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Conseil consultatif national sur le troisième âge, 1980-2005

Expression

Éditorialiste invité

Le droit de prendre des risques et ses limites

Le seul fait de vivre nous place tous dans une situation 'à risque'. Certaines personnes ont des activités comme fumer, conduire une motocyclette, traverser les rues illégalement, qui les rendent encore plus vulnérables. L'ampleur du risque dépend, bien entendu, de la gravité du danger possible et de sa probabilité. En général, les gens sont libres de prendre des risques, tant qu'ils n'empiètent pas sur les droits des autres ou qu'ils ne mettent pas les autres en danger. Toutefois, en qualité de membre d'une famille, d'ami-e, d'aidant-e et de membre de la société, on a l'obligation morale de tenter de se protéger les uns les autres du danger. Alors comment respecter la liberté de choix des gens et le mode de vie qu'ils ont adopté, tout en assurant le mieux-être de toutes les personnes touchées?

Risquées les altères? Le judo? Ce n'est pas ce que pensent Sarah Thompson et Bill Bickford, respectivement de Belleville et Amherstview en Ontario.

Les aîné-e-s, particulièrement les plus âgés ou handicapés, sont peut-être plus vulnérables que les autres adultes. À cause de la baisse de la force physique, de l'agilité, des réflexes, de la vue et de l'ouïe, ils peuvent être plus susceptibles d'avoir des accidents durant les activités normales de la vie quotidienne. Les maladies chroniques et les fluctuations de la capacité mentale peuvent décupler les risques de danger.

Les fournisseurs de soins et la société en général peuvent être tentés parfois de contrecarrer les désirs des aîné-e-s les plus vulnérables afin de les protéger du danger. Le dilemme entre le respect de la liberté et la protection de la personne se présente dans de nombreuses situations

• Devrait-on restreindre la mobilité des aîné-e- s institutionnalisés pour prévenir les accidents?

• Les aîné-e-s devraient-ils continuer à vivre dans leurs propres maisons lorsque leur santé ou leur comportement les place dans une situation dangereuse?

• Devrait-il être obligatoire de signaler aux autorités tous les cas d'aîné-e-s maltraités par leurs parents ou ami-e-s et d'intervenir pour les protéger?

• Les aîné-e-s ont-ils le droit de refuser des traitements qui pourraient protéger ou restaurer leur santé?

• Les aîné-e- s qui ont des déficiences sensorielles, perceptives ou intellectuelles devraient-ils avoir le droit de conduire une automobile?

Le choix du mode de vie est fondamental à l'estime de soi et à la dignité. Toutefois, puisque la sécurité élémentaire des aîné-e-s est souvent en jeu, on s'interroge parfois sur leur droit de choisir un mode de vie 'à risque', et cela, d'une manière qui serait totalement inacceptable dans le cas d'adultes plus jeunes. Le Conseil consultatif national sur le troisième âge (CCNTA) est d'avis que le droit des aîné-e-s de choisir un mode de vie 'à risque' doit être respecté tant et aussi longtemps que la personne en cause possède toutes ses facultés intellectuelles et qu'elle n'est pas susceptible de blesser autrui.1

Ce principe est simple, mais difficile d'application. Les droits des aîné-e-s doivent être pesés en regard des droits et besoins légitimes d'autres personnes. L'évaluation du risque est déjà un processus complexe que les aidant- e-s ne doivent pas exécuter arbitrairement. L'évaluation de la capacité de prendre des décisions n'est pas entièrement objective. Enfin, respecter le droit des aîné- e-s de faire des choix 'dangereux' ne signifie pas qu'on doive leur retirer tous soins et appuis.

Evan Dickson
NACA Member,
Ontario

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Liberté et responsabilité

Seule à la maison

Mme X, veuve de 86 ans, vit seule chez elle depuis 10 ans grâce aux services de soins à domicile. Diabétique, elle a besoin d'insuline mais a un penchant pour les sucreries. Depuis deux ans, elle perd de plus en plus la mémoire et elle est souvent confuse. Elle oublie de manger ou elle se nourrit mal. Tous les efforts pour l'inciter à emménager chez son fils et sa bru, qui vivent à plusieurs kilomètres de chez elle, sont restés vains. La responsable de son cas aux services de soins à domicile est de moins en moins à l'aise face à ce dossier car, même en recevant le maximum de soins à domicile, Mme X est dans une situation 'à risque'. Elle a été hospitalisée à la suite d'une chute où elle s'est fracturé le poignet. Son fils, après avoir consulté les services de soins à domicile, a décidé de l'institutionnaliser.

Il est évident que Mme X est malheureuse en institution; elle s'oppose à tous les aspects des soins qui lui sont prodigués et demande sans cesse quand elle pourra retourner chez elle. Toutefois, l'agence de soins à domicile hésite à l'admettre à nouveau comme bénéficiaire du programme car elle requiert plus de soins que ce que l'agence peut fournir.

Les cas comme celui de Mme X ne sont pas rares dans le domaine des soins à domicile et ils sont source d'inquiétude pour toutes les personnes en cause. Il se peut qu'un aîné-e reçoive le maximum de soins à domicile disponible, mais que cela ne procure quand même pas le degré de sécurité nécessaire à la personne. Pour assurer la protection, la famille et les dispensateurs officiels de services peuvent essayer de passer outre aux droits juridiques et éthiques à l'autodétermination de l'aîné-e qui a ses facultés mentales.

Valeurs subjectives et risques indéterminés

Au coeur du dilemme, on trouve une différence entre les valeurs des aîné-e-s et celles des aidant-e-s. Un aîné-e peut accorder une plus grande valeur à son autonomie et à sa vie privée qu'à sa sécurité personnelle, tandis que c'est l'inverse pour les aidant-e-s. Quelles valeurs sont prioritaires? Pourquoi faudrait-il considérer la crainte d'accident lié au diabète qu'a le service à domicile comme plus importante que le désir de Mme X de manger ce qu'elle aime? Michel Silberfeld, psychiatre spécialisé en gériatrie à Toronto, remet en question le 'bon sens' traditionnel qui mènent à certaines conclusions au sujet du risque. Ainsi en est-il du jugement disant : «les gens devraient mourir dans leur lit et non de manière accidentelle.»2

L'évaluation même du risque est risquée, imprécise et subjective. Il existe rarement des tables actuarielles qui donnent des statistiques sur la fréquence des accidents. Habituellement, le soignant détermine ce qui pourrait arriver à un aîné-e à partir de ses connaissances de l'état de santé et des effets possibles de cet état; il porte un jugement clinique. Toutefois, dans la réalité, les cas précis s'écartent souvent des prévisions fondées sur des moyennes. Un accident ou une blessure peut se produire ou non; et même dans ce cas, comme dans celui de Mme X, quelles sont les probabilités pour que l'incident survienne de nouveau?

Il faut aussi tenir compte de la gravité du danger éventuel; la gravité ou les conséquences ne sont pas toujours très claires et elles peuvent varier d'un cas à l'autre. Dr Silberfeld cite, pour illustrer cette idée, le cas d'une femme diabétique qui était théoriquement 'à risque' puisqu'elle ne prenait pas ses médicaments, mais qui en réalité n'était pas du tout en danger puisqu'elle n'avait jamais subi d'effets néfastes à cause de sa maladie.3

L'évaluation du risque est subjective car elle est soumise aux peurs et aux désirs personnels. L'aîné-e qui veut continuer à vivre à la maison peut être optimiste et minimiser les dangers en cause. Les intervenant-e-s peuvent, par ailleurs, être trop pessimistes et amplifier les risques. Anne Beckingham et Andrea Baumann, enseignantes en nursing à Hamilton, ajoutent que les grandes décisions relativement aux soins accordés aux aîné-e-s sont souvent prises en temps de crise, alors que l'inquiétude quant à leur bien-être peut facilement l'emporter sur la raison dans l'évaluation des dangers et des diverses options.4

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Capacité mentale et risques

On décide de l'aptitude d'une personne en cour de justice. Le jugement est fortement influencé par l'évaluation des professionnels de la santé qui, au moyen d'une batterie de tests, auront vérifié si la personne peut réfléchir et comprendre suffisamment bien pour prendre soin d'elle-même. Ceux et celles qu'on considère comme inaptes peuvent perdre le droit de prendre leurs propres décisions. Toutefois, le processus qui permet de déterminer au moyen de tests si un aîné-e peut exercer son droit de choisir un mode de vie "à risque" crée plusieurs problèmes.

Tout d'abord, l'aptitude n'est pas une qualité qu'on a ou qu'on n'a pas; il existe diverses formes d'aptitude qui correspondent aux nombreuses tâches de la vie quotidienne, tâches qui vont de l'utilisation d'appareils électriques à la gestion de ses propres finances. L'inaptitude dans certains domaines ne signifie pas nécessairement qu'on soit totalement inapte. Deuxièmement, les tests employés ne mesurent peut-être pas exactement la capacité d'exécuter certaines tâches. Comme l'a souligné Bill Harvey, spécialiste de l'éthique de l'Université de Toronto, «Il n'existe aucun test clinique objectif universellement reconnu qui puisse prouver l'aptitude quant aux capacités sociales importantes reconnues par les services de soins de santé ou par la loi.5 Le professionnel qui fait subir un test à un aînée peut choisir d'administrer un test plus ou moins sévère, s'il croit, en fonction de son propre jugement, que les actions et les décisions de l'aîné-e peuvent le mettre en danger ou causer du tort aux autres. Autrement dit, en mesurant la capacité mentale d'une personne âgée, le professionnel peut 'faire pencher la balance' en faveur de l'autonomie de la personne ou dans le sens contraire. En outre, si l'aîné-e rate une partie du test, le professionnel peut arbitrairement tirer des conclusions de cet échec. Par exemple, si la personne n'arrive pas à remplir un chèque, l'intervenant peut en conclure qu'elle est incapable de gérer ses propres finances.

Selon le docteur Silberfeld, il y a un autre problème inhérent à ce type d'évaluation, celui de l'aptitude 'limite' ou variable. Un aîné-e inapte aujourd'hui peut fort bien être apte la semaine prochaine et vice versa. Devrait-on trancher définitivement quant à la liberté de choix d'une personne en fonction d'une seule évaluation?

Les critiques à l'égard de l'évaluation de l'aptitude ne visent pas à discréditer entièrement la validité d'un tel processus, mais plutôt à alerter les professionnels de la santé, les avocats, les aidant-e-s et les aîné-e-s, à leur montrer que cette procédure peut être biaisée, qu'il faut l'utiliser avec précautions et interpréter les résultats prudemment. Les enjeux sont trop importants. Alan Borovoy, avocat général de l'Association canadienne des libertés civiles affirme : «On ne doit pas mettre en question le droit à l'autonomie, à moins de faire appel aux critères les plus stricts et aux procédures les plus rigoureuses.6

Respect et responsabilité

Tenir le cap entre le respect de la liberté individuelle et la préoccupation face au bien-être de toutes et tous exige des négociations et des compromis de la part de toutes les personnes en cause. La voie à suivre peut varier d'un cas à l'autre et d'une fois à l'autre.

Les aîné-e-s vulnérables peuvent avoir de la difficulté à se faire entendre et à se faire respecter par les parents et les aidant-e-s. Pour leur venir en aide, le gouvernement de l'Ontario a récemment promulgué la Loi sur l'intervention afin de créer une commission d'intervenant-e-s non juristes chargés de fournir aux aîné-e-s les informations appropriées et de leur présenter les options qui leur permettent de prendre des décisions éclairées. La commission est aussi chargée de voir à ce que les autres tiennent compte des désirs des aîné-e-s. En vertu de la nouvelle loi de l'Ontario, la Loi sur la prise de décisions au nom d'autrui, un intervenant doit aussi visiter les personnes déclarées inaptes à gérer leurs affaires personnelles et financières et à qui on envisage d'imposer une tutelle. L'intervenant aidera ces personnes à comprendre les conséquences d'une tutelle, c'est-à-dire la perte de leur droit de décider, et leur permettra d'en appeler du jugement d'inaptitude.

Le droit qu'ont les aîné-e-s de faire des choix dangereux est limité par l'effet de leurs décisions sur les autres. Par exemple, si un aîné-e est susceptible de causer un incendie en laissant la cuisinière allumée dans son appartement, on devra mesurer sa liberté de choix par rapport aux droits des autres locataires à un environnement sûr et sans danger. En outre, lorsqu'on fait partie d'une famille, on ne peut entièrement dissocier ses propres intérêts de ceux des autres membres de la famille. Spécialiste sur les questions morales, John Hardwig considère que «Lorsqu'on fait partie d'une famille, on doit moralement prendre des décisions qui tiennent compte de l'intérêt de tous et non uniquement de son propre intérêt.7 De même, le droit de décider ne signifie pas qu'on a le droit d'exiger tout ce que l'on veut. Bref, à un moment donné, la liberté individuelle cède le pas aux droits collectifs.

Les familles et les aidant-e-s doivent relever un défi de taille, celui de continuer à assurer leur appui aux aîné-e-s tout en respectant leurs décisions et en proposant des moyens de contrôle des risques qui respectent leurs valeurs. Respecter la liberté de choix des aîné-e-s ne signifie pas qu'il suffit de ne pas intervenir; les spécialistes de l'éthique Laurence McCullough et Stephen Wear pensent que, lorsque les aidant-e-s respectent les choix des aîné-e-s, ils protègent des valeurs et des croyances qui donnent un sens et un but à la vie de ces personnes, celles-ci étant si importantes qu'elles sont prêtes à faire des sacrifices considérables pour les faire respecter.8
Droit de refuser un traitement

Les aîné-e-s aptes ont un droit légal de refuser un traitement ou d'autres interventions en soins de santé. Dans le cas d'un malade en phase terminale, il peut être plus facile pour les parents et les professionnels de la santé d'accepter la décision de l'aîné-e de ne pas amorcer le protocole de traitement qui prolongerait ses souffrances. Toutefois, si le traitement ou l'intervention pouvait rétablir sa santé et lui redonner ses capacités, il peut être tentant de passer outre aux désirs de l'aîné-e. Par exemple, dans quelle mesure un aidant-e peut-il obliger l'aîné-e à prendre des médicaments ou à suivre un régime alimentaire qui contrôlerait son diabète? Jusqu'à quel point peut-on insister pour qu'un aîné-e reçoive des traitements de physiothérapie ou d'orthophonie à la suite d'un accident cérébrovasculaire?

Lorsque les patient-e-s refusent des soins qui pourraient leur sauver la vie, les aidant-e-s peuvent s'interroger sur l'aptitude de ceux-ci à consentir à un traitement. En Ontario, certains aîné-e-s qui ont refusé des traitements ont, de ce fait, été considérés comme inaptes à prendre une décision éclairée. Grâce à la Loi sur le consentement au traitement, ces personnes peuvent dorénavant obtenir l'information d'un conseiller quant à leur droit de faire réviser, par une commission d'examen du consentement et de la capacité, le diagnostic d'inaptitude.

Les aidant-e-s responsables ne devraient jamais abandonner quelqu'un qui a refusé un traitement bénéfique en connaissance de cause. Ils devraient plutôt tenter de comprendre pourquoi cette personne le refuse, offrant un encouragement approprié et lui expliquant les conséquences de son comportement.

Et si un aîné-e choisit de mettre fin à un traitement en cours et essentiel à sa vie? Le cas récent de Nancy B., jeune femme paralysée du Québec qui a demandé qu'on débranche le respirateur qui la gardait en vie a créé un précédent dans la jurisprudence canadienne. L'avocat ontarien Terri Wilkinson interprète la décision de la Cour supérieure du Québec comme suit «Une fois le traitement commencé, on ne doit pas y mettre fin, à moins que le soignant ne soit convaincu que la décision est prise par un patient jugé apte qui comprend parfaitement les conséquences de l'interruption du traitement.9

Cas des reclus

On utilise le terme 'reclus' pour désigner une personne entièrement isolée qui a des comportements bizarres et qui peut parfois refuser toute tentative de rapprochement. Dr Barbara Blake raconte le cas suivant:

Les voisins d'une aînée l'avaient vu manger de l'herbe. Elle s'était enfermée dans son appartement et ne laissait entrer personne. Elle refusait de parler à qui que ce soit et n'acceptait ni repas, ni aliment, ni argent de ses voisins ou des travailleurs sociaux.10

Les gens bienveillants acceptent difficilement de ne pas pouvoir aider les personnes qu'ils perçoivent comme étant nécessiteuses. Toutefois, dans la plupart des provinces, à moins que les gestes d'un reclus ne soient franchement et gravement menaçants pour lui-même ou les autres, les fournisseurs de services ne peuvent légalement intervenir pour lui imposer leur aide. Les provinces de l'Atlantique ont adopté des lois sur la protection de l'adulte qui permettent aux organismes de services sociaux ou de santé de visiter une personne vivant dans un état apparent d'autonégligence afin de lui offrir de l'aide. Ils peuvent aussi voir à faire une évaluation d'aptitude. Si la personne est jugée apte et refuse l'aide, aucun service ne lui est imposé. Dans d'autres provinces, le mécanisme juridique qui permet d'apporter de l'aide à un reclus passe par la tutelle imposée aux personnes jugées inaptes.

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Mauvais traitements et obligation de signaler

L'abus ou les mauvais traitements infligés aux aîné-e-s ont été reconnus comme une autre manifestation de la violence familiale. Certains subissent de mauvais traitements physiques ou psychologiques, sont victimes d'exploitation financière ou de négligence ou leurs besoins essentiels ne sont pas assurés par leurs proches. Les aîné-e-s hésitent à signaler les abus pour diverses raisons comme la honte, l'isolement par rapport à la collectivité, la crainte que la famille ne se venge ou les abandonnent, ou qu'on les place en institution. Il s'agit là de l'un des principaux obstacles à l'intervention.

Dans les provinces de l'Atlantique, les lois sur la protection des adultes permettent l'intervention d'urgence. À Terre- Neuve et en Nouvelle-Ecosse, il est obligatoire de signaler aux fonctionnaires provinciaux les cas présumés de mauvais traitements. À l'Île-du-Prince-Édward, il est facultatif de le faire et au Nouveau-Brunswick, il n'existe aucun règlement à cet effet.

De nombreux aîné-e-s et groupes professionnels s'opposent aux lois sur la protection des adultes. On affirme que les aîné-e- s ne sont pas des enfants sous la protection de l'État. Les défenseurs de ces lois prétendent qu'elles ne visent pas à infantiliser les aîné-e- s, mais plutôt à protéger ceux qui ne peuvent se défendre. Les criminologues Robert Gordon et Susan Tomita y voient d'autres avantages. Ces lois définissent très clairement les pouvoirs d'intervention dans les cas d'abus et établissent l'ensemble des procédures de gestion des cas à court et à long terme.11 Il faut néanmoins des mesures pour protéger les libertés individuelles, notamment le droit à la représentation juridique et le droit de refuser toute aide dans le cas des personnes aptes; il faut aussi veiller à ce que, dans la mesure du possible, les interventions ne soient pas restrictives et soient une source minimum d'ingérence.

Selon certains experts, l'obligation de signaler les cas d'abus est aussi considéré comme étant contraire aux droits civils. On s'interroge aussi sur son utilité car l'expérience a montré, dans certaines juridictions mais non dans toutes, que la dénonciation volontaire est aussi efficace quand il s'agit d'attirer l'attention des organismes de services sur les cas de mauvais traitements.12

Contention protectrice

Dans les hôpitaux et les institutions de soins prolongés, on utilise fréquemment des moyens de contention pour prévenir les chutes, empêcher les patient-e-s de déambuler, prévenir les comportements agressifs et protéger les instruments médicaux comme les cathéters ou les tubes d'alimentation. On qualifie de moyen de contention les barreaux latéraux des lits, les sangles de fixation en tissu ou en cuir et les fauteuils gériatriques (fauteuils roulants dotés de sangles empêchant la personne de se lever). L'utilisation de tels dispositifs est contestée pour des raisons cliniques, car ils ne semblent pas réduire le nombre de blessures dues aux chutes ou à la déambulation. Ils peuvent même donner lieu à d'autres problèmes comme la dégénérescence musculaire et l'incontinence. Le fait d'attacher les patient-e-s peut aussi empiéter sur leur droit moral à la liberté et entraîner un sentiment d'humiliation et la dépression. Un homme de 72 ans qui a déjà été attaché a dit «Je me sentais comme un chien et j'ai pleuré toute la nuit. Cela me faisait mal d'être attaché comme ça.»13

Puisque les moyens de contention ne sont pas efficaces pour empêcher les blessures personnelles, le sens commun dicte de ne pas les utiliser à cette fin. Si on en propose l'emploi et qu'un patient est jugé apte, on doit obtenir son consentement avant de les utiliser; s'il refuse, on ne peut les employer et le patient-e devra signer une renonciation afin de libérer l'institution de toute responsabilité en cas de blessure. Dans un tel cas, le refus de la contention est identique au refus de traitement. Toutefois, si le comportement de la personne peut mettre d'autres gens en danger, ou si la personne est jugée inapte, on considère acceptable d'employer les moyens de contention les moins restrictifs possibles pour les circonstances, et leur emploi ne doit durer que le temps minimum nécessaire.

Il existe d'autres moyens que la contention qui peuvent être plus efficaces et respectueux de la dignité des patient-e-s. Dr Roger Roberge et René Beauséjour, de l'hôpital de la Mauricie à Shawinigan, Québec, suggèrent de modifier l'environnement, par exemple, en utilisant des demi-portes qui laissent la liberté de mouvement aux gens, mais dans un lieu bien défini. Ils suggèrent aussi d'accorder plus d'importance à l'ergothérapie et à la réadaptation afin de traiter les états sous-jacents au problème et d'obtenir plus de soutien social et affectif de la part de la famille, du personnel de l'institution et des bénévoles.14

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Liberté de conduire une automobile

La capacité de conduire une automobile peut diminuer en cas de déficiences physiques ou mentales. Il existe des programmes de conduite automobile pour les aîné-e-s comme 'Cinquante-cinq au volant', mis sur pied par le Conseil canadien de la sécurité. On y enseigne aux aîné-e-s des méthodes qui leur permettent de compenser la baisse de leurs capacités. On y analyse à quel moment les aîné-e-s devraient volontairement cesser de conduire.

Étant donné que la conduite dangereuse constitue une menace pour la sécurité d'autrui, chaque province a associé le droit de conduire à des exigences légales fondées sur l'âge et l'état de santé; toutefois ces règlements varient beaucoup d'une province à l'autre. Par exemple, en Ontario, les conducteurs et conductrices de 80+ ans doivent subir un test écrit et pratique et un examen de la vue chaque année avant que leur permis de conduire ne soit renouvelé. En Alberta, à 75 ans, ils doivent présenter un rapport médical attestant de leur aptitude à conduire; cette attestation doit être renouvelée lorsqu'ils atteignent 80 ans et tous les deux ans par la suite. Plusieurs autres provinces, dont le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle- Écosse, l'Île-du-Prince-Édward et le Manitoba n'imposent pas de limite d'age. Dans la plupart des provinces toutefois, un médecin qui découvre que quelqu'un a des déficiences qui peuvent affecter la capacité de conduire en toute sécurité est légalement tenu de signaler cela aux autorités compétentes et celles-ci peuvent retirer le permis.


Les déficiences ayant un impact sur la capacité de conduire ne sont pas toujours évidentes pour la personne, ni pour son médecin. Si la famille ou les ami-e-s constatent une incapacité, il leur revient peut-être moralement de persuader l'aîné-e d'arrêter de conduire ou, selon la province, ils peuvent être légalement tenus de signaler les lacunes de l'aîné-e aux autorités compétentes.

Dignité

Dans la vie, la liberté de choix est l'une des principales sources de dignité. C'est aussi l'une des assises de toute société démocratique. Respecter le droit de toute personne jugée apte à choisir un mode de vie 'à risque' ne fait que confirmer cette valeur. Néanmoins, le principe de la dignité individuelle s'applique aussi à ceux et celles qui ne peuvent plus faire de choix personnels. L'approche la plus conforme à l'éthique est de restreindre la liberté individuelle uniquement si cela est nécessaire et uniquement dans la mesure nécessaire.

Des faits et des chiffres

1,7 % des aîné-e-s du Manitoba ont été hospitalisés à cause de blessures en 1984.

66,3 % de toutes les hospitalisations pour blessures étaient dues à des chutes; les aîné- e-s en foyer de soins infirmiers étaient plus susceptibles d'être hospitalisés après une chute que ceux et celles habitant dans la communauté.
Shapiro, E. Hospital use by elderly Manitobans resulting from an injury. Revue canadienne du vieillissement 7,2 (1988) 125-133.

Une enquête de presque 3 000 patient-e-s d'institutions de soins prolongés au Québec a montré que 47 % d'entre eux étaient en contention, la plupart physiquement attachés.
Roberge, R. et R. Beauséjour. L'usage des contentions en milieu d'hébergement pour les personnes âgées, Revue canadienne du vieillissement 7, 4, (1988) : 377-381.

La probabilité d'être en contention augmente avec l'âge et la gravité de la déficience cognitive des patient-e-s. Evans, L.K. et N.E. Strumpf. Tying down the elderly : A review of the literature on physical restraints. Journal of the American Geriatrics Society, 39 (1989) : 792-798.

Dans les institutions où l'on a cessé ou limité grandement la contention, le nombre de blessures graves n'a pas augmenté. Evans, L.K. et N.E. Strumpf. Myths about elder restraint. Image : Journal of Nursing Scholorship 22, 2 (1990): 124-128.

Au moins 4 % des aîné-e-s canadiens qui vivent chez eux sont victimes de mauvais traitements infligés par leurs proches.
Podnieks, E. et ai. Enquête nationale sur les mauvais traitements faits aux aîné-e-s au Canada. Toronto : Ryerson Polytechnical Institute, 1990.

Plus de 30 % des personnes ayant la maladie d'Alzheimer conduisent encore leur automobile.

76 % des conducteurs et des conductrices ayant l'Alzheimer croyaient qu'ils étaient aptes à conduire, tandis que seulement 26 % de leurs soignant-e-s étaient de cet avis.
Société Alzheimer du Canada. Alzheimer Rapport 12, 6, (Hiver 1990) : 1-2.

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Conseils pratiques

Pour les aîné-e-s

Insistez pour obtenir des renseignements complets quant aux diverses possibilités avant d'accepter un traitement ou des services.

Exigez de participer pleinement aux décisions qui vous concernent, même si vous dépendez d'autres personnes pour l'exécution de certaines tâches que vous ne pouvez plus faire vous-même.

Songez aux conséquences de vos désirs et préférences pour les gens qui vous tiennent à coeur lorsque vous prenez des décisions quant à votre mode de vie.

Songez aux effets à long terme des décisions que vous prenez aujourd'hui. En acceptant les conseils ou les avis des autres maintenant, vous pouvez contribuer à améliorer ou maintenir votre autonomie pour plus tard.

Soyez réceptifs aux informations et aux conseils fournis par la famille et les intervenants et à l'idée que vous pourriez aimer vivre ailleurs et d'une autre manière; pour votre bien-être, il est tout aussi important d'être souple que déterminé.

Pour les parents et les aidant-e-s

Donnez des informations exactes, claires et précises aux aîné-e-s quant aux services ou traitements proposés afin qu'ils donnent un consentement éclairé.

Avant de songer à des mesures coercitives, cherchez à trouver des moyens d'aider les aîné-e-s à gérer les risques, en discutant et en acceptant le compromis.

Faites savoir aux aîné-e-s qui vivent de manière dangereuse quelles sont les limites des soins
et du soutien que vous pouvez leur apporter, compte tenu de vos droits personnels et vos responsabilités envers les autres membres de la famille ou les autres patient-e-s.

Évitez d'adopter une attitude de 'laisser faire' face aux aîné-e-s qui veulent vivre à risque; vous demeurez moralement ou professionnellement tenus d'assurer leur bien-être, dans la limite de leurs choix et de vos propres ressources.

Si le comportement ou la décision d'un aînée vous semble illogique, essayez de comprendre le point de vue de la personne et de voir ce qui est important pour elle avant de remettre en cause sa capacité mentale.

Reconnaissez que la compétence mentale a de multiples facettes et qu'elle varie selon les situations au lieu de tirer des conclusions à la suite d'une seule évaluation. Dans les cas limites, songez à répéter l'évaluation à une date ultérieure.

Respectez la liberté de choix des aîné-e-s dans les domaines ou ils demeurent aptes.

Dans les domaines où il a été prouvé qu'un aîné-e n'est plus mentalement capable, limitez sa liberté aussi peu que possible.

Faites appel à l'ergothérapie ou à la réadaptation et à la surveillance personnelle plutôt qu'aux moyens de contention pour contrôler les comportements à risque dans les institutions.


Empêchez, gentiment mais fermement, toute personne souffrant d'une déficience mentale ou physique qui peut entraîner des difficultés quant à la conduite automobile, d'avoir accès à une auto; signalez la déficience au médecin soignant ou aux autorités responsables des permis de conduire.

Début

Pour en connaître plus long...

Veuillez vous adresser à votre bibliothèque pour obtenir les publications suivantes.

Société Alzheimer du Canada. Drivers with Alzheimer disease. AlzheimeRapport, 12, 6, (Hiver 1990): 1-2.

Borovoy, A. Guardianship and civil liberties. Health Law in Canada, 3, (1982): 51-57.

Collopy, B., Dubler, N. et C. Zuckerman. The ethics of homecare: Autonomy and accommodation. Hastings Center Report, (Mars-Avril 1990): 1-16.

Evans, L.K. et N.E. Strumpf. Myths about elder restraint. Image: Journal of Nursing Scholarship, 22, 2, (1990): 124-128.

Fortin, P. Des droits pour les aînes? In L'éthique, la pratique professionnelle et les droits des aînés. Les Cahiers de formation annuelle du Sanatorium Bégin, 8, (1989).

Gordon, R.M. et S. Tomita. La divulgation des cas de mauvais traitements et de négligence à l'égard des aînés: Procédure obligatoire ou volontaire? Santé mentale au Canada, 38, 4, (1990): 1-6.

Hagan-Hennessey, C. Autonomy and risk: The role of client wishes in community-based long-term care. The Gerontologist, 29, 5, (1989): 633-639.

Moss, R.J. et J. La Puma. The ethics of mechanical restraints. Hastings Center Report, (Janvier-Février 1991): 22-25.

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Notes

1 Conseil consultatif national sur le troisième âge, La position du CCNTA sur le quatrième âge: Maintenir la qualité de la vie. Ottawa: le Conseil, 1993: 35.

2 Silberfeld, M. The use of 'risk' in decision-making. Revue canadienne du vieillissement, 11, 2, (1992): 124-136.

3 Ibid.

4 Beckingharn, A. et A. Baumann. The ageing family in crisis: Assessment and decision-making models. Journal of Advanced Nursing, 15, (1990): 782-787.

5 Harvey, W. Éthique et soins de santé des aîné-e-s. In Conseil consultatif national sur le troisième âge (éd.). Questions éthiques et vieillissement. Ottawa: le Conseil, 1993: 57.

6 Borovoy, A. Guardianship and civil liberties. Health Law in Canada, 3, (1982): 57.

7 Hardwig, J. What about the family? Hastings Center Report, (Avril-Mai 1990): 6.

8 McCullough, L. et S. Wear. Respect for autonomy and medical paternalism reconsidered. Theoretical Medicine, 6, (1985): 298.

9 Wilkinson, T. What should nurses do when patients refuse treatment? Legal Briefs: A Canadian Nursing Management Supplement, 47, (Avril 1992): 2.

10 Blake, B. Public health and guardianship--the recluse. Health Law in Canada, 3, (1982 ): 23.

11 Gordon, R. et S. Tomita. La divulgation des cas de mauvais traitements et de négligence à l'égard des aînés: Procédure obligatoire ou volontaire? Santé mentale au Canada, 38, 4, (1990): 1-6.

12 Ibid.

13 Evans, L.K. et N.E. Strumpf. Myths about elder restraint. Image: Journal of Nursing Scholarship, 22, 2,(1990): 126.

14 Roberge, R. et R. Beauséjour. L'usage des contentions en milieu d'hébergement pour les personnes âgées. Revue canadienne du vieillissement, 7, 4, (1988): 377-381.

Expression est publié 4 fois l'an par le Conseil consultatif national sur le troisième âge, Ottawa (Ontario) KIA OK9, tel.: (613) 957-1968, fax: (613) 957-9938.

Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du CCNTA.

ISSN 0822-8213

Recherche: Louise Plouffe
Rédaction: Francine Beauregard
Renée Blanchet

Début

MESSAGE DU NOUVEAU PRESIDENT DU CCNTA

C'est un privilège pour moi d'accéder à la présidence du CCNTA.

Le mandat du Conseil, établi en 1980, consiste à «conseiller et aider... concernant toutes les facettes de la qualité de la vie des citoyens âgés» que les questions soient référées par le gouvernement ou jugées appropriées par le Conseil.
Le CCNTA, sous la direction de quatre présidentes distinguées et avec l'aide d'un secrétariat dévoué et compétent, a été fidèle à son mandat. Au cours des 13 dernières années, le Conseil est devenu un conseiller respecté par le gouvernement. Il s'est mérité une réputation nationale, et même internationale, pour la qualité de ses publications. De plus, le Conseil est un centre de ressources pour les organismes d'aîné-e-s. Également, les 'Positions du CCNTA' ont reflété les opinions du Conseil sur des thèmes importants et les 'Écrits en gérontologie' ont encouragé la discussion sur des thèmes nouveaux, même souvent controversés.
Au cours des trois dernières années, j'ai eu la chance d'être membre du CCNTA, période pendant laquelle Blossom Wigdor en assumait la présidence. Dans la même mesure, j'espère apporter expérience et sagesse à nos délibérations.
Le CCNTA n'est pas devenu un 'lobby pour les aîné-e-s'; il n'est pas un 'groupe d'intérêt spécial'. Il serait impensable de représenter ainsi le nombre et la population croissante d'aîné-e- s au Canada.
Le rôle du Conseil sera de continuer à informer le gouvernement et la nation sur les questions qui ont trait à la qualité de vie des aîné-e-s, partie de la qualité de vie de tous les Canadiens et Canadiennes. L'enfance, la maturité et la vieillesse sont un continuum. Des problèmes sérieux seront étudiés au CCNTA au cours des prochaines années. En tant que nation, nous devrons conjuger accès' aux soins de santé appropriés pour les aîné-e-s et 'protection' contre les technologies inappropriées. Nous devrons trouver, dans un monde privilégiant la retraite obligatoire, un lieu pour ceux et celles qui peuvent et doivent continuer de mettre leurs compétences au service du bien commun; nous devrons de surcroît, veiller à la qualité de vie de ceux et celles qui ne peuvent plus travailler. De nouvelles questions, certaines dont nous ne soupçonnons pas encore l'existence, s'ajouteront aussi à cette liste.
Le CCNTA continuera de servir le Canada et le gouvernement par le biais de recherches sérieuses, de publications pertinentes, de délibérations prudentes et de conseils honnêtes.

   
   
Mise à jour : 2003-02-26 11:28
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