde. Lorsque les thérapeutes reconnaissent ce type d'erreur,
ils donnent à leurs clients un modèle d'interaction humaine honnête.
L'intégrité personnelle des thérapeutes et la concordance entre leurs
paroles et leurs actions influencent le succès de la thérapie tout autant
que leurs connaissances et leur expérience professionnelle.
Thérapie personnelle pour les thérapeutes
Les thérapeutes qui travaillent avec des survivants adultes d'un traumatisme
subi dans l'enfance doivent avoir eux-mêmes effectué une psychothérapie
ou être en cours de thérapie et ceci pour plusieurs raisons importantes.
La première est probablement qu'en se réconciliant avec leur propre
scénario psychologique, les thérapeutes ont moins de chances de projeter
leurs blessures personnelles sur les autres - et particulièrement sur
leurs clients. Il est important de comprendre le processus de transformation
thérapeutique et ceci non seulement intellectuellement mais aussi par
l'expérience afin de travailler de façon authentique avec les clients.
Étant donné la nature intense du travail avec les survivants d'un traumatisme
subi dans l'enfance, il y a des chances pour que les thérapeutes se
retrouvent confrontés à un moment ou un autre à leur propre vulnérabilité
psychologique. Chaque thérapeute a ses propres vulnérabilités qui sont
activées par certains clients. Par exemple, un thérapeute peut se mettre
à travailler davantage lorsque l'un de ses clients est très déprimé
en réponse à son propre scénario familial sur la façon de faire face
à la dépression. Un autre thérapeute peut ressentir de la colère ou
de la peur lorsque ses clients identifient des questions qui lui rappellent
le traumatisme qu'il a lui-même subi dans l'enfance, compromettant par
là inconsciemment la sécurité du client devant ses problèmes.
La thérapie personnelle aide les thérapeutes à mieux séparer leurs
processus personnels de ceux de leurs clients. Elle les aide à mieux
identifier leurs propres zones de vulnérabilité et à mieux travailler
avec les clients qui les provoquent.
Une bonne thérapie personnelle doit aider les thérapeutes à développer
les aptitudes qui les rendent davantage présents aussi bien dans leur
travail que dans leur vie personnelle. Elle doit leur donner les compétences
nécessaires pour faire face à leur vécu personnel si un client déclenche
sans le savoir une association qui pose problème. Par exemple, si au
cours d'une séance, un client provoque le « moi enfant » de la ou du
thérapeute, cette dernière ou ce dernier doit pouvoir tenir un bref
dialogue avec son propre enfant intérieur et décider avec lui de s'occuper
du problème après la séance. De cette façon, la séance de thérapie reste
axée sur le client tout en respectant la personne de la ou du thérapeute.
Lorsque les thérapeutes traitent des clients tout en suivant une thérapie
personnelle, il est essentiel qu'ils bénéficient d'une bonne supervision
clinique pour séparer leurs problèmes personnels de ceux de leurs clients.
Les thérapeutes doivent faire preuve de respect envers eux-mêmes et
structurer leur temps de façon à se protéger. Par exemple, les séances
de thérapie personnelle doivent être fixées à une heure où les thérapeutes
peuvent s'occuper complètement d'eux-mêmes et ne pas devoir immédiatement
revenir aux préoccupations des clients. Il peut y avoir des périodes
où les thérapeutes ont besoin d'alléger leur charge de travail pour
pouvoir travailler intensément sur leurs problèmes personnels.
Identification de ses limites et frontières personnelles
Les thérapeutes qui travaillent avec des survivants d'un traumatisme
subi dans l'enfance ont besoin d'établir des frontières claires et prévisibles
dans leur travail aussi bien pour eux-mêmes que pour leurs clients.
Pour des raisons de sécurité et de prévisibilité, les clients ont besoin
de savoir quelles sont les règles des thérapeutes sur des questions
comme l'organisation de séances supplémentaires ou les honoraires non
payés. Pour les thérapeutes, l'établissement de frontières claires est
une forme d'autoprotection.
Les thérapeutes doivent avoir des politiques claires en ce qui concerne
les rendez-vous manqués, les appels téléphoniques en cas de crise, la
prolongation des séances, le paiement des honoraires, etc. Les décisions
touchant l'organisation des vacances et la longueur d'une journée de
travail typique doivent être adaptées au goût et au style personnel
des thérapeutes.
D'autres frontières sont plus générales et concernant des questions
plus vastes. Il est essentiel que les thérapeutes organisent leur charge
de travail d'une façon qui respecte leurs propres besoins. Avant de
décider des types de clients avec lesquels ils travailleront et de la
taille de leur charge de travail, les thérapeutes doivent prendre le
temps de réfléchir et de considérer avec réalisme leurs conditions de
vie. En général, il est recommandé aux thérapeutes qui travaillent avec
des survivants de l'abus sexuel de maintenir une charge de travail mixte.
Les clients qui se rétablissent d'un traumatisme sexuel dans l'enfance
sont habituellement des candidats à une thérapie à long terme. Il est
rafraîchissant et vivifiant pour les thérapeutes d'avoir l'occasion
de travailler avec des cas à court terme et avec une variété de problèmes.
Il est important que les limites que se fixent les thérapeutes soient
suffisamment flexibles pour pouvoir changer en fonction des événements
tout en restant assez rigides pour remplir l'objectif qui leur a été
assigné. Pour que la thérapie soit un processus prévisible et sans danger,
il est essentiel que les clients connaissent les limites de leur thérapeute
en matière de travail.
Il est presque inévitable que les clients demandent aux thérapeutes
pourquoi ils font ce genre de travail. Les thérapeutes qui choisissent
de travailler avec des survivants de l'abus sexuel ont une multitude
de raisons pour ce faire. Ces raisons, qui émergent souvent au cours
de la propre thérapie de la ou du thérapeute, doivent être claires.
Bien que les thérapeutes doivent faire preuve de jugement quant aux
renseignements personnels à communiquer aux clients, ils doivent être
prêts à répondre honnêtement aux demandes des clients sur les raisons
qui les ont amenés à travailler avec des survivants de l'abus sexuel.
L'abus sexuel, par définition, a entraîné une violation des frontières
personnelles du client. C'est pourquoi, dans le processus thérapeutique,
les thérapeutes doivent veiller à respecter les frontières de leurs
clients en même temps que les leurs propres. Il est essentiel que les
clients et les thérapeutes puissent s'adonner au processus thérapeutique
dans un milieu sans danger et il faut veiller à toujours maintenir des
frontières bien définies pour éviter de compromettre cette sécurité.
Supervision
La supervision régulière par une ou un thérapeute qui connaît bien
la dynamique de l'abus sexuel et du rétablissement de ce traumatisme
est un aspect essentiel de l'autoprotection des thérapeutes. Plusieurs
des personnes qui ont contribué à la recherche ont noté qu'indépendamment
de la compétence qu'elles ont acquise dans les services thérapeutiques
qu'elles dispensent aux survivants, elles continuent à suivre des séances
régulières de supervision ou de consultation toutes les semaines ou
deux fois par mois.
Une bonne supervision clinique a toute sortes de fonctions. C'est l'occasion
pour les thérapeutes de partager leurs propres réactions aux problèmes
de leurs clients et d'évaluer leurs propres besoins. Les superviseurs
peuvent également refléter certains aspects du rapport thérapeutique
(comme le contre-transfert et le transfert) dont les thérapeutes n'ont
pas conscience. Compte tenu de l'intensité émotionnelle de la thérapie,
les thérapeutes risquent de perdre l'aptitude à évaluer chaque cas objectivement.
Les superviseurs, qui ne participent pas directement au traitement,
peuvent jouer le rôle d'observateurs objectifs. Ils peuvent aider les
thérapeutes à identifier les thèmes qui ont tendance à se répéter d'un
cas sur l'autre. Ces thèmes peuvent refléter les problèmes personnels
non résolus ou le style de travail de la ou du thérapeute plutôt que
les besoins cliniques de son client. Par exemple, les clients se présentent
souvent avec une attitude qui vise à « régler les choses au plus vite
». Les thérapeutes qui ont eux-mêmes ce besoin d'aller vite peuvent
se faire complices de l'impatience du client même s'il est contre-thérapeutique
de précipiter les choses et de faire un travail abréactif avant d'établir
un bon rapport thérapeutique et de renforcer les aptitudes du client
à l'autoprotection. Les superviseurs habiles peuvent aider les thérapeutes
à reconnaître leur tendance à aller trop vite, aidant par là même à
la fois la ou le thérapeute et le client. C'est ainsi que la supervision
apporte aux thérapeutes des instructions, des idées et un soutien dans
leur travail.
Soutien des pairs
Outre l'aide qu'apporte une supervision structurée, le soutien des
pairs, structuré ou non, renforce les aptitudes et l'enthousiasme des
thérapeutes. Les thérapeutes se sentent souvent isolés dans leur travail,
surtout s'ils pratiquent dans le privé et n'ont pas d'équipe autour
d'eux. Ils auront avantage à organiser des rencontres avec des pairs
qui effectuent un travail similaire pour discuter des cas et de leur
impact sur les plans personnel et professionnel. Un grand nombre des
personnes qui ont participé à la recherche sont membres de groupes de
soutien entre pairs qui se réunissent régulièrement. Elles ont déclaré
que ces réseaux collégiaux leur sont très utiles.
Certains thérapeutes ont fait remarquer que, bien que le travail qu'ils
effectuent soit sérieux, il n'a pas besoin d'être solennel. L'humour
est un élément important à la fois du processus thérapeutique et des
échanges avec les pairs. Plusieurs personnes ont remarqué qu'une caractéristique
importante de leur groupe de soutien est qu'il leur offre un lieu sûr
où s'exprimer avec humour ou faire des déclarations politiquement incorrectes
sur leur travail. Le lait que ces thérapeutes puissent plaisanter au
sujet de la thérapie dans un milieu sûr les aide à se décharger du stress
lié à leur travail.
Engagement social
Dans bien des cas, l'intégration d'une composante préventive ou éducationnelle
aux activités des thérapeutes permet d'équilibrer leur travail thérapeutique
avec les clients. Lorsque les thérapeutes sont uniquement occupés à
aider les clients individuels à se rétablir du traumatisme sexuel subi
dans l'enfance, ils risquent de perdre de vue les aspects sociaux et
culturels du problème. En cherchant des façons de contribuer au changement
social, les thérapeutes renforcent les raisons politiques, éthiques
ou spirituelles qui ont motivé leur choix de carrière.
L'engagement social des personnes qui ont contribué à la recherche
prend des formes variées. Beaucoup travaillent à l'éducation du public
: elles écrivent des articles et des livres sur les questions en rapport
avec l'abus sexuel et présentent des ateliers sur le sujet au grand
public ou à d'autres spécialistes. D'autres voient leur travail comme
faisant partie de la lutte globale pour l'amélioration des droits de
la personne et consacrent du temps et de l'énergie à des organisations
politiques ou humanitaires. Quelle que soit la forme qu'il prend, le
travail effectué au sein des réseaux sociaux pour lutter contre l'abus
sexuel peut renforcer votre résolution et réaffirmer l'importance de
votre travail.
Satisfaction dans se vie personnelle
Il est important que les thérapeutes qui travaillent avec des survivants
d'un traumatisme subi dans l'enfance aient, à l'extérieur de leur travail,
des moyens de renforcer leur amour-propre et leur image d'eux-mêmes.
Sinon, ils risquent de chercher à satisfaire leurs besoins personnels
dans leur travail, ce qui est contre-thérapeutique pour leurs clients.
Pour conserver leur énergie et leur vitalité et pour se sentir soutenus
dans leur travail, les thérapeutes ont besoin de garder un équilibre
entre leurs intérêts personnels et leurs intérêts professionnels. Les
thérapeutes qui ne savent pas bien s'autoprotéger risquent d'avoir moins
d'énergie à consacrer à la thérapie, ce qui peut devenir un problème
clinique. Les clients se rendent tout de suite compte des dissonances
entre les conseils d'une ou d'un thérapeute sur l'autoprotection et
son propre comportement à cet égard. Ces dissonances font écho au déni
et à l'hypocrisie qui ont entouré l'expérience d'abus sexuel du client
et doivent donc être évitées.
Parmi les façons spécifiques de s'autoprotéger citées par les personnes
qui ont contribué à la recherche, mentionnons :
- lire des romans et écouter de la musique,
- avoir beaucoup d'amis qui ne sont pas des thérapeutes,
- s'occuper de ses besoins spirituels,
- faire de l'exercice régulièrement,
- avoir des relations intimes qui sont une source de soutien mais
ne pas les utiliser pour se décharger du stress associé au travail,
- faire une thérapie personnelle si nécessaire,
- prendre des vacances régulièrement,
- limiter sa semaine de travail à quatre jours par semaine,
- faire du travail bénévole pour des organismes intéressants.
Il est évident que les intérêts des thérapeutes en matière
de loisirs et de créativité changeront avec le temps. L'essentiel est
que, quels que soient vos intérêts, ils soient entretenus et cultivés.
PROBLÈMES PARTICULIERS AUX THÉRAPEUTES QUI SONT EUX-MÊMES
DES SURVIVANTS DE L'ABUS SEXUEL
Le fait d'être soi-même un survivant de l'abus sexuel représente à
la fois un avantage et un inconvénient pour les thérapeutes. L'expérience
personnelle du processus de rétablissement peut aider les thérapeutes
à communiquer profondément avec leurs clients. Les clients ont souvent
le sentiment qu'ils sont mieux compris lorsqu'ils partagent leur expérience
avec un autre survivant. Cependant, il y un risque que la ou le thérapeute
qui est aussi une survivante ou un survivant réagisse par une suridentification
ou une sous-identification au vécu des clients dont l'expérience fait
écho à son propre passé. C'est ainsi qu'elle ou il peut soit trop travailler
soit ne pas travailler assez avec certains clients.
L'essentiel, pour les thérapeutes qui sont des survivants, est de ne
pas projeter leurs propres problèmes sur leurs clients. Une bonne supervision
clinique est essentielle pour permettre aux thérapeutes d'évaluer clairement
quand il s'agit de leurs propres problèmes et quand il s'agit de ceux
de leurs clients.
Il n'est pas recommandé aux thérapeutes qui sont des survivants de
dispenser une thérapie à d'autres survivants tant qu'ils ne sont pas
suffisamment conscients de leurs propres réactions psychologiques à
l'abus sexuel pour pouvoir prédire le type de contre-transfert qui peut
se produire. Les thérapeutes qui connaissent leurs vulnérabilités sont
en mesure d'anticiper avec quels clients il leur sera particulièrement
difficile de travailler. Si nécessaire, ces clients peuvent être référés
à quelqu'un d'autre.
Les thérapeutes qui sont des survivants doivent adopter des stratégies
d'autoprotection bien définies pour les aider s'ils découvrent que leur
propre vécu est réactivé par l'expérience d'abus sexuel de leurs clients.
Ces stratégies comprennent une gestion et une organisation bien pensée
de leur charge de travail, des séances de supervision, des techniques
de mise entre parenthèses des sentiments et des réactions personnelles
au cours des séances avec les clients et un réseau intime et bien développé
de soutien entre pairs.
Les thérapeutes qui sont des survivants devront réfléchir
à la question de l'autodévoilement. Il est fréquent que les clients
veuillent savoir si leur thérapeute a été elle-même ou lui-même victime
d'abus sexuel dans son enfance. Les thérapeutes doivent se demander
« Quel sera le gain thérapeutique pour mon client si je lui donne des
informations sur moi-même? ». Les thérapeutes doivent limiter ce qu'ils
dévoilent en fonction de l'utilité que cela présente pour leur client.
En général, des réponses brèves et honnêtes satisferont le besoin d'information
du client et on pourra de nouveau concentrer toute son attention sur
lui.
CHAPITRE 12 - RESSOURCES
Le dernier chapitre identifie les ressources que les personnes
qui ont contribué à la recherche ont utilisées pour les aider
dans leur travail avec les survivants et qu'elles recommandent
à leurs clients qui se rétablissent de l'abus sexuel. Il est
divisé en trois sections : bandes magnétoscopiques, documents
imprimés et possibilités de formation. La section sur les documents
imprimés comprend du matériel à l'intention à la fois des thérapeutes
et des clients. |
Cette liste n'est nullement exhaustive car de nouvelles ressources
apparaissent constamment. En outre, un grand nombre des ressources qui
ont été élaborées à l'intention des survivantes de l'abus sexuel peuvent
s'avérer des outils efficaces pour les hommes.
Pour que les listes ne soient pas trop longues, seuls
les documents écrits qui étaient recommandés par deux personnes ou plus
ont été retenus.
BANDES MAGNÉTOSCOPIQUES
(Ordre d'information - titre et description suivis par
le distributeur)
Abuse
Jeff, un garçon de dix-neuf ans, décrit l'abus sexuel dont il a été
victime et qui a commencé avant qu'il ait cinq ans. Grâce à l'aide professionnelle
qui lui a été dispensée, il peut maintenant jouir de la vie et est en
train de retrouver son amour-propre. L'histoire de Jeff montre comment
des mauvais traitements continus peuvent gravement altérer l'image de
soi et compromettre l'aptitude à établir des rapports sains avec les
autres. Ce programme définit quatre types de mauvais traitements : mauvais
traitements physiques, émotionnels et sexuels et négligence. (20
minutes)
Kidsrights
10100 Park Cedar Drive
Charlotte, North Carolina 28210
Tél : 704-541-0100 ou 1-800-892-KIDS
Big Boys Don't Cry
Cet excellent documentaire fait pour la télévision examine la vie de
plusieurs membres d'un groupe de survivants adultes et l'impact qu'a
eu sur eux l'abus sexuel subi dans l'enfance. Les participants partagent
des informations sur les changements qu'ils ont apportés à leur vie
depuis qu'ils ont commencé une thérapie. Le film sur les adultes est
entrecoupé de scènes d'un groupe de victimes/agresseurs adolescents
pour renforcer l'importance de l'intervention précoce. (60 minutes)
Public Affairs
KWG TV
1501 South West Jefferson Street
Portland, Oregon 97201
Tél : 503-226-5000
Both Sides Of The Coin
Bande magnétoscopique innovatrice qui réunit un adulte victime d'abus
sexuel dans l'enfance et une personne reconnue coupable de pédophilie.
Le résultat est un examen pénétrant, intelligent et équilibré des causes
et des effets de l'abus sexuel des enfants. Deux hommes explorent l'impact
de l'abus sexuel d'un enfant sur leurs vies respectives. (47 minutes)
Kinetic Inc.
408 rue Dundas est
Toronto (Ontario)
M5A 2A5
Tél : 416-963-0653
Breaking Silence
Ce documentaire personnel et émouvant présente des adultes victimes
d'abus sexuel dans leur enfance qui s'efforcent d'accepter un passé
qu'ils avaient longtemps gardé secret. Bien que seuls des adultes soient
interviewés, leurs histoires sont entrecoupées de photographies de leur
enfance. Le film traite de certaines réalités de l'abus sexuel des enfants
comme la fréquence de la transmission du comportement d'agression d'une
génération à l'autre. Le documentaire montre les difficultés auxquelles
les enfants abusés doivent faire face dans la vie adulte pour intégrer
leurs expériences douloureuses. (58 minutes)
Video and Film Rental Library
American Psychiatric Association
1400 K Street Northwest
Washington, D.C. 20005
Tél : 202-682-6173
Coming Home: A Spiritual Recovery from Satanic Ritual Abuse
Cette bande magnétoscopique en quatre parties est une version abrégée
d'un atelier sur la guérison spirituelle parrainé par le Grace Institute.
Le sujet de l'abus rituel satanique est examiné à la fois du point de
vue personnel et du point de vue théologique. Une survivante de l'abus
satanique parle de son expérience de la redécouverte du sacré. (120
minutes)
Varied Directions International
69 Elm Street
Camden, Maine 04843
Tél : 207-236-8506 ou 1-800-888-5236
Dr. Frank Ochberg on Victimization and PTSD
Cette bande magnétoscopique est une présentation du stress post-traumatique
par le Dr Frank Ochberg, psychiatre et expert de la victimisation
et du stress post-traumatique connu dans le monde entier. C'est un excellent
programme pour les gens qui souffrent de ce syndrome, leurs collègues
et les membres de leur famille. (15 minutes)
Varied Directions International
69 Elm Street
Camden, Maine 04843
Tél : 207-236-8506 ou 1-800-888-5236
Four Men Speak Out On Surviving Child Sexual Abuse
Quatre survivants, certains victimes d'agressions violentes et isolées
et d'autres d'attentats à la pudeur continus, parlent de l'abus sexuel
subi dans leur enfance et de leur processus de rétablissement. Les agresseurs
comprennent un père, des adultes connus en qui l'enfant a confiance
et d'autres adolescents. Les hommes parlent de leur homophobie, de leur
peur de devenir des agresseurs et des problèmes auxquels ils se heurtent
dans leurs relations intimes à l'âge adulte. Ces quatre hommes reconnaissent
que le rétablissement est à la fois une source de confusion, de souffrance
et de soulagement et parlent de ce qui les a aidés dans leur propre
processus de guérison. (28 minutes)
Varied Directions International
69 Elm Street
Camden, Maine 04843
Tél : 207-236-8506 ou 1-800-888-5236
Healing Sexual Abuse: The Recovery Process
Dan Sexton, directeur de Child Help, U.S.A., et Ellen Bass, co-auteure
de The Courage To Heal, parlent de sujets comme la dissociation,
les toxicomanies, le rétablissement de la confiance, la confrontation
avec l'agresseur et le chagrin. Cette bande magnétoscopique est recommandée
aux survivants à la fois hommes et femmes. (60 minutes)
Varied Directions International
69 Elm Street
Camden, Maine 04843
Tél : 207-236-8506 ou 1-800-888-5236
Partners In Healing
Cette bande magnétoscopique examine, à diverses étapes de la thérapie,
la dynamique des couples qui travaillent ensemble à guérir des blessures
émotionnelles causées par l'inceste. Elle peut aider les survivantes
et survivants de l'inceste et les thérapeutes à comprendre l'effet de
l'inceste sur la sexualité, la façon dont les deux membres du couple
sont touchés par les problèmes qui se posent au niveau de l'intimité
en conséquence de l'inceste et la façon dont ils peuvent uvrer
ensemble à la guérison. (43 minutes)
Varied Directions International
69 Elm Street
Camden, Maine 04843
Tél : 207-236-8506 ou 1-800-888-5236
DOCUMENTS IMPRIMÉS
(Outre les livres dont la liste figure ci-dessous, on
est prié de se reporter à l'annexe G - Références, qui offre une bibliographie
sur les survivants de l'abus sexuel.)
POUR LES THÉRAPEUTES ET LES CLIENTS
Abused Boys - The Neglected Victims of Sexuel Abuse.
Mic Hunter, (Fawcett Columbine, 1990).
Ce livre est divisé en deux sections. La première partie
porte sur les aspects théoriques de l'abus sexuel et du rétablissement
et, dans la seconde, treize survivants apportent un témoignage personnel
sur la question. Le livre est écrit à la fois pour les clients et les
thérapeutes.
POUR LES THÉRAPEUTES
Grown-Up Abused Children. James Leehan et Laura Pistone
Wilson, (Charles C. Thomas Publishers, 1985).
Ce livre est une présentation concise et facile à lire de l'expérience
clinique des auteurs et des questions qui se posent dans le travail
de groupe avec des adultes des deux sexes victimes d'abus sexuel. Il
comprend une description de la dynamique typique inter et intra-psychique
des victimes quand elles grandissent, de la façon dont cette dynamique
apparaît et s'exprime dans les groupes de thérapie et des interventions
de groupe qui peuvent aider les clients à changer.
Healing The Incest Wound: Adult Survivors In Therapy.
Christine Courtois, (W.W. Norton and Company, 1988).
Le livre de Christine Courtois présente un examen sérieux et éloquent
de la dynamique de l'abus sexuel au sein de la famille et du traitement
de l'inceste. Il traite des victimes de sexe féminin. Cependant, une
grande partie des renseignements théoriques qu'il contient est également
applicable aux hommes et aux femmes.
Resolving Sexual Abuse. Yvonne Dolan, (W.W. Norton &
Co., 1991).
Ce livre bien documenté et facile à lire discute des approches ericksoniennes
et axées sur les solutions du travail avec les survivants. Bien que
les exemples fassent généralement appel à des femmes, les méthodes et
les techniques ne sont pas associées à un sexe particulier.
The Sexually Abused Male, Volumes 1 end 2. Mic Hunter
(éd.), (Lexington Books, 1990).
Ce travail en deux volumes est un examen exhaustif qui étudie de plusieurs
points de vue l'abus sexuel subi par les hommes. On y présente des renseignements
théoriques et appliqués sur la dynamique et le traitement de l'abus
sexuel. L'une des grandes forces de cet ouvrage en deux tomes est que
les chapitres sont écrits par des auteurs différents si bien que toute
une gamme de renseignements et de styles thérapeutiques y est présentée.
Therapy For Adults Molested As Children: Beyond Survival.
John Briere, (Springer Publishing Company, 1989).
Ce livre est un document très utile pour les thérapeutes
qui travaillent avec des victimes d'abus sexuel des deux sexes. Il offre
une analyse bien pensée de l'impact de l'abus sexuel subi dans l'enfance
et une discussion détaillée des modèles et des méthodes de traitement.
Il comprend des sections intéressantes sur la question du sexe des thérapeutes
par rapport à celui des clients et sur l'autoprotection des thérapeutes.
POUR LES CLIENTS
Adults Molested As Children: A Survivor's Manuel For Men And
Women. Euan Bear avec Peter Dimock, (Safer Society Press, 1988).
Ce livre est un manuel simple et clair à l'intention des survivants
adultes qui les aide à faire le rapport entre leurs comportements présents
et les événements passés. Il comprend d'excellents conseils sur la façon
de choisir une ou un thérapeute.
Allies In Healing. Laura Davis, (Harper Collins, 1991).
Ce guide essentiel et excellent à l'intention des partenaires des adultes
qui ont été victimes d'abus sexuel contient également un grand nombre
de renseignements utiles pour les survivants.
Broken Boys/Mending Men. Stephen Grubman-Black, (Ballintine
Books, 1990).
Ce livre personnel et bien documenté traite des questions auxquelles
les survivants doivent faire face pour passer d'une enfance brisée à
une vie adulte restaurée. Le style de l'auteur est ouvert, familier
et facile à lire.
The Courage to Heal: A Guide for Women Survivors of Child Sexual
Abuse. Ellen Bass et Laura Davis, (Harper & Row, 1988).
Bien qu'écrit à l'intention des survivantes, ce livre est devenu une
bible aussi bien pour les hommes que pour les femmes victimes d'abus
sexuel dans leur enfance ainsi que pour leurs thérapeutes. C'est un
document complet fait pour redonner confiance à ses lecteurs qui décrit
clairement comment les défenses de l'enfance peuvent devenir dysfonctionnelles
dans la vie adulte. Le ton du livre est amical et ouvert.
The Courage to Heal Workbook: For Women and Men Survivors of
Child Sexual Abuse. Laura Davis, (Harper & Row, 1990).
Cet excellent manuel de travail autonome peut être utilisé seul ou
de concert avec une thérapie. Il offre des exercices aux survivants
pour les aider sur le chemin de la prise de conscience de soi et de
la guérison. Les survivants apprécient généralement le format du manuel
de travail et sa présentation structurée.
Don't Call It Love: Recovery From Sexual Addiction. Patrick
Carnes, (Bantam Books, 1991).
Ce livre décrit à la fois les activités et les processus de guérison
des obsessions sexuelles. Il comprend des exercices que les clients
peuvent utiliser pour augmenter leur conscience d'eux-mêmes et apporter
des changements positifs dans leur vie.
Male Sexuality. Bernie Zilbergeld et John Ullman, (Little
Brown, 1978).
Ce livre examine certains mythes sur la sexualité masculine et présente
des renseignements différents pour aider les hommes à trouver leur identité
sexuelle authentique. Son contenu dépasse la sexualité pour traiter
de la dynamique des relations intimes et du rôle de la sexualité dans
la création de l'intimité. L'inconvénient de ce livre est qu'il ne traite
que des rapports hétérosexuels.
Once Upon A Time
Therapeutic Stories. Nancy Davis,
(Psychological Associates of Oxon Hill, 1990).
Inspiré par les méthodes thérapeutiques ericksoniennes, ce livre contient
des histoires qui ont pour but de restaurer le sentiment de pouvoir
personnel, la santé, l'intégrité et la joie des clients. Les histoires
visent des populations spécifiques, par exemple, les victimes qui deviennent
des agresseurs ou les enfants qui ont été victimes d'abus rituel. Les
histoires sont écrites à l'intention des adolescents et des enfants
mais, avec certaines adaptations, on peut les utiliser avec des adultes.
Outgrowing The Pain: A Book For and About Adults Abused As Children.
Eliana Gil, (Dell Publishing, 1983).
Ce petit livre de poche décrit l'abus sexuel et ses effets en termes
concis et lisibles. Il décrit aussi brièvement les mesures que peuvent
prendre les survivants pour faciliter leur guérison. Il s'agit d'une
excellente ressource pour les clients aux étapes initiales de la thérapie.
Victims No Longer: Men Recovering From Incest and Other Sexual
Child Abuse. Mike Lew, (Nevraumont Publishing Company, 1988).
(Réédité par Harper & Row, Publishers, Inc., New York, 1990.)
Ce livre bien documenté et facile d'accès traite spécifiquement
des victimes d'abus sexuel de sexe masculin. Les histoires personnelles
des survivants sont accompagnées d'une discussion des effets de l'abus
sexuel subi dans l'enfance et du processus de rétablissement. Ce livre
peut devenir un compagnon des survivants tout au long du processus de
rétablissement.
DOCUMENTS IMPRIMÉS EN FRANÇAIS
Un certain nombre d'articles et d'ouvrages en français ont été découverte
au cours de la traduction du présent ouvrage. Les auteurs figurent ci-dessous.
Beltrami, E., N. Couture et F. Gagné, « Abus sexuel d'enfants : inceste
père-fils comparé à la pédophilie homosexuelle », dans Enfance et
sexualité, éd. J.M. Samson, (Montréal : Études Vivantes, 1980),
p. 694-704.
Gouvernement du Canada, Les infractions sexuelles à l'égard des
enfants : rapport du Comité sur les infractions sexuelles à l'égard
des enfants et des jeunes (Comité BADGLEY), (Ottawa : Gouvernement
du Canada, ministère de la Justice, ministère du Procureur général du
Canada, ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1984),
2 volumes.
Jeliu, G., « Le syndrome de l'enfant maltraité : perspectives », dans
L'enfant, Explorations récentes en psychologie du développement,
éd. J.F. Saucier, (Montréal : Presses de l'Université de Montréal, 1980),
p. 85-98.
Lamontagne, Y. et C. Lacerte-Lamontagne, L'attentat sexuel contre
les enfants, (Montréal : Éd. La Presse, 1977).
Miller A., L'enfant sous terreur, (Paris : Aubier-Montaigne,
1986).
Rusch, F., Le secret le mieux gardé. L'exploitation sexuelle des
enfants, (Paris : Denoël-Gonthier, 1983).
Sgrol, S.M., éd., L'agression sexuelle et l'enfant.
Approche et thérapies, (Saint-Laurent : Editions Trécarré, 1986).
FORMATION
Les possibilités de formation à l'intention des thérapeutes qui travaillent
avec des victimes de sexe masculin de l'abus sexuel sont encore rares.
Cependant, deux conférences internationales qui portent exclusivement
sur l'abus sexuel subi par les hommes se tiennent chaque année aux États-Unis.
Pour se renseigner sur le congrès de quatre jours intitulé « National
Male Survivors Conférence », qui a lieu depuis 1989, écrire à l'adresse
suivante :
Shunomi Creek Consultants
2801 Buford Highway
Suite 400
Atlanta, Georgia 30329
Tél : 404-321-4954
Pour se renseigner sur le congrès de trois jours intitulée « It
Happens To Boys Too... » prendre contact avec
M. Daniel P. Moriarty
Administrator For Personnel and Training
St. Aloysius Home
40 Austin Avenue
Greenville, Rhode Island 02828
Tél : 401-949-1300
ANNEXE A - QUESTIONNAIRE
SURVIVANTS DE L'ABUS SEXUEL
Veuillez répondre aux questions suivantes en cochant (ü
) la réponse appropriée ou en notant votre réponse dans l'espace prévu
à cet effet. Utilisez les marges ou le dos de la feuille si vous avez
besoin d'espace supplémentaire.
Le terme « clients » désigne les survivants de l'abus sexuel.
SECTION I : RENSEIGNEMENTS SUR LES THÉRAPEUTES
1. Nom :
2. Profession/poste :
3. Employeur (le ces échéant) :
4. Adresse : Téléphone(s) :
5a. Nombre d'années d'expérience avec des survivantes et des survivants
de l'abus sexuel :
____0-2 ans
____3-5 ans
____6-8 ans
____plus de 8 ans
5b. Nombre d'années d'expérience directs avec des survivante de
l'abus sexuel :
____0-2 ans
____3-5 ans
____6-8 ans
____plus de 8 ans
6a. Modalités de traitement dispensées aux survivante de l'abus
sexuel :
____thérapie individuelle
____thérapie de groupe
____thérapie de couple
____thérapie familiale
____autre (veuillez spécifier)
6b. En principe, dense quel ordre classeriez-vous les modalités
de traitement ci-dessus (voir question 6a) pour les survivants de l'abus
sexuel? En pratique, modifiez-vous souvent cet ordre? Veuillez répondre
ci-dessous.
7. Veuillez décrire brièvement le(s) modèle(s) et/ou la (les) théorie(s)
qui décrivent le mieux votre approche thérapeutique avec les survivante
de l'abus sexuel :
8. Sur la base de votre expérience clinique, veuillez discuter brièvement
de l'impact du sexe de la ou du thérapeute par rapport au sexe du client
dans le travail avec les survivante de l'abus sexuel.
9. À quel type d'éducation ou de formation avez-vous eu recours
pour soutenir votre travail thérapeutique avec les survivants de l'abus
sexuel :
__formation autodidacte (c.-à-d. lecture de journaux professionnels,
de livres, etc.) __séances de formation et ateliers offerts par d'autres
professionnels
__congrès professionnels
__formation officielle en classe
__autre (veuillez spécifier)
10. Veuillez énumérer les ressources (documentation écrite, bandes
magnétoscopiques, films, cassettes sonores, programmes de formation,
présentation d'ateliers, congrès, groupes de consultation entre pairs,
consultations entre paire, etc.) qui vous ont apporté un soutien particulier
dans votre travail avec les survivante de l'abus sexuel :
11. Veuillez indiquer comment vous évaluez l'efficacité de votre
travail thérapeutique avec vos clients :
____méthodes d'évaluation systématiques (veuillez spécifier)
____méthodes d'évaluation non systématiques (veuillez spécifier)
SECTION II : RENSEIGNEMENTS SUR LE CLIENT
12. Veuillez indiquer le groupe d'âge des survivants de l'abus sexuel
avec lesquels vous travaillez :
____âge préscolaire (0-5 ans)
____période de latence (6-12 ans)
____adolescents (13-19 ans)
____jeunes adultes (20-25 ans)
____adultes (25 ans et plus)
13. Veuillez décrire les problèmes que vous rencontrez le plus souvent
chez les survivants de l'abus sexuel (p. ex., difficultés dans las relations
intimes, manque de confiance dans les autres, toxicomanie, problèmes
d'identité sexuelle) en cours de thérapie :
14. Veuillez énumérer les ressources (documentation écrite, bandes
magnétoscopiques, film, musique, cassettes sonores, etc.) que vous utilisez
dent votre travail clinique avec les cliente ou que vous leur recommandez
d'utiliser par eux-mêmes :
SECTION III : AUTRES RENSEIGNEMENTS
15. Veuillez utiliser l'espace ci-dessous pour ajouter tout commentaire
sur votre travail avec les survivante de l'abus sexuel non inclus dans
les réponses aux questions qui précèdent :
Merci d'avoir rempli ce questionnaire. Veuillez le retourner
dans l'enveloppe ci-jointe à Adrienne Crowder, B.A., M.S.W., Services
à la famille et aux enfants de la région de Waterloo, 200 avenue Ardelt,
Kitchener (Ontario) N2C 2L9.
ANNEXE B - LISTE DES PERSONNES QUI ONT CONTRIBUE
A LA RECHERCHE
M. Paul Antrobus 1-306-585-5444
Collège Luther
Université de Regina
Regina (Saskatchewan)
S4S 0A2
Dr Dick Berry 1-416-326-0647
Safe-T
Centre régional Thistletown
51, Panorama Court
Rexdale (Ontario)
M9V 4L8
Dr George Bilotta 1-415-664-5007
2306, Taraval Street
Suite 102
San Francisco (California) 94116
Mme Debbie Bruckner 1-403-297-4020
Conseillère principale
Collège professionnel Alberta
332, Sixième avenue SE
Calgary (Alberta)
T2G 4S6
M. Leonard Burnstein 1-613-722-6521
Hôpital Royal d'Ottawa
1145, avenue Carling
Ottawa (Ontario)
K1Z 7K4
M. Ray Chapman 1-604-936-9460
1753, avenue Dansey
Coquitlam (Colombie-Britannique)
V3K 3J4
M. Lou Coppola 1-705-742-4258
Services de counseling familial de Peterborough
318, rue Stewart
Peterborough (Ontario)
K9J 3M1
M. Harry Dudley 1-403-233-2370
Bureau du service à la famille de Calgary
Bureau 200
707-10e avenue SO
Calgary (Alberta)
T2G 0B3
M. Grant Fair 1-416-224-2227
161, avenue Franklin
Willowdale (Ontario)
M2N lC6
M. Paul Gerber 1-612-949-4500
Hennepin County Home School
Juvenile Sex Offender Program
14300, County Highway 62
Minnetonka (Minnesota) 55345
M. Peter Goodman 1-902-422-3760
Eastwind Associates
2176, rue Windsor
Halifax (Nouvelle-Écosse)
B3K 5B6
M. Charlie Greenman 1-612-825-2409
Rape and Sexual Assault Centre
2431, Hennepin Avenue S
Minneapolis (Minnesota) 55405
Mme Anne Gresham 1-612-427-7964
Family Life Mental Health Center
1428, 5th Avenue S
Anoka (Minnesota) 55303
M. Stephen D. Grubman-Black 1-401-792-4743
PO Box 1504
Wickford (Rhode Island) 02852
Mme Judith Halpern 1-703-534-1633
First Virginia Plaza
64, Arlington Blvd
Suite 634
Falls Church (Virginia) 22042
M. Doug Harder 1-306-242-1010
Cardwell Human Resources
Bureau 200
Centre Regency
333-25e rue Est
Saskatoon (Saskatchewan)
S7K 0L4
M. Arthur Harold 1-705-742-4258
Services de counseling familial de Peterborough
318, rue Stewart
Peterborough (Ontario)
K9J 3M1
M. Rob Hawkings 1-416-385-9483
94, chemin Clifton Downs
Hamilton (Ontario)
L9C 2P3
Mme Bobbi Hoover 1-408-496-6464
544, Mansion Park Drive
Santa Clara (California) 95054
M. Mic Hunter 1-612-649-1408
2469, University Avenue West
Upper Northeast Suite
St. Paul (Minnesota) 55114
M. Michael Irving 1-416-469-4764
274, avenue Rhodes
Toronto (Ontario)
M4L 3A3
Dr David Jackson 1-306-934-0272
Services de Psychiatrie
Saskatoon City Hospital
701, rue Queen
Saskatoon (Saskatchewan)
S7K 0M7
M. Peter E. Johnson 1-403-297-4085
Collège professionnel Alberta
332, Sixième avenue SE
Calgary (Alberta)
T2J 4S6
M. Merlin Kobsa 1-416-826-3242
Halton Sexual Abuse Program
461, chemin North Service ouest
Unité B6
Oakville (Ontario)
L6M 2V6
M. Len Kushnier 1-619-434-8461
Superviseur
Services à la famille et aux enfants
BP 848
Succursale B
London (Ontario)
N6A 4Z5
Mme Joan Lee 1-705-742-4258
Administratrice générale
Services de counseling familial de Peterborough
318, rue Stewart
Peterborough (Ontario)
K9J 3N1
M. Mike Lew 1-617-332-6601
The Next Step Counselling
10, Langley Road
Suite 200
Newton centre (Massachusetts) 02159
M. Donald L. Mann 1-503-228-1939
Clinical Social Worker
811, NW 20th Street
Suite 102
Portland (Oregon) 97209
M. Michael McGrenra 1-415-664-5007
2306, Taraval Street
Suite 102
San Francisco (California) 94116
M. Paul McIntosh 1-519-432-9385
424, av Princess
London (Ontario)
N6B 2B1
Mme Mary Meining 1-206-284-3125
200, West Mercer
Suite 202
Seattle (Washington) 98119
Mme Karen Nielson 1-403-423-2831
Family Service Association of Edmonton
9912, rue 106
Edmonton (Alberta)
T5K 1C5
Mme Kay Rice 1-612-642-1709
2469, University Avenue
St. Paul (Minnesota) 55114
Mme Deb Ruppert 1-519-744-6549
Community Justice Iniatives
39, avenue Stirling nord
Kitchener (Ontario)
N2H 3G4
M. Jack Rusinoff 1-612-641-5584
PHASE
425, Aldine Street
St. Paul (Minnesota) 55104
M. John Stasio 1-617-859-8827
75, Rutland Street
Boston (Massachusetts)
02118-1525
M. Paul Sterlocci 1-612-642-1709
City Line Association Psychotherapists
2469, University Avenue
St. Paul (Minnesota) 55114
Dr Robert Timms 1-404-321-5533
Atlanta Centre for Integrative Therapy
Suite 508
20, Executive Park West
Atlanta (Georgia)
M. Timothy Wall 1-204-784-4090
Coordinateur du counseling
Centre de santé communautaire Klinic
870, rue Portage
Winnipeg (Manitoba)
R3G 0P1
M. Steve Wardikowski 1-306-757-6675
Bureau du service familial de Regina
2020, rue Halifax
Regina (Saskatchewan)
S4P 1T7
M. Don Wright 1-604-682-6482
Vancouver Society for Male Survivors of Sexual Abuse
847, rue Hamilton
Vancouver (Colombie-Britannique)
V6B 2R7
ANNEXE C - DES
DES
Eve Bernstein Carlson, Ph.D. Frank W. Putnam,
M.D.
INSTRUCTIONS
Le présent questionnaire contient vingt-huit questions sur certaines
expériences susceptibles de vous arriver dans votre vie quotidienne.
Nous aimerions déterminer la fréquence de ces expériences. Il est important,
cependant, que vos réponses indiquent la fréquence de ces expériences
lorsque vous n'êtes pas sous l'influence de l'alcool ou des drogues.
Pour répondre aux questions, veuillez indiquer dans quelle mesure l'expérience
décrite dans la question s'applique à vous par un trait à l'endroit
approprié comme indiqué sur la ligne ci-dessous.
Exemple :
0 % | ________________/_________________
| 100 %
Date : ____________ Age : ________ Sexe : M F _______
- Il arrive que certaines personnes conduisent une voiture et se rendent
compte tout à coup qu'elles ne se souviennent pas de ce qui est arrivé
pendant la totalité ou une partie du trajet. Indiquez sur la ligne,
en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive que certaines personnes écoutent quelqu'un parler et se
rendent compte tout à coup qu'elles dont pas entendu une partie ou
la totalité de ce qui a été dit. Indiquez sur la ligne, en pourcentage
de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive que certaines personnes se retrouvent habillées avec des
vêtements qu'elles ne se souviennent pas avoir mis. Indiquez sur la
ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive que certaines personnes trouvent des choses neuves parmi
leurs affaires qu'elles ne se souviennent pas avoir achetées. Indiquez
sur la ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle
réquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent parfois qu'elles sont abordées par
des gens qu'elles ne connaissent pas qui affirment qu'ils les ont
déjà rencontrées ou les appellent par un autre nom. Indiquez sur la
ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes ont parfois le sentiment d'être à côté d'elles-mêmes
ou de se regarder faire quelque chose et elles se voient effectivement
comme si elles regardaient une autre personne. Indiquez sur la ligne,
en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes se font dire que, parfois, elles ne reconnaissent
pas leurs amis ou les membres de leur famille. Indiquez sur la ligne,
en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive à certaines personnes de ne pas se souvenir de certains
événements importants de leur vie (p. ex., un mariage ou une remise
de diplôme). Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps, si cela
vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive à certaines personnes d'être accusées de mentir alors
qu'elles ne pensent pas avoir menti. Indiquez sur la ligne, en pourcentage
de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive à certaines personnes de se regarder dans une glacé et
d'avoir le sentiment de ne pas se reconnaître. Indiquez sur la ligne,
en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive à certaines personnes d'avoir l'impression que les autres
gens, les objets ou le monde autour d'elles ne sont pas réels. Indiquez
sur la ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle
fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive à certaines personnes d'avoir l'impression que leur corps
ne leur appartient pas. Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps,
si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive à certaines personnes de se souvenir parfois si clairement
d'un événement passé qu'elles ont l'impression de revivre cet événement.
Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive
et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive a certaines personnes de ne pas savoir si les choses dont
elles se souviennent sont réellement arrivées ou si elles ont rêvé.
Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive
et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Il arrive à certaines personnes de se retrouver dans un lieu familier
mais de le trouver étrange et inconnu. Indiquez sur la ligne, en pourcentage
de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent que, lorsqu'elles regardent la télévision
ou un film, elles se laissent tellement absorber par l'histoire qu'elles
ne sont pas conscientes des événements qui se produisent autour d'elles.
Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive
et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent qu'elles sont tellement prises par
un fantasme ou par un rêve éveillé qu'elles ont le sentiment que ces
choses arrivent réellement. Indiquez sur la ligne, en pourcentage
de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent qu'elles sont parfois capables d'ignorer
la souffrance. Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps, si
cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent qu'elles restent parfois assises à
regarder dans le vide et à ne penser à rien et perdent la notion du
temps. Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps, si cela vous
arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent que, lorsqu'elles sont seules, elles
se parlent tout haut. Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps,
si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent qu'elles peuvent agir de façon si différente
dans une situation par rapport à une autre situation qu'elles ont
presque l'impression d'être deux personnes différentes. Indiquez sur
la ligne, en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle
fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent que, parfois, dans certaines situations,
elles sont capables de faire des choses qu'elles trouvent habituellement
difficiles (p. ex., sports, travail situations sociales, etc.) avec
une facilité et une spontanéité incroyables. Indiquez sur la ligne,
en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent parfois qu'elles ne peuvent pas se
souvenir si elles ont fait quelque chose ou simplement pensé à le
faire (p. ex., ne pas savoir si on a juste posté une lettre ou si
on a seulement pensé à la poster). Indiquez sur la ligne, en pourcentage
de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent des preuves qu'elles ont fait des choses
qu'elles ne se souviennent pas avoir faites. Indiquez sur la ligne,
en pourcentage de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent parfois des écrits, des dessins ou
des notes dans leurs affaires dont elles doivent être l'auteur mais
dont elles ne se souviennent pas. Indiquez sur la ligne, en pourcentage
de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes trouvent parfois qu'elles entendent des voix
dans leur tête qui leur disent quoi faire ou font des commentaires
sur ce qu'elles font. Indiquez sur la ligne, en pourcentage de temps,
si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
- Certaines personnes ont parfois l'impression qu'elles regardent
le monde à travers un brouillard si bien que les gens et les objets
leur semblent lointains et brouillés. Indiquez sur la ligne, en pourcentage
de temps, si cela vous arrive et à quelle fréquence.
0 % | _____________________ | 100 %
ANNEXE D - INTERVENTION VISANT À GÉRER LES FLASHBACKS
ET INTERVENTION VISANT À AIDER LES CLIENTS À PRENDRE CONSCIENCE D'EUX-MÊMES
DANS LE PRÉSENT
Les interventions suivantes ont été présentées par Yvonne Dolan à un
congrès organisé à Baltimore, Maryland, en novembre 1992.
Intervention visant à gérer les flashbacks
(Approche en quatre étapes en réponse aux flashbacks qui se produisent
dans la vie quotidienne)
Les quatre étapes suivantes aideront la cliente à mieux comprendre
et donc à mieux contrôler ses expériences de flashback à l'intérieur
et à l'extérieur du milieu thérapeutique :
- « Décrivez ce que vous ressentez. Quand avez-vous déjà ressenti
cela? Dans quelle situation étiez-vous la dernière fois que vous avez
ressenti cela? »*
- « En quoi la situation actuelle et la situation passée se ressemblent-elles?
Par exemple, est-ce que le lieu, l'époque de l'année ou ce que vous
voyez, ce que vous entendez ou ce que vous ressentez sont semblables
d'une façon ou d'une autre à la situation passée où vous avez éprouvé
la même chose. Si cela fait intervenir une autre personne, cette personne
ressemble-t-elle à une personne du passé qui a suscité des sentiments
similaires? »,/li>
- « En quoi votre situation actuelle est-elle différente de la situation
passée où vous avez éprouvé la même chose? En quoi êtes-vous différente,
en quoi votre expérience sensorielle, les circonstances de votre vie
actuelle et vos ressources personnelles sont-elles différentes? En
quoi le milieu est-il différent? Si la situation fait intervenir une
ou plusieurs autres personnes, en quoi sont-elles différentes de la
ou des personnes de la situation passée? »
- « Voulez-vous prendre des mesures, et lesquelles, pour vous sentir
mieux dans la situation actuelle? » Par exemple, un flashback peut
indiquer qu'une personne est de nouveau dans une situation qui présente
un certain danger. Si c'est le cas, il faut prendre des mesures d'autoprotection
pour modifier la situation actuelle. Par ailleurs, un flashback peut
simplement indiquer qu'un vieux souvenir a été déclenché par une ressemblance
sans conséquence mais hautement évocatrice avec le passé comme une
certaine couleur, une odeur, un son, etc. Dans ce cas, il faut donner
des messages correcteurs rassurants et réconfortants au moi pour neutraliser
les vieux souvenirs traumatisants. On peut utiliser à cette fin des
signaux associatifs évocateurs de confort et de sécurité.
* Si la cliente est incapable d'identifier quand elle a ressenti
la même chose dans le passé, on peut faire appel aux ressources
de l'inconscient pour l'aider à accéder à l'information et à la
compréhension nécessaires à la résolution.
Intervention visant à aider les cliente à
prendre conscience d'eux-mêmes dans le présent
Cette intervention utilise l'hypervigilance des clients pour les aider
à se détendre et à se centrer dans le présent.
Les clients qui sont dissociés ou qui veulent induire une détente physique
sont invités à faire ce qui suit :
- Nommez 5 choses que vous voyez
- Nommez 5 choses que vous entendez
- Nommez 5 choses que vous sentez
- Nommez 4 choses que vous voyez
- Nommez 4 choses que vous entendez
- Nommez 4 choses que vous sentez
- Nommez 3 choses que vous voyez etc.
- Nommez 2 choses que vous voyez etc.
- Nommez 1 chose que vous voyez etc.
Chaque fois que le client identifie quelque chose qu'il voit, qu'il
entend ou qu'il sent, il doit dire, « Je vois ..., je vois ..., je vois
..., je vois ..., je vois ..., j'entends ..., j'entends ..., j'entends
..., etc. » Cette répétition rythmique apporte calme et détente.
Il est tout à lait acceptable de nommer le même objet, le même son
ou la même sensation deux ou plusieurs fois de rang. On peut faire l'exercice
en silence ou à haute voix. On peut le répéter aussi souvent que nécessaire.
Il arrive que le client ne sache plus où il en est dans l'exercice.
Il recommence simplement là où il pense qu'il a abandonné.
Cette technique réussit surtout si le client est assis
ou tranquille. On peut la pratiquer dans un environnement calme ou mouvementé.
Il ne faut pas l'utiliser lorsqu'on conduit un véhicule.
ANNEXE E - COMPORTEMENTS QUI FAVORISENT LE PROCESSUS
DE GROUPE
LES BONNES EXPÉRIENCES DE GROUPE NE SE PRODUISENT PAS PAR ENCHANTEMENT!
Elles sont le résultat de l'engagement et de la participation des personnes
présentes. Nous allons passer un certain nombre d'heures ensemble. Vous
serez libre de parler beaucoup ou peu de vous, à votre gré. Aucun d'entre
vous ne sera forcé de parler de lui plus qu'il n'en a envie. Vous êtes
donc invité à lire les pages qui suivent, à y réfléchir et à discuter
des qualités qui sont à la base d'un bon travail de groupe.
- LE PARTAGE EST ESSENTIEL. Vos pensées, vos sentiments et
vos expériences constituent la vie même du groupe. Nous en avons tous
besoin pour faire des découvertes, approfondir les choses et faire
du chemin ensemble.
- Exprimez des SENTIMENTS, pas simplement des idées. Les sentiments
sont les meilleurs indicateurs de ce à quoi les gens accordent de
l'importance. Pour cela, il faut être en contact avec ses sentiments.
Prenez le temps d'y réfléchir et essayez de les identifier clairement.
- L'expression de SENTIMENTS NÉGATIFS peut, à l'occasion, être
également utile. Les sentiments non exprimés créent des blocs
ou s'écoulent bêtement sans servir à rien.
- Faites preuve de respect, d'attention et de SOUTIEN VIS-À-VIS
DE CHAQUE PERSONNE PRÉSENTE DANS LE GROUPE. Plus chacun ressent
de confiance, plus l'anxiété diminue et plus profondément on peut
explorer les questions qui se posent à nous.
- LE SOUTIEN A BESOIN D'ÊTRE EXPRIMÉ. Ne vous dites pas que
les gens savent bien que vous les soutenez. Ils ne le savent pas tant
que vous ne l'aurez pas montré.
- EN RABROUANT LES GENS, ON LES INCITE À SE FERMER et on va à l'encontre
de l'effet recherché
.
- LA CONFRONTATION POSITIVE EST ACCEPTABLE et nécessaire. Confronter
quelqu'un, c'est lui présenter une idée nouvelle ou opposée aux fins
de reconnaissance, d'accord, de contradiction ou de clarification.
La confrontation permet d'identifier où se situent les gens et ce
à quoi ils accordent de l'importance.
- Confrontez les gens avec leurs POINTS FORTS non utilisée tout
autant qu'avec leurs faiblesses. Confrontez-les afin de les aider
à grandir.
- L'accusation et le ridicule ne feront que susciter l'HOSTILITÉ
et créer des blocs. Évitez-les.
- ÉVITEZ DE CHERCHER À IMPOSER VOTRE POINT DE VUE PAR L'ARROGANCE
ou par des barrages d'arguments
.
- LE BUT DE NOTRE GROUPE N'EST PAS DE GAGNER MAIS DE GRANDIR.
Vous n'avez pas besoin d'adoucir vos opinions mais vous pouvez les
affirmer d'une façon qui donne aux gens l'espace nécessaire pour manuvrer
et répondre de façon positive.
- Essayez d'ÉVITER DE DEVENIR DÉFENSIF. Prenez conscience du
fait que vous êtes entre amis. Voyez les confrontations comme une
invitation à l'exploration de soi.
- Pour porter des fruits, la discussion requiert que l'on soit
OUVERT AUX CHANGEMENTS
.
- NE VOUS ÉLOIGNEZ PAS DU SUJET. Ne partez pas dans tous les
sens.
- PARLEZ POUR VOUS. Évitez d'utiliser « nous » lorsque vous
voulez dire « je ». Ne partez pas pour le groupe sans offrir aux autres
une chance d'être ou de ne pas être d'accord.
- N'UTILISEZ PAS DES SUBSTITUTS POUR « JE » comme « on penserait
» ou « tout le monde est d'accord ». Assumez la responsabilité de
ce que vous dites.
- PARLEZ SURTOUT DE VOUS. Il y a croissance essentiellement
lorsque les membres du groupe appliquent le sujet de la discussion
à leur propre vie.
- ADRESSEZ-VOUS INDIVIDUELLEMENT AUX PERSONNES PRÉSENTES. Les
séries de monologues adressés au groupe tout entier peuvent être mortelles.
- AIDEZ LES AUTRES À EXPLORER ET À DÉVELOPPER les idées et
les sentiments qu'ils expriment.
- VOUS N'ÊTES NI UN THÉRAPEUTE NI UN JUGE. Votre rôle n'est
pas de remettre les autres sur le bon chemin ou de résoudre leurs
problèmes mais de partager, d'aider et d'encourager.
- EXPRIMEZ VOS DÉSACCORDS COMME REPRÉSENTANT VOS IDÉES et non la
vérité absolue. Trouvez des points communs et des secteurs d'accord
avant d'exprimer votre opposition.
- DITES CE QUE VOUS AVEZ À DIRE AU GROUPE. Les choses que vous
dites à vos amis sur le groupe, avant, après ou entre les réunions
sont souvent les choses mêmes qui devraient être exprimées dans le
groupe. Il ne doit y avoir qu'une conversation à la fois dans le groupe.
- VENEZ AUX RÉUNIONS. Si une personne manque une réunion, la
dynamique du groupe est modifiée. Il arrive souvent que la personne
qui s'est absentée ne puisse pas rattraper ce qui s'est passé parce
qu'elle n'a pas fait l'expérience de ce qui est véritablement arrivé.
Le groupe a besoin de votre présence.
- AMUSEZ-VOUS. La vie est trop courte pour que l'on passe du
temps à faire ce que l'on n'aime pas. Aidez les autres à être heureux
par votre chaleur, votre amitié et votre attention.
(Élaboré par le Halton Sexual Abuse Treatment Program
d'Oakville, Ontario.)
ANNEXE F - QUESTIONNAIRE DEAN A L'INTENTION DES ADOLESCENTS
Entourez d'un cercle votre réponse
- J'ai eu peur de parler à quiconque de certaines de mes expériences.VRAI
FAUX
- J'entends quelquefois des disputes dans ma tête et cela me trouble.
VRAI FAUX
- Quand j'étais très jeune, je prétendais avoir un compagnon de
jeu que personne ne connaissait.VRAI FAUX
- Quelquefois, quand j'écris, j'ai l'impression que quelqu'un d'autre
me guide la main.VRAI FAUX
- Il arrive souvent, quand je regarde dans la glace, que la couleur
de mes cheveux semble changer.VRAI FAUX
- Quand je mange, il arrive que « je » n'arrive pas à goûter la
nourriture.VRAI FAUX
- Quand je fais du sport avec des amis, il m'arrive de jouer vraiment
bien pendant un match et, la fois suivante,
j'ai l'impression que je n'ai jamais joué de ma vie. VRAI FAUX
- Quelquefois, quand je dors la nuit, j'ai l'impression d'être éveillé
et d'avoir une conversation avec des gens. VRAI FAUX
- Je suis troublé quand des gens insistent sur le fait qu'ils me
connaissent alors que je ne les ai jamais rencontrés. VRAI FAUX
- Mon écriture change souvent. VRAI FAUX
- J'ai regardé dans la glace et j'ai vu quelqu'un d'autre que moi.
VRAI FAUX
- Quelque chose de terrible m'est arrivé mais je ne sais pas ce
que c'était. VRAI FAUX
- Je ne me souviens pas d'un grand nombre de choses que les gens
disent m'être arrivées. VRAI FAUX
- Il m'arrive d'être avec des amis et de ne pas me souvenir comment
j'ai fait pour être là. VRAI FAUX
- J'ai l'impression d'avoir complètement perdu une partie de ma
mémoire. VRAI FAUX
- Quand je m'habille, j'ai du mal à décider quoi porter parce qu'il
me semble que certaines parties de moi veulent porter quelque chose
de différent de ce que moi je veux porter. VRAI FAUX
- J'ai entendu dire que les gens qui entendent des voix dans leur
tête sont fous et je pense quelquefois que je suis peut-être fou
parce que j'ai entendu des voix aussi. VRAI FAUX
- J'ai le sentiment que personne n'a jamais été capable de m'aider.
VRAI FAUX
- J'ai de graves maux de tête et personne n'a pu découvrir pourquoi.
VRAI FAUX
- J'ai l'impression qu'il m'est arrivé des choses dont je ne pourrai
jamais parler à personne mais je ne sais pas ce que c'est. VRAI
FAUX
- Mes jambes et mes bras et quelquefois mes mains bougent et moi
je ne les bouge pas. VRAI FAUX
- Je me suis regardé faire des choses et parler à des gens mais
je ne pouvais pas parler. VRAI FAUX
- Pour moi le temps est discontinu. VRAI FAUX
- Je fais des quantités de choses à la fois et je ne comprends pas
vraiment comment c'est possible. VRAI FAUX
- J'ai été accusé de voler mais je sais que je n'ai jamais rien
volé. VRAI FAUX
- Des choses sont apparues dans ma chambre que j'ai été accusé d'avoir
volées mais je sais que je ne les ai pas volées. VRAI FAUX
- Mes parents me disent que je mens tout le temps. VRAI FAUX
- J'aime mentir. VRAI FAUX
- J'ai volé des choses pour mettre mes parents en colère. VRAI FAUX
- J'aime causer des problèmes aux gens. VRAI FAUX
- Quelquefois, je me regarde faire quelque chose qui va me causer
des ennuis mais je ne peux pas m'arrêter. VRAI FAUX
- Ma vision change tout le temps mais personne ne me croit. VRAI
FAUX
- J'ai mangé des repas entiers sans me souvenir d'avoir mangé. VRAI
FAUX
- J'ai des choses favorites dans ma chambre à la maison mais j'ai
l'impression que certaines appartiennent à quelqu'un d'autre. VRAI
FAUX
- Mes parents m'ont accusé de parler tout seul. VRAI FAUX
- J'ai été maltraité par beaucoup de gens. VRAI FAUX
- Quelquefois, quand je vais à l'école, je ne sais pas de quoi l'enseignante
ou l'enseignant parle, comme si j'avais perdu
une partie du cours. VRAI FAUX
- À l'école, j'ai une mauvaise mémoire pour certains sujets que
je pensais bien connaître. VRAI FAUX
- Il y a en moi une partie violente dont je n'ai pas parlé au médecin.
VRAI FAUX
- Quelquefois, j'ai l'impression que j'ai peut-être fait quelque
chose de terrible mais je ne sais pas ce que ça pourrait être. VRAI
FAUX
- Je me retrouve dans un état de panique lorsque je suis près de
certaines personnes et je ne sais pas pourquoi. VRAI FAUX
- Il m'est arrivé plusieurs fois de ne pas savoir qui j'étais ni
même comment je m'appelais. VRAI FAUX
- Quelquefois, je me donne un autre nom. VRAI FAUX
- Je prétends que je me rappelle certaines choses alors que je ne
peux pas vraiment m'en souvenir. VRAI FAUX
- Quelquefois, je parle à un ami et je ne sais pas comment mais
je disparais et j'apparais plus tard ailleurs. VRAI FAUX
- Les gens me disent que j'ai souvent le regard fixe. VRAI FAUX
- À l'école, les enseignants me rappellent sans cesse à l'ordre.
VRAI FAUX
- Il arrive souvent, quand les gens me parlent, que j'aie l'impression
qu'ils parlent à quelqu'un d'autre. VRAI FAUX
- Une fois, j'ai vraiment vu une personne tuer quelqu'un. VRAI FAUX
- Je me cache des choses à moi-même tout le temps. VRAI FAUX
- Mes amis ne m'aiment pas vraiment parce qu'ils ne savent pas vraiment
qui je suis. VRAI FAUX
- J'ai vu mourir quelqu'un en vrai. VRAI FAUX
- Je n'aime pas parler des choses qui me troublent parce que, quelquefois,
ça me fait disparaître en moi-même. VRAI FAUX
- Quand je disparais en moi-même j'entends les gens qui m'appellent
mais je n'ai pas la possibilité de répondre et cela me fait très
peur. VRAI FAUX
- J'ai été violé et je ne peux pas en parler. VRAI FAUX
- Ma plus grande peur est que quelqu'un me fasse mal. VRAI FAUX
- Quelquefois, je suis en train de faire quelque chose et tout d'un
coup, je ne peux plus du tout penser à ce que je fais parce que
mon esprit est complètement vide. VRAI FAUX
- J'ai été rempli de rage et je n'ai pas compris pourquoi. VRAI
FAUX
- On m'a dit que je roulais des yeux. VRAI FAUX
- Quelquefois, je veux faire quelque chose et mon corps semble vouloir
faire quelque chose d'autre. VRAI FAUX
- Si j'arrive jamais à découvrir ce qui ne va pas chez moi, je travaillerai
dur à me guérir. VRAI FAUX
- Il y a des gens qui pensent que je suis un problème pour la société
mais ils ne peuvent pas m'aider non plus. VRAI FAUX
- Il m'arrive quelquefois de manger des choses que je n'aime pas.
VRAI FAUX
- Je ne peux pas toujours sentir les odeurs même quand je n'ai pas
de rhume. VRAI FAUX
- Quelquefois, je réponds aux questions des examens et je ne sais
pas d'où vient la réponse. VRAI FAUX
- J'ai participé à des activités de culte et j'ai pour de l'admettre.
VRAI FAUX
- On m'a menacé de devoir garder un gros secret. VRAI FAUX
- J'ai perdu des jours à la fois et je ne peux pas expliquer comment.
VRAI FAUX
- La plupart des gens qui ont essayé de m'aider ne me posent pas
les bonnes questions sur moi-même. VRAI FAUX
- J'ai été constamment présent pendant l'administration de ce test.
VRAI FAUX
- Il y a une partie de moi qui est enfantine et je suis embarrassé
quand les gens me disent que j'ai agi de nouveau comme un enfant.
VRAI FAUX
- Quelqu'un en moi m'a dit de faire des choses que je ne veux pas
faire. VRAI FAUX
- Je vois rarement des choses qui ne sont pas là. VRAI FAUX
- Les voix dans ma tête sont quelquefois tellement claires qu'elles
me font peur. VRAI FAUX
- J'aime bien répondre à ce test parce que j'ai l'impression que
vous pourriez m'aider. VRAI FAUX
- Quelquefois j'ai l'impression que je suis fait de beaucoup de
parties différentes. VRAI FAUX
- Je suis troublé quand je me mets très en colère avec quelqu'un
que j'aime et je ne peux pas expliquer ce qui s'est passé parce
que je ne
sais pas. VRAI FAUX
- J'ai essayé de prendre des drogues pour couvrir mes expériences.
VRAI FAUX
- Il y a une partie de moi qui veut prendre des drogues et j'essaie
d'en garder le contrôle. VRAI FAUX
- J'ai entendu des voix dans ma tête qui m'ont convaincu de me tuer.
VRAI FAUX
- Quelquefois j'éclate de rire et je ne peux pas arrêter. VRAI FAUX
- Je me retrouve en train de pleurer et je ne comprends pas pourquoi
j'ai les yeux mouillés parce que ce n'était pas « moi » qui pleurait.
VRAI FAUX
- Il arrive souvent que je n'aie pas de sensations dans certaines
parties de mon corps et je ne peux pas expliquer pourquoi. VRAI
FAUX
- J'ai trouvé des lettres que je ne me souviens pas avoir écrites
mais elles étaient signées de moi. VRAI FAUX
- La question qui m'a le plus troublé était la question nº___. VRAI
FAUX
- Je ne me souviens pas avoir déjà répondu à ce test. VRAI FAUX
- Ma plus grande peur aujourd'hui est que personne ne découvre ce
qui ne va pas chez moi car je penserai alors que je suis vraiment
fou. VRAI FAUX
- Je crois que, quand j'étais petit, il m'est arrivé quelque chose
qui explique pourquoi je fais ces choses bizarres. VRAI FAUX
- Il faut me rappeler plusieurs fois les choses que je devrais faire
et que je pensais avoir faites. VRAI FAUX
- Il y a des gens dont je ne dois pas m'approcher parce que j'ai
pensé à les tuer. VRAI FAUX
- J'ai été gravement battu. VRAI FAUX
- Il arrive qu'une partie de mon corps fonctionne et que je ne puisse
pas amener l'autre partie à bouger. VRAI FAUX
- Je mens beaucoup parce que je ne sais plus où est la vérité. VRAI
FAUX
- Je ne pense pas que personne ait fait les mêmes expériences que
moi et cela me fait peur. VRAI FAUX
- Je sais que je ne mens pas à mes parents mais ils me disent que
je mens tout le temps. VRAI FAUX
- Quelquefois, j'ai l'impression d'avoir dormi toute la journée
et qu'une autre partie de moi a pris la relève et a vécu à ma place.
VRAI FAUX
- Je serai très heureux si vous découvrez ce qui ne va pas chez
moi. VRAI FAUX
- Je ne veux pas que mes amis soient au courant de mon problème.
VRAI FAUX
- Je n'ai jamais éprouvé de sentiment. J'ai juste fait semblant.
VRAI FAUX
- J'ai l'impression d'avoir perdu le contrôle de moi-même et j'ai
besoin d'aide. VRAI FAUX
Veuillez écrire, si vous le désirez, ce que vous voulez que votre
médecin sache de vos expérience.
Date de naissance : _________________
Sexe : M F
Taille : ___________________________
Poids : ___________________________
Dernière année d'école : _____________
Date du test : ______________________
Gwen L. Dean, Ph.D.
(213) 373-1630
© Gwen L. Dean, Ph.D., 1985
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