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Agence de santé publique du Canada

Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza dans le secteur de la santé

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Annexe E
Recommandations sur la planification de l'utilisation des médicaments antigrippaux (antiviraux) au canada durant une pandémie

Date de la version la plus récente : octobre 2006

Sommaire des changements d'importance :

  • Reflète la création de la « Réserve nationale d'antiviraux » et fourni de l'information sur la taille, l'utilisation et la compotions de la réserve.
  • Comme les références spécifiques aux « groupes prioritaires » ne correspondent plus aux décisions prises jusqu'aujourd'hui concernant l'utilisation de la réserve, celles-ci ont été supprimées.
  • Contient des données scientifiques mises à jour, des informations de réglementation, des décisions des politiques et des connaissances basées sur l'expérience acquise depuis la dernière version (2004).
  • Utilise la nouvelle terminologie des phases de pandémie.

Table des matières

1.0 Introduction
2.0 Rôle des antiviraux
3.0 Classes de médicaments antiviraux (antigrippaux)
3.1 Inhibiteurs de laneuraminidase
3.2 Inhibiteurs du canal ionique M2 (amines cycliques ou adamantanes)
4.0 Réserve nationale d'antiviraux
4.1 Taille de la réserve nationale d'antiviraux
4.2 Utilisation de la réserve nationale d'antiviraux
4.3 Composition de la réserve nationale d'antiviraux
5.0 Principes de planification et recommandations principales
6.0 Questions en suspens

Références


1.0 Introduction

Cette annexe vise à présenter de l'information et des recommandations qui aideront les planificateurs de la pandémie à élaborer et à améliorer leurs stratégies antivirales respectives. Les recommandations du Comité sur la pandémie de l'influenza (CPI) ont pour objet de normaliser l'usage des antiviraux dans l'ensemble du Canada au cours d'une pandémie d'influenza et de jeter les bases d'une stratégie antivirale nationale efficace, équitable, souple et éclairée. Il faudra réexaminer l'ensemble des recommandations et des plans de mise en œuvre après l'apparition d'une souche de pandémie afin de vérifier si la stratégie mise en œuvre tient compte des changements survenus dans les données épidémiologiques ou autres (p. ex. résistance aux antiviraux, traitement optimal).

2.0 Rôle des antiviraux

L'administration d'un vaccin efficace est la toute première intervention en santé publique lors d'une pandémie. Toutefois, la production du vaccin nécessite l'acquisition du virus semence et par conséquent, elle ne peut s'amorcer tant que le virus pandémique n'a pas infecté l'humain. Une fois que les fabricants disposeront d'une souche semence adéquate, on prévoit que la production du vaccin demandera au moins trois à quatre mois et que l'accessibilité des doses sera chaotique et limitée. De plus, chaque personne pourrait avoir besoin de recevoir deux doses du vaccin pour être protégée.

Pour le moment, les médicaments antiviraux (antigrippaux) constituent la seule intervention médicale spécifique dirigée contre l'influenza qui sera potentiellement accessible durant l'intervention initiale lors d'une pandémie. Les médicaments antiviraux peuvent être utilisés pour prévenir l'influenza et, contrairement aux vaccins, ils peuvent aussi être employés pour traiter des cas de maladie qui ont été détectés de façon précoce. Même si de bonnes preuves établissent que ces médicaments réduisent les complications de l'influenza, rien n'indique qu'ils réduisent la mortalité liée à la maladie. La protection offerte par les antiviraux est pratiquement immédiate et elle n'inhibe pas la réponse aux vaccins antigrippaux inactivés. Il sera essentiel d'utiliser ces médicaments de façon stratégique au cours de la période pandémique cruciale si l'on veut, d'une part, réussir à réduire au minimum les maladies graves et,les décès et d'autre part, les perturbations sociales découlant d'une pandémie d'influenza au Canada.

Avant l'incident d'influenza aviaire de Hong Kong en 1997, les antiviraux n'étaient pas considérés comme une composante de l'intervention canadienne en cas de pandémie, notamment en raison de leur coût. Durant l'éclosion de Hong Kong, plusieurs pays ontrapidement écoulé les approvisionnements mondiaux de médicaments antigrippaux. À la lumière des leçons tirées depuis 1997 et de l'approbation pour la vente de nouveaux agents antiviraux (les inhibiteurs de la neuraminidase), le Groupe de travail sur les antiviraux du CPI a été formé afin d'élaborer des options, des recommandations et des directives sur l'utilisation des antiviraux. La recommandation principale de ce groupe de travail, qui a reçu le soutien du CPI par la suite, a été la nécessité de constituer une provision d'antiviraux au Canada afin d'atténuer les conséquences d'une pandémie d'influenza.

La réserve nationale d'antiviraux a été créée à l'automne 2004. Cette réserve mise à part, la provision d'antiviraux du Canada est limitée. Ces médicaments ont été relativement peu utilisés jusqu'ici au Canada. Durant les saisons grippales annuelles, ils ont servi essentiellement à lutter contre les éclosions dans les centres de soins de santé et de soins de longue durée. Au cours de l'éclosion d'influenza aviaire qui a touché la Colombie-Britannique en 2003, ils ont également été utilisés, en raison de leurs rôles dans la lutte contre les éclosions, pour le traitement prophylactique des personnes exposées à cette maladie (p. ex. les préposés à l'abattage). L'histoire de la demande étant restreinte, les fabricants ont été peu portés à emmagasiner des quantités importantes de ces produits au Canada, qui sont donc peu connus des praticiens et de la population.

3.0 Classes de médicaments antiviraux (antigrippaux)

Deux classes de médicaments antiviraux sont approuvées actuellement au Canada pour la prévention et/ou le traitement de l'influenza : les inhibiteurs du canal ionique M2 et les inhibiteurs de la neuraminidase. Il existe des différences importantes sur le plan de la pharmacocinétique, des effets secondaires et de la résistance aux médicaments entre ces deux classes. Ces caractéristiques de rendement et les coûts devraient être pris en considération lors du choix des médicaments spécifiques à utiliser dans la prophylaxie ou le traitement. Des renseignements sommaires sur ces médicaments figurent dans le tableau qui suit.

3.1 Inhibiteurs de la neuraminidase

L'oseltamivir (Tamiflu) et le zanamivir (Relenza) sont les deux inhibiteurs de la neuraminidase qui sont approuvés actuellement au Canada. Ce sont actuellement les seuls inhibiteurs de la neuraminidase sur le marché mondial, mais d'autres agents, le peramivir par exemple, sont en voie d'élaboration. L'oseltamivir et le zanamivir inhibent la réplication des virus d'influenza A et B de trois manières : 1) ils empêchent la libération des virus par les cellules infectées, 2) ils provoquent l'agrégation des virus et 3) ils peuvent améliorer l'inactivation des virus par les sécrétions des muqueuses respiratoires. Les médicaments sont bien tolérés et ils ont été utilisés de façon efficace dans la prophylaxie et le traitement de l'influenza A et B. Ils sont réputés efficaces contre les virus pandémiques, y compris le H5N1. Les virus H5N1 sont sensibles aux inhibiteurs de la neuraminidase in vitro et il a été prouvé que l'oseltamivir avait protégé des souris contre une pneumonie à influenza H5N1 mortelle induite à titre expérimental, mais à des doses supérieures aux doses habituelles(2).

Les inhibiteurs de la neuraminidase sont efficaces s'ils sont administrés dans les deux jours suivant l'apparition de la maladie(3). On estime que le traitement à l'oseltamivir, s'il est utilisé ainsi, offre certains avantages dont une réduction de 25 à 30 % de la durée des symptômes et une diminution de la gravité de la maladie, une réduction de 59 % des hospitalisations (intervalle : 30 à 70 %), une baisse de 63 % de l'utilisation des antimicrobiens (intervalle : 40 à 80 %) et une réduction de 1 jour des jours de travail perdus à cause du traitement (intervalle : de 0,5 à 1,5 jour)(4). Il n'existe pas de données à l'heure actuelle sur la mesure dans laquelle le traitement à l'oseltamivir permet de réduire la mortalité causée par l'influenza. Dans leur analyse d'impact, Gani et coll. ont postulé que le traitement à l'oseltamivir assurerait une protection de 50 % contre le décès(5) en se fondant sur l'hypothèse qu'une protection de 50 % contre les issues plus graves de l'influenza se traduirait par une protection équivalente contre le décès.

Antiviraux (antigrippaux) homologués actuellement au Canada

Médicament Nom commercial et fabricant Classe Indications Formulation(s) Durée de conservation/stabilité Utilisation(s) prévue(s) durant une pandémie
Oseltamivir TamifluMD,
Hoffmann-
La Roche Inc.
Inhibiteur de la neuraminidase
  • Traitement de l'influenza A et B chez des personnes de 1 an et plus qui présentent des symptômes depuis au plus 2 jours
Gélules (75 mg/gélule) : 10 gélules par emballage-coqueou flacons de 10 et 100 gélules Durée de conservation : 5 ans Gélules pour le traitement précose de ceux qui se sont présentés et nécessitant un traitement.
  • Prévention de l'influenza A et B chez les personnes de 1 an et plus qui ont eu un contact étroit avec une personne infectée
Poudre pour suspension buvable (12 mg/ml après reconstitution) : 900 mg parflacon (volume de 75 ml dans un flacon en verre de 100 ml) Durée de conservation :2 ans Stabilité : après reconstitution, 10 jours au réfrigérateur (à une température de 2 à 8 °C) Suspension buvable pour le traitement des enfants qui pèsent moins de 40 kg et/ou qui ne peuvent avaler les gélules.

Aucune décision n'a été prise à ce moment d'utiliser les médicaments de la réserve nationale pour la prophylaxie. Il est possible qu'une réserveautre que la réserve nationale ait été concue pour cet usage.
Zanamivir RelenzaMD,
GlaxoSmithKline
Inhibiteur de la neuraminidase
  • Traitement de l'influenza Aet B chez des personnesde 7 ans et plus quiprésentent des symptômes depuis au plus 2 jours
ROTADISKMD consistant en un disque rond métallisé regroupant 4 coques contenant chacune 5 mg de zanamivir. Un dispositif d'inhalation DISKHALERMD est fourni pour administrer le médicament (par inhalation). Une boîte contient 5 disques, ce qui équivaut à une cure. Durée de conservation : actuellement 3 ans (la durée de conservation du nouveau produit devrait être de 5 ans) Traitement des groupes prioritaires axé particulièrement sur les femmes enceintes et allaitantes.
Amantadine SymmetrelMD et
EndantadineMD -Bristol
Myers Squibb,
fabricants d'amantadine générique : Dominion Pharmacal,
GenPharm, Medican Pharma, Pharmel, Pharmascience
Inhibiteurs du canalionique M2 (amines cycliques ou adamantanes)
  • Traitement de l'influenza Achez des personnes de 1an et plus
Capsules (100 mg/capsule) : flacons de 100 capsules Durée de conservation : 3 ans* Ce médicament n'a pas été ajouté à la réserve nationale. Il se peut qu'il soit disponible durant une pandémie et devrait être utilisé seulement pour la prophylaxie et seulement si la souche est reconnue comme sensible à l'amantadine.
  • Prévention de l'influenza Achez des personnes de 1 an et plus
Sirop (10 mg/ml) : flacons de 500 ml Durée de conservation : 2 ans
* Remarque : Une étude a établi que l'amantadine était demeurée stable après 25 ans d'entreposage non contrôlé(1). Il se peut que la stabilité d'autres médicaments antiviraux s'étende au-delà de la date d'expiration indiquée actuellement. Si les antiviraux mis en réserve actuellement ne sont pas utilisés avant leurs dates d'expiration respectives, des tests de stabilité seront probablement effectués afin de déterminer s'ils sont toujours efficaces et s'ils devraient être conservés.

Il existe peu de données sur la capacité des inhibiteurs de la neuraminidase à réduire les complications de l'influenza chez les personnes atteintes d'affections concomitantes augmentant le risque de ces complications. Les preuves à l'appui d'un tel effet positif proviennent d'analyses de données rassemblées à partir de nombreuses études indépendantes(6). L'oseltamivir et le zanamivir arrivent tous deux à prévenir l'influenza confirmé en laboratoire dans une proportion de 70 à 90 %(7).

L'oseltamivir et le zanamivir ont été homologués au Canada en 1999 pour le traitement de l'infection due à l'influenza A ou B. Depuis décembre 2003, l'oseltamivir est homologué pour la prophylaxie contre l'influenza au Canada. Le zanamivir n'est pas homologué actuellement pour la prophylaxie. Selon les preuves recueillies jusqu'ici, les inhibiteurs de la neuraminidase risquent moins d'entraîner une résistance en cours de traitement que l'amantadine et les virusrésistants qui se développent sont moins susceptibles d'être transmissibles. À l'heure actuelle, les inhibiteurs de la neuraminidase coûtent plus cher que l'amantadine.

3.2 Inhibiteurs du canal ionique M2 (amines cycliques ou adamantanes)

Les inhibiteurs du canal ionique M2 (l'amantadine et la rimantadine) interrompent le cycle de réplication du virus d'influenza A mais ne sont pas efficaces contre le virus d'influenza B. La rimantadine n'est pas homologuée actuellement au Canada.

L'efficacité de l'amantadine se situe entre 70 et 90 % pour la prévention de la maladie causée par l'influenza A. Si elle est administrée dans les deux jours suivant l'apparition de la maladie, elle peut réduire la durée de la maladie causée par l'influenza A non compliquée d'environ un jour, mais il n'est pas démontré qu'elle réduise les complications de l'influenza. Il a été établi qu'une résistance à l'amantadine se développe rapidement (chez jusqu'à 30 % des receveurs) lorsque ce médicament est employé à des fins de traitement et que ces virus résistants se transmettent rapidement(8).

Le Groupe de travail sur les antiviraux s'est penché sur le rôle que pourraient jouer l'amantadine ou la rimantadine. Rien n'établit que ces médicaments pourraient avoir un rôle à jouer dans le traitement. Ils pourraient être utilisés à des fins prophylactiques au cours d'une éclosion nationale d'influenza aviaire ou d'une pandémie si le nouveau virus était sensible. Il faudrait cependant une autorisation spéciale pour utiliser la rimantadine, qui a moins d'effets secondaires que l'amantadine, car elle n'est pas homologuée à l'heure actuelle au Canada. La plupart des virus H5N1 se sont avérés résistants à ces médicaments.

4.0 Réserve nationale d'antiviraux

4.1 Taille de la réserve nationale d'antiviraux

La création d'une réserve nationale contribue à assurer, par l'entremise du gouvernement, un accès équitable à un stock sûr d'antiviraux partout au Canada en cas de pandémie de l'influenza. La réserve nationale d'antiviraux a été créée à l'automne 2004 à la suite d'un achat conjoint de gélules d'oseltamivir par les gouvernements fédéral et provinciaux/territoriaux (FPT). Elle contenait au départ 16 millions de doses, ce qui, selon les estimations initiales, devait assurer :

  1. le traitement précoce des patients hospitalisés, des travailleurs de la santé, des intervenants sociaux des secteurs de la santé publique et des pandémies, des principaux décideurs de la santé, des personnes à risque élevé de la collectivité et des résidants des établissements de soins de longue durée où sévissent des éclosions;

  2. six semaines de prophylaxie pour un tiers de l'ensemble des professionnels de la santé au Canada (pour les travailleurs de première ligne).

À l'automne 2005, le Groupe de travail sur les antiviraux du CPI a réexaminé les hypothèses utilisées pour établir les estimations initiales et a recommandé que des changements y soient apportés*. Le « scénario modifié » qui a découlé de ces hypothèses ajustées (y compris un taux d'attaque clinique de 25 %, un impact plus marqué sur le plan de la morbidité, une consommation plus élevée de médicaments et une proportion de 50 % des travailleurs de la santé qui sont des « travailleurs de première ligne ») exigerait beaucoup plus de médicaments pour répondre aux besoins des groupes visés antérieurement par la réserve de 16 millions de doses. Le groupe de travail a donc été amené à recommander au CPI d'augmenter grandement la taille de la réserve. Il a également recommandé que le traitement soit accordé à toutes les personnes suffisamment malades pour nécessiter des soins, conformément à l'approche retenue par bon nombre d'autres pays développés.

Au cours d'une réunion conjointe du Conseil des médecins hygiénistes en chef et du Réseau de santé publique en février 2006, des recommandations quant à la taille, à la composition et à l'utilisation de la réserve nationale d'antiviraux ont été présentées de façon officielle. Il a été déterminé que la taille (et la diversité) de la réserve devrait être portée à 55 millions de doses ou 5,5 millions de cures d'inhibiteurs de la neuraminidase. D'après les pandémies antérieureset le modèle Flu-aid conçu aux États-Unis par Meltzer et coll., environ la moitié des personnes qui développent une maladie clinique réclament des soins médicaux au cours d'une pandémie allant de faible à moyenne. Si l'on suppose un taux d'attaque clinique de 35 % pendant la pandémie et que la moitié des malades cliniques demanderait des soins médicaux, 55 millions de doses seraient requises (selon la cure standard actuelle) en présumant que toutes les personnes se présentant en consultation aient besoin d'antiviraux.

La réserve nationale a été distribuée à chaque PT selon un calcul par habitant. Une partie des PT ont choisi d'acheter des stocks supplémentaires d'antiviraux. On estime, au moment de la publication, qu'environ 39 millions de doses d'oseltamivir (y compris les 16 millions de doses de la réserve nationale) ont été mises en réserve par les gouvernements fédéral et PT au Canada. Si les réserves gouvernementales qui ne font pas partie actuellement de la réserve nationale y étaient intégrées, l'objectif de 55 millions de doses pourrait être atteint dès le printemps 2007.

Le contenu de la réserve (nombre de doses et de médicaments) sera évalué régulièrement au fil de l'évolution de la planification et de l'arrivée de données scientifiques et de ressources (notamment des stocks de médicaments) propres à jeter un nouvel éclairage sur la stratégie antivirale. La dernière série de recommandations, portant en particulier sur la taille de la réserve nationale d'antiviraux, vise à faciliter la planification et ne devrait pas être considérée comme une définition des besoins absolus au cours d'une pandémie d'influenza.

* Hypothèses initiales utilisées pour l'estimation des besoins en antiviraux : gravité allant de faible à moyenne, taux d'attaque clinique de 20 %, vague pandémique de six semaines, 33 % des travailleurs de la santé sont des « travailleurs de première ligne ».

4.2 Utilisation de la réserve nationale d'antiviraux

Au départ, la réserve nationale initiale de 16 millions de doses devait servir èa la fois pour le traitement et les indications de prophylaxie; cette réserve aurait suffit pour un nombre limité de groupes prioritaires convenus au niveau national. Avec l'expansion de la réserve jusqu'à 55 millions de doses, la stratégie a du être révisée et est décrite ce-dessous.

Traitement précoce (traitement dans les 48 heures suivant l'apparition des symptômes)

Au moment d'une pandémie, les médicaments de la réserve nationale devraient servir pour le traitement précoce de toutes les personnes atteintes d'un syndrome grippal (présumé influenza pandémique) qui sont suffisamment malades pour nécessiter des soins et qui recevraient une évaluation médicale dans les 48 heures suivant l'apparition des symptômes. Il se peut que les priorités de la stratégie antivirale doivent encore être établies au moment de sa mise en œuvre, par exemple si l'on juge que le traitement exige plus de 10 doses ou si la réserve n'est pas encore complètement constituée. S'il est alors recommandé de fixer des priorités de traitement, les doses de la réserve nationale seraient données aux personnes atteintes de SG considérées comme le plus à risque de morbidité grave et de mortalité selon les données disponibles.

De nombreuses publications et études de modélisation parues, en particulier au cours de l'année écoulée, insistent sur l'importance d'un traitement précoce (par opposition à la prophylaxie), qui serait la façon la plus efficace de prévenir les hospitalisations et les décès chez les personnes à risque élevé et la population en général. D'après les estimations de l'impact d'une pandémie, le traitement antiviral devrait être économique dans le cadre de plusieurs stratégies de traitement. Une étude internationale récente a montré que le traitement à visée thérapeutique et la prophylaxie post-exposition étaient tous les deux économiques, le rapport coûts-avantages variant entre 2,44 et 3,68(4). On est en train d'établir des modèles canadiens et, selon les premières indications, le traitement est la stratégie la plus rentable.

Offrir rapidement aux personnes qui peuvent en tirer profit un traitement sûr et efficace permettant de restreindre le plus possible le tort causé (le risque de complications de l'influenza, dans le cas présent) ou, mieux encore, de l'éliminer complètement, est une obligation éthique. Le principal défi d'une stratégie axée sur le traitement est de pouvoir offrir des médicaments rapidement aux personnes malades. Les inhibiteurs de la neuraminidase ne sont efficaces que s'ils sont administrés dès que possible, idéalement dans les 12 heures, mais certainement dans les 48 heures suivant le début de la maladie. La fourniture des médicaments revient essentiellement aux PT et aux administrations locales. Comme les stocks actuels d'antiviraux ont été attribués selon un calcul par habitant, les cures devraient être fournies par le biais du point de distribution local, peu importe que la personne ait ou non des liens avec le système fédéral (p. ex. qu'elle vive dans une réserve des Premières nations ou qu'elle travaille pour le gouvernement fédéral).

Prophylaxie

Tant le Groupe de travail sur les antiviraux que le CPI reconnaissent que le traitement prophylactique des travailleurs de la santé, des principaux décideurs, des intervenants en santé publique et des intervenants sociaux (voir les définitions dans le glossaire) pourrait contribuer à l'atteinte des objectifs canadiens en cas de pandémie, qui sont de réduire au minimum la morbidité grave et la mortalité ainsi que les perturbations sociales. Le traitement prophylactique des travailleurs de la santé permettrait à ces derniers de demeurer en place à un moment où l'on a grandement besoin d'eux et d'offrir une stratégie efficace de traitement précoce à l'ensemble de la population. On ignore si les travailleurs de la santé courront un risque accru dans leur milieu de travail car, contrairement à ce qui s'est produit pendant la crise du SRAS, ils prendront des précautions pour lutter contre l'infection et porteront un équipement de protection individuelle. Leur risque d'exposition sera identique à celui de tous les autres membres de la collectivité. S'ils devaient commencer à être malades au moment où ils travailleront dans le milieu des soins de santé, ils pourraient exposer les patients vulnérables et les résidants des unités fermées, ce qui pourrait provoquer des éclosions. Un traitement prophylactique antiviral de l'ensemble des résidants et du personnel non vacciné permet habituellement de lutter contre les éclosions d'influenza dans les centres de soins de santé (pendant la saison de l'influenza annuelle). En cas de pandémie, un stock semblable d'antiviraux pour lutter contre les éclosions dans ces centres serait précieux, car il permettrait d'éviter des hospitalisations et de sauver des vies.

Il importe aussi de reconnaître qu'au-delà de l'objectif du Plan, il y a aussi celui d'assurer la continuité des opérations et une protection individuelle optimale. La question de la prestation d'antiviraux à des fins prophylactiques a également été soulevée dans ce contexte, et elle vient s'ajouter aux efforts déployés par les gouvernements et le secteur privé pour élaborer des plans adéquats de continuité des opérations.

La prophylaxie antivirale exige beaucoup plus de médicaments que le traitement précoce. La quantité de médicaments requise pour assurer un traitement prophylactique à une seule personne pendant six semaines permettrait d'assurer un traitement curatif à quatre ou cinq personnes. La mise en œuvre d'une stratégie prophylactique pose plusieurs problèmes, notamment la détermination du personnel admissible, la nécessité d'ajuster le calendrier d'application à l'épidémiologie locale, l'observance du traitement, le risque de détournement des médicaments (p. ex. vers des membres de la famille) et la nécessité d'utiliser le médicament pour des indications ne figurant pas sur l'étiquette (dans le cas du zanamivir).

Actuellement, il est recommandé de n'utiliser la réserve nationale d'antiviraux qu'à des fins de traitement. Cependant, une démarche nationale, incluant une consultation de la population et des professionnels, est en cours et elle vise à éclairer les décisions concernant les politiques, à savoir si les antiviraux de la réserve nationale devraient être utilisés pour les traitements prophylactiques et à qui ils seraient distribués au cours d'une période de pandémie. Il faudra étudier divers aspects liés au système de soins de santé, aux politiques et à la logistique ainsi que les considérations relatives aux domaines, social, éthique et juridique. Toute décision visant à inclure des indications prophylactiques exigerait un consensus FPT sur la question afin de savoir si la réserve existante devrait être élargie pour cette fonction.

Confinement

On ne connaît pas le rôle et l'impact des antiviraux dans la prévention de la transmission et le ralentissement de la propagation d'un nouveau virus d'influenza. L'utilisation des antiviraux à cette fin dans le cadre des mesures de confinement au cours de la période d'alerte pandémique fait actuellement l'objet de débats.

4.3 Composition de la réserve nationale d'antiviraux

Une fois la réserve de 55 millions de doses constituée, on s'attend à ce qu'elle comprenne environ :

  • 90 % d'oseltamivir (2 millions de doses en solution d'oseltamivir)
  • 10 % de zanamivir

L'ajout du zanamivir à la réserve permet de s'attaquer aux souches résistantes à l'oseltamivir, d'offrir un meilleur traitement aux femmes enceintes et à celles qui allaitent, et de se prémunir contre les difficultés d'approvisionnement en soutenant deux fabricants. La suspension buvable d'oseltamivir servirait à traiter les enfants, les adultes et les patients intubés qui ne peuvent avaler des gélules. Bien que la durée de vie de la suspension buvable d'oseltamivir soit relativement restreinte (2 ans à partir de la date de fabrication), on ne connaît pas pour le moment l'efficacité des gélules d'oseltamivir qui ont été ouvertes et mélangées avec une autre substance (p. ex. la compote de pommes) pour en faciliter l'administration aux enfants ou aux adultes qui ne peuvent avaler des gélules. La décision de stocker de façon continue la suspension buvable d'oseltamivir sera réexaminée en attendant que des données sur d'autres modes de traitement antiviral pour les enfants et les adultes ne pouvant avaler des gélules ne soient recueillies.

Pour le moment, il n'est pas prévu d'inclure des adamantanes dans la réserve nationale. Il est de plus en plus établi que les adamantanes suscitent une résistance dès le départ, contrairement aux inhibiteurs de la neuraminidase. La surveillance continue de la résistance aux antiviraux montre que les inhibiteurs du canal ionique M2 n'ont pas leur place dans la réserve, mais qu'une diversification dans la classe des INA serait avantageuse.

5.0 Principes de planification et recommandations principales

Le Groupe de travail sur les antiviraux et le CPI ont formulé un certain nombre de recommandations au sujet de la stratégie antivirale. La liste qui suit présente un résumé des principes et des recommandations principales aux fins de la planification.

  1. L'utilisation des antiviraux devrait être conforme à l'objectif de la période en cause (p. ex. période interpandémique, période d'alerte pandémique, période pandémique).

    Les recommandations sur l'utilisation des antiviraux au cours des diverses phases d'une pandémie au Canada figurent à l'annexe sur les mesures de santé publique (annexe M) et dans la section Interventions du Plan. L'utilisation de ces médicaments au cours de la période d'alerte pandémique vise à soutenir l'objectif du confinement au cours de cette période. Elle comporte notamment le traitement des cas et la prophylaxie des contacts étroits en cas de transmission interhumaine. Durant la période pandémique, l'utilisation d'antiviraux vise à soutenir les objectifs généraux en cas de pandémie, soit, d'une part, de réduire au minimum les maladies graves et les décès et, d'autre part, les perturbations sociales dans la population canadienne. L'utilisation des antiviraux durant la période pandémique doit donc s'aligner sur la stratégie établie à l'échelle nationale, qui met actuellement l'accent sur le traitement précoce.

  2. Les inhibiteurs de la neuraminidase peuvent servir tant pour le traitement que pour la prophylaxie de l'influenza. Les inhibiteurs du canal ionique M2 (p. ex. l'amantadine) ne devraient être utilisés que pour la prophylaxie et seulement si la souche est reconnue comme sensible.

    Selon la stratégie antivirale, les inhibiteurs de la neuraminidase constituent les médicaments de choix pour le traitement et la prophylaxie du virus pandémique et des nouveaux virus de l'influenza susceptibles de provoquer une pandémie. Il a été démontré que si les inhibiteurs de la neuraminidase sont utilisés à des fins de traitement, ils peuvent prévenir les complications et les hospitalisations. Ils peuvent également prévenir l'influenza. Ils sont moins susceptibles d'engendrer une résistance en cours de traitement que l'amantadine, qui provoque rapidement cette réaction (laquelle se répand rapidement parmi les virus H5N1). Les inhibiteurs de la neuraminidase ont également moins d'effets secondaires que l'amantadine, ce qui facilite l'observance du traitement.

    Le zanamivir peut être une solution de rechange à l'oseltamivir, bien qu'il ne soit pas encore approuvé à des fins prophylactiques au Canada. Comme le médicament est inhalé, seule une petite quantité est absorbée dans l'ensemble de l'organisme. Il pourrait donc être privilégié dans le cas des femmes enceintes et qui allaitent afin de réduire au minimum l'exposition du fœtus ou du nourrisson. Le zanamivir pourrait également demeurer efficace en cas de développement d'une résistance à l'oseltamivir. Il y a toutefois une restriction : le dispositif d'inhalation ne pourrait pas être utilisé avec succès par tout le monde. Autre inconvénient, le zanamivir inhalé ne pourrait pas être efficace pour le traitement si le virus pandémique se répliquait dans tout l'organisme et non pas seulement dans les voies respiratoires.

  3. Le traitement à l'aide des inhibiteurs de la neuraminidase devrait être amorcé dans les 48 heures suivant l'apparition des symptômes.

    Comme la réplication du virus de l'influenza dans les voies respiratoires atteint son maximum dans les 24 à 72 heures suivant l'apparition de la maladie, les inhibiteurs de la neuraminidase (qui agissent au stade de la réplication virale) doivent être administrés le plus tôt possible soit, idéalement, dans les 12 heures suivant l'apparition de la maladie, mais certainement dans les 48 heures. Comme on ne possède pas de données sur les avantages des antiviraux amorcés plus de 48 heures après l'apparition de la maladie, le traitement devrait généralement être réservé aux personnes qui se présenteraient dans ce délai, sauf si l'expérience acquise par rapport au virus pandémique indiquait une autre voie à suivre. Vu l'importance du traitement antiviral précoce à l'intérieur du plan du Canada en cas de pandémie, les groupes de planification clinique devraient songer à appliquer cette stratégie au moment où un grand nombre de personnes présenteraient des symptômes cliniques.

  4. Il faudrait surveiller la sensibilité de la nouvelle souche aux antiviraux (tant dans la période d'alerte pandémique que dans la période pandémique).

    Il est essentiel de surveiller la pharmacorésistance pour s'assurer que les antiviraux ont l'effet désiré et que les ressources sont optimalisées. C'est le Laboratoire national de microbiologie qui s'acquitte de cette tâche. Des protocoles détaillés sont en voie d'élaboration.

6.0 Questions en suspens

Il reste un certain nombre de questions à examiner en ce qui concerne les antiviraux :

  • Consensus FPT sur l'inclusion ou l'exclusion des indications prophylactiques
  • Mise à jour des lignes directrices cliniques sur l'utilisation des antiviraux
  • Mise au point de documents de communication sur l'utilisation pertinente des antiviraux, qui devraient être distribués au personnel soignant et à la population avant une pandémie
  • Lignes directrices pour la distribution et l'administration des antiviraux, portant notamment sur la sécurité, la surveillance de la distribution des médicaments, l'adoption du traitement et le gaspillage (activité menée surtout au niveau PT)
  • Utilisation de tests diagnostiques pour orienter le traitement antiviral
  • Protocole de surveillance de la résistance aux antiviraux
  • Examen de la déclaration des réactions indésirables et système de surveillance visant à déterminer si des améliorations doivent être apportées à l'intervention en cas de pandémie, notamment en ce qui concerne les délais d'intervention, la capacité d'analyse rapide, la recherche et la diffusion d'information
  • Modélisation des répercussions et du rapport coûts-avantages de diverses stratégies d'utilisation des antiviraux
  • Aspects courants de la stratégie antivirale optimum et son déployment basé sur de nouveaux développements scientifiques (y compris les études de modélisation)
  • Protocoles de surveillance de la durée de conservation des réserves d'antiviraux
  • Possibilités d'utilisation des antiviraux pour des indications ne figurant pas sur l'étiquette

Certaines questions doivent également faire l'objet de recherches plus poussées :

  • Sécurité et efficacité des antiviraux pour le traitement et la prophylaxie des enfants de moins de un an et certains groupes à risque élevé, notamment les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées et les personnes atteintes d'une maladie sous-jacente
  • Sécurité et efficacité de la prophylaxie prolongée
  • Données plus solides sur l'efficacité des inhibiteurs de la neuraminidase par rapport à la réduction des complications, des hospitalisations et de la mortalité
  • Dose efficace et durée de traitement minimales dans le cas de l'influenza compliquée et non compliquée causée par la souche pandémique
  • Utilisation d'un traitement d'association dans diverses populations
  • Amélioration des tests diagnostiques
  • Effets de l'administration d'antiviraux sur la réponse aux vaccins vivants atténués contre l'influenza
  • Mécanisme de résistance aux deux classes d'antiviraux et évaluation des conséquences biologiques (p. ex. infectiosité, virulence) de la résistance
  • Développement de nouveaux antiviraux

La recherche sur le développement et sur l'utilisation des antiviraux dans le traitement des personnes atteintes d'influenza et dans la prévention de l'infection a été définie comme une priorité au cours d'un Atelier national sur les priorités de la recherche sur l'influenza tenu à l'été 2005. Il s'agirait notamment d'études sur des approches nouvelles des antiviraux actuels et de recherches sur le développement et l'évaluation de nouveaux antiviraux. L'Agence de santé publique du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada tiendront des consultations de suivi sur les meilleurs moyens de coordonner et de financer cette recherche. D'autres pays ont tenu des rencontres semblables sur les priorités de la recherche sur l'influenza et l'Organisation mondiale de la Santé a indiqué récemment son intention de concevoir une stratégie mondiale et un plan de travail sur la coordination des antiviraux et la recherche sur les vaccins.

Certaines des questions importantes sur l'efficacité des protocoles de traitement ne peuvent trouver réponse qu'au moment de l'émergence des souches pandémiques. Il faudra faire des essais cliniques rapides pour déterminer l'utilisation optimale de ces antiviraux. Au Canada, un Réseau de recherche sur les nouvelles maladies infectieuses a été établi afin de rassmbler les chercheurs universitaires et gouvernementaux avantque ne se produise une urgencemassive pour que des études de recherche soient rapidement lancées lors d'une pandémie. À mesure que ses travaux avanceront, le développement de protocoles et de mécanismes de recherche pour l'approbation éthique des projets permettra de mieux faire face à ces préoccupations.

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Références

  1. Scholtissik & Webster. Long-term stability of the anti-influenza compounds - amantadine and rimantadine. Antiviral Res 1997;38:213

  2. Yen HL, Monto AS, Webster R et coll. Virulence may determine the necessary duration and dosage of oseltamivir treatment for highly pathogenic A/Vietnam/1203/04 influenza virus in mice. J Infect Dis 2005;192:665-72

  3. Aoki FY, Macleod MD, Paggiaro P et coll. Early administration of oral oseltamivir increases the benefits of influenza treatment. J Antimicrob Chemother 2003;51:123-29

  4. Balicer RD, Huerta M, Davidovitch N et coll. Cost benefits of stockpiling drugs for influenza pandemic. Emerg Infect Dis 2005; 11:1280-82.

  5. Gani RD, Hughes H, Fleming et coll. Potential impact of antiviral drug use during influenza pandemic. Emerg Infect Dis 2005;11:1355-62.

  6. Kaiser I, Wat C, Mills T et coll. Impact of oseltamivir treatment on influenza-related lower respiratory tract complications and hospitalizations. Arch Intern Med 2003;163:1667-72.

  7. Cooper NJ, Sutton AJ, Abrams KR et coll. Effectiveness of neuraminidase inhibitors in treatment and prevention of influenza A or B; systematic review and meta-analysis of controlled trials. BMJ 2003;326:1-7.

  8. World Health Organization, Department of Communicable Disease Surveillance and Response. WHO Guidelines on the Use of Vaccines and Antivirals during Influenza Pandemics. URL: http://www.who.int/csr/resources/publications/influenza/11_29_01_A.pdf, Date of Access: December 2005.

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Mise à jour : 2006-12-09 haut de la page