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Rapport spécial du
Comité canadien de lutte antituberculeuse
La tuberculose
chez les peuples autochtones du Canada
Contexte
Les taux de tuberculose ont chuté de manière très
importante au Canada et dans d'autres pays développés depuis
le début du 20e siècle. Cette réduction de la morbidité
est attribuable à l'interaction de divers facteurs, notamment l'amélioration
du niveau de vie, les interventions en santé publique et l'efficacité
des médicaments utilisés pour le traitement. Cependant, le fardeau
de la tuberculose est disproportionné chez les Autochtones nés au
Canada par rapport au reste de la population.
On a démontré que l'incidence de la tuberculose
dans la population autochtone est inversement corréle avec l'ancienneté
des contacts avec les colons européens, les taux d'incidence
les plus élevés étant observés dans les régions
exposées en dernier lieu1,2.
Le présent rapport a pour objet de mettre en lumière
les tendances épidémiologiques actuelles de la tuberculose chez
les peuples autochtones du Canada.
Méthodologie
Nous avons examiné les données concernant les cas
de tuberculose signalés de 1991 à 1999 au Système canadien
de déclaration des cas de tuberculose (SCDCT). Le système de
déclaration est conçu pour recueillir de l'information
sur tous les nouveaux cas actifs et cas de rechute de tuberculose diagnostiqués
au Canada dans toutes les provinces et tous les territoires. Les cas signalés
au SCDCT répondent à la définition de cas des Normes canadiennes
pour la lutte antituberculeuse3. Le rapport
de cas contient des renseignements sur certaines caractéristiques
démographiques, dont l'origine ethnique. Aux fins du présent
rapport, l'origine ethnique est classée selon les catégories
suivantes : Indien inscrit, Indien non inscrit/Métis, Inuit,
non-Autochtone né au Canada et personne née à l'étranger.
Nous avons exclus de l'analyse les cas dont l'origine ethnique
était inconnue.
Les estimations démographiques annuelles selon l'origine,
y compris les estimations selon les groupes d'âge et le sexe, ont
été obtenues auprès de la Division de la démographie de
Statistique Canada (données rajustées du recensement de 1996) et
du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous avons calculé
les taux standardisés pour l'âge (méthode directe) en
utilisant comme dénominateur de la population les données obtenues
lors du recensement canadien de 1996.
Résultats globaux
De 1991 à 1999, 17 590 nouveaux cas actifs et
cas de rechute de tuberculose ont été déclarés au
SCDCT. De ce nombre, 3 013 (17 %) ont été relevés
chez les Autochtones nés au Canada (Autochtones). Parmi les autres
cas, 4 201 (24 %) ont été enregistrés chez les
personnes non autochtones nées au Canada (non-Autochtones) et 10 281
(58 %) chez les personnes nées à l'étranger.
Dans 95 cas, les rapports ne faisaient pas état de l'origine
ethnique, et, pour cette raison, nous les avons exclus de l'analyse.
Bien que le nombre de cas de tuberculose chez les Autochtones ait connu
une diminution, passant de 339 en 1991 à 315 en 1999, la proportion
des cas chez les Autochtones est restée relativement stable
elle est passée de 17 % à 16 % (figure
1). L'analyse des taux standardisés pour l'âge
a révélé que le taux de la maladie était quatre fois
plus élevé chez les Autochtones que dans la population canadienne
et 20 fois plus importants que chez les non-Autochtones (figure
2).
Résultats de 1999
Au total, 1 807 cas ont été signalés au
SCDCT en 1999. De ceux-ci, 315 ont été diagnostiqués chez les
Autochtones. Par ailleurs, 324 ont été déclarés chez les
non-Autochtones et 1 152 dans la population née à l'étranger.
Nous avons exclus de l'analyse les cas dont l'origine ethnique était
inconnue (16 cas).
Distribution géographique
Dans les provinces et territoires, l'incidence de la
tuberculose correspond toujours au modèle décrit précédemment.
Les taux sont plus élevés dans les régions ayant été
exposées les dernières aux colons européens. Les taux étaient
supérieurs dans les Prairies et dans le nord du pays. Dans les territoires
du Nunavut et du Yukon, 100 % des cas étaient d'origine
autochtone. Dans les Territoires du Nord-Ouest, 91 % des cas ont
été signalés chez des Autochtones. En Saskatchewan, au
Manitoba et en Alberta, la tuberculose frappait les Autochtones dans 87 %,
60 % et 28 % des cas, respectivement (figure 3).
Figure 1
Cas signalés au Canada selon l'origine, 1991-1999
![Figure 1- Cas signalés au Canada selon l'origine, 1991-1999](/web/20061212033250im_/http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/tbcbap-tbpac/gfx/f-ab-01.gif)
Figure 2
Taux standardisé pour l'âge de l'incidence de la
tuberculose au Canada selon l'origine, 1991-1999
![Figure 2 - Taux standardisé pour l'âge de l'incidence de la tuberculose au Canada selon l'origine, 1991-1999](/web/20061212033250im_/http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/tbcbap-tbpac/gfx/f-ab-02.gif)
Figure 3
Proportion des cas signalés de tuberculose chez les peuples autochtones
par province et territoire, 1999
![Figure 3 - Proportion des cas signalés de tuberculose chez les peuples autochtones par province et territoire, 1999](/web/20061212033250im_/http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/tbcbap-tbpac/gfx/f-ab-03.gif)
Caractéristiques démographiques
Les caractéristiques démographiques de la tuberculose
varient grandement entre les populations autochtones et non autochtones :
30 % des cas chez les Autochtones étaient observés chez
des enfants de moins de 15 ans, comparativement à 9 % chez
les non-Autochtones et à moins de 2 % chez les enfants nés
à l'étranger. Seulement 7 % des cas de tuberculose
chez les Autochtones avaient plus de 75 ans, comparativement à 20 %
chez les non-Autochtones (figure 4). Par conséquent,
les Autochtones atteints de la maladie étaient plus jeunes (médiane
de 27 ans) que les personnes nées à l'étranger
(médiane de 39 ans) et que les non-Autochtones (médiane
de 59 ans). La majorité des cas déclarés dans tous les
groupes d'origine ethnique étaient de sexe masculin (Autochtones
57 %, non-Autochtones 61 %, personnes nées à l'étranger
52 %).
Tableau clinique
Chez les Autochtones, 92 % des cas de tuberculose étaient
de nouveaux cas actifs et pour le reste, il s'agissait de cas de rechute.
La tuberculose respiratoire représentait 56 % (175 cas) de tous
les cas, et la maladie primaire, 30 % (95 cas). Le tableau clinique
de la tuberculose chez les Autochtones contraste avec celui des non-Autochtones
et des personnes nées à l'étranger. Chez les non-Autochtones,
la tuberculose respiratoire était à l'origine de 73 %
des cas signalés et la maladie primaire, de seulement 8 %. Chez
les personnes nées à l'étranger, 65 % des cas étaient
atteints de tuberculose respiratoire.
La proportion des cas de tuberculose respiratoire chez les
Autochtones dont le frottis ou la culture étaient positifs est demeurée
sensiblement la même dans le temps (figure 5).
De 1991 à 1999, le frottis ou la culture étaient positifs en
moyenne dans 86 % des cas. Cette proportion était semblable
à celle observée chez les non-Autochtones (88 %). Figure 4
Nombre de cas signalés de tuberculose au Canada selon l'origine
et le groupe d'âge, 1999
Figure 5
Cas dont le frottis ou la culture des expectorations étaient positifs
chez les Autochtones
Résistance aux médicaments et co-infection par
le VIH
La résistance du bacille tuberculeux aux médicaments
ne représente pas encore un problème majeur dans la population autochtone.
Moins de 2 % des cas déclarés présentaient une résistance
à un médicament ou plus. L'ampleur de la co-infection par le
VIH n'a pu être estimée à partir des données du système
de surveillance de la tuberculose. Le statut sérologique pour le VIH
est connu dans seulement 2 % des cas de tuberculose signalés chez
les Autochtones.
Analyse
Le présent rapport fait état du profil actuel de
la tuberculose chez les Autochtones du Canada. Ces derniers se distinguent
le plus d'autres sous-groupes de la population canadienne par les caractéristiques
suivantes : proportion stable de cas dans cette population, pourcentages
beaucoup plus élevés de cas de la maladie et incidence élevée
de la maladie primaire.
Les taux de tuberculose sont les plus élevés parmi
les peuples autochtones du nord du pays et les plus faibles dans ceux de l'est.
La distribution géographique actuelle de la tuberculose concorde avec
la théorie selon laquelle les peuples les plus touchés seraient
ceux ayant été les derniers à établir des contacts avec
les colons européens.
Bien que la tuberculose résistante aux médicaments
et la co-infection par le VIH ne soient pas encore préoccupantes, elles
constituent tout de même une menace possible. Les difficultés liées
à l'administration des médicaments de même que la marginalisation
et les comportements à risque élevé peuvent amplifier cette
menace.
Alors même que l'incidence globale de la tuberculose
a chuté de manière constante aux cours des dernières décennies,
les Autochtones présentent toujours un taux presque quatre fois supérieur
à celui observé à l'échelle du Canada. Plusieurs
autorités ont fait état de raisons expliquant ce fardeau continu
de maladie dans la population autochtone, notamment l'important réservoir
existant d'infection dans les communautés autochtones, les difficultés
relatives à la prestation de services de santé dans les régions
éloignées et les mauvaises conditions socio-économiques.
Le Comité canadien de lutte antituberculeuse (CCLA) s'est fixé
comme but l'élimination de la tuberculose au Canada. L'atteinte
de ce but représente tout un défi dans la population autochtone.
Il sera cependant réalisable grâce à des efforts systématiques
coordonnés axés sur l'amélioration des conditions de vie,
la mise en place de ressources suffisantes et une bonne prise en charge clinique
des cas. La réduction et la prévention de la tuberculose dans cette
population passeront par la détection précoce des cas suivie de
la mise en route rapide d'un traitement complet et par la mise en place
d'un programme intégré de surveillance et de prévention
qui devrait idéalement être centralisé.
Le Comité canadien de lutte antituberculeuse
Dre Maureen Baikie, Department of Health, Halifax
(Nouvelle-Écosse)
Dr Christofer Balram, ministère de la Santé
et des Services communautaires, Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Mme Patricia Bleackley, Yukon Communicable Disease
Control, Whitehorse (Yukon)
Mme Cheryl Case, gouvernement des Territoires du
Nord-Ouest, Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest)
M. Michael Clark, gestionnaire du programme sur la tuberculose,
Direction générale de la santé des Premières nations
et des Inuits, Santé Canada
Dr Kevin Elwood, BC Centre for Disease Control
Society, Vancouver (Colombie-Britannique)
Dr Brian Graham, Association pulmonaire du Canada,
Saskatoon (Saskatchewan)
Dr Brian Gushulak, Citoyenneté et Immigration
Canada, Ottawa (Ontario)
Dr Earl Hershfield, Respiratory Hospital, Winnipeg
(Manitoba)
Dr Vernon Hoeppner, Royal University Hospital,
Saskatoon (Saskatchewan)
Dr Amin Kabani, Centre des sciences de la santé,
Santé Canada, Winnipeg (Manitoba)
Dre Barbara H. Kawa, Direction de la santé
publique, ministère de la Santé et des Soins de longue durée
de l'Ontario, Toronto (Ontario)
Dr Richard Long, Alberta Health, Edmonton (Alberta)
Mme Melissa Phypers, Division de la lutte antituberculeuse,
Santé Canada, Ottawa (Ontario)
Dre Ann Roberts, Department of Health and Social
Services, Iqaluit (Nunavut)
Dre Faith Stratton, Department of Health and Community
Services, St. John's (Terre-Neuve)
Mme Nancy Sutton, Service correctionnel du Canada,
Ottawa (Ontario)
Dr Lamont Sweet, Department of Health and Social
Services, Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Dre Terry Nan Tannenbaum, ministère de la
Santé et des Services sociaux du Québec, Montréal (Québec)
Dr Peter Tilley, Provincial Laboratory for Public
Health, Calgary (Alberta)
Références
1. Enarson DA. Tuberculosis
in Aboriginals in Canada. Int J Tuberc Lung Dis 2001;2:S16-S22.
2. Waldram JB, Herring
DA, Young TK. Contact with Europeans and infectious diseases. Aboriginal
Health in Canada. Toronto: University of Toronto Press Incorporated,
1995: 43-64.
3. Normes canadiennes
pour la lutte antituberculeuse, 5e édition. Ottawa :
Association pulmonaire du Canada, Gouvernement du Canada, 2000.
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer
avec :
Division de la lutte antituberculeuse
Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses
Santé Canada
Pré Tunney, Indice de l'adresse : 0900B1
Ottawa (Ontario) K1A 0K9
Tél. : (613) 941-0238
Fax : (613) 946-3902
Also available in English
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