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Volume : 27S2 juillet 2001 Infections nosocomiales chez les patients
d'établissements de santé liées aux travaux de construction A. Aperçu des cas d'infections nosocomiales liées à des travaux de constructionNous présentons un bref aperçu de la littérature sur les infections nosocomiales liées aux travaux de construction ou de rénovation dans un établissement de santé. Une enquête bibliographique portant sur une période de 20 ans (1978-1998) a mis en lumière un grand nombre d'éclosions d'infections nosocomiales liées à des travaux de construction , surtout dans des hôpitaux de soins actifs et établit l'importance de pratiques rigoureuses de prévention et de lutte contre les infections. Comme nous l'avons indiqué aux tableaux 1 et 2, la majorité des cas recensés étaient liés à des projets de construction ou de rénovation qui se déroulaient à l'intérieur ou à proximité des établissements(3-5,7,8,11-15,17-22,24,25,27,29,30,32-34,61) alors que d'autres étaient associés à une défaillance ou un mauvais entretien des systèmes de ventilation pendant les travaux de construction ou de rénovation(9-11,16,26,62,63). De plus, deux éclosions documentées de pseudo-fongémie (64,65) et une de pseudo-bactériémie(55) se sont produites quand des particules de poussières provenant de projets de construction ou de rénovation ont contaminé des spécimens de laboratoire(64), du matériel de bronchoscopie(65) et des flacons d'hémoculture(55). |
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Note. *Ces exemples représentent des cas de pseudoinfection.
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1. Agents étiologiques Ainsi que le montrent les tableaux 1 et 2, les infections nosocomiales liées à des travaux de construction sont le plus souvent causées par des champignons (mycètes) et, dans une moindre mesure, par des bactéries. Le principal agent étiologique associé à ces infections est Aspergillus. Plus particulièrement Aspergillus fumigatus(3-5,7-9,13-15,17,23-25,41,62,67), A. flavus(3,4,8,9,13,17,25) A. niger(3,4,8,9,13,17,27) et A. terreus(10,27) ont été signalés dans plusieurs éclosions. Parmi les autres champignons mis en cause, on peut mentionner Candida tropicalis(63), Candida parapsilosis(21), Fusarium(63), Zygomycetes(16, 21), Rhizopus indicus(21), Mucoraceae rhizopus(17) et Scedosporium prolificans(42). La bactérie prédominante était Legionella(32-34), et les espèces suivantes ont également été identifiées : L. pneumophila(34) et L. bozemanii(32). Nocardia asteroides(61) est une autre bactérie qui aurait été à l'origine de certaines éclosions. Les auteurs ont également fait état de deux éclosions de pseudofongémie causées par Sporothrix cyanescens(65) et Penicillium(64), et un cas de pseudobactériémie causée par Bacillus spp.(55). Étant donné que Aspergillus et Legionella sont les espèces qui ont le plus souvent été à l'origine d'infections nosocomiales liées à des travaux de construction, nous fournirons une description plus détaillée de ces organismes. Le fait de mieux comprendre la relation entre ces organismes et les activités de construction et de rénovation, nous mettra mieux en mesure de comprendre la nécessité d'appliquer des mesures préventives. Aspergillus est un micro-organisme ubiquitaire qui est présent dans le sol, l'eau et les matières végétales en décomposition(36,40). Les spores (conidies) prolifèrent dans les débris organiques non viables(68) et peuvent demeurer viables pendant des mois dans des endroits secs(69). Pendant les activités de construction et de rénovation, les spores peuvent se disperser sur la poussière ou des particules de saleté(1) quand les planchers, les murs et les plafonds sont démolis. Étant donné que les spores d'Aspergillus sont petites (2,5mm à 3,5mm) et qu'elles se déposent très lentement (0,03 cm par seconde), elles peuvent demeurer en suspension dans l'air pendant de longues périodes(69). C'est pour cette raison qu'elles peuvent facilement être inhalées ou contaminer les surfaces du milieu ambiant. Normalement, Aspergillus colonise temporairement l'homme(70). En raison de la petite taille des conidies, l'organisme peut facilement contourner les défenses des voies respiratoires supérieures de l'hôte et atteindre les alvéoles pulmonaires(70). Quand les espèces d'Aspergillus atteignent les poumons, elles peuvent entraîner une colonisation, une hypersensibilité ou une invasion(71). La réponse de l'hôte revêt une importance critique dans le développement de la maladie(71). Par exemple, les personnes en bonne santé, comme le personnel soignant, peuvent être sensibilisées à Aspergillus, mais risquent très peu de contracter une infection si elles sont exposées(72), alors que l'exposition à cet organisme peut avoir des conséquences très graves et même fatales pour les personnes immunodéprimées(6,37,73). Le diagnostic clinique d'aspergillose pulmonaire invasive peut être difficile à établir parce que les premiers signes ne sont pas spécifiques et l'organisme est rarement isolé dans les expectorations(74). Par conséquent, il est essentiel que des mesures préventives soient prises de manière à réduire l'exposition des patients ou des résidents aux particules de poussière contaminées par des spores d'Aspergillus, en particulier chez les patients qui présentent une granulocytopénie. Legionella est également un organisme très répandu(45). Cette bactérie aérobie, de forme allongée et Gram négative se retrouve dans les milieux aquatiques naturels(45) ainsi que dans le sol et la poussière(76). Dans les hôpitaux, les réservoirs particuliers de Legionella englobent les tours de refroidissement, les condensateurs à évaporation forcée, l'eau distillée produite sur place, les chauffe-eau et les systèmes de chauffage et de climatisation(36,45,77,78). Au cours des projets de construction ou de rénovation, l'alimentation en eau des hôpitaux peut être interrompue et l'eau potable peut devenir contaminée par Legionella lorsque l'alimentation en eau est rétablie(1). Ce phénomène peut survenir à cause du détachement massif des dépôts dans les conduites d'eau sous l'effet de la remise en pression du système(34) ou de l'introduction de sol contaminé dans la plomberie(32). Legionella peut alors proliférer dans le système d'alimentation en eau de l'hôpital si certaines conditions sont réunies, par exemple présence de sédiments dans les réservoirs d'eau chaude(79), températures basses au niveau des robinets d'eau chaude(78) et systèmes d'adduction dans lesquels l'eau a tendance à stagner(77,78,80,81) . En outre, la terre et la poussière qui contiennent des formes dormantes de Legionella peuvent être aérosolisées pendant des travaux d'excavation et par la suite contaminer des tours de refroidissement(76) ou être inhalées par des patients vulnérables(30,32,33). L'incidence des infections nosocomiales causées par Legionella dépend de la résistance de l'hôte, de l'exposition de celui-ci à la source contaminée et du degré de contamination(44,46,82,83). Les patients que l'on traite avec des stéroïdes de haut débit sont notamment à risque. On croit que la maladie des légionnaires résulterait de l'inhalation d'aérosols contaminés par Legionella provenant du système d'alimentation en eau de l'hôpital(83-85). Cette maladie peut être difficile à diagnostiquer(80,84) parce qu'il faut recourir à des techniques de laboratoire et des milieux de culture spécialisés(82). Aussi, des mesures préventives visant à réduire la transmission de Legionella devraient être appliquées lorsqu'on envisage d'effectuer des travaux de construction ou des rénovations qui risquent de perturber une partie de l'alimentation en eau de l'établissement.
Les sources biologiques des micro-organismes causant des infections nosocomiales dans les chantiers de construction englobent les moisissures, la poussière ou la terre contaminées par des spores de champignons ou des bactéries. On a noté des cas où les moisissures ou les particules de poussière contaminées provenaient de la zone située au-dessus du faux plafond(5,21,24,25, 64,86), des matériaux isolants fibreux(14,24), des boîtiers de stores à enroulement(24) et des matériaux d'ignifugation(18). En outre, on a relevé une éclosion d'aspergillose qui est survenue après qu'un incendie ait détruit un vieil immeuble adjacent à l'unité de greffe de moelle osseuse d'un hôpital. On croit que des spores d'Aspergillus dispersées pendant l'incendie ont pénétré dans l'hôpital par une fenêtre ouverte et ont contaminé la moquette du couloir(3). D'autres éclosions se sont produites quand des particules de poussière contaminées se sont infiltrées dans des aires de soins adjacentes parce qu'aucun écran anti-poussière n'avait été érigé(7) ou que les fenêtres n'avaient pas été scellées convenablement(8,16). Dans un autre incident, on a observé quatre cas d'aspergillose cutanée dus à des pansements qui avaient été contaminés pendant des travaux de construction dans le magasin central de fournitures(27). Enfin, on soupçonne que des travaux d'excavation ont dispersé des spores fongiques(9,17,22,29) ou des bactéries(30,32,33) et que ces spores ont ensuite été inhalées par des patients vulnérables. Des éclosions ont été reliées aux installations de plomberie et de ventilation des hôpitaux. Des conduites d'eau qui fuyaient ont causé des dégâts au faux-plafond d'un magasin de fournitures d'intraveinothérapie(25) . Pendant les travaux de réfection du plafond, des particules de poussière et des moisissures ont été dispersées et ont contaminé les fournitures. Celles-ci ont été utilisées auprès d'enfants atteints de leucémie; dont quelques uns ont développé une aspergillose cutanée(25). Une éclosion de légionnellose s'est déclarée quelque temps après l'installation de nouvelles conduites d'eau(32). On croit que des saletés contaminées par Legionella auraient pénétré dans les conduites d'eau au moment où les nouvelles conduites ont été reliées aux installations de plomberie existantes de l'hôpital(32). Dans un autre exemple, la maladie des légionnaires a fait son apparition après la remise sous pression du système d'alimentation en eau quand une vanne située à proximité d'un endroit où l'on effectuait des travaux d'excavation a été rouverte après avoir été fermée(34). On croit que la surpression subite de l'eau aurait entraîné un détachement massif des dépôts à l'intérieur des conduites d'eau, ce qui aurait provoqué l'éclosion(34). Une éclosion nosocomiale de A. flavus s'est produite quand un système de ventilation défectueux a permis à de l'air non filtré provenant d'une zone de construction adjacente de circuler dans les aires de soins des patients. Les préfiltres étaient abondamment souillés et des jours étaient présents entre les filtres et le châssis(11). Des systèmes de ventilation d'établissements ont été mis en cause dans des éclosions de mycoses nosocomiales survenues pendant des périodes de construction ou de rénovation quand 1) les évents n'avaient pas été fermés correctement(26,62), 2) une mauvaise pressurisation de l'air dans les aires de soins des patients avait permis à l'air de circuler des zones souillées vers les zones propres(10,16,63), 3) les échanges et l'évacuation d'air étaient inadéquats(63), ou 4) les filtres HEPA n'avaient pas été entretenus convenablement(63). Enfin, une éclosion d'aspergillose a été reliée à un appareil de climatisation individuel hautement contaminé installé dans une fenêtre adjacente à un chantier de construction routière(9). Comme le laisse entendre cette enquête bibliographique, il existe dans les établissements de santé une foule de sources de contamination pendant des travaux de construction et de rénovation. Il serait prudent de la part du personnel soignant et des professionnels qui participent aux travaux de construction et de rénovation de déterminer lors de la planification des travaux, les sources potentielles de fortes concentrations de micro-organismes pouvant provoquer des infections nosocomiales.
A. Exposition à des travaux de construction Tout patient hospitalisé qui est exposé à des travaux de construction ou d'excavation peut courir un risque accru de contracter une infection nosocomiale liée à ces travaux. Weber et ses collègues ont établi que le fait d'être hospitalisé pendant des travaux de construction représente un facteur de risque indépendant de mycose nosocomiale invasive (p = 0,09)(23). De même, Weems et ses collaborateurs ont démontré que l'incidence d'aspergillose invasive ou de zygomycose est beaucoup plus élevée pendant les périodes où se déroulent des travaux de construction (p = 0,001, méthode exacte de Fisher)(16) . Klimowski et ses collaborateurs ont signalé une incidence accrue d'aspergillose sur une période de 20 ans qui coïncidait avec la multiplication des projets de rénovation à l'intérieur des hôpitaux et, dans une moindre mesure, aux projets de construction à l'extérieur de ceux-ci(19). Les travaux d'excavation et de construction ont également été définis comme facteurs de risque dans une éclosion de L. bozemanii(32). Enfin, Thacker et ses collègues ont mis en lumière une relation entre des patients qui avaient eu accès aux terrains de l'hôpital pendant des travaux d'excavation et le risque de contracter la maladie des légionnaires (p < 0,0001)(33). Ainsi, l'importance de réduire l'exposition des patients aux travaux de construction ou d'excavation est claire. B. Caractéristiques des patients En outre, la maladie dont souffre le patient est un facteur important lorsqu'il s'agit d'établir qui risque de contracter une infection nosocomiale. En effet, il s'agit de l'un des meilleurs facteurs de prédiction dans le cas de l'aspergillose invasive(87) et de la maladie des légionnaires(36, 50). Nous présenterons maintenant une brève description de la réponse immunitaire aux champignons et aux bactéries afin d'aider le lecteur à comprendre la relation entre la maladie sous-jacente et l'apparition de l'infection. Lorsque le système immunitaire d'une personne en santé est exposé à Aspergillus, les macrophages tuent les conidies alors que les neutrophiles assurent la défense contre les mycélia. Cependant, quand l'hôte est atteint de granulocytopénie (très peu de neutrophils), il y a un risque accru d'invasion des tissus par Aspergillus(15). Des recherches antérieures ont établi que la durée de la granulocytopénie était un facteur de risque indépendant de mycose nosocomiale (p < 0,01)(23). Les neutrophiles jouent un rôle moins important dans la défense primaire contre les Legionella lorsque cet organisme parvient à atteindre les poumons. Par conséquent, les patients qui présentent une neutropénie ne courent pas un risque excessif de contracter la maladie des légionnaires(81). Les maladies suivantes associées à une immunosupression ont souvent été citées comme facteurs de risque de mycoses nosocomiales liées à des travaux de construction : la réaction du greffon contre l'hôte nécessitant un traitement immunosuppresseur(36,87-89), une neutropénie ou une granulocytopénie prolongées consécutives à une chimiothérapie cytotoxique(3,15,17,22,23,42,87,88,90), un usage prolongé d'antibiotiques(15,17,42,87,88) et un traitement à base de stéroïdes(87,89). Parmi les autres facteurs de risque d'aspergillose figurent la dialyse et la ventilation assistée(43), le tabagisme(87) et l'âge du patient(88), les très jeunes enfants et les personnes très âgées étant le plus à risque(21,87). Grauhan et ses collègues ont signalé que le risque de mycose augmentait chez les patients qui comptent au moins trois de ces facteurs de risque (p < 0,001)(43). De même, une thérapie immunosuppressive consécutive à une greffe d'organe, à une maladie d'immunodéficience, à un traitement à base de stéroïdes (32,44,46,54,77,81,84,85,91) et un âge avancé ont tous été relevés comme facteurs de risque de contracter et de mourir de la maladie des légionnaires(36). Il est également possible que les hommes courent un risque plus grand(33,44,77,84,85,91) étant donné qu'on compte plus d'hommes que de femmes parmi les victimes de cette infection. Les autres facteurs de risque de la maladie des légionnaires sont le tabagisme(44,77,84,85,91), une consommation excessive d'alcool(77, 84), le fait de subir une chirurgie(85), le diabète(84,91) et les néoplasies, les maladies pulmonaires, rénales et cardiaques(44,46,81,84,91). En résumé, les patients qui présentent l'un des
facteurs de risque énumérés au tableau
3 peuvent être plus vulnérables durant des travaux de
construction ou de rénovation. Ce sont les patients immunodéprimés
qui courent le plus grand risque de contracter une mycose ou une légionellose
nosocomiale(3,715,32,42,81,84,89,91). Il s'agit notamment des
patients qui ont subi une greffe de moelle osseuse ou d'un organe plein,
les personnes atteintes de cancer qui sont sous chimiothérapie,
les dialysés et les patients qui suivent un traitement immunosuppresseur,
y compris à base de stéroïdes. Il est possible que
de telles personnes très vulnérables reçoivent des
soins dans des établissements de santé à travers
le continuum de soins, p. ex., les personnes atteintes de cancer traitées
dans les unités de soins ambulatoires. Il s'avère donc nécessaire
de procéder à une évaluation des risques avant d'entreprendre
des travaux de construction et de rénovation là où
s'effectuent des soins de santé. |
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Dernière mise à jour : 2001-08-15 |