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Relevé des maladies transmissibles au Canada

Volume 31-14
15 juillet 2005

[Table des matières]

 

Gestion d'une exposition à la tuberculose dans un hôpital d'oncologie

La transmission de la tuberculose (TB) dans les établissements de santé est un phénomène bien connu(1). La détection précoce et le traitement adéquat des cas actifs constituent des stratégies fondamentales de lutte antituberculeuse. Comme il peut être parfois difficile de détecter les cas, une évaluation du système de ventilation de l'hôpital aide grandement à déterminer l'ampleur éventuelle de l'exposition(2). Si des employés et des patients sont accidentellement exposés, la recherche des contacts et le test cutané à la tuberculine (TCT) permettent d'identifier les contacts qui courent un grand risque de développer une maladie active. Ce dépistage s'inspire habituellement du modèle des « pelures d'oignon », où les contacts les plus étroits sont d'abord testés, et les contacts plus éloignés ne font l'objet d'un dépistage que si les proches présentent des signes d'infection(3).

Bien que ce modèle puisse convenir pour les ménages, il est moins utile en milieu hospitalier, car bien des épisodes de contact potentiel ne sont pas bien définis. Le risque de transmission sera différent pour chaque exposition et dépend du patient et de facteurs liés à l'intervention et à l'environnement. Au nombre des facteurs liés au patient figurent la positivité ou non des frottis d'expectorations(4), les résultats des radiographies thoraciques et la présence d'une toux(5). Les facteurs liés à l'intervention incluent l'induction d'une toux et l'utilisation de masques adéquats, alors que les facteurs liés à l'environnement comprennent la durée d'exposition, les dimensions de la chambre et le nombre de renouvellements d'air frais par heure à l'endroit où est survenue l'exposition(1).

Une fois qu'une exposition a été jugée importante, l'administration du TCT aux contacts peut poser des problèmes sur le plan logistique, notamment pour la lecture des résultats du test de contrôle, mais également en raison des caractéristiques du test lui-même, qui peut donner lieu à des réactions faussement positives ou faussement négatives. Comme on le sait, des réactions faussement négatives peuvent être enregistrées chez des patients dont l'immunité cellulaire est altérée, tels que les sujets séropositifs pour le VIH dont le nombre de lymphocytes CD4 est peu élevé(6), les patients atteints d'insuffisance rénale terminale(7,8) et ceux qui prennent des immunosuppresseurs(9). Les patients souffrant d'une hématopathie maligne et ceux ayant reçu une greffe de moelle osseuse sont couramment considérés comme présentant un risque de réactions faussement négatives au TCT par suite de l'altération de leur immunité cellulaire, bien que cette question n'ait pas été bien étudiée. Si un résultat positif au TCT est utile, il n'est pas sûr qu'un résultat négatif représente une véritable réaction négative ou simplement l'incapacité de produire une réponse immunitaire. Par conséquent, les décisions concernant une infection récente doivent tenir compte d'autres facteurs, comme les antécédents d'exposition et les radiographies thoraciques.

En avril 2004, on a découvert qu'un patient traité pour une leucémie aiguë myéloïde (LAM) souffrait d'une tuberculose pulmonaire active. Un examen de ses visites à notre établissement a révélé qu'il avait été hospitalisé deux fois et avait eu plusieurs rendez-vous en consultation externe qui peuvent avoir exposé des employés et les patients immunodéprimés. Le présent article brosse les grandes lignes de notre enquête et des décisions relatives à la gestion du problème dans un milieu où le rôle du dépistage classique basé sur le TCT était peu clair et était présumé utile.

Méthodologie

Historique

Le service de lutte infectieuse a été avisé en avril 2004 qu'un patient de 84 ans atteint de LAM (patient X) qui avait été admis à l'unité de greffe de moelle osseuse allogénique était positif pour Mycobacterium tuberculosis après analyse d'un frottis de ganglion lymphatique médiastinal. Un examen du dossier a montré qu'il avait déjà été hospitalisé en décembre 2003 pour une chimiothérapie à l'ARA-C (1-ß-D-arabinofuranosylcytosine) et à la daunorubicine. En janvier 2004, sa fièvre et sa dyspnée ont empiré malgré un antibiothérapie à large spectre et une médication antifongique, comprenant notamment de la ciprofloxacine, de la céfépime, du flagyl, de la tobramycine et du fluconazole. Il convient de noter que le malade ne toussait pas. Une tomodensitométrie du thorax a révélé une adénopathie médiastinale et des changements parenchymateux diffus, mais il était difficile de dire s'il y avait des infiltrats à cause d'artéfacts dus aux mouvements. Ses symptômes semblaient secondaires à son hématopathie maligne sous-jacente, et le patient a reçu de fortes doses de dexaméuthasone. Ses symptômes ont promptement disparu et il a obtenu son congé à la mi-février. Il a consulté par la suite à 14 reprises plusieurs services de consultations externes de l'hôpital.

En avril 2004, le patient X a été réhospitalisé pour des symptômes de syndrome de compression de la veine cave supérieure et une aggravation de sa dyspnée. Une tomodensitométrie du thorax a mis en évidence une augmentation des opacités nodulaires au niveau du parenchyme pulmonaire et un accroissement considérable de l'adénopathie médiastinale déjà observée. Le patient a été traité au moyen d'antibiotiques à large spectre mais est demeuré afébrile et sans toux. Peu après, une biopsie du ganglion lymphatique médiastinal gauche a révélé la présence de M. tuberculosis, et un échantillon d'expectorations spontanées s'est avéré porteur de nombreux bacilles acidoalcoolo-résistants au frottis. Un traitement antituberculeux faisant appel à l'isoniazide, à la rifampicine, à la pyrazinamide et à l'éthambutol a été mis en route, mais le patient est décédé 5 jours plus tard alors que rien ne le laissait prévoir.

Évaluation de l'exposition

Comme le patient X présentait en janvier des symptômes pulmonaires réfractaires au traitement par les antibiotiques et les antifongiques et que les anomalies à la TDM du thorax ont par la suite empiré, nous avons avancé l'hypothèse que les symptômes du patient en janvier étaient en fait liés à une tuberculose non diagnostiquée. Ces symptômes se sont probablement estompés, puis aggravés par suite de l'administration de fortes doses de corticostéroïdes. À la lumière de ces données, nous avons décidé qu'il était infectieux à partir du début de janvier et que l'infectiosité a augmenté avec le temps, jusqu'en avril, moment où nous avons découvert au frottis qu'il était porteur de nombreux bacilles acido-alcoolo-résistants. Le patient n'était plus considéré comme contagieux une fois que le diagnostic a été posé car il a été déplacé vers une chambre à pression négative et le personnel était tenu de porter des masques submicroniques.

Évaluation environnementale

Une évaluation environnementale a été effectuée pour déterminer le nombre de renouvellements d'air (RA) dans les diverses zones de l'hôpital visitées par le patient X. Nous avons mesuré l'air soufflé en pieds par minute (pi/min) à la bouche du diffuseur en utilisant le Davis Instruments Turbo Meter Wind Indicator (Hayward, Californie, É.-U.). Le débit a été calculé en multipliant la vélocité et la section du conduit. Le RA pour les chambres à pression négative a été exprimé en pieds cubes par minute (pi3/min) d'air évacué. Pour les autres zones de l'hôpital, le nombre de p3/min d'air soufflé a été utilisé pour calculer le RA.

Identification des contacts

Nous avons créé une liste des sujets exposés à partir du système d'information sur les patients hospitalisés et les consultants externes. Pour repérer les contacts potentiels des travailleurs de la santé, nous avons utilisé des listes d'employés. Les contacts étaient définis comme les personnes qui avaient partagé la chambre du patient X dans les services d'hospitalisation. Heureusement, le patient X a passé la majeure partie du temps dans une chambre privée dont la porte était fermée; nous avons trouvé deux personnes qui avaient partagé la chambre du patient.

Tous les consultants externes qui ont fréquenté les mêmes services de consultations le même jour que le patient X ont été considérés comme des contacts possibles. À cause de la structure ouverte de la salle d'attente des services de consultations et du centre de transfusion et de l'absence d'heures précises de rendez-vous pour les patients, tous les patients présents durant un rendez-vous du patient X et une heure après son départ ont été considérés comme exposés. Nous avons retenu la limite de 1 heure en nous basant sur les paramètres de ventilation des zones d'exposition (voir Résultats). Dans certains services, on avait noté les heures d'arrivée et de départ précises des patients, ce qui a aidé à limiter la liste des sujets exposés.

Une fois identifiés, les contacts ont été classés arbitrairement en deux catégories, à risque élevé et à faible risque, selon la durée et l'intensité de leur exposition. Les patients à faible risque ont été définis comme ceux qui n'ont eu qu'un seul contact en consultation externe avec le patient X. Les patients à risque élevé comprenaient tous ceux qui avaient partagé la chambre du patient X et les malades hospitalisés qui avaient eu deux ou plusieurs contacts en consultation externe avec ce dernier.

Une définition plus large de l'exposition a été employée pour les contacts des employés. Les employés exposés incluaient ceux qui travaillaient dans les unités d'hospitalisation durant le séjour du patient X à l'hôpital et ceux qui travaillaient dans les divers services de soins ambulatoires durant les consultations de ce dernier. Parmi les employés des unités d'hospitalisation, on retrouvait des infirmières, des médecins, des partenaires de soutien, des élèves-infirmières et des employés dispensant des services d'ergothérapie et de physiothérapie, d'inhalothérapie et des soins diététiques et nutritionnels.

Suivi des contacts

Durant les consultations de suivi, une infirmière en hygiène du travail formée dans l'exécution et l'interprétation des tests cutanés à la tuberculine a fait subir des tests à tous les patients hospitalisés et consultants externes exposés ne recevant pas de soins palliatifs. Comme ces tests ont été réalisés > 8 semaines après l'exposition, les résultats du TCT de base n'étaient pas disponibles pour la plupart des patients. Des tests cutanés de contrôle pour évaluer le virage tuberculinique n'ont donc pas été nécessaires. Certains patients n'ont pu se représenter à l'hôpital pour une lecture de leur réaction au test et ont reçu une lettre demandant à leur médecin de famille de noter l'induration et de retourner la lettre au service de lutte anti-infectieuse. On a recommandé à tous les patients de subir une radiographie thoracique, peu importe leurs résultats au TCT, car on croyait que le TCT n'était pas sensible dans cette population.

La même infirmière en hygiène du travail a effectué le test tuberculinique de base, au besoin, et le test de contrôle chez les travailleurs de la santé exposés. Des radiographies thoraciques ont été réalisées chez ceux qui présentaient un virage au TCT (induration de 10 mm) ou ceux dont l'induration dépassait > 5 mm à leur test initial.

Les médecins traitants en hématologie/oncologie ont reçu une formation sur les limites possibles du TCT dans cette population et ont été invités à envisager une tuberculose active chez tout patient présentant des symptômes compatibles, peu importe les résultats au TCT final. On a également recommandé que les patients de la catégorie à risque élevé soient considérés comme des candidats pour un traitement préventif, mais la décision finale d'offrir ce traitement a été laissée au médecin traitant et au patient.

Résultats

Facteurs environnementaux

Lors de son premier séjour à l'hôpital, le patient X est demeuré 69 jours dans l'unité A. Au départ, il a occupé une chambre semi-privée pendant 32 jours, puis a passé 13 jours dans une chambre privée et les 24 derniers jours dans une chambre à pression négative. Nous avons établi à 12 RA et à 8 RA le nombre de renouvellements d'air dans la chambre semi-privée et la chambre à pression négative, respectivement. L'approvisionnement en air était constitué à 100 % d'air frais.

Lors du séjour suivant, le patient a passé 5 jours à l'unité B, puis a été placé dans une chambre d'isolement respiratoire pour le reste de son séjour à l'unité C. L'unité B est une unité de greffe de moelle osseuse à pression positive où les portes de l'unité et des chambres des patients sont gardées fermées pour assurer une ventilation adéquate. Chaque chambre est alimentée par un système de recirculation de l'air avec 275 renouvellements d'air stérile par heure assurés par trois ventilateurs distincts et des filtres absolus.

Entre ses deux hospitalisations, le patient X s'est présenté à des rendez-vous en consultation externe à 9 reprises. Il a passé environ 4 heures en tout dans diverses zones, y compris l'aire réservée aux ambulances et des services de consultations. Son séjour aurait pu durer 12 heures s'il avait fréquenté le centre de transfusion également. Le nombre de renouvellements d'air était de 7 dans l'aire réservée aux ambulances et de 5 dans le centre de transfusion. Les deux zones étaient alimentées à 100 % en air frais.

En tout, 177 contacts parmi les malades hospitalisés et les consultants externes ont été identifiés. L'âge moyen était de 56,6 ans (intervalle de 19 à 90 ans). Le nombre d'expositions par patient est illustré à la figure 1. Parmi les trois patients qui avaient été exposés > 5 fois, deux avaient partagé la chambre du patient X et un patient des services ambulatoires avait été traité par le même oncologue. Aucun contact direct face à face n'a pu être confirmé pour aucun des patients. Les patients exposés souffraient des troubles suivants : leucémie, lymphome, myélome et tumeurs d'un organe plein, tous à divers stades du traitement. Huit patients ont reçu une greffe de moelle osseuse entre 3 mois et 7 ans avant l'exposition, et 7 avaient été greffés durant la période d'exposition (de janvier à avril).

Figure 1. Nombre d’expositions par patient

Figure 1. Nombre d’expositions par patient

Les résultats des TCT des patients sont indiqués au tableau 1. L'infirmière en hygiène du travail n'a pu effectuer de TCT chez 40 patients (23 %), qui étaient soit décédés ou se trouvaient aux soins palliatifs au moment du suivi. Huit patients étaient positifs à cause d'expositions antérieures, deux patients ont refusé de subir le test et les résultats de 25 patients n'ont pas été retournés par leur médecin de famille. Ainsi, nous connaissons les résultats de 102 (57,6 %) des patients qui ont subi un TCT. Cinq d'entre eux (5 %) étaient positifs d'après le seuil établi de > 5 mm d'induration pour les contacts étroits. En fait, les cinq patients présentaient une induration de plus de > 10 mm. Quatre des patients positifs n'avaient eu qu'un contact possible avec le patient X, c.-à-d. étaient à « faible risque ».

Un traitement préventif n'a été envisagé pour aucun des contacts à faible risque. L'administration d'un traitement préventif aux contacts à risque élevé a été grandement compliquée du fait que des maladies importantes concomitantes causaient des signes et symptômes comme de la fièvre, une perte de poids, des frissons, des infiltrats pulmonaires et une adénopathie, qui auraient pu être compatibles avec une tuberculose active, et du fait qu'on craignait une hépatoxicité ou des interactions médicamenteuses. En général, un traitement conservateur a été administré aux patients et un suivi a été effectué pour déterminer si ceux-ci avaient développé une maladie active. Aucun cas de tuberculose active n'a été détecté un an après les expositions.

En tout, 112 membres du personnel ont été identifiés comme des contacts. Les résultats au test de base ont montré que 36 étaient positifs à cause d'une exposition antérieure et que 76 étaient négatifs. Les employés auparavant positifs pour le TCT ont été évalués par l'infirmière en hygiène du travail pour voir s'ils présentaient des signes et symptômes de tuberculose. Tous les employés négatifs au TCT ont été invités après 3 mois à subir un test de contrôle au besoin. Un employé a présenté un virage tuberculinique et a suivi un traitement préventif. Cet employé travaillait à l'unité B et avait pris soin du patient X juste avant le diagnostic de tuberculose. Aucun autre cas de tuberculose infectieuse, à la connaissance de l'hôpital, n'avait été admis à l'unité B depuis le test négatif antérieur du travailleur de la santé.

Tableau 1. Résultats des tests cutanés à la tuberculine des contacts des patients à risque élevé et à faible risque
  Contacts (%) TCT- (%) TCT+ (%)* Aucun résultat au TCT† TCT non effectué‡
Risque élevé
55 (31.1)
31 (56.4)
1 (1.8)
3 (5.5)
20 (36.3)
Faible risque
122(68.9)
66 (54.1)
4 (33)
22 (18.0)
30 (25.0)
Total
177
97 (54.8)
5 (2.8)
25 (14.1)
50 (28.2)
*Positif = induration de > 5mm †Résultat non transmis par lemédecin de famille. ‡Les patients avaient déjà obtenu un résultat positif (8 patients), sont décédés ou recevaient des soins palliatifs (40 patients), ou ont refusé de subir le test (2 patients).

Analyse

L'exposition en milieu hospitalier à des patients atteints de tuberculose pulmonaire peut être monnaie courante dans les services où des patients à risque élevé d'infection et de réactivation sont traités. Comme il est indiqué dans diverses lignes directrices, les contrôles administratifs jouent un rôle central dans la prévention des expositions des patients et des travailleurs de la santé(1,10). Au nombre des mesures de contrôle possibles figurent des programmes de lutte antituberculeuse, des stratégies pour faciliter l'identification précoce des patients atteints de TB et des politiques d'isolement respiratoire. De façon générale, on reconnaît que le suivi des contacts est beaucoup plus compliqué et beaucoup moins efficace et efficient que la prévention de l'exposition. C'est particulièrement le cas en milieu hospitalier, où il peut être difficile de définir ce qui constitue une exposition importante. Bien que le TCT soit un élément crucial de la recherche des contacts, son rôle comme moyen d'identifier les contacts qui présentent un déficit immunitaire sous-jacent peut être moins important à cause des limites inhérentes au test.

Nous avons essayé de mesurer la ventilation dans les diverses parties de l'hôpital où le patient X a été soigné. En général, la ventilation respectait ou dépassait les paramètres recommandés(1). Étant donné qu'il a été démontré qu'une ventilation adéquate contribuait grandement à prévenir la transmission de la tuberculose dans les hôpitaux(2), nous avons pu, grâce à cette information, limiter notre liste de contacts uniquement aux patients qui étaient dans le même service de consultations au même moment que le patient X et jusqu'à une heure après son départ. À un taux de 5 RA, plus de 99 % des particules infectieuses auraient été éliminées en l'espace d'une heure(11). Si la ventilation n'avait pas respecté les normes, nous aurions été obligés d'étendre notre liste de contacts, car les particules infectieuses de M. tuberculosis sont capables de rester indéfiniment en suspension dans l'air(12). L'élargissement de la liste de contacts malgré une ventilation excellente nous aurait donné plus de travail sans rapporter grand-chose et aurait entraîné un stress inutile pour les patients qui n'étaient probablement pas infectés. Des chercheurs ont montré qu'une ventilation inadéquate était à l'origine d'une vaste éclosion de tuberculose multirésistante dans un hôpital, 1 400 patients et employés se retrouvant sur la liste des contacts(13).

Nous avons eu la chance de disposer de données récentes fiables sur les TCT pour la majorité des travailleurs de la santé, ce qui nous a permis de déterminer que le patient X était probablement contagieux et qu'il a effectivement transmis la tuberculose à un travailleur de la santé. Des infections auraient également pu survenir chez des patients, en particulier chez les patients à « risque élevé ». Cinq pour cent de nos patients ont obtenu des résultats positifs au TCT, et trois des cinq étaient issus de pays où la TB était endémique, soit la Chine, l'Inde et le Sri Lanka. Nous ignorons si leurs résultats positifs représentent une exposition dans leur pays d'origine ou une infection récente.

Afin de déterminer si le TCT était une bonne mesure de l'exposition des patients, nous avons tenté de déterminer la proportion théorique de patients qui auraient dû obtenir un résultat positif au TCT de base, d'après leur pays d'origine (tableau 2). Nous disposions de données sur le pays d'origine de 100 des 102 patients ayant subi un TCT. Compte tenu des taux de prévalence de l'infection latente signalés par Dye et ses collègues dans les diverses régions de l'Organisation mondiale de la Santé(14), 10 patients auraient dû être positifs pour l'infection tuberculeuse avec une induration de > 10 mm au test de base, mais la différence entre les populations prévues et observées n'a pas atteint un niveau de signification statistique (estimation ponctuelle = 0,5, intervalle de confiance à 95 % de 0,162 à 1,172, test du Chi carré). Étant donné que bon nombre de ces patients nés à l'étranger auraient reçu également le vaccin BCG, une proportion de résultats positifs aurait même pu être plus élevée. Cette comparaison grossière semble indiquer que l'utilisation du TCT pour identifier les contacts récemment infectés dans cette population immunodéprimée peut avoir eu une utilité limitée. Nous ignorons si de nouveaux tests à base d'interféron gamma pour l'infection tuberculeuse auraient facilité l'identification des contacts à risque élevé dans cette situation, car ces tests n'ont pas été bien étudiés dans des populations immunodéprimées(15).

Tableau 2. Nombre prévu de contacts positifs au TCT d'après la région d'origine de l'Organisationmondiale de la Santé
Région Taux de prévalence,% Nombre de contacts Nombre prévu de contacts positifs Nombre réel de contacts positifs
Afrique
35.0
1.0
0.35
0
Les Amériques
18.0
7
1.26
1
Né au Canada*
0.5
61
0.30
0
Brésil
26.0
1
0.26
0
Méditerranée orientale
29.0
1
0.29
0
Pakistan
40.0
1
0.40
0
Afghanistan
34.0
1
0.34
0
Europe
15.0
16
2.4
1
Asie du Sud-Est
44.0
2
0.88
1
Inde
44.0
3
1.32
1
Pacifique Ouest
36.0
3
1.08
0
Chine
36.0
3
1.08
1
Total 32.0 100 5 5
*Nous avons présumé que la population née au Canada avait un taux de prévalence de 0,5%.

Le classement des patients dans des catégories à risque élevé et à faible risque arbitrairement définies ne nous a pas grandement aidés à gérer l'éclosion vu qu'il n'a pas servi à identifier ceux qui ont reçu un traitement préventif. Cette population de patients était bien particulière; une proportion importante d'entre eux recevaient des soins palliatifs et, partant, n'étaient pas des candidats idéaux aux traitements préventifs. De plus, les symptômes de leurs affections malignes concomitantes ressemblaient à bon nombre des symptômes de la tuberculose, d'où la difficulté d'écarter une tuberculose active. On hésitait beaucoup à mettre en route un traitement préventif dans ces cas. Enfin, une proportion importante de patients étaient considérés à risque d'hépatite pharmaco-induite et d'interactions médicamenteuses.

Conclusion

Nous faisons état des difficultés liées à l'utilisation des méthodes classiques de recherche des contacts dans un hôpital pour cancéreux. Bien que nous ayons des preuves que notre patient index était infectieux, nous ignorons si la maladie a été transmise à d'autres patients malgré l'enquête intensive que nous avons menée; il est cependant rassurant de constater qu'aucun cas additionnel de tuberculose n'a été détecté dans cette cohorte un an après l'exposition. Nous croyons que notre évaluation du système de ventilation de l'hôpital nous a aidés à limiter la liste des contacts. Compte tenu des résultats au TCT de nos patients et de notre expérience du traitement de l'infection latente, l'élargissement de notre liste des contacts aurait grandement augmenté notre charge de travail et l'anxiété des patients, sans rapporter beaucoup en retour. Notre expérience vient valider l'accent actuel mis sur les contrôles administratifs et environnementaux en vue de prévenir la transmission de la tuberculose en milieu hospitalier.

Références

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  3. Tannenbaum TN, Fanning A. Le suivi des contacts et la gestion des éclosions dans la lutte antituberculeuse. Dans : Long R, éd. Normes canadiennes pour la lutte antituberculeuse. 5e éd. Ottawa : Santé Canada, 2000.
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Source : Z Hirji,MHSc, CIC, S Boodoosingh, MLT, CIC, Unité de prévention et de contrôle des infections, Réseau universitaire de santé, Toronto; R. Santos, IA, A Yang, IA, J Weeks, IA, Unité de surveillance des maladies transmissibles chez les employés, Réseau universitaire de santé; K Iverson, MHSc, Dr S Lim, Dr M Gardam, MSc, CM,MSc, Unité de prévention et de contrôle des infections, Réseau universitaire de santé, Toronto.

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Dernière mise à jour : 2005-07-15 début