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Relevé des maladies transmissibles au Canada

[Table des matières]

 

Volume : 27S2 • juillet 2001

Infections nosocomiales chez les patients d'établissements de santé liées aux travaux de construction
Atténuer le risque d'aspergillose, de légionellose et d'autres infections


A.  Aperçu des cas d'infections nosocomiales liées à des travaux de construction

Nous présentons un bref aperçu de la littérature sur les infections nosocomiales liées aux travaux de construction ou de rénovation dans un établissement de santé. Une enquête bibliographique portant sur une période de 20 ans (1978-1998) a mis en lumière un grand nombre d'éclosions d'infections nosocomiales liées à des travaux de construction , surtout dans des hôpitaux de soins actifs et établit l'importance de pratiques rigoureuses de prévention et de lutte contre les infections. Comme nous l'avons indiqué aux tableaux 1 et 2, la majorité des cas recensés étaient liés à des projets de construction ou de rénovation qui se déroulaient à l'intérieur ou à proximité des établissements(3-5,7,8,11-15,17-22,24,25,27,29,30,32-34,61) alors que d'autres étaient associés à une défaillance ou un mauvais entretien des systèmes de ventilation pendant les travaux de construction ou de rénovation(9-11,16,26,62,63). De plus, deux éclosions documentées de pseudo-fongémie (64,65) et une de pseudo-bactériémie(55) se sont produites quand des particules de poussières provenant de projets de construction ou de rénovation ont contaminé des spécimens de laboratoire(64), du matériel de bronchoscopie(65) et des flacons d'hémoculture(55).



Tableau 1. Aperçu des cas documentés d'éclosions nosocomiales liées à des travaux de construction et causées par des champignons

Agent étiologique

Maladie sous-jacente
chez les patients

Nombre de patients infectés/
colonisés

Nombre de patients décédés

Circonstances

Réference/
Année

A. fumigatus
A. niger
A. terreus

Brûlure(2)
Traumatisme(1)
Perforation des viscères et désunion des sutures d'une plaie(1)

4

Non disponible

Rénovations du service de contrôle de l'inventaire ayant entraîné la dispersion de spores d'Aspergillus et la formation d'un dépôt sur les boîtes de fournitures. L'intérieur des emballages a été contaminé quand la boîte a été ouverte. Les patients ont ensuite été contaminés quand les emballages ont été ouverts pendant le changement de pansements.

Bryce et coll., 1996(27)

A. flavus(3)
A. fumigatus(2)
A. niger(1)

Leucémie(6)

6

2 (lié à une maladie sous-
jacente)

Réparation d'un faux_plafond à cause d'une fuite d'eau dans un magasin de fournitures d'intraveinothérapie. Du ruban adhésif et des accoudoirs ont été contaminés.

Grossman et coll., 1985(25)

A. fumigatus(18)

Leucémie(15)
Myélome(1)
Lymphome(1)
Myélose secondaire à un cancer du sein

22

18

Des spores ont été dispersées durant la démolition de canalisations et de faux-plafonds, l'enlèvement de matériaux d'isolation thermique fibreux (fibre de verre) et des travaux sur des boîtiers de stores à enroulement.

Perraud et coll., 1987(24)

A. fumigatus(3)

Transplantation cardiaque

3

2

Une passerelle entre un vieux pavillon et une unité nouvelle a permis à la poussière en provenance d'un projet de construction de s'infiltrer dans l'immeuble. De plus, une soupape d'admission d'air était mal fermée.

Hospital Infection Control, 1990(66)

A. fumigatus
A. flavus

Cancer hématologique(2)
Âge avancé(1)
Transplantation rénale(7)

10 (examen rétrospectif des rapports d'autopsie)

10 (4 à cause d'une aspergillose invasive)

Des climatiseurs installés aux fenêtres de l'unité de transplantation rénale étaient lourdement contaminés par Aspergillus spp. L'unité était située à proximité d'un chantier de construction routière adjacent.

Lentino et coll., 1982(9)

A. niger
A. flavus
A. fumigatus

Diagnostic non fourni. (l'hôpital accueille des patients atteints de leucémie, de lymphome, de myélome, de tumeurs cérébrales, de sarcomes et de carcinomes métastasiques)

8

3

On croit que des spores d'Aspergillus se sont déposées sur des matériaux d'ignifugation humides installés pendant la construction. Les spores ont été dispersées quand les matériaux d'ignifugation secs ont été déplacés au-dessus des faux-plafonds pendant des travaux de rénovation et de maintenance.

Aisner et coll., 1976(18)

A. fumigatus(3)

Oncologie

3

1 (avait eu une GMO)

Réfection du service de radiologie adjacent. Des écrans anti-poussière n'avaient pas été installés.

Berg, 1995(7)

A. fumigatus(6)

Patients à l'unité de soins actifs pour insuffisance respiratoire, maladie de Crohn, bronchite, emphy-
sème, asthme, traumatismes multiples, choc septique, anévrysme de l'aorte abdominale

6

3 (liés à la maladie sous-
jacente)

On croit que des spores dans les matériaux isolants fibreux au-dessus du plafond en métal perforé auraient été dispersées pendant des travaux de construction mineurs dans les bureaux et les magasins adjacents.

Humphreys et coll., 1991(14)

A. fumigatus(6)

GMO

6

6

Contamination importante par des spores bacté-
riennes résultant de la construction d'une unité de GMO adjacente.

Barnes & Rogers, 1989(12)

A. fumigatus(3)

Transplantation rénale

3

1

Des travaux de rénovation à l'étage supérieur ont entraîné la dispersion de poussières provenant des faux-plafonds dans l'unité de transplantations rénales.

Arnow et coll., 1978(5)

A. fumigatus(3)

Néphropathie
- insuffisance rénale
 chronique(2)
- granulomatose de Wegener

3

2

L'éclosion a coïncidé avec des travaux de rénovation dans une unité proche de l'unité de néphrologie où se trouvaient les patients.

Sessa et coll., 1996(15)

A. flavus(4)
A. fumigatus(1)
A. niger(1)
autres Aspergillus spp.

Immunosuppression résultant d'un cancer des systèmes lymphatique et réticulo-endothélial(7)
- corticothérapie à fortes
  doses(3)
- carcinome disséminé(1)

11

11

Non indiqué. Les patients se trouvaient soit au même étage ou à l'étage au-dessous des travaux de construction.

Opal et coll., 1986(4)

A. flavus(5)
A. fumigatus(6)

Patients d'une unité de greffe de moelle osseuse/de soins aux leucémiques

13

5

Un incendie dans un vieil immeuble à proximité de l'hôpital et l'ouverture répétée d'une fenêtre peu de temps après, porte à croire que des spores fongiques dispersées pendant l'incendie ont été à l'origine de ces cas. La moquette du couloir a été contaminée et était une source permanente d'infection.

Gerson et coll., 1994(3)

A. terreus(4)

Greffe de moelle osseuse (GMO)(2)
Leucémie aiguë myéloblastique (LAM)(1)
Choriocarcinome disséminé(1)
Le diagnostic n'a pas été indiqué pour les deux autres patients

6

4

Des rénovations étaient en cours deux étages en-dessous de l'unité de soins intensifs. La pression d'air dans cette unité était négative par rapport aux couloirs et aux cages d'ascenseur situées à proximité. On croit que cela s'est produit pendant la construction d'un mur au cours de travaux de rénovation antérieurs. De plus, la ventilation des chambres des patients était conventionnelle plutôt qu'unidirectionnelle.

Flynn et coll., 1993(10)

Aspergillus

Patients d'une unité pour grands brûlés, d'une unité de dialyse et d'une unité d'oncologie

5

non disponible

Les prises d'air n'avaient pas été recouvertes pendant les travaux de démolition dans les unités de soins infirmiers abritant des patients.

American Health Care Consultants, 1995(26)

Champignons aéroportés(3)
Candida tropicalis(2)
Fusarium(1)

Greffe de moelle osseuse (GMO)

7

6

Plusieurs sources potentielles, dont : papier peint décollé dans le couloir, châsses mal scellées et ouverture directe des chambres de l'unité de greffe osseuse sur les étages supérieurs et inférieurs; échange et évacuation d'air inadéquats; pression négative dans 4 des 16 chambres de l'unité et filtres absolus (HEPA) non entretenus ou remplacés depuis 4 ans.

American Health Care Consultants, 1995(63)

Aspergillus

Patients de l'unité d'hématologie

5

5

Travaux d'excavation importants pendant la reconstruction de l'hôpital. Les chambres d'isolement où se trouvaient les patients donnaient sur le chantier de construction.

Shields et coll., 1990(29)

Zygomycetes
Aspergillus
Rhizopus indicus

Bébé prématuré souffrant d'un syndrome de détresse respiratoire. Bébé prématuré opéré pour une persistance du canal artériel

2

2

La source principale des moisissures était de la poussière au-dessus du faux-plafond

Krasinski et coll., 1985(21)

Aspergillus

LMA(25)
LLA(7)
Leucémie lymphocytaire chronique (LLC)(1)
Leucémie myéloïde chronique (LMC)(1)
GMO(2)

36 (sur une période de 69 mois)

17

Non établie, mais quatre cas avaient été décelés avant la construction de l'hôpital comparativement à 28 cas pendant la construction et quatre cas après la mise en application de mesures de lutte anti-infectieuse, ce qui porte à croire que les travaux de construction était liés à cette éclosion.

Loo et coll., 1996(13)

A. flavus(34)

Ancienne tuberculose cavitaire
Diabète
Purpura thrombocyto-
pénique idiopathique (PTI)
Leucémie
Cancer du poumon
Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
Pneumonie bactérienne

32

1

Des travaux de construction sur un chantier adjacent à l'hôpital et un système de ventilation dans la vielle aile de l'hôpital (p. ex., préfiltres lourdement souillés, présence d'un jour entre les filtres et les châssis). De l'air non filtré a pu pénétrer dans les aires de traitement des patients.

Sarubbi et coll., 1982(11)

Aspergillus

Traitements immuno-
suppresseurs pour une vasculite

3

3

Travaux de construction et démolition de pavillons adjacents à l'unité où se trouvaient les patients. Facteurs contributifs : pas de système de ventilation spécial et les fenêtres ne pouvaient pas être fermées complètement.

Dewhurst et coll., 1990(20)

A. flavus(6)
A. fumigatus(1)
Mucoraceae rhizopus(1)

LMA(3)
Leucémie lymphoblastique aiguë (LLA)(3)
Anémie aplastique(1)
Néphroblastome métastatique(1)

8

5

L'éclosion était directement reliée à une augmentation de la concentration de spores résultant de travaux d'excavation réalisés pendant des travaux de cons-
truction dans un établissement préexistant.

Lueg et coll., 1996(17)

Aspergillus(3)
Zygomycetes(2)

Lymphome de Burkitt(1)
LMA(1)
LLA(3)

5

5

L'exposition à des travaux de construction était un facteur associé indépendant. Des travaux de réno-
vation importants étaient en cours en plus de travaux de construction. Les fenêtres des chambres où se trouvaient les patients s'ouvraient et le système de « pression réversible » n'assurait pas les relations de pression indiquées.

Weems et coll., 1987(16)

A. fumigatus(2)
A. flavus(1)
Inconnu(2)

Neutropénie consécutive à une chimiothérapie intensive

5

non
indiqué

On a relevé une augmentation importante des moisissures dans les chambres des patients et dans les couloirs après le début des travaux de construction.
Le fait de sceller les fenêtres et les autres endroits qui auraient permis des infiltrations a entraîné une baisse de la quantité de moisissures dans l'air. On croît donc que les fuites autour des fenêtres seraient des sources importantes.

Iwen et coll., 1994(8)

Scedosporium prolificans (inflatum)(4)

LMA(3)
LLA(1)

4

4

La source est inconnue. Les patients se trouvaient dans deux chambres d'isolement à l'entrée de l'unité, laquelle était située en face de la zone de construction.

Alvarez et coll., 1995(42)

Sporothrix cyanescens* Pneumonie avec radiographies thoraciques anormales nécessitant une bronchoscopie avec biopsie(4) 4 0 De la poussière générée par des travaux de rénovation à l'intérieur et à côté de l'unité de bronchoscopie a contaminé l'équipement de bronchoscopie. Jackson et coll., 1990(65)
Aspergillus penicillium* Diabète, maladie des membranes hyalines, asthme, aspiration de méconium, paralysie cérébrale, tumeur de Wilm, LLA, bronchiolite 13 0 Des plaques de gélose ont été exposées à l'air et n'ont pas été traitées sous une hotte à écoulement laminaire. Les spores ont pénétré dans le laboratoire par le faux-plafond qui était relié à la zone où se déroulait la rénovation. En outre, de l'air s'est introduit parce que le laboratoire était en pression négative. Hruszkewycz et coll., 1992(64)

Note. *Ces exemples représentent des cas de pseudoinfection.


Tableau 2. Aperçu des cas documentés d'éclosions nosocomiales liées à des travaux de construction et causées par des bactéries

Agent étiologique

Maladie sous-jacente
chez les patients

Nombre de patients infectés/
colonisés

Nombre de patients décédés

Circonstances

Réference/
Année

Nocardia asteroides(7)

Hépatopathie chronique(4)
Transplantation de foie(3)

7

6

Il y avait beaucoup de poussière sur les surfaces et l'équipement dans l'unité. Des rénovations étaient en cours dans l'unité à cette époque. Les tests environnementaux étaient négatifs pour Nocardia spp.

Sahathevan et coll., 1991(61)

Legionella pneumophila

Un patient souffrant de myélodysplasie et de neutropénie a été admis pour une extraction dentaire. L'autre avait une hémorragie gastro-
intestinale.

2

2

Une vanne d'eau du système d'alimentation en eau potable a été fermée près du site d'excavation. Les auteurs croient que la remise en pression du système aurait pu causer un détachement massif des dépôts à l'intérieur du conduit, ce qui aurait provoqué l'éclosion.

Mermel et coll., 1995(34)

Legionella bozemanii(4)

Lymphome(2)
Urémie(1)
Arthrite rhumatoïde(1)
Purpura thrombocytopénique immun

5

0

Des saletés ont pénétré dans le système d'alimentation en eau pendant la construction et l'installation de nouvelles conduites.

Parry et coll., 1985(32)

Bactérie de la maladie des légionnaires

20 des patients étaient immunodéprimés

49
(3 employés)

15

On a pensé que la source était des aérosols provenant de travaux d'excavation ou de tours de refroidissement.

Haley et coll., 1979(30)

Non signalé (les CDC ont trouvé des preuves sérologiques de la maladie des légionnaires)

Maladies mentales

81

14

On croit que la source proviendrait de travaux d'excavation sur le terrain de l'hôpital d'un établissement préexistant.

Thacker et coll., 1978(33)



   

1.    Agents étiologiques

Ainsi que le montrent les tableaux 1 et 2, les infections nosocomiales liées à des travaux de construction sont le plus souvent causées par des champignons (mycètes) et, dans une moindre mesure, par des bactéries. Le principal agent étiologique associé à ces infections est Aspergillus. Plus particulièrement Aspergillus fumigatus(3-5,7-9,13-15,17,23-25,41,62,67), A. flavus(3,4,8,9,13,17,25) A. niger(3,4,8,9,13,17,27) et A. terreus(10,27) ont été signalés dans plusieurs éclosions. Parmi les autres champignons mis en cause, on peut mentionner Candida tropicalis(63), Candida parapsilosis(21), Fusarium(63), Zygomycetes(16, 21), Rhizopus indicus(21), Mucoraceae rhizopus(17) et Scedosporium prolificans(42). La bactérie prédominante était Legionella(32-34), et les espèces suivantes ont également été identifiées : L. pneumophila(34) et L. bozemanii(32). Nocardia asteroides(61) est une autre bactérie qui aurait été à l'origine de certaines éclosions. Les auteurs ont également fait état de deux éclosions de pseudofongémie causées par Sporothrix cyanescens(65) et Penicillium(64), et un cas de pseudobactériémie causée par Bacillus spp.(55). Étant donné que Aspergillus et Legionella sont les espèces qui ont le plus souvent été à l'origine d'infections nosocomiales liées à des travaux de construction, nous fournirons une description plus détaillée de ces organismes. Le fait de mieux comprendre la relation entre ces organismes et les activités de construction et de rénovation, nous mettra mieux en mesure de comprendre la nécessité d'appliquer des mesures préventives.

Aspergillus est un micro-organisme ubiquitaire qui est présent dans le sol, l'eau et les matières végétales en décomposition(36,40). Les spores (conidies) prolifèrent dans les débris organiques non viables(68) et peuvent demeurer viables pendant des mois dans des endroits secs(69). Pendant les activités de construction et de rénovation, les spores peuvent se disperser sur la poussière ou des particules de saleté(1) quand les planchers, les murs et les plafonds sont démolis. Étant donné que les spores d'Aspergillus sont petites (2,5mm à 3,5mm) et qu'elles se déposent très lentement (0,03 cm par seconde), elles peuvent demeurer en suspension dans l'air pendant de longues périodes(69). C'est pour cette raison qu'elles peuvent facilement être inhalées ou contaminer les surfaces du milieu ambiant.

Normalement, Aspergillus colonise temporairement l'homme(70). En raison de la petite taille des conidies, l'organisme peut facilement contourner les défenses des voies respiratoires supérieures de l'hôte et atteindre les alvéoles pulmonaires(70). Quand les espèces d'Aspergillus atteignent les poumons, elles peuvent entraîner une colonisation, une hypersensibilité ou une invasion(71). La réponse de l'hôte revêt une importance critique dans le développement de la maladie(71). Par exemple, les personnes en bonne santé, comme le personnel soignant, peuvent être sensibilisées à Aspergillus, mais risquent très peu de contracter une infection si elles sont exposées(72), alors que l'exposition à cet organisme peut avoir des conséquences très graves et même fatales pour les personnes immunodéprimées(6,37,73). Le diagnostic clinique d'aspergillose pulmonaire invasive peut être difficile à établir parce que les premiers signes ne sont pas spécifiques et l'organisme est rarement isolé dans les expectorations(74). Par conséquent, il est essentiel que des mesures préventives soient prises de manière à réduire l'exposition des patients ou des résidents aux particules de poussière contaminées par des spores d'Aspergillus, en particulier chez les patients qui présentent une granulocytopénie.

Legionella est également un organisme très répandu(45). Cette bactérie aérobie, de forme allongée et Gram négative se retrouve dans les milieux aquatiques naturels(45) ainsi que dans le sol et la poussière(76). Dans les hôpitaux, les réservoirs particuliers de Legionella englobent les tours de refroidissement, les condensateurs à évaporation forcée, l'eau distillée produite sur place, les chauffe-eau et les systèmes de chauffage et de climatisation(36,45,77,78). Au cours des projets de construction ou de rénovation, l'alimentation en eau des hôpitaux peut être interrompue et l'eau potable peut devenir contaminée par Legionella lorsque l'alimentation en eau est rétablie(1). Ce phénomène peut survenir à cause du détachement massif des dépôts dans les conduites d'eau sous l'effet de la remise en pression du système(34) ou de l'introduction de sol contaminé dans la plomberie(32). Legionella peut alors proliférer dans le système d'alimentation en eau de l'hôpital si certaines conditions sont réunies, par exemple présence de sédiments dans les réservoirs d'eau chaude(79), températures basses au niveau des robinets d'eau chaude(78) et systèmes d'adduction dans lesquels l'eau a tendance à stagner(77,78,80,81) . En outre, la terre et la poussière qui contiennent des formes dormantes de Legionella peuvent être aérosolisées pendant des travaux d'excavation et par la suite contaminer des tours de refroidissement(76) ou être inhalées par des patients vulnérables(30,32,33).

L'incidence des infections nosocomiales causées par Legionella dépend de la résistance de l'hôte, de l'exposition de celui-ci à la source contaminée et du degré de contamination(44,46,82,83). Les patients que l'on traite avec des stéroïdes de haut débit sont notamment à risque. On croit que la maladie des légionnaires résulterait de l'inhalation d'aérosols contaminés par Legionella provenant du système d'alimentation en eau de l'hôpital(83-85). Cette maladie peut être difficile à diagnostiquer(80,84) parce qu'il faut recourir à des techniques de laboratoire et des milieux de culture spécialisés(82). Aussi, des mesures préventives visant à réduire la transmission de Legionella devraient être appliquées lorsqu'on envisage d'effectuer des travaux de construction ou des rénovations qui risquent de perturber une partie de l'alimentation en eau de l'établissement.


2.    Sources des micro-organismes causant des infections dans les chantiers de construction

Les sources biologiques des micro-organismes causant des infections nosocomiales dans les chantiers de construction englobent les moisissures, la poussière ou la terre contaminées par des spores de champignons ou des bactéries. On a noté des cas où les moisissures ou les particules de poussière contaminées provenaient de la zone située au-dessus du faux plafond(5,21,24,25, 64,86), des matériaux isolants fibreux(14,24), des boîtiers de stores à enroulement(24) et des matériaux d'ignifugation(18). En outre, on a relevé une éclosion d'aspergillose qui est survenue après qu'un incendie ait détruit un vieil immeuble adjacent à l'unité de greffe de moelle osseuse d'un hôpital. On croit que des spores d'Aspergillus dispersées pendant l'incendie ont pénétré dans l'hôpital par une fenêtre ouverte et ont contaminé la moquette du couloir(3). D'autres éclosions se sont produites quand des particules de poussière contaminées se sont infiltrées dans des aires de soins adjacentes parce qu'aucun écran anti-poussière n'avait été érigé(7) ou que les fenêtres n'avaient pas été scellées convenablement(8,16). Dans un autre incident, on a observé quatre cas d'aspergillose cutanée dus à des pansements qui avaient été contaminés pendant des travaux de construction dans le magasin central de fournitures(27). Enfin, on soupçonne que des travaux d'excavation ont dispersé des spores fongiques(9,17,22,29) ou des bactéries(30,32,33) et que ces spores ont ensuite été inhalées par des patients vulnérables.

Des éclosions ont été reliées aux installations de plomberie et de ventilation des hôpitaux. Des conduites d'eau qui fuyaient ont causé des dégâts au faux-plafond d'un magasin de fournitures d'intraveinothérapie(25) . Pendant les travaux de réfection du plafond, des particules de poussière et des moisissures ont été dispersées et ont contaminé les fournitures. Celles-ci ont été utilisées auprès d'enfants atteints de leucémie; dont quelques uns ont développé une aspergillose cutanée(25). Une éclosion de légionnellose s'est déclarée quelque temps après l'installation de nouvelles conduites d'eau(32). On croit que des saletés contaminées par Legionella auraient pénétré dans les conduites d'eau au moment où les nouvelles conduites ont été reliées aux installations de plomberie existantes de l'hôpital(32). Dans un autre exemple, la maladie des légionnaires a fait son apparition après la remise sous pression du système d'alimentation en eau quand une vanne située à proximité d'un endroit où l'on effectuait des travaux d'excavation a été rouverte après avoir été fermée(34). On croit que la surpression subite de l'eau aurait entraîné un détachement massif des dépôts à l'intérieur des conduites d'eau, ce qui aurait provoqué l'éclosion(34).

Une éclosion nosocomiale de A. flavus s'est produite quand un système de ventilation défectueux a permis à de l'air non filtré provenant d'une zone de construction adjacente de circuler dans les aires de soins des patients. Les préfiltres étaient abondamment souillés et des jours étaient présents entre les filtres et le châssis(11). Des systèmes de ventilation d'établissements ont été mis en cause dans des éclosions de mycoses nosocomiales survenues pendant des périodes de construction ou de rénovation quand 1) les évents n'avaient pas été fermés correctement(26,62), 2) une mauvaise pressurisation de l'air dans les aires de soins des patients avait permis à l'air de circuler des zones souillées vers les zones propres(10,16,63), 3) les échanges et l'évacuation d'air étaient inadéquats(63), ou 4) les filtres HEPA n'avaient pas été entretenus convenablement(63). Enfin, une éclosion d'aspergillose a été reliée à un appareil de climatisation individuel hautement contaminé installé dans une fenêtre adjacente à un chantier de construction routière(9).

Comme le laisse entendre cette enquête bibliographique, il existe dans les établissements de santé une foule de sources de contamination pendant des travaux de construction et de rénovation. Il serait prudent de la part du personnel soignant et des professionnels qui participent aux travaux de construction et de rénovation de déterminer lors de la planification des travaux, les sources potentielles de fortes concentrations de micro-organismes pouvant provoquer des infections nosocomiales.


3.    Facteurs de risque associés aux infections nosocomiales liées à des travaux de construction

A.    Exposition à des travaux de construction

Tout patient hospitalisé qui est exposé à des travaux de construction ou d'excavation peut courir un risque accru de contracter une infection nosocomiale liée à ces travaux. Weber et ses collègues ont établi que le fait d'être hospitalisé pendant des travaux de construction représente un facteur de risque indépendant de mycose nosocomiale invasive (p = 0,09)(23). De même, Weems et ses collaborateurs ont démontré que l'incidence d'aspergillose invasive ou de zygomycose est beaucoup plus élevée pendant les périodes où se déroulent des travaux de construction (p = 0,001, méthode exacte de Fisher)(16) . Klimowski et ses collaborateurs ont signalé une incidence accrue d'aspergillose sur une période de 20 ans qui coïncidait avec la multiplication des projets de rénovation à l'intérieur des hôpitaux et, dans une moindre mesure, aux projets de construction à l'extérieur de ceux-ci(19). Les travaux d'excavation et de construction ont également été définis comme facteurs de risque dans une éclosion de L. bozemanii(32). Enfin, Thacker et ses collègues ont mis en lumière une relation entre des patients qui avaient eu accès aux terrains de l'hôpital pendant des travaux d'excavation et le risque de contracter la maladie des légionnaires (p < 0,0001)(33). Ainsi, l'importance de réduire l'exposition des patients aux travaux de construction ou d'excavation est claire.

B.    Caractéristiques des patients

En outre, la maladie dont souffre le patient est un facteur important lorsqu'il s'agit d'établir qui risque de contracter une infection nosocomiale. En effet, il s'agit de l'un des meilleurs facteurs de prédiction dans le cas de l'aspergillose invasive(87) et de la maladie des légionnaires(36, 50).

Nous présenterons maintenant une brève description de la réponse immunitaire aux champignons et aux bactéries afin d'aider le lecteur à comprendre la relation entre la maladie sous-jacente et l'apparition de l'infection. Lorsque le système immunitaire d'une personne en santé est exposé à Aspergillus, les macrophages tuent les conidies alors que les neutrophiles assurent la défense contre les mycélia. Cependant, quand l'hôte est atteint de granulocytopénie (très peu de neutrophils), il y a un risque accru d'invasion des tissus par Aspergillus(15). Des recherches antérieures ont établi que la durée de la granulocytopénie était un facteur de risque indépendant de mycose nosocomiale (p < 0,01)(23). Les neutrophiles jouent un rôle moins important dans la défense primaire contre les Legionella lorsque cet organisme parvient à atteindre les poumons. Par conséquent, les patients qui présentent une neutropénie ne courent pas un risque excessif de contracter la maladie des légionnaires(81).

Les maladies suivantes associées à une immunosupression ont souvent été citées comme facteurs de risque de mycoses nosocomiales liées à des travaux de construction : la réaction du greffon contre l'hôte nécessitant un traitement immunosuppresseur(36,87-89), une neutropénie ou une granulocytopénie prolongées consécutives à une chimiothérapie cytotoxique(3,15,17,22,23,42,87,88,90), un usage prolongé d'antibiotiques(15,17,42,87,88) et un traitement à base de stéroïdes(87,89). Parmi les autres facteurs de risque d'aspergillose figurent la dialyse et la ventilation assistée(43), le tabagisme(87) et l'âge du patient(88), les très jeunes enfants et les personnes très âgées étant le plus à risque(21,87). Grauhan et ses collègues ont signalé que le risque de mycose augmentait chez les patients qui comptent au moins trois de ces facteurs de risque (p < 0,001)(43).

De même, une thérapie immunosuppressive consécutive à une greffe d'organe, à une maladie d'immunodéficience, à un traitement à base de stéroïdes (32,44,46,54,77,81,84,85,91) et un âge avancé ont tous été relevés comme facteurs de risque de contracter et de mourir de la maladie des légionnaires(36). Il est également possible que les hommes courent un risque plus grand(33,44,77,84,85,91) étant donné qu'on compte plus d'hommes que de femmes parmi les victimes de cette infection. Les autres facteurs de risque de la maladie des légionnaires sont le tabagisme(44,77,84,85,91), une consommation excessive d'alcool(77, 84), le fait de subir une chirurgie(85), le diabète(84,91) et les néoplasies, les maladies pulmonaires, rénales et cardiaques(44,46,81,84,91).

En résumé, les patients qui présentent l'un des facteurs de risque énumérés au tableau 3 peuvent être plus vulnérables durant des travaux de construction ou de rénovation. Ce sont les patients immunodéprimés qui courent le plus grand risque de contracter une mycose ou une légionellose nosocomiale(3,715,32,42,81,84,89,91). Il s'agit notamment des patients qui ont subi une greffe de moelle osseuse ou d'un organe plein, les personnes atteintes de cancer qui sont sous chimiothérapie, les dialysés et les patients qui suivent un traitement immunosuppresseur, y compris à base de stéroïdes. Il est possible que de telles personnes très vulnérables reçoivent des soins dans des établissements de santé à travers le continuum de soins, p. ex., les personnes atteintes de cancer traitées dans les unités de soins ambulatoires. Il s'avère donc nécessaire de procéder à une évaluation des risques avant d'entreprendre des travaux de construction et de rénovation là où s'effectuent des soins de santé.



Tableau 3. Facteurs de risque associés aux infections nosocomiales liées à des travaux de construction
Facteurs de risque d'infections dues à des mycètes filamenteux
Facteurs de risque de la maladie des légionnaires
1.  Exposition à des travaux de construction
2. Maladies associées à une immunosuppression (p. ex., greffe de moelle osseuse ou d'organe plein; réaction de greffon contre l'hôte nécessitant un traitement; neutropénie ou granulocytopénie prolongée consécutives à une chimiothérapie cytotoxique; usage prolongé d'antibiotiques pour le traitement de fièvres ou d'infections antérieures; et traitement à base de stéroïdes ou autre traitement immunosuppresseur)
3. Sida, déficits immunitaires congénitaux
4. Dialyse, insuffisance rénale
5. Acido-cétose diabétique
6. Ventilation assistée
7. Tabagisme
8. Âge du patient (p. ex., les nouveau-nés et les personnes très âgées courent un plus grand risque)
1. Exposition à des travaux d'excavation pendant un projet de construction et mauvais fonctionnement des installations de plomberie.
2. Maladies associées à une immunosuppression (p. ex., greffe de moelle osseuse ou d'organe plein; réaction de greffon contre l'hôte nécessitant un traitement immunosuppresseur; et traitement à base de stéroïdes.
3. Âge avancé
4. Maladies pulmonaires chroniques
5. Tabagisme
6. Consommation excessive d'alcool
7. Chirurgie
8. Diabète
9. Néoplasies
10. Insuffisance rénale
11. Insuffisance cardiaque


   

 

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Dernière mise à jour : 2001-08-15 début