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Les divers aspects de la violence conjugale

l'Initiative de lutte contre la violence familiale

Les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale

Rapport final du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial chargé d'examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale

élaboré pour les
ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice

Les opinions exprimées dans ce document sont uniquement celles de ses auteurs et ne représentent pas nécessairement celles des ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice.

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Table des matières

RÉSUMÉ

SECTION I : EXAMEN DES POLITIQUES CONCERNANT LA VIOLENCE CONJUGALE

1) Contexte
2) La nature et l’incidence de la violence conjugale au Canada
3) Réponse du système de justice pénale à la violence conjugale

i) Politiques favorisant l’inculpation
ii) Politiques favorisant la poursuite

4) Évaluation des répercussions des politiques sur la violence conjugale

i) Politique favorisant l’inculpation
ii) Conclusions
iii) Recommandations
iv) Politique favorisant la poursuite
v) Conclusions
vi) Recommandations

5) Recours aux processus alternatifs de justice dans les cas de violence conjugale

i) Mesures de rechange
ii) Processus de justice réparatrice
iii) Conclusions
iv) Recommandation

SECTION II : STRUCTURES ET MODÈLES

1) Mécanismes de coordination

i) Recherches et pratiques exemplaires
ii) Mécanismes de coordination dans les gouvernements au Canada
iii) Éléments d’une stratégie d’intervention efficace
iv) Défis
v) Recommandation

2) Tribunaux spécialisés dans l’instruction des affaires de violence familiale

i) Recherches et pratiques exemplaires
ii) Le Tribunal spécialisé dans les affaires de violence familiale de Winnipeg
iii) Programme des tribunaux de l’Ontario pour l’instruction des causes de violence familiale
iv) Option de traitement en matière de violence familiale au Yukon
v) Le Tribunal chargé d’instruire les affaires de violence familiale de Calgary
vi) Éléments d’une intervention efficace
vii) Défis
viii) Recommandation

3) Législation en matière de violence familiale

i) Composants législatifs
ii) Avantages perçus
iii) Éléments d’une intervention efficace
iv) Questions et préoccupations
v) Défis
vi) Recommandation

SECTION III : PROGRAMMES DE SOUTIEN

1) Services aux victimes

i) Aperçu des services gouvernementaux offerts aux victimes
ii) Éléments d’une intervention efficace
iii) Défis
iv) Recommandation

2) Maisons d’hébergement, services de liaison, défense des droits et autres services de soutien aux femmes victimes de violence

i) Types de services de soutien
ii) Éléments d’une intervention efficace
iii) Défis
iv) Recommandation

3) Interventions auprès des enfants exposés à la violence conjugale

i) Aperçu des programmes gouvernementaux destinés aux enfants exposés à la violence familiale
ii) Éléments d’une intervention efficace
iii) Défis
iv) Recommandation

4) Programmes d’intervention auprès des conjoints violents

i) Aperçu des programmes d’intervention auprès des conjoints violents dans l’ensemble du Canada
ii) Éléments d’une intervention efficace
iii) Défis
iv) Recommandation

5) Évaluation du risque

i) Recherche et pratiques optimales
ii) Éléments d’une intervention efficace
iii) Défis
iv) Recommandation

6) Mécanismes de suivi et d’évaluation

i) Éléments d»une intervention efficace
ii) Défis
iii) Recommandation

7) Formation

i) Éléments d’une intervention efficace
ii) Défis
iii) Recommandation

8) Prévention

i) Éléments d’une intervention efficace
ii) Défis
iii) Recommandation

SECTION IV : RÉSUMÉ DES SECTIONS II ET III

SECTION V : LISTE DES RECOMMANDATIONS

SECTION VI : DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE

1) Mandat du Groupe de travail spécial
2) Directives fédérales de 1983 à la police et aux procureurs de la Couronne
3) Aperçu des programmes en matière de violence conjugale

NOTES


RÉSUMÉ

En septembre 2000, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice ont approuvé la mise sur pied d’un groupe de travail fédéral–provincial–territorial spécial chargé d’examiner la mise en œuvre et l’état des politiques nécessitant ou favorisant l’inculpation et les poursuites dans les cas de violence conjugale, ainsi que plusieurs propositions de réforme législative. Le Groupe de travail devait présenter les résultats de cet examen aux ministres au cours de l’année.

Le Groupe de travail fédéral–provincial–territorial spécial chargé d’examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale, créé en novembre 2000, est coprésidé par les ministères de la Justice du Canada et de la Nouvelle–Écosse. Le Groupe a présenté son premier rapport aux ministres concernés à leur réunion du 11 septembre 2001. On trouve dans ce document un rapport final sur les propositions de réforme du Code criminel et un rapport provisoire au sujet des politiques en matière d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence conjugale.

Les ministres ont répondu à ce premier rapport en approuvant la recommandation faite à l’unanimité par le Groupe de travail de modifier l’article 127 du Code criminel (« Désobéissance à une ordonnance du tribunal »), prévoyant une infraction mixte passible d’une peine maximale de deux ans d’emprisonnement si son auteur est poursuivi par voie de mise en accusation. Les ministres ont aussi élargi le mandat du Groupe de travail pour lui permettre de compléter l’examen des politiques sur la violence conjugale.

Les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux « cas de violence conjugale » souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme des affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme des affaires « privées ». Bien que des politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale aient été établies aux niveaux fédéral, provincial et territorial depuis le milieu des années 1980, l’examen de ces politiques par le Groupe de travail est le premier qui s’étende à l’ensemble du Canada.

Le Groupe de travail a procédé à un examen exhaustif des travaux de recherche, notamment les données statistiques. Il s’est aussi efforcé de solliciter la participation des intervenants de première ligne du système de justice pénale pour connaître leur opinion sur la manière dont les politiques sont appliquées, et relever toute contradiction entre le texte des politiques et leur application régulière. Le Groupe de travail s’est également penché sur la façon dont les politiques reflètent les différences entre les victimes de violence conjugale et répondent à ces différences.

Le présent rapport donne un aperçu de la nature et de l’incidence actuelle de la violence conjugale au Canada. Des femmes et des hommes sont victimes de violence conjugale, mais la nature et la gravité de tels incidents sont bien pires dans le cas des femmes. Ainsi, la violence conjugale demeure avant tout un problème de violence des hommes envers les femmes.

Le rapport fait remonter les premières politiques concernant la violence conjugale au Canada à 1981. Il résume les expériences de la police, des procureurs de la Couronne, des intervenants du système correctionnel et des victimes relativement aux politiques. Le Groupe de travail constate que toute réponse du système de justice pénale à la violence conjugale comporte trois objectifs principaux : criminaliser la violence conjugale; promouvoir la sécurité de la victime; et préserver la confiance dans l’administration de la justice.

Le Groupe de travail estime que la politique d’inculpation a contribué de façon significative au renforcement de la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale. L’établissement de la politique favorisant l’inculpation a certaines répercussions non intentionnelles défavorables, mais la majorité des victimes l’appuie vigoureusement. Elle permet aux intervenants du système de justice pénale de répondre, dès le départ, à la violence conjugale de manière efficace et de promouvoir la sûreté et la sécurité des victimes de violence conjugale. Le Groupe de travail recommande le maintien de la politique.

Pour ce qui est de la politique sur la poursuite, le Groupe mentionne que sa mise en œuvre a donné des résultats mitigés. Toutefois, bien interprétée et appliquée, cette politique a contribué au renforcement de la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale et peut continuer de le faire. Le Groupe de travail recommande son maintien.

Le Groupe de travail a aussi examiné les nombreuses mesures innovatrices qui ont été prises par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour assurer l’efficacité accrue des politiques sur la violence conjugale en particulier, et pour améliorer la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale de manière plus générale. Enfin, il importe de préciser que certains gouvernements (fédéral, provinciaux et territoriaux) se sont dotées de politiques et de pratiques qui touchent non seulement la violence conjugale mais aussi la violence familiale. Le Groupe reconnaî;t, à ce sujet, que dans bien des cas, les mesures reliées à la violence conjugale relevaient d’une stratégie plus vaste visant à s’attaquer au problème de la violence familiale.

Le Groupe de travail a examiné les structures et modèles innovateurs nombreux, y compris les tribunaux chargés d’instruire les causes de violence conjugale, les lois en matière civile pour mieux protéger les victimes contre la violence conjugale ainsi que les stratégies et les initiatives de coordination intersectorielles dans l’ensemble du pays. Le Groupe s’est également penché sur la disponibilité des programmes de soutien dont : les services offerts aux victimes; les maisons d’hébergement et les programmes de soutien non résidentiels conçus pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants; les interventions faites auprès des enfants exposés à la violence conjugale; les programmes d’intervention destinés aux conjoints violents; l’élaboration de moyens d’évaluation du risque et de systèmes de suivi et de repérage; et la formation.

Le Groupe de travail conclut que ces mesures et approches innovatrices ont contribué de façon importante à la mise en œuvre des politiques concernant la violence conjugale. Elles ont aussi renforcé la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale en offrant aux gouvernements de nouveaux moyens de s’assurer que le système tient compte des particularités de ce problème. Le Groupe de travail recommande donc de continuer à financer l’élaboration de réponses nouvelles et innovatrices du système de justice pour mieux appuyer et protéger les victimes tout au long du processus de justice pénale, pour réadapter les délinquants et pour assurer une coordination intersectorielle énergique en réponse à la violence conjugale. La formation continue des intervenants du système de justice pénale et l’évaluation des nouvelles mesures sont essentielles à des réponses fermes et efficaces du système face à la violence conjugale.

Finalement, le Groupe de travail reconnaî;t qu’il existe encore de nombreuses lacunes dans notre compréhension des causes de la violence conjugale, de l’effet de la réponse du système de justice à cette forme de violence, et de l’efficacité des divers programmes et services offerts aux victimes et aux délinquants. Le Groupe recommande que les gouvernements soutiennent la recherche et comblent les lacunes en matière d’information afin d’assurer un solide fondement à une intervention plus efficace dans le domaine de la violence familiale. On trouvera à la section V du présent rapport la « Liste des recommandations » du Groupe de travail.

SECTION I : EXAMEN DES POLITIQUES CONCERNANT LA VIOLENCE CONJUGALE

1) CONTEXTE

La violence conjugale est un problème grave et complexe qui comporte des facettes et des causes multiples. Elle est présente dans toutes les sociétés[1] et au sein de toutes les classes sociales[2]. Elle est désignée sous plusieurs noms, notamment l’agression envers la conjointe, la violence contre la conjointe, la violence contre les femmes dans une relation intime et la violence entre conjoints; dans certaines sociétés on ne la nomme pas, ce qui dénote la volonté de ne pas reconnaître officiellement et publiquement une chose perçue comme relevant du domaine « privé[3] ».

Quel que soit le nom qu’on lui donne, la violence envers le conjoint de fait ou un autre partenaire intime, actuel ou antérieur, n’est pas un phénomène nouveau. Malgré cela, notre sensibilisation au problème de la violence conjugale et la compréhension que nous en avons, notamment ses incidences, les indicateurs de la violence et ses répercussions sur les victimes, sont relativement nouveaux et croissent avec le temps. De même, l’élaboration et l’application de mesures spécifiques par le système de justice pénale pour contrer la violence conjugale – un problème qui échappait à son regard par le passé – sont un phénomène relativement récent.

Entre 1983 et 1986, les procureurs généraux et solliciteurs généraux, tant fédéraux que provinciaux, ont adopté des directives requérant que la police et les procureurs de la Couronne portent une accusation et intentent une poursuite face à tout incident de violence conjugale où il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise. D’autres mesures ont été prises depuis pour accroître la portée et la vigueur de la mise en œuvre de ces politiques partout au pays. Ces mesures comprennent la mise en place de tribunaux spécialisés dans l’instruction des causes de violence conjugale, de services et de programmes d’intervention ainsi que l’adoption d’une loi en matière civile visant les victimes de violence conjugale. Un grand nombre d’enquêtes, de rapports de comités spéciaux et d’études ont été réalisés en plus des mesures susmentionnées pour examiner de façon plus approfondie des cas de violence conjugale.

Les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice se sont souvent penchés sur la question de l’efficacité des mesures prises par le système de justice pénale pour combattre la violence conjugale. Les discussions à ce sujet ont souvent tourné autour de réformes législatives qui proposaient de s’attaquer à des formes particulières de violence conjugale. À la réunion de septembre 2000 des ministres concernés, toutefois, on a notamment pris en compte de manière plus large les répercussions des politiques d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence conjugale telles qu’adoptées depuis 1983. Ces politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux « cas de violence conjugale » souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ». Même si on a reconnu que les politiques concernant la violence conjugale constituent un élément clé des mesures prises par le système de justice pénale pour contrer la violence familiale, celles-ci n’ont pas fait l’objet d’un examen fédéral-provincial-territorial depuis leur mise en œuvre.

Par conséquent, les ministres ont approuvé la mise sur pied d’un Groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial devant examiner l’état et la mise en œuvre des politiques relatives à la violence conjugale, et de faire rapport aux ministres des résultats de cet examen dans l’année. Les ministres ont aussi demandé un examen fédéral-provincial-territorial des propositions de modifications au Code criminel faites par l’Alberta et l’Ontario en matière de violence conjugale. Le Groupe de travail s’est vu charger par la suite de procéder à cet examen.

Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial chargé d’examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale a été créé en novembre 2000. Le Groupe est coprésidé par les ministères de la justice du Canada et de la Nouvelle-Écosse. Le mandat du Groupe est reproduit dans la section VI du présent rapport.

Le Groupe de travail compte dans ses rangs au moins un représentant de chaque gouvernement (les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, agissant dans le cadre de leurs compétences juridictionnelles), ainsi que des représentants de la police, du ministère public, du système correctionnel, des organismes de services aux victimes et du secteur des politiques et de la recherche. On a constitué quatre sous-comités chargés d’examiner la législation, les politiques, les services de soutien ainsi que les structures et modèles.

Le Groupe de travail a soumis son premier rapport aux ministres responsables à leur réunion de septembre 2001. On y trouvait un rapport final sur les réformes proposées au Code criminel et un rapport provisoire examinant les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale.

En ce qui concerne l’examen des dispositions législatives, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux ont approuvé la recommandation unanime faite par le Groupe de travail de modifier l’article 127 du Code criminel (« Désobéissance à une ordonnance du tribunal ») et de prévoir une infraction mixte passible d’une peine maximale de deux ans par voie de mise en accusation. Le ministre de la Justice du Canada s’est engagé à inclure la modification proposée dans le projet de loi C-20, intitulé Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d’autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada, présenté en première lecture le 5 décembre 2002. La majorité des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux ont aussi donné leur adhésion à la recommandation faite par le Groupe de travail, à la majorité, de rejeter les quatre autres réformes proposées visant le Code criminel. Finalement, les ministres ont approuvé l’élargissement du mandat du Groupe de travail, compte tenu du fait qu’il lui a été demandé de mener à bien, de manière accélérée, l’examen de la réforme législative proposée.

Contenu du rapport

Le présent rapport fait un survol de la nature et de l’incidence de la violence conjugale au Canada aujourd’hui, donne un résumé du contexte menant à l’adoption des politiques favorisant l’inculpation et la poursuite, et examine les conclusions de la recherche liée à la mise en œuvre et aux effets de telles politiques au Canada. La présente section comprend un bref aperçu de la tendance actuelle à l’utilisation de processus alternatifs de justice. Elle se termine par des recommandations, notamment en ce qui concerne ces mesures de rechange dans les cas de violence conjugale. Le rapport fait aussi état des recommandations concernant les structures et modèles ainsi que les programmes de soutien. Enfin, la section V présente la « Liste des recommandations » et la section VI contient un « Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale » qui résume les mesures de soutien.

2) LA NATURE ET L'INCIDENCE DE LA VIOLENCE CONJUGALE AU CANADA

Il y a de nombreux indices du caractère grave de la violence conjugale, notamment ses répercussions physiques et psychologiques sur les victimes et leurs enfants. Il y a aussi l’incidence de la violence conjugale, sa nature, ses victimes et ses conséquences sur la société canadienne. Les données statistiques et les travaux de recherche offrent un aperçu inestimable de tous ces facteurs. (Sauf mention contraire, les données statistiques citées sont tirées de Statistique Canada, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2002.)

Ce n’est que depuis peu que l’on dispose de données sur la violence conjugale au Canada. En 1980, le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme a fourni la première évaluation à l’échelle nationale de l’incidence de la violence conjugale au Canada, concluant que, « chaque année, une Canadienne sur dix est battue, qu’elle soit mariée ou qu’elle vive en union de fait[4] ». L’auteur de cette étude de 1980 a par la suite déclaré que cette évaluation avait constitué un choc tant pour les responsables des politiques que pour le public[5].

Depuis lors, nous avons pu disposer de données additionnelles et plus complètes, les plus importantes provenant de la Déclaration uniforme de la criminalité (DUC)[6] de Statistique Canada, de l’Enquête sociale générale sur la victimisation, de 1999 (ESGV), de l’Enquête sur la violence contre les femmes, de 1993, et de l’Enquête sur les homicides[7]. Les enquêtes sur la victimisation et les incidents signalés par la police comportent des avantages et des inconvénients. Les enquêtes sur la victimisation sont considérées, cependant, comme étant plus exhaustives car les personnes qui les ont réalisées ont directement interrogé des membres du public au sujet de leurs expériences; ces enquêtes ne comptent pas sur la volonté des victimes de signaler des crimes à la police, comme dans le cas de la DUC.

Qui sont les victimes de la violence conjugale?

Tant les femmes que les hommes font l’objet de violence conjugale. Les données de l’ESGV de 1999 révèlent que 8 % des femmes (690 000) et 7 % des hommes (549 000) ont déclaré avoir subi au moins un incident violent de la part d’un conjoint actuel ou antérieur au cours des cinq années précédentes. Ces données représentent 7 % des Canadiennes et des Canadiens[8], et cette proportion grimpe à 20 % dans le cas des Autochtones (25 % chez les femmes et 13 % chez les hommes)[9].

Les données de la DUC de 2000 révèlent que les victimes de violence conjugale comptaient pour un cinquième (18 %) de toutes les victimes d’infractions avec violence (p. 6). En 2000, les femmes comptaient pour 85 % des victimes ayant signalé un incident de violence conjugale à la police, alors que les hommes représentaient environ 15 % des victimes. Cette proportion est demeurée relativement stable depuis 1995, mais le nombre de cas de violence conjugale signalés à la police a augmenté, tant du côté des femmes que du côté des hommes (p. 6-8). Le nombre de cas de harcèlement criminel concernant des partenaires intimes a également augmenté depuis 1995. Les écarts entre les enquêtes sur les victimes et les données de la police s’expliquent par le fait que les femmes rapportent des incidents violents plus graves et qu’elles sont plus susceptibles de signaler des incidents de violence conjugale à la police (37 %).

Quels sont les indices de risque de violence conjugale?

Les données de l’ESGV de 1999 révèlent que les personnes suivantes sont le plus susceptibles d’être victimes de violence conjugale :

  • les jeunes Canadiens et Canadiennes (âgés de 15 à 24 ans), surtout les jeunes femmes[10];
  • les conjoints de fait;
  • les personnes dont le partenaire consomme trop d’alcool (c’est-à-dire qu’il en abuse périodiquement);
  • les personnes dont le conjoint est très dominant ou a recours à la violence émotive;
  • les femmes autochtones;
  • les femmes qui subissent une séparation[11].

On ne dispose pas d’un portrait complet de toutes les expériences des membres des minorités visibles, des nouveaux immigrants ou des réfugiés puisque les études telles que l’ESGV et l’Enquête sur la violence contre les femmes sont menées seulement en anglais et en français.

De quel type de violence s’agit-il?

Les taux généraux d’incidents de violence conjugale à l’endroit des femmes et des hommes sont analogues. L’ESGV de 1999 a révélé que la nature et la gravité de tels incidents n’étaient pas les mêmes pour les femmes que pour les hommes. Ainsi, par exemple, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de subir des types plus graves de violence; deux fois plus susceptibles de signaler qu’elles sont battues (25 % par rapport à 10 %); cinq fois plus de se faire étrangler (20 % par rapport à 4 %); et deux fois plus de voir un couteau ou un pistolet utilisé contre elles (13 % par rapport à 7 %)[12].

Homicides entre partenaires intimes

Entre 1991 et 2000, les homicides entre partenaires intimes comptaient pour 27 % de tous les homicides. Au cours de cette période, 1 056 personnes ont été tuées par un partenaire intime, soit :

  • 846 femmes (80 % du total) : 481 d’entre elles ont été tuées par l’actuel conjoint, 185 par un conjoint séparé, 177 par un petit ami et 3 par une partenaire de même sexe;
  • 210 hommes (20 % du total) : 161 d’entre eux ont été tués par l’actuelle conjointe, 18 par une conjointe séparée, 23 par une petite amie et 8 par un partenaire de même sexe.

Dans plus de la moitié des cas d’homicide sur la personne du conjoint (58 %), des antécédents de violence conjugale au sein de la famille avaient déjà été signalés à la police[13].

Les données provenant de l’Enquête sur les homicides pour 1991-1999 révèlent que le taux d’homicides entre conjoints étant 8 fois plus élevé dans le cas des femmes autochtones que des femmes non autochtones et 18 fois plus élevé dans le cas des hommes autochtones que des hommes non autochtones. Le taux d’homicides entre conjoints était plus élevé dans le cas d’Autochtones vivant en union de fait que d’Autochtones légalement mariés, la proportion étant 8 fois plus élevée pour ce qui est des femmes autochtones et de 6 fois plus élevée pour ce qui est des hommes autochtones[14].

Il y a eu diminution générale du taux d’homicides entre conjoints de 1974 à 2001 : la diminution était de 62 % dans le cas des femmes, soit de 16,5 à 6,3 femmes par million de couples; la diminution était de plus de 50 % dans le cas des hommes, soit de 4,4 à 2 hommes par million de couples (p. 9). La majorité des groupes d’âge et des régions au Canada ainsi que les relations à risque plus élevé (conjoints séparés et conjoints de fait) ont connu un déclin. Après avoir diminué de manière assez soutenue entre 1991 et 2000, le nombre d’homicides entre conjoints a beaucoup augmenté en 2001 dans le cas des femmes, soit 69 par rapport à 52 en 2000. Le nombre de femmes qui ont tué leur mari est demeuré le même (16 au cours de chacune de ces deux années). Malgré cette augmentation, le nombre d’homicides entre conjoints en 2001 équivaut à la moyenne des années 1991 à 2000[15].

Ce déclin général du taux d’homicides entre conjoints au Canada peut être attribuable à l’évolution des relations intimes (par exemple l’augmentation de l’âge moyen des hommes et des femmes qui se marient pour la première fois et la fondation d’une famille à un âge plus avancé), une plus grande égalité entre les sexes (par exemple la présence accrue des femmes sur le marché du travail), ainsi que les nombreuses mesures de divers types prises par les gouvernements et les groupes communautaires pour contrer la violence familiale au cours des vingt dernières années. Ces mesures comprennent : la mise en œuvre par tous les gouvernements au Canada de politiques d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence conjugale; l’accessibilité et l’utilisation des services offerts aux femmes victimes de violence conjugale, l’accessibilité accrue des programmes d’intervention auprès des conjoints violents qui abusent de leur partenaire; la création de tribunaux chargés d’instruire les causes de violence conjugale; et des modifications législatives, notamment l’adoption d’une loi interdisant le harcèlement criminel (p. 12-14).

Entre 1974 et 2000, les armes à feu étaient les armes les plus fréquemment utilisées lors de la perpétration d’homicides entre conjoints. Les femmes étaient plus susceptibles d’être tuées au moyen d’armes à feu (40 % par rapport à 26 %) et les hommes au moyen de couteaux ou d’objets tranchants (58 % par rapport à 23 %). Dans l’ensemble, toutefois, il y a eu un déclin statistiquement significatif de la proportion des homicides entre conjoints mettant en cause des armes à feu entre 1974 et 2000 (une diminution de 77 % pour ce qui est des victimes de sexe féminin et de 80 % pour celles de sexe masculin) (p. 11).

Quand y a-t-il violence conjugale?

Les données de la DUC de 2000 révèlent qu’environ deux tiers des femmes et des hommes victimes de violence conjugale ont été agressés par leur conjoint actuel (p. 6). Plusieurs croient que la séparation ou le divorce élimine le risque de violence conjugale, mais selon l’ESGV de 1999, 39 % des femmes victimes et 32 % des hommes victimes ont signalé des incidents de violence à leur égard après la séparation[16]. Vingt quatre pour cent de ces victimes de violence ont mentionné que les agressions sont devenues plus graves après la séparation et 39 % ont souligné que les incidents de violence n’ont eu lieu qu’après la séparation[17]. Les femmes (59 %) étaient trois fois plus susceptibles que les hommes (20 %) de signaler des blessures subies lors d’incidents violents avec leurs anciens partenaires[18]. De surcroît, les femmes séparées couraient le plus grand risque d’être tuées : le taux d’homicides entre conjoints était neuf fois plus élevé dans le cas des femmes séparées (38,7 par million) que dans le cas des femmes mariées (4,5 par million) ou des conjointes de fait (26,4 par million)[19].

Quelles sont les conséquences de la violence conjugale pour les victimes?

Les conséquences de la violence conjugale sur la vie des victimes sont considérables : 28 % des victimes ont rapporté aux fins de l’ESGV de 1999 que leur santé physique ou mentale avait été touchée d’une manière qui nuisait à leurs activités quotidiennes comparativement à 21 % des personnes non victimes d’une telle violence (p. 15).

D’après l’ESGV de 1999, les femmes étaient trois fois plus susceptibles que les hommes de subir un préjudice corporel en raison d’un acte de violence (40 % des femmes comparativement à 13 % des hommes) et cinq fois plus susceptibles que les hommes de requérir des soins médicaux par suite de tels actes (15 % des femmes comparativement à 3 % des hommes) (p. 15).

Les Autochtones victimes de violence conjugale ont fait état de violence plus grave, pouvant même mettre la vie en danger, subie aux mains de l’actuel conjoint ou d’un ex-conjoint; il en était ainsi de 48 % des Autochtones victimes de violence comparativement à 31 % des victimes non autochtones[20].

En plus des conséquences au plan physique de la violence conjugale sur les victimes, l’ESGV de 1999 a fait voir que la conséquence psychologique la plus souvent mentionnée, tant par les femmes que par les hommes, était un sentiment d’agitation, de confusion et de frustration. Tandis que 22 % des victimes de sexe masculin ont déclaré avoir été peu touchées par la violence, il n’en a été de même que pour 5 % des victimes de sexe féminin. Les femmes étaient beaucoup plus craintives que les hommes à la suite d’incidents de violence (34 % des femmes comparativement à 3 % des hommes) et étaient plus susceptibles de déclarer craindre pour la sécurité de leurs enfants (14 % comparativement à 2 %). Les femmes étaient aussi davantage susceptibles que les hommes d’être atteintes de troubles du sommeil (14 % plutôt que 4 %), de dépression ou d’accès d’anxiété (21 % plutôt que 10 %) et d’une baisse de l’estime de soi (23 % plutôt que 6 %) (p. 15). Les femmes victimes de violence conjugale ont également mentionné faire usage de médicaments deux fois plus que les hommes victimes (p. 16).

Quelles sont les répercussions de la violence conjugale sur les enfants?

L’ESGV de 1999 a révélé qu’environ un demi-million d’enfants – 37 % de tous les ménages étant ainsi touchés par la violence familiale – auraient entendu ou vu leur mère ou leur père faire l’objet de violence au cours des cinq années antérieures[21]. Cette proportion grimpait à 47 % dans le cas des Autochtones victimes de violence conjugale[22]. Les enfants étaient davantage susceptibles d’être témoins de violence à l’endroit de leur mère (70 %) que de leur père (30 %)[23]. En outre, les enfants étaient davantage susceptibles d’être témoins d’actes de violence plus graves à l’endroit de leur mère : 53 % des femmes comparativement à 12 % des hommes craignaient pour leur vie lors de ces incidents[24]. L’ESGV de 1999 a également révélé que, dans le cas de 10 % des voies de fait contre des femmes et de 4 % des voies de fait contre des hommes, l’agresseur avait fait du mal à un enfant de moins de 15 ans ou l’avait menacé[25].

D’après les recherches, les enfants confrontés à la violence conjugale pourraient manifester des signes indicateurs de problèmes psychologiques, sociaux, cognitifs, physiques et comportementaux, notamment des aptitudes sociales déficientes, un taux élevé de dépression, de l’inquiétude, de la frustration et de l’angoisse; une plus grande probabilité de souffrir de malaises dus au stress; de faibles niveaux d’empathie; de la régression au niveau du développement; des plaintes au sujet de malaises physiques; un comportement agressif [26]. Des données laissent voir également que les enfants témoins de violence conjugale sont plus susceptibles de continuer le cycle intergénérationnel de la violence : les garçons témoins de violence à l’endroit de leur mère sont ensuite plus susceptibles de devenir violents dans leurs propres relations; les filles témoins de violence à l’endroit de leur mère sont ensuite plus susceptibles de vivre des relations de violence[27].

Pour la société canadienne, quels sont les coûts liés à la violence conjugale?

La violence conjugale impose un lourd fardeau à la société canadienne pour ce qui est d’offrir et de dispenser des services de santé et de bien-être, notamment les services de counseling et les maisons d’hébergement d’urgence, ainsi que des services liés au système de justice pénale. Les données de l’ESGV de 1999 ont permis de constater les répercussions directes suivantes de la violence :

  • Temps d’arrêt dans les activités quotidiennes : 22 % de toutes les victimes de violence conjugale (33 % des femmes et 10 % des hommes) ont dû prendre un temps d’arrêt dans leurs activités quotidiennes à cause d’un incident de violence (p. 16).
  • Services de santé : 119 000 victimes de violence conjugale ont dû recevoir des soins médicaux. Les femmes étaient 5 fois plus susceptibles que les hommes de requérir des soins de santé (15 % des femmes victimes comparativement à 3 % des hommes victimes) et d’être hospitalisées (11 % des femmes victimes comparativement à 2 % des hommes victimes) (p. 15).
  • Services sociaux : 34 % de toutes les victimes (48 % des femmes et 17 % des hommes) ont recouru à des services de bien-être (p. 16, 17 et 25); 11 % des femmes victimes ont fréquenté une maison de transition, tandis qu’environ 2 % des hommes victimes ont eu recours à des centres pour hommes ou à des groupes de soutien (p. 17).
  • Services du système de justice pénale : 37 % des femmes et 15 % des hommes victimes de violence conjugale ont signalé des incidents de violence à la police au cours des cinq années précédentes (p. 18). Les données de la DUC de 2000 indiquent que les agents de police ont porté des accusations dans 82 % des incidents de violence conjugale[28].

En 1995, les résultats d’une étude des coûts économiques préalablement choisis et liés à trois types de violence – agression sexuelle, violence contre une femme dans une relation intime et inceste ou exploitation sexuelle d’enfant – ont révélé que les coûts annuels partiels de la violence à l’endroit des femmes dans quatre secteurs stratégiques de dépenses étaient les suivants :

Services sociaux et éducation
  2 368 924 297 $
Justice pénale
871 908 583 $
Travail et emploi
576 764 400 $
Santé et soins médicaux
408 357 042 $
TOTAL
4 225 954 322 $

Selon l’évaluation des auteurs de l’étude, 87,5 % de ces coûts étaient supportés par l’État, 11,5 % par l’intéressé et 0,9 % par des tiers[29].

3) RÉPONSE DU SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE À LA VIOLENCE CONJUGALE

On a pu constater à la fin des années 1970 et au début des années 1980 qu’une sensibilisation et un intérêt accrus se manifestaient face aux mesures prises par le système de justice pénale pour contrer la violence conjugale, par suite surtout des efforts consentis par les groupes de femmes et les groupes populaires[30].

Cela, à son tour, a entraîné l’élaboration et la mise à l’essai de nouvelles approches[31]. Ainsi, London (Ontario) est devenue un chef de file pour ce qui est de mettre au point et de dispenser des services pour les femmes victimes de violence conjugale, en créant en 1980 le London Co-ordinating Committee on Family Violence[32]. Il était recommandé dans le rapport de 1981 du Comité qu’on donne comme directive aux policiers de porter des accusations dans tous les cas de voies de fait contre une conjointe. Par la suite, le service de police de London est devenu le premier au Canada, en mai 1981, à mettre en œuvre une politique d’inculpation dans les cas de voies de fait à l’égard d’une conjointe[33].

En mai 1982, le Comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes a déposé son rapport intitulé Les femmes battues, Rapport sur la violence au sein de la famille. Le Comité y signalait que, dans le cadre de leur formation (à cette époque), les policiers apprenaient généralement qu’il ne fallait pas arrêter un agresseur à moins qu’il ne soit surpris en train de frapper la victime ou à moins que celle-ci n’ait subi des blessures « tellement graves qu’elles nécessitent des points de suture[34] ».

Le 8 juillet 1982, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité une motion affirmant que le Parlement devait encourager les membres de tous les services de police du Canada à porter des accusations lorsqu’une conjointe est battue de la même manière qu’ils le font dans toute autre situation où des voies de fait sont commises[35]. Il y a toutefois lieu de noter qu’au départ, cette motion a été accueillie par des rires et des moqueries[36]. Le 15 juillet 1982, le Solliciteur général du Canada écrivait une lettre à l’Association canadienne des chefs de police demandant son soutien et sa coopération dans la lutte contre la violence conjugale et encourageant fortement les policiers à porter des accusations dans les cas de voies de fait à l’égard d’une conjointe[37].

Des mesures analogues ont été prises par certains procureurs généraux provinciaux en 1982 et 1983[38]. Le Groupe de travail fédéral-provincial sur la justice pour les victimes d’actes criminels a recommandé en 1983 d’élaborer des lignes directrices écrites enjoignant de traiter la violence à l’égard de l’épouse comme une infraction criminelle, la décision d’inculper ou de poursuivre dans le cas d’une telle infraction devant être prise indépendamment de la volonté de la victime[39].

Dès 1986, les procureurs généraux et solliciteurs généraux de tous les gouvernements avaient communiqué des directives ou des lignes directrices destinés à la police et aux procureurs relativement aux cas de violence conjugale. À titre d’exemple, on peut consulter dans la section VI du présent rapport les lignes directrices fédérales du 21 décembre 1983.

Bien que la forme et la teneur des diverses directives varient considérablement[40], elles visent essentiellement le même objectif, soit de s’assurer que les voies de fait à l’égard d’un conjoint soient traitées comme une affaire criminelle. Les services de police avaient généralement pour politique de porter des accusations lorsqu’il y avait des motifs raisonnables et probables de croire que des voies de fait avaient été perpétrées. Les ministères publics avaient généralement pour politique d’intenter des poursuites dans les cas de voies de fait à l’égard d’un conjoint lorsqu’il existait une preuve suffisante pour justifier une poursuite, que la victime le désire ou non.

Dans les années qui ont suivi, tous les gouvernements ont révisé les directives et les politiques. De nouvelles versions à plus large portée visant des questions additionnelles et particulières ont été préparées. Au début des années 1990, bien des politiques gouvernementales s’attaquaient spécifiquement à toute une gamme de questions, comme par exemple le type de comportement et de relation visé par les politiques; le type d’aide et de soutien à fournir à la victime; le recours à l’engagement de ne pas troubler l’ordre public; la procédure à suivre pour le retrait ou la suspension d’accusations; les mesures à prendre lorsque la victime et/ou le témoin se rétracte ou n’est pas coopératif.

Le Canada n’est pas le seul pays à se préoccuper des affaires de violence conjugale. Aux États-Unis, de la même façon, des mouvements de défense des droits des victimes et des regroupements populaires ont contesté avec succès, au cours des années 1970, l’inaction traditionnelle du système de justice pénale face aux situations de violence conjugale. Dès les années 1980, de nombreux États américains avaient adopté de nouvelles approches, y compris des politiques législatives concernant les arrestations par présomption (ou « favorables » à celles-ci) et obligatoires, les politiques relatives aux poursuites « qu’on ne peut retirer » et l’offre de programmes de traitement et d’intervention pour les délinquants[41].

À l’heure actuelle, des politiques d’inculpation et de poursuite intentées en cas de violence conjugale sont toujours en vigueur dans l’ensemble des provinces et territoires; certaines, comme la politique fédérale en matière de poursuite et la Violence Against Women in Relationships Policy, de la Colombie-Britannique, font actuellement l’objet d’un examen[42]. Malgré l’absence de politiques « nationales » d’inculpation ou de poursuite, et même si certains gouvernements continuent de qualifier ces politiques d’« obligatoires » et d’autres de « favorables », tous continuent de défendre une intervention semblable du système de justice pénale dont le principal objectif est de criminaliser la violence conjugale. De cette manière, les politiques visent à assurer tant la dissuasion du public que la dissuasion spécifique : dans le premier cas, en soutenant clairement et fortement devant la société que la violence conjugale est inadmissible; et dans le second, en tentant d’empêcher le conjoint violent de commettre de nouveaux actes de violence conjugale[43].

Voici certains autres objectifs déclarés ou implicites de ces politiques :

a) Politique d’inculpation

  • retirer à la victime la responsabilité (et le blâme) pour ce qui est de décider de porter une accusation;
  • accroître le nombre de mises en accusation relativement aux incidents signalés de violence conjugale;
  • faire en sorte que davantage d’incidents de violence conjugale soient signalés;
  • faire diminuer la récidive.

b) Politique en matière de poursuite

  • préconiser des poursuites plus efficaces dans les cas de violence conjugale;
  • réduire le taux d’abandon en faisant baisser le nombre des accusations retirées ou suspendues;
  • favoriser la collaboration de la victime lors de la poursuite;
  • réduire le nombre d’infractions subséquentes.

Comme on l’a mentionné, bien que les politiques actuelles soient de forme et de teneur variées partout au pays, elles comptent un certain nombre d’éléments communs.

i) Politiques favorisant l’inculpation

a) Critère – Des accusations devraient être portées lorsqu’il y a des motifs raisonnables (et probables) de croire qu’une infraction a été perpétrée, que la victime le désire ou non. En Colombie-Britannique et au Québec, la décision d’approuver la dénonciation incombe au ministère public. Au Nouveau-Brunswick, la décision est prise par la police sur les conseils du ministère public. Dans ces provinces, le procureur de la Couronne doit également évaluer s’il est ou non dans l’intérêt public de porter une accusation[44].

b) Enquête – La police qui donne suite aux appels concernant des voies de fait à l’égard d’un conjoint doit procéder à une enquête approfondie et recueillir, de toutes les sources pertinentes, tous les éléments de preuve disponibles. Certains gouvernements ont mis au point des formulaires d’enquête adaptés aux incidents de violence conjugale.

c) Engagement de ne pas troubler l’ordre public – On ne devrait pas recourir à des engagements de ne pas troubler l’ordre public ou à des ordonnances d’engagement au lieu d’accusations lorsque la preuve justifie que des accusations soient portées[45].

d) Retrait et sursis d’accusation – Retirer ou suspendre une accusation est du ressort du ministère public.

e) Libération d’un accusé par l’agent responsable – La mise en liberté du conjoint violent accusé devrait être assortie de conditions appropriées, par exemple une ordonnance de non-communication, l’interdiction relative aux armes à feu ou l’interdiction relative à la consommation d’alcool ou de drogue[46]. Certains gouvernements exigent que la victime soit avisée de la mise en liberté de l’accusé ainsi que des diverses conditions connexes.

f) Services aux victimes – La plupart des gouvernements enjoignent la police d’informer les victimes des services disponibles ou de les guider vers ces services.

g) Mesures de rechange antérieures à la mise en accusation – Deux gouvernements permettent actuellement la non-judiciarisation avant la mise en accusation, dans des circonstances exceptionnelles, au profit de programmes de mesures de rechange officiellement mis en place en vertu du Code criminel. En Colombie-Britannique, où le procureur de la Couronne doit donner son autorisation avant la mise en accusation, on ne peut recourir à la non-judiciarisation que si le procureur en décide ainsi et conformément à des critères spécifiés. Bien que l’autorisation avant la mise en accusation ne soit pas prévue à l’Île-du-Prince-Édouard, tous les renvois à des mesures de rechange, que ce soit avant ou après la mise en accusation, doivent être approuvés par le procureur de la Couronne.

Les Territoires du Nord-Ouest ont établi un protocole autorisant, dans des circonstances exceptionnelles, la non-judiciarisation avant la mise en accusation au profit de comités de justice communautaire. Selon le protocole, la non-judiciarisation n’est accordée que si la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le comité de justice communautaire la recommandent et si le directeur régional du ministère de la Justice du Canada y consent. Même si le protocole est en vigueur, le directeur régional n’a reçu aucune demande de non-judiciarisation avant la mise en accusation et la GRC n’estime pas qu’il s’agit d’une politique obligatoire. Ce protocole est en cours d’examen.

ii) Politiques favorisant la poursuite

a) Critère – Une affaire de violence conjugale doit donner lieu à des poursuites lorsqu’on peut raisonnablement s’attendre à obtenir une condamnation (en fonction de la preuve) et lorsque cela est conforme à l’intérêt public[47].

b) Victime ou témoin réticent – La plupart des gouvernements décident de poursuivre sans tenir compte du souhait de la victime. Que celle-ci soit réticente à collaborer à la poursuite de l’accusé ne saurait être un élément déterminant de la décision de poursuivre lorsqu’une preuve indépendante est disponible. Si une victime refuse de témoigner ou de collaborer, le procureur de la Couronne devrait chercher, en l’absence de son témoignage, à obtenir des éléments de preuve sur lesquels il peut fonder la poursuite; il devrait également consulter la victime et lui demander si elle consent à appuyer la poursuite ou à collaborer. Contraindre la victime à témoigner ou vouloir considérer son absence comme un outrage au tribunal constituent, de façon habituelle, des mesures inappropriées; on ne peut les envisager que dans des circonstances exceptionnelles, après avoir consulté les cadres supérieurs.

c) Retrait et sursis des accusations – On ne devrait retirer ou suspendre des accusations que dans des circonstances exceptionnelles.

d) Mise en liberté provisoire par voie judiciaire – La mise en liberté du conjoint violent accusé devrait être assortie de conditions appropriées, comme par exemple une ordonnance de non-communication, l’interdiction relative aux armes à feu ou l’interdiction relative à la consommation d’alcool ou de drogue. Certains gouvernements enjoignent aux procureurs de s’opposer à la mise en liberté sous caution lorsqu’il y a d’importants antécédents de violence, par exemple lorsqu’il y a déjà eu des violations d’ordonnances du tribunal. La plupart des gouvernements enjoignent aux procureurs d’informer les victimes de l’issue de l’enquête sur le cautionnement et des conditions dont la mise en liberté peut être assortie[48].

e) Communications avec la victime – Le procureur de la Couronne devrait veiller à rencontrer la victime avant la date du procès, et l’informer des services d’aide aux victimes disponibles et l’y diriger.

4) ÉVALUATION DES PÉPERCUSSIONS DES POLITIQUES SUR LA VIOLENCE CONJUGALE

Les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale ont fait l’objet d’un grand nombre d’analyses et d’évaluations tant au Canada qu’aux États-Unis[49]. Le Groupe de travail a passé en revue une bonne partie de la recherche effectuée. Il s’est également efforcé d’obtenir les réactions des intervenants de première ligne en matière de justice pénale non seulement pour connaître leur perspective sur l’efficacité des politiques, mais aussi pour déterminer quelles contradictions il peut y avoir entre les politiques, telles qu’elles ont été rédigées et adoptées, et leur application au jour le jour. En examinant et en évaluant les répercussions des politiques, le Groupe de travail s’est aussi penché sur la manière dont elles reflètent les différences entre les victimes de violence conjugale et y répondent[50].

Ces études révèlent que les politiques ont parfois été couronnées de succès, parfois non, dans l’atteinte des objectifs visés, et qu’elles ont eu certaines incidences défavorables imprévues. Avant d’examiner ces évaluations, il convient de faire un certain nombre d’observations.

Premièrement, le Groupe de travail avait connaissance du fait que les recherches provenant de pays étrangers se rapportaient à des réalités pas toujours comparables à celles du Canada. On peut en dire autant de recherches menées au Canada même. La Colombie-Britannique, le Québec et le Nouveau-Brunswick, par exemple, requièrent l’autorisation du procureur de la Couronne avant la mise en accusation; la mise en œuvre des politiques dans ces trois provinces peut ainsi différer par rapport à leur application dans les provinces et territoires ne requérant pas une telle autorisation.

Deuxièmement, le Groupe de travail a très tôt reconnu qu’il n’existe pas de mesure unique du succès. Les conclusions d’une recherche particulière sur le succès ou l’échec des politiques semblent souvent liées à la personne formulant l’opinion et à tel ou tel objectif des politiques dont on traite. À titre d’exemple, lorsqu’un agent de police se plaint de la politique d’inculpation, cela peut être dû non pas tant à quelque empêchement dans l’atteinte des objectifs visés par la politique qu’à l’insatisfaction de voir la politique restreindre le pouvoir discrétionnaire de l’agent dans des cas particuliers[51]; l’insatisfaction d’un procureur de la Couronne au sujet de la politique en matière de poursuite peut dépendre non pas de l’objectif visé qui est de criminaliser la violence conjugale que de la difficulté qu’il peut y avoir, en pratique, à mener des poursuites lorsqu’une victime ou un témoin se rétracte ou est réticent; la satisfaction d’une victime à l’égard d’une politique favorable à la mise en accusation, enfin, ne se traduit pas nécessairement en un appui à une politique favorable à des poursuites.

Finalement, le Groupe de travail a reconnu le caractère unique de la violence conjugale. Contrairement aux victimes de la violence de la part d’un inconnu, les victimes de violence conjugale ont avec l’agresseur une relation qui non seulement existait avant l’incident, mais qui se poursuivra également par la suite. Plus de 60 % des femmes qui fuient leur conjoint violent pour trouver asile dans une maison d’hébergement retourneront auprès de leur conjoint et subiront de nouveau de la violence : [Traduction] « la violence conjugale, de par sa nature, s’accompagne de récidive et d’une tendance marquée à l’escalade[52] ». De plus, même lorsque la victime a mis fin à sa relation avec le conjoint violent, il se peut qu’elle continue de partager avec lui un rôle parental.

Vu la nature cyclique de la violence conjugale, une question est souvent posée : pourquoi la victime reste-t-elle? Plusieurs motifs existent, notamment les suivants[53] :

  • souvent, elle est dépendante de son conjoint violent au plan économique et n’a nulle part où aller (aucun appui de la famille ou des amis, ignorance de l’existence de maisons d’hébergement ou manque de volonté d’en trouver, etc.);
  • il se peut qu’elle reste et supporte la violence à cause des enfants;
  • elle peut craindre que la divulgation de la violence entraîne l’intervention des services de protection de l’enfance et la prise en charge de ses enfants;
  • elle est isolée au plan psychologique et se sent privée de tout appui de la part de ses amis et de sa famille (souvent par suite de la manipulation exercée directement par le conjoint violent); il se peut même qu’elle croie être à blâmer pour la violence;
  • elle l’aime toujours et continue d’espérer qu’il cessera d’être violent et qu’un jour il sera de nouveau tel qu’il était lorsqu’elle est devenue amoureuse de lui;
  • elle craint les représailles, une escalade de la violence et un plus grand risque de préjudice pour elle-même et ses enfants si elle devait le quitter;
  • s’il s’agit d’une immigrante ou d’une réfugié, elle pourrait ne pas vouloir communiquer avec les autorités de crainte qu’il se fasse expulser en raison des incidents de violence; elle ne parle ni français ni anglais; ce qu’elle a pu vivre dans le passé ne l’incite pas à considérer les policiers comme d’éventuels alliés; elle craint que sa plainte ou son partenaire soient traités de manière discriminatoire; elle a peur d’être mise à l’index par sa communauté;
  • elle vit dans une collectivité de petite taille ou éloignée et l’accès aux services et aux programmes de soutien est restreint, si seulement il existe;
  • elle pourrait ne pas croire que la police peut ou veut l’aider (peut-être parce qu’elle ignore que la violence conjugale est illégale ou qu’elle croit que l’incident n’est pas assez grave pour être dénoncé ou qu’elle a déjà signalé des actes de violence à la police qui aurait fait preuve d’incrédulité ou de passivité).

Peu importe ses motifs, cependant, elle désire toujours que la violence cesse[54].

Le Groupe de travail constate que toute réponse du système de justice pénale à la violence conjugale comporte trois objectifs principaux :

  • criminaliser la violence conjugale;
  • contribuer à la sécurité de la victime;
  • préserver la confiance dans l’administration de la justice.

C’est dans ce contexte que le Groupe de travail a examiné la question de la mise en œuvre et de l’efficacité des politiques sur la violence familiale selon deux axes : la mesure du succès des politiques pour ce qui est de considérer les voies de fait à l’égard d’un conjoint comme une affaire criminelle; la reconnaissance, s’agissant des politiques, du caractère unique de la violence conjugale par rapport à celle commise par un inconnu et la capacité des politiques à s’y adapter.

i) Politique favorisant l’inculpation

Comme il a été signalé ci-dessus, les objectifs principaux de la politique d’inculpation sont les suivants :

  • retirer à la victime la responsabilité (et le blâme) pour ce qui est de décider de porter une accusation;
  • accroître le nombre de mises en accusation relativement aux incidents signalés de violence conjugale;
  • faire en sorte que davantage d’incidents de violence conjugale soient signalés;
  • faire diminuer la récidive.

La politique favorable à l’inculpation a accru le nombre d’incidents signalés à la police et le nombre d’accusations portées dans les affaires de violence conjugale, et il a réduit les risques de préjudice découlant de la récidive[55].

Nombre accru d’incidents signalés

Bien que la majorité des victimes d’incidents de violence conjugale ne signale pas ceux-ci à la police[56], les données de l’ESGV de 1999 révèlent que 37 % des femmes et 15 % des hommes qui ont déclaré avoir subi de la violence l’ont aussi signalé à la police. Les taux pourraient varier, en partie, à cause de la nature moins sévère de la violence subie par lesvictimes de sexe masculin (p. 9).

L’analyse des tendances telles qu’elles se manifestent dans les données de la DUC de 1995 à 2001 a fait voir une augmentation de 27 % des incidents de violence conjugale signalés aux services de police participants. L’ESGV de 1999 a également révélé une importante augmentation de la proportion de femmes victimes de violence conjugale qui ont signalé des incidents, celle-ci passant de 29 % en 1993, dans le cadre de l’Enquête sur la violence faite aux femmes, à 37 % en 1999. Un certain nombre de facteurs peuvent expliquer cette augmentation, comme une plus grande confiance en la capacité du système de justice pénale à s’attaquer efficacement aux cas de violence conjugale; des changements dans les méthodes de la police; une stigmatisation sociale réduite; une sensibilisation accrue au caractère illégal de la violence conjugale; et une meilleure connaissance des services dispensés[57].

Quatre-vingt-treize pour cent des femmes et 79 % des hommes ont déclaré que le motif pour lequel ils avaient signalé la violence conjugale à la police était de la faire cesser ou d’obtenir la protection de la police contre la violence (p. 18). Pour certaines victimes plus vulnérables, notamment celles qui sont marginalisées sur les plans économique et social comme les Autochtones et les personnes à faible revenu, ainsi que les victimes habitant dans des collectivités rurales ou éloignées, communiquer avec la police est souvent le seul moyen d’obtenir de l’aide immédiatement[58].

Mesures prises par la police

Selon les données de la DUC de 2000, des accusations ont été portées relativement à 82 % des incidents de violence conjugale signalés à la police; les autres incidents (18 %) ont été traités d’une autre manière. Dans 13 % des cas, les agents de police n’ont pas porté d’accusations à la demande de la victime (21 % des cas concernant une victime de sexe masculin et 11 % des cas concernant une victime de sexe féminin). Les agents de police ont exercé leur pouvoir discrétionnaire et se sont abstenus de porter des accusations en ce qui concerne 3 % de tous les incidents[59]. Ces proportions sont demeurées relativement stables depuis que des données sur les tendances sont disponibles par l’entremise de la DUC, soit depuis 1995.

Seules quelques études ont été signalées sur les tendances entourant les pratiques de la police quant à la mise en accusation dans les cas de violence conjugale. Une étude couvrant une période de dix ans s’étendant avant et après la mise en œuvre de la politique d’inculpation, à London (Ontario), a révélé, par exemple, que le nombre d’accusations portées par des policiers dans des cas de violence conjugale avait grimpé de 2,9 % en 1979 (avant la politique) à 67 % en 1983 et à 89 % en 1990[60].

Diminution de la récidive

Les recherches disponibles laissent entrevoir des conclusions contradictoires quant aux effets des politiques d’inculpation sur la réduction de la récidive chez les conjoints violents. On sait peu de choses sur la corrélation entre la politique d’inculpation et le taux d’arrestation des auteurs de violence conjugale; des données non scientifiques laissent croire, toutefois, qu’il n’y a pas eu davantage d’arrestations dans ces cas-là[61].

L’une des premières recherches effectuées dans le domaine a été menée à Minneapolis en 1984. C’est une politique préconisant l’arrestation, et non l’inculpation, qui a été établie dans cette ville. On y a conclu que l’arrestation d’un conjoint violent avait pour effet de réduire de moitié le taux de récidive pendant les six mois qui suivaient, par comparaison avec d’autres types d’intervention policière moins formels[62]. Le même genre d’étude menée dans six autres villes américaines a donné lieu à des conclusions moins positives, toutefois, notamment quant au fait que l’arrestation de l’agresseur pouvait faire croître le taux de récidive lorsque le conjoint violent se retrouvait dans certaines situations (en chômage par exemple)[63]. Une répétition plus récente de la même étude a toutefois conduit à la conclusion qu’une diminution de la récidive était constamment associée à l’arrestation des conjoints violents, et qu’il n’y avait aucun lien entre l’arrestation et un risque accru de préjudice pour la victime[64]. Une baisse semblable du taux de violence a aussi été observée au Canada en raison de la politique d’inculpation[65].

Avis des principaux protagonistes sur la mise en œuvre de la politique d’inculpation

Les victimes de violence conjugale et les fournisseurs de services aux victimes ont exprimé un appui enthousiaste à la politique favorisant l’inculpation[66]. Selon une étude menée en 1996 sur les résultats de la politique sur les mises en accusation obligatoires au Yukon, par exemple, 85 % des victimes estimaient valable cette politique à portée obligatoire, quelles que soient les préférences de la victime. En outre, 68 % des victimes ont déclaré que la politique les incitait à signaler de futurs incidents[67]. Dans le même ordre d’idées, un examen des expériences vécues par les fournisseurs de services travaillant auprès des femmes membres de groupes ethnoculturels victimes de violence conjugale révèle qu’elles appuient la politique favorisant l’inculpation, puisque celle-ci retire aux victimes la responsabilité de décider de porter une accusation, qu’elle véhicule un message social important selon lequel la violence conjugale est inacceptable, et qu’elle renforce l’autonomie des femmes[68].

Selon l’ESGV de 1999, comme on l’a déjà mentionné, 93 % des femmes victimes ayant signalé des incidents de violence conjugale à la police ont déclaré l’avoir fait pour que cesse cette violence. Ces femmes s’attendent à ce que, si elles en appellent à la police, celle-ci se rendra sur les lieux, ce qui mettra fin à l’incident de violence[69]. Il est clair que les victimes de violence conjugale désirent que cette violence prenne fin, ce en quoi consiste pour la plupart des femmes la politique favorisant l’inculpation. Cela n’équivaut toutefois pas, pour de nombreuses victimes, à un appui à la politique favorisant la poursuite[70].

Une répercussion défavorable imprévue de la mise en œuvre réussie de la politique d’inculpation a été ses répercussions sur les victimes de violence conjugale qui sont membres de collectivités à fort taux de criminalité. En particulier, les femmes autochtones, à faible revenu, membres de minorités visibles ou immigrantes hésitent parfois à faire appel à la police lors d’incidents de violence conjugale, par crainte des répercussions du traitement discriminatoire à l’endroit de leur conjoint, de leurs enfants ou d’elles-mêmes[71].

Les réactions de la police face à la politique favorisant l’inculpation ont été mitigées. Selon l’étude couvrant une période de dix ans et s’étendant avant et après la mise en œuvre de la politique sur les accusations à London (Ontario), la proportion des agents de police estimant la politique efficace est passée d’un tiers en 1985 (quatre années après son adoption) à un peu plus de la moitié (52,3 %) en 1990 (neuf années après son adoption). En 1990, alors que près de la moitié de ces policiers (48,1 %) estimaient que la politique était utile pour les femmes victimes de violence conjugale, les deux tiers (64,9 %) croyaient qu’elle avait donné un important message à la collectivité. Selon cette étude, finalement, les membres des forces policières comptant davantage d’années de service et ceux occupant des postes de supervision se disaient les plus favorables à la politique par rapport aux autres policiers[72].

Une étude sur le Metro (Toronto) Woman Abuse Protocol Project a permis de constater une différence de perception semblable entre les membres comptant plus d’années de service et ceux en comptant moins. L’étude a révélé que 6 des 17 policiers favorables à la politique comptaient au moins sept années de service[73]. Selon l’étude, une critique couramment exprimée par les policiers voulait que la politique restreignait indûment leur pouvoir discrétionnaire. La plupart des policiers interrogés estimaient que porter une accusation contre un conjoint violent (c’est-à-dire prendre une mesure juridique) n’était pas toujours la meilleure solution face à un problème complexe, que certains répondants ne considéraient pas encore comme une affaire criminelle[74]. D’autres chercheurs ont relevé des données semblables quant à la persistance de certaines attitudes chez des policiers, attitudes qui les empêchent de réagir favorablement lorsqu’on fait appel à eux pour des incidents de violence conjugale, notamment lorsque la victime ne leur semble pas être une victime irréprochable, en détresse et méritant leur protection[75].

Certains chercheurs ont noté que, si des policiers se plaignent de ne plus disposer de pouvoir discrétionnaire dans les cas de violence conjugale, certains continuent, en réalité, d’exercer un tel pouvoir lorsqu’il s’agit de porter ou non une accusation contre un conjoint violent pour violation d’une ordonnance de protection. Une étude du service de police de Delta (Colombie-Britannique), menée entre juin 1993 et 1994, a révélé par exemple que, malgré une politique de tolérance zéro, certains policiers inculpaient rarement les personnes contrevenant à une ordonnance de protection même lorsqu’on leur présentait une copie de l’ordonnance toujours valide, que le délinquant se trouvait encore sur les lieux et que la victime souhaitait son arrestation[76].

Certains policiers qui appuient la politique favorisant l’inculpation ont néanmoins exprimé une certaine frustration à son égard. Plusieurs d’entre eux savent en effet que, bien qu’ils déploient d’importants efforts pour aider la victime et pour se conformer à la politique, il y a de fortes possibilités que la victime se rétracte et que le procureur de la Couronne retire ou suspende l’accusation.

Une autre critique concernant l’absence de pouvoir discrétionnaire de la police dans des cas particuliers souligne que la stricte observation de la politique favorisant l’inculpation oblige les policiers à porter une double accusation, c’est-à-dire à inculper tant l’homme agresseur que la femme victime et/ou agresseur lorsque cette dernière a commis des actes « violents », peu importe si elle l’a fait ou non pour se défendre. Une étude américaine a permis de constater une augmentation considérable du nombre de doubles arrestations ou de doubles accusations, une conséquence directe des politiques qui rendent obligatoires l’inculpation et l’arrestation[77].

Les études canadiennes disponibles confirment qu’on procède bien à des doubles mises en accusations au Canada dans des cas de violence conjugale. La proportion des doubles arrestations lors d’incidents de violence conjugale à Winnipeg, par exemple, était de 6 % (166 cas) en 1992-1993 et de 8 % (208 cas) en 1996-1997, la moyenne étant de 7 % des cas pour l’ensemble de la période[78]. En Alberta, on a procédé à des doubles arrestations dans 4 % des cas en 1999, 6 % des cas en 2000 et 5 % des cas en 2001.

Pour répondre à ce problème, certains gouvernements ont adopté des modèles de type « principal agresseur[79] ». Ces modèles requièrent habituellement des policiers qu’ils consentent des efforts raisonnables pour déterminer : qui est l’agresseur principal lors d’un incident de violence conjugale ainsi que, notamment, si l’une ou l’autre personne était en état de légitime défense (en départageant ainsi les actes offensifs et les actes de légitime défense); les antécédents de violence entre les personnes concernées; et la différence de taille entre celles-ci. Dans le cadre de l’enquête Lavoie au Manitoba, on a recommandé l’adoption d’une règle de l’agresseur principal[80]. On a aussi proposé de s’attaquer à ce problème en rendant obligatoires l’examen et l’autorisation du procureur de la Couronne à l’égard de toute contre-plainte de violence conjugale[81].

ii) Conclusions

Les politiques favorisant l’inculpation, établies au Canada pendant les années 1980, ont contribué de façon appréciable au renforcement de la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale. Les résultats des recherches sur ce phénomène démontrent une augmentation du nombre d’incidents de violence conjugale signalés et du nombre d’accusations portées dans ces cas-là. Ces politiques ont également permis de réduire le nombre d’infractions subséquentes.

On ne saurait attribuer seulement aux politiques d’inculpation l’amélioration de la réponse du système de justice pénale, mais il n’en demeure pas moins qu’elles ont joué un rôle de premier plan dans l’atteinte de cet objectif. Bien que les politiques favorisant l’inculpation aient aussi eu des répercussions défavorables imprévues, la plupart des victimes de violence conjugale les appuient vigoureusement. Une victime de violence conjugale doit savoir que, si elle signale un incident à la police, celle-ci interviendra et mettra fin tout au moins à cet incident. La politique d’inculpation permet au système de justice pénale de répondre à la violence conjugale de façon efficace et uniforme, ce qui contribue à la sécurité des victimes.

La politique d’inculpation vise à s’assurer que la police traite la violence conjugale comme une affaire criminelle et qu’elle procède à une mise en accusation dans les cas où il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Quant aux gouvernements qui exigent l’approbation préalable du procureur de la Couronne à l’inculpation, ils doivent déterminer s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations. Les mesures qui contribuent à sensibiliser les organismes d’application de la loi à la nature particulière de la violence conjugale, permettent de mettre en œuvre la politique conformément à ses objectifs.

iii) Recommandations

Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale. À cet égard, il faut continuer d’appliquer le critère actuel en portant des accusations lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Pour ce qui est des gouvernements exigeant l’approbation du procureur de la Couronne préalable à l’inculpation, ils doivent de plus déterminer s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations[82].

Les politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».

Le Groupe de travail recommande également d’élaborer des politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale pour traiter, à tout le moins, des points importants qui suivent.

  • Critère d’inculpation non applicable : S’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise mais que la police estime néanmoins que la victime craint pour sa sécurité, la police devrait envisager de recourir à d’autres moyens mis à sa disposition. Par exemple, elle peut demander une ordonnance de protection civile prévue par une loi provinciale ou territoriale sur la violence conjugale s’il y a lieu (voir ci-dessous) ou une ordonnance d’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévue à l’article 810 du Code criminel. Cependant, il ne faut pas avoir recours à ces solutions de rechange dans les cas qui répondent au critère.
  • Arrestation : La politique favorisant l’inculpation ne saurait être considérée comme modifiant les critères prévalant en matière d’arrestation. La police doit évaluer toutes les circonstances avant de déterminer s’il faut arrêter le délinquant avec ou sans mandat.
  • Double accusation : Lorsque les circonstances d’un cas en particulier laissent croire qu’il faut inculper les deux parties, la police doit déterminer qui est « l’agresseur principal » ou demander au procureur de la Couronne d’examiner et d’approuver la proposition de double accusation dans les cas de violence conjugale ou faire l’un et l’autre.
  • Non-judiciarisation avant la mise en accusation et orientation vers un processus alternatif de justice : La majorité des membres du Groupe de travail s’oppose à la non-judiciarisation avant la mise en accusation dans les cas de violence conjugale au profit d’un processus alternatif de justice. Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard) autorise les mesures de rechange avant la mise en accusation dans les cas de violence conjugale dans le cadre d’un programme de mesures de rechange mis en place conformément au Code criminel, et ce, avec l’approbation du procureur de la Couronne – un processus amplement détaillé dans la section I, sous-section 5, du présent rapport[83].
  • Enquête : Lapolice appelée sur les lieux de l’incident doit mener une enquête complète et recueillir tous les éléments de preuve disponibles. Le simple témoignage de la victime ne suffit pas toujours.
  • Évaluation du risque : Lorsqu’elle recourt aux méthodes d’évaluation du risque, la police doit utiliser des outils, dûment validés, pour faire le point sur la sécurité de la victime à toutes les étapes du processus, notamment lors de l’enquête sur le cautionnement. Il faut aider la police à assumer cette tâche en lui donnant une formation continue et des cours sur l’évaluation du risque dans les cas de violence conjugale.
  • Libération d’un accusé par l’agent de police responsable : Au moment de déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’accusé ne doit pas être relâché et, pour assurer la sécurité de la victime, l’agent de police responsable doit prendre en considération, s’il y a lieu, les antécédents de violence de l’accusé, notamment toute violation antérieure des dispositions concernant le cautionnement ou la probation ainsi que des ordonnances des tribunaux civils et criminels. S’il décide de libérer l’accusé, l’agent doit obliger celui-ci à contracter un engagement comportant les modalités nécessaires telles que l’interdiction de communiquer avec la victime, de s’absenter (par exemple au domicile, à l’école ou au travail), de posséder des armes à feu et de consommer de l’alcool ou de la drogue. Il faudrait aviser la victime de la libération de l’accusé et de toutes les modalités pertinentes.
  • Aide aux victimes : La police devrait aviser les victimes des services disponibles et des autres organismes qui peuvent l’aider (les maisons d’hébergement par exemple) et les inciter à s’en prévaloir.

iv) Politique favorisant la poursuite

Comme il est mentionné ci-dessus, la politique favorisant la poursuite comporte de nombreux objectifs :
  • préconiser des poursuites plus efficaces dans les cas de violence conjugale;
  • réduire le taux d’abandon en faisant baisser le nombre des accusations retirées ou suspendues;
  • favoriser la collaboration de la victime lors de la poursuite;
  • réduire le nombre d’infractions subséquentes.

Des études menées peu après l’adoption de la politique permettent de constater un certain succès dans la réduction des taux d’abandon pour les affaires de violence conjugale. Dans une étude menée sur dix ans à London (Ontario), les chercheurs ont conclu qu’avant l’adoption de la politique, 38,4 % des accusations étaient rejetées ou retirées; qu’en 1983 (deux ans après l’adoption de la politique), la proportion en avait été réduite à 16,4 %; puis qu’elle n’était plus que de 10,9 % en 1990[84].

Une étude menée en 1988 en Saskatchewan sur le taux des poursuites dans les cas de violence conjugale après l’adoption de la politique a révélé que 89 % des accusations portées ont donné lieu à un procès. Il y avait suspension de l’accusation dans 5 % des cas et retrait dans 6 % des cas[85].

Une étude du traitement des affaires de violence conjugale par le tribunal de la violence familiale de Winnipeg entre 1992 et 1997 a révélé que 46 % des accusations avaient été suspendues et qu’il y avait eu inscription d’un plaidoyer de culpabilité dans 43 % des cas. On a conclu dans cette étude que la politique en matière de poursuite (soit, pour ce qui est du Manitoba, une politique de tolérance zéro) jouait deux rôles. Il s’agit de cibler la plupart des cas dès le début du processus et de permettre, dans l’application de la politique, un certain pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite de façon à ce que des cas soient écartés, notamment ceux où il n’y a pas de probabilité raisonnable de condamnation et donc pas de motif raisonnable d’intenter un procès (suspension)[86].

En ce qui concerne la question de savoir si la politique en matière de poursuite a eu pour effet d’inciter les victimes à collaborer aux poursuites engagées à la suite des infractions, il faut noter ceci : le motif le plus souvent invoqué pour le retrait ou la suspension d’accusations de violence conjugale a trait à un témoin réticent et à l’absence de toute autre preuve[87]. Certains procureurs de la Couronne ont déclaré que, plus souvent qu’autrement, les femmes victimes de violence conjugale se montraient réticentes et que cela constituait pour elles une importante source de frustration[88]. Compte tenu de cette situation, il n’est pas surprenant d’apprendre que, selon certains procureurs de la Couronne, la politique favorisant la poursuite est trop stricte, qu’elle nuit indûment à l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, qu’elle n’est pas pratique et traite à tort de la même manière tous les cas de voies de fait à l’égard d’une conjointe[89].

Le tribunal de la violence familiale de Winnipeg a mis au point une mesure innovatrice pour contrer le problème des témoins réticents. Lorsqu’une victime déclare qu’elle ne témoignera pas parce qu’elle ne désire pas l’arrestation de son conjoint, et que ce qu’elle désire en bout de ligne, c’est que la violence cesse, le procureur de la Couronne procédera à une « négociation de témoignage ». Ainsi, le procureur de la Couronne pourra offrir de laisser tomber une accusation plus grave pouvant entraîner l’emprisonnement et recommander la mise en liberté conditionnelle du contrevenant, l’une des conditions imposées par le tribunal étant qu’il subisse des traitements, et ce, en échange du témoignage de la victime. Si la victime accepte, l’avocat de la défense en est informé et il en résulte bien souvent un plaidoyer de culpabilité de la part de l’accusé[90].

Une autre mesure consiste à apporter un soutien actif et efficace à la victime tout au long de la poursuite. Une étude récente a révélé qu’il existait deux facteurs très importants pour s’assurer de la coopération de la victime lors de poursuites dans un cas de violence conjugale : que l’on soit disponible pour aider et soutenir la victime et le témoin; qu’il soit possible de recueillir le témoignage sur bande magnétoscopique. On a aussi conclu dans la même étude que, lorsque le procureur de la Couronne perçoit la victime comme étant coopérative, il est sept fois plus susceptible d’engager des poursuites qu’en cas contraire[91].

Lorsque la victime est réticente ou se rétracte, le procureur de la Couronne suspendra ou retirera les accusations en l’absence d’autres éléments de preuve fiables et admissibles. Parmi les éléments de preuve indépendants il peut y avoir les déclarations d’autres témoins, les enregistrements magnétiques d’appels au service d’urgence 911, les dossiers médicaux faisant état des blessures subies, des photographies ou un enregistrement sur bande vidéo des lieux lors de l’arrivée de la police et d’autres éléments de preuve matérielle.

Bien que la plupart des victimes de violence conjugale appuient fortement une politique favorisant l’inculpation, principalement parce qu’elle aide à faire cesser la violence, nombre d’entre elles ont dit souhaiter assouplir la politique favorisant la poursuite afin qu’elle tienne mieux compte des besoins et de la situation des victimes et de leur famille[92].

Sur 74 femmes victimes de violence conjugale interrogées à Abbotsford (Colombie-Britannique) en 2000, 86 % d’entre elles ont exprimé leur appui à la politique favorisant l’inculpation. Toutefois, 40 % des victimes ne désiraient pas que des poursuites soient intentées. Parmi ces dernières victimes, trois sur quatre ont mentionné ne pas vouloir coopérer parce qu’elles désiraient se réconcilier avec le conjoint violent et près du tiers souhaitaient le retrait de l’ordonnance de non-communication. Trente pour cent (30 %) de l’ensemble des victimes ont également mentionné avoir connu des difficultés financières après l’arrestation du conjoint violent[93].

D’autres chercheurs ont relevé des facteurs additionnels qui influent sur le degré de collaboration d’une victime avec le procureur de la Couronne. En effet, la victime est plus susceptible de coopérer si :

  • elle reçoit l’aide indispensable de ses amis et des membres de sa famille, notamment un appui financier ou de l’aide pour s’occuper de ses enfants;
  • elle reçoit régulièrement de l’information, en temps opportun, sur le système de justice pénale et sur l’état de son dossier, ainsi que du soutien à toutes les étapes du processus[94].

v) Conclusions

L’expérience de la politique favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale démontre que le critère prévalant en la matière n’est pas interprété de la même façon par les intervenants, qu’ils appartiennent au système de justice pénale ou non, ce qui explique les avis partagés sur le succès de la politique.

Ceux et celles qui croient que la politique rend littéralement obligatoires les poursuites dans tous les cas de violence conjugale, sans égard à d’autres facteurs, sont plus susceptibles de conclure que la politique n’a pas donné les résultats escomptés. Les personnes qui estiment que la politique rend obligatoires les poursuites dans tous les cas où il y a, compte tenu de tous les éléments de preuve, une possibilité raisonnable de condamnation et où il est dans l’intérêt public d’engager des poursuites, sont plus susceptibles de conclure que la politique a permis de renforcer la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale. Le Groupe de travail se montre favorable à cette seconde manière d’interpréter la politique.

Les recherches démontrent sans équivoque que les procureurs de la Couronne, les victimes et les membres du public sont frustrés par certains aspects de la politique. Des procureurs se disent déçus d’avoir à engager des poursuites sans la collaboration de la victime et/ou du témoin. Certaines victimes refusent d’appuyer la poursuite en témoignant, par exemple, contre leur partenaire avec qui elles viennent de se réconcilier; d’autres estiment que le système de justice pénale ne traite pas les cas de violence conjugale avec suffisamment de sévérité, comme en font foi les peines infligées aux conjoints violents. De surcroît, les membres du public s’opposent fréquemment à quelque processus ou politique que ce soit qui ne mène pas à la réponse traditionnelle de la justice pénale, l’incarcération.

Le Groupe de travail estime que la politique favorisant la poursuite assurera, si elle est interprétée et appliquée conformément à son objectif, une réponse efficace et uniforme du système de justice pénale à la violence conjugale. Parmi les autres mesures qui contribueront à l’efficacité de la politique, il faut noter que :

  • si on offre de l’aide à la victime à toutes les étapes du processus, notamment en lui fournissant régulièrement des renseignements en temps opportun sur l’évolution et l’état du dossier, celle-ci sera plus susceptible de collaborer avec la poursuite;
  • le fait d’améliorer les techniques et les méthodes d’enquête dans les cas de violence conjugale en obtenant non seulement le témoignage de la victime et/ou du témoin, mais aussi tous les autres éléments de preuve disponibles, permet vraisemblablement de mieux répondre, en pareils cas, au critère de la politique favorisant la poursuite;
  • l’établissement d’un éventail plus large de réponses du système de justice pénale (en plus du procès et de la détention), assorties des mesures de protection nécessaires, renforce la capacité du système non seulement de tenir le délinquant responsable de ses actes mais aussi de répondre aux besoins particuliers des victimes de violence conjugale.

vi) Recommandations

Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques actuelles favorisant la poursuite dans les affaires de violence conjugale. À cet égard, le critère actuel doit continuer de s’appliquer, à savoir qu’il y a lieu d’engager une poursuite dans les cas de violence conjugale lorsque, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il existe un espoir raisonnable d’obtenir une condamnation et qu’il est dans l’intérêt public d’engager une poursuite[95].

Les politiques « favorisant la poursuite » dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».

Le Groupe de travail recommande aussi que, dans l’élaboration des politiques favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale, on aborde au moins les principales questions suivantes.

  • Mise en liberté provisoire par voie judiciaire : Le procureur de la Couronne doit obtenir de la police (si l’enquête sur le cautionnement est menée par la police, l’agent enquêteur fournit les renseignements nécessaires) suffisamment d’information pour évaluer le risque de préjudice à la sécurité de la victime si l’accusé est mis en liberté sous caution (par exemple les résultats de l’application des outils d’évaluation du risque, dûment validés, ou les éléments de preuve exposant les antécédents de violence, les menaces de violence grave, les manquements précédents aux ordonnances judiciaires de protection, l’utilisation ou la présence d’armes, les problèmes d’emploi, la consommation de drogue ou d’alcool et les menaces de suicide). Il y aurait lieu de vérifier les appréhensions de la victime auprès de celle-ci avant l’audition. S’il est décidé de mettre l’accusé en liberté avant son procès, le procureur de la Couronne doit tenter de faire assortir la mise en liberté des conditions appropriées, y compris une ordonnance de non-communication avec la victime et les interdictions relatives aux armes à feu et à la consommation d’alcool et de drogue. Il y aurait lieu d’aviser la victime de l’issue de l’enquête sur la mise en liberté sous caution et des conditions de la mise en liberté. Dans les cas de manquement aux conditions de la mise en liberté, le procureur de la Couronne devrait envisager d’engager des poursuites relatives au manquement et de faire révoquer la mise en liberté de l’accusé.
  • Information, avis et appui aux témoins : Le procureur de la Couronne, lui-même ou par l’entremise de la police ou de personnes chargées de l’aide aux victimes et aux témoins, devrait transmettre en temps utile aux victimes de violence conjugale de l’information au sujet de leur dossier. Les victimes devraient aussi profiter d’une aide constante (par exemple par l’entremise des personnes chargées de l’aide aux victimes et aux témoins) tout au long du processus.
  • Témoins réticents ou qui se rétractent : Si une victime refuse ou est incapable de témoigner ou d’appuyer la poursuite, le procureur de la Couronne devrait (par l’entremise de la police ou de l’agent des services d’aide aux victimes) chercher à déterminer les raisons de l’hésitation de la victime (par exemple se rétracte-t-elle parce qu’il n’y a pas eu de violence conjugale ou parce qu’elle a été menacée par l’accusé ou a subi des pressions?). Si la rétractation n’est pas crédible, le procureur de la Couronne devrait chercher à savoir s’il existe d’autres éléments de preuve crédibles sur lesquels il peut fonder la poursuite en l’absence du témoignage de la victime. S’il n’existe plus d’espoir raisonnable d’obtenir une condamnation compte tenu de la preuve disponible, la poursuite devrait être abandonnée.
  • Engagement de ne pas troubler l’ordre public : Lorsque les critères énoncés dans la politique favorisant la poursuite ont été respectés, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévu à l’article 810 du Code criminel ne doit pas être utilisé au lieu d’une poursuite[96].
  • Déjudiciarisation après la mise en accusation et orientation vers un processus alternatif de justice : La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne pas déjudiciariser après accusation dans les affaires de violence conjugale, sauf conformément aux critères résumés dans la prochaine sous-section du présent rapport. Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard) autorise un programme de déjudiciarisation après la mise en accusation dans les cas de violence conjugale dans le cadre d’un programme de mesures de rechange mis en place conformément au Code criminel, et ce, avec l’approbation du procureur de la Couronne – un processus amplement détaillé dans la prochaine sous-section[97].
  • Détermination de la peine : Dans ses recommandations en matière de détermination de la peine, le procureur de la Couronne devrait :

  • tenir compte de l’article 718.2 du Code criminel, lequel prévoit que les mauvais traitements contre son époux ou son enfant constituent un facteur aggravant aux fins de la détermination de la peine;
  • veiller à ce que la victime ait l’occasion de préparer et de présenter une « déclaration de la victime » (article 722.2 du Code criminel);
  • dans le cadre de la détermination de la peine, tenter d’assortir les ordonnances du tribunal des conditions nécessaires, y compris les conditions ayant trait à l’interdiction de communiquer avec la victime, de s’absenter, de posséder des armes à feu ou de consommer de l’alcool et de la drogue et, le cas échéant, de demander une évaluation en vue d’une session d’orientation ou d’un traitement dans le cadre d’un programme d’intervention auprès d’un conjoint violent.

5) RECOURS AUX PROCESSUS ALTERNATIFS DE JUSTICE DANS LES CAS DE VIOLENCE CONJUGALE

Au cours des vingt dernières années, plusieurs modifications apportées au droit pénal ont reflété un intérêt croissant à l’égard des processus alternatifs de justice en matière de conduite criminelle et à l’égard de solutions de rechange en matière de détermination de la peine. Par exemple, les mesures législatives concernant les jeunes contrevenants ont été modifiées en 1985 afin de permettre l’application de mesures de rechange[98]. En 1996, le Code criminel a été modifié afin de permettre l’application des programmes autorisés de mesures de rechange aux délinquants adultes[99]. Cette réforme ainsi que l’émergence d’un fort intérêt en matière de justice réparatrice en général ont poussé le public et le gouvernement à examiner les solutions de rechange au processus traditionnel de justice pour faire face à la conduite criminelle, y compris la violence conjugale.

Le Groupe de travail a passé en revue l’application de ces processus alternatifs de justice dans les cas de violence conjugale, y compris leur compatibilité avec les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale.

i) Mesures de rechange

Objectifs des mesures de rechange

Lorsque le Code criminel a été modifié en 1996 pour permettre l’application des mesures de rechange aux délinquants adultes, ces modifications ont été décrites comme ayant deux principaux objectifs : « prévenir la récidive et éviter le tort qui peut parfois être causé à des contrevenants ayant commis des infractions moins graves qui sont soumis au processus judiciaire[100] ». Ainsi, lorsqu’elles sont conformes à la nécessité de protéger le public, ces dispositions permettent la non-judiciarisation des « contrevenants aux prises avec la justice pour la première fois et qui ont commis une infraction moins grave »; ils seront donc tenus à l’écart des tribunaux, libérant dès lors « les ressources précieuses des procureurs et des tribunaux » pour que celles-ci puissent être consacrées « aux dossiers plus graves[101] ».

Avec le temps et à mesure que l’expérience au sujet de ces dispositions s’est prolongé, les gouvernements ont commencé à envisager le bien-fondé d’appliquer les mesures de rechange aux récidivistes et aux auteurs d’une infraction plus grave.

Comment les mesures de rechange fonctionnent-elles?

L’article 717 du Code criminel permet l’application de mesures de rechange lorsque celles-ci ne sont pas incompatibles avec la protection de la société et si les conditions suivantes sont réunies :

  • les mesures proposées font partie d’un programme de mesures de rechange autorisé par le procureur général;
  • le recours à un programme de mesures de rechange est approprié, compte tenu des besoins du contrevenant et de l’intérêt de la société et de la victime;
  • le contrevenant a librement manifesté sa ferme volonté de collaborer à la mise en œuvre du programme de mesures de rechange;
  • avant de consentir aux mesures, le contrevenant a été avisé de son droit aux services d’un avocat;
  • le contrevenant se reconnaît responsable de l’acte ou de l’omission à l’origine de l’infraction reprochée;
  • il existe des preuves suffisantes justifiant des poursuites relatives à l’infraction;
  • aucune règle de droit ne fait obstacle à la mise en œuvre des poursuites relatives à l’infraction.

Un délinquant peut être renvoyé à un programme de mesures de rechange avant ou après avoir fait l’objet d’une accusation. L’administration d’un programme de mesures de rechange n’exige pas une surveillance de la part des tribunaux, mais si le suspect ne complète pas le programme avec succès, il pourrait faire l’objet d’une accusation ou encore, l’accusation portée pourrait faire l’objet d’une poursuite[102].

Les délinquants qui complètent avec succès un programme de mesures de rechange n’ont pas de casier judiciaire au sujet de l’infraction visée par les mesures[103]. Les dossiers dressés concernant les mesures de rechange suivies et la réponse du suspect ne peuvent être déposés en preuve plus de deux ans après l’exécution de ces mesures de rechange, sauf aux fins des procédures en matière de détermination de la peine conformément au paragraphe 721(3) du Code criminel.

En règle générale, les programmes de mesures de rechange comportent un mécanisme hors cour visant à déterminer les conséquences de l’infraction à l’égard de l’auteur de celle-ci. Cela peut se produire de plusieurs façons, y compris dans le cadre d’une entrevue de premier contact et d’une évaluation, suivies par un examen de la part d’un comité de justice, d’une conférence avec un groupe de familles ou d’un processus de règlement négocié des différends, ou encore par renvoi direct à un programme approprié. Normalement, le délinquant s’engage à faire certaines choses en raison de son comportement. Cet engagement peut comprendre l’obligation de présenter des excuses, de participer à un programme de traitement, de réparer le tort causé, de rendre service à la communauté ou de collaborer avec un conseiller ou un aîné[104].

Les programmes et les politiques en matière de mesures de rechange

La plupart des provinces et le gouvernement fédéral ont approuvé des programmes de mesures de rechange conformes aux dispositions du Code criminel. Les programmes de mesures de rechange de tous les gouvernements sauf trois, à savoir les Territoires du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard, écartent spécifiquement les cas de violence conjugale. Le Manitoba, l’Ontario, le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador n’ont pas de programmes de mesures de rechange. La constitutionnalité des dispositions de la Nouvelle-Écosse prévoyant l’exclusion de cas de violence conjugale a récemment été contestée, mais sans succès[105].

Comme il est signalé précédemment, certaines collectivités des Territoires du Nord-Ouest ont adopté un protocole aux termes duquel elles envisagent l’adoption de mesures de rechange antérieures à la mise en accusation dans les cas de violence conjugale et le renvoi aux comités de justice de la collectivité dans des circonstances exceptionnelles et avec la recommandation conjointe de la GRC, du comité de justice communautaire et du directeur régional du ministère de la Justice du Canada, lequel donne son consentement par écrit. Jusqu’à maintenant, aucune demande de non-judiciarisation avant accusation n’a été présentée. Le protocole fait l’objet d’une révision par les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement fédéral et la GRC.

Dans des circonstances exceptionnelles, la Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard permettent la non-judiciarisation des cas de violence conjugale et le recours à un programme de mesures de rechange, y compris avant accusation. Aucun des deux gouvernements ne définit ce qui constitue les circonstances « exceptionnelles ».

En Colombie-Britannique, où il existe un régime d’approbation préalable des mises en accusation, la non-judiciarisation des affaires, y compris les cas de violence conjugale, ne peut être effectuée qu’à l’issue de la décision du procureur de la Couronne et conformément à des critères précis. Même si l’Île-du-Prince-Édouard n’exige pas l’approbation préalable des accusations par la Couronne, les renvois aux mesures de rechange, avant ou après accusation, doivent être approuvés par la Couronne.

Dans ces deux gouvernements, peu de cas ont donné lieu à un renvoi à des mesures de rechange. Les résultats d’une révision des données de l’Île-du-Prince-Édouard montrent que, pour les années 1999, 2000 et 2001, 556 cas ont été assujettis à des mesures de rechange; de ce nombre, 22 cas seulement (4 %) étaient des cas de violence conjugale[106], soit :

  • 5 cas ont été renvoyés avant accusation;
  • 14 cas ont été renvoyés après accusation;
  • 3 cas ne révélaient pas si le renvoi avait été effectué avant ou après accusation.

En Colombie-Britannique, environ un pour cent (1 %) de tous les cas assujettis à des programmes approuvés de mesures de rechange étaient des cas de violence conjugale, renvoyés avant accusation :

  • 26 cas jusqu’au milieu de 2002;
  • 65 cas en 2001;
  • 72 cas en 2000;
  • 47 cas en 1999.

De ces cas, environ la moitié concernaient des accusées de sexe féminin et dans seulement deux de ces cas, l’accusée a fait valoir qu’elle avait agi en légitime défense.

ii) Processus de justice réparatrice

L’expression « justice réparatrice » est souvent utilisée. Toutefois, il n’existe pas de définition uniforme de cette expression pour l’ensemble du Canada[107]. Aux fins de la présente révision, le Groupe de travail a utilisé l’expression pour décrire les processus volontaires disponibles qui complètent, appuient ou remplacent les processus de justice pénale traditionnels dans les cas où le délinquant est disposé à reconnaître sa responsabilité pour ses actes et à collaborer avec la collectivité (y compris la victime) pour réparer le tort causé et rétablir l’harmonie[108].

Certains processus de justice non traditionnels peuvent être de nature réparatrice sans nécessairement faire partie de la justice réparatrice, par exemple certains processus non traditionnels tels que les cercles de détermination de la peine et les contacts entre la victime et le délinquant facilités par les responsables des services correctionnels. La justice réparatrice offre une gamme de réponses, y compris une intervention à diverses étapes, à l’extérieur du cadre de la justice pénale formelle (avant accusation) et à l’intérieur de ce cadre (après accusation)[109]. Contrairement aux « mesures de rechange », les règles et les procédures applicables à la justice réparatrice ne sont pas prescrites dans le Code criminel.

Des preuves non scientifiques montrent que certains cas de violence conjugale font l’objet d’une non-judiciarisation avant accusation et d’une déjudiciarisation après accusation et sont renvoyés à des mesures de rechange ou à un processus de justice réparatrice. Dans certains cas, ces mesures sont appliquées à l’encontre du programme de mesures de rechange ou de la politique adoptés par le gouvernement concerné en matière de non-judiciarisation ou de déjudiciarisation des cas de violence conjugale; ailleurs, ces mesures sont appliquées en dépit de la politique expresse les interdisant.

Appui à l’utilisation de processus de mesures de rechange et de justice réparatrice dans les cas de violence conjugale

Le système de justice traditionnelle reposant sur l’inculpation, la poursuite et l’incarcération d’un délinquant n’est pas toujours sensible à la réalité des cas de violence conjugale. Par exemple, une réponse traditionnelle du système de justice débouchant sur l’incarcération du délinquant n’est peut-être pas la meilleure solution pour la victime lorsque celle-ci s’est réconciliée avec le contrevenant ou lorsqu’elle dépend du délinquant comme principale source de revenu pour la famille. De même, la réponse traditionnelle interdisant les contacts entre le délinquant et la victime pourrait ne pas être pratique lorsque les parties habitent dans une zone rurale ou éloignée ou dans une petite municipalité où il n’est pas possible d’éviter totalement les contacts l’un avec l’autre.

La police et la Couronne favorisent parfois les processus non traditionnels de justice parce qu’ils sont frustrés par des politiques favorisant l’inculpation et la poursuite, politiques qui ne protègent pas suffisamment, selon eux, toutes les victimes de violence conjugale ou ne reconnaissent pas les difficultés inhérentes à la poursuite de ces affaires. Par exemple, ils croient que dans les cas où l’accusation sera vraisemblablement suspendue, retirée ou rejetée parce que la victime ne coopère pas ou refuse de témoigner, une mesure non traditionnelle de justice pourrait donner quand même de meilleurs résultats que, par exemple, l’habituelle réponse alternative de la justice pénale qui consiste en un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Dans ces circonstances, la participation à un processus de justice non traditionnel pourrait offrir une certaine protection supplémentaire à la victime et une assurance à la collectivité qu’une mesure a été prise afin de prévenir et de dissuader le comportement violent. À défaut d’autre chose, la participation active à ces processus pourrait maintenir la participation de la victime au système et soutenir sa volonté de faire appel à la police et aux tribunaux en cas d’incident subséquent de violence conjugale.

De plus, d’aucuns font valoir que l’utilisation de processus de justice non traditionnels dans les cas de violence conjugale est plus conforme à la récente réforme en matière de peine, y compris le recours moins fréquent aux tribunaux en matière pénale et aux peines traditionnelles, notamment à l’incarcération.

Dès lors, les processus alternatifs de justice sont parfois perçus comme mieux adaptés pour :

  • répondre au fait que plusieurs couples se réconcilient après un incident de violence conjugale, en appuyant des mesures plus susceptibles de susciter une réconciliation sincère;
  • refléter davantage la diversité des cas de violence conjugale ainsi que les besoins des parties et les intérêts de la société que dans le système de justice traditionnelle;
  • offrir des solutions, y compris le traitement du délinquant, susceptibles de promouvoir des interventions sociales à plus long terme et plus efficaces pour mettre fin à la violence que l’incarcération du délinquant;
  • permettre à la victime de mieux se faire entendre en lui offrant une occasion de participer activement au processus.

Opposition à l’utilisation de programmes de mesures de rechange et de processus justice réparatrice dans les cas de violence conjugale

La genèse de la plupart des préoccupations au sujet de l’utilisation des processus alternatifs de justice dans les cas de violence conjugale vient de la dynamique spéciale et particulière inhérente aux cas de violence conjugale et aux réponses traditionnelles du système de justice dans ces situations.

Les opposants au renvoi vers les programmes de mesures de rechange, de même qu’au renvoi de ces cas vers le processus de justice réparatrice croient généralement que :

  • la justice pénale traditionnelle est mieux en mesure d’assurer la sécurité de la victime durant le processus et après et est moins susceptible de victimiser de nouveau celle-ci;
  • la disponibilité de ces processus alternatifs de justice pourrait exposer la victime à un plus grand risque de subir les pressions du délinquant (et d’autres personnes) ou d’autres actes de violence de la part du délinquant si elle n’accepte pas la non-judiciarisation ou la déjudiciarisation le cas échéant ou refuse d’y participer;
  • la non-judiciarisation et le renvoi à des mesures extérieures au système de justice traditionnelle est incompatible avec l’objectif de veiller à ce que la violence conjugale soit publiquement et formellement dénoncée comme un acte criminel;
  • les victimes pourraient être moins enclines à signaler les incidents de violence conjugale lorsqu’elles voient les processus alternatifs de justice comme la réponse principale ou probable à leur cas, et qu’à leur avis cette réponse est moins sérieuse que celle apportée par le système de justice traditionnelle;
  • le renvoi à des processus alternatifs de justice (tels que la non-judiciarisation) sans le dépôt d’une accusation est contraire aux politiques actuelles favorisant l’inculpation et il affaiblit celles-ci; par conséquent, il s’agit d’un important pas en arrière risquant de faciliter un retour à la « privatisation » de la violence conjugale;
  • les processus alternatifs de justice, particulièrement les mesures découlant du processus de justice réparatrice, sont moins transparents que le système de justice traditionnelle;
  • il n’existe pas suffisamment de preuves fondées sur la recherche démontrant l’efficacité des processus de mesures de rechange ou de justice réparatrice ni leur capacité de réagir face aux besoins des victimes de violence conjugale.

iii) Conclusions

Le Groupe de travail est conscient de la nécessité de renforcer davantage la réponse actuelle du système de justice pénale aux cas de violence conjugale et de poursuivre l’examen de nouvelles voies pour élaborer des processus alternatifs de justice inédits et plus efficaces. Toutefois, en examinant ces nouveaux processus, il est essentiel de comprendre à la fois la dynamique de la violence conjugale de même que les succès et les échecs de la réponse traditionnelle du système de justice.

On peut se réjouir de certaines premières expériences positives non scientifiques constatées à l’issue de l’application des processus alternatifs pour aborder d’autres types de conduites criminelles. Toutefois, il y a une pénurie de preuves fondées sur la recherche non seulement pour appuyer l’efficacité de ces processus alternatifs en ce qui a trait aux cas de violence conjugale, y compris le fait de veiller à la sécurité de la victime de la violence conjugale et de ses enfants, mais aussi pour évaluer ces réponses par rapport à celles du système de justice traditionnelle.

iv) Recommandation

La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne pas utiliser de processus alternatifs de justice dans les cas de violence conjugale, sauf dans les circonstances suivantes.

i) Le renvoi au processus alternatif de justice s’effectue après le dépôt des accusations, et ce, avec l’approbation de la Couronne.

ii) Le dossier est considéré comme ne comportant pas un risque élevé à la suite de l’application, par une personne qualifiée, d’outils d’évaluation du risque, dûment validés, (c’est-à-dire qu’après avoir pris en compte une gamme de facteurs, y compris les antécédents de violence, les menaces de violence grave, les manquements aux ordonnances de protection rendues préalablement par les tribunaux, l’utilisation ou la présence d’armes, les problèmes d’emploi, la consommation de drogue ou d’alcool et les menaces de suicide, le délinquant est considéré comme ne présentant qu’un faible risque de récidive et donc un faible risque pour la sécurité de la victime, de ses enfants et des autres personnes à charge, durant le processus judiciaire et à l’issue de celui-ci[110]).

iii) Le processus alternatif de justice offre la même protection ou une plus grande protection à la victime que le système de justice traditionnel.

iv) La victime connaît bien le processus alternatif de justice proposé et sa volonté est prise en compte. De plus, non seulement le consentement de la victime est requis mais des services de soutien devront lui être fournis lorsqu’elle sera appelée à participer au programme.

v) Le délinquant accepte pleinement la responsabilité de ses actes.

vi) Le processus alternatif de justice peut traiter les cas de violence conjugale et s’inscrit dans un programme de mesures de rechange approuvé par le procureur général[111] visant à offrir des mesures de rechange dans les cas de violence conjugale, le processus faisant l’objet d’un suivi par le procureur général ou le tribunal.

vii) Le processus alternatif de justice est transparent (c’est-à-dire qu’il requiert que l’on conserve des dossiers officiels indiquant les actions prises par les participants) et il est utilisé en temps opportun et de manière raisonnable.

viii) Le processus alternatif de justice peut traiter les cas de violence conjugale. Sa mise en œuvre et son suivi sont assurés par des personnes possédant les habiletés, la formation et la capacité requises, y compris celle de reconnaître les déséquilibres de pouvoir et les différences culturelles et d’y donner suite.

ix) Il est toujours possible d’obtenir une condamnation pénale et l’imposition d’une peine en cas d’échec du programme.

Le Groupe de travail recommande également que l’utilisation du processus alternatif de justice dans les cas de violence conjugale soit appuyée par les mesures suivantes :

  • l’élaboration et la prestation d’une formation permanente et de cours appropriés à l’intention des personnes participant à l’évaluation des risques ainsi qu’à la prestation et au suivi des processus alternatifs de justice, y compris le personnel du système de justice pénale;
  • l’élaboration et l’application des outils d’évaluation du risque, dûment validés, dans les cas de violence conjugale;
  • l’évaluation constante des processus alternatifs de justice, y compris ceux qui sont appliqués dans les cas de violence conjugale, grâce à de nouvelles recherches, fondées sur des preuves, concernant l’efficacité de ces programmes, leur capacité à assurer la sécurité de la victime et de ses enfants et leur capacité à diminuer le risque de récidive.

Position minoritaire du Groupe de travail :

  • La Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard autorisent les mesures de rechange avant et après la mise en accusation dans les cas de violence conjugale conformément au Code criminel, et ce, avec l’approbation de la Couronne.

Le Québec n’a aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.

SECTION II : STRUCTURES ET MODÈLES

1) MÉCANISMES DE COORDINATION

i) Recherches et pratiques exemplaires

Les réformes qui ont été entreprises en vue d’améliorer les mesures d’intervention à prendre pour répondre à la problématique de la violence conjugale comportent plusieurs volets : élaboration et mise en œuvre de politiques favorisant l’inculpation et la poursuite, programmes de formation destinée aux professionnels de la justice pénale, programmes d’aide aux victimes et de défense de celles-ci, programmes d’intervention obligatoire auprès des conjoints violents, imposés par le tribunal, et initiatives de sensibilisation du public visant à véhiculer le message que la violence familiale est inacceptable.

Il est généralement reconnu qu’en raison de la nature et de la complexité du problème de la violence conjugale, les contrôles ou les sanctions juridiques ne constituent pas à eux seuls une réponse suffisante à ce phénomène. Les auteurs de plusieurs études ont conclu que les sanctions officielles (légales) sont plus efficaces lorsqu’elles sont accompagnées de contrôles sociaux informels et qu’elles sont affaiblies lorsque ces contrôles sont absents[112]. Il ressort par ailleurs des études qui ont été menées que les mesures extrajudiciaires (par exemple les programmes d’aide aux victimes et les programmes destinés aux conjoints violents), lorsque prises en dehors du cadre communautaire, produisent des résultats mitigés.

Les préoccupations que soulèvent le morcellement des modalités d’intervention en matière de violence conjugale et l’absence d’une vision commune et de l’obligation de rendre publiquement compte des résultats obtenus, ont entraîné la mise en place d’une réponse communautaire coordonnée. Les initiatives d’intervention communautaire sont des projets de défense des droits des victimes qui existent en dehors du système de justice pénale et qui sont dirigés par des organismes à but non lucratif : ils visent à améliorer et à coordonner les mesures institutionnelles prises en réponse à la violence conjugale au sein de la collectivité. Ils se caractérisent par :

  • l’adoption d’une orientation commune axée sur la sécurité des victimes;
  • l’établissement de politiques et de protocoles uniformes applicables aux organismes d’intervention;
  • l’importance accordée au réseautage entre les fournisseurs de services;
  • l’élaboration d’un système de contrôle et de suivi qui accentue l’imputabilité du système;
  • la défense des droits des femmes victimes de violence dans le cadre du système de justice pénale et de la collectivité afin d’assurer la mise en place des infrastructures nécessaires;
  • l’imposition de sanctions et la possibilité de réadaptation pour les conjoints violents;
  • l’atténuation des torts causés aux enfants en raison de la violence faite aux femmes;
  • l’évaluation des mesures communautaires coordonnées qui visent à assurer la sécurité des victimes et la responsabilisation du délinquant[113].

La Cour du district de Quincy, au Massachusetts, et le San Francisco Family Violence Project sont des exemples de projets de réforme axés sur le système de justice pénale. Parmi les éléments constitutifs de ce modèle, il y a lieu de mentionner les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite, les programmes de probation étroitement surveillée prévoyant le traitement des agresseurs, le recours aux ordonnances d’interdiction, la défense des droits des victimes, les activités de formation et de prévention et la réforme des politiques gouvernementales[114].

Les comités de coordination servent de mécanismes de coordination entre les organismes concernés. Leurs représentants proviennent d’organismes communautaires, du gouvernement et des organismes chargés d’appliquer la justice pénale. À titre d’exemple, le San Diego Domestic Violence Council compte des représentants de plus de 200 organismes qui offrent des services aux victimes et aux contrevenants[115]. Les comités de coordination qui œuvrent à l’échelle de l’État jouent un rôle important en ce qui concerne les mesures d’intervention prises pour répondre à la violence familiale par le biais de l’évaluation du système judiciaire et du système social de même que de l’élaboration et de la planification de politiques.

Les recherches qui ont été menées sur les mesures d’intervention communautaire coordonnées ont produit des résultats prometteurs. On a fait état d’une hausse marquée du nombre d’inculpations et de poursuites réussies, de même que d’une augmentation du nombre d’hommes condamnés à suivre une thérapie dans la foulée de trois projets d’intervention communautaire lancés aux États-Unis[116]. L’adoption d’un protocole en matière de violence familiale comportant une politique favorisant l’arrestation et la poursuite, la défense des droits des victimes de même que des lignes directrices en matière de détermination de la peine qui prévoyaient le traitement obligatoire des agresseurs, s’est soldée par une baisse sensible de la récidive, baisse qui s’est maintenue au cours de la période de suivi de 18 mois.

Au Canada, les données d’évaluation démontrent qu’une stratégie intégrée a des incidences favorables sur l’efficacité du système de justice pénale. En Nouvelle-Écosse, les données de comparaison de l’efficacité du système de justice pénale avant et après la mise en place du cadre stratégique favorisant l’inculpation et la poursuite (qui comprenait des mesures de formation et de responsabilisation) ont démontré une amélioration marquée des principaux indicateurs de rendement comme les taux de mise en accusation, d’arrestation et de condamnation[117]. Dans une perspective d’intégration et de coordination, les Services correctionnels du Québec vérifient la cohérence des conditions imposées aux conjoints violents aux différentes étapes du processus judiciaire et correctionnel.

ii) Mécanismes de coordination dans les gouvernements au Canada

L’un des premiers modèles de coordination a été mis en œuvre à London (Ontario), lorsque les premières études techniques sur l’incidence des politiques d’inculpation et de poursuite ont été réalisées en sol canadien. La plupart des provinces et territoires canadiens ont mis sur pied des mécanismes de coordination en matière de violence conjugale à l’échelle locale et provinciale par le truchement de comités interministériels ou de comités interorga-nisationnels. On trouvera dans la section VI, sous-section 3, du présent rapport un aperçu des structures de coordination des différents gouvernements au Canada.

Plusieurs gouvernements ont signalé que leurs plus hauts dirigeants s’intéressent à la violence familiale, à preuve notamment les différents comités qui ont été constitués dont le Comité d’action sur la violence familiale du premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard (Premier’s Action Committee on Family Violence Prevention), le Comité des ministres de Terre-Neuve-et-Labrador (Committee of Ministers), le Comité interministériel de coordination en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle du Québec, de même que le Groupe de travail ministériel du Nouveau-Brunswick sur la violence faite aux femmes. La plupart de ces gouvernements ont formé des comités interministériels composés de hauts fonctionnaires (et quelques fois de représentants de la collectivité) afin de promouvoir une approche pluridisciplinaire en matière de violence familiale. L’efficacité de ces structures varie selon les liens qui unissent les divers ministères et la priorité accordée à ces mesures dans le contexte global des programmes gouvernementaux.

Dans certains cas, on a mis en place des structures spéciales provisoires chargées de fournir des conseils au sujet de la mise en œuvre des nouveaux programmes ou des nouvelles stratégies. Ainsi, le Comité interministériel mixte sur la violence familiale en Ontario a remis son rapport quinquennal et a fourni des conseils sur l’adoption d’une stratégie provinciale d’intervention en matière de problème de la violence familiale. La Stratégie sur la violence familiale est un groupe interministériel de hauts fonctionnaires constitué pour surveiller la mise en application de certaines des recommandations du Comité. À la suite de leur mise en œuvre, les structures provisoires pourront être intégrées à des programmes pour assurer la poursuite des mesures de coordination.

Certains gouvernements ont créé un bureau spécial chargé de jouer un rôle de chef de file et de servir de centre de coordination des activités en matière de violence familiale. Ainsi, l’Alberta a créé en 1984 le Bureau de prévention de la violence familiale (Office for the Prevention of Family Violence), premier de son genre au Canada. Jusqu’en 2000, la Nouvelle-Écosse maintenait un projet interministériel et multidisciplinaire, l’Initiative de prévention de la violence familiale (Family Violence Prevention Initiative), qui bénéficiait des services d’un coordonnateur à plein temps; le groupe a été dissous par suite de restrictions budgétaires. Le modèle comprenait des comités ministériels de lutte contre la violence familiale, un comité de coordination gouvernement-collectivité, des comités locaux de coordination entre les organismes et un comité des sous-ministres sur la politique sociale, dont relevait l’Initiative, pour faciliter la coordination des politiques dans l’ensemble des secteurs. En Ontario, la Division des services aux victimes au ministère du Procureur général non seulement regroupe les services aux victimes qui étaient jusqu’alors offerts par divers ministères liés à la justice, mais coordonne également la Stratégie sur la violence familiale et les programmes qui y sont rattachés. Le Nouveau-Brunswick a établi, dans son bureau exécutif, une Direction des questions de la femme, chargé de coordonner la réponse du gouvernement aux 59 recommandations du Groupe de travail ministériel sur la violence faite aux femmes.

Presque partout au Canada, on a créé des comités régionaux ou locaux chargés de promouvoir la coordination des interventions communautaires. Ces comités sont habituellement formés de représentants du système de justice pénale et d’organismes communautaires et parfois de représentants d’autres secteurs, notamment du monde de l’enseignement, des services sociaux et de la santé, en vue de promouvoir la mise en place d’une intervention communautaire coordonnée.

iii) Éléments d’une stratégie d’intervention efficace

Dans son examen des mécanismes de coordination qui existent présentement dans les provinces et territoires canadiens, Carolyn Marshall formule les observations suivantes :

[Traduction] La coordination doit intervenir à tous les niveaux pour être efficace. Il faut également affecter du personnel pour faire le travail et s’engager à consacrer les ressources nécessaires pour exécuter les activités. Ces organismes chargés d’assurer la coordination ont besoin d’un mandat qui repose sur un véritable engagement de la part des hauts dirigeants et qui soit assorti de mesures de contrainte. Travailler en collaboration exige beaucoup de temps, mais pas plus que ne le requièrent les ressources consacrées à des politiques, des programmes et des systèmes de prestation de services inefficaces. La coordination est difficile en partie parce que, par définition, elle recouvre un ensemble de disciplines professionnelles et de ministères, et ce, indépendamment de toute hiérarchie. Le plus souvent, la coordination suppose des responsabilités, mais ceux qui l’exercent ne disposent malheureusement pas des pouvoirs nécessaires à son succès. Les mécanismes d’imputabilité sont faibles s’ils ne sont pas appuyés par les hauts dirigeants d’un grand nombre de ministères et par des intervenants. Lorsque la coordination fonctionne bien, c’est en dépit de cet état de fait. Elle est habituellement le fruit d’efforts déployés en vue de créer un climat de collaboration et de confiance[118].

Ces réflexions sur la nécessité de conférer des pouvoirs à ceux qui exercent des responsabilités témoignent de l’importance que revêtent la constance et l’engagement des dirigeants. Ce sont des aspects fondamentaux indissociables.

Une intervention intégrée efficace exige un leadership et une bonne coordination des initiatives gouvernementales de lutte contre la violence familiale, avec les éléments qui suivent :

  • l’autorité nécessaire pour façonner des politiques en vue d’obtenir un cadre stratégique coordonné et uniforme, applicable au sein de différents ministères;
  • la représentation de tous les ministères concernés, et ce, au niveau de gestionnaires supérieurs pouvant influencer les politiques du ministère et ayant accès auprès du sous-ministre;
  • les ressources nécessaires pour mettre en application un cadre stratégique coordonné;
  • un cadre de responsabilité avec des mécanismes pour assurer le suivi du processus et faire rapport;
  • une forme quelconque de représentation et de participation ou de partenariat avec les intervenants de la collectivité, en précisant bien les rôles des parties;
  • des procédures visant à améliorer l’établissement de relations à tous les niveaux, entre tous les intervenants, et à promouvoir un sentiment de partenariat et une même vision basée sur une compréhension commune du problème;
  • l’existence de tables intersectorielles locales;
  • au niveau local, le soutien sur le terrain aux employés du gouvernement afin de mettre en application les politiques provinciales ou territoriales et de participer activement aux débats entre organismes pour créer des relations de travail constructives et pour trouver des solutions aux problèmes recensés;
  • une fonction de gestion de cas conjointe entre les organismes afin d’élaborer des plans coordonnés pour les familles où la violence est un problème (c’est-à-dire des protocoles régissant l’échange de renseignements et la prestation de services, des rôles et des façons de travailler ensemble).

La coordination doit se faire dans l’ensemble des ministères et des secteurs d’activité concernés, de même qu’à des niveaux multiples (au niveau des politiques provinciales et des systèmes généraux de même qu’au niveau communautaire local, pour coordonner les services, déceler les besoins et les lacunes, trouver des solutions) et au niveau individuel (gestion de cas, mécanismes de consultation).

iv) Défis

On reconnaît de plus en plus la nécessité d’adopter une stratégie d’intervention coordonnée faisant appel au système de justice pénale, aux services sociaux et de santé mentale et à la population dans son ensemble[119]. Il n’est pas étonnant qu’on ait du mal à atteindre cet objectif. Il faut bien comprendre qu’on demande aux institutions de droit pénal d’établir, avec les organismes sociaux chargés de s’occuper des cas de violence familiale, des liens qu’on ne leur demande pas de créer pour d’autres types de crimes. Jusqu’à maintenant, l’objectif principal du système de justice pénale était la détection et la répression des actes criminels. Les réformes qui visent à donner plus de pouvoir aux victimes et à leur venir en aide ont pour effet de remettre en cause le système de justice, sa culture, son mode de fonctionnement et ses priorités. Toute ambiguïté sur les objectifs visés risque de susciter des difficultés d’ordre pratique pour les policiers et la Couronne[120].

Le défi auquel sont confrontés les gouvernements qui cherchent à adopter des modèles de coordination réside dans la difficulté de créer un modèle efficace et de l’assortir de pouvoirs et d’un appui suffisant pour réaliser des changements fondamentaux de manière à pouvoir coordonner leurs mesures d’intervention. Les gouvernements ne doivent se faire aucune illusion : la coordination et le partenariat ne sont pas faciles; ils demandent beaucoup de temps; et les différences qui existent en ce qui concerne les orientations et les priorités des divers ministères contribuent à augmenter les obstacles. Le défi le plus difficile à relever consiste toutefois à trouver des solutions durables au problème de la violence conjugale en l’absence de structure ou de modèle global coordonnés.

v) Recommandation

Force est de constater que les mesures isolées continueront à n’avoir que des effets limités tant que l’on n’adoptera pas une stratégie d’intervention globale applicable à un ensemble de secteurs d’activité. Il est acquis que le système de justice ne peut pas et ne devrait pas s’attaquer seul à ce problème. Les mesures fragmentaires vont continuer à entraîner un gaspillage des ressources déjà limitées, le double emploi, le manque de motivation chez le personnel concerné, les attentes déçues du public et, ce qui est encore plus déplorable, le risque que la protection des victimes soit compromise. Le manque de coordination altère la capacité du système de justice et des services sociaux, de santé et d’éducation d’enrayer le phénomène de la violence familiale et d’y réagir. Une approche et une intervention intégrées, globales et concertées procédant d’une vision commune constituent le moyen le plus prometteur de produire un effet de synergie et d’obtenir une réduction générale des comportements violents.

Coordination et collaboration intersectorielles

Le Groupe de travail recommande que les gouvernements appuient et renforcent, grâce à l’engagement de leurs hauts fonctionnaires, la coordination des initiatives en faveur d’une intervention auprès des victimes de violence familiale, tant au sein des ministères responsables de la justice qu’à l’extérieur de ceux-ci, de manière à assurer la participation des multiples intervenants gouvernementaux et communautaires. Les modèles de coordination peuvent varier d’un gouvernement à l’autre, mais tous devraient comporter les éléments clés d’une intervention efficace présentés ci-dessus.

2) TRIBUNAUX SPÉCIALISÉS DANS L'INSTRUCTION DES AFFAIRES DE VIOLENCE FAMILIALE

i) Recherches et pratiques exemplaires

Comme nous l’avons déjà souligné, les cas de violence familiale diffèrent de plusieurs façons par rapport aux autres cas de violence. Bon nombre d’observateurs, qu’ils fassent partie ou non du système de justice pénale, font valoir que, jusqu’à maintenant, les mesures d’intervention prises par la police, la Couronne et la magistrature ne suffisent pas à répondre aux besoins des victimes. Le système de justice pénale se penchait traditionnellement sur les incidents qui se produisaient entre inconnus et, comme on pouvait s’y attendre, l’introduction des relations familiales dans ce paradigme traditionnel n’est pas sans créer certaines difficultés. Les observateurs citent le taux élevé de victimes et de témoins qui se désistent ou qui hésitent à parler et l’effet relatif sur les délinquants et les victimes des dispositions qui sont prises à leur endroit. De plus, certains gouvernements craignent que les pressions systémiques exercées sur les tribunaux empêchent une instruction approfondie des affaires de violence familiale.

Les tribunaux spécialisés dans les affaires de violence familiale ont été créés pour permettre aux intervenants judiciaires qui sont au fait de la dynamique de la violence conjugale de tenir compte de la nature particulière de ces affaires. Des systèmes et des protocoles ont été élaborés pour favoriser la coordination au sein de l’appareil judiciaire et au-delà de ce cadre pour tenir compte de la problématique de la violence familiale dans un contexte de stratégies de gestion des cas élaborées spécialement en fonction de cette problématique.

Au Canada, plusieurs gouvernements ont constitué des tribunaux spécialisés chargés d’instruire les affaires de violence conjugale[121].

ii) Le Tribunal spécialisé dans les affaires de violence familiale de Winnipeg

En 1990, le Manitoba a mis sur pied à Winnipeg le premier tribunal canadien spécialisé dans les affaires de violence familiale. Voici les cinq éléments composant ce tribunal :

  1. une politique favorisant les arrestations fondée sur le principe de la « tolérance zéro »;
  2. un programme de défense des femmes et d’aide aux enfants victimes et/ou témoins de violence familiale;
  3. un service spécialisé de poursuites composé de onze procureurs de la Couronne;
  4. des salles d’audience réservées et des données spéciales concernant les causes mises au rôle et classées;
  5. une unité spéciale au sein du bureau de probation chargée d’offrir aux conjoints violents des programmes d’intervention ordonnés par le tribunal.

La mission du tribunal consiste à : (1) accélérer le déroulement des instances; (2) améliorer la collaboration des victimes et diminuer le taux d’abandon des poursuites; (3) prévoir des peines appropriées conçues de manière à protéger les victimes, par le biais notamment du traitement des conjoints violents et du suivi des contrevenants grâce à la probation sous surveillance[122]. Il semblerait, selon certains indices, que le tribunal ait atteint jusqu’à un certain point deux de ces objectifs. La durée moyenne des procès était de trois mois, et ce, en dépit d’une hausse marquée du nombre de dossiers traités. En ce qui concerne les peines infligées, le nombre de cas qui ont donné lieu à une probation sous surveillance a triplé et celui des affaires qui ont abouti à des peines d’emprisonnement a doublé, tandis que le nombre de cas résultant en une condamnation à une amende ou en une ordonnance de sursis a diminué au cours des deux premières années d’existence du tribunal. Dans le cas d’environ le quart des personnes condamnées, le tribunal a imposé un traitement (pour comportements violents).

Au cours des quatre premières années d’activité du tribunal, le nombre de cas de violence conjugale a connu une hausse spectaculaire (soit une augmentation de 229 % entre 1989 et 1993-1994) mais il a depuis atteint un palier. Le taux de sursis a augmenté sensiblement, passant de 22 % lors de la première année à 46 % en 1997, hausse qui serait attribuable, d’une part, au fait que ce n’est plus la police mais le ministère public qui décide maintenant s’il y a lieu de donner suite à une affaire et, d’autre part, à la politique qui, tout en insistant sur l’importance de ne pas hésiter à poursuivre les délinquants, confère au ministère public la faculté de ne pas donner suite à une affaire « aux dépens de la victime ». Un observateur qui s’est penché sur le rôle de ce tribunal spécialisé explique que « cette dualité et cette contradiction du mandat reflètent davantage la nature complexe de la violence familiale que l’ancienne norme simpliste selon laquelle succès correspond à condamnation[123] ». Certaines victimes devront ainsi avoir plusieurs contacts avec la justice avant de se sentir prêtes à témoigner et à considérer les tribunaux comme une ressource. D’autres observateurs se disent troublés par le taux de sursis élevé puisqu’en pareil cas le délinquant n’est pas tenu de rendre compte de ses actes, qu’il ne se retrouve pas avec un casier judiciaire et qu’il n’est pas obligé de suivre un traitement[124].

iii) Programme des tribunaux de l’Ontario pour l’instruction des causes de violence familiale

L’Ontario a adopté à l’échelle de la province une Stratégie judiciaire de lutte contre la violence familiale en réponse à l’enquête du coroner dans l’affaire May-Iles et aux recommandations formulées en 1999 par le Comité mixte sur la violence familiale.

Au début de 1997, l’Ontario a mis à l’essai à Toronto deux tribunaux spécialisés dans les affaires de violence familiale : le premier à North York (un modèle d’intervention rapide) et le second au centre-ville de Toronto (un modèle de poursuites coordonnées). En 1997-1998, ces projets pilotes ont été étendus à six autres collectivités, puis les modèles ont ensuite été combinés dans toutes les localités concernées. Ces tribunaux visent les objectifs suivants : (1) intervenir tôt dans les situations de violence familiale; (2) fournir un meilleur soutien aux victimes de violence familiale tout au long du processus de justice pénale; (3) assurer une poursuite plus efficace des causes de violence familiale; (4) tenir les délinquants responsables de leurs actes.

L’approche qui fonde ces deux modèles a depuis été adopté par les 16 grands centres qui ont mis en place le projet de tribunal spécialisé :

  • un modèle d’intervention précoce (axé sur l’accès précoce de l’accusé à un traitement) dans le cas des délinquants qui n’ont jamais été condamnés pour une infraction de violence familiale, qui n’ont pas utilisé d’arme lors de la perpétration de leur infraction, et qui n’ont pas causé de blessures graves à la victime);
  • un modèle de poursuites coordonnées axé sur la collecte d’éléments de preuves solides permettant d’intenter des poursuites vigoureuses.

Le premier modèle, souvent utilisé dans les cas où la victime et l’accusé expriment le désir de se réconcilier, permet à l’accusé de plaider coupable et d’être condamné, comme condition de sa remise en liberté sous caution, à s’inscrire à un programme d’intervention auprès du conjoint violent. Un procureur de la Couronne affecté aux affaires de violence familiale examine le cas pour déterminer si l’accusé est admissible à ce programme. Les personnes chargées d’appliquer le programme d’aide aux victimes et aux témoins conseillent la victime, lui fournissent des renseignements et la dirigent vers des ressources communautaires. Une fois que le délinquant a suivi avec succès le programme d’intervention auprès des conjoints violents, le responsable du programme fait rapport au ministère public. Si ce rapport est jugé satisfaisant, il peut être considéré comme une circonstance atténuante lors de la détermination de la peine. Le ministère public recommande habituellement une absolution sous condition. Si l’accusé ne réussit pas le programme, il est présumé avoir violé toutes les conditions de sa liberté sous caution et son cas peut alors être déféré aux services de poursuites coordonnées.

Le modèle des services de poursuites coordonnés est axé sur la collecte d’éléments de preuve visant à corroborer le témoignage de la victime (par exemple : enregistrement des appels au service d’urgence 911, photographies des blessures ou des dommages, rapports médicaux, dépositions des témoins, déclarations de la victime recueillies sur bande audio ou vidéo).

En février 2000, environ 4 500 personnes avaient été traduites devant ces tribunaux : 76 % des causes avaient été traitées par les services de poursuites coordonnées et 24 % par les services d’intervention rapide. De ce nombre de personnes, 69 % ont été reconnues coupables (72 % à l’étape de l’intervention rapide, 68 % à l’étape des poursuites). Dans l’ensemble, il y a eu abandon des poursuites dans 22 % des cas[125].

Une évaluation des 16 à 18 premiers mois d’existence du Programme de tribunaux pour l’instruction des causes de violence conjugale a été effectuée par la firme Moyer and Associates[126]. Les auteurs de l’étude ont comparé des cas de violence familiale dans six localités où sont situés ces tribunaux spécialisés à un échantillon de cas analogues jugés dans les six mêmes localités au cours de la période antérieure au projet[127]. Par ailleurs, des victimes de violence familiale ont été interrogées à Kingston et à Barrie pour déterminer si les services fournis et l’attitude des victimes de ces localités différaient de ceux des victimes visées par le projet de tribunaux spécialisés. Les auteurs de l’étude ont précisé que leurs conclusions donnaient un aperçu du premier fonctionnement des modèles en question et qu’elles n’étaient peut-être pas représentatives de leur fonctionnement à plus long terme.

Dans chacune des localités concernées, on a constaté qu’on avait réussi à recueillir un plus grand nombre d’éléments de preuve et que les enquêtes policières s’étaient améliorées, du moins jusqu’à un certain point. Dans la plupart des localités, les délais d’instruction des causes ont sensiblement diminué. Comme tous les participants du programme d’intervention rapide ont plaidé coupable, la proportion de plaidoyers de culpabilité a augmenté sensiblement dans ces localités par rapport à la période antérieure. Les résultats étaient mitigés dans les localités offrant des services de poursuites coordonnées. Alors qu’on s’attendait à ce qu’une plus grande proportion de contrevenants soient dirigés vers des programmes spécialisés destinés aux conjoints violents, aucune preuve concluante n’a été avancée en ce sens.

Dans les localités où les services d’intervention rapide ont été mis en œuvre, la plupart des victimes ont rencontré le procureur de la Couronne ou un représentant du Programme d’aide aux victimes et aux témoins peu de temps après l’incident. Dans les autres localités relevant des services de poursuites coordonnées, les victimes n’étaient pas mieux préparées à témoigner que les victimes des localités de comparaison. Toutefois, 60 % de celles qui ont témoigné ont déclaré qu’elles avaient été suffisamment préparées. Les victimes relevant des services d’intervention rapide étaient beaucoup plus susceptibles d’être satisfaites de l’issue des causes que les autres victimes (80 % se sont déclarées satisfaites). Dans l’ensemble, les victimes se sont réjouies de ce que leur conjoint violent soit condamné à suivre un traitement au lieu d’être marqué du sceau de l’infamie en raison de l’existence d’un casier judiciaire. Dans les localités desservies par les services de poursuites coordonnées, la satisfaction exprimée par les victimes au sujet de l’issue des causes oscillait entre 42 % et 64 %. Il y a peu de différences en ce qui concerne la perception des victimes au sujet de l’équité du traitement, l’aide offerte et la sécurité entre les victimes visées par le projet et celles provenant des localités utilisées aux fins de comparaison. Dans toutes les localités, la plupart des victimes ont estimé qu’elles avaient été traitées équitablement et qu’elles avaient reçu une aide adéquate.

Dans l’ensemble, il y a eu un nombre moins élevé que prévu de renvois à des projets d’intervention directe. Les évaluateurs ont émis l’hypothèse qu’il y a peu d’intérêt à participer à ce genre de programme parce que les délinquants se voyaient la plupart du temps condamnés à une absolution sous condition avant que le projet ne soit implanté et que, dans la moitié des cas, les accusations étaient retirées, suspendues ou rejetées. Dans les localités desservies par les services de poursuites coordonnées, on s’inquiétait du fait que, les dossiers étant suivis par plusieurs procureurs de la Couronne, on ne pouvait assurer la continuité. Le taux de renvoi des conjoints violents à des programmes de traitement destinés aux hommes était inférieur aux prévisions et le taux de réussite des participants à ces programmes oscillait entre 54 % et 91 %.

La nécessité de consacrer davantage de ressources aux diverses composantes du système de justice et aux organismes communautaires offrant des services aux victimes et aux contrevenants a été soulignée, de même que le besoin d’une formation accrue. Les évaluateurs ont recommandé une meilleure coordination entre tous les secteurs du système de justice chargés d’intervenir à l’égard de la violence familiale dès les premières étapes de planification des tribunaux pour l’instruction des causes de violence familiale et pendant toute la durée de leur mise en œuvre. Les évaluateurs ont finalement souligné la nécessité d’instaurer de meilleurs mécanismes de reddition de comptes pour assurer un suivi des contrevenants et pour garantir la sécurité des victimes.

Il y a lieu de souligner qu’on a donné suite à bon nombre des conclusions et des recommandations du rapport Moyer, depuis sa publication, au fur et à mesure que le projet de tribunaux spécialisés pour l’instruction des causes de violence conjugale a poursuivi son implantation sur le reste du territoire ontarien.

Les ministères responsables de la justice en Ontario ont mis sur pied le Comité provincial de surveillance du sous-ministre adjoint chargé de faciliter la résolution des problèmes intersectoriels; d’accorder plus de ressources aux procureurs de la Couronne, au Programme d’aide aux victimes et aux témoins et aux programmes d’intervention auprès du conjoint violent; d’établir un plan de formation destiné à toutes les composantes de la justice et aux partenaires en matière de justice; d’instaurer de meilleures politiques et une meilleure procédure; et de déterminer une combinaison des meilleurs éléments des modèles d’intervention rapide et de services de poursuites coordonnées pour créer un seul modèle de programme.

Jusqu’à ce jour, 20 localités ont adopté un modèle de tribunal spécialisé chargé d’instruire les affaires de violence familiale. L’Ontario s’est engagé à étendre ce modèle à l’ensemble de son territoire. Chacun des 54 ressorts judiciaires comptera soit un tribunal spécialisé doté d’un personnel chargé de s’occuper des affaires de violence familiale, soit une « procédure spéciale » permettant de traiter ces affaires. Indépendamment de leur taille, tous les ressorts seront dotés d’une procédure spéciale caractérisée par les éléments suivants :

  • un comité consultatif chargé de seconder le travail du tribunal spécialisé dans les affaires de violence familiale (Comité consultatif du tribunal spécialisé dans les affaires de violence familiale);
  • des interprètes pour aider ceux qui ne parlent ni le français ni l’anglais à communiquer avec la police, le procureur de la Couronne et le personnel chargé du soutien aux victimes;
  • l’amélioration des techniques d’enquête policières (notamment par l’utilisation d’un mécanisme d’évaluation du risque);
  • un personnel désigné du Programme d’aide aux victimes et aux témoins spécialement formé pour donner de l’aide et de l’information aux victimes;
  • des procureurs de la Couronne désignés, spécialement formés dans les poursuites en matière de violence familiale, assurant un processus uniforme et continu;
  • des programmes de counseling spéciaux destinés aux conjoints violents;
  • une procédure spéciale destinée à accélérer l’examen des cas et à assurer la coordination des services.

Dans les localités rurales de petite ou moyenne taille, ces éléments pourront être mis en place différemment selon le volume des dossiers et la taille du gouvernement. Ainsi, au lieu de recourir à un personnel désigné ou une salle d’audience spéciale, on fournira un personnel spécialement formé.

iv) Option de traitement en matière de violence familiale au Yukon

La Cour territoriale du Yukon a commencé à offrir en 2000 l’OTVF, c’est-à-dire « l’option de traitement pour violence familiale » (domestic violence treatment option). Ce programme vise les objectifs suivants : (1) encourager le signalement des incidents de violence familiale; (2) permettre une intervention rapide; (3) responsabiliser véritablement les délinquants; (4) réduire le taux de procès qui n’aboutissent pas; (5) offrir une option de traitement aux délinquants sous l’étroite surveillance du tribunal et de professionnels; (6) offrir une protection et un appui aux plaignants.

Le fonctionnement de l’option de traitement repose sur les principes suivants.

  • La violence familiale est un comportement acquis qui peut être modifié.
  • Les délinquants doivent assumer la responsabilité de leurs actes et en être tenus responsables, tout en bénéficiant de services de counseling.
  • Une intervention rapide par une équipe pluridisciplinaire est essentielle.
  • Une aide doit être offerte aux victimes et aux membres de leur famille dès le début et en tout temps par la suite.
  • Des programmes communautaires, des services de counseling et la supervision constituent des mesures plus efficaces que l’incarcération pour traiter ce type de comportement.

Les séances d’OTVF ont lieu un après-midi toutes les deux semaines. À la suite du dépôt d’une accusation de violence familiale, le prévenu qui accepte sa responsabilité peut demander de participer à l’OTVF. L’affaire est ajournée pour deux semaines, le temps de permettre aux conseillers du Programme d’aide aux conjoints violents de procéder à une évaluation. S’il est jugé admissible à un accompagnement psychologique dans le cadre du Programme d’aide et qu’il choisit de se soumettre à la procédure du tribunal avec option de traitement, le prévenu plaide officiellement coupable. Si le tribunal le lui ordonne, le prévenu s’inscrit ensuite au traitement (qui peut comprendre un volet pour alcooliques et toxicomanes). S’il n’est pas admissible, le prévenu est déféré aux tribunaux de droit commun. Les récidivistes sont admissibles à ce processus.

Au cours du traitement, l’intéressé comparaît chaque mois devant le tribunal pour rendre compte de ses progrès. Lors de cette séance de compte rendu, la victime tient également le tribunal au courant de l’évolution de sa situation. Une fois franchie l’étape du Programme d’aide aux conjoints violents, le conseiller soumet à l’accusé, à l’avocat de la défense, au procureur de la Couronne et au tribunal un rapport écrit sur l’évolution du cas. Le juge chargé de déterminer la peine examine le rapport et impose une peine qui tient compte à la fois des progrès accomplis par le délinquant et des questions de sécurité, de prévention de la récidive et d’accompagnement psychologique à venir.

Des personnes ressources comme les agents de probation, les conseillers du Programme d’aide aux conjoints violents et le personnel des services aux victimes participent régulièrement aux séances du tribunal avec option de traitement pour offrir leur aide. Un soutien est offert aux victimes sous forme d’aide en matière de planification de sécurité, de renvoi à des conseillers psychologiques pour les victimes et leurs enfants, de compte rendu sur les progrès du délinquant, d’accompagnement au tribunal et d’aide à la rédaction d’une déclaration de la victime.

Les fonctionnaires qui s’occupent du programme OTVF estiment que celui-ci est efficace parce que les affaires sont traitées rapidement et que les délinquants sont inscrits dès le début aux divers volets de ce processus. Le programme prévoit un suivi continu et une reddition de comptes au tribunal et à la victime. Bien que le processus soit supervisé par le juge, un comité directeur (composé de représentants de groupes communautaires et de professionnels de la justice) influence l’orientation du programme de façon permanente. Un processus d’évaluation de trois ans a été mis en place.

Certains s’inquiètent du fait qu’on reporte le prononcé de la sentence jusqu’à un an après la fin du programme de traitement, compte tenu de l’article 720 du Code criminel[128]. Cette question est présentement soumise à l’examen d’un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la détermination de la peine.

v) Le Tribunal chargé d’instruire les affaires de violence familiale de Calgary

Le Tribunal chargé d’instruire les affaires de violence familiale de Calgary (Calgary Domestic Violence Courtroom), maintenant connu sous le nom de HomeFront,a été constitué en 2000 dans le cadre d’un projet pilote de quatre ans[129]. Le Tribunal siège chaque matin et agit comme tribunal d’audience des remises : les procès ont lieu dans d’autres salles d’audience. Ce tribunal a pour mandat de réduire la violence conjugale tout en permettant aux victimes comme aux délinquants de se mettre plus rapidement en rapport avec les services spécialisés.

Une conférence préparatoire réunit les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les agents de probation, les agents chargés des cas au tribunal et des policiers. Le but de cette conférence est de coordonner les renseignements pertinents à soumettre au tribunal. Des policiers de première ligne et des agents de la Domestic Conflict Unit de la police de Calgary procèdent à une évaluation des risques. Les agents chargés des cas au tribunal entrent en communication avec la victime immédiatement après l’arrestation du prévenu et lui offrent une gamme de services d’aide, notamment en tenant la victime au courant de l’évolution du cas et en l’informant de tout changement, en l’accompagnant au tribunal, en faisant valoir son point de vue lors de la conférence préparatoire, en l’informant de l’évaluation des risques et des mesures de sécurité et en l’orientant vers des ressources communautaires. Un service spécialisé appelé Community Corrections Probation Unit surveille les délinquants qui bénéficient d’une probation dans environ 75 % à 80 % des cas, en mettant l’accent sur la sécurité de la victime et la responsabilisation du délinquant. L’accent est mis sur l’accès rapide (dans les 48 heures) à un traitement imposé par le tribunal et à un meilleur accès à des programmes qui sont adaptés sur le plan culturel.

Des protocoles ont été mis au point en collaboration avec 52 organismes, dont des hôpitaux, des maisons d’hébergement, des organismes autochtones et des services de protection de l’enfance (il y a renvoi à qui de droit chaque fois que des enfants sont en cause).

On s’est quelque peu écarté du plan initial. À l’origine, deux juges devaient être affectés à ce tribunal et se relayer pour des périodes de six mois. L’idée a été abandonnée dès le début du projet et les juges sont affectés sélectivement à la présidence des audiences. La charge de travail des agents de probation qui vérifient si les contrevenants respectent les conditions de leur libération conditionnelle est plus lourde que prévu et il n’a pas été possible de confier tout le travail à un seul agent désigné.

Les coordonnateurs de l’initiative maintiennent que le tribunal lui-même ne constitue qu’un aspect du programme et que l’élément clé est le lien solide qui existe entre le système judiciaire et le large éventail de services sociaux qui sont offerts à la population. L’initiative engage l’ensemble de la collectivité et a même reçu des dons de certaines entreprises.

Des données recueillies pour la période de deux mois couvrant les mois de mai et de juin 2001 indiquent que, sur les 140 délinquants dont le cas a été résolu au cours de cette période, 19 % ont plaidé coupable, 34 % ont bénéficié d’un abandon des poursuites en contrepartie de leur engagement de ne pas troubler l’ordre public, et 46 % ont plaidé coupable et ont subi leur procès. Les cinq mesures les plus fréquentes au tribunal de Calgary étaient, dans l’ordre, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public (66 %), la probation sous surveillance (22 %), l’abandon des poursuites (15 %), la condamnation avec sursis (12 %) et l’incarcération (11 %). Parmi les conditions assortissant les ordonnances de probation et les engagements de ne pas troubler l’ordre public, le traitement du délinquant était la plus fréquente (dans 86 % des cas). L’interdiction de communiquer avec la victime était une condition dans 18 % des cas. Les agents chargés des cas au tribunal n’ont pas été en mesure de communiquer avec 34 % des victimes adultes et seulement 10 % ont été contactées avant le procès. Cette situation a indéniablement influencé les mesures prescrites par le tribunal. Les agents ont orienté les victimes vers divers services, surtout vers des maisons d’hébergement (voir les résultats de l’évaluation du projet pilote HomeFront et les fiches de renseignements).

Il ressort d’une fiche de renseignements qu’entre la date à laquelle le tribunal a commencé ses activités, le 29 mai 2000, et le 19 avril 2002, il y a eu une hausse marquée du nombre d’accusations portées, d’ordonnances de probation et de traitements imposés par le tribunal. Les affaires de violence familiale représentent entre 40 % et 50 % des dossiers de probation à Calgary. Au cours de cette période, 62 % des cas ont été traités par le tribunal, qui s’est prononcé sur des engagements de ne pas troubler l’ordre public (39 % des cas) et sur des plaidoyers de culpabilité (23 % des cas). Un examen de 878 dossiers de probation (surveillance étroite) révèle que 171 contrevenants (19 %) n’ont pas respecté les conditions de leur probation.

On recourt aux engagements de ne pas troubler l’ordre public lorsqu’on estime que les risques de récidive sont faibles et que les risques pour la sécurité de la victime sont, par conséquent, peu élevés; lorsque le délinquant est disposé à participer à un programme de counseling; et lorsque la victime souhaite une solution qui n’aura pas pour effet de créer un casier judiciaire pour l’accusé et qui permet son éventuelle réintégration au sein de la cellule familiale. Dans tous les cas, le délinquant doit accepter sa responsabilité à l’égard de l’infraction. La plupart des engagements de ne pas troubler l’ordre public sont assortis de certaines conditions, dont le traitement du délinquant et sa supervision par un agent de probation. Les délinquants qui s’engagent à ne pas troubler l’ordre public sont assujettis aux mêmes normes que ceux qui font l’objet d’ordonnances de probation et tout manquement donne lieu à des accusations en vertu de l’article 811 du Code criminel. Il ressort des données provisoires d’évaluation de ces mesures que les individus qui s’engagent à ne pas troubler l’ordre public ont un faible taux de récidive et qu’une telle mesure peut habituellement être obtenue dès le début de l’instance, de sorte que l’inscription rapide à une thérapie s’en trouve facilitée.

Nécessité de poursuivre les recherches et l’évaluation

Chaque gouvernement qui a constitué un tribunal spécialisé a aussi créé un processus d’évaluation pour en déterminer les répercussions. Malheureusement, les données antérieures et postérieures à la mise en œuvre recueillies au sujet de toutes ces mesures judiciaires sont très clairsemées, voire inexistantes dans de nombreuses provinces et de nombreux territoires, de sorte qu’il est difficile de procéder à des comparaisons valables.

RESOLVE, le centre de recherche sur la violence familiale qui regroupe les trois provinces des Prairies, a reçu une subvention de l’Alliance de recherche universités-communautés pour évaluer les mesures d’intervention judiciaires et communautaires prises pour répondre au problème de la violence familiale dans les provinces des Prairies. Une subvention de trois ans de 600 000 $ a récemment été versée dans le cadre de ce projet de collaboration entre les trois provinces. RESOLVE Alberta, qui se trouve à l’Université de Calgary, est l’établissement qui dirige ce projet. La recherche comporte trois principaux volets : la cueillette de données auprès des tribunaux, une comparaison de la législation civile des provinces concernées et le point de vue de la population au sujet des mesures d’intervention prises par le système de justice. Dans le premier cas, il s’agit notamment de comparer le mode de fonctionnement de divers tribunaux spécialisés (en l’occurrence Winnipeg et Calgary) avec celui de tribunaux non spécialisés (Edmonton, Saskatoon et Regina) et de cerner les différences et les similitudes qui existent au sujet de variables comme le taux de condamnation et les mesures d’exécution accrue des peines, la confiance et la participation des victimes, la sécurité des victimes, les services offerts et le renvoi pour consultation auprès de spécialistes, et la communication et la compréhension entre les organismes. On élaborera par ailleurs un guide destiné aux procureurs de la Couronne sur la jurisprudence en matière de violence familiale.

vi) Éléments d’une intervention efficace

Les tribunaux spécialisés en matière de violence familiale ont été créés en vue d’améliorer les mesures d’intervention prises par la justice pour répondre aux incidents de violence familiale en accélérant l’instruction des affaires, en augmentant le taux de condamnations, en coordonnant les programmes et les services offerts aux victimes et aux délinquants et, dans certains cas, en permettant aux policiers, aux procureurs de la Couronne et aux magistrats de se spécialiser en matière de violence familiale.

Suivant l’expérience vécue jusqu’à présent, il semble que les éléments essentiels d’un modèle réussi soient les suivants :

  • des méthodes pour accélérer les cas;
  • un service confidentiel, bien fondé et pertinent offert par des professionnels de la justice possédant une bonne formation;
  • la coordination de l’intervention du système de justice pénale (politiques et pratiques);
  • la coordination avec une gamme de fournisseurs de services;
  • l’accès rapide au traitement pour les délinquants (pour tirer profit de la motivation des délinquants de changer et pour permettre une intervention plus immédiate);
  • le suivi des délinquants pour s’assurer qu’ils respectent les conditions assortissant les sanctions significatives qui leur ont été infligées afin de les tenir responsables;
  • l’accès au soutien, à de l’information et à un service de consultation pour les victimes;
  • le suivi et l’évaluation des systèmes pour juger de leur efficacité et pour déterminer les secteurs nécessitant des modifications et des améliorations.

vii) Défis

La création de tribunaux spécialisés en violence familiale – ou même l’établissement de procédures judiciaires spécialisées – dans des régions éloignées ou dans des régions où le nombre de causes est faible, soulève des difficultés considérables. Il arrive souvent que les services accessoires, tels que les services d’aide aux victimes et d’intervention auprès des conjoints violents (qui sont essentiels au succès des tribunaux spécialisés), ne soient tout simplement pas offerts dans les petites localités.

Jusqu’ici, l’expérience montre que le principal obstacle à surmonter est l’allocation des ressources nécessaires pour affecter les services du personnel de la justice pénale dans les cas de violence conjugale et pour offrir des programmes spécialisés aux victimes et aux délinquants. Pour certains gouvernements, ce problème est aggravé par le nombre peu élevé de cas et par la difficulté de doter les tribunaux spécialisés centralisés – et même les tribunaux spécialisés régionaux – de programmes destinés aux victimes et aux délinquants.

Il semble bien que les tribunaux spécialisés améliorent effectivement le rendement de la justice pénale. Toutefois, les tribunaux spécialisés ne semblent pas être le seul moyen d’améliorer le système de justice pour répondre au problème de la violence familiale. Les composants des stratégies d’intervention des tribunaux – ce qui fait qu’elles sont efficaces – peuvent être exportés et adaptés dans d’autres contextes, notamment par des procédures spéciales inspirées de celles qui ont été adoptées en Ontario. Les ingrédients essentiels demeurent les mêmes, peu importe qu’ils soient axés sur le tribunal en temps que coordonnateur principal du processus ou encore sur les juges, les procureurs de la Couronne et les salles d’audience spécialement consacrés à cette fin. C’est probablement le nombre de causes qui permettra de déterminer s’il faut prévoir une salle d’audience spéciale ou réserver une partie du temps du tribunal à l’instruction de ces affaires.

Il semble que le principal défi que doivent relever les provinces et les territoires est de mettre en œuvre des mesures d’intervention concertées et uniformes tant sur le plan des principes et de la pratique que des services pour tous les intervenants du système de justice pénale (ou des tribunaux spécialisés et des procédures judiciaires spéciales) afin d’assurer un traitement approprié des affaires de violence familiale, dans le cadre d’un tribunal spécialisé ou autrement. De cette façon, les enjeux demeurent les mêmes que lorsqu’il s’agit de coordonner des stratégies d’intervention générales pour répondre au problème de la violence familiale.

viii) Recommandation

Tribunaux spécialisés dans les affaires de violence familiale et procédures spéciales en matière de justice pénale

Il est recommandé que les gouvernements continuent d’envisager des façons d’améliorer la gestion des cas de violence conjugale en mettant en pratique une intervention coordonnée du système de justice pénale, y compris la création de tribunaux spécialisés, et ce, en se fondant sur les éléments essentiels énumérés ci-dessous. L’adoption de structures et de processus spécialisés doit être guidée par les recherches et l’évaluation effectuées au Canada et ailleurs.

3) LÉGISLATION EN MATIÈRE DE VIOLENCE FAMILIALE

Sept provinces et territoires ont déjà adopté des lois en matière de violence familiale : la Saskatchewan (1995), l’Île-du-Prince-Édouard (1996), le Yukon (novembre 1999), le Manitoba (septembre 1999), l’Alberta (juin 1999), l’Ontario (loi adoptée en 2000 mais non encore en vigueur) et la Nouvelle-Écosse (loi adoptée en 2001 mais non encore en vigueur). Le Nouveau-Brunswick, le Québec et les Territoires du Nord-Ouest étudient la possibilité d’adopter une telle loi.

i) Composants législatifs

Mission et objectifs

La loi est censée compléter le Code criminel et non le remplacer. Il appartient encore aux policiers de porter des accusations lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de le faire. Les lois relatives à la violence familiale ouvrent une plus large gamme de recours que ceux qui sont présentement prévus par le Code et par d’autres lois provinciales.

Champ d’application et définitions

La plupart des lois provinciales sur la violence familiale s’appliquent aux cohabitants, aux membres de la famille ou aux personnes qui vivent ensemble dans le cadre d’une relation familiale, conjugale ou intime, de même qu’aux personnes qui sont parents d’enfants, indépendamment de leur état matrimonial ou du fait qu’ils aient habité ou non ensemble. La loi du Manitoba s’applique non seulement aux victimes de violence familiale mais aussi à toutes les personnes victimes de harcèlement criminel, indépendamment de la nature des rapports qui existent entre la victime et l’auteur du harcèlement criminel. Bien que la loi ontarienne mentionne expressément des comportements qui relèvent habituellement du harcèlement criminel, elle ne s’applique qu’aux comportements qui se produisent dans un contexte familial défini.

La violence physique, les menaces et les dommages aux biens (le plus souvent défini comme « tout acte qui cause des lésions corporelles ou des dommages à la propriété »), la détention forcée (appelée aussi isolement forcé) et les agressions sexuelles sont habituellement considérés comme répondant à la définition de violence familiale. La loi du Yukon ajoute : « priver une personne de nourriture, de vêtements, de soins médicaux, d’un logement, de transport ou de toute autre nécessité de la vie », et la loi de l’Île-du-Prince-Édouard et celle du Manitoba joignent le harcèlement psychologique ou affectif. (Le lecteur est invité à consulter les textes de loi pour le libellé exact; le présent texte vise seulement à donner un aperçu général de la question.)

Caractéristiques essentielles et dispositions clés

Les provinces et les territoires ont adopté des lois qui, à quelques différences près, comportent des dispositions clés semblables. Sauf dans le cas de la Nouvelle-Écosse, les diverses lois habilitent le tribunal à rendre deux types d’ordonnances : une ordonnance à durée limitée appelée ordonnance pour intervention urgente ou ordonnance de protection et une ordonnance de plus longue durée appelée ordonnance d’aide à la victime, parfois appelée ordonnance de protection ou ordonnance de prévention. En raison de la faible utilisation de cette dernière disposition dans les autres provinces et territoires, la Nouvelle-Écosse n’a pas retenu l’ordonnance de longue durée, choisissant plutôt de permettre au tribunal de proroger de 30 jours l’ordonnance déjà prononcée. En Saskatchewan, au Yukon et en Alberta, la délivrance d’un mandat d’entrée peut également être demandée.

Les ordonnances à durée limitée peuvent être obtenues 24 heures par jour, soit par téléphone depuis les lieux d’un incident de violence, soit en comparaissant devant un juge de paix spécialement désigné pour examiner les questions de violence familiale. Une ordonnance pour une intervention urgente peut comprendre une ou plusieurs des dispositions suivantes :

  • une disposition accordant à la victime l’occupation exclusive de la résidence;
  • l’expulsion de l’intimé de la résidence;
  • une disposition interdisant à l’intimé de communiquer ou d’entrer en contact avec la victime;
  • une disposition interdisant à l’intimé de se trouver dans un lieu désigné;
  • l’accompagnement de l’intimé par un policier pour reprendre ses effets personnels;
  • toute autre disposition jugée nécessaire pour fournir une protection immédiate à la victime.

Certaines lois précisent encore plus les autres mesures qui peuvent être prises :

  • interdire à l’intimé de prendre, de vendre ou d’endommager des biens;
  • interdire à l’intimé de commettre d’autres actes de violence;
  • accorder la possession de certains biens personnels (tels que véhicule automobile, cartes médicales, cartes de crédit, clés du domicile);
  • accorder le soin et la garde temporaire des enfants à la victime;
  • interdire la publication du nom et de l’adresse de la victime;
  • saisir tout arme ou document qui autorise l’intimé à être en possession d’une arme ou d’en avoir la propriété ou le contrôle;
  • empêcher l’intimé de se conduire d’une manière précisée qui a pour effet de menacer, d’agacer ou de harceler la victime;
  • empêcher l’intimé de suivre la victime d’un endroit à l’autre ou de se trouver en deçà d’une distance précisée de la victime.

Les articles relatifs aux infractions et aux peines diffèrent d’une loi à l’autre : certaines prévoient leurs propres peines tandis que d’autres renvoient à l’article 127 du Code criminel pour les sanctions à infliger en cas de désobéissance à une ordonnance prononcée en vertu des dispositions législatives sur la violence familiale.

Toutes les ordonnances d’intervention d’urgence doivent automatiquement être révisées par une juridiction supérieure dans un délai de trois à sept jours, sauf au Manitoba, où le fardeau est inversé et où c’est à l’intimé qu’il incombe de contester l’ordonnance dans les 20 jours de sa signification. En pratique, cette mesure a pour effet de réduire considérablement la charge de travail du tribunal. De plus, les évaluations effectuées dans d’autres provinces et territoires donnent à penser que les ordonnances d’intervention d’urgence sont rarement contestées par l’intimé et que le tribunal qui les révise les confirme la plupart du temps.

ii) Avantages perçus

Voici les principaux avantages que comportent ces lois :

  • elles permettent aux victimes et à leurs enfants de continuer à habiter chez eux, de travailler et de fréquenter l’école du quartier, réduisant ainsi les perturbations et forçant ainsi de façon plus logique le conjoint violent à se trouver un autre endroit pour habiter;
  • elles comprennent des dispositions pratiques immédiatement avantageuses pour la victime et les enfants, notamment l’occupation exclusive de la maison et la possession temporaire des biens personnels (voiture, cartes de crédit, cartes bancaires, etc.), le soin, la garde temporaire des enfants par la victime et l’interdiction expresse de vendre ou d’endommager les biens possédés en propriété conjointe;
  • elles assurent à la victime une protection immédiate;
  • elles font clairement comprendre au conjoint violent que son comportement est inacceptable.

Il ressort par ailleurs d’une étude qui a été menée pour mesurer les répercussions de la loi adoptée par la province de l’Île-du-Prince-Édouard[130], qu’une telle législation peut contribuer à réduire la récidive dans les premières étapes d’une relation marquée par la violence. Il ressort en effet des résultats de l’étude menée à l’Île-du-Prince-Édouard que 75 % des femmes se sont séparées de leur conjoint violent à la suite d’une intervention policière et du prononcé d’une ordonnance.

La loi serait par ailleurs relativement facile à appliquer du point de vue de la police : il ne fallait que 20 minutes à un policier pour faire une demande d’ordonnance (en Saskatchewan et en Alberta). À l’Île-du-Prince-Édouard, la police a toutefois précisé qu’il y aurait lieu, dans cette province, de simplifier la procédure.

iii) Éléments d’une intervention efficace

Au nombre des principaux facteurs de réussite qui ont été cités, mentionnons la formation intensive avant la mise en application de la loi et la tenue de séances de sensibilisation et d’information destinées à informer les victimes et le public de l’existence de la loi et des recours dont ils disposent. Parmi les autres facteurs évoqués, mentionnons l’utilisation d’une approche axée sur la collaboration mettant à contribution de nombreux ministères et intervenants. Un processus de consultation adéquat faisant appel à l’appui de la collectivité, de la magistrature et d’autres intervenants est également une clé importante du succès.

Former tous les intervenants pour leur permettre de mieux connaître la dynamique de la violence familiale et les rôles précis de chacune des composantes du système judiciaire est un facteur déterminant en ce qui concerne le succès de la mise en application de toute nouvelle loi. Les gouvernements ont constaté que cette formation doit être permanente et constamment mise à jour pour tenir compte des questions et préoccupations qui se font jour; cette formation intéresse de nombreux intervenants communautaires. La Saskatchewan a fait remarquer que les critères de sélection dont elle se sert pour choisir les juges de paix constituent un facteur essentiel de succès, étant donné que les candidats sont choisis en fonction de leurs connaissances et de leurs compétences en matière de violence familiale. Dans cette province, il n’existait pas de juges de la paix ayant reçu une formation en violence familiale, mais plutôt des spécialistes en violence familiale ayant reçu une certaine formation au sujet des rouages de la justice et du rôle des juges de paix. Par ailleurs, on y retrouvait des représentants de divers groupes linguistiques et de diverses régions géographiques de la province (secteurs ruraux et isolés par opposition aux agglomérations urbaines).

Il y a lieu de recourir à une méthode itérative pour aborder de façon permanente les nouvelles questions qui se posent (telles que les différences d’interprétation et d’application) parmi les intervenants du secteur de la justice et les autres intervenants qui offrent des services aux victimes de violence familiale.

Des mécanismes de suivi et d’évaluation sont également nécessaires pour cerner les problèmes dès le début et pour intervenir de façon rapide et efficace et s’assurer que la loi est appliquée comme elle est censée l’être.

iv) Questions et préoccupations

Voici quelques-unes des questions et des préoccupations qui reviennent le plus fréquemment. On trouvera d’autres questions qui concernent des provinces ou des territoires déterminés dans l’Interjurisdictional Comparison and Literature Review de Carolyn Marshall[131].

Taux d’utilisation

En pratique, les ordonnances d’intervention d’urgence sont utilisées, mais pas les ordonnances de plus longue durée. Cette situation s’expliquerait par le fait que, pour obtenir une ordonnance de plus longue durée, il faut se faire représenter par un avocat et que les ressources sont insuffisantes. Les dispositions relatives aux mandats d’entrée sont pour leur part rarement invoquées.

Bien que les ordonnances de courte durée soient effectivement utilisées, les taux d’utilisation semblent faibles par rapport au nombre d’incidents signalés à la police. Le Manitoba a le taux d’utilisation le plus élevé : environ 1 100 ordonnances ont été prononcées au cours de la première année qui a suivi l’entrée en vigueur de la loi, en comparaison des 400 ordonnances par année qui ont été rendues depuis six ans dans la province voisine, la Saskatchewan. Le nombre d’ordonnances d’intervention d’urgence prononcées en moyenne par année dans les autres provinces et territoires s’établit respectivement à 145 pour l’Alberta, 28 pour l’Île-du-Prince-Édouard et 30 pour le Yukon.

En règle générale, les taux d’utilisation sont fonction de plusieurs facteurs, dont les suivants :

  • l’interprétation que les divers intervenants donnent à la loi (doit-elle être utilisée conjointement avec des accusations criminelles ou à la place de celles-ci; quelle est la définition de la notion d’« urgence », et dans quelles conditions peut-on recourir à la loi?) et la mesure dans laquelle les divers intervenants qui offrent des services aux victimes partagent cette conception;
  • la question de savoir si une formation a été donnée, et à qui, et quelles sont la qualité et le contenu de la formation;
  • le degré de connaissance des citoyens et des victimes au sujet des recours civils qu’ils peuvent exercer;
  • le temps nécessaire pour traiter une demande d’ordonnance d’intervention d’urgence de courte durée.

En plus de ces facteurs, le Yukon explique le faible taux d’utilisation par une situation socioéconomique désavantageuse, la toxicomanie, les disparités ethnoculturelles et l’absence de solutions de rechange aux programmes offerts dans le Nord. On croit généralement que les femmes victimes de violence sont forcées de quitter leur collectivité si elles veulent être en sécurité.

Il ressort en bref des résultats des évaluations que les ordonnances de courte durée sont utilisées plus souvent que les ordonnances de plus longue durée, mais que leur nombre est loin d’approcher celui des incidents de violence familiale signalés à la police. Il y a lieu de mener d’autres recherches pour comprendre pourquoi il en est ainsi. Les études commandées par différents gouvernements offrent des explications partielles : il faut mieux former les policiers pour s’assurer qu’ils connaissent bien la loi et en encouragent l’utilisation; les intervenants du domaine de la justice doivent s’entendre sur les situations dans lesquelles il y a lieu de recourir à cette mesure, surtout lorsqu’on se réfère au Code criminel; et il faut sensibiliser davantage le public pour informer les victimes de ce recours éventuel.

Ces lois recueillent un large appui de la part des victimes dans les provinces et territoires où elles ont été adoptées[132]. Les évaluations démontrent que les victimes se réjouissent du fait que la protection est immédiate et qu’elles accueillent avec satisfaction les mesures pratiques que constituent l’occupation exclusive du foyer conjugal, de même que le soin et la garde temporaire des enfants.

Constitutionnalité

Lorsque les premières de ces lois sont entrées en vigueur dans les provinces, on craignait qu’elles soient déclarées inconstitutionnelles. Des tribunaux manitobains sont présentement saisis d’une contestation de ce type et l’accusé a déposé un avis auprès de la Cour d’appel du Manitoba. Bien que l’accusé ait été débouté de sa requête et qu’il ait été condamné, on prévoit qu’il fera appel de cette décision. Une seule autre loi a été contestée, celle de l’Île-du-Prince-Édouard. Le débat portait sur l’inclusion de la violence psychologique dans la définition de la violence familiale. Le tribunal a toutefois jugé que la définition n’était pas trop large. Dans cette affaire, on contestait également la capacité de légiférer de la province et les dispositions relatives au préavis à envoyer à l’intimé. Le tribunal a statué que l’assemblée législative de la province avait compétence pour adopter cette loi, mais il a conclu que les dispositions portant sur l’avis étaient insuffisantes. Ces dispositions ont été modifiées en 1998.

Rapports avec le Code criminel

Certains ont également dit craindre que ces lois en viennent à remplacer le Code criminel, et ce, malgré le fait qu’elles sont censées le compléter. Il est permis de penser que c’est effectivement le cas jusqu’à un certain point, car les policiers citent l’hésitation des victimes à porter des accusations au criminel comme une des raisons pour lesquelles elles invoquent une loi civile[133]. Il semble également que la loi est invoquée dans des cas où la preuve n’est pas suffisante pour justifier des accusations au criminel[134]. Toutefois, en règle générale, il semble que cette loi soit utilisée en complément des accusations portées en vertu du Code criminel. Les gouvernements doivent continuer à faire preuve de vigilance tant en ce qui concerne le suivi de l’utilisation des dispositions législatives que dans la mise en application continue de mesures déterminées (formation, notes de service sur les principes et la pratique, bon leadership) pour s’assurer qu’elles ne remplacent pas les poursuites pénales.

Application de la loi aux réserves ou aux terres octroyées à la suite d’une entente

Parmi les autres enjeux qui ont été cernés, mentionnons l’application de la loi aux biens immobiliers sur les réserves ou sur les terres octroyées à la suite d’une entente, surtout lorsqu’il s’agit d’accorder à la victime l’occupation exclusive du foyer conjugal. En ce qui a trait aux réserves, l’usage, l’occupation et la possession de biens immeubles sont soumis aux dispositions particulières de la Loi sur les Indiens (par exemple les articles 20, 24, 28, 49 et 50 de la Loi sur les Indiens, L.R. 1985 ch. I-5). Bien que certaines bandes vivant sur les réserves peuvent avoir adopter des règlements ou des usages accordant à la victime de violence conjugale l’occupation exclusive du foyer familial, la légalité de telles lois a été remise en cause. Lorsque des bandes ont signé un accord sur des revendications territoriales, et selon les termes de l’entente, il est possible pour elles d’exercer leur juridiction en ce qui a trait à la violence familiale. Dans de tels cas, les bandes peuvent soit adopter leur propre législation, soit incorporer les lois provinciales pour référence.

Portée de l’inclusion

La loi de certains gouvernements a une portée suffisamment large pour englober d’autres personnes que les conjoints et les partenaires intimes, tels que les enfants d’une victime de violence conjugale, les personnes âgées ou d’autres personnes qui ne sont pas capables de se protéger elles-mêmes. La plupart des gouvernements incluent la protection des couples de même sexe. En Saskatchewan, les résultats de deux études qui ont été menées indiquent que, si des ordonnances d’intervention d’urgence sont utilisées dans le cas de situations de violence conjugale, bien peu le sont dans le cas des enfants, des parents âgés ou d’autres cohabitants victimes de violence. En Alberta, des travailleurs sociaux intervenant auprès des enfants ont reçu une formation sur le recours à la loi dans les cas de violence faite aux enfants.

Suivi et exécution des ordonnances de protection et violations

Les gouvernements traitent la désobéissance à une ordonnance d’intervention d’urgence soit comme une violation de l’article 127 du Code criminel, soit comme une infraction expressément prévue par la loi. Le suivi des manquements aux ordonnances s’est avéré difficile dans la plupart des provinces et territoires, étant donné qu’on ne distingue pas ces ordonnances des autres cas d’infraction à l’article 127 du Code criminel. Il s’ensuit qu’il n’est pas possible dans l’état actuel des choses de déterminer les répercussions que ces ordonnances ont pu avoir sur la réduction ou l’élimination des incidents de violence familiale ou des menaces de violence.

Dans la plupart des provinces et territoires, la police enregistre les ordonnances de protection ou d’interdiction qui sont prononcées en matière de violence familiale dans une base de données du Centre d’information de la police canadienne, dans les « dossiers personnels » sous la rubrique « intérêt spécial pour la police » ou « probation ». La Colombie-Britannique a créé un registre des ordonnances de protection (Protection Order Registry) dans lequel sont enregistrées toutes les ordonnances et les conditions se rapportant à la sécurité d’une personne déterminée, y compris les engagements de ne pas troubler la paix, les ordonnances civiles d’interdiction et les ordonnances judiciaires de mise en liberté provisoire (sous caution). Il s’agit d’un registre distinct, mais les usagers du Centre d’information de la police canadienne peuvent y accéder grâce à une interface.

La répression des violations d’ordonnances civiles[135], tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières des différents gouvernements, a été signalée comme étant une grave préoccupation de la part des provinces et des territoires. Cette question est présentement étudiée par le Comité de coordination des hauts fonctionnaires – Justice familiale. Plusieurs gouvernements ont adopté la Loi uniforme sur l’exécution des jugements canadiens qui prévoit l’exécution réciproque des ordonnances de protection prononcées en matière civile. D’autres provinces et territoires n’ont pas encore adopté cette loi.

v) Défis

Les gouvernements qui n’ont pas encore édicté de loi civile en matière de violence familiale doivent se demander si, parmi l’arsenal de mesures qui permettent de répondre à la problématique de la violence familiale, ils ne devraient pas accorder la priorité à ce type de mesures législatives, compte tenu du fait que la plupart de ces recours existent déjà et que les taux d’utilisation peuvent être faibles. Il ressort toutefois des études qui ont été menées que ces lois recueillent l’appui des victimes et des intervenants. Ils s’entendent tous pour dire que les recours complémentaires sont très avantageux pour certaines victimes et qu’ils facilitent une intervention précoce.

Il semble que certains gouvernements recourent à des lois civiles au lieu de porter des accusations au criminel, même lorsqu’il existe des motifs valables de déposer des accusations. Pour s’assurer que les lois civiles ne soient pas utilisées de manière à supplanter le Code criminel, il est impératif d’en surveiller l’application et d’en évaluer les répercussions.

Des préoccupations ont été exprimées au sujet de l’impossibilité d’exécuter les ordonnances prononcées en vertu des lois provinciales sur la violence familiale dans certains cas et en particulier dans les collectivités nordiques ou isolées. On craint en conséquence que les ordonnances en question procurent un faux sentiment de sécurité aux victimes. De plus, l’accès aux services pour les victimes dans le Grand Nord et dans les collectivités isolées constitue un défi et un obstacle possible à l’adoption d’une telle loi.

Outre les questions et les préoccupations que nous venons d’exposer, le principal obstacle que doivent surmonter les gouvernements est l’acquisition de ressources suffisantes pour mettre la loi en application : formation, consultation, rapports avec les intervenants, éducation du public, coordination et résolution de problèmes, suivi et évaluation.

vi) Recommandation

Le principal avantage que comportent les lois civiles sur la violence familiale réside dans le caractère immédiat de la protection et la nature pratique de l’intervention qu’elles proposent par le biais des mesures qu’elles mettent en œuvre à l’intention des victimes et de leurs enfants. Bien que bon nombre des recours qu’elles ouvrent se retrouvent déjà dans d’autres lois, les lois provinciales sur la violence familiale ont pour avantage de réunir en un seul texte législatif bon nombre des mesures les plus importantes.

Lois sur la violence familiale

Il est recommandé aux gouvernements d’examiner si l’adoption de dispositions législatives civiles en matière de violence familiale fournirait des voies de recours plus immédiates et générales que les dispositions actuelles, celles par exemple du Code criminel. Il est recommandé d’examiner les importantes dispositions autorisant l’occupation exclusive du foyer par la victime, la possession temporaire de biens personnels, les soins et la garde temporaire des enfants, et interdisant la vente, la conversion ou l’endommagement des biens personnels. Les dispositions prescrivant l’expulsion du conjoint violent et la saisie d’armes sont également importantes. Dans les gouvernements où elle a été adoptée, la loi civile ne doit pas être utilisée pour éviter de porter des accusations au criminel lorsqu’il existe des motifs raisonnables de porter de telles accusations. Toutefois, des procédures criminelles et civiles peuvent être intentées parallèlement.

Les facteurs de réussite suivants devraient guider la mise en application de la loi :

  • La formation devrait être offerte bien avant l’entrée en vigueur de cette loi et devrait inclure des renseignements concernant son rapport avec le Code criminel.
  • Il est important de s’assurer du soutien de la collectivité et des principaux intervenants.
  • Des mécanismes et des comités de coordination devraient être établis pour assurer que les problèmes sont définis et abordés tôt (par exemple les problèmes de formation ou d’interprétation).
  • La loi devrait faire l’objet d’un suivi attentif et d’une évaluation minutieuse; on devrait prévoir des moyens de repérer les inobservations à la loi.
  • L’éducation du public devrait accompagner cette législation afin d’assurer la conscientisation des victimes et des collectivités à l’égard de la loi.
  • Les problèmes liés à l’application de la loi dans les réserves ou sur les terres octroyées à la suite d’une entente devraient être abordés en consultation avec les collectivités concernées afin d’obtenir leur appui pour assurer la protection des victimes et de leurs enfants et offrir le même niveau de protection aux personnes qui résident dans les réserves et hors de celles-ci.
  • L’apport de ressources juridiques appropriées sera nécessaire pour aider les femmes visées par des ordonnances d’assistance aux victimes à plus long terme pour que ces mesures correctives soient efficaces.


SECTION III : PROGRAMMES DE SOUTIEN[136]

1) SERVICES AUX VICTIMES

Les politiques favorisant l’inculpation visent avant tout à protéger les victimes au moyen d’une intervention dénonçant la violence conjugale afin, à la longue, de décourager la répétition d’un tel comportement abusif. La directive prônant des accusations et des poursuites, indépendamment des souhaits des victimes, était considérée comme avantageuse pour celles-ci, car elle les relevait de la responsabilité de telles interventions.

Les victimes de violence familiale n’ont souvent pas les mêmes objectifs que le système de justice pénale. Nombre d’entre elles ne souhaitent pas de sanctions légales, préférant plutôt demeurer à domicile, préserver leur relation, obtenir un counseling pour leur conjoint, et se protéger ainsi que leurs enfants. Même s’il existe des politiques en matière de poursuite visant à porter des accusations autant que possible, les victimes réticentes trouvent des moyens de contourner le processus de justice pénale, omettant de se présenter au tribunal, se montrant très réticentes à témoigner et modifiant leur témoignage à la barre des témoins[137].

Les gouvernements ont réagi en offrant des services aux victimes de violence conjugale qui participent au système de justice pénale. Les services aux victimes, dans ce contexte, sont définis comme les services fournis à la suite de la participation de la victime au système de justice pénale et se différencient donc des autres services, comme les maisons d’hébergement, qui peuvent être offerts aux victimes. Tandis que l’objectif officiel de tous ces programmes est de veiller à la sécurité et au bien-être des victimes, quelques-uns de ces services tentent implicitement (et parfois ouvertement) de s’assurer de la collaboration des victimes du système de justice pénale afin qu’elles ne modifient pas leur témoignage ou ne changent pas d’avis au cours des poursuites au criminel[138].

Dans les provinces et territoires qui privilégient le maintien ou l’application de politiques énergiques d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence conjugale, les victimes seront assurément d’autant plus satisfaites du processus si elles ont accès aux renseignements et aux services nécessaires. Le succès de la politique d’inculpation obligatoire appliquée à London (Ontario) est largement attribuable à la disponibilité et à l’efficacité des services spécialisés dans la collectivité[139].

i) Aperçu des services gouvernementaux offerts aux victimes

Bien que tous les gouvernements fournissent des services aux victimes, ceux-ci varient considérablement tant par leur envergure que par la diversité des agents responsables de les dispenser. Certains sont offerts par les policiers, d’autres par divers systèmes, dont le système correctionnel, et d’autres par la collectivité. La prestation des programmes est assurée par des organismes rattachés aux gouvernements, aux corps policiers ou aux collectivités, par des employés rémunérés ou par des bénévoles. Les services en question sont multiples : intervention en cas de crise, défense des droits et soutien, accompagnement devant le tribunal, renseignements sur l’évolution d’un cas, aide à la déclaration de la victime sur les répercussions du crime, orientation vers d’autres services et indemnisation des victimes d’actes criminels. La nature des services varie d’une collectivité à l’autre en fonction des besoins et de la capacité de chacune. Il faut noter que bon nombre de ces services ont d’abord été offerts par des bénévoles et des organismes communautaires et que ces intervenants continuent de jouer un rôle vital à cet égard.

Il existe des différences majeures dans la prestation des services offerts par les gouvernements puisque certains n’offrent pas de programmes d’indemnisation des victimes d’actes criminels, tandis que d’autres fournissent des services limités de counseling, de soutien ou d’accompagnement au tribunal ou ne proposent rien du tout. L’intégralité des services, la charge de travail du personnel et la couverture géographique semblent être des problèmes communs.

La Colombie-Britannique entend financer, d’ici la fin de l’exercice 2002-2003, 91 services d’aide aux victimes assurés par la police dans 113 administrations policières. Il y aura également 62 programmes communautaires, y compris ceux qui s’adressent aux hommes et aux Autochtones victimes d’actes criminels.

L’Ontario progresse à grands pas dans l’intégration de ses services d’aide aux victimes grâce à la toute nouvelle Division de services aux victimes du ministère du Procureur général qui regroupe tous les services aux victimes de trois ministères responsables de la justice. La Division est responsable du Programme d’aide aux victimes et aux témoins, actuellement mis en œuvre dans 42 localités; on compte l’étendre à l’ensemble des 54 administrations judiciaires, en plus des services d’aide aux victimes assurés par la police et la collectivité. En outre, on a fourni un financement à environ 119 intervenants du Programme d’appui transitoire qui, dans toute la province, aident les femmes victimes de violence (sans être affiliés au système de justice pénale); à environ 100 programmes de counseling mis à la disposition de ces mêmes femmes; à environ 131 groupes de soutien dans le cadre du Programme d’intervention précoce à l’intention des enfants exposés à la violence familiale; à la ligne d’écoute provinciale pour les femmes victimes de violence; et à l’amélioration de la ligne d’écoute en situation d’urgence à l’intention des francophones.

Le Québec compte, dans 11 localités, des centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) qui aident celles-ci dans leurs rapports avec le système de justice pénale. Les procureurs de la Couronne font partie de comités intersectoriels de toute la province. Les intervenants correctionnels participent à des tables de concertation intersectorielles. Depuis quelques années, les Services correctionnels du Québec fournissent, notamment aux victimes de violence conjugale, certains renseignements précis concernant leur agresseur. Ils comptent d’ailleurs implanter la Loi sur le système correctionnel du Québec qui comporte des articles portant spécifiquement sur la violence conjugale; conséquemment, le volet de l’information aux victimes sera dorénavant circonscrit légalement et plus adapté aux attentes des victimes. De plus, les Services correctionnels du Québec recourent à un code de repérage des dossiers relatifs à cette problématique, principalement dans le but d’identifier ceux dont les victimes doivent être rapidement informées. Enfin, les victimes de violence conjugale ont la possibilité de faire des représentations dans le cadre de certaines formes de sortie de détention de la personne contrevenante incarcérée.

Le Manitoba offre un grand nombre de services par l’entremise du Programme de défense des femmes et des services communautaires financés par le gouvernement. On y trouve aussi des services d’aide aux victimes dans les postes de la GRC, la plupart de ces services étant financés par la province et certains, par des bénévoles; tous deux bénéficient d’une prestation en nature de la GRC.

Au Nouveau-Brunswick, les services aux victimes sont assurés par des coordonnateurs bénévoles de la GRC, par quatre programmes de la police municipale, par des organismes communautaires qui ont des liens directs avec les services de police ainsi que par le programme des services aux victimes offert dans toute la province. La province de Terre-Neuve-et-Labrador offre un programme assuré par le système, avec des employés dans dix bureaux régionaux et dans le bureau provincial. La Nouvelle-Écosse offre également un programme provincial par l’intermédiaire du ministère de la Justice, en plus des services communautaires d’aide aux victimes fournis par les travailleurs bénévoles de la GRC et les programmes mis en place par les services de police municipaux à certains endroits. À l’Île-du-Prince-Édouard, les Services aux victimes du Bureau du procureur général procurent un soutien à l’échelle de la province et fournissent une aide à toutes les étapes du processus de justice pénale.

En Saskatchewan, il existe 17 coordonnateurs des services assurés par les corps policiers (GRC et police municipale), huit agents de ressources pour les Autochtones dans cinq centres, ainsi que trois autres centres dotés de coordonnateurs des services aux victimes et aux témoins. Plus de 350 employés et bénévoles procurent des services aux victimes dans environ 50 détachements de la GRC. En Alberta, les services d’aide aux victimes sont offerts dans 107 postes de police, ainsi que par l’entremise de programmes communautaires qui assurent des services spécialisés, et par des programmes d’aide au public situés dans les bureaux du ministère public. Au Yukon, les services sont dispensés, dans six emplacements, par l’unité de prévention de la violence familiale, ainsi que par des employés de la GRC chargés d’aider les victimes. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le personnel d’aide aux victimes et aux témoins travaille au sein des bureaux du ministère public à Yellowknife et à Inuvik. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest finance également des organismes communautaires de quatre collectivités afin d’offrir aux victimes un soutien, des renseignements et un suivi. Au Nunavut, le personnel d’aide aux victimes travaille au sein du bureau du ministère public.

Plusieurs gouvernements fournissent des services téléphoniques d’urgence aux femmes dans les périodes de crise ainsi que divers services que n’offre pas le système de justice pénale. Au Québec, par exemple, les groupes communautaires de soutien aux victimes mettent à la disposition de celles-ci une ligne téléphonique disponible 24 heures sur 24 où elles peuvent trouver soutien et réconfort.

Un « Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale » mis en œuvre par les différents gouvernements est présenté à la section VI du présent rapport.

ii) Éléments d’une intervention efficace

La prestation d’un soutien aux victimes est un élément essentiel à une intervention efficace dans les cas de violence familiale. Plusieurs études ont été menées sur les besoins des victimes et leur satisfaction à l’égard du système de justice pénale (voir ci-dessus). Les victimes répètent constamment qu’elles ont besoin de renseignements précis concernant le système de justice pénale (tels qu’une préparation au procès non liée à la preuve), l’évolution de leur cas particulier, la situation de l’accusé à différents moments au cours du processus, de l’accusation et de l’arrestation à la condamnation, de l’accès à des services coordonnés et d’un accompagnement alors même qu’elles collaborent avec le système de justice pénale.

Parmi les composants clés de services efficaces aux victimes, notons :
  • une intervention le plus rapidement possible après l’événement;
  • la prestation continue de services vers lesquels les victimes sont dirigées;
  • des services prenant en compte les besoins uniques des victimes de violence conjugale;
  • la collaboration et la coordination entre les organismes offrant les services;
  • une description détaillée des rôles respectifs (des services aux victimes assurés par le système de justice pénale et des organismes de soutien communautaires);
  • la disponibilité de l’information et de mécanismes de communication efficaces entre les intervenants du système de justice pénale et à l’extérieur de celui-ci.

iii) Défis

La violence familiale diffère largement de la violence extrafamiliale en raison des relations intimes (et souvent permanentes) qui existent entre la victime et le conjoint violent. Le système de justice pénale a un rôle spécial à jouer à l’égard des victimes de ces infractions, c’est-à-dire qu’il doit les appuyer pour leur permettre de participer au processus. Le défi est souvent de concilier les buts concurrents et parfois contradictoires de la victime et du système de justice pénale.

Avec des ressources limitées, les gouvernements doivent également décider de la façon dont il faut aider les victimes, et ce, de la manière la plus stratégique possible. Le système de justice doit reconnaître que les organismes communautaires jouent, depuis longtemps, un rôle essentiel dans la prestation d’aide aux victimes d’actes criminels et que ce rôle doit être appuyé. Des mécanismes visant à assurer la collaboration entre la collectivité et le système de justice pénale pour répondre aux besoins des victimes sont également nécessaires.

iv) Recommandation

Il est recommandé que les gouvernements, de concert avec les organismes communautaires, continuent d’assurer la prestation de services de soutien aux victimes afin de les aider lorsqu’elles collaborent avec le système de justice pénale. Ces services doivent au moins comprendre :

  • des renseignements concernant la violence, le système de justice pénale, le rôle des victimes et des témoins et l’évolution des cas;
  • l’accès à des spécialistes et à une gamme d’organismes et de services de soutien pour satisfaire à la multiplicité des besoins des victimes;
  • un avis aux victimes au sujet de leur participation aux décisions concernant la libération des accusés et des délinquants et les conditions connexes à la libération;
  • un soutien psychologique et l’intervention au moment d’une crise;
  • une aide à la préparation des déclarations de la victime sur les répercussions de l’infraction;
  • l’évaluation du risque et la planification en matière de sécurité.

2) MAISONS D'HÉBERGEMENT, SERVICES DE LIAISON, DÉFENSE DES DROITS ET AUTRES SERVICES DE SOUTIEN AUX FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE

i) Types de services de soutien

Maisons d’hébergement et maisons de transition

Pendant de nombreuses années, les seuls services spécialisés offerts en réponse à la violence faite aux femmes ont été les maisons d’hébergement. Des lieux sûrs pour les femmes (et souvent les enfants) sont aménagés dans toutes les provinces et tous les territoires, bien que la gamme des services offerts, notamment le moment de l’intervention[140] et les niveaux de financement, puissent varier d’un endroit à l’autre. Il peut s’agir de maisons de transition et de maisons d’hébergement, de lieux d’hébergement de seconde étape, de lieux d’hébergement sûrs et de centres de ressources familiales. Ce sont des programmes offerts dans des résidences ou qui possèdent une composante résidentielle (capacité d’accueillir les femmes victimes de violence et leurs enfants pour la nuit ou pour des périodes de durée variée). La plupart fournissent un counseling et d’autres programmes de soutien sur les lieux (par exemple : logement sûr en cas d’urgence, intervention immédiate, soutien affectif, renseignements et orientation, nourriture, maison d’hébergement, défense des droits, ligne téléphonique en cas de crise et programmes pour enfants). D’autres programmes offrent un service de liaison à d’anciens résidents et à des non-résidents, par téléphone, par lettre ou par l’intermédiaire d’une personne-ressource ou de groupes de soutien.

Selon l’Enquête sur les maisons de transition de 1999-2000[141], 62 % des installations fournissaient des services aux femmes handicapées, 63 % offraient des services adaptés aux femmes autochtones, tandis que près de six maisons d’hébergement sur dix offraient des services adaptés aux membres des groupes ethnoculturels et des minorités visibles[142]. Les services sont généralement fournis par un personnel rémunéré et par des bénévoles. Voir la section VI du présent rapport pour une vue d’ensemble de ce qu’offrent les maisons d’hébergement.

En 1999-2000, 96 359 femmes et enfants à charge ont été admis dans 448 maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence dans tout le Canada[143]. L’Enquête sociale générale de Statistique Canada (1999) a établi que 11 % des femmes qui ont quitté un conjoint violent au cours des cinq dernières années ont demeuré dans une maison d’hébergement[144]. Bien que les femmes de moins de 25 ans aient subi le plus haut taux de violence conjugale[145], elles représentent une faible proportion des femmes victimes de violence habitant dans des maisons d’hébergement (20 %)[146]. En ce qui concerne les raisons de ce phénomène, on suppose que bon nombre de femmes se tournent vers des amis ou des parents ou qu’elles ont les moyens financiers d’accéder à d’autres solutions[147]. Néanmoins, à un jour donné (le 17 avril 2000), 254 femmes et 222 enfants n’ont pu être admis dans une maison d’hébergement au Canada, le plus souvent en raison du manque de place[148].

Selon l’Enquête sur la violence faite aux femmes menée en 1993, la gravité de la violence est un facteur qui contribue à la décision des femmes d’entrer ou non dans une maison d’hébergement. L’enquête a révélé que, dans l’ensemble, 19 % des femmes avaient, à un moment donné, été assez gravement blessées pour demander l’aide d’un médecin; chez les femmes ayant séjourné dans des maisons d’hébergement, cette proportion était de 63 %[149].

La recherche montre le rôle important joué par les maisons d’hébergement dans la mise en place de programmes de liaison extérieure, en plus des services résidentiels. Pourtant, la plupart des femmes n’utilisent pas les services des maisons d’hébergement. On prône l’établissement de services plus variés et plus accessibles, c’est-à-dire le recrutement direct dans les tribunaux civils et criminels, de meilleurs contacts téléphoniques, des séances informatives brèves mais où les renseignements abondent, et un compromis entre le counseling téléphonique et le counseling dans les maisons d’hébergement (par exemple un centre d’accueil)[150].

L’expansion des maisons d’hébergement s’est appuyée sur celle du mouvement féministe des années 1970. Malgré leur importance dans toute l’Amérique du Nord comme principal moyen pour protéger les femmes victimes de violence contre les conjoints agresseurs, peu de ces établissements ont été évalués, de sorte que l’on connaît mal l’impact des séjours en maison d’hébergement sur les utilisatrices. Les moyens de mesurer le succès dans ce domaine sont même très controversés. Une bonne partie de la recherche se fonde sur l’hypothèse que l’objectif premier des programmes d’hébergement (et l’on présume que c’est aussi ce que recherchent avant tout les femmes concernées) est de permettre aux femmes de vivre en autonomie, séparément du conjoint violent[151]. Or, les interventions mesurées par rapport à ce principe donnent des résultats mitigés et il est généralement reconnu qu’il faudrait réévaluer l’énoncé voulant que la vie autonome soit le principal critère de succès. Les statistiques révèlent que le nombre de femmes qui reviennent vers leur conjoint après avoir été dans une maison d’hébergement varie entre 49 % à 58 % (1981-1989)[152] et 17 % (17 avril 2000)[153].

Bien que certaines réformes législatives récentes visent essentiellement à imposer des contraintes à l’agresseur pour qu’il perturbe le moins possible la vie des conjointes et des enfants victimes de violence, les maisons d’hébergement resteront sans aucun doute un élément majeur des services globaux offerts aux victimes de violence conjugale à court terme.

Autres programmes de soutien non résidentiels pour les femmes victimes de violence et leur famille

London (Ontario) a été une des premières collectivités à offrir du soutien, une assistance judiciaire, des renseignements juridiques et autres, et l’orientation vers d’autres services sur une base non résidentielle, reconnaissant ainsi que les services doivent être offerts de différentes façons.

Les centres pour femmes et les centres de ressources pour les familles offrent également aux femmes victimes de violence un soutien, des renseignements et l’orientation vers des services appropriés. Certaines maisons d’hébergement ont commencé à offrir une gamme de services gérés par un seul conseil, ou à explorer cette option, ou même à participer au conseil d’autres fournisseurs de services.

Voir la section VI du présent rapport pour un aperçu sur ces programmes au Canada.

ii) Éléments d’une intervention efficace

Compte tenu de la multiplicité des besoins des victimes et de leur famille, il faut offrir une gamme de services complémentaires aux services gouvernementaux, et ce, pour aider les victimes qui sont engagées dans le processus de justice pénale. Parmi les services nécessaires, notons les suivants :

  • l’accès en cas d’urgence à un endroit sûr (y compris le transport d’urgence et l’hébergement de nuit, surtout pour les femmes vivant dans des régions rurales et éloignées);
  • le counseling et le soutien psychologique (immédiatement après la crise, et grâce à un service de suivi et de liaison pour les résidents et les non-résidents);
  • les renseignements et l’orientation vers des services appropriés;
  • l’accès à des services abordables et sûrs, qu’il s’agisse d’hébergement, de services juridiques ou de services médicaux;
  • un soutien à l’emploi et au revenu;
  • des services d’aide à la santé mentale et en matière de toxicomanie, au besoin;
  • des services de garde et d’aide à l’enfance et des séances de counseling pour les enfants afin de les aider à surmonter les traumatismes, de même que la planification en matière de sécurité;
  • une aide en matière de droit familial (pension alimentaire pour le conjoint, garde et droit de visite, pensions alimentaires pour enfants et lieu de résidence).

Les décisions concernant ces questions doivent être prises rapidement et doivent reconnaître comme primordial le besoin d’assurer la sécurité des victimes et de leurs enfants.

Une intervention efficace envers les victimes peut se faire de deux façons :

  • par l’intermédiaire de professionnels formés dans diverses disciplines (qui sont capables de discerner les actes de violence et d’intervenir de façon appropriée);
  • par l’intermédiaire d’une gamme de services de soutien conçus spécialement en réponse à la violence familiale.

Le soutien peut être assuré par des services non résidentiels comme les centres de ressources familiales, les cliniques d’assistance juridique pour les femmes victimes de violence conjugale, les centres pour femmes, les programmes de liaison et de nombreux autres moyens qui sont déjà en place partout au pays.

La formation des professionnels et des fournisseurs de services dans diverses disciplines est nécessaire pour mettre en œuvre une intervention efficace. Parmi ces disciplines, notons : professionnels des services de santé (médecins, personnel de salles d’urgence, infirmières de la santé publique, personnel paramédical, infirmiers, fournisseurs de soins à domicile), membres de la profession juridique, médiateurs, assesseurs de la cour, conciliateurs, avocats, professionnels de la santé mentale, travailleurs sociaux, personnel d’aide au revenu, employés de la protection de l’enfance, éducateurs et personnel scolaire, en plus du personnel du système de justice pénale. Une gamme complète et coordonnée de services doit être offerte afin de fournir une intervention efficace.

iii) Défis

Le principal défi des gouvernements est de déterminer comment satisfaire aux différents besoins de ces familles de façon stimulante, continue, coordonnée, opportune et efficace. Il est nécessaire de créer d’autres services et de trouver d’autres façons d’atteindre la majorité des femmes victimes de violence qui n’utilisent pas actuellement les maisons d’hébergement ni les services d’accueil. Il faut déployer des efforts pour éliminer les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder aux services dont elles ont besoin. Il est également essentiel de s’assurer que les besoins des femmes venant de diverses collectivités ou encore de collectivités isolées ou rurales sont satisfaits.

Les femmes victimes de violence conjugale peuvent avoir accès aux services appropriés de plusieurs manières, en plus de pouvoir avoir recours aux services de la police et aux maisons d’hébergement, qu’il s’agisse de salles d’urgence, de médecins de famille, de programmes d’aide au revenu ou de tribunaux de la famille. Ces services doivent posséder les ressources nécessaires afin d’être en mesure d’intervenir de façon adéquate et efficace et de fournir aux femmes concernées des renseignements et l’orientation vers un counseling et des services spécialisés qui satisferont à leurs besoins.

Les personnes qui fournissent des services de maison d’hébergement aux femmes victimes de violence ne voient pas toujours les situations du même œil que les responsables du système de justice pénale. Devant la réaction négative de certaines victimes à l’égard de leur expérience de ce système, les intervenants travaillant dans les maisons d’hébergement n’encouragent pas toujours les femmes à devenir témoins dans le processus judiciaire. Les directeurs de maisons d’hébergement, dans certaines provinces ou certains territoires, se plaignent de ne pas être consultés par le système de justice pénale. La tension entre ces organismes et le système de justice pénale représente peut-être une manifestation et un prolongement naturels de la tension qui existe entre les victimes elles-mêmes et le système de justice, provenant en partie d’une situation passée et en partie des objectifs quelques fois contradictoires des victimes et du système de justice. Il faut faire des efforts afin de coordonner les interventions et travailler ensemble pour établir des partenariats entre les organismes afin de partager les perspectives et la responsabilité du problème. Il est essentiel de trouver de quelle manière les collectivités et les systèmes peuvent améliorer leur intervention pour assurer la prestation d’une gamme de services efficaces, coordonnés et complets aux victimes et à leur famille.

iv) Recommandation

Il est recommandé que les gouvernements envisagent des façons d’assurer la prestation continue de services communautaires et gouvernementaux accessibles, complets et coordonnés aux victimes de violence conjugale et à leur famille, notamment des maisons d’hébergement et des services de liaison. La formation des professionnels du système de justice pénale et des fournisseurs dans diverses disciplines appelés à offrir des services aux femmes victimes de violence et à leurs enfants est nécessaire pour renforcer les relations de travail, comprendre les objectifs divergents et assurer une intervention efficace.

3) INTERVENTIONS AUPRÈS DES ENFANTS EXPOSÉS À LA VIOLENCE CONJUGALE

L’Étude sociale généralede 1999 a révélé qu’environ un demi-million d’enfants au Canada avaient entendu ou vu un de leurs parents se faire agresser au cours des cinq dernières années[154]. Les données fournies dans la section I du présent rapport indiquent que de nombreux enfants sont témoins à maintes reprises de la violence envers un de leurs parents, normalement la mère, et que plusieurs sont affectés de façon négative par cette exposition à la violence. De plus, les études indiquent que la police, le système de justice pénale et le système de droit familial sont au courant de l’exposition des enfants à la violence dans les foyers ou y sont mêlés d’une façon ou d’une autre. De plus, tout indique que les enfants sont affectés non seulement par leur exposition à la violence familiale, mais également par le fait qu’ils reçoivent directement des menaces ou qu’ils sont battus. On estime que la portée du chevauchement entre les femmes victimes de violence conjugale et les enfants maltraités physiquement ou sexuellement est d’environ de 30 % à 60 %[155].

Selon les comptes rendus de recherche des deux dernières décennies, l’incidence négative de la violence familiale sur le comportement est sans équivoque[156]. Ces dernières années, on a examiné de plus près l’effet d’un divorce fortement conflictuel sur les enfants déjà exposés à la violence conjugale[157].

Même s’il est évident que ce sujet ne fait pas l’objet d’assez de recherches, les types d’intervention qui ont été mis à l’essai auprès des enfants comprennent le counseling individuel et en groupe, les centres qui offrent un accès facilité (échange d’accès) ou supervisé, les programmes pour les enfants de parents en instance de divorce ou de séparation, ainsi que les programmes pour ces parents eux-mêmes.

En 1998, le ministère de la Justice du Canada a commandé une vaste méta-analyse des divers modèles d’intervention qui existaient alors. Un rapport sommaire a recensé les principales considérations en matière de politiques, y compris :

  • la promotion d’une approche coordonnée devant les souffrances des enfants exposés à la violence à domicile, en faisant intervenir des ressources juridiques et des services sociaux, médicaux et de santé mentale;
  • une reconnaissance du fait que la déclaration obligatoire, aux organismes de protection de l’enfant, des cas de violence intime ou conjugale en présence des enfants, pourrait dissuader les femmes de demander de l’aide; on juge préférable que les interventions pour enfants soient effectuées par des services privés sans but lucratif, avec l’aide du public;
  • la nécessité de renseignements de base sur le nombre et la prédominance des cas d’enfants exposés à la violence à domicile, ainsi que sur l’interrelation entre l’exposition à la violence et d’autres formes de négligence et de mauvais traitements envers les enfants[158].

i) Aperçu des programmes gouvernementaux destinés aux enfants exposés à la violence familiale

Même si jusqu’à maintenant ces programmes n’ont pas été dotés de fonds suffisants, ils jouissent d’une reconnaissance grandissante puisqu’il s’agit là d’une mesure importante de prévention et de réduction de la récidive. Certains gouvernements ont commencé à investir beaucoup dans ce secteur afin d’offrir aux enfants du counseling, individuel ou en groupe ou les deux, pour les aider à surmonter les traumatismes de l’exposition à la violence au foyer et pour arrêter le transfert entre les générations de comportements violents. Des programmes de soutien complémentaires sont également offerts aux mères qui ont été victimes de violence afin de leur enseigner les compétences et les techniques parentales pour faire face au comportement de leurs enfants.

La Saskatchewan offre quatre programmes pour les mères et les enfants exposés à la violence familiale. Le Manitoba offre du counseling à court ou à long terme aux enfants qui sont témoins de violence à la maison. La ville de Calgary offre plusieurs services aux enfants et aux jeunes qui ont été exposés à la violence à domicile ou qui démontrent eux-mêmes des comportements agressifs à la maison ou à l’école. Ces services assurés par les collectivités sont mis à la disposition des familles qui utilisent les services du Tribunal pour l’instruction des causes de violence conjugale. L’Ontario propose le Programme d’intervention précoce à l’intention des enfants exposés à la violence familiale qui comprend environ 131 groupes de soutien dans toute la province. Le programme se fonde sur un modèle de concomitance, les enfants de 4 à 16 ans étant pris en charge au moment où ils se remettent lentement des suites de leur exposition à la violence conjugale, alors que les mères bénéficient d’un soutien pour mieux aider leurs enfants en voie de guérison. La Colombie-Britannique offre également des séances de counseling privées ou en groupe aux enfants exposés à la violence à domicile.

Un accès facilité ou l’aide d’une tierce partie est nécessaire pour certaines familles afin de protéger les mères victimes de violence conjugale contre les récidives. Un accès supervisé s’impose lorsqu’il y a un doute concernant la capacité parentale d’un conjoint violent ou lorsqu’il y a risque de préjudice pour les enfants. L’éducation aux parents peut également aider ces familles à éviter de placer leurs enfants au centre de disputes à la suite d’une séparation ou d’un divorce. Ces relations sont souvent caractérisées par des conflits importants pouvant mener à des actes de violence. Elles doivent donc être surveillées de près et considérées comme des cas d’intervention prioritaire.

Les gouvernements mentionnés ci-dessus ont investi dans des programmes d’aide aux enfants témoins de violence familiale. Ce secteur est insuffisamment desservi par de nombreux autres gouvernements.

Participation de l’aide sociale à l’enfance

Certaines lois provinciales ou territoriales sur le bien-être de l’enfant ont des clauses particulières qui reconnaissent que l’exposition de celui-ci à la violence familiale constitue un motif éventuel de présumer qu’il a besoin de services de protection. Il s’agit des gouvernements suivants : Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta. Les Territoires du Nord-Ouest ont également apporté des modifications législatives semblables.

Il existe des protocoles propres à la déclaration des enfants exposés à la violence familiale à l’Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Manitoba et en Alberta. Bien qu’il existe des protocoles d’intervention pour la protection de l’enfant, pour les maisons de transition et pour les foyers d’accueil pour les hommes, ils peuvent ne pas être à jour et leur pratique ne pas être uniforme. Il y a des signes d’un manque de coopération au niveau du signalement entre la police et les organismes de protection de l’enfance. Il reste beaucoup à faire afin d’assurer une intervention uniforme, sans oublier une formation commune.

ii) Éléments d’une intervention efficace

Même s’il faut davantage de recherche, plusieurs programmes destinés aux enfants exposés à la violence familiale sont prometteurs. Ainsi en est-il des séances de counseling individuel et en groupe pour les enfants et les jeunes qui suivent un programme de récupération à la suite de traumatismes et peuvent ainsi acquérir de nouvelles habiletés de résolution de conflits sans recours à la violence. Ces initiatives s’accompagnent d’un programme complémentaire pour les parents non violents afin qu’ils connaissent les effets de la violence sur leurs enfants, ainsi que les méthodes et les techniques parentales à utiliser pour y faire face. Ces adultes se voient aussi proposer des moyens de planifier leur sécurité. De telles interventions offrent une occasion importante de réduire la violence familiale en évitant le transfert entre générations de comportements violents.

Tout indique que les programmes qui offrent un accès facilité (échange d’accès) ou supervisé, les programmes pour les enfants de parents en instance de divorce ou de séparation, les programmes où les parents se penchent sur les questions de séparation et de perte, ainsi que les programmes sur les compétences parentales des conjoints violents, sont importants pour améliorer la protection des victimes et des enfants.

Bien que le sujet doive encore faire l’objet de recherches, les points suivants sont suggérés comme autant d’éléments clés d’une intervention efficace auprès des enfants exposés à la violence familiale :

  • une coordination basée sur les principes de la responsabilité du délinquant, de la protection et du soutien offerts aux victimes pour leur permettre de protéger et d’aider leurs enfants (lorsqu’elles en sont capables) et de la prestation de services de soutien aux enfants;
  • une meilleure communication, notamment en ce qui a trait aux mécanismes et aux formulaires de déclaration et de consultation, entre la police et les organismes de protection de l’enfance en ce qui a trait aux enfants exposés à la violence familiale;
  • des protocoles entre la police, l’aide sociale à l’enfance, les maisons de transition et les programmes à l’intention des conjoints violents, ainsi qu’une formation afin d’assurer une intervention uniforme entre toutes les parties, et ce, pour rendre les femmes davantage autonomes et les protéger tout comme leurs enfants et donner aux agresseurs la responsabilité du comportement violent;
  • un programme d’intervention auprès des conjoints violents avec une composante à l’intention des conjoints non violents; un tel programme doit aussi comporter un volet qui traite des effets de la violence conjugale et de la violence du conjoint sur les enfants;
  • un lien avec les lois en matière de violence familiale (comme autre outil visant à protéger et à soutenir les victimes et leurs enfants dans leur foyer);
  • l’accès aux programmes pour enfants et jeunes exposés à la violence familiale afin de traiter les questions de récupération à la suite de traumatismes et celles concernant les enfants et les jeunes qui affichent un comportement agressif;
  • un comité consultatif interdisciplinaire composé de plusieurs intervenants afin de se pencher sur les questions de politiques (y compris les rôles respectifs, l’échange de renseignements et les autres éléments d’intervention collective).

iii) Défis

Le défi, pour les gouvernements, est de déterminer les moyens les plus efficaces de promouvoir une approche coordonnée des services aux enfants exposés à la violence familiale, y compris les services juridiques, les services de santé mentale, les services éducatifs, médicaux et sociaux. Les gouvernements doivent également se pencher sur les questions suivantes.

  • Puisque dans certaines provinces les lois sur la protection de l’enfance ont des clauses définissant les enfants exposés à la violence familiale comme « ayant besoin de protection », quelles sont les conséquences d’une déclaration obligatoire par la police aux autorités de protection de l’enfance?
  • Quels sont les meilleurs moyens de protéger les enfants tout en encourageant les femmes à chercher de l’aide?
  • Comment peut-on protéger le plus efficacement possible les enfants lorsque les femmes choisissent de rester avec un conjoint violent?
  • Comment peut-on concilier les désirs de nombreuses femmes et les besoins des enfants sans établir une hiérarchie des victimes mesurant les besoins des femmes contre ceux de leurs enfants?
  • Quel est le rôle du système de justice pénale?

Il faut établir un soutien à long terme pour les familles dysfonctionnelles au sein de la société. Le modèle de prise de décision au sein du groupe familial est prometteur[159]. Il faut mener d’autres recherches afin de déterminer les circonstances où une telle approche peut être adoptée, tout en fournissant des mesures de protection appropriées à tous les participants.

Les effets négatifs de la violence entre conjoints sur les enfants est une question susceptible d’influer sur la réforme du droit de la famille. Cette question fait l’objet d’un examen par le Comité de coordination des hauts fonctionnaires – Justice familiale.

iv) Recommandation

Il est recommandé que les gouvernements préparent, avec la collectivité, les partenaires en matière de justice et les autres intervenants gouvernementaux, une intervention coordonnée à l’intention des enfants exposés à la violence familiale, selon les éléments clés d’une intervention efficace décrits plus haut. Un cadre stratégique et procédural coordonné devrait être établi, avec des services à l’appui, pour tenir le délinquant responsable de ses actes, fournir un soutien aux parents pour qu’ils puissent protéger leurs enfants et ne pas victimiser à nouveau les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants.

4) PROGRAMMES D'INTERVENTION AUPRÈS DES CONJOINTS VIOLENTS

Des programmes d’intervention pour les hommes qui ont agressé leur conjointe[160] ont été lancés vers la fin des années 1970 sous la forme de groupes éducatifs responsables de promouvoir des opinions anti-sexistes et d’intégrer par la suite des techniques thérapeutiques cognitivo-comportementales[161]. Le traitement en groupe est devenu une sanction populaire imposée par les tribunaux à l’arrivée des premières lois favorables à l’arrestation dans les années 1980 aux États-Unis. Les programmes d’intervention pour les hommes peuvent s’avérer nécessaires dans le cadre d’un programme de non-judiciarisation avant le procès, faire partie d’une peine imposée ou être une condition de probation.

Les groupes consacrés aux conjoints violents utilisent souvent une combinaison d’approches théoriques, bien qu’elles se réfèrent le plus souvent à un modèle féministe élaboré par le Projet d’intervention en cas de violence familiale (Domestic Abuse Intervention Project) utilisé à Duluth (Minnesota)[162], qui considère la violence masculine comme élément d’un ensemble de moyens visant à contrôler les femmes. La durée du programme peut varier entre un jour et 32 semaines, mais elle est le plus souvent d’environ 16 semaines[163]. Certains programmes sont ouverts et non structurés, de sorte que de nouveaux membres peuvent se joindre aux groupes déjà établis alors que d’autres ne permettent pas l’accès en tout temps.

Les programmes d’intervention ont rarement été soumis à une étude scientifique rigoureuse. De plus, les recherches menées sur l’impact, en matière de récidive, des programmes qui s’adressent aux conjoints violents ont produit des résultats contradictoires. Peu de preuves attestent qu’une forme d’intervention serait plus efficace qu’une autre ou que des programmes plus longs sont plus efficaces[164]. Ils concluent finalement que, même si les preuves empiriques sont très limitées, les constatations permettent de poser comme hypothèse que certains conjoints violents sont plus susceptibles que d’autres de s’améliorer à la suite d’un traitement (ou de certains types de traitements). Des éléments de preuve montrent que la violence envers les partenaires intimes résiste davantage à un traitement d’intervention chez les conjoints violents ayant des antécédents plus longs et plus graves de violence envers des personnes intimes, de plus longs antécédents judiciaires de violence envers les inconnus, et ayant subi des traumatismes parce qu’ils ont été témoins de violence dans leur enfance[165]. Il importe de reconnaître que les programmes d’intervention pourraient être plus efficaces pour certains conjoints violents que pour d’autres (voire se révéler totalement inefficaces ou dangereux pour certains agresseurs).

Une récente étude canadienne[166] a révélé que des variations dans le contenu des programmes ont entraîné des taux de récidive peu différents. L’étude a examiné quatre programmes dispensés dans différentes régions du Canada et fonctionnant selon divers modèles (cognitivo-comportemental, humaniste-existentiel, féministe-psychopédagogique, et éclectique). Les programmes choisis pour l’étude devaient être représentatifs de ceux du Canada plutôt que d’être exemplaires. On estimait que leur intégrité, plutôt que leur contenu ou leur orientation, avait un impact (encore que peu significatif) sur le taux de récidive. Les auteurs concluent que les éléments essentiels d’une intervention efficace demeurent inconnus.

Le taux d’abandon est un important facteur en ce qui concerne l’efficacité des programmes d’intervention auprès des conjoints violents. En général, plus de la moitié des participants finissent par abandonner un traitement[167]. Un projet de recherche financé par le ministère du Solliciteur général du Canada[168] a révélé que les conjoints violents dont le style de vie était instable (de fréquents changements d’adresse, une faible éducation, un faible revenu, et chômage par exemple) et qui ne croyaient pas en la pertinence des programmes d’intervention pour régler leurs problèmes particuliers, étaient les plus susceptibles d’abandonner avant la fin. L’indicateur le plus important concernant l’achèvement des programmes était la prise de conscience, par l’individu, de la nécessité du traitement. L’étude remet en question la tendance croissante à intégrer des programmes d’intervention pour conjoints violents aux conditions de probation de tous les agresseurs, sans évaluer la probabilité que ces personnes mèneront à terme un programme déterminé ou en retireront des avantages.

La non-judiciarisation des conjoints violents de sexe masculin au profit d’un traitement est fréquente aux États-Unis[169]. De nombreux États ont des programmes de mesures de rechange applicables après l’arrestation et avant le procès, généralement pour les personnes inculpées n’ayant aucun casier judiciaire. On entame une séance de counseling, ordonnée par le tribunal, après le dépôt des accusations criminelles, mais avant que la personne ne soit reconnue coupable. Dès que celle-ci a réussi le programme de traitement, les accusations sont abandonnées. L’avantage de ces programmes de mesure de rechange au profit d’un traitement est que les personnes peuvent être sélectionnées et orientées très rapidement (souvent en moins d’une semaine) vers le programme adéquat. En outre, les participants ont intérêt à respecter les conditions imposées par le programme puisque les accusations sont abandonnées si les conjoints violents mènent celui-ci à terme. L’élément négatif, toutefois, est que ceux-ci pourraient choisir de s’inscrire au programme pour éviter une sanction pénale.

i) Aperçu des programmes d’intervention auprès des conjoints violents dans l’ensemble du Canada

Des programmes d’intervention auprès des conjoints violents sont offerts par la plupart des gouvernements au Canada[170]. Tous les programmes offrent des séances de counseling en groupe, quelques fois complétées par des séances de counseling individuelles ainsi qu’un programme spécial basé sur la dynamique du pouvoir et du contrôle; plusieurs offrent des séances de counseling complémentaires aux partenaires du conjoint violent ou encore des contacts fréquents avec le partenaire du conjoint violent. Quelques programmes sont offerts par les ministères de la justice, d’autres par les ministères de la santé ou des services sociaux, ou encore par des organismes privés subventionnés par les gouvernements.

L’Alberta propose un cadre de traitement qui connaîtra une expansion et recevra un financement selon sa conformité aux normes.

Au Québec, le rapport de l’enquête du coroner sur le meurtre-suicide Gaumont-Lirette a recommandé l’établissement d’un service d’écoute téléphonique pour les hommes agresseurs qui serait en service 24 heures par jour et fournirait un soutien et des conseils aux hommes en situation de crise qui risquent de commettre un acte de violence envers leur partenaire. Ce service n’a pas encore été établi. Dans le cadre de la Loi sur le système correctionnel du Québec, que comptent implanter les Services correctionnels du Québec, les personnes contrevenantes aux prises avec une problématique de violence conjugale pourront amorcer la résolution des problèmes associés à leur délinquance notamment en milieu carcéral, et ce, avant de débuter une thérapie. À cet égard, les Services correctionnels pourront conclure des ententes afin de favoriser l’accès des personnes contrevenantes à des services spécialisés.

Le Manitoba finance aussi un centre pour hommes à Winnipeg, ainsi que des services de counseling pour couples[171] selon des critères très stricts et sélectifs. L’intervention du conjoint est sujette à controverse et peu d’études ont évalué à ce jour son efficacité. Au cœur du débat, il est question d’assurer la sécurité de la victime de violence conjugale et de minimiser le risque qu’elle pourrait courir. Un telle intervention du conjoint, d’une façon générale, obéit à des directives rigoureuses : la violence a pris fin; le délinquant reconnaît avoir utilisé la violence; les conjoints forment le vœu de travailler à l’amélioration de leurs relations; et un engagement à ne pas utiliser la violence est pris.

L’Ontario augmente le nombre de programmes dits d’intervention auprès du conjoint violent dans le cadre de sa Stratégie judiciaire de lutte contre la violence familiale, d’une part, et de l’implantation de tribunaux spécialisés dans la province, d’autre part. Cette expansion constitue un élément intégral du modèle. Des programmes existent actuellement dans environ un tiers des administrations judiciaires de l’Ontario et, lorsque la stratégie judiciaire sera terminée, les 54 secteurs offriront des programmes. Les délinquants payent une partie des coûts servant à promouvoir leur sens des responsabilités, mais en respectant la capacité de payer de chacun.

Dans le programme de renvoi postérieur au plaidoyer, certains délinquants qui plaident coupables et réussissent un programme de traitement reçoivent une condamnation avec sursis. Ce programme diffère des programmes de déjudiciarisation américains décrits ci-dessus en ce sens que la poursuite n’est pas différée et que les accusations sont maintenues. Les taux de réussite des programmes d’intervention précoce de l’Ontario étaient supérieurs à ceux des programmes post-sentenciels ordonnés par le tribunal, bien que l’on ignore si cette différence est attribuable aux caractéristiques du délinquant ou à la responsabilité associée à la date finale de comparution[172].

Au Yukon, le Programme de traitement des maris violents est offert à certains délinquants qui plaident coupables. Ceux-ci comparaissent devant le juge chaque mois afin qu’on puisse suivre leurs progrès. La détermination de la peine est reportée jusqu’à un an. Le même organisme qui offre le programme pour hommes en offre également un pour les femmes. Les hommes qui souhaitent faire lever une ordonnance de non-communication doivent présenter au tribunal un plan de sécurité pour leur famille.

ii) Éléments d’une intervention efficace

Bien qu’il soit nécessaire de poursuivre la recherche compte tenu des résultats contradictoires obtenus jusqu’à présent, les éléments clés d’une intervention efficace semblent être les suivants :

  • l’inclusion d’un volet de sensibilisation du partenaire, peu importe si le conjoint violent participe ou non au programme d’intervention auprès des conjoints violents;
  • l’inclusion d’un volet qui traite des conséquences de la violence du conjoint violent pour ses enfants;
  • l’établissement de liens entre le programme d’intervention destiné aux conjoints violents et les services offerts aux victimes et à leurs enfants, pour permettre à ces victimes de faire des choix éclairés concernant leur sécurité;
  • l’évaluation de la capacité de réussite du conjoint violent à profiter du programme (sélection et évaluation en vue de l’admissibilité au programme; pertinence du programme par rapport aux caractéristiques de l’agresseur);
  • l’admission du conjoint violent au programme le plus tôt possible après l’arrestation pour un incident avec violence;
  • des liens étroits avec les services de probation et le tribunal pour assurer un suivi continu du conjoint violent, pour réagir rapidement aux manquements éventuels, et pour fournir des renseignements à jour sur la participation du conjoint violent au programme d’intervention (en rapport avec l’imputabilité du conjoint violent);
  • l’établissement de mécanismes de suivi et d’évaluation pour examiner l’incidence des programmes sur les conjoints violents et pour s’attaquer au problème de l’attrition élevée (y compris les sanctions importantes en cas de non-conformité);
  • la définition uniforme et acceptée de « réussite ».

iii) Défis

Une question importante est de savoir si le système de justice devrait encourager le recours aux programmes d’intervention auprès des conjoints violents en l’absence de preuves concluantes de leur efficacité.

Il reste encore des questions à régler concernant : les critères d’admission aux programmes et leurs répercussions sur le refus d’admission; l’étape du procédé judiciaire au cours de laquelle les délinquants devraient être dirigés vers un programme; le type de supervision des délinquants qui devrait être assuré pendant le programme de traitement, et par qui; les mécanismes qui devraient être établis pour assurer la sécurité des victimes; l’accès aux programmes dans les collectivités rurales et éloignées.

La définition du mot « réussite » est également controversée. La réduction du nombre d’incidents avec violence ou de la gravité de ces incidents est-elle suffisante ou doit-il y avoir une cessation absolue? Comment de temps cette réduction ou cette cessation doivent-elles se poursuivre avant que l’on juge qu’il y a réussite? Le remplacement d’actes de violence physique par des actes de violence psychologique est-il toujours un indicateur de réussite? Si l’on reconnaît que, dans certains cas, le motif invoqué pour le conjoint violent pour participer au programme est d’éviter que des accusations soient portées contre lui plutôt que de changer son comportement, au lieu d’une simple preuve que ce conjoint a suivi tout le programme, ne devrait-on pas exiger une preuve du changement de comportement?

La prise de moyens non violents par le conjoint violent, dans les situations de conflit, est définitivement un élément clé d’une stratégie réussie pour contrer la violence familiale. Les gouvernements doivent continuer d’évaluer les programmes en cours et s’inspirer des résultats des pratiques optimales afin d’offrir des programmes susceptibles de réduire la récidive, d’accroître la responsabilité du délinquant et d’aider les victimes qui ont l’intention de continuer de cohabiter avec le conjoint violent.

iv) Recommandation

Il est recommandé que les gouvernements continuent d’élaborer des programmes pour les conjoints violents qui tiennent compte des pratiques fondées sur l’expérience. Il faut soutenir les recherches et les évaluations rigoureuses afin d’offrir l’orientation nécessaire à une intervention efficace.

5) ÉVALUATION DU RISQUE

i) Recherche et pratiques optimales

En plus d’améliorer les services actuels, d’étudier de nouvelles initiatives et de coordonner les efforts visant à augmenter le niveau de sécurité des victimes de violence conjugale par leur partenaire, ceux et celles qui militent en faveur des droits des femmes de même que les chercheurs et les décideurs politiques se sont appliqués à améliorer leur capacité d’évaluer le risque lié à la récidive, à la létalité et à la dangerosité.

La prévision des risques de violence familiale en est encore à ses débuts. Les données recueillies sur la fiabilité, la validité et la précision des outils d’évaluation du risque sont si rares[173], pour ne pas dire pratiquement inexistantes[174]. Comme il existe peu d’études empiriques qui cherchent à distinguer les indicateurs de risque, il n’est pas possible d’établir avec certitude un ensemble particulier de caractéristiques qui pourrait être utilisé pour savoir si des individus risquent de poser des actes de violence conjugale ou d’en être victime[175]. Malgré tous les efforts déployés selon les connaissances actuelles, il n’existe pas de façon certaine de garantir la sécurité des victimes de violence conjugale.

Plusieurs facteurs ont cependant été recensés comme étant des corrélats du risque de violence conjugale[176] et de la victimisation liée à la violence familiale[177].

Bien qu’il y ait des similitudes ou des chevauchements entre les facteurs de risque de récidive et les facteurs de risque de létalité, ces facteurs ne sont pas identiques[178], et il importe que les praticiens connaissent cette distinction lorsqu’ils choisissent des outils d’évaluation[179]. Jacquelyn Campbell a énuméré neuf facteurs de risque d’homicide qui sont reconnus par la majorité des experts de la violence familiale : accès à des armes à feu ou propriété d’armes à feu, utilisation d’une arme dans de précédents actes de violence, menaces faites avec une arme, blessures graves infligées dans de précédents actes de violence, menaces de suicide, menaces de mort, usage abusif d’alcool ou de drogue, rapports sexuels sous contrainte avec la conjointe, et comportement obsessif (ou jalousie extrême ou comportement dominant)[180]. L’instrument d’évaluation du danger[181] de Campbell a souvent été mis à l’essai et constitue la base de nombreuses méthodes officieuses d’évaluation actuellement en usage[182]. Un outil ou une stratégie d’évaluation et de gestion du risque – Spousal Assault Risk Assessment Guide (SARA)[183] – élaboré par Randall Kropp et des collaborateurs à la British Columbia Institute Against Family Violence, fait référence à la violence létale et à la violence non létale. Le SARA est une liste de vérification clinique des facteurs de risque mentionnés dans les comptes rendus de recherche. Cet outil, destiné à divers professionnels, propose l’examen d’une série de facteurs lors de l’évaluation du risque[184].

Certaines mises en garde concernant l’utilisation des outils d’évaluation du risque de létalité sont résumées ci-dessous.

  • Il est préférable d’affirmer que les facteurs sont associatifs ou corrélatifs : la corrélation ne peut servir à prouver qu’il y a une relation de cause à effet.
  • Les résultats létaux peuvent dépendre de la disponibilité d’autres services (par exemple les services médicaux d’urgence pour sauver la vie, s’ils sont offerts à un endroit, peuvent ne pas être offerts à un autre endroit).
  • Il est impossible de mesurer l’intensité des cas qui aboutiront à la mort d’une façon pouvant être traduite en un outil d’évaluation standard, puisque la signification des variables (par exemple l’intensité du sentiment d’être pris au piège) dépend de l’expérience subjective des victimes.
  • Puisqu’un homicide sur un membre de la famille peut se produire en l’absence d’un long passé de violence et sans la prestation de services en cours, il est impératif de ne pas donner aux femmes un faux sentiment de sécurité lorsque quelques-uns des antécédents typiques sont présents. Il pourrait être avantageux que les femmes comprennent que toute relation où il y a violence peut résulter en un homicide.
  • Puisque l’utilisation des instruments présuppose qu’un groupe de femmes remplira des questionnaires, l’évaluation du risque exclura probablement un grand nombre de femmes de différents milieux qui pourraient être réticentes à divulguer des renseignements aux intervenants, à la police ou à d’autres personnels du système de justice pénale. En outre, la plupart des instruments n’étant rédigés qu’en anglais, les femmes appartenant aux communautés non-anglophones pourraient se sentir exclues du processus.
  • La nature même du procédé qui se limite au fait de cocher des cases est impersonnelle, ce qui réduit l’expérience des femmes à une simple note finale alors qu’elles ont vraiment besoin de soins personnalisés et de respect[185].

On met également en garde contre l’utilisation d’outils d’évaluation du risque adaptés à diverses étapes du système de justice pour évaluer la possibilité de récidive d’actes de violence. Par exemple, les évaluations ne sont pertinentes que pour une période de temps donnée et les décisions prises conformément aux résultats obtenus doivent être réévaluées à d’autres étapes du processus de justice. Par ailleurs, les fournisseurs de services doivent se rappeler que la violence peut se produire même en l’absence de facteurs marqués de risque[186].

Malgré ces difficultés, et bien qu’il y ait peu d’études empiriques sur le sujet, il y a clairement des signes qui laissent supposer que les évaluations du risque utilisées lorsque l’on envisage des mesures de sécurité pour les victimes de violence conjugale peuvent être utiles. Ils permettent d’obtenir des indices supplémentaires, d’aider les victimes à adopter de nouvelles mesures de sécurité, et de faire en sorte que les parties ajustent la planification de la sécurité aux dangers particuliers recensés. Il se peut que leur utilisation dans les situations d’actes de violence répétés favorise la coordination entre les divers fournisseurs de services[187], expose les représentants de la justice aux questions auxquelles ils n’auraient peut-être pas pensé autrement, et donne une pierre de touche aux victimes, une façon d’examiner leur situation[188].

Des facteurs permettant d’évaluer la possibilité de récidive ou d’aggravation des actes de violence ont été intégrés dans divers outils d’évaluation du risque actuellement en usage en Amérique du Nord dans les services de police, les services d’aide aux victimes, les services du ministère public et les services correctionnels. Les outils sont utilisés à toutes les étapes du système de justice, mais le plus souvent pour aider la prise de décision relative à la probation, au traitement et à l’incarcération. Bien qu’à certains endroits on se sert de ces outils afin de prendre une décision éclairée concernant la libération conditionnelle, le recours à ces outils est compromis en raison du manque de temps et d’occasions. Des efforts sont déployés pour repérer les conjoints violents qui posent un risque plus élevé que d’autres afin d’évaluer et de gérer les menaces aux victimes et d’allouer les maigres ressources affectées à la supervision et au traitement. Alors que de plus en plus de délinquants inculpés bénéficient par la suite d’une libération conditionnelle, les conjoints violents dont il est question ici constituent le plus important pourcentage de personnes mises en liberté conditionnelle.

La Colombie-Britannique utilise la liste de vérification qui a été adaptée pour l’utilisation par les procureurs de la Couronne. La Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard ont également commencé à donner la formation sur le bon usage de cet outil.

Les Forensic Assessment Services sont responsables de l’évaluation des risques pour le Tribunal chargé d’instruire les affaires de violence familiale de Calgary. De plus, l’Alberta utilise un « outil de factorisation des risques » pour la prise de décision au moment des cautionnements. Dans sa Stratégie judiciaire de lutte contre la violence familiale, la police de l’Ontario utilise un formulaire, Domestic Violence Supplementary Report Form, pour recueillir des données. Ce formulaire comprend une composante d’évaluation des risques. Le guide qui l’accompagne comporte des renseignements sur la valeur d’une déclaration vidéo sous serment et sur les moyens de l’obtenir, les objectifs de l’outil d’évaluation des risques et sur la manière d’obtenir les renseignements nécessaires, ainsi qu’un plan de sécurité pour la victime et ses enfants. L’information recueillie est essentiel et sera utilisée à différents stades au cours du procédé judiciaire par la police, le procureur de la Couronne et le personnel du Programme d’aide provincial aux victimes et aux témoins.

Un contrat subventionné par le gouvernement fédéral a récemment été accordé à Randall Kropp, de l’Institute Against Family Violence de la Colombie-Britannique, pour élaborer et mettre à l’essai dans trois sites un outil d’évaluation du risque révisé, à partir d’un travail préalable sur SARA. L’outil devrait aider les professionnels du système de justice pénale à évaluer les risques de récidive associés à la libération du délinquant (libération conditionnelle, programmes post-sentenciels, etc.) et à déterminer quelles sont les interventions appropriées. Il est prévu que l’outil comprendra une liste de vérification et un guide d’entrevue devant être utilisés avec les victimes.

ii) Éléments d’une intervention efficace

Tandis que les outils font l’objet de recherche supplémentaire, il est trop tôt pour parler de leur utilité ou de leur efficacité dans le processus de prise de décision.

iii) Défis

Ces outils sont très prometteurs au niveau de l’identification des personnes les plus aptes à causer des préjudices graves et donnent donc la chance d’intervenir en utilisant par exemple les moyens suivants : l’arrestation, la détention, les conditions de la sentence, la décision relative à la libération et l’élaboration de plans de sécurité pour les victimes. Cependant, il est important d’utiliser ces outils avec prudence. Il n’existe pas encore de preuve claire que ces outils fournissent des indicateurs ou des indices de prévision utiles du comportement futur. Il n’est pas certain que les résultats sont suffisamment objectifs pour distinguer les délinquants qui représentent une menace grave de harcèlement pouvant causer la mort de ceux qui représenteront probablement du danger, mais pas de nature létale, et de ceux qui ne représenteront probablement pas un danger.

Les gouvernements doivent tenir compte des limites de ces outils, particulièrement lorsqu’ils donnent des directives à suivre sur leur utilisation. Ces précautions doivent être communiquées lors de toute formation concernant l’utilisation de ces outils. Ceux-ci peuvent être utiles principalement pour mieux sensibiliser les personnes concernées face au comportement du conjoint violent, sensibilisation se manifestant par une plus grande vigilance lors de la surveillance de ces délinquants et dans le processus décisionnel concernant leur libération.

iv) Recommandation

Il est aussi recommandé de reconnaître l’importance des outils d’évaluation du risque, dûment validés, pour aider à la prise de décision aux diverses étapes du système de justice. Il est aussi recommandé que les gouvernements examinent plus à fond les outils d’évaluation du risque et prennent des précautions nécessaires lorsqu’ils donnent des directives concernant une intervention basée sur les résultats découlant de leur utilisation. Les limites liées à leur utilisation devraient être exposées au cours de toute formation offerte.

6) MÉCANISMES DE SUIVI ET D'ÉVALUATION

Les mécanismes de vérification, de suivi et d’évaluation permettent aux provinces et aux territoires d’évaluer l’efficacité des stratégies et de s’assurer de leur conformité[189]. Leur capacité d’effectuer le suivi des cas à travers le système de justice et d’évaluer de façon continue les répercussions du programme et des changements de procédé dépend de la présence d’un système d’information intégré. La capacité des gouvernements de suivre les cas, de l’appel à la police jusqu’au terme de la peine imposée, est considérablement limitée car, le plus souvent, les systèmes d’information judiciaire ne lient pas les éléments les uns aux autres (la police, les procureurs de la Couronne et les systèmes correctionnels). Les gouvernements se fondent sur des études périodiques spéciales pour évaluer le rendement judiciaire.

Presque toutes les enquêtes publiques, les enquêtes du coroner et les enquêtes gouvernementales sur les incidents d’homicide envers un conjoint déplorent l’absence de renseignements détaillés sur les interventions du système de justice pénale face aux incidents de violence familiale et recommandent d’élaborer des systèmes d’information intégrés. Le coût lié à l’élaboration de systèmes d’information ainsi que les compétences nécessaires qu’elle requiert sont manifestement des facteurs importants des progrès relativement lents dans ce domaine, tout comme les dépenses opérationnelles permanentes nécessaires à l’entretien de tels systèmes.

Le Centre canadien de la statistique juridique examine la faisabilité de lier les systèmes de données des services de police, des tribunaux et des services correctionnels pour répondre aux questions ayant trait aux modèles de détermination de la peine et de récidive chez les personnes qui agressent leur conjoint. La plupart des données recueillies par les tribunaux, sauf les tribunaux spécialisés saisis des cas de violence conjugale, ne donnent aucun renseignement sur le sexe de la victime ou la relation entre la victime et l’accusé. Ces renseignements sont pourtant essentiels pour cerner les cas de violence conjugale, étant donné qu’il n’y a pas d’infraction spécifique en matière de « violence conjugale » prévue au Code criminel. Les statistiques des services de police fournissent cependant de telles données sur les victimes et les accusés. Grâce à l’établissement d’un lien entre les données des services de police et celles des tribunaux, on pourra donc obtenir des renseignements très utiles concernant les procédures et le traitement entourant de tels cas à toutes les étapes du système de justice pénale. On devrait obtenir les résultats de l’étude de faisabilité dans les deux ou trois prochaines années.

Il existe des données sur certains aspects des lois sur la violence familiale, là où celles-ci ont été adoptées; la Saskatchewan, l’Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, le Yukon et l’Alberta ont produit des rapports d’évaluation sur leurs lois respectives. La Nouvelle-Écosse a entrepris la plus longue étude de suivi jamais effectuée et a conçu un prototype de système d’information visant à recueillir en permanence des données (qui n’a pu être appliqué en raison de restrictions financières). Le Nouveau-Brunswick a construit un système basé sur des données regroupées concernant les cas de violence familiale et il continue de l’améliorer. Le Manitoba a effectué le suivi des cas de violence conjugale dans trois circonscriptions des services de la police au début des années 1990, produisant des rapports d’évaluation sur le tribunal de la violence familiale de Winnipeg et d’autres rapports connexes. L’Ontario a récemment publié un rapport d’évaluation sur les activités de ses tribunaux en matière de violence conjugale. La Saskatchewan compte entreprendre le suivi de ses cas de violence familiale examinés par des tribunaux de justice pénale. Le Québec produit des rapports annuels tirés des données sur le maintien de l’ordre. Le Yukon a rédigé un rapport sur la violence conjugale et l’inculpation obligatoire. Des données de la GRC englobent les cas de violence conjugale, mais non la gamme complète d’infractions en la matière[190].

Des mécanismes de vérification sont indispensables pour déterminer dans quelle mesure les professionnels de la justice appliquent les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite. Bien que les études de suivi effectuées depuis quelques années aient démontré une augmentation du nombre d’accusations portées par la police, il y a des preuves que, dans certains secteurs, la police conseille encore aux victimes de demander un engagement de ne pas troubler l’ordre public, et ce, malgré la présence de preuves justifiant manifestement une accusation. Les cadres supérieurs des organismes de justice pénale sensibilisent leur personnel à l’importance des politiques lorsqu’ils évaluent leurs employés selon leur degré de conformité aux politiques.

i) Éléments d’une intervention efficace

La collecte de données devrait être un procédé continu complété par des études périodiques dans des secteurs d’enquête particuliers. Les études ponctuelles ne renferment pas suffisamment de renseignements pour permettre une élaboration des politiques et une gestion des programmes qui soient constructives. Les gouvernements doivent recueillir des données sur de longues périodes pour que l’on puisse déceler des tendances et des écarts face au rendement attendu et qu’on puisse apporter les changements nécessaires aux politiques, aux pratiques, aux procédures ou à toute autre forme d’intervention. La mesure de la performance est une fonction continue d’une bonne gouvernance. Les données devraient être utilisées pour inspirer les politiques et les pratiques.

Dans chaque composante du système de justice, les gestionnaires doivent assurer la conformité aux politiques et aux procédures, incluant cette conformité au nombre des critères d’évaluation du rendement.

Parmi les éléments d’une intervention efficace, il faut noter :

  • l’utilisation, dans tous les systèmes de collecte de données, d’un « indicateur » de violence familiale (par exemple un moyen d’identifier un cas comme étant un cas de violence conjugale);
  • la définition et la collecte d’indicateurs de rendement clés du système de justice pénale (le taux d’accusation et d’arrestation, le taux d’abandon, le taux de condamnation, les dispositions, la durée du traitement et de la supervision des délinquants, le respect des conditions par les délinquants, les accusations en cas de manquement, le taux de récidive, etc.) pour permettre de faire des comparaisons au sein d’un gouvernement et entre tous les gouvernements;
  • la capacité de produire des rapports de gestion sur le rendement du système de justice (produits dérivés des systèmes opérationnels) dans le but de prendre des décisions;
  • l’intégration du système d’information (police, tribunaux, services correctionnels) afin de permettre le suivi d’un cas particulier;
  • l’utilisation de la recherche pour étayer les politiques et les pratiques;
  • la gestion du rendement pour s’assurer que les employés sur le terrain respectent les politiques et les procédures.

ii) Défis

Les mécanismes d’imputabilité et, plus particulièrement, les systèmes de surveillance et de suivi, sont compromis par l’absence d’un réseau d’information judiciaire intégré, les ressources restreintes et les limites de la technologie actuelle.

Il est difficile d’assurer la surveillance, de faire le suivi et de recueillir des données statistiques dans les cas de violence conjugale parce que le facteur déterminant n’est pas une infraction particulière, mais la relation entre la victime et le délinquant.

iii) Recommandation

Il est recommandé que les gouvernements élaborent et améliorent les mécanismes d’imputabilité pour faire le suivi de la performance du système de justice lors d’une intervention dans les cas de violence familiale et pour appuyer toute décision judicieuse des cadres supérieurs et mesurer les répercussions des nouvelles initiatives. Il est recommandé que les gouvernements appuient l’élaboration de systèmes d’information, basés sur la cueillette d’indicateurs de performance clés communs, et ce, afin de permettre l’évaluation de la performance du système de justice. L’élaboration de méthodologies communes servant à examiner les programmes est également recommandée (par exemple lors de l’évaluation des programmes d’intervention destinés aux conjoints violents) afin de faciliter l’échange et l’avancement des connaissances.

7) FORMATION

Tous les gouvernements canadiens ont lancé des initiatives de formation en vue d’améliorer la réponse du système de justice à des incidents de violence familiale[191] : des programmes de formation accompagnent la mise en œuvre de nouveaux protocoles et de nouvelles politiques dans les provinces et territoires, de nouvelles lois sur la violence familiale, ou de nouvelles structures comme les tribunaux spécialisés en violence conjugale.

La plupart des gouvernements ont élaboré : un excellent matériel de formation, soulignant ainsi le travail d’équipe de partenaires pluridisciplinaires; une dynamique de la violence familiale; différents éléments législatifs de même que des politiques et protocoles; les rôles des divers organismes de justice pénale; et la primauté de la sécurité des victimes.

En Saskatchewan, deux rapports d’évaluation sur l’application des lois provinciales en matière de violence familiale soulignaient la nécessité d’une formation plus poussée. On a engagé une personne chargée expressément de mettre au point et de dispenser une formation sur la violence familiale et les lois qui s’y rattachent. On espère rendre l’effort de formation plus durable en formant des instructeurs pour créer une réserve de compétence au niveau régional.

À l’Île-du-Prince-Édouard, la formation est permanente et bénéficie du soutien des ressources existantes comme le coordonnateur des programmes relatifs à la violence familiale. Une nouvelle trousse de formation destinée à la force policière a été élaborée en réponse aux inquiétudes cernées lors de l’évaluation de la loi sur la violence familiale provinciale. Cependant, la province considère qu’il est de plus en plus difficile de poursuivre cette initiative avec les ressources disponibles.

La Nouvelle-Écosse a également soumis à une formation obligatoire l’ensemble de ses 3 000 employés du système de justice (police, personnel des tribunaux, personnel de la Couronne, des services correctionnels et des services aux victimes), en appliquant le cadre gouvernemental d’intervention contre la violence familiale (Framework for Action Against Family Violence) en 1996. On a donc formé des instructeurs, c’est-à-dire certains policiers, représentants de la poursuite et autres professionnels de la justice pénale, pour qu’ils transmettent les connaissances à leurs homologues. Des organismes communautaires ont également participé à la formation. Une révision du cadre gouvernemental d’intervention, menée par le doyen Russell, de la faculté de droit de l’Université Dalhousie, a exprimé des inquiétudes en concluant que les efforts de formation n’étaient pas continus. Ainsi, un centre d’apprentissage judiciaire a été établi par le ministère de la Justice, conjointement avec le Nova Scotia Community College; le début de la formation ultérieure de tous les professionnels de la justice est prévue pour le début de 2003.

Le Nouveau-Brunswick a entrepris un important effort de formation avec la mise en place, en 1991, de protocoles d’intervention dans les cas de violence faite aux femmes. Le centre de recherche sur la violence familiale Muriel McQueen Fergusson, à l’Université du Nouveau-Brunswick (Fredericton), offre cependant un programme de certificat en intervention dans les cas de violence familiale. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’est engagé, d’une part, à réviser les protocoles existants (en matière d’abus des femmes et en matière d’abus des enfants) et, d’autre part, à annoncer une nouvelle stratégie de formation en 2003.

L’École nationale de police du Québec dispense une formation préalable sur la violence familiale à tous les policiers avant leur entrée en service. Un cours de formation est offert au personnel du ministère public tous les 18 mois. Le Québec a entrepris une formation qui accompagnera sa nouvelle politique à l’égard des agresseurs sexuels. Les Services correctionnels du Québec offrent une formation spécifique aux intervenants correctionnels portant sur la problématique de la violence conjugale. Un programme particulier a également été élaboré à l’intention des intervenants correctionnels œuvrant auprès des femmes victimes de violence conjugale. Les collectivités locales offrent également des possibilités de formation.

En Ontario, les nouveaux procureurs de la Couronne et les personnes souhaitant devenir des spécialistes en matière de violence familiale doivent suivre un cours d’une semaine dans ce domaine. Un nouveau cours sur la violence familiale, dispensé par le Collège de police de l’Ontario et certifié par le Ministère, est maintenant offert aux enquêteurs spécialisés. Les nouveaux agents de probation, engagés dans le cadre de la Stratégie judiciaire de lutte contre la violence familiale, recevront une formation spéciale.

Le Manitoba a offert, à tous les agents de police de Winnipeg, une formation sur la mise en œuvre des dispositions législatives provinciales sur la violence conjugale. De même, l’Alberta a lancé une initiative de formation à grande échelle pour préparer l’application de sa Protection Against Family Violence Act. La Colombie-Britannique a offert une formation relative à sa politique contre la violence à l’endroit des femmes dans les relations. Dans cette province, la GRC fournit à tous les agents une formation sur la politique relative à la violence dans les relations entre partenaires et au harcèlement criminel. Un programme de formation est également offert aux procureurs de la Couronne et au personnel de soutien. On est en train d’élaborer un nouveau programme sur l’évaluation du risque à l’intention des agents de police et des travailleurs sociaux qui œuvrent auprès des victimes.

i) Éléments d’une intervention efficace

Un examen récent des lois et des stratégies provinciales et territoriales contre la violence familiale a révélé certains aspects importants pour assurer le succès des initiatives de formation[192] :

  • La formation est une fonction permanente plutôt qu’un processus ponctuel (en raison d’un important roulement du personnel et des nouvelles questions qui se posent).
  • La formation porte autant sur l’évaluation et l’élaboration d’une capacité que sur l’apport de renseignements (reconnaissance de la nécessité d’établir et de renforcer les relations avec les partenaires dans une approche commune de la violence familiale).

Les données d’évaluation indiquent que la formation, en tant que composante d’une stratégie intégrée, a eu des répercussions positives sur la performance du système de justice pénale[193].

Les pratiques optimales suivantes ont été retenues[194] :

  • l’intégration de la formation sur la violence familiale à la formation préalable à l’entrée en fonction et présentation de séances annuelles de formation supplémentaires pour une mise à jour des renseignements;
  • l’attribution de la coordination de la formation à une personne ou à un groupe donné;
  • un volet qui porte sur la problématique de la violence familiale, les solutions législatives et les options disponibles – autant en droit pénal qu’en droit civil – et les interrelations entre elles; et sur les rôles particuliers importants des intervenants (les études de cas constituent une méthode utile pour « mettre à l’épreuve » la capacité, pour la personne qui apprend, d’appliquer les politiques et les procédures, ainsi que de faire comprendre à tous les « situations concrètes » et les approches à employer);
  • une formation spécialisée à l’intention des policiers et des procureurs de la Couronne sur la collecte d’éléments de preuve et sur la poursuite dans les cas de violence familiale;
  • une formation spécialisée portant sur la problématique de la violence conjugale, élaborée à l’intention des intervenants du système correctionnel;
  • la formation d’instructeurs pour qu’ils puissent, à leur tour, former un grand nombre de personnes, et ce, à moindre coût;
  • une formation qui met l’accent sur un partenariat entre les spécialistes de la violence familiale et les personnes que l’on veut former et qui possèdent déjà une connaissance des secteurs et des professions concernés, et ce, afin d’assurer une base solide pour le développement du contenu de formation et de la façon de la dispenser[195]
  • une formation dispensée localement afin de tirer profit des ressources disponibles dans la collectivité; pour être fructueuse, la formation nécessite une collaboration entre les professionnels de la justice pénale et les représentants de la collectivité pour miser sur le partenariat entre ces deux groupes d’intervenants; en plus de servir à communiquer des renseignements, la formation renforce la capacité de la collectivité et améliore les liens importants entre les intervenants; cette approche contribue à une compréhension commune du problème et au choix d’outils d’intervention appropriés, ainsi qu’à l’instauration d’un sens des responsabilités.

ii) Défis

Une formation permanente de tous les personnels du secteur de la justice est indispensable en raison du roulement élevé et d’une baisse de la conformité aux politiques en l’absence d’une formation continue. Le problème des ressources et l’absence de véritables responsabilités pour assurer la prestation de la formation ont un effet sur la capacité des gouvernements à appuyer les initiatives de formation de façon durable.

iii) Recommandation

Il est recommandé que chaque gouvernement élabore et mette en application un plan pour le développement et la prestation continue d’une formation intersectorielle sur les questions de violence familiale à l’intention du personnel, nouveau et déjà en place, du système de justice pénale. Cette formation devrait être fondée sur les facteurs essentiels de réussite définis précédemment, afin d’assurer une intervention efficace en situation de violence familiale. On suggère que les gouvernements partagent les ressources de formation pour éviter le dédoublement des efforts et réduire au maximum le fardeau lié à l’élaboration de matériel didactique. Il faudrait appuyer les travaux de l’Institut national de la magistrature de sorte que les magistrats continuent de recevoir une formation sur la dynamique de la violence faite au conjoint et sur l’incidence de l’intervention du système de justice pénale.

8) PRÉVENTION

Tandis que plusieurs des stratégies mentionnées plus haut peuvent influencer la récidive en dissuadant les agresseurs et en appuyant les victimes une fois que l’agression s’est produite, la meilleure stratégie devrait être de prévenir la violence avant qu’elle ne se produise. La prévention peut être vue comme un continuum : la prévention de l’agression en premier lieu; l’intervention en situation de crise pour empêcher que les agressions continuent; et le traitement ou la réhabilitation afin d’empêcher la réapparition du comportement violent. Des stratégies à grande échelle qui ciblent le grand public (comme l’éducation du public et le « marketing social » visant à remettre en cause la tolérance individuelle et collective à l’égard des comportements violents) et celles qui mettent l’accent sur les groupes à risque élevé, sont les composantes d’une stratégie de prévention holistique.

i) Éléments d’une intervention efficace

Une stratégie de prévention efficace doit porter sur toutes les étapes du continuum de la violence familiale et comprendre les éléments suivants :

  • des programmes pour les enfants et les jeunes exposés à la violence familiale ou démontrant un comportement agressif;
  • une formation scolaire en matière de relations saines, d’une part, pour enseigner tant les éléments composant de tels rapports que les comportements acceptables, et non acceptables, aux adolescents et aux adolescentes qui commencent à se fréquenter; et dans les petites classes, d’autre part, pour enseigner les concepts de respect envers les autres et les techniques de résolution de conflits, et élaborer des programmes ainsi que des campagnes de lutte contre la violence, y compris la prévention contre le harcèlement et l’agression sexuels;
  • l’éducation du public pour faire changer les attitudes qui contribuent à perpétuer la violence familiale; pour aider les victimes à discerner un comportement agressif et les informer de l’aide disponible; et pour encourager l’intervention individuelle et communautaire;
  • des mesures précoces pour intervenir rapidement dans les relations agressives, avant qu’elles ne prennent de l’ampleur, et pour éviter tout autre danger;
  • des programmes qui permettent au conjoint violent de se pencher sur leur comportement violent afin d’éviter qu’ils ne fassent mal à d’autres personnes.

ii) Défis

Peu importe les répercussions des interventions du système de justice pénale sur la dissuasion ou la réhabilitation, la prévention de la violence conjugale provient largement de l’extérieur du système de justice pénale. Les efforts de prévention sont de nature multidimensionnelle, faisant appel à de nombreux intervenants et systèmes et influant sur le comportement à plusieurs niveaux au fil du temps. Les ressources doivent être affectées ailleurs afin d’avoir des répercussions sur le système de justice pénale, mais les effets ne seront pas immédiats. Parce que les systèmes sont débordés en raison des situations de crise actuelles, il est souvent difficile de réorienter les ressources vers la prévention.

iii) Recommandation

Il est recommandé que les ressources engagées par les gouvernements, les ministères et la collectivité soient affectées à des activités de prévention de grande portée, comme cela est précisé dans les éléments clés d’une intervention efficace décrits plus hauts.

SECTION IV : RÉSUMÉ DES SECTIONS II ET III

La violence conjugale est un problème complexe qui nécessite l’intervention d’un certain nombre de secteurs, y compris ceux de la justice pénale, de la protection de l’enfance, de l’éducation, des services sociaux et de la santé. Le Groupe de travail spécial a donc adopté une approche élargie et intersectorielle pour examiner les politiques et les lois relatives à la violence conjugale. Il a collaboré avec d’autres groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux et avec des représentants des organismes d’application de la loi, des services correctionnels, des services sociaux, des statistiques et d’autres domaines. En conséquence, le processus menant à la rédaction du présent rapport s’est révélé des plus enrichissant et informatif pour les membres du Groupe de travail spécial et leurs collègues, ainsi qu’un excellent exemple de collaboration entre les diverses sphères de compétence et les divers secteurs. D’ailleurs, la principale leçon qui se dégage de ce processus est la nécessité d’adopter une stratégie globale et coordonnée pour traiter le problème de la violence conjugale.

Une stratégie efficace pour intervenir dans les cas de violence familiale

Les éléments d’une intervention efficace auprès des familles victimes de violence familiale sont les mêmes, peu importe l’initiative particulière adoptée ou l’accent mis lors de l’intervention :

  • des buts et des objectifs communs (assurer par exemple la sécurité de la victime et tenir le délinquant responsable de ses actes) pour tous les intervenants des diverses disciplines;
  • un cadre procédural solide avec des protocoles clairs concernant l’intervention et l’échange de renseignements pour chaque composante, secteur et discipline;
  • l’engagement à la coordination, à la collaboration et à la coopération de la part de tous les partenaires;
  • une formation qui met l’accent sur les rôles particuliers et les responsabilités individuelles et sur les liens avec d’autres composantes;
  • des politiques uniformes qui soulignent l’engagement pris envers les objectifs visés à tous les niveaux de l’organisation;
  • des ressources adéquates pour la prestation des services;
  • des mécanismes d’imputabilité (pour les délinquants, le personnel du système de justice et les professionnels d’autres systèmes et disciplines).

Une stratégie complète et coordonnée, au sein de chaque gouvernement, est nécessaire pour s’attaquer au problème de la violence familiale et aux facteurs qui y contribuent. Cette stratégie doit être assurée dans tous les secteurs de politiques (sociale, judiciaire, éducatif et de la santé) et au niveau des responsabilités du gouvernement fédéral et des responsabilités des gouvernements provinciaux et territoriaux. Les gouvernements provinciaux et territoriaux agiront de pair avec le niveau communautaire local et régional (pour coordonner les services et déterminer les besoins, les lacunes et les solutions) ainsi qu’au niveau individuel (pour offrir des mécanismes de gestion de cas et de consultation efficaces).

Le Groupe de travail reconnaît qu’il existe encore bien des lacunes dans notre compréhension de la violence conjugale, des répercussions de l’intervention du système de justice face à cette forme de violence et de l’efficacité des divers programmes et services à l’intention des victimes et des délinquants. Le Groupe de travail recommande que les gouvernements appuient la recherche en vue de combler ces lacunes et d’assurer un fondement solide à une intervention plus efficace pour mieux répondre à la violence familiale.

SECTION V : LISTE DES RECOMMANDATIONS

Politique favorisant l’inculpation

1. Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale. À cet égard, il faut continuer d’appliquer le critère actuel en portant des accusations lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Pour ce qui est des gouvernements exigeant l’approbation du procureur de la Couronne préalable à l’inculpation, ils doivent de plus déterminer s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations[196].

2. Le Groupe de travail reconnaît que les politiques « favorisant l’inculpation » dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».

3. Le Groupe de travail recommande également d’élaborer des politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale pour traiter, à tout le moins, les points importants qui suivent.

Critère d’inculpation non applicable : S’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise mais que la police estime néanmoins que la victime craint pour sa sécurité, la police devrait envisager de recourir à d’autres moyens mis à sa disposition. Par exemple, elle peut demander une ordonnance de protection civile prévue par une loi provinciale ou territoriale sur la violence conjugale s’il y a lieu (voir la section II, sous-section 3, du présent rapport) ou une ordonnance d’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévue à l’article 810 du Code criminel. Cependant, il ne faut pas avoir recours à ces solutions de rechange dans les cas qui répondent au critère.

Arrestation : La politique favorisant l’inculpation ne saurait être considérée comme modifiant les critères prévalant en matière d’arrestation. La police doit évaluer toutes les circonstances avant de déterminer s’il faut arrêter le délinquant avec ou sans mandat.

Double accusation : Lorsque les circonstances d’un cas en particulier laissent croire qu’il faut inculper les deux parties, la police doit déterminer qui est « l’agresseur principal » ou demander au procureur de la Couronne d’examiner et d’approuver la proposition de double accusation dans les cas de violence conjugale ou faire l’un et l’autre.

Non-judiciarisation avant la mise en accusation et orientation vers un processus alternatif de justice : La majorité des membres du Groupe de travail s’oppose à la non-judiciarisation avant la mise en accusation dans les cas de violence conjugale au profit d’un processus alternatif de justice. Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard) autorise les mesures de rechange avant la mise en accusation dans les cas de violence conjugale dans le cadre d’un programme de mesures de rechange mis en place conformément au Code criminel, et ce, avec l’approbation du procureur de la Couronne – un processus amplement détaillé dans la section I, sous-section 5, du présent rapport. Le Québec ne possède aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.

Enquête : La police appelée sur les lieux de l’incident doit mener une enquête complète et recueillir tous les éléments de preuve disponibles. Le simple témoignage de la victime ne suffit pas toujours.

Évaluation du risque : Lorsqu’elle recourt aux méthodes d’évaluation du risque, la police doit utiliser des outils, dûment validés, pour faire le point sur la sécurité de la victime à toutes les étapes du processus, notamment lors de l’enquête sur le cautionnement. Il faut aider la police à assumer cette tâche en donnant une formation continue et des cours sur l’évaluation du risque dans les cas de violence conjugale.

Libération d’un accusé par l’agent responsable : Au moment de déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’accusé ne doit pas être relâché, et pour assurer la sécurité de la victime, l’agent responsable doit prendre en considération, s’il y a lieu, les antécédents de violence de l’accusé, notamment toute violation antérieure des dispositions concernant le cautionnement ou la probation ainsi que des ordonnances des tribunaux civils et criminels. S’il décide de libérer l’accusé, l’agent responsable doit obliger celui-ci à contracter un engagement comportant les modalités nécessaires telles que l’interdiction de communiquer avec la victime, de s’absenter (par exemple au domicile, à l’école ou au travail), de posséder des armes à feu et de consommer de l’alcool ou de la drogue. Il faut aviser la victime de la libération de l’accusé et de toutes les modalités pertinentes.

Aide aux victimes : La police doit aviser les victimes des services disponibles et des autres organismes qui peuvent les aider (les maisons d’hébergement par exemple) et les inciter à s’en prévaloir.

Politique favorisant la poursuite

4. Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques actuelles favorisant la poursuite dans les affaires de violence conjugale. À cet égard, le critère actuel doit continuer de s’appliquer, à savoir qu’il y a lieu d’engager une poursuite dans les cas de violence conjugale lorsque, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il existe un espoir raisonnable d’obtenir une condamnation et qu’il est dans l’intérêt public d’engager une poursuite[197].

5. Le Groupe de travail reconnaît que les politiques favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».

6. Le Groupe de travail recommande aussi que, dans l’élaboration des politiques favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale, on aborde au moins les principales questions suivantes.

Mise en liberté provisoire par voie judiciaire : Le procureur de la Couronne doit obtenir de la police (si l’enquête sur le cautionnement est menée par la police, l’agent enquêteur fournit les renseignements nécessaires) suffisamment d’information pour évaluer le risque de préjudice à la sécurité de la victime si l’accusé est mis en liberté sous caution (par exemple les résultats de l’application des outils d’évaluation du risque, dûment validés, ou les éléments de preuve exposant les antécédents de violence, les menaces de violence grave, les manquements précédents aux ordonnances judiciaires de protection, l’utilisation ou la présence d’armes, les problèmes d’emploi, la consommation de drogue ou d’alcool et les menaces de suicide). Il y aurait lieu de vérifier les appréhensions de la victime auprès de celle-ci avant l’audition. S’il est décidé de mettre l’accusé en liberté avant son procès, le procureur de la Couronne doit tenter de faire assortir la mise en liberté des conditions appropriées, y compris une ordonnance de non-communication avec la victime et les interdictions relatives aux armes à feu et à la consommation d’alcool et de drogue. Il y aurait lieu d’aviser la victime de l’issue de l’enquête sur la mise en liberté sous caution et des conditions de la mise en liberté. Dans les cas de manquement aux conditions de la mise en liberté, le procureur de la Couronne devrait envisager d’engager des poursuites relatives au manquement et de faire révoquer la mise en liberté de l’accusé.

Information, avis et appui aux témoins : Le procureur de la Couronne, lui—même ou par l’entremise de la police ou de personnes chargées de l’aide aux victimes et aux témoins, devrait transmettre en temps utile aux victimes de violence conjugale de l’information au sujet de leur dossier. Les victimes devraient aussi profiter d’une aide constante (par exemple par l’entremise des personnes chargées de l’aide aux victimes et aux témoins) tout au long du processus.

Témoins réticents ou qui se rétractent : Si une victime refuse ou est incapable de témoigner ou d’appuyer la poursuite, le procureur de la Couronne devrait (par l’entremise de la police ou de l’agent des services d’aide aux victimes) chercher à déterminer les raisons de l’hésitation de la victime (par exemple se rétracte-t-elle parce qu’il n’y a pas eu de violence conjugale ou parce qu’elle a été menacée par l’accusé ou a subi des pressions?). Si la rétractation n’est pas crédible, le procureur de la Couronne devrait chercher à savoir s’il existe d’autres éléments de preuve crédibles sur lesquels il peut fonder la poursuite en l’absence du témoignage de la victime. S’il n’existe plus d’espoir raisonnable d’obtenir une condamnation compte tenu de la preuve disponible, la poursuite devrait être abandonnée.

Engagement de ne pas troubler l’ordre public : Lorsque les critères énoncés dans la politique favorisant la poursuite ont été respectés, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévu à l’article 810 du Code criminel ne doit pas être utilisé au lieu d’une poursuite[198].

Déjudiciarisation après la mise en accusation et orientation vers un processus alternatif de justice : La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne pas déjudiciariser après accusation dans les affaires de violence conjugale, sauf conformément aux critères résumés dans la section I, sous-section 5, du présent rapport. Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard) autorise un programme de déjudiciarisation après la mise en accusation dans les cas de violence conjugale dans le cadre d’un programme de mesures de rechange mis en place conformément au Code criminel, et ce, uniquement avec l’approbation du procureur de la Couronne – un processus amplement détaillé dans la section I, sous-section 5, du présent rapport[199].

Détermination de la peine : Dans ses recommandations en matière de détermination de la peine, le procureur de la Couronne devrait :

  • tenir compte de l’article 718.2 du Code criminel, lequel prévoit que les mauvais traitements contre son époux ou son enfant constituent un facteur aggravant aux fins de la détermination de la peine;
  • veiller à ce que la victime ait l’occasion de préparer et de présenter une « déclaration de la victime » (article 722.2 du Code criminel);
  • dans le cadre de la détermination de la peine, tenter d’assortir les ordonnances des tribunaux des conditions nécessaires, y compris les conditions ayant trait à l’interdiction de communiquer avec la victime, de s’absenter, de posséder des armes à feu ou de consommer de la drogue et de l’alcool et, le cas échéant, de demander une évaluation en vue d’une session d’orientation ou d’un traitement dans le cadre d’un programme d’intervention auprès d’un conjoint violent.

Programme alternatif de justice

7. La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne pas utiliser de processus alternatifs de justice, notamment des mesures de rechange, dans les cas de violence conjugale, sauf dans les circonstances suivantes.

i) Le renvoi au processus alternatif de justice s’effectue après le dépôt des accusations, et ce, avec l’approbation de la Couronne.

ii) Le dossier est considéré comme ne comportant pas un risque élevé à la suite de l’application, par une personne qualifiée, d’outils d’évaluation du risque, dûment validés (c’est-à-dire qu’après avoir pris en compte une gamme de facteurs, y compris les antécédents de violence, les menaces de violence grave, les manquements aux ordonnances de protection rendues préalablement par les tribunaux, l’utilisation ou la présence d’armes, les problèmes d’emploi, la consommation de drogue ou d’alcool et les menaces de suicide, le délinquant est considéré comme ne présentant qu’un faible risque de récidive et donc un faible risque pour la sécurité de la victime, de ses enfants et des autres personnes à charge, durant le processus judiciaire et à l’issue de celui-ci).

iii) Le processus alternatif de justice offre la même protection ou une plus grande protection à la victime que le système traditionnel de justice.

iv) La victime connaît bien le processus alternatif de justice proposé et sa volonté est prise en compte. De plus, non seulement le consentement de la victime est requis mais des services de soutien devront lui être fournis lorsqu’elle sera appelée à participer au programme.

v) Le délinquant accepte pleinement la responsabilité de ses actes.

vi) Le processus alternatif de justice peut traiter les cas de violence conjugale et s’inscrit dans un programme de mesures de rechange approuvé par le procureur général[200] visant à offrir des mesures de rechange dans les cas de violence conjugale, le processus faisant l’objet d’un suivi par le procureur général ou le tribunal.

vii) Le processus alternatif de justice est transparent (c’est-à-dire qu’il requiert que l’on conserve des dossiers officiels indiquant les actions prises par les participants) et il est utilisé en temps opportun et de manière raisonnable.

viii) Le processus alternatif de justice peut traiter les cas de violence conjugale. Sa mise en œuvre et son suivi sont assurés par des personnes possédant les habiletés, la formation et la capacité requises, y compris celle de reconnaître les déséquilibres de pouvoir et les différences culturelles et d’y donner suite.

ix) Il est toujours possible d’obtenir une condamnation pénale et l’imposition d’une peine en cas d’échec de la démarche.

Le Groupe de travail recommande également que l’utilisation du processus alternatif de justice dans les cas de violence conjugale soit appuyée par les mesures suivantes :

  • l’élaboration et la prestation d’une formation permanente et de cours appropriés à l’intention des personnes participant à l’évaluation du risque ainsi qu’à la prestation et au suivi des processus alternatifs de justice, y compris le personnel du système de justice pénale;
  • l’élaboration et l’application des outils d’évaluation du risque, dûment validés, dans les cas de violence conjugale;
  • l’évaluation constante des processus alternatifs de justice, y compris ceux qui sont appliqués dans les cas de violence conjugale, grâce à de nouvelles recherches, fondées sur des preuves, concernant l’efficacité de ces programmes, leur capacité à assurer la sécurité de la victime et de ses enfants et à diminuer le risque de récidive.

Position minoritaire du Groupe de travail :

  • La Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard autorisent les mesures de rechange avant et après la mise en accusation dans les cas de violence conjugale conformément au Code criminel, et ce, avec l’approbation de la Couronne.

Le Québec n’a aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.

Coordination et collaboration intersectorielle

8. Le Groupe de travail recommande que les gouvernements appuient et renforcent, grâce à l’engagement de leurs hauts fonctionnaires, la coordination des initiatives en faveur d’une intervention auprès des victimes de violence familiale, tant au sein des ministères responsables de la justice qu’à l’extérieur de ceux-ci, de manière à assurer la participation des multiples intervenants gouvernementaux et communautaires. Les modèles de coordination peuvent varier d’un gouvernement à l’autre, mais tous devraient comporter les éléments clés d’une intervention efficace présentés ci-dessous. Une intervention intégrée efficace exige un leadership et une bonne coordination des initiatives gouvernementales de lutte contre la violence familiale, avec les éléments qui suivent :

  • l’autorité nécessaire pour façonner des politiques en vue d’obtenir un cadre stratégique coordonné et uniforme applicable au sein de différents ministères;
  • la représentation de tous les ministères concernés, et ce, au niveau de gestionnaires supérieurs pouvant influencer les politiques du ministère et ayant accès auprès du sous-ministre;
  • les ressources nécessaires pour mettre en application un cadre stratégique coordonné;
  • un cadre de responsabilité avec des mécanismes pour assurer le suivi du processus et faire rapport;
  • une forme quelconque de représentation et de participation ou de partenariat avec les intervenants de la collectivité, en précisant bien les rôles des parties;
  • des procédures visant à améliorer l’établissement de relations à tous les niveaux, entre tous les intervenants, et à promouvoir un sentiment de partenariat et une même vision basée sur une compréhension commune du problème;
  • l’existence de tables intersectorielles locales;
  • au niveau local, le soutien sur le terrain aux employés du gouvernement afin de mettre en application les politiques provinciales ou territoriales et de participer activement aux débats entre organismes pour créer des relations de travail constructives et pour trouver des solutions aux problèmes recensés;
  • une gestion conjointe de cas entre les organismes afin d’élaborer des plans coordonnés pour les familles où la violence est un problème (c’est-à-dire des protocoles régissant l’échange de renseignements et la prestation de services, des rôles et des façons de travailler ensemble).

Tribunaux d’instruction des causes de violence conjugale et administration de la justice pénale spécialisée

9. Il est recommandé que les gouvernements continuent d’envisager des façons d’améliorer la gestion des cas de violence conjugale en mettant en œuvre une intervention coordonnée du système de justice pénale, y compris la création de tribunaux spécialisés, et ce, en se fondant sur les éléments essentiels énumérés ci-dessous. L’adoption de structures et de processus spécialisés doit être guidée par les recherches et l’évaluation effectuées au Canada et ailleurs.

Suivant l’expérience vécue jusqu’à présent, il semble que les éléments essentiels d’un modèle réussi soient les suivants :

  • des méthodes pour accélérer les cas;
  • un service confidentiel, bien fondé et pertinent offert par des professionnels de la justice possédant une bonne formation;
  • la coordination de l’intervention du système de justice pénale (politiques et pratiques);
  • la coordination avec une gamme de fournisseurs de services;
  • l’accès rapide au traitement pour les délinquants (pour tirer profit de la motivation des délinquants de changer et pour permettre une intervention plus immédiate);
  • le suivi des délinquants pour s’assurer qu’ils respectent les conditions assortissant les sanctions significatives qui leur ont été infligées afin de les tenir responsables;
  • l’accès au soutien, à de l’information et à des services auxquels sont renvoyées les victimes;
  • le suivi et l’évaluation des systèmes pour juger de leur efficacité et pour déterminer les secteurs nécessitant des modifications et des améliorations.

Mesures législatives sur la violence familiale

10. Il est recommandé aux gouvernements d’examiner si l’adoption de dispositions législatives civiles en matière de violence familiale fournirait des voies de recours plus immédiates et générales que les dispositions actuelles, celles par exemple du Code criminel. Il est recommandé d’examiner les importantes dispositions autorisant l’occupation exclusive du foyer, la possession temporaire de biens personnels, les soins et la garde temporaire des enfants, et interdisant la vente, la conversion ou l’endommagement des biens personnels. Les dispositions prescrivant l’expulsion du conjoint violent et la saisie d’armes sont également importantes. Dans les gouvernements où elle a été adoptée, la loi civile ne doit pas être utilisée pour éviter de porter des accusations au criminel lorsqu’il existe des motifs raisonnables de porter de telles accusations. Toutefois, des procédures criminelles et civiles peuvent être intentées parallèlement.

Les facteurs de réussite suivants devraient guider la mise en application de la loi :

  • La formation devrait être offerte bien avant l’entrée en vigueur de cette loi et devrait inclure des renseignements concernant son rapport avec le Code criminel.
  • Il est important de s’assurer du soutien de la collectivité et des principaux intervenants.
  • Des mécanismes et des comités de coordination devraient être établis pour que les problèmes soient définis et abordés tôt (par exemple les problèmes de formation et d’interprétation).
  • La loi devrait faire l’objet d’un suivi attentif et d’une évaluation minutieuse; on devrait prévoir des moyens de repérer les inobservations à la loi.
  • L’éducation du public devrait accompagner cette législation afin d’assurer la conscientisation des victimes et des collectivités à l’égard de la loi.
  • Les problèmes liés à l’application de la loi dans les réserves ou sur les terres octroyées à la suite d’une entente devraient être abordés en consultation avec les collectivités concernées afin d’obtenir leur appui pour assurer la protection des victimes et de leurs enfants et offrir le même niveau de protection aux personnes qui résident dans les réserves et hors de celles-ci.
  • L’apport de ressources juridiques appropriées sera nécessaire pour aider les femmes visées par des ordonnances d’assistance aux victimes à plus long terme pour que ces mesures correctives soient efficaces.

Services aux victimes[201]

11. Il est recommandé que les gouvernements, de concert avec les organismes communautaires, continuent d’assurer la prestation de services de soutien aux victimes afin de les aider lorsqu’elles collaborent avec le système de justice pénale. Ces services doivent au moins comprendre :

  • des renseignements concernant la violence, le système de justice pénale, le rôle des victimes et des témoins et l’évolution des cas;
  • l’accès à des spécialistes et à une gamme d’organismes et de services de soutien pour satisfaire aux multiples besoins des victimes;
  • un avis aux victimes au sujet de leur participation aux décisions concernant la libération des accusés et des délinquants et les conditions connexes à la libération;
  • le soutien psychologique et l’intervention au moment d’une crise;
  • une aide à la préparation des déclarations de la victime sur les répercussions de l’infraction;
  • l’évaluation du risque et la planification en matière de sécurité.

Parmi les composants clés d’un service efficace, il faut noter :

  • une intervention le plus rapidement possible après l’événement;
  • la prestation continue de services vers lesquels les victimes sont dirigées;
  • des services prenant en compte les besoins uniques des victimes de violence conjugale;
  • la collaboration et la coordination entre les organismes offrant les services;
  • une description détaillée des rôles respectifs (des services aux victimes assurés par le système de justice pénale et des organismes de soutien communautaires);
  • la disponibilité de l’information et de mécanismes de communication efficaces entre les intervenants du système de justice pénale et à l’extérieur de celui-ci.

Maisons d’hébergement, services de liaison, défense des droits et autres services de soutien aux victimes

12. Il est recommandé que les gouvernements envisagent des façons d’assurer la prestation continue de services communautaires et gouvernementaux accessibles, complets et coordonnés aux victimes de violence conjugale et à leur famille, notamment les maisons d’hébergement et les services de liaison. La formation des professionnels du système de justice pénale et des fournisseurs dans diverses disciplines appelés à offrir des services aux femmes victimes de violence et à leurs enfants est nécessaire pour renforcer les relations de travail, comprendre les objectifs divergents et assurer une intervention efficace.

Parmi les services nécessaires, notons les suivants :

  • l’accès en cas d’urgence à un endroit sûr (y compris le transport d’urgence et l’hébergement de nuit, surtout pour les femmes vivant dans des régions rurales et éloignées);
  • le counseling et le soutien psychologique (immédiatement après la crise, et grâce à un service de suivi et de liaison pour les résidents et les non-résidents);
  • les renseignements et l’orientation vers des services appropriés;
  • l’accès à des services abordables et sûrs, qu’il s’agisse d’hébergement, de services juridiques ou de services médicaux;
  • un soutien à l’emploi et au revenu;
  • des services d’aide à la santé mentale et en matière de toxicomanie, au besoin;
  • des services de garde et d’aide à l’enfance et des séances de counseling pour les enfants afin de les aider à surmonter les traumatismes, de même que la planification en matière de sécurité;
  • une aide en matière de droit familial (pension alimentaire pour le conjoint, garde et droit de visite, pensions alimentaires pour enfants et lieu de résidence).

Interventions auprès des enfants exposés à la violence familiale

13. Il est recommandé que les gouvernements préparent, avec la collectivité, les partenaires en matière de justice et les autres intervenants gouvernementaux, une intervention coordonnée à l’intention des enfants exposés à la violence familiale, selon les éléments clés d’une intervention efficace décrits ci-dessous. Un cadre stratégique et procédural coordonné devrait être établi, avec des services à l’appui, pour tenir le délinquant responsable de ses actes, fournir un soutien aux parents pour qu’ils puissent protéger leurs enfants et ne pas victimiser à nouveau les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants.

Bien que ce sujet doive encore faire l’objet de recherches, les points suivants sont suggérés comme étant des éléments clés d’une intervention efficace auprès des enfants exposés à la violence familiale :

  • une coordination basée sur les principes de la responsabilité du délinquant, de la protection et du soutien offerts aux victimes pour leur permettre de protéger et d’aider leurs enfants (lorsqu’elles en sont capables) et de la prestation de services de soutien aux enfants;
  • une meilleure communication, notamment en ce qui a trait aux mécanismes et aux formulaires de déclaration et de consultation, entre la police et les organismes de protection de l’enfance, en ce qui a trait aux enfants exposés à la violence familiale;
  • des protocoles entre la police, l’aide sociale à l’enfance, les maisons de transition et les programmes à l’intention des conjoints violents, ainsi qu’une formation afin d’assurer une intervention uniforme entre toutes les parties, et ce, pour rendre les femmes victimes de violence conjugale davantage autonomes et les protéger, tout comme leurs enfants, et donner aux conjoints violents la responsabilité du comportement violent;
  • un programme d’intervention auprès des conjoints violents avec une composante à l’intention des conjoints non violents; ce programme devrait contenir un volet traitant des effets de la violence conjugale et de la violence du conjoint sur les enfants;
  • un lien avec les lois sur la violence familiale (comme autre outil visant à protéger et à soutenir les victimes et leurs enfants dans leur foyer);
  • l’accès aux programmes pour enfants et jeunes exposés à la violence familiale afin de traiter les questions touchant la récupération à la suite de traumatismes et celles concernant les personnes qui affichent un comportement agressif;
  • un comité consultatif interdisciplinaire composé de plusieurs intervenants afin de se pencher sur les questions de politiques (y compris les rôles respectifs, l’échange de renseignements et les autres éléments d’intervention collective).

Programmes d’intervention auprès des conjoints violents

14. Il est recommandé que les gouvernements continuent d’élaborer des programmes pour les conjoints violents qui tiennent compte des pratiques fondées sur l’expérience. Il faut soutenir les recherches et les évaluations rigoureuses afin d’offrir l’orientation nécessaire à une intervention efficace.

Bien qu’il soit nécessaire de poursuivre la recherche compte tenu des résultats contradictoires obtenus jusqu’à présent, les éléments clés d’une intervention efficace semblent être les suivants :

  • l’inclusion d’un volet de sensibilisation du partenaire, peu importe si le conjoint violent participe ou non régulièrement à un programme d’intervention qui lui est destiné;
  • l’inclusion d’un volet qui traite des conséquences de la violence du conjoint violent pour ses enfants;
  • l’établissement de liens entre le programme d’intervention auprès des conjoints violents et les services offerts aux victimes et à leurs enfants, pour permettre à ces victimes de faire des choix éclairés concernant leur sécurité;
  • l’évaluation de la capacité du conjoint violent à profiter du programme (sélection et évaluation en vue de l’admissibilité au programme; pertinence du programme par rapport aux caractéristiques du conjoint violent);
  • l’admission du conjoint violent au programme le plus tôt possible après l’arrestation pour un incident avec violence;
  • des liens étroits avec les services de probation et le tribunal pour assurer un suivi continu du conjoint violent, pour réagir rapidement aux manquements éventuels, et pour fournir des renseignements à jour sur la participation du conjoint violent au programme d’intervention en rapport avec l’imputabilité du conjoint violent;
  • l’établissement de mécanismes de suivi et d’évaluation pour examiner l’incidence des programmes sur les conjoints violents et pour s’attaquer au problème du taux d’abandon élevée (y compris les sanctions importantes en cas de non-conformité);
  • la définition uniforme et acceptée de « réussite ».

Évaluation du risque

15. Il est recommandé de reconnaître l’importance des outils d’évaluation du risque, dûment validés, pour aider à la prise de décision aux diverses étapes du système de justice. Il est aussi recommandé que les gouvernements examinent plus à fond les outils d’évaluation du risque et prennent des précautions nécessaires lorsqu’ils donnent des directives concernant une intervention fondée sur les résultats découlant de leur utilisation. Les limites liées à leur utilisation devraient être exposées au cours de toute formation offerte.

Mécanismes de suivi et d’évaluation

16. Il est recommandé que les gouvernements élaborent et améliorent les mécanismes d’imputabilité pour faire le suivi de la performance du système de justice lors d’une intervention dans les cas de violence familiale et pour appuyer toute décision judicieuse des cadres supérieurs et mesurer les répercussions des nouvelles initiatives. Il est recommandé que les gouvernements appuient l’élaboration de systèmes d’information, basés sur la cueillette d’indicateurs de performance clés communs, et ce, afin de permettre l’évaluation de la performance du système de justice. L’élaboration de méthodologies communes servant à examiner les programmes est également recommandée (par exemple lors de l’évaluation des programmes d’intervention destinés aux conjoints violents) afin de faciliter l’échange et l’avancement des connaissances.

Parmi les éléments d’une intervention efficace, il faut noter :

  • l’utilisation, dans tous les systèmes de collecte de données, d’un « indicateur » de violence familiale (par exemple un moyen d’identifier un cas comme étant un cas de violence conjugale);
  • la définition et la collecte d’indicateurs de rendement clés du système de justice pénale (le taux d’accusation et d’arrestation, le taux d’abandon, le taux de condamnation, les dispositions, la durée du traitement et de la supervision des délinquants, le respect des conditions par les délinquants, les accusations en cas de manquement, le taux de récidive, etc.) pour faire des comparaisons au sein d’un gouvernement et entre tous les gouvernements;
  • la capacité de produire des rapports de gestion sur le rendement du système de justice (produits dérivés des systèmes opérationnels) dans le but de permettre aux gestionnaires supérieurs de prendre des décisions;
  • l’intégration du système d’information (police, tribunaux, services correctionnels) afin de permettre le suivi d’un cas particulier;
  • l’utilisation de la recherche pour étayer les politiques et les pratiques;
  • la gestion du rendement pour s’assurer que les employés sur le terrain respectent les politiques et les procédures.

Formation

17. Il est recommandé que chaque gouvernement élabore et mette en application un plan pour le développement et la prestation continue d’une formation intersectorielle sur les questions de violence familiale à l’intention du personnel, nouveau ou déjà en place, du système de justice pénale. Cette formation devrait être fondée sur les facteurs essentiels de réussite définis ci-dessous afin d’assurer une intervention efficace en situation de violence familiale. On suggère que les gouvernements partagent les ressources de formation pour éviter le dédoublement des efforts et réduire au maximum le fardeau lié à l’élaboration de matériel didactique. Il faudrait appuyer les travaux de l’Institut national de la magistrature de sorte que les magistrats continuent de recevoir une formation sur la dynamique de la violence faite au conjoint et sur l’incidence de l’intervention du système de justice pénale.

Les pratiques optimales suivantes ont été retenues :

  • l’intégration de la formation sur la violence familiale à la formation préalable à l’entrée en fonction et présentation de séances annuelles de formation supplémentaires pour une mise à jour des renseignements;
  • l’attribution de la coordination de la formation à une personne ou à un groupe donné;
  • un volet qui porte sur la problématique de la violence familiale, les solutions législatives et les options disponibles – autant en droit pénal qu’en droit civil – et les interrelations entre elles; et sur les rôles particuliers importants des intervenants (les études de cas constituent une méthode utile pour « mettre à l’épreuve » la capacité, pour la personne qui apprend, d’appliquer les politiques et les procédures, ainsi que de faire comprendre à tous les « situations concrètes » et les approches à employer);
  • une formation spécialisée à l’intention de la police et des procureurs de la Couronne sur la collecte d’éléments de preuve et sur la poursuite dans les cas de violence familiale;
  • une formation spécialisée portant sur la problématique de la violence conjugale, élaborée à l’intention des intervenants du système correctionnel;
  • la formation d’instructeurs pour qu’ils puissent, à leur tour, former un grand nombre de personnes, et ce, à moindre coût;
  • une formation dispensée localement afin de tirer profit des ressources disponibles dans la collectivité; pour être fructueuse, la formation nécessite une collaboration entre les professionnels de la justice pénale et les représentants de la collectivité pour miser sur le partenariat entre ces deux groupes d’intervenants; en plus de servir à communiquer des renseignements, la formation renforce la capacité de la collectivité et améliore les liens importants entre les intervenants; cette approche contribue à une compréhension commune du problème au choix d’outils d’intervention appropriés, ainsi qu’à l’instauration d’un sens des responsabilités;
  • une formation qui met l’accent sur un partenariat entre les spécialistes de la violence familiale et les personnes que l’on veut former et qui possèdent déjà une connaissance des secteurs et des professions concernés, et ce, afin d’assurer une base solide pour le développement du contenu de formation et de la façon de la dispenser.

Prévention

18. Il est recommandé que les ressources engagées par les gouvernements, les ministères et la collectivité soient affectées à des activités de prévention de grande portée. Une stratégie de prévention efficace doit porter sur toutes les étapes du continuum de la violence familiale et comprendre les éléments suivants :

  • des programmes pour les enfants et les jeunes exposés à la violence familiale ou démontrant un comportement agressif;
  • une formation scolaire en matière de relations saines, d’une part, pour enseigner tant les éléments composant de tels rapports que les comportements acceptables, et non acceptables, aux adolescents et aux adolescentes qui commencent à se fréquenter; et dans les petites classes, d’autre part, pour enseigner les concepts de respect envers les autres et les techniques de résolution de conflits, et élaborer des programmes ainsi que des campagnes de lutte contre la violence, y compris la prévention contre le harcèlement et l’agression sexuels;
  • l’éducation du public pour faire changer les attitudes qui contribuent à perpétuer la violence familiale; pour aider les victimes à discerner un comportement agressif et les informer de l’aide disponible; et pour encourager l’intervention individuelle et communautaire;
  • des mesures précoces pour intervenir rapidement dans les relations agressives, avant qu’elles ne prennent de l’ampleur, et pour éviter tout autre danger;
  • des programmes qui permettent au conjoint violent de se pencher sur leur comportement violent afin d’éviter qu’ils ne fassent mal à d’autres personnes.

Résumé

Une stratégie efficace pour intervenir dans les cas de violence familiale

Les éléments d’une intervention efficace auprès des familles victimes de violence familiale sont les mêmes, peu importe l’initiative particulière qui est adoptée ou l’accent qui est mis lors de l’intervention :

  • des buts et des objectifs communs (assurer, par exemple, la sécurité de la victime et tenir le délinquant responsable de ses actes) pour tous les intervenants des diverses disciplines;
  • un cadre procédural solide accompagné de protocoles clairs, concernant l’intervention et l’échange de renseignements pour chaque composante, secteur et discipline;
  • l’engagement à la coordination, à la collaboration et à la coopération de la part de tous les partenaires;
  • une formation qui met l’accent sur les rôles particuliers et les responsabilités individuelles et sur les liens avec d’autres composantes;
  • des politiques uniformes qui soulignent l’engagement pris envers les objectifs visés à tous les niveaux de l’organisation;
  • des ressources adéquates pour la prestation des services;
  • des mécanismes d’imputabilité (pour les délinquants, le personnel du système de justice et les professionnels d’autres systèmes et disciplines).

Une stratégie complète et coordonnée, au sein de chaque gouvernement, est nécessaire pour s’attaquer au problème de la violence familiale et aux facteurs qui y contribuent. Cette stratégie doit être assurée dans tous les secteurs de politiques (sociale, judiciaire, éducatif et de la santé) et à tous les niveaux au sein de chaque gouvernement : au niveau provincial (pour élaborer un cadre stratégique); au niveau communautaire (pour coordonner les services et déterminer les besoins, les lacunes et les solutions); niveau individuel (pour offrir des mécanismes de gestion de cas et de consultation efficaces). Les ingrédients essentiels d’une stratégie efficace pour s’attaquer à la violence familiale sont : des ressources, un bon leadership, une excellente coordination, l’engagement et le soutien des gestionnaires supérieurs dans la mise en œuvre de ces initiatives et un cadre de responsabilité basé sur l’engagement envers une vision à long terme.

SECTION VI : DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE

1) MANDAT DU GROUPE DE TRAVAIL SPÉCIAL

Les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice, au cours de leur rencontre de septembre 2000, ont jugé nécessaire de renforcer la réponse du système de justice pénale dans les cas de violence entre conjoints. Ils ont décidé de former un groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial ayant pour mission d’analyser la mise en place et la situation de l’inculpation obligatoire et des politiques en matière de poursuite dans les cas de violence entre conjoints et de faire rapport aux ministres d’ici un an. Les ministres souhaitent aussi que des fonctionnaires examinent les propositions législatives faites par différentes administrations concernant entre autres les sanctions pour violation d’ordonnance de non-communication, les révisions des dispositions sur le cautionnement et l’inversion du fardeau de la preuve dans les enquêtes de cautionnement.

Il a été convenu à la rencontre d’octobre 2000 du Comité fédéral-provincal-territorial de coordination des hauts fonctionnaires (CCHF – Justice pénale) que le Groupe de travail spécial examinerait les propositions législatives.

Mandat

Le Groupe de travail spécial sera chargé :

D’examiner les politiques de 1983 sur les accusations et les poursuites en matière de violence conjugale émises par le ministre de la Justice et le Solliciteur général et d’autres politiques semblables émises par des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que de faire rapport sur les points suivants :

  • l’état actuel des politiques et leur application dans toutes les provinces et tous les territoires;
  • l’effet des politiques sur l’efficacité de la réponse du système de justice pénale dans les cas de violence entre conjoints;
  • toute recommandation d’options ou de mesures qui permettraient de renforcer les politiques et d’appuyer les programmes.

D’examiner les propositions législatives de modifications du Code criminel portant notamment sur les sanctions pour violation d’ordonnance de non-communication, les révisions des dispositions sur le cautionnement et l’inversion du fardeau de la preuve dans les enquêtes de cautionnement.

De faire un rapport sur les conclusions et les recommandations aux ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice d’ici un an.

Dans le cadre de ses travaux, le Groupe de travail spécial consultera les groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux ayant des champs de spécialité connexes, notamment ceux dont les travaux portent sur la procédure pénale, sur les victimes et sur la diversité, l’égalité et la justice. Son rapport final sera soumis aux ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux par l’intermédiaire du CCHF et des sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice.

2) DIRECTIVES FÉDÉRALES DE 1983 À LA POLICE ET AUX PROCUREURS DE LA COURONNE

Gouvernement du Canada

communiqué

Le 21 décembre 1983

LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL PRENNENT DES MESURES CONTRE LA VIOLENCE ENTRE CONJOINTS

OTTAWA, le 21 décembre 1983 -- Le ministre de la Justice Mark MacGuigan et le solliciteur général Bob Kaplan ont annoncé aujourd’hui que des directives ont été données à l’intention de la Gendarmerie Royale du Canada et des procureurs de la Couronne chargés des enquêtes et des poursuites dans les cas de violence entre conjoints au Yukon et dans les territoires du Nord-Ouest.

La violence entre conjoints constitue un problème sérieux au Canada. Selon le Rapport sur la violence contre les femmes du Conseil consultatif canadien de la situation de la femme, une canadienne sur dix est battue par son mari ou par son compagnon, et environ 20 % des personnes assassinées sont des femmes tuées par leur époux.

Bien que toute agression constitue une infraction au Code criminel, les actes de violence entre conjoints ont été généralement considérés par le système de justice pénale, y compris par certains procureurs et par certaines personnes chargées du respect de la loi, comme un problème familial plutôt que comme un crime. Conséquemment, de nombreuses accusations de violence entre époux n’ont pas fait l’objet d’enquêtes ni de poursuites adéquates, en dépit de l’existence de preuves suffisantes.

« Ces directives visent à assurer que dans les territoires, la violence entre conjoints sera traitée comme n’importe quel autre crime violent, » a dit M. MacGuigan. « Les femmes doivent jouir de l’entière protection de la loi pour que cesse la violence exercée au sein des familles canadiennes », a-t-il ajouté.

M. Kaplan a déclaré : « Bien que ces directives s’appliquent seulement aux Territoires elles reflètent la politique de la GRC en matière d’application de la loi sanctionnant la violence entre conjoints. L’adoption de cette politique se veut une réponse aux inquiétudes du public au sujet des femmes maltraitées; elle comprend une formation spécialisée de la GRC pour déposer une plainte dans les cas de violence entre conjoints. J’espère que notre politique sera adoptée par les autres juridictions canadiennes.

Les directives exigent qu’un agent de police enquête immédiatement et à fond sur les plaintes de violence entre époux. S’il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu’une agression a été commise, l’agent enquêteur doit déposer une plainte au criminel. De la même façon, après déposition d’une plainte, le procureur de la Couronne commencera toujours la poursuite, sauf dans des cas exceptionnels. Conséquence importante de ces dispositions; il n’appartient plus au conjoint de porter plainte; il n’a donc plus à craindre d’être blâmé à cet égard, ni de subir des représailles.

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Ref. : Bill Corbett (English version is available)
(613) 593 4972

pièce jointe

DIRECTIVES RECOMMANDÉES AUX AGENTS DE POLICE VOIES DE FAIT ENTRE CONJOINTS

Les présentes directives visent à exiger la tenue d’une enquête complète dans les cas de voies de fait entre conjoints en vue d’une éventuelle poursuite et la prise de mesures en vue de protéger et d’aider les victimes. Le but recherché est d’enlever à la victime la décision d’intenter ou non des poursuites.

ENQUÊTE ET ARRESTATION

1. Toute plainte portant sur un acte de violence commis dans un endroit privé par une personne sur son conjoint devrait être suivie sans délai d’une enquête complète en vue d’intenter des poursuites devant les tribunaux, que le conjoint qui a été victime désire ou non porter plainte. Un des premiers objets de l’enquête devrait être de protéger et d’aider les victimes.

2. Les agents de paix devraient être au courant des ressources communautaires disponibles du milieu tels que les lieux de maison d’hébergement, l’aide juridique, les services de conseil et les services du bien-être social, afin de les communiquer aux victimes et aider ces dernières à se mettre en contact avec ces ressources.

3. Lorsque l’enquête indique qu’il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu’un acte criminel grave a été commis au cours d’une querelle de ménage, l’enquêteur doit arrêter le suspect sauf si, comme l’énonce l’alinéa 450(2)d) du Code criminel, il a des motifs raisonnables de croire que l’intérêt public, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de la nécessité d’identifier le suspect, de recueillir et de conserver la preuve, ou d’empêcher que l’infraction ne se poursuive ou ne se répète, peut être sauvegardé (sans arrêter le suspect). Les accusations les plus susceptibles d’être portées dans ce contexte sont les suivantes : voies de fait simples (article 245), voies de fait avec une arme ou infliction de lésions corporelles (article 245.1), voies de fait graves (articles 246.1, 246.2 et 246.3), et infractions concernant les armes offensives (articles 83 à 89). Si l’arrestation est jugée nécessaire, le suspect doit être détenu sous garde jusqu’à la fin de l’enquête et jusqu’à ce que des conditions de mise en liberté appropriées soient déterminées, le tout sous réserve de l’article 454 du Code criminel, qui exige que le suspect soit conduit devant un juge de paix dans un délai de vingt-quatre heures.

ASSERMENTATION DES ACCUSATIONS

4. Lorsque l’enquête permet de conclure que des voies de fait sur le conjoint ont été commises l’enquêteur doit porter des accusations, un subpoena doit être signifié à la victime et que le procès ait lieu le plus rapidement possible, le dossier complet doit être fourni au procureur de la Couronne et la cause doit être portée au rôle pour qu’il y ait comparution le plus tôt possible. Cette directive doit être considérée obligatoire et appliquée sans tenir compte des volontés de la victime.

MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE PAR VOIE JUDICIAIRE

5. L’enquêteur doit, pendant l’enquête, déterminer les conditions de l’ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire qui seraient appropriées pour protéger la victime, par exemple, un ordre de s’abstenir de communiquer avec la victime aux termes de l’alinéa 457(4)d), du Code criminel. Lorsqu’aucune condition n’est jugée nécessaire et qu’il y a arrestation, l’enquêteur doit conduire l’accusé devant un juge de paix pour qu’il puisse être libéré conformément aux articles 454 et 457 du Code criminel. Lorsque des conditions sont jugées nécessaires, ou que la mise en liberté est contestée, un rapport sur la demande de cautionnement doit être préparé à l’intention du procureur de la Couronne, l’accusé doit être conduit devant un juge de paix dans un délai de vingt-quatre heures aux termes de l’article 454 du Code criminel, et il doit être détenu pour enquête sur cautionnement en vertu du paragraphe 457(1). Une copie des conditions de la mise en liberté provisoire doit être fournie à la victime lorsqu’elles renferment des dispositions qui visent à la protéger. Si la victime déménage, le poste de police le plus rapproché doit être informé de l’ordonnance de mise en liberté ainsi que des conditions qui y sont énoncées pour la protection de la victime.

6. Toute violation des conditions du cautionnement doit entraîner l’arrestation aux termes du paragraphe 458(2) et une révision du cautionnement aux termes des paragraphes 458(3) et (4).

ENGAGEMENT DE NE PAS TROUBLER L’ORDRE PUBLIC

7. La procédure concernant l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, énoncée aux articles 745 et 746 du Code criminel, ne doit pas être considérée comme une solution de rechange, ni recommandée dans les cas de voies de fait entre conjoints.

DIRECTIVES RECOMMANDÉES AUX PROCUREURS DE LA COURONNE VOIES DE FAIT ENTRE CONJOINTS

Les présentes directives ont pour objet d’exiger que des poursuites soient intentées dans les cas de voies de fait entre conjoints lorsque la preuve est suffisante et de fournir un appui à la victime tout au long du processus judiciaire.

RÉVISION D’UN DOSSIER POUR LA MISE EN LIBERTÉ

1. Sur réception d’un dossier judiciaire dans une affaire de voies de fait entre conjoints, le procureur doit examiner ce dossier pour s’assurer qu’il est complet, vérifier si l’accusation a été assermentée par l’enquêteur, et rencontrer ce dernier pour préciser les conditions du cautionnement qui assureront le maximum de protection à la victime. Il doit voir à ce que l’affaire soit expédiée sans délai inutile. À l’enquête sur cautionnement, le procureur de la Couronne doit insister auprès du tribunal pour qu’il impose des conditions qui pourront assurer la protection de la victime; la Couronne doit s’opposer au cautionnement lorsque les circonstances l’exigent.

PRÉPARATION DES TÉMOINS

2. Une fois que le dossier judiciaire a été examiné avec l’enquêteur, le procureur doit rencontrer la victime afin de déterminer sa crédibilité en tant que témoin, de lui expliquer la politique de poursuite, ce qu’on attend d’un témoin à la cour, et de l’encourager à témoigner pour la Couronne. Il doit également s’assurer que la victime est en contact avec les services communautaires disponibles et qu’elle est au courant des conditions éventuelles du cautionnement.

ARRÊT DES PROCÉDURES

3. Après avoir examiné le dossier complet avec l’enquêteur et interrogé la victime, le procureur peut conclure que l’affaire ne justifie pas de poursuites; il peut les suspendre ou retirer l’accusation. Cette décision ne doit pas être prise sans consultation préalable avec le directeur régional et, soit l’avocat général de la Section des poursuites pénales, soit le sous-procureur général adjoint (droit pénal), à Ottawa. La décision doit tenir compte de tout antécédent de voies de fait, de la sécurité de la victime et des autres membres de la famille aussi que de toute menace d’intimidation. L’abandon d’une procédure par défaut de poursuite ne doit être envisagée que dans des cas exceptionnels; elle doit avoir lieu à l’initiative de la Couronne et non de la victime.

SENTENCE

4. Lorsque l’accusé est condamné, le procureur de la Couronne doit recommander la même sentence que s’il ne s’agissait pas d’une affaire entre conjoints. Lorsque la sentence imposée n’est pas adéquate, appel sera interjeté contre la sentence. Dans ses représentations sur sentence, le procureur doit traiter les cas de voies de fait entre conjoints comme les cas de voies de fait portées contre une victime sans défense.

RAPPORT ANNUEL

5. Un rapport annuel résumant les cas de voies de fait entre conjoints qui ont donné lieu à des poursuites, ainsi que leurs résultats, sera établi par le bureau du directeur régional et transmis à l’avocat général de la Section des poursuites pénales à la date anniversaire de la mise en œuvre des présentes directives.

3) APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT

Politique / Programme

Terre-Neuve-et-Labrador

Île-du-Prince-Édouard

Nouvelle-Écosse

1. Formation

- Programme de formation pour la sensibilisation à la violence mis à l’essai auprès du personnel dans quatre ministères clés et des organismes communautaires et recourant à un modèle de formation de formateurs. Des comités régionaux de coordination de la formation continue sont constitués aux fins d’organiser et de dispenser les sessions; 116 facilitateurs ont reçu une formation à l’échelle de la province; on a mis au point et fait imprimer un guide des facilitateurs, un guide des participants et des présentations sur PowerPoint

- formation dispensée relativement à la mise en œuvre de la Family Violence Act (1996) (formation de formateurs, avec des policiers, les services aux victimes et l’équipe de la maison de transition)

- par suite de l’évaluation de la Loi, les services aux victimes ont mis au point une nouvelle présentation pour la formation des policiers relativement à la Loi

- le coordonnateur en matière de violence familiale dispense le cours de base à l’Académie de police pour les nouvelles recrues – 12 heures de cours sur la violence familiale, la violence envers les enfants, la violence envers les aînés et l’agression sexuelle

- une fois par année, la formation est offerte aux nouveaux agents de police et aux vétérans; elle est dispensée par une équipe comptant un procureur de la Couronne, un représentant des services aux victimes, un coordonnateur en violence familiale et un greffier adjoint; des sessions à l’intention de juges de paix expressément désignés ont lieu environ une fois par année; des sessions d’information sont organisées selon les besoins pour les autres professionnels

- formation continue sur les nouveaux protocoles et les nouvelles politiques concernant la violence faite aux femmes

- formation obligatoire offerte à tout le personnel de la justice relativement à la mise en œuvre du cadre d’action pour contrer la violence familiale de 1996-1997; un programme de formation sera dispensé à tout le personnel de la justice en 2002-2003 en prévision de la mise en œuvre de la Domestic Violence Intervention Act

- pour donner suite au rapport Russell, mise sur pied d’un centre d’apprentis-sage dans le domaine de la justice (partenariat entre le ministère de la Justice et le Community College de la N.-É.) pour dispenser une formation en matière de justice, notamment en violence familiale

 

2. Mécanismes de coordination

- Initiative en matière de prévention de la violence

- Comité ministériel

- comité de coordination provincial

- 6 comités régionaux avec partenariat entre le gouvernement et la collectivité

- les protocoles relatifs à la violence familiale prévoient des mesures de coordination visant les services aux victimes, les services de probation et les centres correctionnels

- les plans stratégiques provinciaux en matière sociale et de justice requièrent de la coordination, en tant que principe sous-jacent des politiques et programmes futurs

- Le programme des agents de liaison en matière de violence appliqué dans les centres correctionnels permet un accès à l’information coordonné pour les victimes

- Le mandat du comité d’action sur la violence familiale du premier ministre vient d’être renouvelé pour une période de 5 ans

- 5 comités regroupant divers fournisseurs de services dans 5 régions coordonnent les services à l’échelle locale; des travailleurs sur le terrain offrent leurs services dans 4 régions par l’entremise de la Transition House Association

- l’initiative sur la prévention de la violence familiale (comité comptant des représentants du gouvernement et de la collectivité) a dissous en 2000 le comité réunissant 5 ministères présidé par le ministère des Services communautaires

- certains ministères (dont la Justice) ont conservé des comités de la violence familiale

- certaines collectivités ont conservé des comités interorganismes sur la violence familiale (17 à l’origine) pour assurer la coordination des services et de l’éducation du public

- constitution en 2002 du comité de leadership des sous-ministres

- mise sur pied à l’échelle de la province d’un programme de coordination des cas de violence familiale à l’intention des policiers en vue d’accroître la capacité de la police de coordonner la gestion des dossiers (détermination des situations à risques élevés, échange d’information et renvois)

3. Services de soutien

3.1 Services aux victimes

 

- La Newfoundland and Labador Housing Corporation a une politique d’accès en priorité pour les victimes de violence familiale

- programme du ministère de la Justice

- fondé sur un système

- du personnel professionnel dans 10 bureaux régionaux et 1 bureau provincial

- on dispense notamment des services d’information, de préparation en vue du procès, de counseling, d’aiguillage, de suivi et liés aux programmes visant les déclarations des victimes, le fonds d’action juridique pour les victimes et les services professionnels de counseling

- services disponibles pour les personnes âgées de 16 ans et plus

- les Services aux victimes du Cabinet du procureur général exercent leurs activités dans toute la province et offrent de l’assistance à toutes les étapes du processus de justice pénale. On dispense notamment des services d’information et d’aiguillage, de counseling à court terme, de VIS, d’indemnisation, de préparation et soutien en vue du procès et d’assistance en vertu de la Victims of Family Violence Act

- Division des services aux victimes du ministère de la Justice

- bénévoles de la GRC

- Services régionaux d’aide aux victimes de la police d’Halifax (suivi du lendemain / dans les 24 heures après qu’on a fait appel à la police pour un différend familial); police de Bridgewater (volet de services d’aide aux victimes); police régionale de Cape Breton (équipe d’intervention d’urgence pour la violence familiale)

 

3.2 Maisons d’héberge-ment

 

- 8 maisons de transition

- 8 centres pour femmes

- 1 centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle (service dispensé à l’échelle de la province)

- 1 association provinciale de lutte contre la violence conjugale (organisme cadre pour les maisons d’hébergement)

- 1 maison de transition

- 4 membres du personnel dispensant dans 5 régions des services d’extension

- 3 foyers d’héberge-ment transitoire (logements individuels; services assurés par un travailleur sur le terrain)

- 9 maisons de transition

- 1 centre micmac de traitements pour la famille (2 sites)

- 5 foyers d’héberge-ment transitoire

- 6 centres pour femmes

- 2 programmes de counseling destinés aux femmes violentées

- 2 centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle

3.3 Programmes pour les enfants exposés à la violence familiale

- counseling offert par les Services de santé et à la collectivité

 

- (aucun programme officiel, sauf ce qui est offert de manière restreinte par les maisons de transition et le programme d’action communautaire pour les enfants, à Kentville)

3.4 Programmes pour conjoints violents

- Traitements dans des établissements :

- niveau I – un groupe d’enseignement dispense de 10 à 12 sessions de 2 à 2,5 heures pour 8 à 10 délinquants, 3 fois par année à St.John’s; la plupart des participants sont incarcérés mais on accepte des délinquants en probation; la plupart participent à la suite d’une recommandation du Tribunal, comme élément d’une peine d’emprison-nement, ou en vertu du pouvoir discrétionnaire de l’agent responsable; formation offerte périodiquement dans d’autres établissements

- niveau II – le traitement vise les délinquants qui ont suivi la formation de niveau I ou une formation comparable au sein de la collectivité; offert uniquement dans un établissement dans la province

- traitement au sein de la collectivité : entente conclue avec la John Howard Society par l’entremise du programme de ressources éducatives; programme pour délinquants faisant l’objet d’une sentence avec ordonnance de probation ou ordonnance de sursis et d’une surveillance; par suite d’une ordonnance; offert dans 2 sites, d’autres sessions étant offertes périodiquement par les services de probation

- un hôpital psychiatrique dans le cas des clients (ne relevant pas de la justice) atteints de troubles mentaux

- 1 programme lié aux services correctionnels dispensé à travers la province selon les besoins (Cabinet du Procureur général, Centre de ressources communautaires en matière de justice, programme Prendre le tournant)

- la plupart participent à la suite d’une ordonnance du tribunal, mais certains le font aussi volontairement

- programmes communautaires financés par le ministère des Services communautaires

- 1 centre micmac de traitements pour la famille (non subventionné)

- 2 groupes reliés aux services de probation

4. Nouvelles initiatives (non juridiques)

- le ministère public lance un projet pilote en vue du traitement accéléré des affaires de violence familiale par le système judiciaire au centre de Terre-Neuve-et-Labrador

- le ministère des Ressources humaines et de l’Emploi adopte toutes les recomman-dations formulées par son comité gouvernement-collectivité qui a analysé les mesures prises par le Ministère à l’endroit des victimes de violence

- la stratégie quinquennale contre la violence a pris fin en mars 2000; une nouvelle initiative de prévention de la violence est mise en œuvre; l’objectif visé est une meilleure intégration au sein des ministères en matière de prévention de la violence, ainsi qu’une meilleure coordination au plan régional avec participation de la collectivité

- cadre stratégique anti-violence élaboré pour quatre ministères clés

- éducation du public (documents / modules concernant les enquêtes dans les écoles et la prévention de la violence; brochures sur les voies de fait)

1. prorogation de la stratégie quinquennale relative à la violence familiale et du comité du premier ministre

2. élaboration d’une stratégie de sensibilisation du public / marketing social;

- Phase 1 – enquête sur les attitudes des citoyens face à la violence

- phase 2 – on cible les professionnels auxquels les gens disent qu’ils s’adresseraient pour obtenir de l’aide; groupes témoins pour évaluer les attitudes et cerner les besoins

3. formation pour les professionnels au fur et à mesure que des protocoles sont élaborés

4. projets – tel que mentionné ci-dessus

5. violence sur les lieux de travail

6. élaboration de politiques / protocoles

7. formation de médecins en ce qui concerne la violence familiale et les outils d’évaluation psychosociale prénatale

- la Domestic Violence Intervention Act adoptée en novembre 2001 – non encore en vigueur – prévoit que peuvent être rendues des ordonnances de protection d’urgence

5. Rapports

- le Women’s Policy Office vient de diffuser l’enquête qu’elle a menée à l’échelle de la province sur les attitudes à l’égard de la violence (mars 2002)

- rapport sur la stratégie quinquennale contre la violence

- étude sur les engagements de ne pas troubler l’ordre public



- Moving Forward : Responding to the Needs of Violence, du ministère des Ressources humaines et de l’Emploi

- étude de suivi de la Victims of Family Violence Act de 1998; évaluation de la Loi (août 2001)

- Family Violence and Justice System Response Report (mars 2000)

- analyse documentaire

- évaluation de la maison de transition et des centres pour les victimes d’agression sexuelle

- rapport sur les mesures prises par la police et sur les enfants exposés à la violence familiale

- outil d’évaluation psychosociale à l’intention des médecins

- Restorative Justice and Women Who Are Victims of Violence (juin 2002)

- rapport Russell, (examen du cadre (2001); enquête Maxwell-George (ministère de la Justice) et examen de cas (ministère des Services communautaires (2000); évaluation du cadre (rapport et annexes, 1997); deux évaluations des services de soutien aux victimes; Family Violence Tracking Project (1995); rapport de la Commission de réforme du droit (1995); Domestic Homicide Review (1995)

6. Cueillette de données

- suréchantillon demandé lors de l’OSG de 1999

- statistiques des Services d’aide aux victimes

- données des services de police et des tribunaux

- reprise dans 5 ans de l’enquête sur les attitudes

- données recueillies sur la Victims of Family Violence Act

- pas de données de suivi police

- certaines données provenant des tribunaux

- rapports statistiques des Services d’aide aux victimes

 

- vérifications internes par la police

- certaines données des tribunaux et des services correctionnels sur JOIS; examen périodique – pas actuellement de suivi de cas individuels ni de rapport annuel

- on prévoit créer un système de collecte de données pour suivre les ordonnances d’intervention d’urgence (Domestic Violence Intervention Act)

APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT

Politique / programme

Sask.

Alberta

Colombie-Britannique

1. Formation

- la formation est dispensée aux policiers au Saskatchewan Police College et à la GRC. Il y a notamment des cours sur la dynamique de la violence familiale et l’applicabilité des lois provinciales et fédérales lors d’actions prises dans des situations de violence familiale

- en 1995, de l’information et de la formation préparatoire sur la Victims of Domestic Violence Actet sur la violence familiale ont été dispensés à l’intention des policiers, des tribunaux, des juges de paix, des coordonnateurs des services aux victimes et des représentants d’organismes communautaires travaillant dans le domaine de la violence familiale

- en 2001-2002, une formation sur les mesures prises par le système judiciaire pour contrer la violence familiale a été dispensée à travers la province à l’intention des policiers et du personnel des organismes subventionnés et des organisations communautaires connexes qui travaillent dans le domaine de la violence familiale [31 sessions multi-disciplinaires dans 20 collectivités (avril 2002)]; on déterminera quels participants aux sessions pourront être des formateurs à l’avenir et on leur communiquera d’autres renseignements et modes de pratique

- un module sur la violence familiale est inclus dans le guide de formation des bénévoles des services d’aide aux victimes, dont se servent les coordonnateurs des services d’aide reliés à la police dans le cadre du programme de formation des bénévoles

Protection Against Family Violence Act (1999)

- Police : approche de formation de formateurs d’abord utilisée avant l’adoption de la Loi, un formateur étant désigné pour chaque service de police (GRC, municipal, des Premières Nations); formation de 3 jours dispensée par une équipe OPFV, de policiers et de procureurs de la Couronne; une vidéo et un guide sont remis à chaque agent/formateur; formation centralisée suivie d’une formation annuelle à l’échelon local sous la coordination de la Justice et des Services à l’enfance

- l’Office for the Prevention of Family Violence (OPFV) offre une formation – une demi-journée de cours sur la violence familiale et la Loi et une demi-journée concernant la planification communautaire en vue de susciter des partenariats

Formation relative à la violence familiale

- formation annuelle au Justice College offert par le ministère de la Justice qui met à contribution des procureurs de la Couronne, des policiers et des représentants des services correctionnels et de l’association provinciale des services d’aide aux victimes

- formation approfondie dispensée comportant une introduction à la politique VAWIR, de concert avec des policiers, des procureurs de la Couronne et des agents des services d’aide aux victimes

- la GRC dispense maintenant à chaque agent une formation sur la violence entre partenaires et la politique sur le harcèlement criminel

- programme de formation offert aux procureurs de la Couronne

- formation sur des techniques avancées d’interrogatoire et d’enquête offerte aux agents de police, aux employés de la Couronne et aux travailleurs des services d’aide aux victimes

- formation sur le harcèlement criminel pour tout le personnel du système de justice

- formation sur la planification de la sécurité et l’utilisation de la technologie des téléphones cellulaires offerte aux agents de police et aux travailleurs des services d’aide aux victimes

- élaboration d’un nouveau programme de formation visant l’évaluation des risques pour la sécurité des victimes offert aux agents de police et aux travailleurs des services d’aide aux victimes

- tout le personnel du soutien administratif de la Couronne a reçu une formation sur les procédures relatives à la Victims of Crime Act

-formation destinée aux répondants de première ligne

2. Mécanismes de coordination

- le comité interministériel sur la violence familiale est constitué de représentants de 8 ministères; le comité favorise une réaction intégrée du gouvernement face au problème de la violence familiale

- Saskatchewan Towards Offering Partnership Solutions to Violence Inc. (STOPS to Violence) est un partenariat d’organismes communautaires, d’individus et de ministères provinciaux qui œuvrent en vue d’éliminer la violence dans les relations intimes et qui favorisent la constitution de partenariats à l’échelon local; il existe des comités de partenariat local dans 8 collectivités; il y a des réunions régulières entre STOPS to Violence et le comité interministériel sur la violence familiale

- le comité interne sur la violence familiale du ministère de la Justice compte dans ses rangs des représentants des services chargés de l’application de la loi, des tribunaux, du service des poursuites, des services d’aide aux victimes, des services communautaires et des secteurs des politiques, de la planification et de l’évaluation; il se réunit régulièrement pour discuter de questions reliées à la justice dans le domaine de la violence familiale

- comité interministériel sur la violence familiale

- comités interorga-nisationnels locaux

- les décisions concernant le financement et la gamme des services régionaux incombent aux services régionaux

- au sein de la Justice, il existe des comités de coordination pour les procureurs de la Couronne et les policiers

- il existe 50 comités de coordination communautaire qui ne sont pas financés

- un manuel sur la coordination communautaire est disponible

3. Services de soutien

3.1 Services d’aide aux victimes

- 17 programmes de services d’aide aux victimes reliés à la police (GRC, services de police municipaux) sont disponibles pour répondre aux besoins des victimes d’actes criminels et d’événements traumatisants; chaque programme dispose d’un coordonnateur et de divers travailleurs de soutien bénévoles

- 8 agents des ressources autochtones sont assignés à 5 programmes de services d’aide aux victimes reliés à la police; ils voient à satisfaire les besoins des victimes autochtones

- 3 centres urbains disposent de coordonnateurs pour les victimes et témoins qui travaillent en étroite collaboration avec les tribunaux

- 6 centres pour les victimes d’agression sexuelle et 8 programmes d’extension des services sont financés par le ministère des Services sociaux de la Saskatchewan

- 8 programmes de lutte contre la violence familiale destinés aux Autochtones, financés par le ministère de la Justice de la Saskatchewan, offrent des programmes holistiques à l’intention des victimes, des délinquants et de leur famille, selon les besoins de la collectivité; les programmes sont offerts par des organismes communautaires qui recourent à des fournisseurs de services autochtones

- la plupart des services sont assurés par la police et coordonnés au sein du ministère de la Justice par le Programme des services d’aide aux victimes

- financement assuré par la Division des services d’aide aux victimes

- 91 organismes de services d’aide aux victimes gérés par les services de police desservant 113 services de police d’ici la fin de l’exercice

- il y aura 62 programmes de services d’aide aux victimes pour les hommes et les Autochtones qui ont été victimes de crime d’ici la fin de l’exercice; ces programmes offriront aussi des services aux victimes d’agression sexuelle

- coordination de l’ensemble à l’échelon local au moyen de protocoles

3.2 Maisons d’héberge-ment

- 13 maisons d’héberge-ment (10 financées par le ministère des Services sociaux de la Saskatchewan) et 2 foyers d’héberge-ment transitoire sont disponibles pour les femmes et les enfants

- 27 maisons d’héberge-ment et centres ruraux de prévention de la violence familiale et 2 projets de foyers d’héberge-ment transitoire

- 86 maisons de transition; 16 programmes de placement en famille d’héberge-ment (milieux sûrs); 9 programmes d’héberge-ment transitoire

- 37 centres pour femmes (financement prenant fin le 31 mars 2004)

3.3 Programmes pour les enfants exposés à la violence familiale

- 4 programmes pour les enfants témoins de violence, dans 3 centres urbains, financés par le ministère de la Justice provincial; chaque programme prévoit des groupes d’éducation familiale

- les districts de santé déterminent quels services ils vont offrir aux enfants exposés à la violence familiale; souvent peu de ressources en santé mentale sont disponibles

- parmi les autres programmes offerts par des organismes communautaires non financés par le gouvernement, un groupe pour enfants dirigé par une maison d’héberge-ment; et un programme d’intervention en matière de violence offert dans les écoles

- par l’intermédiaire uniquement de la Calgary Domestic Violence Court, financement disponible pour les enfants témoins de violence

- counseling de groupe et individuel pour les enfants et les adolescents exposés à la violence familiale, pour ceux qui sont violents ou agressifs à la maison ou à l’école, pour les parents

- soins de relève/garderie d’urgence (pour les enfants jusqu’à l’âge de 8 ans)

- 55 programmes de counseling individuel et de groupe pour les enfants exposés à la violence familiale; soutien aux parents

3.4 Programmes pour conjoints violents

- les Ten Alternatives to Violence Programs for Abusive Men, financés par le ministère de la Santé de la Saskatchewan, offrent un programme en 2 phases d’une durée de 16 semaines; des aides en santé mentale et juridiques facilitent conjointement la plupart des groupes; fort taux d’abandon au départ; environ 50 % des participants ont fait l’objet d’une ordonnance du tribunal et environ 50 % sont des Autochtones; on recourt à des facilitateurs autochtones selon les besoins

- Saskatchewan Corrections and Public Safety offre trois programmes Alternatives to Violence

- de 15 à 20 programmes qui ne sont pas actuellement financés

- proposition faite de financer les programmes de traitement dans le cadre du Treatment Framework à l’échelle de la province, qui établira des critères et des normes; composante d’évaluation; échelonné sur 3 ans

- le personnel des services correctionnels offriront des programme « psycho-éducationnels » sur les relations respectueuses; les personnes qui ont commis des actes de violence conjugale dans la province pourront participer à ces programmes

- les programmes offriront aux délinquants des services de traitement ou de thérapie dans la plupart des centres à l’échelle de la province

4. Nouvelles initiatives (non juridiques)

- STOPS to Violence élabore un modèle de protocole pour les collectivités qui désirent se doter d’une approche communautaire intégrée pour la lutte contre la violence familiale

- Treatment for Abusive Men Framework

- Elder Abuse Action Plan en voie d’élaboration

- Social Marketing mène actuellement sa 13e campagne du mois de la prévention de la violence familiale

- initiative inter-ministérielle relative aux aînés; plan décennal à élaborer

 

5. Rapports

- deux rapports d’évaluation sur la Victim of Domestic Violence Act (1996, 1998) sont disponibles

- une étude est en cours en deux endroits pour faire le suivi d’incidents de violence conjugale, depuis le rapport de police jusqu’au processus judiciaire, et comportant notamment des entrevues de policiers, de procureurs de la Couronne, de coordonnateurs des services d’aide aux victimes et de victimes de violence conjugale

- évaluation de la Protection Against Family Violence Act

- Alberta Justice Spousal Abuse Status Report

 

6. Cueillette de données

- l’absence de la technologie requise à la Cour du Banc de la Reine rend difficiles les recherches sur le recours à des ordonnances, comme les ordonnances d’intervention d’urgence en vertu de la Victims of Domestic Violence Act

- les services de police municipaux et la GRC répertorient de manière non uniforme les incidents de violence familiale

 

- données des tribunaux concernant la Protection Against Family Violence Act

- données de la police transmises à chaque trimestre à la Justice, sur les incidents ayant fait l’objet de mesures ainsi que sur les mesures prises

- Women’s Shelter Information System –restructuration prévue

- les policiers, les tribunaux et les services correctionnels tiennent des statistiques sur les cas de violence conjugale

- surveillance assurée par le directeur des programmes d’opérations juridiques et de justice qui fait des recomman-dations au Service des poursuites et aux comités de gestion régionaux; les comités de coordination locaux font état des problèmes aux procureurs de la Couronne


APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT

Politique / programme

Québec

Ontario Manitoba

1. Formation

- « institut de police » offrant une formation préalable aux policiers sur la violence familiale

- formation de 2 jours sur la problématique de violence conjugale pour les intervenants correctionnels

- cours de formation à tous les 18 mois pour les poursuivants

- formation grâce au lancement dans 2 semaines de la nouvelle (deuxième édition), qui comportera un volet sur la violence familiale

- formation conjointe pour les policiers, les poursuivants et les services de protection de la jeunesse, en matière d’exploitation sexuelle des enfants, sur la base d’une entente multisectorielle

- des comités locaux dispensent la formation

- formation sur la violence faite aux femmes offerte aux juges provinciaux

- formation continue pour appuyer le programme provincial relatif aux tribunaux pour l’instruction des causes de violence familial (maintenant à 22 sites)

- mise au point d’un programme de formation relatif à la Domestic Violence Protection Act

- établissement d’un programme de formation dans le cadre de la nouvelle stratégie relative à la violence familiale à l’intention des policiers, des procureurs de la Couronne, des membres du Programme d’aide aux victimes et aux témoins, des interprètes et des agents de probation

- 2 conférences annuelles destinées aux procureurs de la Couronne avec un volet sur la violence familiale

- formation offerte chaque année aux poursuivants pour le PAVT (2 jours) : cours d’initiation sur la violence familiale offert à tous les nouveaux procureurs de la Couronne

- programme de formation pour les procureurs de la Couronne sur les représentations pendant les audiences relatives au cautionnement (automne 2002)

- le Collège de police de l’Ontario offre une formation en violence familiale (attestée par le ministre) à l’intention des enquêteurs spécialisés, portant notamment sur l’usage de la formule de signalement en matière de violence conjugale

- une formation sera dispensée aux 160 nouveaux agents de probation qui seront embauchés

- formation approfondie donnée relativement à la Loi sur la violence familiale et la protection, la prévention et l’indemnisation en matière de harcèlement criminel (1999)

- formation obligatoire d’une journée sur la violence familiale dispensée à tous les policiers de Winnipeg; 60 policiers par session; formation des recrues

- formation continue pour les procureurs de la Couronne

- formation continue pour la GRC

2. Mécanismes de coordination

- le Comité interministériel de coordination en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle établit les politiques gouvernemen-tales en matière de violence conjugale et d’agression sexuelle

- des comités locaux de coordination assurent la coordination des services et initiatives à l’échelon local (protocoles en vue de coordonner les actions des comités locaux)

- le Comité interministériel procède au suivi de la politique


- tables de concertation intersectorielles

- 2 comités interministériels au niveau des SMA et des politiques et programmes coordonnent et mettent en œuvre la Stratégie judiciaire de lutte contre la violence familiale (exclusivement axée sur la violence conjugale)

- création de la Division des services d’aide aux victimes (ministère du Procureur général) au sein des ministères responsables de la justice pour intégrer et coordonner la prestation de services d’aide aux victimes d’actes criminels

- deux comités interministériels au niveau des SMA et des politiques et programmes coordonnent les initiatives de prévention de la violence contre les femmes, sous la supervision de la Direction générale de la condition féminine de l’Ontario

- le Comité mixte interministériel de la violence familiale (mandat à court terme) présidé par le juge Baldwin doit élaborer un plan quinquennal de mise en œuvre

- Équipes locales d’évaluation de la violence au foyer (examen de cas en matière de probation), comités locaux de coordination en matière de violence familiale et comités consultatifs des tribunaux pour l’instruction des causes de violence conjugale

- subventions à la coordination communautaire offrant l’aide provinciale aux mécanismes locaux de coordination

- comité interministériel – groupe de travail de fonctionnaires

3. Services de soutien

3.1 Services d’aide aux victimes

- des centres d’aide aux victimes d’actes criminels (« CAVAC ») des Services aux victimes du ministère de la Justice dans 11 sites à travers la province; on offre des services de soutien tout au long du processus judiciaire

- des maisons de transition sont disponibles pour les victimes

- transmission de renseignements précis par les intervenants correctionnels aux victimes de violence conjugale

- code de repérage des dossiers de violence conjugale principalement afin d’identifier les dossiers où des victimes doivent être avisées rapidement

- nouvelle Division intégrée de services d’aide aux victimes (ministère du Procureur général) pour les ministères responsables de la Justice

- Programme d’aide aux victimes et aux témoins (maintenant offert dans 42 sites; on prévoit offrir ce programme dans 54 sites)

- Services d’orientation et d’aide immédiate aux victimes dans certains sites et organisations bénévoles

- services d’aide aux victimes assurés par la police dans certaines grandes villes

- le ministère de la Justice offre une gamme complète de services aux victimes de violence autre que familiale; on indemnise toutes les victimes d’actes criminels

- se reporter au Programme de défense des femmes

- coordination, en voie d’élaboration, des services d’aide aux victimes

3.2 Maisons d’héberge-ment

- environ 90 maisons d’héberge-ment et de transition

- 99 maisons d’héberge-ment

- aucune résidence « protégée »

- 8 maisons d’héberge-ment pour Autochtones

- environ 100 programmes de counseling (individuel et de groupe) destinés aux femmes victimes de violence

- environ 119 agents de soutien transitoire aux victimes dans la province entière

- 10 maisons d’héberge-ment

- 8 centres de ressources pour les femmes

- 4 foyers d’héberge-ment provisoire

Programmes de soutien en milieu urbain :

- service de counseling pour immigrantes

- services de clinique de santé communautaire à l’intention des victimes, des enfants et des agresseurs

- Ma Ma Wi Chi Itata – centre de services multiples; assuré par les services sociaux; finance le programme de counseling en relation avec la violence conjugale

- Native Women’s Transition Centre – centre de services en établissement à long terme

- Laurel Centre – femmes ayant des mécanismes d’adaptation malsains ou des dépendances par suite d’agression sexuelle dans l’enfance

- centre de santé communautaire  – unité de counseling en matière de violence familiale

- 3 services de visites surveillées pour les familles avec des antécédents de violence

- financement par contrat privé pour les personnes travaillant auprès d’hommes violents à l’extérieur de Winnipeg

- Centre manitobain des ressources pour hommes – services d’information, d’aiguillage, de counseling pour hommes adultes abusés sexuellement

- services de counseling pour couples (strict protocole de sélection, composante de recherche)

3.3 Programmes pour les enfants exposés à la violence familiale

- Les Services à l’enfance étudient cette question en vue de cerner quand les enfants sont mêlés à des situations de violence familiale; un projet mettant à contribution la Santé et les Services sociaux et la Justice est en cours

- environ 131 groupes de soutien dans le cadre du Programme d’intervention précoce à l’intention des enfants exposés à la violence familiale, selon un modèle concomitant : des groupes pour enfants de 4 à 16 ans et des groupes distincts pour mères sur des questions concernant les enfants et le rôle parental

- programme de counseling à court et à long termes pour les enfants

- centres de visites supervisées pour les familles où les enfants ont été exposés à la violence familiale

3.4 Programmes pour conjoints violents

- certains programmes existent – programme GAPI, traitements ordonnés par le tribunal comme condition de l’ordonnance de probation

- Les programmes visant à contrer les voies de fait à l’égard d’un conjoint sont financés par le ministère du Procureur général dans 25 ressorts (35 programmes offerts au total)

- tous les programmes ont une composante de partenariat (maintenant la Division des services d’aide aux victimes financée par le ministère du Procureur général)

- D’ici mars 2004, on prévoit mettre sur pied des programmes visant à contrer les voies de fait à l’égard d’un conjoint pour les 54 ressorts

- durée d’un minimum de 16 semaines, counseling de groupe

- ordonné par le tribunal; pas de programmes financés pour les participants volontaires, qui peuvent être acceptés selon un régime de rémunération des services

- programme provincial Partner Abuse Short Term (PAST) offert par l’entremise de 7 bureaux de probation et 6 établissements (12 modules de 2 heures offerts selon différentes modalités – le jour, le soir, le week-end); donné en sous-traitance; politique de tolérance zéro – violation en cas de retard à une session

- programme à long terme par l’entremise de l’unité de la violence familiale de Headingley (établissement correctionnel provincial) à l’intention spécifiquement des auteurs de violence conjugale

- projet pilote à long terme (suite à une recommandation du rapport Lavoie) et plan pour l’étendre à l’échelle de la province s’il y a des ressources

4. Nouvelles initiatives (non juridiques)

- Confidentialité  – loi sanctionnée au printemps 2001, permet de communiquer des renseignements lorsqu’il y a violence ou menace de violence

- campagne de sensibilisation du public

- on a mis l’accent pendant trois ans sur une question concernant notamment
1) la violence conjugale/dans les fréquentations
2) les agressions sexuelles

- les Services correctionnels du Québec offrent le Service d’évaluation pour la mise en liberté provisoire des conjoints violents

- les Services correctionnels du Québec comptent implanter la Loi sur le système correctionnel du Québec qui comporte des articles portant spécifiquement sur la violence conjugale

- les Services correctionnels du Québec vérifient la cohérence des conditions imposées au conjoint violent aux différentes étapes du processus judiciaire et correctionnel
- 5 millions de dollars en 2002-2003 pour que les maisons d’héberge-ment pour les femmes victimes de violence soient davantage sûres, sécuritaires et accessibles

- Programme d’intervention précoce à l’intention des enfants exposés à la violence familiale

- Programme d’appui transitoire

- projet pilote, basé dans les hôpitaux, de lutte contre la violence familiale (10 sites); dépistage de la violence familiale dans les hôpitaux et les salles d’urgence

- projet pilote – rapport d’activités à l’intention de la communauté (4 sites pilotes)

- ligne ouverte, pour toute la province, à l’intention des femmes victimes de violence; services en ligne améliorés en situation de crise à l’intention des francophones

- Entente-type conjointe de collaboration entre la Société d’aide à l’enfance et la lutte contre la violence faite aux femmes, et formation
- accroître le nombre de maisons d’héberge-ment pour Autochtones

-centre de ressources pour hommes

- centres de visites supervisées pour les familles touchées par la violence

- régime d’avantages sociaux et de retraite pour tout le personnel des services faisant l’objet d’un financement

- services de counseling pour couples

- campagne continue de sensibilisation du public (novembre est le mois de la prévention de la violence familiale)

5. Rapports

- enquête du coroner sur un meurtre-suicide; les conclusions de Gaumont-Lirette ont conduit à l’adoption d’une nouvelle loi plus libérale pour ce qui est de la communication de renseignements, pour s’assurer que les professionnels puissent faire part d’une situation dont ils ont connaissance et où une vie est en danger

 

- Enquête du coroner sur le meurtre d’Arlene May et le suicide de Randy Iles (213 recomman-dations)

- Rapport du juge Baldwin – comité conjoint sur la violence familiale

- rapport de contrôle du Metro Toronto Woman Abuse Council sur deux tribunaux spécialisés

- rapport Moyer (évaluation de 6 sites pilotes des tribunaux pour l’instruction des causes de violence conjugale)

- enquête sur le meurtre-suicide Hadley

- projet pilote de vérification Safety First (Windsor)

- enquête Lavoie

- enquête sur les services 911 (octobre 2002)

- tribunal de la violence familiale de Winnipeg

- étude sur les mesures de suivi de la police

- évaluation des programmes relatifs à la violence conjugale (échéance : l’an prochain)

- Rapport Pedlar (1991)

6. Cueillette de données

- rapport annuel approfondi des services policiers sur la violence conjugale (le plus récent en 2000)

- le système de justice fait état du nombre de cas, mais un certain nombre d’accusations peuvent se rapporter à un même contrevenant

- aucun moyen de repérer les cas de violence familiale, sauf les cas actuellement traités par les tribunaux spécialisés

- la cueillette de données s’est faite au moyen d’examens périodiques des causes instruites par les tribunaux spécialisés en violence familiale

- projet intégré en matière de justice toujours en voie d’élaboration

- on commence à recueillir des données des tribunaux

- données du tribunal de la violence familiale de Winnipeg

- données de la police sur les demandes de services et les accusations portées

APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT

Politique / programme

Nouveau-Brunswick

Yukon

Territoires du Nord-Ouest

1. Formation

- formation approfondie sur une période de 2 ans lors de l’adoption des protocoles et sporadiquement depuis; protocoles présentés à un colloque d’une journée, puis une journée de suivi de formation multidisciplinaire à l’échelon régional et une deuxième journée uniquement à l’intention des professionnels de la justice

- le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’est engagé, d’une part, à réviser les protocoles existants (en matière d’abus des femmes et en matière d’abus des enfants) et, d’autre part, à annoncer une nouvelle stratégie de formation en 2003.

- confié au Centre de recherche sur la violence familiale Muriel McQueen Fergusson, le soin de mettre au point un programme d’études sur la violence faite aux femmes et de le dispenser au moyen d’une approche de formation de formateurs; le centre offre actuellement un programme de certificat en violence familiale

- le juge en chef de la Cour territoriale a fait établir une formation pour les juges de la paix portant sur la Loi sur la prévention de la violence familiale

- les Services d’aide aux victimes offrent 8 sessions de formation par année à l’intention des policiers, des poursuivants et de la collectivité; formation continue

aucune

2. Mécanismes de coordination

- création de la Direction des questions féminines au Conseil exécutif

- Comité directeur des sous-ministres sur la violence faite aux femmes; 6 équipes de projet inter-ministérielles ayant pour tâche d’élaborer la réponse du gouvernement au groupe de travail de la ministre sur la violence faite aux femmes

- initiative « On vous a à cœur » financée exclusivement par la Muriel McQueen Fergusson Foundation – en vue de la mise sur pied de programmes de sensibilisation, de services et de comités de prévention régionaux dans 12 sites

- des équipes responsables des enfants à risques régionales comptent des représentants d’organismes desservant les femmes violentées, sous les auspices du ministère des Services familiaux et communautaires

  - Coalition Against Family Violence – une coalition qui réunit le gouvernement, la GRC et des ONG à Yellowknife

3. Services de soutien

3.1 Services d’aide aux victimes

- 4 services d’aide aux victimes assurés par la police

- bénévoles de la GRC

- le Programme de services d’aide aux victimes du ministère de la Sécurité publique dispense, à l’échelle de la province, des services de soutien, de traitement des traumatismes, de counseling à court terme, de VIS, de transport VIS, d’orientation pour du counseling et d’indemnisation des victimes d’actes criminels

- des organismes communautaires offrent des services et des programmes de prévention qui ciblent la violence familiale comme le Centre de ressources et de crises familiales Beauséjour Inc., le Programme de prévention Ressources communautaires de Kent contre la violence familiale, l’Unité d’intervention pour crises familiales de Restigouche et le Centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle de Fredericton

- Section de la prévention de la violence familiale – comprend les services d’aide aux victimes du ministère de la Justice (fédéral) et le programme pour les femmes (6 sites)

- counseling à long terme, services d’extension, soutien au cours du procès, intervention d’urgence, déclaration de la victime sur les répercussions de l’infraction; pas d’indemnisation des victimes d’actes criminels

-intervenants bénévoles de la GRC chargés d’assister la victime

- services de counseling offerts aux victimes et aux auteurs d’agression sexuelle et de violence conjugale

- un coordinateur des services d’aide aux victimes au ministère de la Justice des T.N.-O.

- les T.N.-O. financent les organismes communautaires de 4 collectivités pour qu’ils fournissent le soutien, l’information et le suivi aux victimes d’actes criminels

- pas d’indemnisation des victimes d’actes criminels

- le personnel de soutien aux victimes et aux témoins travaille dans les locaux des procureurs de la Couronne à Yellowknife et à Inuvik

3.2 Maisons d’héberge-ment

- 15 maisons d’héberge-ment

- 1 maison destinée aux Autochtones

- 4 maisons de transition

- 1 centre pour femmes

- 5 maisons d’héberge-ment, nombre restreint de milieux sûrs et de foyers d’héberge-ment transitoire (les femmes doivent habituellement quitter les petites localités pour obtenir des services)

3.3 Programmes pour les enfants exposés à la violence familiale

- (programmes restreints offerts par certaines maisons d’héberge-ment)

- le Child Abuse Treatment Service peut offrir des services de soutien aux enfants exposés à la violence familiale

- service de counseling familial fourni par des centres spécialisés

- counseling de groupe et individuel offert aux enfants et aux adolescents à Yellowknife par l’entremise du Women’s Healing and Recovery Program; ce programme est offert par le YWCA et le centre pour femmes de Yellowknife

3.4 Programmes pour conjoints violents

- en 1999-2000, 49 programmes contre la violence conjugale et 121 programmes de maîtrise de la colère ont été financés dans la province; sur ordonnance du tribunal et sous la supervision des services correctionnels (sentences avec ordonnance de probation ou ordonnance de sursis)

- projet de services correctionnels N.-B. et Canada; les programmes fédéraux sont offerts aux délinquants incarcérés dans un établissement provincial

- 1 programme de traitement des maris violents sur ordonnance du tribunal offert par l’entremise de la Section de la prévention de la violence familiale (traitements individuels et en groupe); services d’extension pour les régions rurales

- programme de gestion des risques liés aux délinquants sexuels

- aucun, sauf ce qui est offert sur une base individuelle dans des établissements correctionnels

4. Nouvelles initiatives (non juridiques)

- cours « C’est à moi de choisir », pour la création de relations saines, intégré au programme d’études du ministère de l’Éducation (cours facultatif)

- programme pour adolescents « Vague par vague » visant à contrer la violence dans les fréquentations (ateliers de fin de semaine pour adolescents qui prennent ensuite en charge dans leur école secondaire les activités contre la violence dans les fréquentations) (dans les deux cas offerts dans la collectivité par CARR et Vague par vague)

- Comités « On vous a à cœur » sous la supervision de la Fondation Muriel McQueen; éducation du public et coordination

  - YWCA et Centre des femmes de Yellowknife

- Women’s and Children’s Healing and Recovery Program : comprend de l’évaluation et de la gestion de cas, Spirit to Change (dévelop-pement personnel, dynamique de la vie, alphabétisation et counseling individuel)

Trauma (thérapie pour les femmes qui ont vécu des traumatismes), Child Recovery (counseling de groupe et individuel pour les enfants et les adolescents)

5. Rapports

- groupe de travail de la ministre sur la violence faite aux femmes : cadre stratégique (2001) : Un monde meilleur pour les femmes : Réponse du gouvernement au groupe de travail de la ministre sur la violence faite aux femmes (2001)

- rapport Les enfants priment tout à la suite du décès de Jacqueline Brewer; le gouvernement s’en servira comme guide; certaines recomman-dations mises en œuvre

- le ministère de la Sécurité publique produit chaque année un rapport sur les voies de fait à l’égard d’un membre de la famille, les homicides et les infractions d’ordre sexuel

- rapport du Comité d’examen des décès d’enfants

- Étude sur la politique de mise en accusation et de poursuites obligatoires en cas de violence conjugale au Yukon

- Coalition on Family Violence - Family Violence Research Report 2002 (diffusé en août 2002)

6. Cueillette de données

- le ministère de la Sécurité publique vérifie si les services municipaux de police sont dotés d’une politique; la GRC dispose d’une politique nationale

- base de données statistiques sur la violence faite aux femmes mise en place (données combinées de la police et des tribunaux); prise en compte des relations victime-délinquant par le nouveau système d’information des tribunaux; la composante services aux victimes du système d’information de la clientèle peut être consultée en ligne depuis le 1er avril 2002

  - données recueillies pour le programme des maisons d’héberge-ment

- le ministère de la Justice des T.N.-O. travaille de concert avec les procureurs de la Couronne et la GRC à la mise au point d’un système de cueillette de données sur la violence familiale

APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT

Politique / programme

Nunavut

Canada

1. Formation

aucune

La GRC offre à tous les cadets une formation portant sur la violence conjugale, destinée notamment à sensibiliser les policiers à la situation des victimes. La GRC met à la disposition de ses membres tout un éventail d’activités et de matériel de formation relatifs à la violence conjugale, portant notamment sur la formation sur la violence dans une relation intime, un guide d’enquête sur les infractions sexuelles, la violence faite aux femmes, la violence familiale n’est pas un problème privé et la violence familiale au sein des collectivités autochtones.

La GRC apporte sa contribution dans le cadre de nombreuses initiatives reliées à la violence familiale, sous forme notamment de programmes de sensibilisation et de prévention, d’outils d’évaluation du risque, de cueillette de données, de recherche et d’évaluation ainsi que de formation sur les politiques en matière d’accusations. En mars 2002, la GRC a organisé un atelier national sur les voies de fait entre conjoints.

La GRC dispose d’un guide d’enquête sur les infractions sexuelles, qui fournit de l’information sur les enquêtes appropriées en matière d’agression sexuelle. La GRC offre également du soutien à des ateliers communautaires sur les questions concernant les victimes, les agressions sexuelles et la violence dans une relation intime.

Le Service correctionnel du Canada (SCC) et la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) offrent à leurs membres une formation sur la violence familiale.

La CNLC dispense à ses membres une formation sur les conséquences de la victimisation ainsi que sur le rôle des victimes et les audiences de la CNLC.

Le Centre de la politique concernant les victimes (CPV) aide à l’élaboration de guides à l’intention des intervenants chargés d’assister les victimes et les témoins dans les territoires.

Le cours sur la violence familiale à l’intention des Premières Nations est destiné aux agents de police des Premières Nations.

Le Guide à l’intention des policiers et des procureurs de la Couronne, harcèlement criminel (1999) énonce, à l’intention des responsables de la justice pénale – notamment de l’application de la loi –, des lignes directrices sur la violence familiale et le harcèlement criminel.

2. Mécanismes de coordination

- aucun à ce jour; considéré comme une priorité

Lancée en 1988, l’actuelle Initiative de lutte contre la violence familiale (ILVF) est une initiative fédérale inter-ministérielle et multidisciplinaire conjointe, d’un budget de 7 000 000 $ par année. Son principal objet est de sensibiliser le public aux facteurs de risque entourant la violence familiale et à la nécessité de sa participation en vue de la contrer; de renforcer les mesures prises par le système de justice pénale et les autres systèmes; d’appuyer les efforts consentis en matière de cueillette de données, de recherche et d’évaluation, en vue de cerner les interventions efficaces.

D’autres initiatives fédérales connexes complètent l’ILVF, en particulier le Conseil national de prévention du crime (CNPC) et le Centre de la politique concernant les victimes (CPV).

Le CNPC dispose d’une Stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention du crime, qui vise à réduire la criminalité et la victimisation en s’attaquant à leurs causes profondes par des approches de développement social. La Stratégie cible particulièrement la prévention de la violence à l’endroit des enfants, des adolescents, des femmes et des Autochtones. Lancée en 1994, la Stratégie en est actuellement à la phase 2 (1998-2003) et fait l’objet d’un financement de 32 000 000 $ par année. Une augmentation du 145 000 000 $ sur 4 ans à été annoncée en 2001.

Le CPV s’est vu attribuer 5 000 000 $ par année (2000-2005) pour élargir la portée de son action en faveur des victimes – notamment les victimes de violence conjugale – et faciliter leur participation au processus de justice pénale. Il fournit son soutien aux réunions semestrielles du Groupe de travail fédéral/provincial/territorial et des directeurs provinciaux des services aux victimes, et favorise la coordination avec d’autres structures FPT connexes relativement à des questions reliées aux victimes.

3. Services de soutien

3.1 Services d’aide aux victimes

- le personnel de soutien aux victimes et aux témoins travaille dans les locaux des procureurs de la Couronne

La GRC compte des unités de services aux victimes qui fournissent de l’information, de l’aide et des services d’aiguillage dans la plupart des provinces et territoires. Ces unités offrent l’un ou l’autre ou l’ensemble des services suivants : soutien psychologique, aide à la rédaction de la déclaration de la victime et autres services de préparation ou d’accompagnement reliés au processus judiciaire.

On est en train de réviser la politique nationale sur les services aux victimes de la GRC et d’en accroître la portée.

Le SCC et la CNLC ont désigné, dans toutes les régions, des agents de liaison avec les victimes chargés de coordonner les services d’information à l’intention des victimes de détenus sous responsabilité fédérale.

Le Fonds d’aide aux victimes d’actes criminels, administré par le CPV, verse des subventions et des contributions à des projets novateurs, visant notamment à dispenser les services selon de nouvelles modalités, à favoriser l’accès aux services et à fournir de l’information sur les services existants et des renseignements aux victimes d’actes criminels.

3.2 Maisons d’héberge-ment

- 6 maisons d’héberge-ment pour femmes

- les services sociaux offrent un certain soutien

- certains organismes indépendants s’occupent de questions liées à la violence familiale

- la plupart des femmes doivent quitter leur collectivité pour obtenir des services

Sous l’égide de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le Programme d’amélioration des maisons d’héberge-ment verse des contributions permettant de faire réparer et rénover les maisons d’héberge-ment existantes pour les femmes et les enfants victimes de violence familiale. On a élargi la portée de ce programme de manière à ce qu’il vise les maisons d’héberge-ment et les maisons de deuxième étape pour adolescents victimes de violence familiale. Bien que les fonds soient principalement versés à des établissements existants, de l’argent est aussi disponible pour la création de nouveaux espaces, ou pour l’acquisition de lieux existants devant servir à des fins d’héberge-ment transitoire ou de deuxième urgence (1996-2002).

3.3 Programmes pour les enfants exposés à la violence familiale

  Le ministère de la Justice a financé un rapport d’évaluation des besoins relativement à des modèles d’intervention pour les enfants témoins de violence au foyer, Modèles d’intervention auprès des enfants témoins d’actes de violence : une évaluation des besoins (1998).

Le Ministère a également versé des fonds à la London Family Court Clinic, pour qu’elle élabore un guide à l’intention des instructeurs de la police visant à faire mieux comprendre la situation des enfants exposés à la violence et à favoriser la prise de mesures par la collectivité à cet égard.

Le CPV a financé la préparation d’un répertoire des services judiciaires destiné à aider, dans le cadre du processus pénal, les enfants et les adolescents victimes ou témoins de violence.

3.4 Programmes pour conjoints violents

- évaluation du programme en cours pour déterminer la dimension culturelle de nombreux programmes des services correctionnels, y compris les programmes pour les hommes violents

Le SCC dispose depuis 1990 de programmes en matière de violence familiale destinés aux détenus de sexe masculin sous responsabilité fédérale et faisant appel à l’évaluation des risques et à la supervision de cas, ainsi que de programmes de lutte contre la violence à l’endroit des femmes.

Le Programme national d’intensité moyenne de prévention de la violence familiale est un programme de thérapie cognitive-comportementale destiné aux détenus sous responsabilité fédérale qui présentent un risque moyen; il comporte environ 24 séances de groupe.

Le Programme national d’intensité élevée de prévention de la violence famille est destiné aux détenus à risque élevé et comporte environ 75 séances de groupe. Les 2 programmes nationaux ont des composantes de maintien et de traitement.

4. Nouvelles initiatives (non juridiques)

- mise sur pied de groupes informels pour hommes et pour femmes dans certaines collectivités

Une nouvelle politique sur les victimes d’actes criminels figurera bientôt dans le guide du Service fédéral des poursuites.

Le Service fédéral des poursuites passe actuellement en revue sa politique en matière de poursuites dans les situations de violence familiale.

Le ministère de la Justice a organisé en mars 1998 un forum FPT sur la violence conjugale permettant à des policiers, des procureurs de la Couronne, des responsables des services correctionnels et des experts politiques de discuter et d’échanger sur les meilleures pratiques en matière de violence conjugale. Un second forum FPT a eu lieu en mars 2001.

5. Rapports

  Le Centre national d’information sur la violence dans la famille (CNIVF), un centre de ressources fédéral administré par l’intermédiaire de l’ILVF, renferme un nombre important de rapports portant sur la violence conjugale. Parmi les nouveaux documents que l’on peut retrouver au CNIVF, il y a : Répertoire canadien des programmes de traitement pour les hommes violents envers leur conjointe (2002), Maisons de transition et d’héberge-ment pour femmes violentées au Canada (2002) et Répertoire national des services et programmes destinés aux hommes qui sont ou ont été victimes de violence (2002).

Le Ministère a aussi commandé une profusion de rapports sur la violence conjugale. Voici certains des plus récents dans le domaine : Expériences, attentes et perceptions des victimes à l’égard de la justice réparatrice (2002), Politiques en matière de mises en accusation et de poursuites dans les affaires de violence conjugale : synthèse des réactions des chercheurs, des universitaires et du milieu judiciaire (2001) et le rapport final de la Ontario Rural Women Abuse Study (ORWAS) (2001).


Voici certains autres rapports et publications fédéraux :

Fiches techniques sur le rôle des victimes d’actes criminels (CNLC) :

Guide d’information pour les victimes – Le régime correctionnel fédéral et la mise en liberté sous condition (Solliciteur général)

La violence familiale au sein des collectivités autochtones (GRC)

Rapport final du Comité canadien sur la violence faite aux femmes (1993)

Sous-comité sur la condition féminine, La guerre contre les femmes : Rapport du Comité permanent de la santé et du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine (1991)

Réponse fédérale à La guerre contre les femmes (1991)

Rapport final de l’Équipe chargée de l’Examen de la légitime défense (1997)

6. Cueillette de données

  Dans le cadre de l’ILVF, Statistique Canada (SC), a publié cinq rapports annuels sous le titre suivant : La violence familiale au Canada : un profil statistique. Ces rapports, couvrant les années 1998-2002, s’insèrent dans un projet continu d’information du public sur les problèmes concernant la violence familiale. Ils présentent les données courantes sur la nature et l’étendue des incidents de violence familiale au Canada, de même que les tendances au fil des ans.

L’Enquête sur la violence contre les femmes, de 1993, constitue une étude spécialisée en matière de victimisation. Elle mesure les incidents de violence contre les femmes au Canada, incidents que les victimes ont elles-mêmes signalés et comprend les incidents de violence conjugale. L’étude sert aujourd’hui de modèle pour une enquête internationale sur la violence contre les femmes.

L’Enquête sociale générale sur la victimisation (ESGV), de 1999, comporte un module sur la violence conjugale qui constitue la première enquête conventionnelle, de grande envergure, sur la victimisation. On y mesure les incidents de violence conjugale tant chez les femmes que chez les hommes. Le module sur la violence conjugale sera repris dans la prochaine ESGV.

La Déclaration uniforme de la criminalité (DUC) est une étude statistique de la criminalité fondée sur des incidents signalés à la police et fournit des renseignements relatifs aux rapports établis entre l’accusé et la victime. En 2000, la DUC s’appuie sur des données provenant de 166 services de police dans 9 provinces, ce qui correspond à 53 % du volume national des crimes signalés.

L’Enquête sur les homicides révèle des données sur les cas signalés à la police et portant sur les caractéristiques de tous les homicides – y compris les homicides entre conjoints –, victimes et accusés.

L’Enquête sur les maisons d’héberge-ment pour femmes battues a été effectuée dans le cadre de l’ILVF, en consultation avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et des associations de maisons de transition. L’enquête permet de recueillir de l’information sur les résidences disponibles pour les femmes et les enfants. On a procédé à l’enquête à cinq reprises depuis 1992.

Statistique Canada produit également Juristat portant sur diverses questions; il y a eu récemment Les enfants témoins de violence familiale (2001), La violence conjugale après la séparation (2001) et Tendances nationales des homicides entre partenaires intimes, 1974 à 2000 (2002).

De concert avec d’autres intervenants, l’ILVF a commandé, en mai 2002, une étude multi-intérêts sur les attitudes du public à l’endroit de la violence familiale. Le rapport se fonde sur des données obtenues au moyen d’un sondage téléphonique auprès de plus de 2000 Canadiens.


NOTES

[1] Rapport de 1996 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes, soumis à la Commission des Nations Unies sur les droits de la personne (E/CN.4/1996/53), par. 22. Se reporter aussi à Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 1999, p. 17-19, où figure un résumé comparatif d’études sur la violence conjugale à l’endroit des femmes (Canada, États-Unis, Australie, Angleterre et pays de Galles, Nicaragua, Mexique, Chili, Colombie, Corée, Cambodge, Malaisie et Papouasie—Nouvelle-Guinée).

[2] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2000, p. 16. Voir aussi Linda MacLeod, Pour de vraies amours… Prévenir la violence conjugale, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, juin 1987, p. 21; Linda MacLeod, La femme battue au Canada : un cercle vicieux, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, janvier 1980, p. 14-16.

[3] Rapport de 1996 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes, supra, note 1, par. 26 et 29-31.

[4] La femme battue au Canada : un cercle vicieux, supra, note 2, p. 21.

[5] Pour de vraies amours… Prévenir la violence conjugale, supra,note 2, p. 6.

[6] La DUC est une étude statistique de la criminalité fondée sur des incidents signalés à la police. L’étude fournit des renseignements relatifs à l’accusé, à la victime et à l’incident lui-même. En 2000, la DUC s’appuyait sur des données provenant de 166 services de police dans 9 provinces et correspondant à 53 % du volume national des crimes signalés. Un sous-ensemble de 106 services de police participe chaque année à cette étude depuis 1995, ce qui donne des indices sur les tendances au fil du temps (voir Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 2, p. 44). Sauf indication contraire, les statistiques dont il est fait état aux présentes sont tirées de Statistique Canada, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2002.

[7] Statistique Canada procède régulièrement à une ESGV. Le dernier volet sur la victimisation date de 1999. L’ESGV permet d’évaluer huit types de crimes, selon les définitions du Code criminel, en se fondant sur ce qui est divulgué et vécu par des victimes de 15 ans et plus. L’échantillonnage était de 25 876 unités en 1999. Une enquête spécialisée recourant à une approche semblable a également été menée en 1993, soit l’Enquête sur la violence contre les femmes : voir Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 6, p. 5.

[8] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 2, p. 11.

[9] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2001, p. 28.

[10] Les jeunes femmes ou les femmes en âge de procréer sont plus susceptibles d’être victimes de violence au cours de leur grossesse (voir Andrea Levett et Holly Johnson, A Statistical Comparison of Women’s Experiences of Violence in Urban and Rural Areas, Ministère de la Justice du Canada, rapport technique, 1998-17e, p. 16).

[11] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 2, p. 15-16. D’autres études démontrent aussi qu’il existe une forte corrélation entre la violence conjugale et le harcèlement criminel : P. Tjaden et N. Thoennes, « Prevalence and consequences of male-to-female and female-to-male partner violence as measured by the national Violence Against Women Survey », dans Violence Against Women, 2000, p. 142-161; J. MacFarlane et coll., « Stalking and intimate partner femicide », dans Homicide Studies, 1999, p. 300-316.

[12] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 2, p. 12.

[13] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Juristat, Tendances nationales des homicides entre partenaires intimes, 1974-2000, vol. 22, no 5, p. 5.

[14] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 9, p. 31.

[15] M. Dauvergne, Juristat, Les homicides au Canada, 2001, vol. 22, no 7, 2002, p. 12. C’est l’Ontario qui a connu la plus forte augmentation, soit 16 homicides de plus en 2001 qu’en 2000.

[16] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 9, p. 31.

[17] Ibid., p. 31.

[18] Ibid., p. 32 et 40.

[19] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Juristat, La violence conjugale après la séparation, vol. 21, no 7, p. 7.

[20] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 9, p. 29.

[21] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Juristat, Les enfants témoins de violence familiale, vol. 21, n6, p. 3.

[22] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 9, p. 37.

[23] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 21, p. 3.

[24] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 2, p. 17.

[25] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 21, p. 4.

[26] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 21, p. 2.

[27] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 21, p. 7.

[28] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 2, p. 24.

[29] L. Greaves, L., O. Hankivsky et J. Kingston-Riechers, Selected Estimates of the Costs of Violence Against Women, London (Ontario), Centre de recherche sur la violence faite aux femmes et aux enfants, 1995, p. 2.

[30] Ministère de la Justice du Canada, Pour une intervention plus efficace du système de justice pénale en matière de violence faite aux femmes : étude des limites et du potentiel d’une intervention efficace, par Linda MacLeod et Cheryl Picard, 6 juin 1989, p. 1; Dianne L. Martin, « Retribution Revisited: A Reconsideration of Feminist Criminal Law Reform Strategies », Osgoode Hall Law Journal, p. 151 et suivantes (voir p. 167-168).

[31] Jane Ursel, Report on Domestic Violence Policies and Their Impact on Aboriginal People, rapport soumis à la Commission de la mise en œuvre des recommandations sur la justice autochtone, 21 février 2001, p. 1 et 3.

[32] London Family Court Clinic Inc., Le crime de la violence conjugale : les points de vue des victimes et des agents de l’application d’une politique de mise en accusation à London (Ontario) de 1980 à 1990, Ministère de la Justice du Canada, WD1991-13a, avril 1991, p. 3-4.

[33] Ministère du Solliciteur général du Canada, The Myth of “The Mandatory National Charging Policy”, ébauche non publiée, 1993, p. 10-11.

[34] Canada, Chambre des communes, Comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes du Canada, Les femmes battues, Rapport sur la violence au sein de la famille, mai 1982, p. 10.

[35] Canada, Chambre des communes, Débats, 8 juillet 1982, p. 19119-19120.

[36] Keri Sweetman, « Male MPs’ guffaws at wife beating query enrage female MPs », dans The Ottawa Citizen, 13 mai 1982.

[37] Ministère du Solliciteur général du Canada, supra, note 33, p. 14.

[38] Voir le Rapport fédéral-provincial-territorial sur les femmes battues, soumis à la réunion des ministres responsables du statut de la femme, Niagara-on-the-Lake, 28-30 mai 1984.

[39] Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial sur la justice pour les victimes d’actes criminels, 1983, p. 160-161.

[40] Voir Ministère du Solliciteur général du Canada, supra, note 33.

[41] Susan L.Miller, « The Paradox of Women Arrested for Domestic Violence », dans Violence Against Women, 2001, p. 1339 et suivantes (voir p. 1341 et 1370).

[42] Voir Colombie-Britannique, Ministère du Procureur général, Crown Counsel Spousal Assault Policy, Discussion Paper, juillet 2002, p. 5.

[43] Ministère de la Justice du Canada, Politiques en matière de mises en accusation et de poursuite dans les affaires de violence conjugale : synthèse des réactions des chercheurs, des universitaires et du milieu judiciaire, par Trevor Brown, rr2001-5f, novembre 2000, p. 1.

[44] Au Québec, puisque le substitut du procureur général autorise le dépôt d’une dénonciation, le critère applicable en matière de poursuite est aussi appliqué en matière d’inculpation. En d’autres termes, le substitut du procureur général doit considérer l’application des deux séries de critères suivant : la suffisance de la preuve et l’opportunité de poursuivre.

[45] Une telle recommandation reflète les politiques actuelles en matière de poursuite de la plupart des gouvernements au Canada. Une autre approche reposant sur le recours, une fois entamée la poursuite, à un engagement de ne pas troubler l’ordre public, fait actuellement l’objet d’un projet pilote par HomeFront, à Calgary. Pour plus d’information, voir la section II, 2, v.

[46] Au Québec, puisqu’un substitut du procureur général autorise les accusations, la comparution se fait en sa présence. Ainsi, lorsque la situation demeure nébuleuse, les intervenants judiciaires peuvent recourir au Service d’évaluation pour la mise en liberté provisoire des conjoints violents, offerts par les Services correctionnels du Québec. Ce service permet d’obtenir un éclairage sur la situation, l’évaluation de celle-ci, la recommandation de conditions favorisant l’encadrement de la personne contrevante et la référence à des ressources pouvant lui venir en aide, le cas échéant. Ce service facilite la prise de décision et vise à favoriser la sécurité et la protection des victimes et de leurs proches.

[47] Dans le cas du Québec, ces critères sont relatifs à la suffisance de la preuve et à l’opportunité de la poursuite.

[48] Voir supra, note 46.

[49] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 43, p. 1.

[50] À cet égard, les membres du Groupe de travail se sont employés à solliciter la participation des intervenants en matière de justice pénale au sein de leur propre gouvernement. En outre, le Groupe a tiré des leçons des débats tenus entre les hauts fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux de la justice pénale qui ont eu lieu lors du forum sur la violence conjugale organisé en 2001 par le ministère de la Justice du Canada. Le Groupe s’est également servi de GIADE, l’outil d’analyse de l’égalité et de la diversité des sexes élaboré en 1998 par l’ancien Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la diversité, l’égalité et la justice.

[51] Les politiques qui favorisent ou rendent obligatoire l’inculpation n’entravent pas le pouvoir discrétionnaire de la police. Elles soulignent la nécessité d’accuser lorsqu’il existe des motifs d’ordre juridique en ce sens.

[52] Ursel, supra,note 31, p. 9. Même si les femmes et les hommes font l’objet de violence conjugale, le Groupe de travail a décidé de décrire la victime au féminin et l’agresseur au masculin dans le présent rapport, étant donné le volume considérable de données, de recherches et d’expériences qui démontrent que la violence conjugale est surtout faite aux femmes.

[53] On peut consulter, par exemple, L. MacLeod, La femme battue au Canada : un cercle vicieux, supra, note 2, p. 32-40; Ursel, supra,note 31, p. 14-18; Ministère de la Justice du Canada, Ethnocultural Minority Women, Spousal Assault and Barriers to Accessing and Problems In Using the Justice System, A Review of the Literature, par Janet Currie, rapport technique, TR1995-7e, p. 67.

[54] Ursel, supra, note 31, p. 16; Dianne L. Martin et Janet E. Mosher, « Unkept Promises: Experiences of Immigrant Women With the Neo-Criminalization of Wife Abuse », dans C.J.W.L., 1995, p. 3 et suivantes (voir p. 5).

[55] Ursel, supra, note 31, p. 19.

[56] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 9, p. 32.

[57] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 6, p. 8-9.

[58] Ursel, supra, note 31, p. 16; Tammy Landau, « Policing and Security in Four Remote Aboriginal Communities: A Challenge to Coercive Models of Police Work », dans C.J.C., 1996, p. 1 et suivantes (voir p. 8); Martin et Mosher, supra, note 54, p. 35.

[59] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 6, p. 8.

[60] London Family Court Clinic Inc., supra,note 32, p. 24.

[61] Selon l’article 495 du Code criminel, un agent de police peut arrêter sans mandat une personne qui a commis une infraction mixte ou une infraction punissable par déclaration de culpabilité par procédure sommaire, notamment pour empêcher que l’infraction se poursuive ou se répète ou qu’une autre autre infraction soit commise. Voir Diana Ginn, « Wife Assault, the Justice System and Professional Responsibility », dans Alberta Law Review,1995, p. 908 et suivantes (voir p. 913).

[62] Lawrence Sherman et Richard Berk, « The Specific Deterrent Effects of Arrest for Domestic Assault », dans American Sociological Review, 1984, p. 49 et suivantes (voir p. 261-272); Ministère de la Justice des États-Unis, The Effects of Arrest on Intimate Partner Violence: New Evidence From the Spouse Assault Replication Program, par Christopher D. Maxwell, Joel H. Garner et Jeffrey A. Fagan, juillet 2001, p. 1.

[63] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 43, p. 1; voir également Ursel, supra, note 31, p. 5-7.

[64] Ministère de la Justice des États-Unis, supra, note 62, p. 2.

[65] London Family Court Clinic Inc., supra, note 32, p. 25.

[66] Ursel, supra,note 31, p. 4.

[67] Ministère de la Justice du Canada, La violence conjugale et l’obligation de porter des accusations au Yukon : expériences, perspectives et solutions de rechange, par Tim Roberts, wd1996-3f, p. 69.

[68] Ministère de la Justice du Canada, Responding to the Needs of Ethnocultural Minority Women in Situations of Spousal Assault, par Janet Currie, rapport technique, 1995-8e, p. ix-x.

[69] Tammy Landau, « Women’s Experiences With Mandatory Charging for Wife Assault in Ontario, Canada: A Case Against the Prosecution », dans Domestic Violence: Global Responses, Grande-Bretagne, Academic Publishers, 2000, p. 141 et suivantes (voir page 152).

[70] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 67, p. 111; Ministère de la Justice du Canada, supra, note 68, p. xi et 34.

[71] Ursel, supra,note 31, p. 14-15; Ministère de la Justice du Canada, Synthèse des conclusions de recherches du ministère de la Justice du Canada sur la violence conjugale, par Tammy Landau, WD1995-8f, p. 12-15. Voir également Miller, supra,note 41, p. 1342-1343.

[72] London Family Court Clinic Inc., supra, note 32, p. 16 et 31-36.

[73] Kelly Hannah-Moffat, « To Charge or Not to Charge: Front Line Officers’ Perceptions of Mandatory Charge Policies », dans Mariana Valverde, Linda MacLeod et Kirsten Johnson (dir.), Wife Assault and the Canadian Criminal Justice System, Toronto, Université de Toronto, 1995, p. 36 et suivantes (voir p. 43 et 45).

[74] Hannah-Moffat, supra, note 73, p. 43 et 45.

[75] Ursel, supra, note 31, p. 18; George S. Rigakos, The Politics of Protection: Battered Women, Protection Orders, and Police Subculture, 1998, p. 91. Voir également Ginn, supra, note 61, p. 912-913, ainsi que Ministère de la Justice du Canada, A Review of Section 264 (Criminal Harassment) of the Criminal Code of Canada, par Richard Gill et Joan Brockman, WD1996-7e, p. 43.

[76] Rigakos, supra,note 75, p. 90-91. Aux fins de la présente étude, on entend notamment par « ordonnance judiciaire préventive » l’ordonnance d’engagement visée à l’article 810 du Code criminel et l’ordonnance civile de non-communication rendue en vertu de l’article 36.1 de la British Colombia Family Relations Act (dont la violation constituait une infraction provinciale régie par la Offences Act).

[77] Miller, supra, note 41, p. 1343.

[78] Ursel, supra, note 31, p. 20.

[79] Voir par exemple la Dual Arrest–Primary Aggressor Rule du Service de police de San Diego, mars 1996.

[80] Commission of Inquiry into the Deaths of Rhonda Lavoie and Roy Lavoie, A Study of Domestic Violence and the Justice System in Manitoba, 1997, p. 119.

[81] Ursel, supra, note 31, p. 21.

[82] Par exemple, au Québec, la décision du substitut du procureur général d’autoriser une dénonciation ou de déposer un acte d’accusation doit être prise après examen du rapport d’enquête, en considérant l’application des deux catégories de critères qui suivent : les critères relatifs à la suffisance de la preuve et les critères relatifs à l’opportunité de poursuivre. En effet, le substitut du procureur général doit, après avoir examiné toute la preuve, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense, être moralement convaincu qu’une infraction a été commise et que c’est le prévenu qui l’a commise, et être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu.

[83] Le Québec ne possède aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.

[84] London Family Court Clinic Inc., supra, note 32, p. 19 et 51.

[85] Voir Ministère de la Justice du Canada, Literature Review of the Manitoba Spouse Abuse Project, par Prairie Research Associates Inc., rapport technique, juillet 1991, p. 23.

[86] Ursel, supra, note 31, p. 28; Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra,note 2, p. 46-47.

[87] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 85, p. 24; Ministère de la Justice du Canada, Manitoba Spouse Abuse Tracking Project, par Prairie Research Associates Inc., rapport final, volume 1, WD1994-18e, p. 69.

[88] Linda MacLeod, « Policy Decisions and Prosecutorial Dilemmas: The Unanticipated Consequences of Good Intentions », dans Wife Assault and the Canadian Criminal Justice System, supra,note 73, p. 56, note 66; Ministère de la Justice du Canada, supra, note 43, p. 9.

[89] MacLeod, supra, note 88, p. 49-55.

[90] Ursel, supra,note 31, p. 30.

[91] Myrna Dawson et Ronit Dinovitzer, « Victim Cooperation and the Prosecution of Domestic Violence in a Specialized Court », dans Justice Quaterly, 2001, p. 593 et suivantes (voir p. 614).

[92] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 67, p. 111; Landau, supra, note 69, p. 152.

[93] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 43, p. 4.

[94] Voir par exemple Lauren Bennett, Lisa Goodman et Mary Ann Dutton, « Systemic Obstacles to the Prosecution of a Battering Partner–A Victim Perspective », dans Journal of Interpersonal Violence, 1999, p. 761 et suivantes; Martin et Mosher, supra, note 54, p. 41-43.

[95] Dans le cas du Québec, ces critères sont relatifs à la suffisance de la preuve et à l’opportunité de la poursuite.

[96] Une telle recommandation reflète les politiques actuelles favorisant la poursuite de la plupart des gouvernements au Canada. Une autre approche reposant sur le recours, une fois entamée la poursuite, à un engagement de ne pas troubler l’ordre public, fait actuellement l’objet d’un projet pilote par HomeFront, à Calgary. Pour plus d’information, voir la section II, 2, v.

[97] Le Québec ne possède aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.

[98] Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), ch. Y-1, art. 4.

[99] Le projet de loi C-22 (auparavant C-41) est entré en vigueur le 3 septembre 1996.

[100]Ministère de la Justice du Canada, Réforme de la détermination de la peine, document d’information (28 août 1996), p. 3.

[101]Ministère de la Justice du Canada, supra, note 100, p. 3.

[102]Les aveux de culpabilité ou les déclarations par lesquelles une personne se reconnaît responsable d’un acte, faits dans le cours d’un programme de mesures de rechange, ne sont pas admissibles en preuve dans les actions ou les poursuites pénales ou civiles dirigées contre lui (voir le paragraphe 717(3) du Code criminel).

[103]De même, les délinquants poursuivis dans le cadre du système de justice pénale traditionnel et qui bénéficient d’une absolution avec condition ou d’une absolution sans condition, avec ou sans participation à un programme spécial, n’ont pas de casier judiciaire de leur condamnation.

[104]Ministère de la Justice du Canada, Évaluation du programme de déjudiciarisation après la mise en accusation, Rapport final, par Tammy C. Landau, rr2002-7f, p. 1-2.

[105]Boudreau v. The Queen, S.H. No. 176596, décision orale rendue le 17 avril 2002, publiée le 26 octobre 2002, C.S. N.-É., par le juge en chef adjoint MacDonald.

[106]Equinox Consulting Inc., A Study of Victim Satisfaction with Alternatives Measures on Prince Edward Island, décembre 2002, p. 24

[107]Sur la scène internationale, les Nations Unies décrivent la justice réparatrice comme étant un processus auquel participent la victime, le délinquant et la collectivité afin de tenter de résoudre les questions découlant de la perpétration d’un crime et de rétablir ainsi l’harmonie entre la victime, le délinquant et la collectivité (voir la Résolution des Nations Unies sur les principes fondamentaux relatifs à l’utilisation de programmes de justice réparatrice en matière pénale, approuvée lors de la 11e session de la Commission des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice pénale, E/2002/30, E/CN.15/2002/14, p. 7).

[108]D’aucuns sont d’avis que la justice réparatrice exige le consentement et la participation volontaire de la victime de l’infraction. D’autres sont d’avis que la justice réparatrice peut être légitime et efficace sans le consentement ou la participation de la victime et que le rôle de celle-ci dans le processus dépend des circonstances de chaque cas. Par conséquent, bien que tous conviennent que cet aspect pourrait être un élément important du processus de justice réparatrice et une composante essentielle dans les cas de violence conjugale, le Groupe de travail n’a pas atteint un consensus sur la question d’inclure une exigence portant sur le consentement de la victime dans la définition de la justice réparatrice.

[109]Voir, par exemple, La justice réparatrice, Une consultation nationale, document préparé par le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la justice réparatrice, mai 2000.

[110]Voir, par exemple, une liste semblable des facteurs de risque à envisager dans le document intitulé Crown Counsel Spousal Assault Policy, Discussion Paper, publié en juillet 2002 par le ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique, p. 5.

[111]La définition devrait être complétée et être conforme à l’alinéa 717(1)a), à savoir : « … ou par le procureur général ou son délégué, soit par une personne appartenant à une catégorie de personnes désignées par le lieutenant-gouverneur en conseil d’une province ».

[112] Jeffrey Fagan, The Criminalization of Domestic Violence: Promises and Limits, National Institute of Justice, Research Report, janvier 1996.

[113] Kristin Littel et coll., Assessing the Justice System Response to Violence Against Women: A Tool for Communities to Develop Coordinated Response,Minnesota Centre Against Violence and Abuse, 1998, p. 14-17; www.vaw.umn.edu/Promise/PP3.thm.

[114] Sandra J. Clark et coll., Coordinated Community Responses to Domestic Violence in Six Communities: Beyond the Justice System, Urban Institute, 1996 (www.urban.org/crime/ccr96.htm); E. Buzawa et C. Buzawa, Do Arrests and Restraining Orders Work?, Thousand Oaks, London, New Delhi, SAGE Publications Inc., 1996.

[115] Melanie Shepard, Evaluating Coordinated Community Responses to Domestic Violence, Minnesota Centre Against Violence and Abuse, 1999; Violence Against Women Online Resources: www.vaw.umn.edu/Vawnet/ccr.htm.

[116] D. Gamache, J. Edleson et M. Schock, « Coordinated police, judicial and social service response to woman battering: A Multi-baseline evaluation across three communities », dans G.T. Hotaling, D. Finkelhor, J. Kirkpatrick et M. Straus (dir.), Coping with Family Violence: Research and Policy Perspectives, Newbury Park, SAGE, 1988.

[117] Framework for Action Against Family Violence: A Review, par K.M. Walters, Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, 1999.

[118] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, Nova Scotia Family Violence Framework for Action Review: Interjurisdictional Comparison and Literature Review, par Carolyn Marshall, 2001, p. 55.

[119] Ministère du Solliciteur général du Canada, Sommaire des projets de recherche et de développement entrepris par les affaires correctionnelles en matière de violence conjugale, par Karen Myers, 1996, p. 15.

[120] Fagan, supra, note 112, p. 32.

[121] Bien que le Québec ne se soit pas doté de tribunaux spécialisés en matière de violence conjugale, les intervenants judiciaires peuvent cependant compter sur les Services correctionnels du Québec qui ont élaboré et implanté un Service d’évaluation pour la mise en liberté provisoire des conjoints violents. Ce service fournit un éclairage à la cour en évaluant la situation du prévenu, en recommandant des conditions appropriées et en procédant à la référence de la personne contrevenante à des ressources spécialisées, le cas échéant.

[122] Jane Ursel, « The Winnipeg Family Violence Court »,dans M. Valverde, L. MacLeod et K. Johnson (dir.), Wife Assault and the Canadian Criminal Justice System: Issues and Policies, Toronto, Université de Toronto, 1995.

[123] Jane Ursel, Rapport sur le Tribunal de la violence familiale de Winnipeg, dans Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, La violence familiale au Canada : Profil statistique, 2000, 2000.

[124] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, supra, note 118.

[125] Statistique Canada, 2000.

[126] Ministère du Procureur général de l’Ontario, The Evaluation of the Domestic Violence Courts: Their Functioning and Effects in the First Eighteen Months of Operation, 1998-1999, par Sharon Moyer et coll., 2000.

[127] Le modèle d’intervention rapide a été mis à l’essai dans trois localités (Peel, Durham et North Bay) et le modèle des services de poursuites coordonnées dans trois autres villes (Ottawa, London et Hamilton).

[128] L’article 720 prévoit que, dans les meilleurs délais possibles suivant la déclaration de culpabilité, le tribunal procède à la détermination de la peine à infliger au prévenu. Cet article fait actuellement l’objet d’un examen par le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la détermination de la peine.

[129] En plus du tribunal chargé d’instruire les affaires de violence familiale de Calgary, un tribunal spécialisé a été créé à Edmonton en janvier 2002.

[130] Bradford and Associates, PEI Victims of Family Violence Act, Final Evaluation Report, Île-du-Prince-Édouard, 2001.

[131] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, supra, note 118.

[132] Howard Research, Implementation and Impact of the Protection Against Family Violence Act: Final Report, Alberta 2000; Bradford and Associates, Final Report: Victims of Family Violence Act Monitoring Study, Île-du-Prince-Édouard, 1998; Ministère de la Justice du Canada, Review of the Saskatchewan Victims of Domestic Violence Act, par Prairie Research Associates, WD1996-6e, 1996; Ministère de la Justice du Canada, A Further Review of the Saskatchewan Victims of Domestic Violence Act, par Prairie Research Associates, WD199-1e, 1999.

[133] Howard Research, 2000; Ministère de la Justice du Canada, 1996 et 1999, supra, note 132.

[134] Ministère de la Justice du Canada, 1999, supra, note132.

[135] Dans son rapport de septembre 2001 aux ministres, le Groupe de travail spécial a recommandé la création à l’article 127 du Code criminel (« Désobéissance à une ordonnance du tribunal ») d’une infraction à option de procédure ainsi que l’imposition d’une peine maximale de six mois d’emprisonnement, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, ou d’une peine maximale de deux ans d’emprisonnement, sur déclaration de culpabilité par suite d’une mise en accusation.

[136] Des extraits de cette section sont tirés de Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, A Review of the Effectiveness and Viability of Domestic Violence Interventions as an Adjunct to the Formal Criminal Justice System, par Judy Crump, 2001.

[137] Ministère de la Justice du Canada, Alternatives to Presecution in Domestic Violence Cases: An Overview of the Research Literature, par Sharon Moyer, 2000, p. 10.

[138] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 137, p. 1.

[139] Jaffe, P.G., Hastings, H., Reitzel, D., & Austin, G.W., 1991, The Impact of Police Laying Charges in Brown, Trevor, Charging and Prosecution Policies in Cases of Spousal Assault: A Synthesis of Research, Academic and Judicial Responses, Ministère de la Justice du Canada, Novembre 2000.

[140] Par exemple, une installation résidentielle de seconde étape aide les femmes à accéder à une vie indépendante, souvent après leur passage dans une maison d’hébergement.

[141] Un sondage est mené à tous les deux ans dans les maisons d’hébergement de chaque province. Voir Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Juristat, Maisons d’hébergement du Canada pour femmes violentées, 1999-2000, vol. 21, no 1, p. 2 et 11.

[142] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, ibid., p. 4.

[143] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 141, p. 6.

[144] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2000, p. 19.

[145] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, ibid., p. 15.

[146] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 141, p. 8.

[147] Weisz, Taggert, Mockler et Streich, cités dans Leslie M. Tutty, Gilliam Weaver et Michael A. Rothery, « Residents’ Views of the Efficacy of Shelter Services for Assaulted Women », dans Violence Against Women, vol. 5, no 8, 1999, p. 425-441.

[148] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 141, p. 10.

[149] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 1999, p. 42.

[150] Edward W. Gondolf, « Service Contact and Delivery of a Shelter Outreach Project », dans Journal of Family Violence, vol. 13, no 2, 1998, p. 131-145.

[151] Cependant, l’objectif des maisons d’hébergement, tel que généralement décrit dans les politiques et reflété par les programmes, est d’offrir aux femmes un lieu sûr et l’occasion d’apprendre quels sont les services et les solutions de rechange mis à leur disposition et à la disposition de leurs enfants.

[152] Leslie M. Tutty, « Post-Shelter Services: The Efficacy of Follow-up Programs for Abused Women », dans Research on Social Work Practice, vol. 6, no 4, 1996, p. 425-441.

[153] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 141, p.10.

[154] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 144, p. 16.

[155] Jeffrey L. Edleson, « Studying the Co-occurrence of Child Maltreatment and Domestic Violence in Families », dans Domestic Violence in the Lives of Children: The Future of Research, Intervention, and Social Policy, Sandra A. Graham-Bermann et Jeffrey L. Edleson (dir.), Washington (DC), American Psychological Association, 2001, p. 91-110 (voir p. 91).

[156] Jerome B. Kolbo, Eleanor H. Blakely et David Engleman, « Children Who Witness Domestic Violence: A Review of Empirical Literature », dans Journal of Interpersonal Violence, vol. 11, no 2, 1996, p. 281-293.

[157] Jaffe, Peter G., Poisson, Samantha E. et Alison Cunningham, « Domestic Violence and High-Conflict Divorce: Developing a New Generation of Research For Children », dans Graham-Bermann, Edleson et Edleson, supra, note 155, p. 189.

[158] Ministère de la Justice du Canada, Modèles d’intervention auprès des enfants témoins d’actes de violence : une évaluation des besoins, rapport technique par Educon Marketing and Research Systems, juillet 1998, http://www.justice.gc.ca/fr/ps/rs/rep/TR98-6e.htm, p. 5-6.

[159] En 1993, des projets pilotes sur la prise de décision familiale ont été mis en place dans trois localités : à Nain (région inuite), à Saint-John’s (région urbaine) et dans la péninsule de Port au Port (région rurale). Reconnaissant que les mauvais traitements infligés aux enfants et la violence faite aux femmes vont souvent de pair, le projet visait à établir des partenariats entre la famille, la collectivité et le gouvernement pour assurer la sécurité des enfants et des adultes. Toutefois, la plupart des cas qui ont été signalés étaient des cas de violence ou de négligence à l’égard des enfants de même que de comportement incontrôlable des adolescents et ne faisaient pas état de la violence faite aux femmes. Le plan élaboré par le conseil consultatif familial qui comptait des parents, des amis et d’autres intervenants proches de la famille devait être approuvé par l’organisme qui avait fait le renvoi (c.-à-d. la protection de l’enfance ou les services correctionnels). Voir Joan Pennell et Gale Burford, Family Group Decision Making: After the Conference, Progress in Resolving Violence and Promoting Well-Being, Saint-John’s (Terre-Neuve), Université Memorial, School of Social Work, 1997.

[160] À ce jour, les programmes d’intervention à l’intention des conjoints violents ont mis l’accent sur les hommes violents.

[161] Ministère du Solliciteur général du Canada, Sommaire des projets de recherche et de développement entrepris par les affaires correctionnelles en matière de violence conjugale, par Karen Myers, 1996; Robert C. Davis et Bruce G. Taylor, « Does Batterer Treatment Reduce Violence? », dans Lynette Feder (dir.), A Synthesis of the Literature on Women and Domestic Violence: An Interdisciplinary Approach, New York et Londres, The Haworth Press, 1999, p. 69-93.

[162] Davis et Taylor, ibid., note 26.

[163] Ministère de la Justice du Canada, An Evaluation Study of the Turning Point Project: A Treatment Program for Men Who Batter their Partners, par Thomas Gabor, 1993; Donald G. Dutton, The Abusive Personality: Violence and Control in Intimate Relationships, New York et Londres, The Guilford Press, 1998.

[164] Davis et Taylor, supra, note 161.

[165] Hamberger, K.L., & Hastings, J.E., 1993 Court-mandated treatment of men who assault their partner in N.Z. Hilton, Legal Responses to Wife Assault. Newbury Park, CA: Sage; Fagan, J., Friedman, E., Wexler, S., & Lewis V., 1984 Final Report: National Family Violence Evaluation, Grant 80-JN-AX-0004, Office of Juvenile Justice and Delinquency Prevention. Washington, DC, Department of Justice.

[166] Ministère du Solliciteur général du Canada, Étude de divers programmes de traitement pour hommes violents, par Karl R. Hanson et Suzanne Wallace-Capretta, 2000.

[167] Davis et Taylor, supra, note 161.

[168] Ministère du Solliciteur général du Canada, supra, note 161.

[169] Ministère de la Justice du Canada, supra, note 137.

[170] On fait mention de ces programmes provinciaux et territoriaux à la section VI du présent rapport, dans l’« Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale ».

[171] Voir D. Hiebert-Murphy et B. Trute, « Treatment for Couples Who Have Experienced Violence, The Couples Project », dans Manitoba Social Worker, vol. 30, no 4, 1998, p. 8-10.

[172] Ministère de la Justice du Canada, Moyer, supra, note 137.

[173] Jan Roehl et Kristin Guertin, « Intimate Partner Violence: The Current Use of Risk Assessments in Sentencing Offenders », dans The Justice System Journal, vol. 21, no 2, 2000, p. 171-198 (voir p. 172).

[174] Neil Websdale, Lethality Assessment Tools: A Critical Analysis, Minnesota Center Against Violence and Abuse, Université du Minnesota, 2001, http://www.vaw.umn.edu/Vawnet/lethality.htm, p.1.

[175] David S. Riggs, Marie B. Caulfield et Amy E. Street, « Risk for Domestic Violence: Factors Associated with Perpetration and Victimization », dans Journal of Clinical Psychology, vol. 56, no 10, 2000, p. 1289-1316 (voir p. 1290).

[176] Les facteurs liés à la perpétration d’actes de violence conjugale sont classés dans les catégories suivantes : agression dans une relation antérieure, éléments démographiques et psychologiques, psychopathologie et caractéristiques de la relation. Voir Riggs et coll., supra, ibid., p. 1292-1997.

[177] La recherche portant sur les facteurs liés à la victimisation découlant de la violence conjugale ne révèle pas de résultats aussi clairs. Voir Riggs et coll., supra,note 175, p. 1298-1301.

[178] Jan Roehl, et Kristin Guertin, supra, note 173, p. 174.

[179] Jacquelyn Campbell, « Issues in Risk Assessment in the Field of Intimate Partner Violence: What Practitioners Need to Know », présentation lors de la conférence internationale sur les enfants exposés à la violence conjugale, Our Children Our Future: A Call to Action, London (Ontario), juin 2001, p. 12.

[180] Jacquelyn Campbell (1995), citée dans Jan Roehl et Kristin Guertin, supra,note 173, p. 174. Dans une analyse plus récente de 493 cas de femmes victimes d’homicide dans 11 villes américaines, Campbell a cerné d’autres facteurs de prévision et de protection. Voir aussi Websdale, supra, note 174, p. 3.

[181] Jacquelyn Campbell, Danger Assessment Instrument, 1985 et 1988, http://www.nvaw.org.

[182] Jan Roehl et Kristin Guertin, supra, note 173, p. 179.

[183] P. Randall Kropp, Stephen D. Hart, Christopher D. Webster et Derek Eaves, Manual for the Spousal Assault Risk Assessment Guide, 2e edition, Vancouver, British Columbia Institute Against Family Violence.

[184] P. Randall Kropp et coll., ibid., p. 6-7.

[185] Websdale, supra, note 174, p. 6.

[186] Riggs et coll., supra,note 175, p. 1292.

[187] Jan Roehl, et Kristin Guertin, 1998, cités dans Websdale, supra, note 174.

[188] Websdale, supra, note 174, p. 7.

[189] Il est fait mention, dans l’« Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale », à la section VI du présent rapport, des systèmes de collecte des données et de suivi.

[190] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, Nova Scotia Family Violence Framework for Action Review, Interjurisdictional Comparison and Literature Review, par Carolyn Marshall, 2001.

[191] L’« Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale », à la section VI du présent rapport, résume ce que font les gouvernements au Canada à ce sujet.

[192] Ministère de la Justice du Canada, Review of Provincial and Territorial Domestic Violence Legislation and Implementation Strategies, par Tim Roberts, 2001.

[193] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, Framework for Action Against Family Violence, A Review, par K.M. Waters, 1999.

[194] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, supra, note 190.

[195] Ce modèle, utilisé par la Family Violence Prevention Initiative de la Nouvelle-Écosse, qui a formé plus de 6 000 professionnels au cours de sa durée, a exceptionnellement bien fonctionné. Les documents de formation ont été élaborés conjointement, y compris des politiques de programmes précisant les rôles et les lignes directrices, en vue d’une intervention efficace, pour les professionnels et les travailleurs concernés. La stratégie de formation comprenait le recours à des experts en matière de violence familiale et un modèle entre homologues qui a amélioré la crédibilité des apprenants. De cette façon, la formation était spécifique à la profession, définissait clairement les rôles et les attentes de rendement et tenait compte des défis particuliers auxquels faisait face chaque secteur au cours de son intervention.

[196] Au Québec, le critère applicable à l’inculpation est identique à celui qui est applicable à la poursuite.

[197] Dans le cas du Québec, ces critères sont relatifs à la suffisance de la preuve et à l’opportunité de la poursuite.

[198] Une telle recommandation reflète les politiques actuelles favorisant la poursuite de la plupart des gouvernements au Canada. Une autre approche reposant sur le recours, une fois entamée la poursuite, à un engagement de ne pas troubler l’ordre public, fait actuellement l’objet d’un projet pilote par HomeFront, à Calgary. Pour plus d’information, voir la section II, 2, v.

[199] Le Québec ne possède aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.

[200] À être complété conformément à l’alinéa 717(1)a)du Code criminel, à savoir : « […] soit par le procureur général ou son délégué, soit par une personne appartenant à une catégorie de personnes désignées par le lieutenant-gouverneur en conseil d’une province ».

[201] Dans le présent contexte, les services aux victimes doivent être entendus comme services fournis à la suite de l’implication de celles-ci dans le système de justice pénale, de tels services se distinguant de ceux dont pourraient bénéficier par ailleurs les victimes, comme les maisons d’hébergement.

 

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