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![]() l'Initiative de lutte contre la violence familialeLes politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugaleRapport final du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial chargé d'examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale élaboré pour
les Les opinions exprimées dans ce document sont uniquement celles de ses auteurs et ne représentent pas nécessairement celles des ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice. Also available in EnglishTable des matières
SECTION II : STRUCTURES ET MODÈLES
SECTION III : PROGRAMMES DE SOUTIEN
SECTION IV : RÉSUMÉ DES SECTIONS II ET III SECTION V : LISTE DES RECOMMANDATIONS SECTION VI : DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE
RÉSUMÉEn septembre 2000, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice ont approuvé la mise sur pied d’un groupe de travail fédéral–provincial–territorial spécial chargé d’examiner la mise en œuvre et l’état des politiques nécessitant ou favorisant l’inculpation et les poursuites dans les cas de violence conjugale, ainsi que plusieurs propositions de réforme législative. Le Groupe de travail devait présenter les résultats de cet examen aux ministres au cours de l’année. Le Groupe de travail fédéral–provincial–territorial spécial chargé d’examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale, créé en novembre 2000, est coprésidé par les ministères de la Justice du Canada et de la Nouvelle–Écosse. Le Groupe a présenté son premier rapport aux ministres concernés à leur réunion du 11 septembre 2001. On trouve dans ce document un rapport final sur les propositions de réforme du Code criminel et un rapport provisoire au sujet des politiques en matière d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence conjugale. Les ministres ont répondu à ce premier rapport en approuvant la recommandation faite à l’unanimité par le Groupe de travail de modifier l’article 127 du Code criminel (« Désobéissance à une ordonnance du tribunal »), prévoyant une infraction mixte passible d’une peine maximale de deux ans d’emprisonnement si son auteur est poursuivi par voie de mise en accusation. Les ministres ont aussi élargi le mandat du Groupe de travail pour lui permettre de compléter l’examen des politiques sur la violence conjugale. Les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux « cas de violence conjugale » souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme des affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme des affaires « privées ». Bien que des politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale aient été établies aux niveaux fédéral, provincial et territorial depuis le milieu des années 1980, l’examen de ces politiques par le Groupe de travail est le premier qui s’étende à l’ensemble du Canada. Le Groupe de travail a procédé à un examen exhaustif des travaux de recherche, notamment les données statistiques. Il s’est aussi efforcé de solliciter la participation des intervenants de première ligne du système de justice pénale pour connaître leur opinion sur la manière dont les politiques sont appliquées, et relever toute contradiction entre le texte des politiques et leur application régulière. Le Groupe de travail s’est également penché sur la façon dont les politiques reflètent les différences entre les victimes de violence conjugale et répondent à ces différences. Le présent rapport donne un aperçu de la nature et de l’incidence actuelle de la violence conjugale au Canada. Des femmes et des hommes sont victimes de violence conjugale, mais la nature et la gravité de tels incidents sont bien pires dans le cas des femmes. Ainsi, la violence conjugale demeure avant tout un problème de violence des hommes envers les femmes. Le rapport fait remonter les premières politiques concernant la violence conjugale au Canada à 1981. Il résume les expériences de la police, des procureurs de la Couronne, des intervenants du système correctionnel et des victimes relativement aux politiques. Le Groupe de travail constate que toute réponse du système de justice pénale à la violence conjugale comporte trois objectifs principaux : criminaliser la violence conjugale; promouvoir la sécurité de la victime; et préserver la confiance dans l’administration de la justice. Le Groupe de travail estime que la politique d’inculpation a contribué de façon significative au renforcement de la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale. L’établissement de la politique favorisant l’inculpation a certaines répercussions non intentionnelles défavorables, mais la majorité des victimes l’appuie vigoureusement. Elle permet aux intervenants du système de justice pénale de répondre, dès le départ, à la violence conjugale de manière efficace et de promouvoir la sûreté et la sécurité des victimes de violence conjugale. Le Groupe de travail recommande le maintien de la politique. Pour ce qui est de la politique sur la poursuite, le Groupe mentionne que sa mise en œuvre a donné des résultats mitigés. Toutefois, bien interprétée et appliquée, cette politique a contribué au renforcement de la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale et peut continuer de le faire. Le Groupe de travail recommande son maintien. Le Groupe de travail a aussi examiné les nombreuses mesures innovatrices qui ont été prises par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour assurer l’efficacité accrue des politiques sur la violence conjugale en particulier, et pour améliorer la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale de manière plus générale. Enfin, il importe de préciser que certains gouvernements (fédéral, provinciaux et territoriaux) se sont dotées de politiques et de pratiques qui touchent non seulement la violence conjugale mais aussi la violence familiale. Le Groupe reconnaî;t, à ce sujet, que dans bien des cas, les mesures reliées à la violence conjugale relevaient d’une stratégie plus vaste visant à s’attaquer au problème de la violence familiale. Le Groupe de travail a examiné les structures et modèles innovateurs nombreux, y compris les tribunaux chargés d’instruire les causes de violence conjugale, les lois en matière civile pour mieux protéger les victimes contre la violence conjugale ainsi que les stratégies et les initiatives de coordination intersectorielles dans l’ensemble du pays. Le Groupe s’est également penché sur la disponibilité des programmes de soutien dont : les services offerts aux victimes; les maisons d’hébergement et les programmes de soutien non résidentiels conçus pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants; les interventions faites auprès des enfants exposés à la violence conjugale; les programmes d’intervention destinés aux conjoints violents; l’élaboration de moyens d’évaluation du risque et de systèmes de suivi et de repérage; et la formation. Le Groupe de travail conclut que ces mesures et approches innovatrices ont contribué de façon importante à la mise en œuvre des politiques concernant la violence conjugale. Elles ont aussi renforcé la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale en offrant aux gouvernements de nouveaux moyens de s’assurer que le système tient compte des particularités de ce problème. Le Groupe de travail recommande donc de continuer à financer l’élaboration de réponses nouvelles et innovatrices du système de justice pour mieux appuyer et protéger les victimes tout au long du processus de justice pénale, pour réadapter les délinquants et pour assurer une coordination intersectorielle énergique en réponse à la violence conjugale. La formation continue des intervenants du système de justice pénale et l’évaluation des nouvelles mesures sont essentielles à des réponses fermes et efficaces du système face à la violence conjugale. Finalement, le Groupe de travail reconnaî;t qu’il existe encore de nombreuses lacunes dans notre compréhension des causes de la violence conjugale, de l’effet de la réponse du système de justice à cette forme de violence, et de l’efficacité des divers programmes et services offerts aux victimes et aux délinquants. Le Groupe recommande que les gouvernements soutiennent la recherche et comblent les lacunes en matière d’information afin d’assurer un solide fondement à une intervention plus efficace dans le domaine de la violence familiale. On trouvera à la section V du présent rapport la « Liste des recommandations » du Groupe de travail.SECTION I : EXAMEN DES POLITIQUES CONCERNANT LA VIOLENCE CONJUGALE
La violence conjugale est un problème grave et complexe qui comporte des
facettes et des causes multiples. Elle est présente dans toutes les sociétés[1]
et au sein de toutes les classes sociales[2]. Elle est désignée sous plusieurs
noms, notamment l’agression envers la conjointe, la violence contre la
conjointe, la violence contre les femmes dans une relation intime et la
violence entre conjoints; dans certaines sociétés on ne la nomme pas,
ce qui dénote la volonté de ne pas reconnaître officiellement et publiquement
une chose perçue comme relevant du domaine « privé[3] ».
Quel que soit le nom qu’on lui donne, la violence envers le conjoint de
fait ou un autre partenaire intime, actuel ou antérieur, n’est pas un
phénomène nouveau. Malgré cela, notre sensibilisation au problème de
la violence conjugale et la compréhension que nous en avons, notamment
ses incidences, les indicateurs de la violence et ses répercussions sur
les victimes, sont relativement nouveaux et croissent avec le temps.
De même, l’élaboration et l’application de mesures spécifiques par le
système de justice pénale pour contrer la violence conjugale – un
problème qui échappait à son regard par le passé – sont un phénomène
relativement récent.
Entre 1983 et 1986, les procureurs généraux et solliciteurs généraux,
tant fédéraux que provinciaux, ont adopté des directives requérant que
la police et les procureurs de la Couronne portent une accusation et intentent
une poursuite face à tout incident de violence conjugale où il y a des
motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise.
D’autres mesures ont été prises depuis pour accroître la portée et la
vigueur de la mise en œuvre de ces politiques partout au pays. Ces mesures
comprennent la mise en place de tribunaux spécialisés dans l’instruction
des causes de violence conjugale, de services et de programmes d’intervention
ainsi que l’adoption d’une loi en matière civile visant les victimes de
violence conjugale. Un grand nombre d’enquêtes, de rapports de comités
spéciaux et d’études ont été réalisés en plus des mesures susmentionnées
pour examiner de façon plus approfondie des cas de violence conjugale.
Les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la
justice se sont souvent penchés sur la question de l’efficacité des mesures
prises par le système de justice pénale pour combattre la violence conjugale.
Les discussions à ce sujet ont souvent tourné autour de réformes législatives
qui proposaient de s’attaquer à des formes particulières de violence conjugale.
À la réunion de septembre 2000 des ministres concernés, toutefois,
on a notamment pris en compte de manière plus large les répercussions
des politiques d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence
conjugale telles qu’adoptées depuis 1983. Ces politiques favorisant l’inculpation
et la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées,
en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application
aux « cas de violence conjugale » souligne le besoin d’opérer
une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par
le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles »
et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».
Même si on a reconnu que les politiques concernant la violence conjugale
constituent un élément clé des mesures prises par le système de justice
pénale pour contrer la violence familiale, celles-ci n’ont pas fait
l’objet d’un examen fédéral-provincial-territorial depuis
leur mise en œuvre.
Par conséquent, les ministres ont approuvé la mise sur pied d’un Groupe
de travail fédéral-provincial-territorial spécial devant examiner l’état
et la mise en œuvre des politiques relatives à la violence conjugale,
et de faire rapport aux ministres des résultats de cet examen dans l’année.
Les ministres ont aussi demandé un examen fédéral-provincial-territorial
des propositions de modifications au Code criminel faites par l’Alberta
et l’Ontario en matière de violence conjugale. Le Groupe de travail s’est
vu charger par la suite de procéder à cet examen.
Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial chargé d’examiner
les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale
a été créé en novembre 2000. Le Groupe est coprésidé par les ministères de
la justice du Canada et de la Nouvelle-Écosse. Le mandat du Groupe est reproduit
dans la section VI du présent rapport.
Le Groupe de travail compte dans ses rangs au moins un représentant de
chaque gouvernement (les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux,
agissant dans le cadre de leurs compétences juridictionnelles), ainsi
que des représentants de la police, du ministère public, du système correctionnel,
des organismes de services aux victimes et du secteur des politiques et
de la recherche. On a constitué quatre sous-comités chargés d’examiner
la législation, les politiques, les services de soutien ainsi que les
structures et modèles.
Le Groupe de travail a soumis son premier rapport aux ministres responsables
à leur réunion de septembre 2001. On y trouvait un rapport final sur
les réformes proposées au Code criminel et un rapport provisoire
examinant les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans
les cas de violence conjugale.
En ce qui concerne l’examen des dispositions législatives, les ministres
fédéraux, provinciaux et territoriaux ont approuvé la recommandation unanime
faite par le Groupe de travail de modifier l’article 127 du Code criminel
(« Désobéissance à une ordonnance du tribunal ») et de prévoir
une infraction mixte passible d’une peine maximale de deux ans par voie
de mise en accusation. Le ministre de la Justice du Canada s’est engagé
à inclure la modification proposée dans le projet de loi C-20,
intitulé Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et
d’autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada,
présenté en première lecture le 5 décembre 2002. La majorité des
ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux ont aussi donné leur adhésion
à la recommandation faite par le Groupe de travail, à la majorité, de
rejeter les quatre autres réformes proposées visant le Code criminel.
Finalement, les ministres ont approuvé l’élargissement du mandat du Groupe
de travail, compte tenu du fait qu’il lui a été demandé de mener à bien,
de manière accélérée, l’examen de la réforme législative proposée.
Contenu du rapport
Le présent rapport fait un survol de la nature et de l’incidence de la
violence conjugale au Canada aujourd’hui, donne un résumé du contexte
menant à l’adoption des politiques favorisant l’inculpation et la poursuite,
et examine les conclusions de la recherche liée à la mise en œuvre et
aux effets de telles politiques au Canada. La présente section comprend
un bref aperçu de la tendance actuelle à l’utilisation de processus alternatifs
de justice. Elle se termine par des recommandations, notamment en ce
qui concerne ces mesures de rechange dans les cas de violence conjugale.
Le rapport fait aussi état des recommandations concernant les structures
et modèles ainsi que les programmes de soutien. Enfin, la section V
présente la « Liste des recommandations » et la section VI
contient un « Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale »
qui résume les mesures de soutien.
2) LA NATURE ET L'INCIDENCE DE LA VIOLENCE CONJUGALE AU CANADA
Il y a de nombreux indices du caractère grave de la violence conjugale,
notamment ses répercussions physiques et psychologiques sur les victimes
et leurs enfants. Il y a aussi l’incidence de la violence conjugale,
sa nature, ses victimes et ses conséquences sur la société canadienne.
Les données statistiques et les travaux de recherche offrent un aperçu
inestimable de tous ces facteurs. (Sauf mention contraire, les données
statistiques citées sont tirées de Statistique Canada, La violence
familiale au Canada : un profil statistique, 2002.)
Ce n’est que depuis peu que l’on dispose de données sur la violence conjugale
au Canada. En 1980, le Conseil consultatif canadien sur la situation
de la femme a fourni la première évaluation à l’échelle nationale de l’incidence
de la violence conjugale au Canada, concluant que, « chaque année,
une Canadienne sur dix est battue, qu’elle soit mariée ou qu’elle vive
en union de fait[4] ».
L’auteur de cette étude de 1980 a par la suite déclaré que cette évaluation
avait constitué un choc tant pour les responsables des politiques que
pour le public[5].
Depuis lors, nous avons pu disposer de données additionnelles et plus
complètes, les plus importantes provenant de la Déclaration uniforme
de la criminalité (DUC)[6]
de Statistique Canada, de l’Enquête sociale générale sur la victimisation,
de 1999 (ESGV), de l’Enquête sur la violence contre les femmes, de 1993,
et de l’Enquête sur les homicides[7]. Les enquêtes sur la victimisation et les incidents
signalés par la police comportent des avantages et des inconvénients.
Les enquêtes sur la victimisation sont considérées, cependant, comme étant
plus exhaustives car les personnes qui les ont réalisées ont directement
interrogé des membres du public au sujet de leurs expériences; ces enquêtes
ne comptent pas sur la volonté des victimes de signaler des crimes à la
police, comme dans le cas de la DUC.
Qui sont les victimes de la violence conjugale?
Tant les femmes que les hommes font l’objet de violence conjugale. Les
données de l’ESGV de 1999 révèlent que 8 % des femmes (690 000)
et 7 % des hommes (549 000) ont déclaré avoir subi au moins
un incident violent de la part d’un conjoint actuel ou antérieur au cours
des cinq années précédentes. Ces données représentent 7 % des Canadiennes
et des Canadiens[8], et cette proportion grimpe à 20 %
dans le cas des Autochtones (25 % chez les femmes et 13 % chez
les hommes)[9].
Les données de la DUC de 2000 révèlent que les victimes de violence conjugale
comptaient pour un cinquième (18 %) de toutes les victimes
d’infractions avec violence (p. 6). En 2000, les femmes comptaient
pour 85 % des victimes ayant signalé un incident de violence conjugale
à la police, alors que les hommes représentaient environ 15 % des
victimes. Cette proportion est demeurée relativement stable depuis 1995,
mais le nombre de cas de violence conjugale signalés à la police a augmenté,
tant du côté des femmes que du côté des hommes (p. 6-8). Le nombre
de cas de harcèlement criminel concernant des partenaires intimes a également
augmenté depuis 1995. Les écarts entre les enquêtes sur les victimes
et les données de la police s’expliquent par le fait que les femmes rapportent
des incidents violents plus graves et qu’elles sont plus susceptibles
de signaler des incidents de violence conjugale à la police (37 %).
Quels sont les indices de risque de violence conjugale?
Les données de l’ESGV de 1999 révèlent que les personnes suivantes sont
le plus susceptibles d’être victimes de violence conjugale :
On ne dispose pas d’un portrait complet de toutes les expériences des
membres des minorités visibles, des nouveaux immigrants ou des réfugiés
puisque les études telles que l’ESGV et l’Enquête sur la violence contre
les femmes sont menées seulement en anglais et en français.
De quel type de violence s’agit-il?
Les taux généraux d’incidents de violence conjugale à l’endroit des femmes
et des hommes sont analogues. L’ESGV de 1999 a révélé que la nature et
la gravité de tels incidents n’étaient pas les mêmes pour les femmes que
pour les hommes. Ainsi, par exemple, les femmes étaient plus susceptibles
que les hommes de subir des types plus graves de violence; deux fois plus
susceptibles de signaler qu’elles sont battues (25 % par rapport
à 10 %); cinq fois plus de se faire étrangler (20 % par rapport
à 4 %); et deux fois plus de voir un couteau ou un pistolet utilisé
contre elles (13 % par rapport à 7 %)[12].
Homicides entre partenaires intimes
Entre 1991 et 2000, les homicides entre partenaires intimes comptaient
pour 27 % de tous les homicides. Au cours de cette période, 1 056
personnes ont été tuées par un partenaire intime, soit :
Dans plus de la moitié des cas d’homicide sur la personne du conjoint
(58 %), des antécédents de violence conjugale au sein de la famille
avaient déjà été signalés à la police[13].
Les données provenant de l’Enquête sur les homicides pour 1991-1999 révèlent
que le taux d’homicides entre conjoints étant 8 fois plus élevé dans
le cas des femmes autochtones que des femmes non autochtones et 18 fois
plus élevé dans le cas des hommes autochtones que des hommes non autochtones.
Le taux d’homicides entre conjoints était plus élevé dans le cas d’Autochtones
vivant en union de fait que d’Autochtones légalement mariés, la proportion
étant 8 fois plus élevée pour ce qui est des femmes autochtones et
de 6 fois plus élevée pour ce qui est des hommes autochtones[14].
Il y a eu diminution générale du taux d’homicides entre conjoints de 1974
à 2001 : la diminution était de 62 % dans le cas des femmes,
soit de 16,5 à 6,3 femmes par million de couples; la diminution était
de plus de 50 % dans le cas des hommes, soit de 4,4 à 2 hommes
par million de couples (p. 9). La majorité des groupes d’âge et
des régions au Canada ainsi que les relations à risque plus élevé (conjoints
séparés et conjoints de fait) ont connu un déclin. Après avoir diminué
de manière assez soutenue entre 1991 et 2000, le nombre d’homicides entre
conjoints a beaucoup augmenté en 2001 dans le cas des femmes, soit 69
par rapport à 52 en 2000. Le nombre de femmes qui ont tué leur mari est
demeuré le même (16 au cours de chacune de ces deux années). Malgré cette
augmentation, le nombre d’homicides entre conjoints en 2001 équivaut
à la moyenne des années 1991 à 2000[15].
Ce déclin général du taux d’homicides entre conjoints au Canada peut être
attribuable à l’évolution des relations intimes (par exemple l’augmentation
de l’âge moyen des hommes et des femmes qui se marient pour la première
fois et la fondation d’une famille à un âge plus avancé), une plus grande
égalité entre les sexes (par exemple la présence accrue des femmes sur
le marché du travail), ainsi que les nombreuses mesures de divers types
prises par les gouvernements et les groupes communautaires pour contrer
la violence familiale au cours des vingt dernières années. Ces mesures
comprennent : la mise en œuvre par tous les gouvernements au Canada
de politiques d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence conjugale;
l’accessibilité et l’utilisation des services offerts aux femmes victimes
de violence conjugale, l’accessibilité accrue des programmes d’intervention
auprès des conjoints violents qui abusent de leur partenaire; la création
de tribunaux chargés d’instruire les causes de violence conjugale; et
des modifications législatives, notamment l’adoption d’une loi interdisant
le harcèlement criminel (p. 12-14).
Entre 1974 et 2000, les armes à feu étaient les armes les plus fréquemment
utilisées lors de la perpétration d’homicides entre conjoints. Les femmes
étaient plus susceptibles d’être tuées au moyen d’armes à feu (40 %
par rapport à 26 %) et les hommes au moyen de couteaux ou d’objets
tranchants (58 % par rapport à 23 %). Dans l’ensemble, toutefois,
il y a eu un déclin statistiquement significatif de la proportion des
homicides entre conjoints mettant en cause des armes à feu entre 1974
et 2000 (une diminution de 77 % pour ce qui est des victimes de sexe
féminin et de 80 % pour celles de sexe masculin) (p. 11).
Quand y a-t-il violence conjugale?
Les données de la DUC de 2000 révèlent qu’environ deux tiers des femmes
et des hommes victimes de violence conjugale ont été agressés par leur
conjoint actuel (p. 6). Plusieurs croient que la séparation ou le divorce
élimine le risque de violence conjugale, mais selon l’ESGV de 1999, 39 %
des femmes victimes et 32 % des hommes victimes ont signalé des incidents
de violence à leur égard après la séparation[16]. Vingt quatre pour cent de ces victimes
de violence ont mentionné que les agressions sont devenues plus graves
après la séparation et 39 % ont souligné que les incidents de violence
n’ont eu lieu qu’après la séparation[17]. Les femmes (59 %) étaient
trois fois plus susceptibles que les hommes (20 %) de signaler des
blessures subies lors d’incidents violents avec leurs anciens partenaires[18].
De surcroît, les femmes séparées couraient le plus grand risque d’être
tuées : le taux d’homicides entre conjoints était neuf fois plus
élevé dans le cas des femmes séparées (38,7 par million) que dans le cas
des femmes mariées (4,5 par million) ou des conjointes de fait (26,4 par
million)[19].
Quelles sont les conséquences de la violence conjugale pour les victimes?
Les conséquences de la violence conjugale sur la vie des victimes sont
considérables : 28 % des victimes ont rapporté aux fins de l’ESGV
de 1999 que leur santé physique ou mentale avait été touchée d’une manière
qui nuisait à leurs activités quotidiennes comparativement à 21 %
des personnes non victimes d’une telle violence (p. 15).
D’après l’ESGV de 1999, les femmes étaient trois fois plus susceptibles
que les hommes de subir un préjudice corporel en raison d’un acte de violence
(40 % des femmes comparativement à 13 % des hommes) et cinq
fois plus susceptibles que les hommes de requérir des soins médicaux par
suite de tels actes (15 % des femmes comparativement à 3 % des
hommes) (p. 15).
Les Autochtones victimes de violence conjugale ont fait état de violence
plus grave, pouvant même mettre la vie en danger, subie aux mains de l’actuel
conjoint ou d’un ex-conjoint; il en était ainsi de 48 % des
Autochtones victimes de violence comparativement à 31 % des victimes
non autochtones[20].
En plus des conséquences au plan physique de la violence conjugale sur
les victimes, l’ESGV de 1999 a fait voir que la conséquence psychologique
la plus souvent mentionnée, tant par les femmes que par les hommes, était
un sentiment d’agitation, de confusion et de frustration. Tandis que
22 % des victimes de sexe masculin ont déclaré avoir été peu touchées
par la violence, il n’en a été de même que pour 5 % des victimes
de sexe féminin. Les femmes étaient beaucoup plus craintives que les
hommes à la suite d’incidents de violence (34 % des femmes comparativement
à 3 % des hommes) et étaient plus susceptibles de déclarer craindre
pour la sécurité de leurs enfants (14 % comparativement à 2 %).
Les femmes étaient aussi davantage susceptibles que les hommes d’être
atteintes de troubles du sommeil (14 % plutôt que 4 %), de dépression
ou d’accès d’anxiété (21 % plutôt que 10 %) et d’une baisse
de l’estime de soi (23 % plutôt que 6 %) (p. 15). Les
femmes victimes de violence conjugale ont également mentionné faire usage
de médicaments deux fois plus que les hommes victimes (p. 16).
Quelles sont les répercussions de la violence conjugale sur les enfants?
L’ESGV de 1999 a révélé qu’environ un demi-million d’enfants –
37 % de tous les ménages étant ainsi touchés par la violence familiale –
auraient entendu ou vu leur mère ou leur père faire l’objet de violence
au cours des cinq années antérieures[21].
Cette proportion grimpait à 47 % dans le cas des Autochtones victimes
de violence conjugale[22].
Les enfants étaient davantage susceptibles d’être témoins de violence
à l’endroit de leur mère (70 %) que de leur père (30 %)[23]. En outre, les enfants étaient davantage susceptibles d’être
témoins d’actes de violence plus graves à l’endroit de leur mère :
53 % des femmes comparativement à 12 % des hommes craignaient
pour leur vie lors de ces incidents[24]. L’ESGV de 1999 a également révélé que, dans le cas de 10 %
des voies de fait contre des femmes et de 4 % des voies de fait contre
des hommes, l’agresseur avait fait du mal à un enfant de moins de 15 ans
ou l’avait menacé[25].
D’après les recherches, les enfants confrontés à la violence conjugale
pourraient manifester des signes indicateurs de problèmes psychologiques,
sociaux, cognitifs, physiques et comportementaux, notamment des aptitudes
sociales déficientes, un taux élevé de dépression, de l’inquiétude, de
la frustration et de l’angoisse; une plus grande probabilité de souffrir
de malaises dus au stress; de faibles niveaux d’empathie; de la régression
au niveau du développement; des plaintes au sujet de malaises physiques;
un comportement agressif [26]. Des données laissent voir
également que les enfants témoins de violence conjugale sont plus susceptibles
de continuer le cycle intergénérationnel de la violence : les garçons
témoins de violence à l’endroit de leur mère sont ensuite plus susceptibles
de devenir violents dans leurs propres relations; les filles témoins de
violence à l’endroit de leur mère sont ensuite plus susceptibles de vivre
des relations de violence[27].
Pour la société canadienne, quels sont les coûts liés à la violence
conjugale?
La violence conjugale impose un lourd fardeau à la société canadienne
pour ce qui est d’offrir et de dispenser des services de santé et de bien-être,
notamment les services de counseling et les maisons d’hébergement d’urgence,
ainsi que des services liés au système de justice pénale. Les données
de l’ESGV de 1999 ont permis de constater les répercussions directes suivantes
de la violence :
En 1995, les résultats d’une étude des coûts économiques préalablement
choisis et liés à trois types de violence – agression sexuelle, violence
contre une femme dans une relation intime et inceste ou exploitation sexuelle
d’enfant – ont révélé que les coûts annuels partiels de la violence
à l’endroit des femmes dans quatre secteurs stratégiques de dépenses étaient
les suivants :
Selon l’évaluation des auteurs de l’étude, 87,5 % de ces coûts étaient supportés par l’État, 11,5 % par l’intéressé et 0,9 % par des tiers[29].
b) Politique en matière de poursuite
Comme on l’a mentionné, bien que les politiques actuelles soient de forme
et de teneur variées partout au pays, elles comptent un certain nombre
d’éléments communs.
i) Politiques favorisant l’inculpation
a) Critère – Des accusations devraient être portées lorsqu’il
y a des motifs raisonnables (et probables) de croire qu’une infraction
a été perpétrée, que la victime le désire ou non. En Colombie-Britannique
et au Québec, la décision d’approuver la dénonciation incombe au ministère
public. Au Nouveau-Brunswick, la décision est prise par la police sur
les conseils du ministère public. Dans ces provinces, le procureur de
la Couronne doit également évaluer s’il est ou non dans l’intérêt public
de porter une accusation[44].
b) Enquête – La police qui donne suite aux appels concernant
des voies de fait à l’égard d’un conjoint doit procéder à une enquête
approfondie et recueillir, de toutes les sources pertinentes, tous les
éléments de preuve disponibles. Certains gouvernements ont mis au point
des formulaires d’enquête adaptés aux incidents de violence conjugale.
c) Engagement de ne pas troubler l’ordre public – On ne devrait
pas recourir à des engagements de ne pas troubler l’ordre public ou à
des ordonnances d’engagement au lieu d’accusations lorsque la preuve justifie
que des accusations soient portées[45].
d) Retrait et sursis d’accusation – Retirer ou suspendre une
accusation est du ressort du ministère public.
e) Libération d’un accusé par l’agent responsable – La mise
en liberté du conjoint violent accusé devrait être assortie de conditions
appropriées, par exemple une ordonnance de non-communication, l’interdiction
relative aux armes à feu ou l’interdiction relative à la consommation
d’alcool ou de drogue[46]. Certains gouvernements exigent
que la victime soit avisée de la mise en liberté de l’accusé ainsi que
des diverses conditions connexes.
f) Services aux victimes – La plupart des gouvernements enjoignent
la police d’informer les victimes des services disponibles ou de les guider
vers ces services.
g) Mesures de rechange antérieures à la mise en accusation – Deux
gouvernements permettent actuellement la non-judiciarisation avant la
mise en accusation, dans des circonstances exceptionnelles, au profit
de programmes de mesures de rechange officiellement mis en place en vertu
du Code criminel. En Colombie-Britannique, où le procureur de
la Couronne doit donner son autorisation avant la mise en accusation,
on ne peut recourir à la non-judiciarisation que si le procureur en décide
ainsi et conformément à des critères spécifiés. Bien que l’autorisation
avant la mise en accusation ne soit pas prévue à l’Île-du-Prince-Édouard,
tous les renvois à des mesures de rechange, que ce soit avant ou après
la mise en accusation, doivent être approuvés par le procureur de la Couronne.
Les Territoires du Nord-Ouest ont établi un protocole autorisant, dans
des circonstances exceptionnelles, la non-judiciarisation avant la mise
en accusation au profit de comités de justice communautaire. Selon le
protocole, la non-judiciarisation n’est accordée que si la Gendarmerie
royale du Canada (GRC) et le comité de justice communautaire la recommandent
et si le directeur régional du ministère de la Justice du Canada y consent.
Même si le protocole est en vigueur, le directeur régional n’a reçu aucune
demande de non-judiciarisation avant la mise en accusation et la GRC n’estime
pas qu’il s’agit d’une politique obligatoire. Ce protocole est en cours
d’examen.
ii) Politiques favorisant la poursuite
a) Critère – Une affaire de violence conjugale doit donner
lieu à des poursuites lorsqu’on peut raisonnablement s’attendre à obtenir
une condamnation (en fonction de la preuve) et lorsque cela est conforme
à l’intérêt public[47].
b) Victime ou témoin réticent – La plupart des gouvernements
décident de poursuivre sans tenir compte du souhait de la victime. Que
celle-ci soit réticente à collaborer à la poursuite de l’accusé ne saurait
être un élément déterminant de la décision de poursuivre lorsqu’une preuve
indépendante est disponible. Si une victime refuse de témoigner ou de
collaborer, le procureur de la Couronne devrait chercher, en l’absence
de son témoignage, à obtenir des éléments de preuve sur lesquels il peut
fonder la poursuite; il devrait également consulter la victime et lui
demander si elle consent à appuyer la poursuite ou à collaborer. Contraindre
la victime à témoigner ou vouloir considérer son absence comme un outrage
au tribunal constituent, de façon habituelle, des mesures inappropriées;
on ne peut les envisager que dans des circonstances exceptionnelles, après
avoir consulté les cadres supérieurs.
c) Retrait et sursis des accusations – On ne devrait retirer
ou suspendre des accusations que dans des circonstances exceptionnelles.
d) Mise en liberté provisoire par voie judiciaire – La mise
en liberté du conjoint violent accusé devrait être assortie de conditions
appropriées, comme par exemple une ordonnance de non-communication,
l’interdiction relative aux armes à feu ou l’interdiction relative à la
consommation d’alcool ou de drogue. Certains gouvernements enjoignent
aux procureurs de s’opposer à la mise en liberté sous caution lorsqu’il
y a d’importants antécédents de violence, par exemple lorsqu’il y a déjà
eu des violations d’ordonnances du tribunal. La plupart des gouvernements
enjoignent aux procureurs d’informer les victimes de l’issue de l’enquête
sur le cautionnement et des conditions dont la mise en liberté peut être
assortie[48].
e) Communications avec la victime – Le procureur de la Couronne
devrait veiller à rencontrer la victime avant la date du procès, et l’informer
des services d’aide aux victimes disponibles et l’y diriger.
4) ÉVALUATION DES PÉPERCUSSIONS DES POLITIQUES SUR LA VIOLENCE
CONJUGALE
Les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de
violence conjugale ont fait l’objet d’un grand nombre d’analyses et d’évaluations
tant au Canada qu’aux États-Unis[49].
Le Groupe de travail a passé en revue une bonne partie de la recherche
effectuée. Il s’est également efforcé d’obtenir les réactions des intervenants
de première ligne en matière de justice pénale non seulement pour connaître
leur perspective sur l’efficacité des politiques, mais aussi pour déterminer
quelles contradictions il peut y avoir entre les politiques, telles qu’elles
ont été rédigées et adoptées, et leur application au jour le jour. En
examinant et en évaluant les répercussions des politiques, le Groupe de
travail s’est aussi penché sur la manière dont elles reflètent les différences
entre les victimes de violence conjugale et y répondent[50].
Ces études révèlent que les politiques ont parfois été couronnées de succès,
parfois non, dans l’atteinte des objectifs visés, et qu’elles ont eu certaines
incidences défavorables imprévues. Avant d’examiner ces évaluations, il
convient de faire un certain nombre d’observations.
Premièrement, le Groupe de travail avait connaissance du fait que les
recherches provenant de pays étrangers se rapportaient à des réalités
pas toujours comparables à celles du Canada. On peut en dire autant de
recherches menées au Canada même. La Colombie-Britannique, le Québec
et le Nouveau-Brunswick, par exemple, requièrent l’autorisation du procureur
de la Couronne avant la mise en accusation; la mise en œuvre des politiques
dans ces trois provinces peut ainsi différer par rapport à leur application
dans les provinces et territoires ne requérant pas une telle autorisation.
Deuxièmement, le Groupe de travail a très tôt reconnu qu’il n’existe pas
de mesure unique du succès. Les conclusions d’une recherche particulière
sur le succès ou l’échec des politiques semblent souvent liées à la personne
formulant l’opinion et à tel ou tel objectif des politiques dont on traite.
À titre d’exemple, lorsqu’un agent de police se plaint de la politique
d’inculpation, cela peut être dû non pas tant à quelque empêchement dans
l’atteinte des objectifs visés par la politique qu’à l’insatisfaction
de voir la politique restreindre le pouvoir discrétionnaire de l’agent
dans des cas particuliers[51];
l’insatisfaction d’un procureur de la Couronne au sujet de la politique
en matière de poursuite peut dépendre non pas de l’objectif visé qui est
de criminaliser la violence conjugale que de la difficulté qu’il peut
y avoir, en pratique, à mener des poursuites lorsqu’une victime ou un
témoin se rétracte ou est réticent; la satisfaction d’une victime à l’égard
d’une politique favorable à la mise en accusation, enfin, ne se traduit
pas nécessairement en un appui à une politique favorable à des poursuites.
Finalement, le Groupe de travail a reconnu le caractère unique de la violence
conjugale. Contrairement aux victimes de la violence de la part d’un inconnu,
les victimes de violence conjugale ont avec l’agresseur une relation qui
non seulement existait avant l’incident, mais qui se poursuivra également
par la suite. Plus de 60 % des femmes qui fuient leur conjoint violent
pour trouver asile dans une maison d’hébergement retourneront auprès de
leur conjoint et subiront de nouveau de la violence : [Traduction]
« la violence conjugale, de par sa nature, s’accompagne de récidive
et d’une tendance marquée à l’escalade[52] ».
De plus, même lorsque la victime a mis fin à sa relation avec le conjoint
violent, il se peut qu’elle continue de partager avec lui un rôle parental.
Vu la nature cyclique de la violence conjugale, une question est souvent
posée : pourquoi la victime reste-t-elle? Plusieurs motifs existent,
notamment les suivants[53] :
Peu importe ses motifs, cependant, elle désire toujours que la
violence cesse[54].
Le Groupe de travail constate que toute réponse du système de justice
pénale à la violence conjugale comporte trois objectifs principaux :
C’est dans ce contexte que le Groupe de travail a examiné la question
de la mise en œuvre et de l’efficacité des politiques sur la violence
familiale selon deux axes : la mesure du succès des politiques pour
ce qui est de considérer les voies de fait à l’égard d’un conjoint comme
une affaire criminelle; la reconnaissance, s’agissant des politiques,
du caractère unique de la violence conjugale par rapport à celle commise
par un inconnu et la capacité des politiques à s’y adapter.
i) Politique favorisant l’inculpation
Comme il a été signalé ci-dessus, les objectifs principaux de la politique
d’inculpation sont les suivants :
La politique favorable à l’inculpation a accru le nombre d’incidents signalés
à la police et le nombre d’accusations portées dans les affaires de violence
conjugale, et il a réduit les risques de préjudice découlant de la récidive[55].
Nombre accru d’incidents signalés
Bien que la majorité des victimes d’incidents de violence conjugale ne
signale pas ceux-ci à la police[56],
les données de l’ESGV de 1999 révèlent que 37 % des femmes et 15 %
des hommes qui ont déclaré avoir subi de la violence l’ont aussi signalé
à la police. Les taux pourraient varier, en partie, à cause de la nature
moins sévère de la violence subie par lesvictimes de sexe masculin (p. 9).
L’analyse des tendances telles qu’elles se manifestent dans les données
de la DUC de 1995 à 2001 a fait voir une augmentation de 27 % des
incidents de violence conjugale signalés aux services de police participants.
L’ESGV de 1999 a également révélé une importante augmentation de la proportion
de femmes victimes de violence conjugale qui ont signalé des incidents,
celle-ci passant de 29 % en 1993, dans le cadre de l’Enquête sur
la violence faite aux femmes, à 37 % en 1999. Un certain nombre
de facteurs peuvent expliquer cette augmentation, comme une plus grande
confiance en la capacité du système de justice pénale à s’attaquer efficacement
aux cas de violence conjugale; des changements dans les méthodes de la
police; une stigmatisation sociale réduite; une sensibilisation accrue
au caractère illégal de la violence conjugale; et une meilleure connaissance
des services dispensés[57].
Quatre-vingt-treize pour cent des femmes et 79 % des hommes ont déclaré
que le motif pour lequel ils avaient signalé la violence conjugale à la
police était de la faire cesser ou d’obtenir la protection de la police
contre la violence (p. 18). Pour certaines victimes plus vulnérables,
notamment celles qui sont marginalisées sur les plans économique et social
comme les Autochtones et les personnes à faible revenu, ainsi que les
victimes habitant dans des collectivités rurales ou éloignées, communiquer
avec la police est souvent le seul moyen d’obtenir de l’aide immédiatement[58].
Mesures prises par la police
Selon les données de la DUC de 2000, des accusations ont été portées relativement
à 82 % des incidents de violence conjugale signalés à la police;
les autres incidents (18 %) ont été traités d’une autre manière.
Dans 13 % des cas, les agents de police n’ont pas porté d’accusations
à la demande de la victime (21 % des cas concernant une victime de
sexe masculin et 11 % des cas concernant une victime de sexe féminin).
Les agents de police ont exercé leur pouvoir discrétionnaire et se sont
abstenus de porter des accusations en ce qui concerne 3 % de tous
les incidents[59]. Ces proportions sont demeurées
relativement stables depuis que des données sur les tendances sont disponibles
par l’entremise de la DUC, soit depuis 1995.
Seules quelques études ont été signalées sur les tendances entourant les
pratiques de la police quant à la mise en accusation dans les cas de violence
conjugale. Une étude couvrant une période de dix ans s’étendant avant
et après la mise en œuvre de la politique d’inculpation, à London (Ontario),
a révélé, par exemple, que le nombre d’accusations portées par des policiers
dans des cas de violence conjugale avait grimpé de 2,9 % en 1979
(avant la politique) à 67 % en 1983 et à 89 % en 1990[60].
Diminution de la récidive
Les recherches disponibles laissent entrevoir des conclusions contradictoires
quant aux effets des politiques d’inculpation sur la réduction de la récidive
chez les conjoints violents. On sait peu de choses sur la corrélation
entre la politique d’inculpation et le taux d’arrestation des auteurs
de violence conjugale; des données non scientifiques laissent croire,
toutefois, qu’il n’y a pas eu davantage d’arrestations dans ces cas-là[61].
L’une des premières recherches effectuées dans le domaine a été menée
à Minneapolis en 1984. C’est une politique préconisant l’arrestation,
et non l’inculpation, qui a été établie dans cette ville. On y a conclu
que l’arrestation d’un conjoint violent avait pour effet de réduire de
moitié le taux de récidive pendant les six mois qui suivaient, par comparaison
avec d’autres types d’intervention policière moins formels[62].
Le même genre d’étude menée dans six autres villes américaines a donné
lieu à des conclusions moins positives, toutefois, notamment quant au
fait que l’arrestation de l’agresseur pouvait faire croître le taux de
récidive lorsque le conjoint violent se retrouvait dans certaines situations
(en chômage par exemple)[63]. Une répétition plus récente
de la même étude a toutefois conduit à la conclusion qu’une diminution
de la récidive était constamment associée à l’arrestation des conjoints
violents, et qu’il n’y avait aucun lien entre l’arrestation et un risque
accru de préjudice pour la victime[64].
Une baisse semblable du taux de violence a aussi été observée au Canada
en raison de la politique d’inculpation[65].
Avis des principaux protagonistes sur la mise en œuvre de la politique
d’inculpation
Les victimes de violence conjugale et les fournisseurs de services aux
victimes ont exprimé un appui enthousiaste à la politique favorisant l’inculpation[66]. Selon une étude menée en 1996
sur les résultats de la politique sur les mises en accusation obligatoires
au Yukon, par exemple, 85 % des victimes estimaient valable cette
politique à portée obligatoire, quelles que soient les préférences de
la victime. En outre, 68 % des victimes ont déclaré que la politique
les incitait à signaler de futurs incidents[67].
Dans le même ordre d’idées, un examen des expériences vécues par les fournisseurs
de services travaillant auprès des femmes membres de groupes ethnoculturels
victimes de violence conjugale révèle qu’elles appuient la politique favorisant
l’inculpation, puisque celle-ci retire aux victimes la responsabilité
de décider de porter une accusation, qu’elle véhicule un message social
important selon lequel la violence conjugale est inacceptable, et qu’elle
renforce l’autonomie des femmes[68].
Selon l’ESGV de 1999, comme on l’a déjà mentionné, 93 % des femmes
victimes ayant signalé des incidents de violence conjugale à la police
ont déclaré l’avoir fait pour que cesse cette violence. Ces femmes s’attendent
à ce que, si elles en appellent à la police, celle-ci se rendra
sur les lieux, ce qui mettra fin à l’incident de violence[69]. Il est clair que les victimes
de violence conjugale désirent que cette violence prenne fin, ce en quoi
consiste pour la plupart des femmes la politique favorisant l’inculpation.
Cela n’équivaut toutefois pas, pour de nombreuses victimes, à un appui
à la politique favorisant la poursuite[70].
Une répercussion défavorable imprévue de la mise en œuvre réussie de la
politique d’inculpation a été ses répercussions sur les victimes de violence
conjugale qui sont membres de collectivités à fort taux de criminalité.
En particulier, les femmes autochtones, à faible revenu, membres de minorités
visibles ou immigrantes hésitent parfois à faire appel à la police lors
d’incidents de violence conjugale, par crainte des répercussions du traitement
discriminatoire à l’endroit de leur conjoint, de leurs enfants ou d’elles-mêmes[71].
Les réactions de la police face à la politique favorisant l’inculpation
ont été mitigées. Selon l’étude couvrant une période de dix ans et s’étendant
avant et après la mise en œuvre de la politique sur les accusations à
London (Ontario), la proportion des agents de police estimant la politique
efficace est passée d’un tiers en 1985 (quatre années après son adoption)
à un peu plus de la moitié (52,3 %) en 1990 (neuf années après son
adoption). En 1990, alors que près de la moitié de ces policiers (48,1 %)
estimaient que la politique était utile pour les femmes victimes de violence
conjugale, les deux tiers (64,9 %) croyaient qu’elle avait donné
un important message à la collectivité. Selon cette étude, finalement,
les membres des forces policières comptant davantage d’années de service
et ceux occupant des postes de supervision se disaient les plus favorables
à la politique par rapport aux autres policiers[72].
Une étude sur le Metro (Toronto) Woman Abuse Protocol Project a permis
de constater une différence de perception semblable entre les membres
comptant plus d’années de service et ceux en comptant moins. L’étude
a révélé que 6 des 17 policiers favorables à la politique comptaient au
moins sept années de service[73].
Selon l’étude, une critique couramment exprimée par les policiers voulait
que la politique restreignait indûment leur pouvoir discrétionnaire.
La plupart des policiers interrogés estimaient que porter une accusation
contre un conjoint violent (c’est-à-dire prendre une mesure
juridique) n’était pas toujours la meilleure solution face à un problème
complexe, que certains répondants ne considéraient pas encore comme une
affaire criminelle[74].
D’autres chercheurs ont relevé des données semblables quant à la persistance
de certaines attitudes chez des policiers, attitudes qui les empêchent
de réagir favorablement lorsqu’on fait appel à eux pour des incidents
de violence conjugale, notamment lorsque la victime ne leur semble pas
être une victime irréprochable, en détresse et méritant leur protection[75].
Certains chercheurs ont noté que, si des policiers se plaignent de ne
plus disposer de pouvoir discrétionnaire dans les cas de violence conjugale,
certains continuent, en réalité, d’exercer un tel pouvoir lorsqu’il s’agit
de porter ou non une accusation contre un conjoint violent pour violation
d’une ordonnance de protection. Une étude du service de police de Delta
(Colombie-Britannique), menée entre juin 1993 et 1994, a révélé par exemple
que, malgré une politique de tolérance zéro, certains policiers inculpaient
rarement les personnes contrevenant à une ordonnance de protection même
lorsqu’on leur présentait une copie de l’ordonnance toujours valide, que
le délinquant se trouvait encore sur les lieux et que la victime souhaitait
son arrestation[76].
Certains policiers qui appuient la politique favorisant l’inculpation
ont néanmoins exprimé une certaine frustration à son égard. Plusieurs
d’entre eux savent en effet que, bien qu’ils déploient d’importants efforts
pour aider la victime et pour se conformer à la politique, il y a de fortes
possibilités que la victime se rétracte et que le procureur de la Couronne
retire ou suspende l’accusation.
Une autre critique concernant l’absence de pouvoir discrétionnaire de
la police dans des cas particuliers souligne que la stricte observation
de la politique favorisant l’inculpation oblige les policiers à porter
une double accusation, c’est-à-dire à inculper tant l’homme agresseur
que la femme victime et/ou agresseur lorsque cette dernière a commis des
actes « violents », peu importe si elle l’a fait ou non pour
se défendre. Une étude américaine a permis de constater une augmentation
considérable du nombre de doubles arrestations ou de doubles accusations,
une conséquence directe des politiques qui rendent obligatoires l’inculpation
et l’arrestation[77].
Les études canadiennes disponibles confirment qu’on procède bien à des
doubles mises en accusations au Canada dans des cas de violence conjugale.
La proportion des doubles arrestations lors d’incidents de violence conjugale
à Winnipeg, par exemple, était de 6 % (166 cas) en 1992-1993
et de 8 % (208 cas) en 1996-1997, la moyenne étant de 7 %
des cas pour l’ensemble de la période[78]. En Alberta, on a procédé à des doubles arrestations dans 4 %
des cas en 1999, 6 % des cas en 2000 et 5 % des cas en 2001.
Pour répondre à ce problème, certains gouvernements ont adopté des modèles
de type « principal agresseur[79] ».
Ces modèles requièrent habituellement des policiers qu’ils consentent
des efforts raisonnables pour déterminer : qui est l’agresseur principal
lors d’un incident de violence conjugale ainsi que, notamment, si l’une
ou l’autre personne était en état de légitime défense (en départageant
ainsi les actes offensifs et les actes de légitime défense); les antécédents
de violence entre les personnes concernées; et la différence de taille
entre celles-ci. Dans le cadre de l’enquête Lavoie au Manitoba,
on a recommandé l’adoption d’une règle de l’agresseur principal[80]. On a aussi proposé de s’attaquer à ce problème
en rendant obligatoires l’examen et l’autorisation du procureur de la
Couronne à l’égard de toute contre-plainte de violence conjugale[81].
ii) Conclusions
Les politiques favorisant l’inculpation, établies au Canada pendant les
années 1980, ont contribué de façon appréciable au renforcement de la
réponse du système de justice pénale à la violence conjugale. Les résultats
des recherches sur ce phénomène démontrent une augmentation du nombre
d’incidents de violence conjugale signalés et du nombre d’accusations
portées dans ces cas-là. Ces politiques ont également permis de réduire
le nombre d’infractions subséquentes.
On ne saurait attribuer seulement aux politiques d’inculpation l’amélioration
de la réponse du système de justice pénale, mais il n’en demeure pas moins
qu’elles ont joué un rôle de premier plan dans l’atteinte de cet objectif.
Bien que les politiques favorisant l’inculpation aient aussi eu des répercussions
défavorables imprévues, la plupart des victimes de violence conjugale
les appuient vigoureusement. Une victime de violence conjugale doit savoir
que, si elle signale un incident à la police, celle-ci interviendra
et mettra fin tout au moins à cet incident. La politique d’inculpation
permet au système de justice pénale de répondre à la violence conjugale
de façon efficace et uniforme, ce qui contribue à la sécurité des victimes.
La politique d’inculpation vise à s’assurer que la police traite la violence
conjugale comme une affaire criminelle et qu’elle procède à une mise en
accusation dans les cas où il y a des motifs raisonnables de croire qu’une
infraction a été commise. Quant aux gouvernements qui exigent l’approbation
préalable du procureur de la Couronne à l’inculpation, ils doivent déterminer
s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations. Les mesures
qui contribuent à sensibiliser les organismes d’application de la loi
à la nature particulière de la violence conjugale, permettent de mettre
en œuvre la politique conformément à ses objectifs.
iii) Recommandations
Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques favorisant
l’inculpation dans les cas de violence conjugale. À cet égard, il faut
continuer d’appliquer le critère actuel en portant des accusations lorsqu’il
y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise.
Pour ce qui est des gouvernements exigeant l’approbation du procureur
de la Couronne préalable à l’inculpation, ils doivent de plus déterminer
s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations[82].
Les politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale
doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout
acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale souligne
le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement
réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme
affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel
comme affaires « privées ».
Le Groupe de travail recommande également d’élaborer des politiques favorisant
l’inculpation dans les cas de violence conjugale pour traiter, à tout
le moins, des points importants qui suivent.
iv) Politique favorisant la poursuite
Comme il est mentionné ci-dessus, la politique favorisant la poursuite
comporte de nombreux objectifs :
Des études menées peu après l’adoption de la politique permettent de constater
un certain succès dans la réduction des taux d’abandon pour les affaires
de violence conjugale. Dans une étude menée sur dix ans à London (Ontario),
les chercheurs ont conclu qu’avant l’adoption de la politique, 38,4 %
des accusations étaient rejetées ou retirées; qu’en 1983 (deux ans après
l’adoption de la politique), la proportion en avait été réduite à 16,4 %;
puis qu’elle n’était plus que de 10,9 % en 1990[84].
Une étude menée en 1988 en Saskatchewan sur le taux des poursuites dans
les cas de violence conjugale après l’adoption de la politique a révélé
que 89 % des accusations portées ont donné lieu à un procès. Il
y avait suspension de l’accusation dans 5 % des cas et retrait dans
6 % des cas[85].
Une étude du traitement des affaires de violence conjugale par le tribunal
de la violence familiale de Winnipeg entre 1992 et 1997 a révélé que 46 %
des accusations avaient été suspendues et qu’il y avait eu inscription
d’un plaidoyer de culpabilité dans 43 % des cas. On a conclu dans
cette étude que la politique en matière de poursuite (soit, pour ce qui
est du Manitoba, une politique de tolérance zéro) jouait deux rôles.
Il s’agit de cibler la plupart des cas dès le début du processus et de
permettre, dans l’application de la politique, un certain pouvoir discrétionnaire
en matière de poursuite de façon à ce que des cas soient écartés, notamment
ceux où il n’y a pas de probabilité raisonnable de condamnation et donc
pas de motif raisonnable d’intenter un procès (suspension)[86].
En ce qui concerne la question de savoir si la politique en matière de
poursuite a eu pour effet d’inciter les victimes à collaborer aux poursuites
engagées à la suite des infractions, il faut noter ceci : le motif
le plus souvent invoqué pour le retrait ou la suspension d’accusations
de violence conjugale a trait à un témoin réticent et à l’absence de toute
autre preuve[87]. Certains procureurs de la Couronne ont déclaré
que, plus souvent qu’autrement, les femmes victimes de violence conjugale
se montraient réticentes et que cela constituait pour elles une importante
source de frustration[88]. Compte tenu de cette situation, il n’est
pas surprenant d’apprendre que, selon certains procureurs de la Couronne,
la politique favorisant la poursuite est trop stricte, qu’elle nuit indûment
à l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, qu’elle n’est pas pratique
et traite à tort de la même manière tous les cas de voies de fait à l’égard
d’une conjointe[89].
Le tribunal de la violence familiale de Winnipeg a mis au point une mesure
innovatrice pour contrer le problème des témoins réticents. Lorsqu’une
victime déclare qu’elle ne témoignera pas parce qu’elle ne désire pas
l’arrestation de son conjoint, et que ce qu’elle désire en bout de ligne,
c’est que la violence cesse, le procureur de la Couronne procédera à une
« négociation de témoignage ». Ainsi, le procureur de la Couronne
pourra offrir de laisser tomber une accusation plus grave pouvant entraîner
l’emprisonnement et recommander la mise en liberté conditionnelle du contrevenant,
l’une des conditions imposées par le tribunal étant qu’il subisse des
traitements, et ce, en échange du témoignage de la victime. Si la victime
accepte, l’avocat de la défense en est informé et il en résulte bien souvent
un plaidoyer de culpabilité de la part de l’accusé[90].
Une autre mesure consiste à apporter un soutien actif et efficace à la
victime tout au long de la poursuite. Une étude récente a révélé qu’il
existait deux facteurs très importants pour s’assurer de la coopération
de la victime lors de poursuites dans un cas de violence conjugale :
que l’on soit disponible pour aider et soutenir la victime et le témoin;
qu’il soit possible de recueillir le témoignage sur bande magnétoscopique.
On a aussi conclu dans la même étude que, lorsque le procureur de la Couronne
perçoit la victime comme étant coopérative, il est sept fois plus susceptible
d’engager des poursuites qu’en cas contraire[91].
Lorsque la victime est réticente ou se rétracte, le procureur de la Couronne
suspendra ou retirera les accusations en l’absence d’autres éléments de
preuve fiables et admissibles. Parmi les éléments de preuve indépendants
il peut y avoir les déclarations d’autres témoins, les enregistrements
magnétiques d’appels au service d’urgence 911, les dossiers médicaux
faisant état des blessures subies, des photographies ou un enregistrement
sur bande vidéo des lieux lors de l’arrivée de la police et d’autres éléments
de preuve matérielle.
Bien que la plupart des victimes de violence conjugale appuient fortement
une politique favorisant l’inculpation, principalement parce qu’elle aide
à faire cesser la violence, nombre d’entre elles ont dit souhaiter assouplir
la politique favorisant la poursuite afin qu’elle tienne mieux compte
des besoins et de la situation des victimes et de leur famille[92].
Sur 74 femmes victimes de violence conjugale interrogées à Abbotsford
(Colombie-Britannique) en 2000, 86 % d’entre elles ont exprimé leur
appui à la politique favorisant l’inculpation. Toutefois, 40 % des
victimes ne désiraient pas que des poursuites soient intentées. Parmi
ces dernières victimes, trois sur quatre ont mentionné ne pas vouloir
coopérer parce qu’elles désiraient se réconcilier avec le conjoint violent
et près du tiers souhaitaient le retrait de l’ordonnance de non-communication.
Trente pour cent (30 %) de l’ensemble des victimes ont également
mentionné avoir connu des difficultés financières après l’arrestation
du conjoint violent[93].
D’autres chercheurs ont relevé des facteurs additionnels qui influent
sur le degré de collaboration d’une victime avec le procureur de la Couronne.
En effet, la victime est plus susceptible de coopérer si :
v) Conclusions
L’expérience de la politique favorisant la poursuite dans les cas de violence
conjugale démontre que le critère prévalant en la matière n’est pas interprété
de la même façon par les intervenants, qu’ils appartiennent au système
de justice pénale ou non, ce qui explique les avis partagés sur le succès
de la politique.
Ceux et celles qui croient que la politique rend littéralement obligatoires
les poursuites dans tous les cas de violence conjugale, sans égard
à d’autres facteurs, sont plus susceptibles de conclure que la politique
n’a pas donné les résultats escomptés. Les personnes qui estiment que
la politique rend obligatoires les poursuites dans tous les cas où il
y a, compte tenu de tous les éléments de preuve, une possibilité raisonnable
de condamnation et où il est dans l’intérêt public d’engager des poursuites,
sont plus susceptibles de conclure que la politique a permis de renforcer
la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale. Le Groupe
de travail se montre favorable à cette seconde manière d’interpréter la
politique.
Les recherches démontrent sans équivoque que les procureurs de la Couronne,
les victimes et les membres du public sont frustrés par certains aspects
de la politique. Des procureurs se disent déçus d’avoir à engager des
poursuites sans la collaboration de la victime et/ou du témoin. Certaines
victimes refusent d’appuyer la poursuite en témoignant, par exemple, contre
leur partenaire avec qui elles viennent de se réconcilier; d’autres estiment
que le système de justice pénale ne traite pas les cas de violence conjugale
avec suffisamment de sévérité, comme en font foi les peines infligées
aux conjoints violents. De surcroît, les membres du public s’opposent
fréquemment à quelque processus ou politique que ce soit qui ne mène pas
à la réponse traditionnelle de la justice pénale, l’incarcération.
Le Groupe de travail estime que la politique favorisant la poursuite assurera,
si elle est interprétée et appliquée conformément à son objectif, une
réponse efficace et uniforme du système de justice pénale à la violence
conjugale. Parmi les autres mesures qui contribueront à l’efficacité
de la politique, il faut noter que :
vi) Recommandations
Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques actuelles favorisant
la poursuite dans les affaires de violence conjugale. À cet égard, le
critère actuel doit continuer de s’appliquer, à savoir qu’il y a lieu
d’engager une poursuite dans les cas de violence conjugale lorsque, compte
tenu de l’ensemble de la preuve, il existe un espoir raisonnable d’obtenir
une condamnation et qu’il est dans l’intérêt public d’engager une poursuite[95].
Les politiques « favorisant la poursuite » dans les cas de violence
conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables
à tout acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale
souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part,
le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés
comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement
traditionnel comme affaires « privées ».
Le Groupe de travail recommande aussi que, dans l’élaboration des politiques
favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale, on aborde
au moins les principales questions suivantes.
5) RECOURS AUX PROCESSUS ALTERNATIFS DE JUSTICE DANS LES CAS DE VIOLENCE
CONJUGALE
Au cours des vingt dernières années, plusieurs modifications apportées
au droit pénal ont reflété un intérêt croissant à l’égard des processus
alternatifs de justice en matière de conduite criminelle et à l’égard
de solutions de rechange en matière de détermination de la peine. Par
exemple, les mesures législatives concernant les jeunes contrevenants
ont été modifiées en 1985 afin de permettre l’application de mesures de
rechange[98]. En 1996,
le Code criminel a été modifié afin de permettre l’application
des programmes autorisés de mesures de rechange aux délinquants adultes[99].
Cette réforme ainsi que l’émergence d’un fort intérêt en matière de justice
réparatrice en général ont poussé le public et le gouvernement à examiner
les solutions de rechange au processus traditionnel de justice pour faire
face à la conduite criminelle, y compris la violence conjugale.
Le Groupe de travail a passé en revue l’application de ces processus alternatifs
de justice dans les cas de violence conjugale, y compris leur compatibilité
avec les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les
cas de violence conjugale.
i) Mesures de rechange
Objectifs des mesures de rechange
Lorsque le Code criminel a été modifié en 1996 pour permettre l’application
des mesures de rechange aux délinquants adultes, ces modifications ont
été décrites comme ayant deux principaux objectifs : « prévenir
la récidive et éviter le tort qui peut parfois être causé à des contrevenants
ayant commis des infractions moins graves qui sont soumis au processus
judiciaire[100] ».
Ainsi, lorsqu’elles sont conformes à la nécessité de protéger le public,
ces dispositions permettent la non-judiciarisation des « contrevenants
aux prises avec la justice pour la première fois et qui ont commis une
infraction moins grave »; ils seront donc tenus à l’écart des tribunaux,
libérant dès lors « les ressources précieuses des procureurs et des
tribunaux » pour que celles-ci puissent être consacrées « aux
dossiers plus graves[101] ».
Avec le temps et à mesure que l’expérience au sujet de ces dispositions
s’est prolongé, les gouvernements ont commencé à envisager le bien-fondé
d’appliquer les mesures de rechange aux récidivistes et aux auteurs d’une
infraction plus grave.
Comment les mesures de rechange fonctionnent-elles?
L’article 717 du Code criminel permet l’application de mesures
de rechange lorsque celles-ci ne sont pas incompatibles avec la protection
de la société et si les conditions suivantes sont réunies :
Un délinquant peut être renvoyé à un programme de mesures de rechange
avant ou après avoir fait l’objet d’une accusation. L’administration
d’un programme de mesures de rechange n’exige pas une surveillance de
la part des tribunaux, mais si le suspect ne complète pas le programme
avec succès, il pourrait faire l’objet d’une accusation ou encore, l’accusation
portée pourrait faire l’objet d’une poursuite[102].
Les délinquants qui complètent avec succès un programme de mesures de
rechange n’ont pas de casier judiciaire au sujet de l’infraction visée
par les mesures[103]. Les dossiers dressés concernant
les mesures de rechange suivies et la réponse du suspect ne peuvent être
déposés en preuve plus de deux ans après l’exécution de ces mesures de
rechange, sauf aux fins des procédures en matière de détermination de
la peine conformément au paragraphe 721(3) du Code criminel.
En règle générale, les programmes de mesures de rechange comportent un
mécanisme hors cour visant à déterminer les conséquences de l’infraction
à l’égard de l’auteur de celle-ci. Cela peut se produire de plusieurs
façons, y compris dans le cadre d’une entrevue de premier contact et d’une
évaluation, suivies par un examen de la part d’un comité de justice, d’une
conférence avec un groupe de familles ou d’un processus de règlement négocié
des différends, ou encore par renvoi direct à un programme approprié.
Normalement, le délinquant s’engage à faire certaines choses en raison
de son comportement. Cet engagement peut comprendre l’obligation de présenter
des excuses, de participer à un programme de traitement, de réparer le
tort causé, de rendre service à la communauté ou de collaborer avec un
conseiller ou un aîné[104].
Les programmes et les politiques en matière de mesures de rechange
La plupart des provinces et le gouvernement fédéral ont approuvé des programmes
de mesures de rechange conformes aux dispositions du Code criminel.
Les programmes de mesures de rechange de tous les gouvernements sauf trois,
à savoir les Territoires du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard,
écartent spécifiquement les cas de violence conjugale. Le Manitoba, l’Ontario,
le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador n’ont pas de programmes de mesures
de rechange. La constitutionnalité des dispositions de la Nouvelle-Écosse
prévoyant l’exclusion de cas de violence conjugale a récemment été contestée,
mais sans succès[105].
Comme il est signalé précédemment, certaines collectivités des Territoires
du Nord-Ouest ont adopté un protocole aux termes duquel elles envisagent
l’adoption de mesures de rechange antérieures à la mise en accusation
dans les cas de violence conjugale et le renvoi aux comités de justice
de la collectivité dans des circonstances exceptionnelles et avec la recommandation
conjointe de la GRC, du comité de justice communautaire et du directeur
régional du ministère de la Justice du Canada, lequel donne son consentement
par écrit. Jusqu’à maintenant, aucune demande de non-judiciarisation
avant accusation n’a été présentée. Le protocole fait l’objet d’une révision
par les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement fédéral et la GRC.
Dans des circonstances exceptionnelles, la Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard
permettent la non-judiciarisation des cas de violence conjugale et le
recours à un programme de mesures de rechange, y compris avant accusation.
Aucun des deux gouvernements ne définit ce qui constitue les circonstances
« exceptionnelles ».
En Colombie-Britannique, où il existe un régime d’approbation préalable
des mises en accusation, la non-judiciarisation des affaires, y compris
les cas de violence conjugale, ne peut être effectuée qu’à l’issue de
la décision du procureur de la Couronne et conformément à des critères
précis. Même si l’Île-du-Prince-Édouard n’exige pas l’approbation préalable
des accusations par la Couronne, les renvois aux mesures de rechange,
avant ou après accusation, doivent être approuvés par la Couronne.
Dans ces deux gouvernements, peu de cas ont donné lieu à un renvoi à des
mesures de rechange. Les résultats d’une révision des données de l’Île-du-Prince-Édouard
montrent que, pour les années 1999, 2000 et 2001, 556 cas ont été assujettis
à des mesures de rechange; de ce nombre, 22 cas seulement (4 %)
étaient des cas de violence conjugale[106],
soit :
En Colombie-Britannique, environ un pour cent (1 %) de tous les cas
assujettis à des programmes approuvés de mesures de rechange étaient des
cas de violence conjugale, renvoyés avant accusation :
De ces cas, environ la moitié concernaient des accusées de sexe féminin
et dans seulement deux de ces cas, l’accusée a fait valoir qu’elle avait
agi en légitime défense.
ii) Processus de justice réparatrice
L’expression « justice réparatrice » est souvent utilisée.
Toutefois, il n’existe pas de définition uniforme de cette expression
pour l’ensemble du Canada[107].
Aux fins de la présente révision, le Groupe de travail a utilisé l’expression
pour décrire les processus volontaires disponibles qui complètent, appuient
ou remplacent les processus de justice pénale traditionnels dans les cas
où le délinquant est disposé à reconnaître sa responsabilité pour ses
actes et à collaborer avec la collectivité (y compris la victime) pour
réparer le tort causé et rétablir l’harmonie[108].
Certains processus de justice non traditionnels peuvent être de nature
réparatrice sans nécessairement faire partie de la justice réparatrice,
par exemple certains processus non traditionnels tels que les cercles
de détermination de la peine et les contacts entre la victime et le délinquant
facilités par les responsables des services correctionnels. La justice
réparatrice offre une gamme de réponses, y compris une intervention à
diverses étapes, à l’extérieur du cadre de la justice pénale formelle
(avant accusation) et à l’intérieur de ce cadre (après accusation)[109]. Contrairement aux « mesures
de rechange », les règles et les procédures applicables à la justice
réparatrice ne sont pas prescrites dans le Code criminel.
Des preuves non scientifiques montrent que certains cas de violence conjugale
font l’objet d’une non-judiciarisation avant accusation et d’une déjudiciarisation
après accusation et sont renvoyés à des mesures de rechange ou à un processus
de justice réparatrice. Dans certains cas, ces mesures sont appliquées
à l’encontre du programme de mesures de rechange ou de la politique adoptés
par le gouvernement concerné en matière de non-judiciarisation ou de déjudiciarisation
des cas de violence conjugale; ailleurs, ces mesures sont appliquées en
dépit de la politique expresse les interdisant.
Appui à l’utilisation de processus de mesures de rechange et de justice
réparatrice dans les cas de violence conjugale
Le système de justice traditionnelle reposant sur l’inculpation, la poursuite
et l’incarcération d’un délinquant n’est pas toujours sensible à la réalité
des cas de violence conjugale. Par exemple, une réponse traditionnelle
du système de justice débouchant sur l’incarcération du délinquant n’est
peut-être pas la meilleure solution pour la victime lorsque celle-ci
s’est réconciliée avec le contrevenant ou lorsqu’elle dépend du délinquant
comme principale source de revenu pour la famille. De même, la réponse
traditionnelle interdisant les contacts entre le délinquant et la victime
pourrait ne pas être pratique lorsque les parties habitent dans une zone
rurale ou éloignée ou dans une petite municipalité où il n’est pas possible
d’éviter totalement les contacts l’un avec l’autre.
La police et la Couronne favorisent parfois les processus non traditionnels
de justice parce qu’ils sont frustrés par des politiques favorisant l’inculpation
et la poursuite, politiques qui ne protègent pas suffisamment, selon eux,
toutes les victimes de violence conjugale ou ne reconnaissent pas les
difficultés inhérentes à la poursuite de ces affaires. Par exemple, ils
croient que dans les cas où l’accusation sera vraisemblablement suspendue,
retirée ou rejetée parce que la victime ne coopère pas ou refuse de témoigner,
une mesure non traditionnelle de justice pourrait donner quand même de
meilleurs résultats que, par exemple, l’habituelle réponse alternative
de la justice pénale qui consiste en un engagement de ne pas troubler
l’ordre public. Dans ces circonstances, la participation à un processus
de justice non traditionnel pourrait offrir une certaine protection supplémentaire
à la victime et une assurance à la collectivité qu’une mesure a été prise
afin de prévenir et de dissuader le comportement violent. À défaut d’autre
chose, la participation active à ces processus pourrait maintenir la participation
de la victime au système et soutenir sa volonté de faire appel à la police
et aux tribunaux en cas d’incident subséquent de violence conjugale.
De plus, d’aucuns font valoir que l’utilisation de processus de justice
non traditionnels dans les cas de violence conjugale est plus conforme
à la récente réforme en matière de peine, y compris le recours moins fréquent
aux tribunaux en matière pénale et aux peines traditionnelles, notamment
à l’incarcération.
Dès lors, les processus alternatifs de justice sont parfois perçus comme
mieux adaptés pour :
Opposition à l’utilisation de programmes de mesures de rechange et
de processus justice réparatrice dans les cas de violence conjugale
La genèse de la plupart des préoccupations au sujet de l’utilisation des
processus alternatifs de justice dans les cas de violence conjugale vient
de la dynamique spéciale et particulière inhérente aux cas de violence
conjugale et aux réponses traditionnelles du système de justice dans ces
situations.
Les opposants au renvoi vers les programmes de mesures de rechange, de
même qu’au renvoi de ces cas vers le processus de justice réparatrice
croient généralement que :
iii) Conclusions
Le Groupe de travail est conscient de la nécessité de renforcer davantage
la réponse actuelle du système de justice pénale aux cas de violence conjugale
et de poursuivre l’examen de nouvelles voies pour élaborer des processus
alternatifs de justice inédits et plus efficaces. Toutefois, en examinant
ces nouveaux processus, il est essentiel de comprendre à la fois la dynamique
de la violence conjugale de même que les succès et les échecs de la réponse
traditionnelle du système de justice.
On peut se réjouir de certaines premières expériences positives non scientifiques
constatées à l’issue de l’application des processus alternatifs pour aborder
d’autres types de conduites criminelles. Toutefois, il y a une pénurie
de preuves fondées sur la recherche non seulement pour appuyer l’efficacité
de ces processus alternatifs en ce qui a trait aux cas de violence conjugale,
y compris le fait de veiller à la sécurité de la victime de la violence
conjugale et de ses enfants, mais aussi pour évaluer ces réponses par
rapport à celles du système de justice traditionnelle.
iv) Recommandation
La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne pas utiliser
de processus alternatifs de justice dans les cas de violence conjugale,
sauf dans les circonstances suivantes.
Le Groupe de travail recommande également que l’utilisation du processus
alternatif de justice dans les cas de violence conjugale soit appuyée
par les mesures suivantes :
Position minoritaire du Groupe de travail :
Le Québec n’a aucun programme officiel en matière de mesures de rechange.
Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme
dans les cas de violence conjugale.
SECTION II : STRUCTURES ET MODÈLES
1) MÉCANISMES DE COORDINATION
i) Recherches et pratiques exemplaires
Les réformes qui ont été entreprises en vue d’améliorer les mesures d’intervention
à prendre pour répondre à la problématique de la violence conjugale comportent
plusieurs volets : élaboration et mise en œuvre de politiques favorisant
l’inculpation et la poursuite, programmes de formation destinée aux professionnels
de la justice pénale, programmes d’aide aux victimes et de défense de
celles-ci, programmes d’intervention obligatoire auprès des conjoints
violents, imposés par le tribunal, et initiatives de sensibilisation du
public visant à véhiculer le message que la violence familiale est inacceptable.
Il est généralement reconnu qu’en raison de la nature et de la complexité
du problème de la violence conjugale, les contrôles ou les sanctions juridiques
ne constituent pas à eux seuls une réponse suffisante à ce phénomène.
Les auteurs de plusieurs études ont conclu que les sanctions officielles
(légales) sont plus efficaces lorsqu’elles sont accompagnées de contrôles
sociaux informels et qu’elles sont affaiblies lorsque ces contrôles sont
absents[112]. Il ressort
par ailleurs des études qui ont été menées que les mesures extrajudiciaires
(par exemple les programmes d’aide aux victimes et les programmes
destinés aux conjoints violents), lorsque prises en dehors du cadre communautaire,
produisent des résultats mitigés.
Les préoccupations que soulèvent le morcellement des modalités d’intervention
en matière de violence conjugale et l’absence d’une vision commune et
de l’obligation de rendre publiquement compte des résultats obtenus, ont
entraîné la mise en place d’une réponse communautaire coordonnée. Les
initiatives d’intervention communautaire sont des projets de défense des
droits des victimes qui existent en dehors du système de justice pénale
et qui sont dirigés par des organismes à but non lucratif : ils visent
à améliorer et à coordonner les mesures institutionnelles prises en réponse
à la violence conjugale au sein de la collectivité. Ils se caractérisent
par :
La Cour du district de Quincy, au Massachusetts, et le San Francisco
Family Violence Project sont des exemples de projets de réforme axés
sur le système de justice pénale. Parmi les éléments constitutifs de
ce modèle, il y a lieu de mentionner les politiques favorisant l’inculpation
et la poursuite, les programmes de probation étroitement surveillée prévoyant
le traitement des agresseurs, le recours aux ordonnances d’interdiction,
la défense des droits des victimes, les activités de formation et de prévention
et la réforme des politiques gouvernementales[114].
Les comités de coordination servent de mécanismes de coordination entre
les organismes concernés. Leurs représentants proviennent d’organismes
communautaires, du gouvernement et des organismes chargés d’appliquer
la justice pénale. À titre d’exemple, le San Diego Domestic Violence
Council compte des représentants de plus de 200 organismes qui offrent
des services aux victimes et aux contrevenants[115]. Les comités de coordination qui œuvrent
à l’échelle de l’État jouent un rôle important en ce qui concerne les
mesures d’intervention prises pour répondre à la violence familiale par
le biais de l’évaluation du système judiciaire et du système social de
même que de l’élaboration et de la planification de politiques.
Les recherches qui ont été menées sur les mesures d’intervention communautaire
coordonnées ont produit des résultats prometteurs. On a fait état d’une
hausse marquée du nombre d’inculpations et de poursuites réussies, de
même que d’une augmentation du nombre d’hommes condamnés à suivre une
thérapie dans la foulée de trois projets d’intervention communautaire
lancés aux États-Unis[116].
L’adoption d’un protocole en matière de violence familiale comportant
une politique favorisant l’arrestation et la poursuite, la défense des
droits des victimes de même que des lignes directrices en matière de détermination
de la peine qui prévoyaient le traitement obligatoire des agresseurs,
s’est soldée par une baisse sensible de la récidive, baisse qui s’est
maintenue au cours de la période de suivi de 18 mois.
Au Canada, les données d’évaluation démontrent qu’une stratégie intégrée
a des incidences favorables sur l’efficacité du système de justice pénale.
En Nouvelle-Écosse, les données de comparaison de l’efficacité du système
de justice pénale avant et après la mise en place du cadre stratégique
favorisant l’inculpation et la poursuite (qui comprenait des mesures de
formation et de responsabilisation) ont démontré une amélioration marquée
des principaux indicateurs de rendement comme les taux de mise en accusation,
d’arrestation et de condamnation[117]. Dans une perspective d’intégration
et de coordination, les Services correctionnels du Québec vérifient la
cohérence des conditions imposées aux conjoints violents aux différentes
étapes du processus judiciaire et correctionnel.
ii) Mécanismes de coordination dans les gouvernements
au Canada
L’un des premiers modèles de coordination a été mis en œuvre à London
(Ontario), lorsque les premières études techniques sur l’incidence des
politiques d’inculpation et de poursuite ont été réalisées en sol canadien.
La plupart des provinces et territoires canadiens ont mis sur pied des
mécanismes de coordination en matière de violence conjugale à l’échelle
locale et provinciale par le truchement de comités interministériels ou
de comités interorga-nisationnels. On trouvera dans la section VI,
sous-section 3, du présent rapport un aperçu des structures de coordination
des différents gouvernements au Canada.
Plusieurs gouvernements ont signalé que leurs plus hauts dirigeants s’intéressent
à la violence familiale, à preuve notamment les différents comités qui
ont été constitués dont le Comité d’action sur la violence familiale du
premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard (Premier’s Action Committee
on Family Violence Prevention), le Comité des ministres de Terre-Neuve-et-Labrador
(Committee of Ministers), le Comité interministériel de coordination
en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle du Québec, de
même que le Groupe de travail ministériel du Nouveau-Brunswick sur la
violence faite aux femmes. La plupart de ces gouvernements ont formé
des comités interministériels composés de hauts fonctionnaires (et
quelques fois de représentants de la collectivité) afin de promouvoir
une approche pluridisciplinaire en matière de violence familiale. L’efficacité
de ces structures varie selon les liens qui unissent les divers ministères
et la priorité accordée à ces mesures dans le contexte global des programmes
gouvernementaux.
Dans certains cas, on a mis en place des structures spéciales provisoires
chargées de fournir des conseils au sujet de la mise en œuvre des nouveaux
programmes ou des nouvelles stratégies. Ainsi, le Comité interministériel
mixte sur la violence familiale en Ontario a remis son rapport quinquennal
et a fourni des conseils sur l’adoption d’une stratégie provinciale d’intervention
en matière de problème de la violence familiale. La Stratégie sur la
violence familiale est un groupe interministériel de hauts fonctionnaires
constitué pour surveiller la mise en application de certaines des recommandations
du Comité. À la suite de leur mise en œuvre, les structures provisoires
pourront être intégrées à des programmes pour assurer la poursuite des
mesures de coordination.
Certains gouvernements ont créé un bureau spécial chargé de jouer un rôle
de chef de file et de servir de centre de coordination des activités en
matière de violence familiale. Ainsi, l’Alberta a créé en 1984 le Bureau
de prévention de la violence familiale (Office for the Prevention of
Family Violence), premier de son genre au Canada. Jusqu’en 2000,
la Nouvelle-Écosse maintenait un projet interministériel et multidisciplinaire,
l’Initiative de prévention de la violence familiale (Family Violence
Prevention Initiative), qui bénéficiait des services d’un coordonnateur
à plein temps; le groupe a été dissous par suite de restrictions budgétaires.
Le modèle comprenait des comités ministériels de lutte contre la violence
familiale, un comité de coordination gouvernement-collectivité, des comités
locaux de coordination entre les organismes et un comité des sous-ministres
sur la politique sociale, dont relevait l’Initiative, pour faciliter la
coordination des politiques dans l’ensemble des secteurs. En Ontario,
la Division des services aux victimes au ministère du Procureur général
non seulement regroupe les services aux victimes qui étaient jusqu’alors
offerts par divers ministères liés à la justice, mais coordonne également
la Stratégie sur la violence familiale et les programmes qui y sont rattachés.
Le Nouveau-Brunswick a établi, dans son bureau exécutif, une Direction
des questions de la femme, chargé de coordonner la réponse du gouvernement
aux 59 recommandations du Groupe de travail ministériel sur la violence
faite aux femmes.
Presque partout au Canada, on a créé des comités régionaux ou locaux chargés
de promouvoir la coordination des interventions communautaires. Ces comités
sont habituellement formés de représentants du système de justice pénale
et d’organismes communautaires et parfois de représentants d’autres secteurs,
notamment du monde de l’enseignement, des services sociaux et de la santé,
en vue de promouvoir la mise en place d’une intervention communautaire
coordonnée.
iii) Éléments d’une stratégie d’intervention efficace
Dans son examen des mécanismes de coordination qui existent présentement
dans les provinces et territoires canadiens, Carolyn Marshall formule
les observations suivantes :
Ces réflexions sur la nécessité de conférer des pouvoirs à ceux qui exercent
des responsabilités témoignent de l’importance que revêtent la constance
et l’engagement des dirigeants. Ce sont des aspects fondamentaux indissociables.
Une intervention intégrée efficace exige un leadership et une bonne coordination
des initiatives gouvernementales de lutte contre la violence familiale,
avec les éléments qui suivent :
La coordination doit se faire dans l’ensemble des ministères et des secteurs
d’activité concernés, de même qu’à des niveaux multiples (au niveau des
politiques provinciales et des systèmes généraux de même qu’au niveau
communautaire local, pour coordonner les services, déceler les besoins
et les lacunes, trouver des solutions) et au niveau individuel (gestion
de cas, mécanismes de consultation).
iv) Défis
On reconnaît de plus en plus la nécessité d’adopter une stratégie d’intervention
coordonnée faisant appel au système de justice pénale, aux services sociaux
et de santé mentale et à la population dans son ensemble[119]. Il n’est pas étonnant qu’on ait du mal
à atteindre cet objectif. Il faut bien comprendre qu’on demande aux institutions
de droit pénal d’établir, avec les organismes sociaux chargés de s’occuper
des cas de violence familiale, des liens qu’on ne leur demande pas de
créer pour d’autres types de crimes. Jusqu’à maintenant, l’objectif principal
du système de justice pénale était la détection et la répression des actes
criminels. Les réformes qui visent à donner plus de pouvoir aux victimes
et à leur venir en aide ont pour effet de remettre en cause le système
de justice, sa culture, son mode de fonctionnement et ses priorités.
Toute ambiguïté sur les objectifs visés risque de susciter des difficultés
d’ordre pratique pour les policiers et la Couronne[120].
Le défi auquel sont confrontés les gouvernements qui cherchent à adopter
des modèles de coordination réside dans la difficulté de créer un modèle
efficace et de l’assortir de pouvoirs et d’un appui suffisant pour réaliser
des changements fondamentaux de manière à pouvoir coordonner leurs mesures
d’intervention. Les gouvernements ne doivent se faire aucune illusion :
la coordination et le partenariat ne sont pas faciles; ils demandent beaucoup
de temps; et les différences qui existent en ce qui concerne les orientations
et les priorités des divers ministères contribuent à augmenter les obstacles.
Le défi le plus difficile à relever consiste toutefois à trouver des solutions
durables au problème de la violence conjugale en l’absence de structure
ou de modèle global coordonnés.
v) Recommandation
Force est de constater que les mesures isolées continueront à n’avoir
que des effets limités tant que l’on n’adoptera pas une stratégie d’intervention
globale applicable à un ensemble de secteurs d’activité. Il est acquis
que le système de justice ne peut pas et ne devrait pas s’attaquer seul
à ce problème. Les mesures fragmentaires vont continuer à entraîner un
gaspillage des ressources déjà limitées, le double emploi, le manque de
motivation chez le personnel concerné, les attentes déçues du public et,
ce qui est encore plus déplorable, le risque que la protection des victimes
soit compromise. Le manque de coordination altère la capacité du système
de justice et des services sociaux, de santé et d’éducation d’enrayer
le phénomène de la violence familiale et d’y réagir. Une approche et
une intervention intégrées, globales et concertées procédant d’une vision
commune constituent le moyen le plus prometteur de produire un effet de
synergie et d’obtenir une réduction générale des comportements violents.
Coordination et collaboration intersectorielles
Le Groupe de travail recommande que les gouvernements appuient et renforcent,
grâce à l’engagement de leurs hauts fonctionnaires, la coordination des
initiatives en faveur d’une intervention auprès des victimes de violence
familiale, tant au sein des ministères responsables de la justice qu’à
l’extérieur de ceux-ci, de manière à assurer la participation des multiples
intervenants gouvernementaux et communautaires. Les modèles de coordination
peuvent varier d’un gouvernement à l’autre, mais tous devraient comporter
les éléments clés d’une intervention efficace présentés ci-dessus.
2) TRIBUNAUX SPÉCIALISÉS DANS L'INSTRUCTION
DES AFFAIRES DE VIOLENCE FAMILIALE
i) Recherches et pratiques exemplaires
Comme nous l’avons déjà souligné, les cas de violence familiale diffèrent
de plusieurs façons par rapport aux autres cas de violence. Bon nombre
d’observateurs, qu’ils fassent partie ou non du système de justice pénale,
font valoir que, jusqu’à maintenant, les mesures d’intervention prises
par la police, la Couronne et la magistrature ne suffisent pas à répondre
aux besoins des victimes. Le système de justice pénale se penchait traditionnellement
sur les incidents qui se produisaient entre inconnus et, comme on pouvait
s’y attendre, l’introduction des relations familiales dans ce paradigme
traditionnel n’est pas sans créer certaines difficultés. Les observateurs
citent le taux élevé de victimes et de témoins qui se désistent ou qui
hésitent à parler et l’effet relatif sur les délinquants et les victimes
des dispositions qui sont prises à leur endroit. De plus, certains gouvernements
craignent que les pressions systémiques exercées sur les tribunaux empêchent
une instruction approfondie des affaires de violence familiale.
Les tribunaux spécialisés dans les affaires de violence familiale ont
été créés pour permettre aux intervenants judiciaires qui sont au fait
de la dynamique de la violence conjugale de tenir compte de la nature
particulière de ces affaires. Des systèmes et des protocoles ont été
élaborés pour favoriser la coordination au sein de l’appareil judiciaire
et au-delà de ce cadre pour tenir compte de la problématique de la violence
familiale dans un contexte de stratégies de gestion des cas élaborées
spécialement en fonction de cette problématique.
Au Canada, plusieurs gouvernements ont constitué des tribunaux spécialisés
chargés d’instruire les affaires de violence conjugale[121].
ii) Le Tribunal spécialisé dans les affaires de violence
familiale de Winnipeg
En 1990, le Manitoba a mis sur pied à Winnipeg le premier tribunal canadien
spécialisé dans les affaires de violence familiale. Voici les cinq éléments
composant ce tribunal :
La mission du tribunal consiste à : (1) accélérer le déroulement
des instances; (2) améliorer la collaboration des victimes et diminuer
le taux d’abandon des poursuites; (3) prévoir des peines appropriées
conçues de manière à protéger les victimes, par le biais notamment du
traitement des conjoints violents et du suivi des contrevenants grâce
à la probation sous surveillance[122]. Il semblerait, selon certains
indices, que le tribunal ait atteint jusqu’à un certain point deux de
ces objectifs. La durée moyenne des procès était de trois mois, et ce,
en dépit d’une hausse marquée du nombre de dossiers traités. En ce qui
concerne les peines infligées, le nombre de cas qui ont donné lieu à une
probation sous surveillance a triplé et celui des affaires qui ont abouti
à des peines d’emprisonnement a doublé, tandis que le nombre de cas résultant
en une condamnation à une amende ou en une ordonnance de sursis a diminué
au cours des deux premières années d’existence du tribunal. Dans le cas
d’environ le quart des personnes condamnées, le tribunal a imposé un traitement
(pour comportements violents).
Au cours des quatre premières années d’activité du tribunal, le nombre
de cas de violence conjugale a connu une hausse spectaculaire (soit une
augmentation de 229 % entre 1989 et 1993-1994) mais il a depuis
atteint un palier. Le taux de sursis a augmenté sensiblement, passant
de 22 % lors de la première année à 46 % en 1997, hausse qui
serait attribuable, d’une part, au fait que ce n’est plus la police mais
le ministère public qui décide maintenant s’il y a lieu de donner suite
à une affaire et, d’autre part, à la politique qui, tout en insistant
sur l’importance de ne pas hésiter à poursuivre les délinquants, confère
au ministère public la faculté de ne pas donner suite à une affaire « aux
dépens de la victime ». Un observateur qui s’est penché sur le rôle
de ce tribunal spécialisé explique que « cette dualité et cette contradiction
du mandat reflètent davantage la nature complexe de la violence familiale
que l’ancienne norme simpliste selon laquelle succès correspond à condamnation[123] ». Certaines victimes devront ainsi avoir plusieurs contacts
avec la justice avant de se sentir prêtes à témoigner et à considérer
les tribunaux comme une ressource. D’autres observateurs se disent troublés
par le taux de sursis élevé puisqu’en pareil cas le délinquant n’est pas
tenu de rendre compte de ses actes, qu’il ne se retrouve pas avec un casier
judiciaire et qu’il n’est pas obligé de suivre un traitement[124].
iii) Programme des tribunaux de l’Ontario pour l’instruction des
causes de violence familiale
L’Ontario a adopté à l’échelle de la province une Stratégie judiciaire
de lutte contre la violence familiale en réponse à l’enquête du coroner
dans l’affaire May-Iles et aux recommandations formulées en 1999 par le
Comité mixte sur la violence familiale.
Au début de 1997, l’Ontario a mis à l’essai à Toronto deux tribunaux spécialisés
dans les affaires de violence familiale : le premier à North York
(un modèle d’intervention rapide) et le second au centre-ville de Toronto
(un modèle de poursuites coordonnées). En 1997-1998, ces projets pilotes
ont été étendus à six autres collectivités, puis les modèles ont ensuite
été combinés dans toutes les localités concernées. Ces tribunaux visent
les objectifs suivants : (1) intervenir tôt dans les situations
de violence familiale; (2) fournir un meilleur soutien aux victimes
de violence familiale tout au long du processus de justice pénale; (3) assurer
une poursuite plus efficace des causes de violence familiale; (4) tenir
les délinquants responsables de leurs actes.
L’approche qui fonde ces deux modèles a depuis été adopté par les 16 grands
centres qui ont mis en place le projet de tribunal spécialisé :
Le premier modèle, souvent utilisé dans les cas où la victime et l’accusé
expriment le désir de se réconcilier, permet à l’accusé de plaider coupable
et d’être condamné, comme condition de sa remise en liberté sous caution,
à s’inscrire à un programme d’intervention auprès du conjoint violent.
Un procureur de la Couronne affecté aux affaires de violence familiale
examine le cas pour déterminer si l’accusé est admissible à ce programme.
Les personnes chargées d’appliquer le programme d’aide aux victimes et
aux témoins conseillent la victime, lui fournissent des renseignements
et la dirigent vers des ressources communautaires. Une fois que le délinquant
a suivi avec succès le programme d’intervention auprès des conjoints violents,
le responsable du programme fait rapport au ministère public. Si ce rapport
est jugé satisfaisant, il peut être considéré comme une circonstance atténuante
lors de la détermination de la peine. Le ministère public recommande
habituellement une absolution sous condition. Si l’accusé ne réussit
pas le programme, il est présumé avoir violé toutes les conditions de
sa liberté sous caution et son cas peut alors être déféré aux services
de poursuites coordonnées.
Le modèle des services de poursuites coordonnés est axé sur la collecte
d’éléments de preuve visant à corroborer le témoignage de la victime (par
exemple : enregistrement des appels au service d’urgence 911, photographies
des blessures ou des dommages, rapports médicaux, dépositions des témoins,
déclarations de la victime recueillies sur bande audio ou vidéo).
En février 2000, environ 4 500 personnes avaient été traduites devant
ces tribunaux : 76 % des causes avaient été traitées par les
services de poursuites coordonnées et 24 % par les services d’intervention
rapide. De ce nombre de personnes, 69 % ont été reconnues coupables
(72 % à l’étape de l’intervention rapide, 68 % à l’étape des
poursuites). Dans l’ensemble, il y a eu abandon des poursuites dans 22 %
des cas[125].
Une évaluation des 16 à 18 premiers mois d’existence du Programme de tribunaux
pour l’instruction des causes de violence conjugale a été effectuée par
la firme Moyer and Associates[126].
Les auteurs de l’étude ont comparé des cas de violence familiale dans
six localités où sont situés ces tribunaux spécialisés à un échantillon
de cas analogues jugés dans les six mêmes localités au cours de la période
antérieure au projet[127].
Par ailleurs, des victimes de violence familiale ont été interrogées à
Kingston et à Barrie pour déterminer si les services fournis et l’attitude
des victimes de ces localités différaient de ceux des victimes visées
par le projet de tribunaux spécialisés. Les auteurs de l’étude ont précisé
que leurs conclusions donnaient un aperçu du premier fonctionnement des
modèles en question et qu’elles n’étaient peut-être pas représentatives
de leur fonctionnement à plus long terme.
Dans chacune des localités concernées, on a constaté qu’on avait réussi
à recueillir un plus grand nombre d’éléments de preuve et que les enquêtes
policières s’étaient améliorées, du moins jusqu’à un certain point. Dans
la plupart des localités, les délais d’instruction des causes ont sensiblement
diminué. Comme tous les participants du programme d’intervention rapide
ont plaidé coupable, la proportion de plaidoyers de culpabilité a augmenté
sensiblement dans ces localités par rapport à la période antérieure.
Les résultats étaient mitigés dans les localités offrant des services
de poursuites coordonnées. Alors qu’on s’attendait à ce qu’une plus grande
proportion de contrevenants soient dirigés vers des programmes spécialisés
destinés aux conjoints violents, aucune preuve concluante n’a été avancée
en ce sens.
Dans les localités où les services d’intervention rapide ont été mis en
œuvre, la plupart des victimes ont rencontré le procureur de la Couronne
ou un représentant du Programme d’aide aux victimes et aux témoins peu
de temps après l’incident. Dans les autres localités relevant des services
de poursuites coordonnées, les victimes n’étaient pas mieux préparées
à témoigner que les victimes des localités de comparaison. Toutefois,
60 % de celles qui ont témoigné ont déclaré qu’elles avaient été
suffisamment préparées. Les victimes relevant des services d’intervention
rapide étaient beaucoup plus susceptibles d’être satisfaites de l’issue
des causes que les autres victimes (80 % se sont déclarées satisfaites).
Dans l’ensemble, les victimes se sont réjouies de ce que leur conjoint
violent soit condamné à suivre un traitement au lieu d’être marqué du
sceau de l’infamie en raison de l’existence d’un casier judiciaire. Dans
les localités desservies par les services de poursuites coordonnées, la
satisfaction exprimée par les victimes au sujet de l’issue des causes
oscillait entre 42 % et 64 %. Il y a peu de différences en
ce qui concerne la perception des victimes au sujet de l’équité du traitement,
l’aide offerte et la sécurité entre les victimes visées par le projet
et celles provenant des localités utilisées aux fins de comparaison.
Dans toutes les localités, la plupart des victimes ont estimé qu’elles
avaient été traitées équitablement et qu’elles avaient reçu une aide adéquate.
Dans l’ensemble, il y a eu un nombre moins élevé que prévu de renvois
à des projets d’intervention directe. Les évaluateurs ont émis l’hypothèse
qu’il y a peu d’intérêt à participer à ce genre de programme parce que
les délinquants se voyaient la plupart du temps condamnés à une absolution
sous condition avant que le projet ne soit implanté et que, dans la moitié
des cas, les accusations étaient retirées, suspendues ou rejetées. Dans
les localités desservies par les services de poursuites coordonnées, on
s’inquiétait du fait que, les dossiers étant suivis par plusieurs procureurs
de la Couronne, on ne pouvait assurer la continuité. Le taux de renvoi
des conjoints violents à des programmes de traitement destinés aux hommes
était inférieur aux prévisions et le taux de réussite des participants
à ces programmes oscillait entre 54 % et 91 %.
La nécessité de consacrer davantage de ressources aux diverses composantes
du système de justice et aux organismes communautaires offrant des services
aux victimes et aux contrevenants a été soulignée, de même que le besoin
d’une formation accrue. Les évaluateurs ont recommandé une meilleure
coordination entre tous les secteurs du système de justice chargés d’intervenir
à l’égard de la violence familiale dès les premières étapes de planification
des tribunaux pour l’instruction des causes de violence familiale et pendant
toute la durée de leur mise en œuvre. Les évaluateurs ont finalement
souligné la nécessité d’instaurer de meilleurs mécanismes de reddition
de comptes pour assurer un suivi des contrevenants et pour garantir la
sécurité des victimes.
Il y a lieu de souligner qu’on a donné suite à bon nombre des conclusions
et des recommandations du rapport Moyer, depuis sa publication, au fur
et à mesure que le projet de tribunaux spécialisés pour l’instruction
des causes de violence conjugale a poursuivi son implantation sur le reste
du territoire ontarien.
Les ministères responsables de la justice en Ontario ont mis sur pied
le Comité provincial de surveillance du sous-ministre adjoint chargé de
faciliter la résolution des problèmes intersectoriels; d’accorder plus
de ressources aux procureurs de la Couronne, au Programme d’aide aux victimes
et aux témoins et aux programmes d’intervention auprès du conjoint violent;
d’établir un plan de formation destiné à toutes les composantes de la
justice et aux partenaires en matière de justice; d’instaurer de meilleures
politiques et une meilleure procédure; et de déterminer une combinaison
des meilleurs éléments des modèles d’intervention rapide et de services
de poursuites coordonnées pour créer un seul modèle de programme.
Jusqu’à ce jour, 20 localités ont adopté un modèle de tribunal spécialisé
chargé d’instruire les affaires de violence familiale. L’Ontario s’est
engagé à étendre ce modèle à l’ensemble de son territoire. Chacun des
54 ressorts judiciaires comptera soit un tribunal spécialisé doté d’un
personnel chargé de s’occuper des affaires de violence familiale, soit
une « procédure spéciale » permettant de traiter ces affaires.
Indépendamment de leur taille, tous les ressorts seront dotés d’une procédure
spéciale caractérisée par les éléments suivants :
Dans les localités rurales de petite ou moyenne taille, ces éléments pourront
être mis en place différemment selon le volume des dossiers et la taille
du gouvernement. Ainsi, au lieu de recourir à un personnel désigné ou
une salle d’audience spéciale, on fournira un personnel spécialement formé.
iv) Option de traitement en matière de violence familiale
au Yukon
La Cour territoriale du Yukon a commencé à offrir en 2000 l’OTVF, c’est-à-dire
« l’option de traitement pour violence familiale » (domestic
violence treatment option). Ce programme vise les objectifs suivants :
(1) encourager le signalement des incidents de violence familiale;
(2) permettre une intervention rapide; (3) responsabiliser véritablement
les délinquants; (4) réduire le taux de procès qui n’aboutissent
pas; (5) offrir une option de traitement aux délinquants sous l’étroite
surveillance du tribunal et de professionnels; (6) offrir une protection
et un appui aux plaignants.
Le fonctionnement de l’option de traitement repose sur les principes suivants.
Les séances d’OTVF ont lieu un après-midi toutes les deux semaines. À
la suite du dépôt d’une accusation de violence familiale, le prévenu qui
accepte sa responsabilité peut demander de participer à l’OTVF. L’affaire
est ajournée pour deux semaines, le temps de permettre aux conseillers
du Programme d’aide aux conjoints violents de procéder à une évaluation.
S’il est jugé admissible à un accompagnement psychologique dans le cadre
du Programme d’aide et qu’il choisit de se soumettre à la procédure du
tribunal avec option de traitement, le prévenu plaide officiellement coupable.
Si le tribunal le lui ordonne, le prévenu s’inscrit ensuite au traitement
(qui peut comprendre un volet pour alcooliques et toxicomanes). S’il
n’est pas admissible, le prévenu est déféré aux tribunaux de droit commun.
Les récidivistes sont admissibles à ce processus.
Au cours du traitement, l’intéressé comparaît chaque mois devant le tribunal
pour rendre compte de ses progrès. Lors de cette séance de compte rendu,
la victime tient également le tribunal au courant de l’évolution de sa
situation. Une fois franchie l’étape du Programme d’aide aux conjoints
violents, le conseiller soumet à l’accusé, à l’avocat de la défense, au
procureur de la Couronne et au tribunal un rapport écrit sur l’évolution
du cas. Le juge chargé de déterminer la peine examine le rapport et impose
une peine qui tient compte à la fois des progrès accomplis par le délinquant
et des questions de sécurité, de prévention de la récidive et d’accompagnement
psychologique à venir.
Des personnes ressources comme les agents de probation, les conseillers
du Programme d’aide aux conjoints violents et le personnel des services
aux victimes participent régulièrement aux séances du tribunal avec option
de traitement pour offrir leur aide. Un soutien est offert aux victimes
sous forme d’aide en matière de planification de sécurité, de renvoi à
des conseillers psychologiques pour les victimes et leurs enfants, de
compte rendu sur les progrès du délinquant, d’accompagnement au tribunal
et d’aide à la rédaction d’une déclaration de la victime.
Les fonctionnaires qui s’occupent du programme OTVF estiment que celui-ci
est efficace parce que les affaires sont traitées rapidement et que les
délinquants sont inscrits dès le début aux divers volets de ce processus.
Le programme prévoit un suivi continu et une reddition de comptes au tribunal
et à la victime. Bien que le processus soit supervisé par le juge, un
comité directeur (composé de représentants de groupes communautaires et
de professionnels de la justice) influence l’orientation du programme
de façon permanente. Un processus d’évaluation de trois ans a été mis
en place.
Certains s’inquiètent du fait qu’on reporte le prononcé de la sentence
jusqu’à un an après la fin du programme de traitement, compte tenu de
l’article 720 du Code criminel[128]. Cette question est présentement soumise
à l’examen d’un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la
détermination de la peine.
v) Le Tribunal chargé d’instruire les affaires de violence
familiale de Calgary
Le Tribunal chargé d’instruire les affaires de violence familiale de Calgary
(Calgary Domestic Violence Courtroom), maintenant connu sous le
nom de HomeFront,a été constitué en 2000 dans le cadre d’un projet
pilote de quatre ans[129].
Le Tribunal siège chaque matin et agit comme tribunal d’audience des remises :
les procès ont lieu dans d’autres salles d’audience. Ce tribunal a pour
mandat de réduire la violence conjugale tout en permettant aux victimes
comme aux délinquants de se mettre plus rapidement en rapport avec les
services spécialisés.
Une conférence préparatoire réunit les procureurs de la Couronne, les
avocats de la défense, les agents de probation, les agents chargés des
cas au tribunal et des policiers. Le but de cette conférence est de coordonner
les renseignements pertinents à soumettre au tribunal. Des policiers
de première ligne et des agents de la Domestic Conflict Unit de
la police de Calgary procèdent à une évaluation des risques. Les agents
chargés des cas au tribunal entrent en communication avec la victime immédiatement
après l’arrestation du prévenu et lui offrent une gamme de services d’aide,
notamment en tenant la victime au courant de l’évolution du cas et en
l’informant de tout changement, en l’accompagnant au tribunal, en faisant
valoir son point de vue lors de la conférence préparatoire, en l’informant
de l’évaluation des risques et des mesures de sécurité et en l’orientant
vers des ressources communautaires. Un service spécialisé appelé Community
Corrections Probation Unit surveille les délinquants qui bénéficient
d’une probation dans environ 75 % à 80 % des cas, en mettant
l’accent sur la sécurité de la victime et la responsabilisation du délinquant.
L’accent est mis sur l’accès rapide (dans les 48 heures) à un traitement
imposé par le tribunal et à un meilleur accès à des programmes qui sont
adaptés sur le plan culturel.
Des protocoles ont été mis au point en collaboration avec 52 organismes,
dont des hôpitaux, des maisons d’hébergement, des organismes autochtones
et des services de protection de l’enfance (il y a renvoi à qui de droit
chaque fois que des enfants sont en cause).
On s’est quelque peu écarté du plan initial. À l’origine, deux juges
devaient être affectés à ce tribunal et se relayer pour des périodes de
six mois. L’idée a été abandonnée dès le début du projet et les juges
sont affectés sélectivement à la présidence des audiences. La charge
de travail des agents de probation qui vérifient si les contrevenants
respectent les conditions de leur libération conditionnelle est plus lourde
que prévu et il n’a pas été possible de confier tout le travail à un seul
agent désigné.
Les coordonnateurs de l’initiative maintiennent que le tribunal lui-même
ne constitue qu’un aspect du programme et que l’élément clé est le lien
solide qui existe entre le système judiciaire et le large éventail de
services sociaux qui sont offerts à la population. L’initiative engage
l’ensemble de la collectivité et a même reçu des dons de certaines entreprises.
Des données recueillies pour la période de deux mois couvrant les mois
de mai et de juin 2001 indiquent que, sur les 140 délinquants dont
le cas a été résolu au cours de cette période, 19 % ont plaidé coupable,
34 % ont bénéficié d’un abandon des poursuites en contrepartie de
leur engagement de ne pas troubler l’ordre public, et 46 % ont plaidé
coupable et ont subi leur procès. Les cinq mesures les plus fréquentes
au tribunal de Calgary étaient, dans l’ordre, l’engagement de ne pas troubler
l’ordre public (66 %), la probation sous surveillance (22 %),
l’abandon des poursuites (15 %), la condamnation avec sursis (12 %)
et l’incarcération (11 %). Parmi les conditions assortissant les
ordonnances de probation et les engagements de ne pas troubler l’ordre
public, le traitement du délinquant était la plus fréquente (dans 86 %
des cas). L’interdiction de communiquer avec la victime était une condition
dans 18 % des cas. Les agents chargés des cas au tribunal n’ont
pas été en mesure de communiquer avec 34 % des victimes adultes et
seulement 10 % ont été contactées avant le procès. Cette situation
a indéniablement influencé les mesures prescrites par le tribunal. Les
agents ont orienté les victimes vers divers services, surtout vers des
maisons d’hébergement (voir les résultats de l’évaluation du projet pilote
HomeFront et les fiches de renseignements).
Il ressort d’une fiche de renseignements qu’entre la date à laquelle le
tribunal a commencé ses activités, le 29 mai 2000, et le 19 avril
2002, il y a eu une hausse marquée du nombre d’accusations portées, d’ordonnances
de probation et de traitements imposés par le tribunal. Les affaires
de violence familiale représentent entre 40 % et 50 % des dossiers
de probation à Calgary. Au cours de cette période, 62 % des cas
ont été traités par le tribunal, qui s’est prononcé sur des engagements
de ne pas troubler l’ordre public (39 % des cas) et sur des plaidoyers
de culpabilité (23 % des cas). Un examen de 878 dossiers de probation
(surveillance étroite) révèle que 171 contrevenants (19 %) n’ont
pas respecté les conditions de leur probation.
On recourt aux engagements de ne pas troubler l’ordre public lorsqu’on
estime que les risques de récidive sont faibles et que les risques pour
la sécurité de la victime sont, par conséquent, peu élevés; lorsque le
délinquant est disposé à participer à un programme de counseling; et lorsque
la victime souhaite une solution qui n’aura pas pour effet de créer un
casier judiciaire pour l’accusé et qui permet son éventuelle réintégration
au sein de la cellule familiale. Dans tous les cas, le délinquant doit
accepter sa responsabilité à l’égard de l’infraction. La plupart des
engagements de ne pas troubler l’ordre public sont assortis de certaines
conditions, dont le traitement du délinquant et sa supervision par un
agent de probation. Les délinquants qui s’engagent à ne pas troubler
l’ordre public sont assujettis aux mêmes normes que ceux qui font l’objet
d’ordonnances de probation et tout manquement donne lieu à des accusations
en vertu de l’article 811 du Code criminel. Il ressort
des données provisoires d’évaluation de ces mesures que les individus
qui s’engagent à ne pas troubler l’ordre public ont un faible taux de
récidive et qu’une telle mesure peut habituellement être obtenue dès le
début de l’instance, de sorte que l’inscription rapide à une thérapie
s’en trouve facilitée.
Nécessité de poursuivre les recherches et l’évaluation
Chaque gouvernement qui a constitué un tribunal spécialisé a aussi créé
un processus d’évaluation pour en déterminer les répercussions. Malheureusement,
les données antérieures et postérieures à la mise en œuvre recueillies
au sujet de toutes ces mesures judiciaires sont très clairsemées, voire
inexistantes dans de nombreuses provinces et de nombreux territoires,
de sorte qu’il est difficile de procéder à des comparaisons valables.
RESOLVE, le centre de recherche sur la violence familiale qui regroupe
les trois provinces des Prairies, a reçu une subvention de l’Alliance
de recherche universités-communautés pour évaluer les mesures d’intervention
judiciaires et communautaires prises pour répondre au problème de la violence
familiale dans les provinces des Prairies. Une subvention de trois ans
de 600 000 $ a récemment été versée dans le cadre de ce projet
de collaboration entre les trois provinces. RESOLVE Alberta, qui se trouve
à l’Université de Calgary, est l’établissement qui dirige ce projet.
La recherche comporte trois principaux volets : la cueillette de
données auprès des tribunaux, une comparaison de la législation civile
des provinces concernées et le point de vue de la population au sujet
des mesures d’intervention prises par le système de justice. Dans le
premier cas, il s’agit notamment de comparer le mode de fonctionnement
de divers tribunaux spécialisés (en l’occurrence Winnipeg et Calgary)
avec celui de tribunaux non spécialisés (Edmonton, Saskatoon et Regina)
et de cerner les différences et les similitudes qui existent au sujet
de variables comme le taux de condamnation et les mesures d’exécution
accrue des peines, la confiance et la participation des victimes, la sécurité
des victimes, les services offerts et le renvoi pour consultation auprès
de spécialistes, et la communication et la compréhension entre les organismes.
On élaborera par ailleurs un guide destiné aux procureurs de la Couronne
sur la jurisprudence en matière de violence familiale.
vi) Éléments d’une intervention efficace
Les tribunaux spécialisés en matière de violence familiale ont été créés
en vue d’améliorer les mesures d’intervention prises par la justice pour
répondre aux incidents de violence familiale en accélérant l’instruction
des affaires, en augmentant le taux de condamnations, en coordonnant les
programmes et les services offerts aux victimes et aux délinquants et,
dans certains cas, en permettant aux policiers, aux procureurs de la Couronne
et aux magistrats de se spécialiser en matière de violence familiale.
Suivant l’expérience vécue jusqu’à présent, il semble que les éléments
essentiels d’un modèle réussi soient les suivants :
vii) Défis
La création de tribunaux spécialisés en violence familiale – ou même
l’établissement de procédures judiciaires spécialisées – dans des
régions éloignées ou dans des régions où le nombre de causes est faible,
soulève des difficultés considérables. Il arrive souvent que les services
accessoires, tels que les services d’aide aux victimes et d’intervention
auprès des conjoints violents (qui sont essentiels au succès des tribunaux
spécialisés), ne soient tout simplement pas offerts dans les petites localités.
Jusqu’ici, l’expérience montre que le principal obstacle à surmonter est
l’allocation des ressources nécessaires pour affecter les services du
personnel de la justice pénale dans les cas de violence conjugale et pour
offrir des programmes spécialisés aux victimes et aux délinquants. Pour
certains gouvernements, ce problème est aggravé par le nombre peu élevé
de cas et par la difficulté de doter les tribunaux spécialisés centralisés – et
même les tribunaux spécialisés régionaux – de programmes destinés
aux victimes et aux délinquants.
Il semble bien que les tribunaux spécialisés améliorent effectivement
le rendement de la justice pénale. Toutefois, les tribunaux spécialisés
ne semblent pas être le seul moyen d’améliorer le système de justice pour
répondre au problème de la violence familiale. Les composants des stratégies
d’intervention des tribunaux – ce qui fait qu’elles sont efficaces –
peuvent être exportés et adaptés dans d’autres contextes, notamment par
des procédures spéciales inspirées de celles qui ont été adoptées en Ontario.
Les ingrédients essentiels demeurent les mêmes, peu importe qu’ils soient
axés sur le tribunal en temps que coordonnateur principal du processus
ou encore sur les juges, les procureurs de la Couronne et les salles d’audience
spécialement consacrés à cette fin. C’est probablement le nombre de causes
qui permettra de déterminer s’il faut prévoir une salle d’audience spéciale
ou réserver une partie du temps du tribunal à l’instruction de ces affaires.
Il semble que le principal défi que doivent relever les provinces et les
territoires est de mettre en œuvre des mesures d’intervention concertées
et uniformes tant sur le plan des principes et de la pratique que des
services pour tous les intervenants du système de justice pénale (ou des
tribunaux spécialisés et des procédures judiciaires spéciales) afin d’assurer
un traitement approprié des affaires de violence familiale, dans le cadre
d’un tribunal spécialisé ou autrement. De cette façon, les enjeux demeurent
les mêmes que lorsqu’il s’agit de coordonner des stratégies d’intervention
générales pour répondre au problème de la violence familiale.
viii) Recommandation
Tribunaux spécialisés dans les affaires de violence familiale et procédures
spéciales en matière de justice pénale
Il est recommandé que les gouvernements continuent d’envisager des façons
d’améliorer la gestion des cas de violence conjugale en mettant en pratique
une intervention coordonnée du système de justice pénale, y compris la
création de tribunaux spécialisés, et ce, en se fondant sur les éléments
essentiels énumérés ci-dessous. L’adoption de structures et de processus
spécialisés doit être guidée par les recherches et l’évaluation effectuées
au Canada et ailleurs.
3) LÉGISLATION EN MATIÈRE DE VIOLENCE FAMILIALE
Sept provinces et territoires ont déjà adopté des lois en matière de violence
familiale : la Saskatchewan (1995), l’Île-du-Prince-Édouard
(1996), le Yukon (novembre 1999), le Manitoba (septembre 1999),
l’Alberta (juin 1999), l’Ontario (loi adoptée en 2000 mais non encore
en vigueur) et la Nouvelle-Écosse (loi adoptée en 2001 mais non encore
en vigueur). Le Nouveau-Brunswick, le Québec et les Territoires
du Nord-Ouest étudient la possibilité d’adopter une telle loi.
i) Composants législatifs
Mission et objectifs
La loi est censée compléter le Code criminel et non le remplacer.
Il appartient encore aux policiers de porter des accusations lorsqu’ils
ont des motifs raisonnables de le faire. Les lois relatives à la violence
familiale ouvrent une plus large gamme de recours que ceux qui sont présentement
prévus par le Code et par d’autres lois provinciales.
Champ d’application et définitions
La plupart des lois provinciales sur la violence familiale s’appliquent
aux cohabitants, aux membres de la famille ou aux personnes qui vivent
ensemble dans le cadre d’une relation familiale, conjugale ou intime,
de même qu’aux personnes qui sont parents d’enfants, indépendamment de
leur état matrimonial ou du fait qu’ils aient habité ou non ensemble.
La loi du Manitoba s’applique non seulement aux victimes de violence familiale
mais aussi à toutes les personnes victimes de harcèlement criminel, indépendamment
de la nature des rapports qui existent entre la victime et l’auteur du
harcèlement criminel. Bien que la loi ontarienne mentionne expressément
des comportements qui relèvent habituellement du harcèlement criminel,
elle ne s’applique qu’aux comportements qui se produisent dans un contexte
familial défini.
La violence physique, les menaces et les dommages aux biens (le plus souvent
défini comme « tout acte qui cause des lésions corporelles ou des
dommages à la propriété »), la détention forcée (appelée aussi isolement
forcé) et les agressions sexuelles sont habituellement considérés comme
répondant à la définition de violence familiale. La loi du Yukon ajoute :
« priver une personne de nourriture, de vêtements, de soins médicaux,
d’un logement, de transport ou de toute autre nécessité de la vie »,
et la loi de l’Île-du-Prince-Édouard et celle du Manitoba
joignent le harcèlement psychologique ou affectif. (Le lecteur est invité
à consulter les textes de loi pour le libellé exact; le présent texte
vise seulement à donner un aperçu général de la question.)
Caractéristiques essentielles et dispositions clés
Les provinces et les territoires ont adopté des lois qui, à quelques différences
près, comportent des dispositions clés semblables. Sauf dans le cas de
la Nouvelle-Écosse, les diverses lois habilitent le tribunal à rendre
deux types d’ordonnances : une ordonnance à durée limitée appelée
ordonnance pour intervention urgente ou ordonnance de protection et une
ordonnance de plus longue durée appelée ordonnance d’aide à la victime,
parfois appelée ordonnance de protection ou ordonnance de prévention.
En raison de la faible utilisation de cette dernière disposition dans
les autres provinces et territoires, la Nouvelle-Écosse n’a pas retenu
l’ordonnance de longue durée, choisissant plutôt de permettre au tribunal
de proroger de 30 jours l’ordonnance déjà prononcée. En Saskatchewan,
au Yukon et en Alberta, la délivrance d’un mandat d’entrée peut également
être demandée.
Les ordonnances à durée limitée peuvent être obtenues 24 heures par jour,
soit par téléphone depuis les lieux d’un incident de violence, soit en
comparaissant devant un juge de paix spécialement désigné pour examiner
les questions de violence familiale. Une ordonnance pour une intervention
urgente peut comprendre une ou plusieurs des dispositions suivantes :
Certaines lois précisent encore plus les autres mesures qui peuvent être
prises :
Les articles relatifs aux infractions et aux peines diffèrent d’une loi
à l’autre : certaines prévoient leurs propres peines tandis que d’autres
renvoient à l’article 127 du Code criminel pour les sanctions à
infliger en cas de désobéissance à une ordonnance prononcée en vertu des
dispositions législatives sur la violence familiale.
Toutes les ordonnances d’intervention d’urgence doivent automatiquement
être révisées par une juridiction supérieure dans un délai de trois à
sept jours, sauf au Manitoba, où le fardeau est inversé et où c’est à
l’intimé qu’il incombe de contester l’ordonnance dans les 20 jours
de sa signification. En pratique, cette mesure a pour effet de réduire
considérablement la charge de travail du tribunal. De plus, les évaluations
effectuées dans d’autres provinces et territoires donnent à penser que
les ordonnances d’intervention d’urgence sont rarement contestées par
l’intimé et que le tribunal qui les révise les confirme la plupart du
temps.
ii) Avantages perçus
Voici les principaux avantages que comportent ces lois :
Il ressort par ailleurs d’une étude qui a été menée pour mesurer les répercussions
de la loi adoptée par la province de l’Île-du-Prince-Édouard[130], qu’une telle législation
peut contribuer à réduire la récidive dans les premières étapes d’une
relation marquée par la violence. Il ressort en effet des résultats de
l’étude menée à l’Île-du-Prince-Édouard que 75 %
des femmes se sont séparées de leur conjoint violent à la suite d’une
intervention policière et du prononcé d’une ordonnance.
La loi serait par ailleurs relativement facile à appliquer du point de
vue de la police : il ne fallait que 20 minutes à un policier
pour faire une demande d’ordonnance (en Saskatchewan et en Alberta).
À l’Île-du-Prince-Édouard, la police a toutefois précisé
qu’il y aurait lieu, dans cette province, de simplifier la procédure.
iii) Éléments d’une intervention efficace
Au nombre des principaux facteurs de réussite qui ont été cités, mentionnons
la formation intensive avant la mise en application de la loi et la tenue
de séances de sensibilisation et d’information destinées à informer les
victimes et le public de l’existence de la loi et des recours dont ils
disposent. Parmi les autres facteurs évoqués, mentionnons l’utilisation
d’une approche axée sur la collaboration mettant à contribution de nombreux
ministères et intervenants. Un processus de consultation adéquat faisant
appel à l’appui de la collectivité, de la magistrature et d’autres intervenants
est également une clé importante du succès.
Former tous les intervenants pour leur permettre de mieux connaître la
dynamique de la violence familiale et les rôles précis de chacune
des composantes du système judiciaire est un facteur déterminant en ce
qui concerne le succès de la mise en application de toute nouvelle loi.
Les gouvernements ont constaté que cette formation doit être permanente
et constamment mise à jour pour tenir compte des questions et préoccupations
qui se font jour; cette formation intéresse de nombreux intervenants communautaires.
La Saskatchewan a fait remarquer que les critères de sélection dont elle
se sert pour choisir les juges de paix constituent un facteur essentiel
de succès, étant donné que les candidats sont choisis en fonction de leurs
connaissances et de leurs compétences en matière de violence familiale.
Dans cette province, il n’existait pas de juges de la paix ayant reçu
une formation en violence familiale, mais plutôt des spécialistes en violence
familiale ayant reçu une certaine formation au sujet des rouages de la
justice et du rôle des juges de paix. Par ailleurs, on y retrouvait des
représentants de divers groupes linguistiques et de diverses régions géographiques
de la province (secteurs ruraux et isolés par opposition aux agglomérations
urbaines).
Il y a lieu de recourir à une méthode itérative pour aborder de façon
permanente les nouvelles questions qui se posent (telles que les différences
d’interprétation et d’application) parmi les intervenants du secteur de
la justice et les autres intervenants qui offrent des services aux victimes
de violence familiale.
Des mécanismes de suivi et d’évaluation sont également nécessaires pour
cerner les problèmes dès le début et pour intervenir de façon rapide et
efficace et s’assurer que la loi est appliquée comme elle est censée l’être.
iv) Questions et préoccupations
Voici quelques-unes des questions et des préoccupations qui reviennent
le plus fréquemment. On trouvera d’autres questions qui concernent des
provinces ou des territoires déterminés dans l’Interjurisdictional
Comparison and Literature Review de Carolyn Marshall[131].
Taux d’utilisation
En pratique, les ordonnances d’intervention d’urgence sont utilisées,
mais pas les ordonnances de plus longue durée. Cette situation s’expliquerait
par le fait que, pour obtenir une ordonnance de plus longue durée, il
faut se faire représenter par un avocat et que les ressources sont insuffisantes.
Les dispositions relatives aux mandats d’entrée sont pour leur part rarement
invoquées.
Bien que les ordonnances de courte durée soient effectivement utilisées,
les taux d’utilisation semblent faibles par rapport au nombre d’incidents
signalés à la police. Le Manitoba a le taux d’utilisation le plus élevé :
environ 1 100 ordonnances ont été prononcées au cours de la première
année qui a suivi l’entrée en vigueur de la loi, en comparaison des 400
ordonnances par année qui ont été rendues depuis six ans dans la province
voisine, la Saskatchewan. Le nombre d’ordonnances d’intervention d’urgence
prononcées en moyenne par année dans les autres provinces et territoires
s’établit respectivement à 145 pour l’Alberta, 28 pour l’Île-du-Prince-Édouard
et 30 pour le Yukon.
En règle générale, les taux d’utilisation sont fonction de plusieurs facteurs,
dont les suivants :
En plus de ces facteurs, le Yukon explique le faible taux d’utilisation
par une situation socioéconomique désavantageuse, la toxicomanie, les
disparités ethnoculturelles et l’absence de solutions de rechange aux
programmes offerts dans le Nord. On croit généralement que les femmes
victimes de violence sont forcées de quitter leur collectivité si elles
veulent être en sécurité.
Il ressort en bref des résultats des évaluations que les ordonnances de
courte durée sont utilisées plus souvent que les ordonnances de plus longue
durée, mais que leur nombre est loin d’approcher celui des incidents de
violence familiale signalés à la police. Il y a lieu de mener d’autres
recherches pour comprendre pourquoi il en est ainsi. Les études commandées
par différents gouvernements offrent des explications partielles :
il faut mieux former les policiers pour s’assurer qu’ils connaissent bien
la loi et en encouragent l’utilisation; les intervenants du domaine de
la justice doivent s’entendre sur les situations dans lesquelles il y
a lieu de recourir à cette mesure, surtout lorsqu’on se réfère au Code
criminel; et il faut sensibiliser davantage le public pour informer
les victimes de ce recours éventuel.
Ces lois recueillent un large appui de la part des victimes dans les provinces
et territoires où elles ont été adoptées[132].
Les évaluations démontrent que les victimes se réjouissent du fait que
la protection est immédiate et qu’elles accueillent avec satisfaction
les mesures pratiques que constituent l’occupation exclusive du foyer
conjugal, de même que le soin et la garde temporaire des enfants.
Constitutionnalité
Lorsque les premières de ces lois sont entrées en vigueur dans les provinces,
on craignait qu’elles soient déclarées inconstitutionnelles. Des tribunaux
manitobains sont présentement saisis d’une contestation de ce type et
l’accusé a déposé un avis auprès de la Cour d’appel du Manitoba. Bien
que l’accusé ait été débouté de sa requête et qu’il ait été condamné,
on prévoit qu’il fera appel de cette décision. Une seule autre loi a
été contestée, celle de l’Île-du-Prince-Édouard. Le
débat portait sur l’inclusion de la violence psychologique dans la définition
de la violence familiale. Le tribunal a toutefois jugé que la définition
n’était pas trop large. Dans cette affaire, on contestait également la
capacité de légiférer de la province et les dispositions relatives au
préavis à envoyer à l’intimé. Le tribunal a statué que l’assemblée législative
de la province avait compétence pour adopter cette loi, mais il a conclu
que les dispositions portant sur l’avis étaient insuffisantes. Ces dispositions
ont été modifiées en 1998.
Rapports avec le Code criminel
Certains ont également dit craindre que ces lois en viennent à remplacer
le Code criminel, et ce, malgré le fait qu’elles sont censées le
compléter. Il est permis de penser que c’est effectivement le cas jusqu’à
un certain point, car les policiers citent l’hésitation des victimes à
porter des accusations au criminel comme une des raisons pour lesquelles
elles invoquent une loi civile[133].
Il semble également que la loi est invoquée dans des cas où la preuve
n’est pas suffisante pour justifier des accusations au criminel[134]. Toutefois, en règle générale, il semble que cette loi soit
utilisée en complément des accusations portées en vertu du Code criminel.
Les gouvernements doivent continuer à faire preuve de vigilance tant en
ce qui concerne le suivi de l’utilisation des dispositions législatives
que dans la mise en application continue de mesures déterminées (formation,
notes de service sur les principes et la pratique, bon leadership) pour
s’assurer qu’elles ne remplacent pas les poursuites pénales.
Application de la loi aux réserves ou aux terres octroyées à la suite
d’une entente
Parmi les autres enjeux qui ont été cernés, mentionnons l’application
de la loi aux biens immobiliers sur les réserves ou sur les terres octroyées
à la suite d’une entente, surtout lorsqu’il s’agit d’accorder à la victime
l’occupation exclusive du foyer conjugal. En ce qui a trait aux réserves,
l’usage, l’occupation et la possession de biens immeubles sont soumis
aux dispositions particulières de la Loi sur les Indiens (par exemple
les articles 20, 24, 28, 49 et 50 de la Loi sur les Indiens,
L.R. 1985 ch. I-5). Bien que certaines bandes vivant sur les réserves
peuvent avoir adopter des règlements ou des usages accordant à la victime
de violence conjugale l’occupation exclusive du foyer familial, la légalité
de telles lois a été remise en cause. Lorsque des bandes ont signé un
accord sur des revendications territoriales, et selon les termes de l’entente,
il est possible pour elles d’exercer leur juridiction en ce qui a trait
à la violence familiale. Dans de tels cas, les bandes peuvent soit adopter
leur propre législation, soit incorporer les lois provinciales pour référence.
Portée de l’inclusion
La loi de certains gouvernements a une portée suffisamment large pour
englober d’autres personnes que les conjoints et les partenaires intimes,
tels que les enfants d’une victime de violence conjugale, les personnes
âgées ou d’autres personnes qui ne sont pas capables de se protéger elles-mêmes.
La plupart des gouvernements incluent la protection des couples de même
sexe. En Saskatchewan, les résultats de deux études qui ont été menées
indiquent que, si des ordonnances d’intervention d’urgence sont utilisées
dans le cas de situations de violence conjugale, bien peu le sont dans
le cas des enfants, des parents âgés ou d’autres cohabitants victimes
de violence. En Alberta, des travailleurs sociaux intervenant auprès
des enfants ont reçu une formation sur le recours à la loi dans les cas
de violence faite aux enfants.
Suivi et exécution des ordonnances de protection et violations
Les gouvernements traitent la désobéissance à une ordonnance d’intervention
d’urgence soit comme une violation de l’article 127 du Code criminel,
soit comme une infraction expressément prévue par la loi. Le suivi des
manquements aux ordonnances s’est avéré difficile dans la plupart des
provinces et territoires, étant donné qu’on ne distingue pas ces ordonnances
des autres cas d’infraction à l’article 127 du Code criminel.
Il s’ensuit qu’il n’est pas possible dans l’état actuel des choses de
déterminer les répercussions que ces ordonnances ont pu avoir sur la réduction
ou l’élimination des incidents de violence familiale ou des menaces de
violence.
Dans la plupart des provinces et territoires, la police enregistre les
ordonnances de protection ou d’interdiction qui sont prononcées en matière
de violence familiale dans une base de données du Centre d’information
de la police canadienne, dans les « dossiers personnels » sous
la rubrique « intérêt spécial pour la police » ou « probation ».
La Colombie-Britannique a créé un registre des ordonnances de protection
(Protection Order Registry) dans lequel sont enregistrées toutes
les ordonnances et les conditions se rapportant à la sécurité d’une personne
déterminée, y compris les engagements de ne pas troubler la paix, les
ordonnances civiles d’interdiction et les ordonnances judiciaires de mise
en liberté provisoire (sous caution). Il s’agit d’un registre distinct,
mais les usagers du Centre d’information de la police canadienne peuvent
y accéder grâce à une interface.
La répression des violations d’ordonnances civiles[135], tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières des différents
gouvernements, a été signalée comme étant une grave préoccupation de la
part des provinces et des territoires. Cette question est présentement
étudiée par le Comité de coordination des hauts fonctionnaires –
Justice familiale. Plusieurs gouvernements ont adopté la Loi uniforme
sur l’exécution des jugements canadiens qui prévoit l’exécution réciproque
des ordonnances de protection prononcées en matière civile. D’autres
provinces et territoires n’ont pas encore adopté cette loi.
v) Défis
Les gouvernements qui n’ont pas encore édicté de loi civile en matière
de violence familiale doivent se demander si, parmi l’arsenal de mesures
qui permettent de répondre à la problématique de la violence familiale,
ils ne devraient pas accorder la priorité à ce type de mesures législatives,
compte tenu du fait que la plupart de ces recours existent déjà et que
les taux d’utilisation peuvent être faibles. Il ressort toutefois des
études qui ont été menées que ces lois recueillent l’appui des victimes
et des intervenants. Ils s’entendent tous pour dire que les recours complémentaires
sont très avantageux pour certaines victimes et qu’ils facilitent une
intervention précoce.
Il semble que certains gouvernements recourent à des lois civiles au lieu
de porter des accusations au criminel, même lorsqu’il existe des motifs
valables de déposer des accusations. Pour s’assurer que les lois civiles
ne soient pas utilisées de manière à supplanter le Code criminel,
il est impératif d’en surveiller l’application et d’en évaluer les répercussions.
Des préoccupations ont été exprimées au sujet de l’impossibilité d’exécuter
les ordonnances prononcées en vertu des lois provinciales sur la violence
familiale dans certains cas et en particulier dans les collectivités nordiques
ou isolées. On craint en conséquence que les ordonnances en question
procurent un faux sentiment de sécurité aux victimes. De plus, l’accès
aux services pour les victimes dans le Grand Nord et dans les collectivités
isolées constitue un défi et un obstacle possible à l’adoption d’une telle
loi.
Outre les questions et les préoccupations que nous venons d’exposer, le
principal obstacle que doivent surmonter les gouvernements est l’acquisition
de ressources suffisantes pour mettre la loi en application : formation,
consultation, rapports avec les intervenants, éducation du public, coordination
et résolution de problèmes, suivi et évaluation.
vi) Recommandation
Le principal avantage que comportent les lois civiles sur la violence
familiale réside dans le caractère immédiat de la protection et la nature
pratique de l’intervention qu’elles proposent par le biais des mesures
qu’elles mettent en œuvre à l’intention des victimes et de leurs enfants.
Bien que bon nombre des recours qu’elles ouvrent se retrouvent déjà dans
d’autres lois, les lois provinciales sur la violence familiale ont pour
avantage de réunir en un seul texte législatif bon nombre des mesures
les plus importantes.
Lois sur la violence familiale
Il est recommandé aux gouvernements d’examiner si l’adoption de dispositions
législatives civiles en matière de violence familiale fournirait des voies
de recours plus immédiates et générales que les dispositions actuelles,
celles par exemple du Code criminel. Il est recommandé d’examiner
les importantes dispositions autorisant l’occupation exclusive du foyer
par la victime, la possession temporaire de biens personnels, les soins
et la garde temporaire des enfants, et interdisant la vente, la conversion
ou l’endommagement des biens personnels. Les dispositions prescrivant
l’expulsion du conjoint violent et la saisie d’armes sont également importantes.
Dans les gouvernements où elle a été adoptée, la loi civile ne doit pas
être utilisée pour éviter de porter des accusations au criminel lorsqu’il
existe des motifs raisonnables de porter de telles accusations. Toutefois,
des procédures criminelles et civiles peuvent être intentées parallèlement.
Les facteurs de réussite suivants devraient guider la mise en application
de la loi :
SECTION III : PROGRAMMES DE SOUTIEN[136]1) SERVICES AUX VICTIMES
Les politiques favorisant l’inculpation visent avant tout à protéger les
victimes au moyen d’une intervention dénonçant la violence conjugale afin,
à la longue, de décourager la répétition d’un tel comportement abusif.
La directive prônant des accusations et des poursuites, indépendamment
des souhaits des victimes, était considérée comme avantageuse pour celles-ci,
car elle les relevait de la responsabilité de telles interventions.
Les victimes de violence familiale n’ont souvent pas les mêmes objectifs
que le système de justice pénale. Nombre d’entre elles ne souhaitent
pas de sanctions légales, préférant plutôt demeurer à domicile, préserver
leur relation, obtenir un counseling pour leur conjoint, et se protéger
ainsi que leurs enfants. Même s’il existe des politiques en matière de
poursuite visant à porter des accusations autant que possible, les victimes
réticentes trouvent des moyens de contourner le processus de justice pénale,
omettant de se présenter au tribunal, se montrant très réticentes à témoigner
et modifiant leur témoignage à la barre des témoins[137].
Les gouvernements ont réagi en offrant des services aux victimes de violence
conjugale qui participent au système de justice pénale. Les services
aux victimes, dans ce contexte, sont définis comme les services fournis
à la suite de la participation de la victime au système de justice pénale
et se différencient donc des autres services, comme les maisons d’hébergement,
qui peuvent être offerts aux victimes. Tandis que l’objectif officiel
de tous ces programmes est de veiller à la sécurité et au bien-être des
victimes, quelques-uns de ces services tentent implicitement (et parfois
ouvertement) de s’assurer de la collaboration des victimes du système
de justice pénale afin qu’elles ne modifient pas leur témoignage ou ne
changent pas d’avis au cours des poursuites au criminel[138].
Dans les provinces et territoires qui privilégient le maintien ou l’application
de politiques énergiques d’inculpation et de poursuite dans les cas de
violence conjugale, les victimes seront assurément d’autant plus satisfaites
du processus si elles ont accès aux renseignements et aux services nécessaires.
Le succès de la politique d’inculpation obligatoire appliquée à London
(Ontario) est largement attribuable à la disponibilité et à l’efficacité
des services spécialisés dans la collectivité[139].
i) Aperçu des services gouvernementaux offerts aux victimes
Bien que tous les gouvernements fournissent des services aux victimes,
ceux-ci varient considérablement tant par leur envergure que par la diversité
des agents responsables de les dispenser. Certains sont offerts par les
policiers, d’autres par divers systèmes, dont le système correctionnel,
et d’autres par la collectivité. La prestation des programmes est assurée
par des organismes rattachés aux gouvernements, aux corps policiers ou
aux collectivités, par des employés rémunérés ou par des bénévoles. Les
services en question sont multiples : intervention en cas de crise,
défense des droits et soutien, accompagnement devant le tribunal, renseignements
sur l’évolution d’un cas, aide à la déclaration de la victime sur les
répercussions du crime, orientation vers d’autres services et indemnisation
des victimes d’actes criminels. La nature des services varie d’une collectivité
à l’autre en fonction des besoins et de la capacité de chacune. Il faut
noter que bon nombre de ces services ont d’abord été offerts par des bénévoles
et des organismes communautaires et que ces intervenants continuent de
jouer un rôle vital à cet égard.
Il existe des différences majeures dans la prestation des services offerts
par les gouvernements puisque certains n’offrent pas de programmes d’indemnisation
des victimes d’actes criminels, tandis que d’autres fournissent des services
limités de counseling, de soutien ou d’accompagnement au tribunal ou ne
proposent rien du tout. L’intégralité des services, la charge de travail
du personnel et la couverture géographique semblent être des problèmes
communs.
La Colombie-Britannique entend financer, d’ici la fin de l’exercice 2002-2003,
91 services d’aide aux victimes assurés par la police dans 113 administrations
policières. Il y aura également 62 programmes communautaires, y
compris ceux qui s’adressent aux hommes et aux Autochtones victimes d’actes
criminels.
L’Ontario progresse à grands pas dans l’intégration de ses services d’aide
aux victimes grâce à la toute nouvelle Division de services aux victimes
du ministère du Procureur général qui regroupe tous les services aux victimes
de trois ministères responsables de la justice. La Division est responsable
du Programme d’aide aux victimes et aux témoins, actuellement mis en œuvre
dans 42 localités; on compte l’étendre à l’ensemble des 54 administrations
judiciaires, en plus des services d’aide aux victimes assurés par la police
et la collectivité. En outre, on a fourni un financement à environ 119 intervenants
du Programme d’appui transitoire qui, dans toute la province, aident les
femmes victimes de violence (sans être affiliés au système de justice
pénale); à environ 100 programmes de counseling mis à la disposition
de ces mêmes femmes; à environ 131 groupes de soutien dans le cadre du
Programme d’intervention précoce à l’intention des enfants exposés à la
violence familiale; à la ligne d’écoute provinciale pour les femmes victimes
de violence; et à l’amélioration de la ligne d’écoute en situation d’urgence
à l’intention des francophones.
Le Québec compte, dans 11 localités, des centres d’aide aux victimes d’actes
criminels (CAVAC) qui aident celles-ci dans leurs rapports avec
le système de justice pénale. Les procureurs de la Couronne font partie
de comités intersectoriels de toute la province. Les intervenants correctionnels
participent à des tables de concertation intersectorielles. Depuis quelques
années, les Services correctionnels du Québec fournissent, notamment aux
victimes de violence conjugale, certains renseignements précis concernant
leur agresseur. Ils comptent d’ailleurs implanter la Loi sur le système
correctionnel du Québec qui comporte des articles portant spécifiquement
sur la violence conjugale; conséquemment, le volet de l’information aux
victimes sera dorénavant circonscrit légalement et plus adapté aux attentes
des victimes. De plus, les Services correctionnels du Québec recourent
à un code de repérage des dossiers relatifs à cette problématique, principalement
dans le but d’identifier ceux dont les victimes doivent être rapidement
informées. Enfin, les victimes de violence conjugale ont la possibilité
de faire des représentations dans le cadre de certaines formes de sortie
de détention de la personne contrevenante incarcérée.
Le Manitoba offre un grand nombre de services par l’entremise du Programme
de défense des femmes et des services communautaires financés par le gouvernement.
On y trouve aussi des services d’aide aux victimes dans les postes de
la GRC, la plupart de ces services étant financés par la province et certains,
par des bénévoles; tous deux bénéficient d’une prestation en nature de
la GRC.
Au Nouveau-Brunswick, les services aux victimes sont assurés par
des coordonnateurs bénévoles de la GRC, par quatre programmes de la police
municipale, par des organismes communautaires qui ont des liens directs
avec les services de police ainsi que par le programme des services aux
victimes offert dans toute la province. La province de Terre-Neuve-et-Labrador
offre un programme assuré par le système, avec des employés dans dix bureaux
régionaux et dans le bureau provincial. La Nouvelle-Écosse offre également
un programme provincial par l’intermédiaire du ministère de la Justice,
en plus des services communautaires d’aide aux victimes fournis par les
travailleurs bénévoles de la GRC et les programmes mis en place par les
services de police municipaux à certains endroits. À l’Île-du-Prince-Édouard,
les Services aux victimes du Bureau du procureur général procurent un
soutien à l’échelle de la province et fournissent une aide à toutes les
étapes du processus de justice pénale.
En Saskatchewan, il existe 17 coordonnateurs des services assurés par
les corps policiers (GRC et police municipale), huit agents de ressources
pour les Autochtones dans cinq centres, ainsi que trois autres centres
dotés de coordonnateurs des services aux victimes et aux témoins. Plus
de 350 employés et bénévoles procurent des services aux victimes dans
environ 50 détachements de la GRC. En Alberta, les services d’aide aux
victimes sont offerts dans 107 postes de police, ainsi que par l’entremise
de programmes communautaires qui assurent des services spécialisés, et
par des programmes d’aide au public situés dans les bureaux du ministère
public. Au Yukon, les services sont dispensés, dans six emplacements,
par l’unité de prévention de la violence familiale, ainsi que par des
employés de la GRC chargés d’aider les victimes. Dans les Territoires
du Nord-Ouest, le personnel d’aide aux victimes et aux témoins travaille
au sein des bureaux du ministère public à Yellowknife et à Inuvik. Le
gouvernement des Territoires du Nord-Ouest finance également des
organismes communautaires de quatre collectivités afin d’offrir aux victimes
un soutien, des renseignements et un suivi. Au Nunavut, le personnel
d’aide aux victimes travaille au sein du bureau du ministère public.
Plusieurs gouvernements fournissent des services téléphoniques d’urgence
aux femmes dans les périodes de crise ainsi que divers services que n’offre
pas le système de justice pénale. Au Québec, par exemple, les groupes
communautaires de soutien aux victimes mettent à la disposition de celles-ci
une ligne téléphonique disponible 24 heures sur 24 où elles peuvent trouver
soutien et réconfort.
Un « Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale »
mis en œuvre par les différents gouvernements est présenté à la section VI
du présent rapport.
ii) Éléments d’une intervention efficace
La prestation d’un soutien aux victimes est un élément essentiel à une
intervention efficace dans les cas de violence familiale. Plusieurs études
ont été menées sur les besoins des victimes et leur satisfaction à l’égard
du système de justice pénale (voir ci-dessus). Les victimes répètent
constamment qu’elles ont besoin de renseignements précis concernant le
système de justice pénale (tels qu’une préparation au procès non liée
à la preuve), l’évolution de leur cas particulier, la situation de l’accusé
à différents moments au cours du processus, de l’accusation et de l’arrestation
à la condamnation, de l’accès à des services coordonnés et d’un accompagnement
alors même qu’elles collaborent avec le système de justice pénale.
Parmi les composants clés de services efficaces aux victimes, notons :
iii) Défis
La violence familiale diffère largement de la violence extrafamiliale
en raison des relations intimes (et souvent permanentes) qui existent
entre la victime et le conjoint violent. Le système de justice pénale
a un rôle spécial à jouer à l’égard des victimes de ces infractions, c’est-à-dire
qu’il doit les appuyer pour leur permettre de participer au processus.
Le défi est souvent de concilier les buts concurrents et parfois contradictoires
de la victime et du système de justice pénale.
Avec des ressources limitées, les gouvernements doivent également décider
de la façon dont il faut aider les victimes, et ce, de la manière la plus
stratégique possible. Le système de justice doit reconnaître que les
organismes communautaires jouent, depuis longtemps, un rôle essentiel
dans la prestation d’aide aux victimes d’actes criminels et que ce rôle
doit être appuyé. Des mécanismes visant à assurer la collaboration entre
la collectivité et le système de justice pénale pour répondre aux besoins
des victimes sont également nécessaires.
iv) Recommandation
Il est recommandé que les gouvernements, de concert avec les organismes
communautaires, continuent d’assurer la prestation de services de soutien
aux victimes afin de les aider lorsqu’elles collaborent avec le système
de justice pénale. Ces services doivent au moins comprendre :
2) MAISONS D'HÉBERGEMENT, SERVICES DE LIAISON,
DÉFENSE DES DROITS ET AUTRES SERVICES DE SOUTIEN AUX FEMMES VICTIMES
DE VIOLENCE
i) Types de services de soutien
Maisons d’hébergement et maisons de transition
Pendant de nombreuses années, les seuls services spécialisés offerts en
réponse à la violence faite aux femmes ont été les maisons d’hébergement.
Des lieux sûrs pour les femmes (et souvent les enfants) sont aménagés
dans toutes les provinces et tous les territoires, bien que la gamme des
services offerts, notamment le moment de l’intervention[140] et les niveaux de financement, puissent varier
d’un endroit à l’autre. Il peut s’agir de maisons de transition et de
maisons d’hébergement, de lieux d’hébergement de seconde étape, de lieux
d’hébergement sûrs et de centres de ressources familiales. Ce sont des
programmes offerts dans des résidences ou qui possèdent une composante
résidentielle (capacité d’accueillir les femmes victimes de violence et
leurs enfants pour la nuit ou pour des périodes de durée variée). La
plupart fournissent un counseling et d’autres programmes de soutien sur
les lieux (par exemple : logement sûr en cas d’urgence, intervention
immédiate, soutien affectif, renseignements et orientation, nourriture,
maison d’hébergement, défense des droits, ligne téléphonique en cas de
crise et programmes pour enfants). D’autres programmes offrent un service
de liaison à d’anciens résidents et à des non-résidents, par téléphone,
par lettre ou par l’intermédiaire d’une personne-ressource ou de groupes
de soutien.
Selon l’Enquête sur les maisons de transition de 1999-2000[141], 62 % des installations fournissaient
des services aux femmes handicapées, 63 % offraient des services
adaptés aux femmes autochtones, tandis que près de six maisons d’hébergement
sur dix offraient des services adaptés aux membres des groupes ethnoculturels
et des minorités visibles[142].
Les services sont généralement fournis par un personnel rémunéré et par
des bénévoles. Voir la section VI du présent rapport pour une vue
d’ensemble de ce qu’offrent les maisons d’hébergement.
En 1999-2000, 96 359 femmes et enfants à charge ont été admis
dans 448 maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence dans tout
le Canada[143]. L’Enquête sociale générale
de Statistique Canada (1999) a établi que 11 % des femmes qui ont
quitté un conjoint violent au cours des cinq dernières années ont demeuré
dans une maison d’hébergement[144]. Bien que les femmes de moins de 25 ans aient subi le plus
haut taux de violence conjugale[145], elles représentent une faible
proportion des femmes victimes de violence habitant dans des maisons d’hébergement
(20 %)[146]. En
ce qui concerne les raisons de ce phénomène, on suppose que bon nombre
de femmes se tournent vers des amis ou des parents ou qu’elles ont les
moyens financiers d’accéder à d’autres solutions[147].
Néanmoins, à un jour donné (le 17 avril 2000), 254 femmes et 222 enfants
n’ont pu être admis dans une maison d’hébergement au Canada, le plus souvent
en raison du manque de place[148].
Selon l’Enquête sur la violence faite aux femmes menée en 1993, la gravité
de la violence est un facteur qui contribue à la décision des femmes d’entrer
ou non dans une maison d’hébergement. L’enquête a révélé que, dans l’ensemble,
19 % des femmes avaient, à un moment donné, été assez gravement blessées
pour demander l’aide d’un médecin; chez les femmes ayant séjourné dans
des maisons d’hébergement, cette proportion était de 63 %[149].
La recherche montre le rôle important joué par les maisons d’hébergement
dans la mise en place de programmes de liaison extérieure, en plus des
services résidentiels. Pourtant, la plupart des femmes n’utilisent pas
les services des maisons d’hébergement. On prône l’établissement de services
plus variés et plus accessibles, c’est-à-dire le recrutement
direct dans les tribunaux civils et criminels, de meilleurs contacts téléphoniques,
des séances informatives brèves mais où les renseignements abondent, et
un compromis entre le counseling téléphonique et le counseling dans les
maisons d’hébergement (par exemple un centre d’accueil)[150].
L’expansion des maisons d’hébergement s’est appuyée sur celle du mouvement
féministe des années 1970. Malgré leur importance dans toute l’Amérique
du Nord comme principal moyen pour protéger les femmes victimes de violence
contre les conjoints agresseurs, peu de ces établissements ont été évalués,
de sorte que l’on connaît mal l’impact des séjours en maison d’hébergement
sur les utilisatrices. Les moyens de mesurer le succès dans ce domaine
sont même très controversés. Une bonne partie de la recherche se fonde
sur l’hypothèse que l’objectif premier des programmes d’hébergement (et
l’on présume que c’est aussi ce que recherchent avant tout les femmes
concernées) est de permettre aux femmes de vivre en autonomie, séparément
du conjoint violent[151].
Or, les interventions mesurées par rapport à ce principe donnent des résultats
mitigés et il est généralement reconnu qu’il faudrait réévaluer l’énoncé
voulant que la vie autonome soit le principal critère de succès. Les
statistiques révèlent que le nombre de femmes qui reviennent vers leur
conjoint après avoir été dans une maison d’hébergement varie entre 49 %
à 58 % (1981-1989)[152]
et 17 % (17 avril 2000)[153].
Bien que certaines réformes législatives récentes visent essentiellement
à imposer des contraintes à l’agresseur pour qu’il perturbe le moins possible
la vie des conjointes et des enfants victimes de violence, les maisons
d’hébergement resteront sans aucun doute un élément majeur des services
globaux offerts aux victimes de violence conjugale à court terme.
Autres programmes de soutien non résidentiels pour les femmes victimes
de violence et leur famille
London (Ontario) a été une des premières collectivités à offrir du soutien,
une assistance judiciaire, des renseignements juridiques et autres, et
l’orientation vers d’autres services sur une base non résidentielle, reconnaissant
ainsi que les services doivent être offerts de différentes façons.
Les centres pour femmes et les centres de ressources pour les familles
offrent également aux femmes victimes de violence un soutien, des renseignements
et l’orientation vers des services appropriés. Certaines maisons d’hébergement
ont commencé à offrir une gamme de services gérés par un seul conseil,
ou à explorer cette option, ou même à participer au conseil d’autres fournisseurs
de services.
Voir la section VI du présent rapport pour un aperçu sur ces programmes
au Canada.
ii) Éléments d’une intervention efficace
Compte tenu de la multiplicité des besoins des victimes et de leur famille,
il faut offrir une gamme de services complémentaires aux services gouvernementaux,
et ce, pour aider les victimes qui sont engagées dans le processus de
justice pénale. Parmi les services nécessaires, notons les suivants :
Les décisions concernant ces questions doivent être prises rapidement
et doivent reconnaître comme primordial le besoin d’assurer la sécurité
des victimes et de leurs enfants.
Une intervention efficace envers les victimes peut se faire de deux façons :
Le soutien peut être assuré par des services non résidentiels comme les
centres de ressources familiales, les cliniques d’assistance juridique
pour les femmes victimes de violence conjugale, les centres pour femmes,
les programmes de liaison et de nombreux autres moyens qui sont déjà en
place partout au pays.
La formation des professionnels et des fournisseurs de services dans diverses
disciplines est nécessaire pour mettre en œuvre une intervention efficace.
Parmi ces disciplines, notons : professionnels des services de santé
(médecins, personnel de salles d’urgence, infirmières de la santé publique,
personnel paramédical, infirmiers, fournisseurs de soins à domicile),
membres de la profession juridique, médiateurs, assesseurs de la cour,
conciliateurs, avocats, professionnels de la santé mentale, travailleurs
sociaux, personnel d’aide au revenu, employés de la protection de l’enfance,
éducateurs et personnel scolaire, en plus du personnel du système de justice
pénale. Une gamme complète et coordonnée de services doit être offerte
afin de fournir une intervention efficace.
iii) Défis
Le principal défi des gouvernements est de déterminer comment satisfaire
aux différents besoins de ces familles de façon stimulante, continue,
coordonnée, opportune et efficace. Il est nécessaire de créer d’autres
services et de trouver d’autres façons d’atteindre la majorité des femmes
victimes de violence qui n’utilisent pas actuellement les maisons d’hébergement
ni les services d’accueil. Il faut déployer des efforts pour éliminer
les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder aux services dont elles
ont besoin. Il est également essentiel de s’assurer que les besoins des
femmes venant de diverses collectivités ou encore de collectivités isolées
ou rurales sont satisfaits.
Les femmes victimes de violence conjugale peuvent avoir accès aux services
appropriés de plusieurs manières, en plus de pouvoir avoir recours aux
services de la police et aux maisons d’hébergement, qu’il s’agisse de
salles d’urgence, de médecins de famille, de programmes d’aide au revenu
ou de tribunaux de la famille. Ces services doivent posséder les ressources
nécessaires afin d’être en mesure d’intervenir de façon adéquate et efficace
et de fournir aux femmes concernées des renseignements et l’orientation
vers un counseling et des services spécialisés qui satisferont à leurs
besoins.
Les personnes qui fournissent des services de maison d’hébergement aux
femmes victimes de violence ne voient pas toujours les situations du même
œil que les responsables du système de justice pénale. Devant la réaction
négative de certaines victimes à l’égard de leur expérience de ce système,
les intervenants travaillant dans les maisons d’hébergement n’encouragent
pas toujours les femmes à devenir témoins dans le processus judiciaire.
Les directeurs de maisons d’hébergement, dans certaines provinces ou certains
territoires, se plaignent de ne pas être consultés par le système de justice
pénale. La tension entre ces organismes et le système de justice pénale
représente peut-être une manifestation et un prolongement naturels de
la tension qui existe entre les victimes elles-mêmes et le système de
justice, provenant en partie d’une situation passée et en partie des objectifs
quelques fois contradictoires des victimes et du système de justice.
Il faut faire des efforts afin de coordonner les interventions et travailler
ensemble pour établir des partenariats entre les organismes afin de partager
les perspectives et la responsabilité du problème. Il est essentiel de
trouver de quelle manière les collectivités et les systèmes peuvent améliorer
leur intervention pour assurer la prestation d’une gamme de services efficaces,
coordonnés et complets aux victimes et à leur famille.
iv) Recommandation
Il est recommandé que les gouvernements envisagent des façons d’assurer
la prestation continue de services communautaires et gouvernementaux accessibles,
complets et coordonnés aux victimes de violence conjugale et à leur famille,
notamment des maisons d’hébergement et des services de liaison. La formation
des professionnels du système de justice pénale et des fournisseurs dans
diverses disciplines appelés à offrir des services aux femmes victimes
de violence et à leurs enfants est nécessaire pour renforcer les relations
de travail, comprendre les objectifs divergents et assurer une intervention
efficace.
3) INTERVENTIONS AUPRÈS DES ENFANTS
EXPOSÉS À LA VIOLENCE CONJUGALE
L’Étude sociale généralede 1999 a révélé qu’environ un demi-million
d’enfants au Canada avaient entendu ou vu un de leurs parents se faire
agresser au cours des cinq dernières années[154]. Les données fournies dans la section I
du présent rapport indiquent que de nombreux enfants sont témoins à maintes
reprises de la violence envers un de leurs parents, normalement la mère,
et que plusieurs sont affectés de façon négative par cette exposition
à la violence. De plus, les études indiquent que la police, le système
de justice pénale et le système de droit familial sont au courant de l’exposition
des enfants à la violence dans les foyers ou y sont mêlés d’une façon
ou d’une autre. De plus, tout indique que les enfants sont affectés non
seulement par leur exposition à la violence familiale, mais également
par le fait qu’ils reçoivent directement des menaces ou qu’ils sont battus.
On estime que la portée du chevauchement entre les femmes victimes de
violence conjugale et les enfants maltraités physiquement ou sexuellement
est d’environ de 30 % à 60 %[155].
Selon les comptes rendus de recherche des deux dernières décennies, l’incidence
négative de la violence familiale sur le comportement est sans équivoque[156]. Ces dernières années, on a examiné de plus
près l’effet d’un divorce fortement conflictuel sur les enfants déjà exposés
à la violence conjugale[157].
Même s’il est évident que ce sujet ne fait pas l’objet d’assez de recherches,
les types d’intervention qui ont été mis à l’essai auprès des enfants
comprennent le counseling individuel et en groupe, les centres qui offrent
un accès facilité (échange d’accès) ou supervisé, les programmes pour
les enfants de parents en instance de divorce ou de séparation, ainsi
que les programmes pour ces parents eux-mêmes.
En 1998, le ministère de la Justice du Canada a commandé une vaste méta-analyse
des divers modèles d’intervention qui existaient alors. Un rapport sommaire
a recensé les principales considérations en matière de politiques, y compris :
i) Aperçu des programmes gouvernementaux destinés aux enfants exposés
à la violence familiale
Même si jusqu’à maintenant ces programmes n’ont pas été dotés de fonds
suffisants, ils jouissent d’une reconnaissance grandissante puisqu’il
s’agit là d’une mesure importante de prévention et de réduction de la
récidive. Certains gouvernements ont commencé à investir beaucoup dans
ce secteur afin d’offrir aux enfants du counseling, individuel ou en groupe
ou les deux, pour les aider à surmonter les traumatismes de l’exposition
à la violence au foyer et pour arrêter le transfert entre les générations
de comportements violents. Des programmes de soutien complémentaires
sont également offerts aux mères qui ont été victimes de violence afin
de leur enseigner les compétences et les techniques parentales pour faire
face au comportement de leurs enfants.
La Saskatchewan offre quatre programmes pour les mères et les enfants
exposés à la violence familiale. Le Manitoba offre du counseling à court
ou à long terme aux enfants qui sont témoins de violence à la maison.
La ville de Calgary offre plusieurs services aux enfants et aux jeunes
qui ont été exposés à la violence à domicile ou qui démontrent eux-mêmes
des comportements agressifs à la maison ou à l’école. Ces services assurés
par les collectivités sont mis à la disposition des familles qui utilisent
les services du Tribunal pour l’instruction des causes de violence conjugale.
L’Ontario propose le Programme d’intervention précoce à l’intention des
enfants exposés à la violence familiale qui comprend environ 131 groupes
de soutien dans toute la province. Le programme se fonde sur un modèle
de concomitance, les enfants de 4 à 16 ans étant pris en charge au
moment où ils se remettent lentement des suites de leur exposition à la
violence conjugale, alors que les mères bénéficient d’un soutien pour
mieux aider leurs enfants en voie de guérison. La Colombie-Britannique
offre également des séances de counseling privées ou en groupe aux enfants
exposés à la violence à domicile.
Un accès facilité ou l’aide d’une tierce partie est nécessaire pour certaines
familles afin de protéger les mères victimes de violence conjugale contre
les récidives. Un accès supervisé s’impose lorsqu’il y a un doute concernant
la capacité parentale d’un conjoint violent ou lorsqu’il y a risque de
préjudice pour les enfants. L’éducation aux parents peut également aider
ces familles à éviter de placer leurs enfants au centre de disputes à
la suite d’une séparation ou d’un divorce. Ces relations sont souvent
caractérisées par des conflits importants pouvant mener à des actes de
violence. Elles doivent donc être surveillées de près et considérées
comme des cas d’intervention prioritaire.
Les gouvernements mentionnés ci-dessus ont investi dans des programmes
d’aide aux enfants témoins de violence familiale. Ce secteur est insuffisamment
desservi par de nombreux autres gouvernements.
Participation de l’aide sociale à l’enfance
Certaines lois provinciales ou territoriales sur le bien-être de l’enfant
ont des clauses particulières qui reconnaissent que l’exposition de celui-ci
à la violence familiale constitue un motif éventuel de présumer qu’il
a besoin de services de protection. Il s’agit des gouvernements suivants :
Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, la
Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, le Manitoba, la
Saskatchewan et l’Alberta. Les Territoires du Nord-Ouest ont également
apporté des modifications législatives semblables.
Il existe des protocoles propres à la déclaration des enfants exposés
à la violence familiale à l’Île-du-Prince-Édouard, en
Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Manitoba et en Alberta. Bien qu’il existe
des protocoles d’intervention pour la protection de l’enfant, pour les
maisons de transition et pour les foyers d’accueil pour les hommes, ils
peuvent ne pas être à jour et leur pratique ne pas être uniforme. Il
y a des signes d’un manque de coopération au niveau du signalement entre
la police et les organismes de protection de l’enfance. Il reste beaucoup
à faire afin d’assurer une intervention uniforme, sans oublier une formation
commune.
ii) Éléments d’une intervention efficace
Même s’il faut davantage de recherche, plusieurs programmes destinés aux
enfants exposés à la violence familiale sont prometteurs. Ainsi en est-il
des séances de counseling individuel et en groupe pour les enfants et
les jeunes qui suivent un programme de récupération à la suite de traumatismes
et peuvent ainsi acquérir de nouvelles habiletés de résolution de conflits
sans recours à la violence. Ces initiatives s’accompagnent d’un programme
complémentaire pour les parents non violents afin qu’ils connaissent les
effets de la violence sur leurs enfants, ainsi que les méthodes et les
techniques parentales à utiliser pour y faire face. Ces adultes se voient
aussi proposer des moyens de planifier leur sécurité. De telles interventions
offrent une occasion importante de réduire la violence familiale en évitant
le transfert entre générations de comportements violents.
Tout indique que les programmes qui offrent un accès facilité (échange
d’accès) ou supervisé, les programmes pour les enfants de parents en instance
de divorce ou de séparation, les programmes où les parents se penchent
sur les questions de séparation et de perte, ainsi que les programmes
sur les compétences parentales des conjoints violents, sont importants
pour améliorer la protection des victimes et des enfants.
Bien que le sujet doive encore faire l’objet de recherches, les points
suivants sont suggérés comme autant d’éléments clés d’une intervention
efficace auprès des enfants exposés à la violence familiale :
iii) Défis
Le défi, pour les gouvernements, est de déterminer les moyens les plus
efficaces de promouvoir une approche coordonnée des services aux enfants
exposés à la violence familiale, y compris les services juridiques, les
services de santé mentale, les services éducatifs, médicaux et sociaux.
Les gouvernements doivent également se pencher sur les questions suivantes.
Il faut établir un soutien à long terme pour les familles dysfonctionnelles
au sein de la société. Le modèle de prise de décision au sein du groupe
familial est prometteur[159]. Il faut mener d’autres recherches afin de déterminer les
circonstances où une telle approche peut être adoptée, tout en fournissant
des mesures de protection appropriées à tous les participants.
Les effets négatifs de la violence entre conjoints sur les enfants est
une question susceptible d’influer sur la réforme du droit de la famille.
Cette question fait l’objet d’un examen par le Comité de coordination
des hauts fonctionnaires – Justice familiale.
iv) Recommandation
Il est recommandé que les gouvernements préparent, avec la collectivité,
les partenaires en matière de justice et les autres intervenants gouvernementaux,
une intervention coordonnée à l’intention des enfants exposés à la violence
familiale, selon les éléments clés d’une intervention efficace décrits
plus haut. Un cadre stratégique et procédural coordonné devrait être
établi, avec des services à l’appui, pour tenir le délinquant responsable
de ses actes, fournir un soutien aux parents pour qu’ils puissent protéger
leurs enfants et ne pas victimiser à nouveau les femmes victimes de violence
conjugale et leurs enfants.
4) PROGRAMMES D'INTERVENTION AUPRÈS DES CONJOINTS
VIOLENTS
Des programmes d’intervention pour les hommes qui ont agressé leur conjointe[160] ont été lancés vers la fin des années 1970
sous la forme de groupes éducatifs responsables de promouvoir des opinions
anti-sexistes et d’intégrer par la suite des techniques thérapeutiques
cognitivo-comportementales[161]. Le traitement en groupe est devenu une
sanction populaire imposée par les tribunaux à l’arrivée des premières
lois favorables à l’arrestation dans les années 1980 aux États-Unis.
Les programmes d’intervention pour les hommes peuvent s’avérer nécessaires
dans le cadre d’un programme de non-judiciarisation avant le procès, faire
partie d’une peine imposée ou être une condition de probation.
Les groupes consacrés aux conjoints violents utilisent souvent une combinaison
d’approches théoriques, bien qu’elles se réfèrent le plus souvent à un
modèle féministe élaboré par le Projet d’intervention en cas de violence
familiale (Domestic Abuse Intervention Project) utilisé à Duluth
(Minnesota)[162], qui
considère la violence masculine comme élément d’un ensemble de moyens
visant à contrôler les femmes. La durée du programme peut varier entre
un jour et 32 semaines, mais elle est le plus souvent d’environ 16 semaines[163]. Certains programmes sont
ouverts et non structurés, de sorte que de nouveaux membres peuvent se
joindre aux groupes déjà établis alors que d’autres ne permettent pas
l’accès en tout temps.
Les programmes d’intervention ont rarement été soumis à une étude scientifique
rigoureuse. De plus, les recherches menées sur l’impact, en matière de
récidive, des programmes qui s’adressent aux conjoints violents ont produit
des résultats contradictoires. Peu de preuves attestent qu’une forme
d’intervention serait plus efficace qu’une autre ou que des programmes
plus longs sont plus efficaces[164].
Ils concluent finalement que, même si les preuves empiriques sont très
limitées, les constatations permettent de poser comme hypothèse que certains
conjoints violents sont plus susceptibles que d’autres de s’améliorer
à la suite d’un traitement (ou de certains types de traitements). Des
éléments de preuve montrent que la violence envers les partenaires intimes
résiste davantage à un traitement d’intervention chez les conjoints violents
ayant des antécédents plus longs et plus graves de violence envers des
personnes intimes, de plus longs antécédents judiciaires de violence envers
les inconnus, et ayant subi des traumatismes parce qu’ils ont été témoins
de violence dans leur enfance[165].
Il importe de reconnaître que les programmes d’intervention pourraient
être plus efficaces pour certains conjoints violents que pour d’autres
(voire se révéler totalement inefficaces ou dangereux pour certains agresseurs).
Une récente étude canadienne[166]
a révélé que des variations dans le contenu des programmes ont entraîné
des taux de récidive peu différents. L’étude a examiné quatre programmes
dispensés dans différentes régions du Canada et fonctionnant selon divers
modèles (cognitivo-comportemental, humaniste-existentiel, féministe-psychopédagogique,
et éclectique). Les programmes choisis pour l’étude devaient être représentatifs
de ceux du Canada plutôt que d’être exemplaires. On estimait que leur
intégrité, plutôt que leur contenu ou leur orientation, avait un impact
(encore que peu significatif) sur le taux de récidive. Les auteurs concluent
que les éléments essentiels d’une intervention efficace demeurent inconnus.
Le taux d’abandon est un important facteur en ce qui concerne l’efficacité
des programmes d’intervention auprès des conjoints violents. En général,
plus de la moitié des participants finissent par abandonner un traitement[167].
Un projet de recherche financé par le ministère du Solliciteur général
du Canada[168] a révélé que les conjoints
violents dont le style de vie était instable (de fréquents changements
d’adresse, une faible éducation, un faible revenu, et chômage par exemple)
et qui ne croyaient pas en la pertinence des programmes d’intervention
pour régler leurs problèmes particuliers, étaient les plus susceptibles
d’abandonner avant la fin. L’indicateur le plus important concernant
l’achèvement des programmes était la prise de conscience, par l’individu,
de la nécessité du traitement. L’étude remet en question la tendance
croissante à intégrer des programmes d’intervention pour conjoints violents
aux conditions de probation de tous les agresseurs, sans évaluer la probabilité
que ces personnes mèneront à terme un programme déterminé ou en retireront
des avantages.
La non-judiciarisation des conjoints violents de sexe masculin au profit
d’un traitement est fréquente aux États-Unis[169]. De nombreux États ont des programmes de mesures de rechange
applicables après l’arrestation et avant le procès, généralement pour
les personnes inculpées n’ayant aucun casier judiciaire. On entame une
séance de counseling, ordonnée par le tribunal, après le dépôt des accusations
criminelles, mais avant que la personne ne soit reconnue coupable. Dès
que celle-ci a réussi le programme de traitement, les accusations
sont abandonnées. L’avantage de ces programmes de mesure de rechange
au profit d’un traitement est que les personnes peuvent être sélectionnées
et orientées très rapidement (souvent en moins d’une semaine) vers le
programme adéquat. En outre, les participants ont intérêt à respecter
les conditions imposées par le programme puisque les accusations sont
abandonnées si les conjoints violents mènent celui-ci à terme. L’élément
négatif, toutefois, est que ceux-ci pourraient choisir de s’inscrire au
programme pour éviter une sanction pénale.
i) Aperçu des programmes d’intervention auprès des conjoints violents
dans l’ensemble du Canada
Des programmes d’intervention auprès des conjoints violents sont offerts
par la plupart des gouvernements au Canada[170].
Tous les programmes offrent des séances de counseling en groupe, quelques
fois complétées par des séances de counseling individuelles ainsi qu’un
programme spécial basé sur la dynamique du pouvoir et du contrôle; plusieurs
offrent des séances de counseling complémentaires aux partenaires du conjoint
violent ou encore des contacts fréquents avec le partenaire du conjoint
violent. Quelques programmes sont offerts par les ministères de la justice,
d’autres par les ministères de la santé ou des services sociaux, ou encore
par des organismes privés subventionnés par les gouvernements.
L’Alberta propose un cadre de traitement qui connaîtra une expansion et
recevra un financement selon sa conformité aux normes.
Au Québec, le rapport de l’enquête du coroner sur le meurtre-suicide
Gaumont-Lirette a recommandé l’établissement d’un service d’écoute
téléphonique pour les hommes agresseurs qui serait en service 24 heures
par jour et fournirait un soutien et des conseils aux hommes en situation
de crise qui risquent de commettre un acte de violence envers leur partenaire.
Ce service n’a pas encore été établi. Dans le cadre de la Loi sur
le système correctionnel du Québec, que comptent implanter les Services
correctionnels du Québec, les personnes contrevenantes aux prises avec
une problématique de violence conjugale pourront amorcer la résolution
des problèmes associés à leur délinquance notamment en milieu carcéral,
et ce, avant de débuter une thérapie. À cet égard, les Services correctionnels
pourront conclure des ententes afin de favoriser l’accès des personnes
contrevenantes à des services spécialisés.
Le Manitoba finance aussi un centre pour hommes à Winnipeg, ainsi que
des services de counseling pour couples[171]
selon des critères très stricts et sélectifs. L’intervention du conjoint
est sujette à controverse et peu d’études ont évalué à ce jour son efficacité.
Au cœur du débat, il est question d’assurer la sécurité de la victime
de violence conjugale et de minimiser le risque qu’elle pourrait courir.
Un telle intervention du conjoint, d’une façon générale, obéit à des directives
rigoureuses : la violence a pris fin; le délinquant reconnaît
avoir utilisé la violence; les conjoints forment le vœu de travailler
à l’amélioration de leurs relations; et un engagement à ne pas utiliser
la violence est pris.
L’Ontario augmente le nombre de programmes dits d’intervention auprès
du conjoint violent dans le cadre de sa Stratégie judiciaire de lutte
contre la violence familiale, d’une part, et de l’implantation de tribunaux
spécialisés dans la province, d’autre part. Cette expansion constitue
un élément intégral du modèle. Des programmes existent actuellement dans
environ un tiers des administrations judiciaires de l’Ontario et, lorsque
la stratégie judiciaire sera terminée, les 54 secteurs offriront
des programmes. Les délinquants payent une partie des coûts servant à
promouvoir leur sens des responsabilités, mais en respectant la capacité
de payer de chacun.
Dans le programme de renvoi postérieur au plaidoyer, certains délinquants
qui plaident coupables et réussissent un programme de traitement reçoivent
une condamnation avec sursis. Ce programme diffère des programmes de
déjudiciarisation américains décrits ci-dessus en ce sens que la
poursuite n’est pas différée et que les accusations sont maintenues.
Les taux de réussite des programmes d’intervention précoce de l’Ontario
étaient supérieurs à ceux des programmes post-sentenciels ordonnés par
le tribunal, bien que l’on ignore si cette différence est attribuable
aux caractéristiques du délinquant ou à la responsabilité associée à la
date finale de comparution[172].
Au Yukon, le Programme de traitement des maris violents est offert à certains
délinquants qui plaident coupables. Ceux-ci comparaissent devant le juge
chaque mois afin qu’on puisse suivre leurs progrès. La détermination
de la peine est reportée jusqu’à un an. Le même organisme qui offre le
programme pour hommes en offre également un pour les femmes. Les hommes
qui souhaitent faire lever une ordonnance de non-communication doivent
présenter au tribunal un plan de sécurité pour leur famille.
ii) Éléments d’une intervention efficace
Bien qu’il soit nécessaire de poursuivre la recherche compte tenu des
résultats contradictoires obtenus jusqu’à présent, les éléments clés d’une
intervention efficace semblent être les suivants :
iii) Défis
Une question importante est de savoir si le système de justice devrait
encourager le recours aux programmes d’intervention auprès des conjoints
violents en l’absence de preuves concluantes de leur efficacité.
Il reste encore des questions à régler concernant : les critères
d’admission aux programmes et leurs répercussions sur le refus d’admission;
l’étape du procédé judiciaire au cours de laquelle les délinquants devraient
être dirigés vers un programme; le type de supervision des délinquants
qui devrait être assuré pendant le programme de traitement, et par qui;
les mécanismes qui devraient être établis pour assurer la sécurité des
victimes; l’accès aux programmes dans les collectivités rurales et éloignées.
La définition du mot « réussite » est également controversée.
La réduction du nombre d’incidents avec violence ou de la gravité de ces
incidents est-elle suffisante ou doit-il y avoir une cessation absolue?
Comment de temps cette réduction ou cette cessation doivent-elles se poursuivre
avant que l’on juge qu’il y a réussite? Le remplacement d’actes de violence
physique par des actes de violence psychologique est-il toujours un indicateur
de réussite? Si l’on reconnaît que, dans certains cas, le motif invoqué
pour le conjoint violent pour participer au programme est d’éviter que
des accusations soient portées contre lui plutôt que de changer son comportement,
au lieu d’une simple preuve que ce conjoint a suivi tout le programme,
ne devrait-on pas exiger une preuve du changement de comportement?
La prise de moyens non violents par le conjoint violent, dans les situations
de conflit, est définitivement un élément clé d’une stratégie réussie
pour contrer la violence familiale. Les gouvernements doivent continuer
d’évaluer les programmes en cours et s’inspirer des résultats des pratiques
optimales afin d’offrir des programmes susceptibles de réduire la récidive,
d’accroître la responsabilité du délinquant et d’aider les victimes qui
ont l’intention de continuer de cohabiter avec le conjoint violent.
iv) Recommandation
Il est recommandé que les gouvernements continuent d’élaborer des programmes
pour les conjoints violents qui tiennent compte des pratiques fondées
sur l’expérience. Il faut soutenir les recherches et les évaluations
rigoureuses afin d’offrir l’orientation nécessaire à une intervention
efficace.
5) ÉVALUATION DU RISQUE
i) Recherche et pratiques optimales
En plus d’améliorer les services actuels, d’étudier de nouvelles initiatives
et de coordonner les efforts visant à augmenter le niveau de sécurité
des victimes de violence conjugale par leur partenaire, ceux et celles
qui militent en faveur des droits des femmes de même que les chercheurs
et les décideurs politiques se sont appliqués à améliorer leur capacité
d’évaluer le risque lié à la récidive, à la létalité et à la dangerosité.
La prévision des risques de violence familiale en est encore à ses débuts.
Les données recueillies sur la fiabilité, la validité et la précision
des outils d’évaluation du risque sont si rares[173], pour ne pas dire pratiquement
inexistantes[174]. Comme il existe peu d’études
empiriques qui cherchent à distinguer les indicateurs de risque, il n’est
pas possible d’établir avec certitude un ensemble particulier de caractéristiques
qui pourrait être utilisé pour savoir si des individus risquent de poser
des actes de violence conjugale ou d’en être victime[175]. Malgré tous les efforts
déployés selon les connaissances actuelles, il n’existe pas de façon certaine
de garantir la sécurité des victimes de violence conjugale.
Plusieurs facteurs ont cependant été recensés comme étant des corrélats
du risque de violence conjugale[176]
et de la victimisation liée à la violence familiale[177].
Bien qu’il y ait des similitudes ou des chevauchements entre les facteurs
de risque de récidive et les facteurs de risque de létalité, ces facteurs
ne sont pas identiques[178],
et il importe que les praticiens connaissent cette distinction lorsqu’ils
choisissent des outils d’évaluation[179]. Jacquelyn Campbell a énuméré
neuf facteurs de risque d’homicide qui sont reconnus par la majorité des
experts de la violence familiale : accès à des armes à feu ou propriété
d’armes à feu, utilisation d’une arme dans de précédents actes de violence,
menaces faites avec une arme, blessures graves infligées dans de précédents
actes de violence, menaces de suicide, menaces de mort, usage abusif d’alcool
ou de drogue, rapports sexuels sous contrainte avec la conjointe, et comportement
obsessif (ou jalousie extrême ou comportement dominant)[180]. L’instrument d’évaluation
du danger[181] de Campbell
a souvent été mis à l’essai et constitue la base de nombreuses méthodes
officieuses d’évaluation actuellement en usage[182].
Un outil ou une stratégie d’évaluation et de gestion du risque –
Spousal Assault Risk Assessment Guide (SARA)[183] – élaboré par Randall
Kropp et des collaborateurs à la British Columbia Institute Against Family
Violence, fait référence à la violence létale et à la violence non létale.
Le SARA est une liste de vérification clinique des facteurs de risque
mentionnés dans les comptes rendus de recherche. Cet outil, destiné à
divers professionnels, propose l’examen d’une série de facteurs lors de
l’évaluation du risque[184].
Certaines mises en garde concernant l’utilisation des outils d’évaluation
du risque de létalité sont résumées ci-dessous.
On met également en garde contre l’utilisation d’outils d’évaluation du
risque adaptés à diverses étapes du système de justice pour évaluer la
possibilité de récidive d’actes de violence. Par exemple, les évaluations
ne sont pertinentes que pour une période de temps donnée et les décisions
prises conformément aux résultats obtenus doivent être réévaluées à d’autres
étapes du processus de justice. Par ailleurs, les fournisseurs de services
doivent se rappeler que la violence peut se produire même en l’absence
de facteurs marqués de risque[186].
Malgré ces difficultés, et bien qu’il y ait peu d’études empiriques sur
le sujet, il y a clairement des signes qui laissent supposer que les évaluations
du risque utilisées lorsque l’on envisage des mesures de sécurité pour
les victimes de violence conjugale peuvent être utiles. Ils permettent
d’obtenir des indices supplémentaires, d’aider les victimes à adopter
de nouvelles mesures de sécurité, et de faire en sorte que les parties
ajustent la planification de la sécurité aux dangers particuliers recensés.
Il se peut que leur utilisation dans les situations d’actes de violence
répétés favorise la coordination entre les divers fournisseurs de services[187],
expose les représentants de la justice aux questions auxquelles ils n’auraient
peut-être pas pensé autrement, et donne une pierre de touche aux
victimes, une façon d’examiner leur situation[188].
Des facteurs permettant d’évaluer la possibilité de récidive ou d’aggravation
des actes de violence ont été intégrés dans divers outils d’évaluation
du risque actuellement en usage en Amérique du Nord dans les services
de police, les services d’aide aux victimes, les services du ministère
public et les services correctionnels. Les outils sont utilisés à toutes
les étapes du système de justice, mais le plus souvent pour aider la prise
de décision relative à la probation, au traitement et à l’incarcération.
Bien qu’à certains endroits on se sert de ces outils afin de prendre une
décision éclairée concernant la libération conditionnelle, le recours
à ces outils est compromis en raison du manque de temps et d’occasions.
Des efforts sont déployés pour repérer les conjoints violents qui posent
un risque plus élevé que d’autres afin d’évaluer et de gérer les menaces
aux victimes et d’allouer les maigres ressources affectées à la supervision
et au traitement. Alors que de plus en plus de délinquants inculpés bénéficient
par la suite d’une libération conditionnelle, les conjoints violents dont
il est question ici constituent le plus important pourcentage de personnes
mises en liberté conditionnelle.
La Colombie-Britannique utilise la liste de vérification qui a été adaptée
pour l’utilisation par les procureurs de la Couronne. La Nouvelle-Écosse
et l’Île-du-Prince-Édouard ont également commencé à
donner la formation sur le bon usage de cet outil.
Les Forensic Assessment Services sont responsables de l’évaluation
des risques pour le Tribunal chargé d’instruire les affaires de violence
familiale de Calgary. De plus, l’Alberta utilise un « outil de factorisation
des risques » pour la prise de décision au moment des cautionnements.
Dans sa Stratégie judiciaire de lutte contre la violence familiale, la
police de l’Ontario utilise un formulaire, Domestic Violence Supplementary
Report Form, pour recueillir des données. Ce formulaire comprend
une composante d’évaluation des risques. Le guide qui l’accompagne comporte
des renseignements sur la valeur d’une déclaration vidéo sous serment
et sur les moyens de l’obtenir, les objectifs de l’outil d’évaluation
des risques et sur la manière d’obtenir les renseignements nécessaires,
ainsi qu’un plan de sécurité pour la victime et ses enfants. L’information
recueillie est essentiel et sera utilisée à différents stades au cours
du procédé judiciaire par la police, le procureur de la Couronne et le
personnel du Programme d’aide provincial aux victimes et aux témoins.
Un contrat subventionné par le gouvernement fédéral a récemment été accordé
à Randall Kropp, de l’Institute Against Family Violence de la Colombie-Britannique,
pour élaborer et mettre à l’essai dans trois sites un outil d’évaluation
du risque révisé, à partir d’un travail préalable sur SARA. L’outil devrait
aider les professionnels du système de justice pénale à évaluer les risques
de récidive associés à la libération du délinquant (libération conditionnelle,
programmes post-sentenciels, etc.) et à déterminer quelles sont les interventions
appropriées. Il est prévu que l’outil comprendra une liste de vérification
et un guide d’entrevue devant être utilisés avec les victimes.
ii) Éléments d’une intervention efficace
Tandis que les outils font l’objet de recherche supplémentaire, il est
trop tôt pour parler de leur utilité ou de leur efficacité dans le processus
de prise de décision.
iii) Défis
Ces outils sont très prometteurs au niveau de l’identification des personnes
les plus aptes à causer des préjudices graves et donnent donc la chance
d’intervenir en utilisant par exemple les moyens suivants : l’arrestation,
la détention, les conditions de la sentence, la décision relative à la
libération et l’élaboration de plans de sécurité pour les victimes. Cependant,
il est important d’utiliser ces outils avec prudence. Il n’existe pas
encore de preuve claire que ces outils fournissent des indicateurs ou
des indices de prévision utiles du comportement futur. Il n’est pas certain
que les résultats sont suffisamment objectifs pour distinguer les délinquants
qui représentent une menace grave de harcèlement pouvant causer la mort
de ceux qui représenteront probablement du danger, mais pas de nature
létale, et de ceux qui ne représenteront probablement pas un danger.
Les gouvernements doivent tenir compte des limites de ces outils, particulièrement
lorsqu’ils donnent des directives à suivre sur leur utilisation. Ces
précautions doivent être communiquées lors de toute formation concernant
l’utilisation de ces outils. Ceux-ci peuvent être utiles principalement
pour mieux sensibiliser les personnes concernées face au comportement
du conjoint violent, sensibilisation se manifestant par une plus grande
vigilance lors de la surveillance de ces délinquants et dans le processus
décisionnel concernant leur libération.
iv) Recommandation
Il est aussi recommandé de reconnaître l’importance des outils d’évaluation
du risque, dûment validés, pour aider à la prise de décision aux diverses
étapes du système de justice. Il est aussi recommandé que les gouvernements
examinent plus à fond les outils d’évaluation du risque et prennent des
précautions nécessaires lorsqu’ils donnent des directives concernant une
intervention basée sur les résultats découlant de leur utilisation. Les
limites liées à leur utilisation devraient être exposées au cours de toute
formation offerte.
6) MÉCANISMES DE SUIVI ET D'ÉVALUATION
Les mécanismes de vérification, de suivi et d’évaluation permettent aux
provinces et aux territoires d’évaluer l’efficacité des stratégies et
de s’assurer de leur conformité[189].
Leur capacité d’effectuer le suivi des cas à travers le système de justice
et d’évaluer de façon continue les répercussions du programme et des changements
de procédé dépend de la présence d’un système d’information intégré.
La capacité des gouvernements de suivre les cas, de l’appel à la police
jusqu’au terme de la peine imposée, est considérablement limitée car,
le plus souvent, les systèmes d’information judiciaire ne lient pas les
éléments les uns aux autres (la police, les procureurs de la Couronne
et les systèmes correctionnels). Les gouvernements se fondent sur des
études périodiques spéciales pour évaluer le rendement judiciaire.
Presque toutes les enquêtes publiques, les enquêtes du coroner et les
enquêtes gouvernementales sur les incidents d’homicide envers un conjoint
déplorent l’absence de renseignements détaillés sur les interventions
du système de justice pénale face aux incidents de violence familiale
et recommandent d’élaborer des systèmes d’information intégrés. Le coût
lié à l’élaboration de systèmes d’information ainsi que les compétences
nécessaires qu’elle requiert sont manifestement des facteurs importants
des progrès relativement lents dans ce domaine, tout comme les dépenses
opérationnelles permanentes nécessaires à l’entretien de tels systèmes.
Le Centre canadien de la statistique juridique examine la faisabilité
de lier les systèmes de données des services de police, des tribunaux
et des services correctionnels pour répondre aux questions ayant trait
aux modèles de détermination de la peine et de récidive chez les personnes
qui agressent leur conjoint. La plupart des données recueillies par les
tribunaux, sauf les tribunaux spécialisés saisis des cas de violence conjugale,
ne donnent aucun renseignement sur le sexe de la victime ou la relation
entre la victime et l’accusé. Ces renseignements sont pourtant essentiels
pour cerner les cas de violence conjugale, étant donné qu’il n’y a pas
d’infraction spécifique en matière de « violence conjugale »
prévue au Code criminel. Les statistiques des services de police
fournissent cependant de telles données sur les victimes et les accusés.
Grâce à l’établissement d’un lien entre les données des services de police
et celles des tribunaux, on pourra donc obtenir des renseignements très
utiles concernant les procédures et le traitement entourant de tels cas
à toutes les étapes du système de justice pénale. On devrait obtenir
les résultats de l’étude de faisabilité dans les deux ou trois prochaines
années.
Il existe des données sur certains aspects des lois sur la violence familiale,
là où celles-ci ont été adoptées; la Saskatchewan, l’Île-du-Prince-Édouard,
le Manitoba, le Yukon et l’Alberta ont produit des rapports d’évaluation
sur leurs lois respectives. La Nouvelle-Écosse a entrepris la plus
longue étude de suivi jamais effectuée et a conçu un prototype de système
d’information visant à recueillir en permanence des données (qui n’a pu
être appliqué en raison de restrictions financières). Le Nouveau-Brunswick
a construit un système basé sur des données regroupées concernant les
cas de violence familiale et il continue de l’améliorer. Le Manitoba
a effectué le suivi des cas de violence conjugale dans trois circonscriptions
des services de la police au début des années 1990, produisant des rapports
d’évaluation sur le tribunal de la violence familiale de Winnipeg et d’autres
rapports connexes. L’Ontario a récemment publié un rapport d’évaluation
sur les activités de ses tribunaux en matière de violence conjugale.
La Saskatchewan compte entreprendre le suivi de ses cas de violence familiale
examinés par des tribunaux de justice pénale. Le Québec produit des rapports
annuels tirés des données sur le maintien de l’ordre. Le Yukon a rédigé
un rapport sur la violence conjugale et l’inculpation obligatoire. Des
données de la GRC englobent les cas de violence conjugale, mais non la
gamme complète d’infractions en la matière[190].
Des mécanismes de vérification sont indispensables pour déterminer dans
quelle mesure les professionnels de la justice appliquent les politiques
favorisant l’inculpation et la poursuite. Bien que les études de suivi
effectuées depuis quelques années aient démontré une augmentation du nombre
d’accusations portées par la police, il y a des preuves que, dans certains
secteurs, la police conseille encore aux victimes de demander un engagement
de ne pas troubler l’ordre public, et ce, malgré la présence de preuves
justifiant manifestement une accusation. Les cadres supérieurs des organismes
de justice pénale sensibilisent leur personnel à l’importance des politiques
lorsqu’ils évaluent leurs employés selon leur degré de conformité aux
politiques.
i) Éléments d’une intervention efficace
La collecte de données devrait être un procédé continu complété par des
études périodiques dans des secteurs d’enquête particuliers. Les études
ponctuelles ne renferment pas suffisamment de renseignements pour permettre
une élaboration des politiques et une gestion des programmes qui soient
constructives. Les gouvernements doivent recueillir des données sur de
longues périodes pour que l’on puisse déceler des tendances et des écarts
face au rendement attendu et qu’on puisse apporter les changements nécessaires
aux politiques, aux pratiques, aux procédures ou à toute autre forme d’intervention.
La mesure de la performance est une fonction continue d’une bonne gouvernance.
Les données devraient être utilisées pour inspirer les politiques et les
pratiques.
Dans chaque composante du système de justice, les gestionnaires doivent
assurer la conformité aux politiques et aux procédures, incluant cette
conformité au nombre des critères d’évaluation du rendement.
Parmi les éléments d’une intervention efficace, il faut noter :
ii) Défis
Les mécanismes d’imputabilité et, plus particulièrement, les systèmes
de surveillance et de suivi, sont compromis par l’absence d’un réseau
d’information judiciaire intégré, les ressources restreintes et les limites
de la technologie actuelle.
Il est difficile d’assurer la surveillance, de faire le suivi et de recueillir
des données statistiques dans les cas de violence conjugale parce que
le facteur déterminant n’est pas une infraction particulière, mais la
relation entre la victime et le délinquant.
iii) Recommandation
Il est recommandé que les gouvernements élaborent et améliorent les mécanismes
d’imputabilité pour faire le suivi de la performance du système de justice
lors d’une intervention dans les cas de violence familiale et pour appuyer
toute décision judicieuse des cadres supérieurs et mesurer les répercussions
des nouvelles initiatives. Il est recommandé que les gouvernements appuient
l’élaboration de systèmes d’information, basés sur la cueillette d’indicateurs
de performance clés communs, et ce, afin de permettre l’évaluation de
la performance du système de justice. L’élaboration de méthodologies
communes servant à examiner les programmes est également recommandée (par
exemple lors de l’évaluation des programmes d’intervention destinés aux
conjoints violents) afin de faciliter l’échange et l’avancement des connaissances.
7) FORMATION
Tous les gouvernements canadiens ont lancé des initiatives de formation
en vue d’améliorer la réponse du système de justice à des incidents de
violence familiale[191] : des programmes de
formation accompagnent la mise en œuvre de nouveaux protocoles et de nouvelles
politiques dans les provinces et territoires, de nouvelles lois sur la
violence familiale, ou de nouvelles structures comme les tribunaux spécialisés
en violence conjugale.
La plupart des gouvernements ont élaboré : un excellent matériel
de formation, soulignant ainsi le travail d’équipe de partenaires pluridisciplinaires;
une dynamique de la violence familiale; différents éléments législatifs
de même que des politiques et protocoles; les rôles des divers organismes
de justice pénale; et la primauté de la sécurité des victimes.
En Saskatchewan, deux rapports d’évaluation sur l’application des lois
provinciales en matière de violence familiale soulignaient la nécessité
d’une formation plus poussée. On a engagé une personne chargée expressément
de mettre au point et de dispenser une formation sur la violence familiale
et les lois qui s’y rattachent. On espère rendre l’effort de formation
plus durable en formant des instructeurs pour créer une réserve de compétence
au niveau régional.
À l’Île-du-Prince-Édouard, la formation est permanente
et bénéficie du soutien des ressources existantes comme le coordonnateur
des programmes relatifs à la violence familiale. Une nouvelle trousse
de formation destinée à la force policière a été élaborée en réponse aux
inquiétudes cernées lors de l’évaluation de la loi sur la violence familiale
provinciale. Cependant, la province considère qu’il est de plus en plus
difficile de poursuivre cette initiative avec les ressources disponibles.
La Nouvelle-Écosse a également soumis à une formation obligatoire
l’ensemble de ses 3 000 employés du système de justice (police,
personnel des tribunaux, personnel de la Couronne, des services correctionnels
et des services aux victimes), en appliquant le cadre gouvernemental d’intervention
contre la violence familiale (Framework for Action Against Family Violence)
en 1996. On a donc formé des instructeurs, c’est-à-dire certains policiers,
représentants de la poursuite et autres professionnels de la justice pénale,
pour qu’ils transmettent les connaissances à leurs homologues. Des organismes
communautaires ont également participé à la formation. Une révision du
cadre gouvernemental d’intervention, menée par le doyen Russell, de la
faculté de droit de l’Université Dalhousie, a exprimé des inquiétudes
en concluant que les efforts de formation n’étaient pas continus. Ainsi,
un centre d’apprentissage judiciaire a été établi par le ministère de
la Justice, conjointement avec le Nova Scotia Community College; le début
de la formation ultérieure de tous les professionnels de la justice est
prévue pour le début de 2003.
Le Nouveau-Brunswick a entrepris un important effort de formation avec
la mise en place, en 1991, de protocoles d’intervention dans les cas de
violence faite aux femmes. Le centre de recherche sur la violence familiale
Muriel McQueen Fergusson, à l’Université du Nouveau-Brunswick (Fredericton),
offre cependant un programme de certificat en intervention dans les cas
de violence familiale. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’est engagé,
d’une part, à réviser les protocoles existants (en matière d’abus des
femmes et en matière d’abus des enfants) et, d’autre part, à annoncer
une nouvelle stratégie de formation en 2003.
L’École nationale de police du Québec dispense une formation préalable
sur la violence familiale à tous les policiers avant leur entrée en service.
Un cours de formation est offert au personnel du ministère public tous
les 18 mois. Le Québec a entrepris une formation qui accompagnera sa
nouvelle politique à l’égard des agresseurs sexuels. Les Services correctionnels
du Québec offrent une formation spécifique aux intervenants correctionnels
portant sur la problématique de la violence conjugale. Un programme particulier
a également été élaboré à l’intention des intervenants correctionnels
œuvrant auprès des femmes victimes de violence conjugale. Les collectivités
locales offrent également des possibilités de formation.
En Ontario, les nouveaux procureurs de la Couronne et les personnes souhaitant
devenir des spécialistes en matière de violence familiale doivent suivre
un cours d’une semaine dans ce domaine. Un nouveau cours sur la violence
familiale, dispensé par le Collège de police de l’Ontario et certifié
par le Ministère, est maintenant offert aux enquêteurs spécialisés. Les
nouveaux agents de probation, engagés dans le cadre de la Stratégie judiciaire
de lutte contre la violence familiale, recevront une formation spéciale.
Le Manitoba a offert, à tous les agents de police de Winnipeg, une formation
sur la mise en œuvre des dispositions législatives provinciales sur la
violence conjugale. De même, l’Alberta a lancé une initiative de formation
à grande échelle pour préparer l’application de sa Protection Against
Family Violence Act. La Colombie-Britannique a offert une formation
relative à sa politique contre la violence à l’endroit des femmes dans
les relations. Dans cette province, la GRC fournit à tous les agents
une formation sur la politique relative à la violence dans les relations
entre partenaires et au harcèlement criminel. Un programme de formation
est également offert aux procureurs de la Couronne et au personnel de
soutien. On est en train d’élaborer un nouveau programme sur l’évaluation
du risque à l’intention des agents de police et des travailleurs sociaux
qui œuvrent auprès des victimes.
i) Éléments d’une intervention efficace
Un examen récent des lois et des stratégies provinciales et territoriales
contre la violence familiale a révélé certains aspects importants pour
assurer le succès des initiatives de formation[192] :
Les données d’évaluation indiquent que la formation, en tant que composante
d’une stratégie intégrée, a eu des répercussions positives sur la performance
du système de justice pénale[193].
Les pratiques optimales suivantes ont été retenues[194] :
ii) Défis
Une formation permanente de tous les personnels du secteur de la justice
est indispensable en raison du roulement élevé et d’une baisse de la conformité
aux politiques en l’absence d’une formation continue. Le problème des
ressources et l’absence de véritables responsabilités pour assurer la
prestation de la formation ont un effet sur la capacité des gouvernements
à appuyer les initiatives de formation de façon durable.
iii) Recommandation
Il est recommandé que chaque gouvernement élabore et mette en application
un plan pour le développement et la prestation continue d’une formation
intersectorielle sur les questions de violence familiale à l’intention
du personnel, nouveau et déjà en place, du système de justice pénale.
Cette formation devrait être fondée sur les facteurs essentiels de réussite
définis précédemment, afin d’assurer une intervention efficace en situation
de violence familiale. On suggère que les gouvernements partagent les
ressources de formation pour éviter le dédoublement des efforts et réduire
au maximum le fardeau lié à l’élaboration de matériel didactique. Il
faudrait appuyer les travaux de l’Institut national de la magistrature
de sorte que les magistrats continuent de recevoir une formation sur la
dynamique de la violence faite au conjoint et sur l’incidence de l’intervention
du système de justice pénale.
8) PRÉVENTION
Tandis que plusieurs des stratégies mentionnées plus haut peuvent influencer
la récidive en dissuadant les agresseurs et en appuyant les victimes une
fois que l’agression s’est produite, la meilleure stratégie devrait être
de prévenir la violence avant qu’elle ne se produise. La prévention peut
être vue comme un continuum : la prévention de l’agression en premier
lieu; l’intervention en situation de crise pour empêcher que les agressions
continuent; et le traitement ou la réhabilitation afin d’empêcher la réapparition
du comportement violent. Des stratégies à grande échelle qui ciblent
le grand public (comme l’éducation du public et le « marketing social »
visant à remettre en cause la tolérance individuelle et collective à l’égard
des comportements violents) et celles qui mettent l’accent sur les groupes
à risque élevé, sont les composantes d’une stratégie de prévention holistique.
i) Éléments d’une intervention efficace
Une stratégie de prévention efficace doit porter sur toutes les étapes
du continuum de la violence familiale et comprendre les éléments suivants :
ii) Défis
Peu importe les répercussions des interventions du système de justice
pénale sur la dissuasion ou la réhabilitation, la prévention de la violence
conjugale provient largement de l’extérieur du système de justice pénale.
Les efforts de prévention sont de nature multidimensionnelle, faisant
appel à de nombreux intervenants et systèmes et influant sur le comportement
à plusieurs niveaux au fil du temps. Les ressources doivent être affectées
ailleurs afin d’avoir des répercussions sur le système de justice pénale,
mais les effets ne seront pas immédiats. Parce que les systèmes sont
débordés en raison des situations de crise actuelles, il est souvent difficile
de réorienter les ressources vers la prévention.
iii) Recommandation
Il est recommandé que les ressources engagées par les gouvernements, les
ministères et la collectivité soient affectées à des activités de prévention
de grande portée, comme cela est précisé dans les éléments clés d’une
intervention efficace décrits plus hauts.
SECTION IV : RÉSUMÉ DES SECTIONS II ET III
La violence conjugale est un problème complexe qui nécessite l’intervention
d’un certain nombre de secteurs, y compris ceux de la justice pénale,
de la protection de l’enfance, de l’éducation, des services sociaux et
de la santé. Le Groupe de travail spécial a donc adopté une approche
élargie et intersectorielle pour examiner les politiques et les lois relatives
à la violence conjugale. Il a collaboré avec d’autres groupes de travail
fédéraux, provinciaux et territoriaux et avec des représentants des organismes
d’application de la loi, des services correctionnels, des services sociaux,
des statistiques et d’autres domaines. En conséquence, le processus menant
à la rédaction du présent rapport s’est révélé des plus enrichissant et
informatif pour les membres du Groupe de travail spécial et leurs collègues,
ainsi qu’un excellent exemple de collaboration entre les diverses sphères
de compétence et les divers secteurs. D’ailleurs, la principale leçon
qui se dégage de ce processus est la nécessité d’adopter une stratégie
globale et coordonnée pour traiter le problème de la violence conjugale.
Une stratégie efficace
pour intervenir dans les cas de violence familiale
Les éléments d’une intervention efficace auprès des familles victimes
de violence familiale sont les mêmes, peu importe l’initiative particulière
adoptée ou l’accent mis lors de l’intervention :
Une stratégie complète et coordonnée, au sein de chaque gouvernement,
est nécessaire pour s’attaquer au problème de la violence familiale et
aux facteurs qui y contribuent. Cette stratégie doit être assurée dans
tous les secteurs de politiques (sociale, judiciaire, éducatif et de la
santé) et au niveau des responsabilités du gouvernement fédéral et des
responsabilités des gouvernements provinciaux et territoriaux. Les gouvernements
provinciaux et territoriaux agiront de pair avec le niveau communautaire
local et régional (pour coordonner les services et déterminer les besoins,
les lacunes et les solutions) ainsi qu’au niveau individuel (pour offrir
des mécanismes de gestion de cas et de consultation efficaces).
Le Groupe de travail reconnaît qu’il existe encore bien des lacunes dans
notre compréhension de la violence conjugale, des répercussions de l’intervention
du système de justice face à cette forme de violence et de l’efficacité
des divers programmes et services à l’intention des victimes et des délinquants.
Le Groupe de travail recommande que les gouvernements appuient la recherche
en vue de combler ces lacunes et d’assurer un fondement solide à une intervention
plus efficace pour mieux répondre à la violence familiale.
SECTION V : LISTE DES RECOMMANDATIONS
Politique favorisant l’inculpation
1. Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques favorisant
l’inculpation dans les cas de violence conjugale. À cet égard, il faut
continuer d’appliquer le critère actuel en portant des accusations lorsqu’il
y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise.
Pour ce qui est des gouvernements exigeant l’approbation du procureur
de la Couronne préalable à l’inculpation, ils doivent de plus déterminer
s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations[196].
2. Le Groupe de travail reconnaît que les politiques « favorisant
l’inculpation » dans les cas de violence conjugale doivent être considérées,
en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application
aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante
distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de
justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles »
et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».
3. Le Groupe de travail recommande également d’élaborer des politiques
favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale pour traiter,
à tout le moins, les points importants qui suivent.
Critère d’inculpation non applicable : S’il n’y a pas
de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise mais
que la police estime néanmoins que la victime craint pour sa sécurité,
la police devrait envisager de recourir à d’autres moyens mis à sa disposition.
Par exemple, elle peut demander une ordonnance de protection civile prévue
par une loi provinciale ou territoriale sur la violence conjugale s’il
y a lieu (voir la section II, sous-section 3, du présent rapport)
ou une ordonnance d’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévue
à l’article 810 du Code criminel. Cependant, il ne faut pas avoir
recours à ces solutions de rechange dans les cas qui répondent au critère.
Arrestation : La politique favorisant l’inculpation ne saurait
être considérée comme modifiant les critères prévalant en matière d’arrestation.
La police doit évaluer toutes les circonstances avant de déterminer s’il
faut arrêter le délinquant avec ou sans mandat.
Double accusation : Lorsque les circonstances d’un
cas en particulier laissent croire qu’il faut inculper les deux parties,
la police doit déterminer qui est « l’agresseur principal »
ou demander au procureur de la Couronne d’examiner et d’approuver la proposition
de double accusation dans les cas de violence conjugale ou faire l’un
et l’autre.
Non-judiciarisation avant la mise en accusation et orientation vers
un processus alternatif de justice : La majorité des membres
du Groupe de travail s’oppose à la non-judiciarisation avant la mise en
accusation dans les cas de violence conjugale au profit d’un processus
alternatif de justice. Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique
et Île-du-Prince-Édouard) autorise les mesures de rechange
avant la mise en accusation dans les cas de violence conjugale dans le
cadre d’un programme de mesures de rechange mis en place conformément
au Code criminel, et ce, avec l’approbation du procureur de la
Couronne – un processus amplement détaillé dans la section I,
sous-section 5, du présent rapport. Le Québec ne possède aucun programme
officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre
position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence
conjugale.
Enquête : La police appelée sur les lieux de l’incident doit
mener une enquête complète et recueillir tous les éléments de preuve disponibles.
Le simple témoignage de la victime ne suffit pas toujours.
Évaluation du risque : Lorsqu’elle recourt aux méthodes d’évaluation
du risque, la police doit utiliser des outils, dûment validés, pour faire
le point sur la sécurité de la victime à toutes les étapes du processus,
notamment lors de l’enquête sur le cautionnement. Il faut aider la police
à assumer cette tâche en donnant une formation continue et des cours sur
l’évaluation du risque dans les cas de violence conjugale.
Libération d’un accusé par l’agent responsable : Au moment
de déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’accusé
ne doit pas être relâché, et pour assurer la sécurité de la victime, l’agent
responsable doit prendre en considération, s’il y a lieu, les antécédents
de violence de l’accusé, notamment toute violation antérieure des dispositions
concernant le cautionnement ou la probation ainsi que des ordonnances
des tribunaux civils et criminels. S’il décide de libérer l’accusé, l’agent
responsable doit obliger celui-ci à contracter un engagement comportant
les modalités nécessaires telles que l’interdiction de communiquer avec
la victime, de s’absenter (par exemple au domicile, à l’école ou au travail),
de posséder des armes à feu et de consommer de l’alcool ou de la drogue.
Il faut aviser la victime de la libération de l’accusé et de toutes les
modalités pertinentes.
Aide aux victimes : La police doit aviser les victimes des
services disponibles et des autres organismes qui peuvent les aider (les
maisons d’hébergement par exemple) et les inciter à s’en prévaloir.
Politique favorisant
la poursuite
4. Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques actuelles
favorisant la poursuite dans les affaires de violence conjugale. À cet
égard, le critère actuel doit continuer de s’appliquer, à savoir qu’il
y a lieu d’engager une poursuite dans les cas de violence conjugale lorsque,
compte tenu de l’ensemble de la preuve, il existe un espoir raisonnable
d’obtenir une condamnation et qu’il est dans l’intérêt public d’engager
une poursuite[197].
5. Le Groupe de travail reconnaît que les politiques favorisant
la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées,
en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application
aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante
distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de
justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles »
et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».
6. Le Groupe de travail recommande aussi que, dans l’élaboration
des politiques favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale,
on aborde au moins les principales questions suivantes.
Mise en liberté provisoire par voie judiciaire : Le procureur
de la Couronne doit obtenir de la police (si l’enquête sur le cautionnement
est menée par la police, l’agent enquêteur fournit les renseignements
nécessaires) suffisamment d’information pour évaluer le risque de préjudice
à la sécurité de la victime si l’accusé est mis en liberté sous caution
(par exemple les résultats de l’application des outils d’évaluation du
risque, dûment validés, ou les éléments de preuve exposant les antécédents
de violence, les menaces de violence grave, les manquements précédents
aux ordonnances judiciaires de protection, l’utilisation ou la présence
d’armes, les problèmes d’emploi, la consommation de drogue ou d’alcool
et les menaces de suicide). Il y aurait lieu de vérifier les appréhensions
de la victime auprès de celle-ci avant l’audition. S’il est décidé de
mettre l’accusé en liberté avant son procès, le procureur de la Couronne
doit tenter de faire assortir la mise en liberté des conditions appropriées,
y compris une ordonnance de non-communication avec la victime et les interdictions
relatives aux armes à feu et à la consommation d’alcool et de drogue.
Il y aurait lieu d’aviser la victime de l’issue de l’enquête sur la mise
en liberté sous caution et des conditions de la mise en liberté. Dans
les cas de manquement aux conditions de la mise en liberté, le procureur
de la Couronne devrait envisager d’engager des poursuites relatives au
manquement et de faire révoquer la mise en liberté de l’accusé.
Information, avis et appui aux témoins : Le procureur de la
Couronne, lui—même ou par l’entremise de la police ou de personnes chargées
de l’aide aux victimes et aux témoins, devrait transmettre en temps utile
aux victimes de violence conjugale de l’information au sujet de leur dossier.
Les victimes devraient aussi profiter d’une aide constante (par exemple
par l’entremise des personnes chargées de l’aide aux victimes et aux témoins)
tout au long du processus.
Témoins réticents ou qui se rétractent : Si une victime refuse
ou est incapable de témoigner ou d’appuyer la poursuite, le procureur
de la Couronne devrait (par l’entremise de la police ou de l’agent des
services d’aide aux victimes) chercher à déterminer les raisons de l’hésitation
de la victime (par exemple se rétracte-t-elle parce qu’il n’y a pas eu
de violence conjugale ou parce qu’elle a été menacée par l’accusé ou a
subi des pressions?). Si la rétractation n’est pas crédible, le procureur
de la Couronne devrait chercher à savoir s’il existe d’autres éléments
de preuve crédibles sur lesquels il peut fonder la poursuite en l’absence
du témoignage de la victime. S’il n’existe plus d’espoir raisonnable
d’obtenir une condamnation compte tenu de la preuve disponible, la poursuite
devrait être abandonnée.
Engagement de ne pas troubler l’ordre public : Lorsque les
critères énoncés dans la politique favorisant la poursuite ont été respectés,
l’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévu à l’article 810 du
Code criminel ne doit pas être utilisé au lieu d’une poursuite[198].
Déjudiciarisation après la mise en accusation et orientation vers un
processus alternatif de justice : La majorité des membres du
Groupe de travail recommande de ne pas déjudiciariser après accusation
dans les affaires de violence conjugale, sauf conformément aux critères
résumés dans la section I, sous-section 5, du présent rapport.
Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard)
autorise un programme de déjudiciarisation après la mise en accusation
dans les cas de violence conjugale dans le cadre d’un programme de mesures
de rechange mis en place conformément au Code criminel, et ce,
uniquement avec l’approbation du procureur de la Couronne – un processus
amplement détaillé dans la section I, sous-section 5, du présent
rapport[199].
Détermination de la peine : Dans ses recommandations en matière
de détermination de la peine, le procureur de la Couronne devrait :
Programme alternatif
de justice
7. La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne
pas utiliser de processus alternatifs de justice, notamment des mesures
de rechange, dans les cas de violence conjugale, sauf dans les circonstances
suivantes.
Le Groupe de travail recommande également que l’utilisation du processus
alternatif de justice dans les cas de violence conjugale soit appuyée
par les mesures suivantes :
Position minoritaire du Groupe de travail :
Le Québec n’a aucun programme officiel en matière de mesures de rechange.
Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme
dans les cas de violence conjugale.
Coordination et collaboration
intersectorielle
8. Le Groupe de travail recommande que les gouvernements appuient
et renforcent, grâce à l’engagement de leurs hauts fonctionnaires, la
coordination des initiatives en faveur d’une intervention auprès des victimes
de violence familiale, tant au sein des ministères responsables de la
justice qu’à l’extérieur de ceux-ci, de manière à assurer la participation
des multiples intervenants gouvernementaux et communautaires. Les modèles
de coordination peuvent varier d’un gouvernement à l’autre, mais tous
devraient comporter les éléments clés d’une intervention efficace présentés
ci-dessous. Une intervention intégrée efficace exige un leadership et
une bonne coordination des initiatives gouvernementales de lutte contre
la violence familiale, avec les éléments qui suivent :
Tribunaux d’instruction
des causes de violence conjugale et administration de la justice pénale
spécialisée
9. Il est recommandé que les gouvernements continuent d’envisager
des façons d’améliorer la gestion des cas de violence conjugale en mettant
en œuvre une intervention coordonnée du système de justice pénale, y compris
la création de tribunaux spécialisés, et ce, en se fondant sur les éléments
essentiels énumérés ci-dessous. L’adoption de structures et de processus
spécialisés doit être guidée par les recherches et l’évaluation effectuées
au Canada et ailleurs.
Suivant l’expérience vécue jusqu’à présent, il semble que les éléments
essentiels d’un modèle réussi soient les suivants :
Mesures législatives
sur la violence familiale
10. Il est recommandé aux gouvernements d’examiner si l’adoption
de dispositions législatives civiles en matière de violence familiale
fournirait des voies de recours plus immédiates et générales que les dispositions
actuelles, celles par exemple du Code criminel. Il est recommandé
d’examiner les importantes dispositions autorisant l’occupation exclusive
du foyer, la possession temporaire de biens personnels, les soins et la
garde temporaire des enfants, et interdisant la vente, la conversion ou
l’endommagement des biens personnels. Les dispositions prescrivant l’expulsion
du conjoint violent et la saisie d’armes sont également importantes.
Dans les gouvernements où elle a été adoptée, la loi civile ne doit pas
être utilisée pour éviter de porter des accusations au criminel lorsqu’il
existe des motifs raisonnables de porter de telles accusations. Toutefois,
des procédures criminelles et civiles peuvent être intentées parallèlement.
Les facteurs de réussite suivants devraient guider la mise en application
de la loi :
Services aux victimes[201]
11. Il est recommandé que les gouvernements, de concert avec les
organismes communautaires, continuent d’assurer la prestation de services
de soutien aux victimes afin de les aider lorsqu’elles collaborent avec
le système de justice pénale. Ces services doivent au moins comprendre :
Parmi les composants clés d’un service efficace, il faut noter :
Maisons d’hébergement,
services de liaison, défense des droits et autres services de soutien
aux victimes
12. Il est recommandé que les gouvernements envisagent des façons
d’assurer la prestation continue de services communautaires et gouvernementaux
accessibles, complets et coordonnés aux victimes de violence conjugale
et à leur famille, notamment les maisons d’hébergement et les services
de liaison. La formation des professionnels du système de justice pénale
et des fournisseurs dans diverses disciplines appelés à offrir des services
aux femmes victimes de violence et à leurs enfants est nécessaire pour
renforcer les relations de travail, comprendre les objectifs divergents
et assurer une intervention efficace.
Parmi les services nécessaires, notons les suivants :
Interventions auprès
des enfants exposés à la violence familiale
13. Il est recommandé que les gouvernements préparent, avec la
collectivité, les partenaires en matière de justice et les autres intervenants
gouvernementaux, une intervention coordonnée à l’intention des enfants
exposés à la violence familiale, selon les éléments clés d’une intervention
efficace décrits ci-dessous. Un cadre stratégique et procédural coordonné
devrait être établi, avec des services à l’appui, pour tenir le délinquant
responsable de ses actes, fournir un soutien aux parents pour qu’ils puissent
protéger leurs enfants et ne pas victimiser à nouveau les femmes victimes
de violence conjugale et leurs enfants.
Bien que ce sujet doive encore faire l’objet de recherches, les points
suivants sont suggérés comme étant des éléments clés d’une intervention
efficace auprès des enfants exposés à la violence familiale :
Programmes d’intervention
auprès des conjoints violents
14. Il est recommandé que les gouvernements continuent d’élaborer
des programmes pour les conjoints violents qui tiennent compte des pratiques
fondées sur l’expérience. Il faut soutenir les recherches et les évaluations
rigoureuses afin d’offrir l’orientation nécessaire à une intervention
efficace.
Bien qu’il soit nécessaire de poursuivre la recherche compte tenu des
résultats contradictoires obtenus jusqu’à présent, les éléments clés d’une
intervention efficace semblent être les suivants :
Évaluation du risque
15. Il est recommandé de reconnaître l’importance des outils d’évaluation
du risque, dûment validés, pour aider à la prise de décision aux diverses
étapes du système de justice. Il est aussi recommandé que les gouvernements
examinent plus à fond les outils d’évaluation du risque et prennent des
précautions nécessaires lorsqu’ils donnent des directives concernant une
intervention fondée sur les résultats découlant de leur utilisation.
Les limites liées à leur utilisation devraient être exposées au cours
de toute formation offerte.
Mécanismes de suivi
et d’évaluation
16. Il est recommandé que les gouvernements élaborent et améliorent
les mécanismes d’imputabilité pour faire le suivi de la performance du
système de justice lors d’une intervention dans les cas de violence familiale
et pour appuyer toute décision judicieuse des cadres supérieurs et mesurer
les répercussions des nouvelles initiatives. Il est recommandé que les
gouvernements appuient l’élaboration de systèmes d’information, basés
sur la cueillette d’indicateurs de performance clés communs, et ce, afin
de permettre l’évaluation de la performance du système de justice. L’élaboration
de méthodologies communes servant à examiner les programmes est également
recommandée (par exemple lors de l’évaluation des programmes d’intervention
destinés aux conjoints violents) afin de faciliter l’échange et l’avancement
des connaissances.
Parmi les éléments d’une intervention efficace, il faut noter :
Formation
17. Il est recommandé que chaque gouvernement élabore et mette
en application un plan pour le développement et la prestation continue
d’une formation intersectorielle sur les questions de violence familiale
à l’intention du personnel, nouveau ou déjà en place, du système de justice
pénale. Cette formation devrait être fondée sur les facteurs essentiels
de réussite définis ci-dessous afin d’assurer une intervention efficace
en situation de violence familiale. On suggère que les gouvernements
partagent les ressources de formation pour éviter le dédoublement des
efforts et réduire au maximum le fardeau lié à l’élaboration de matériel
didactique. Il faudrait appuyer les travaux de l’Institut national de
la magistrature de sorte que les magistrats continuent de recevoir une
formation sur la dynamique de la violence faite au conjoint et sur l’incidence
de l’intervention du système de justice pénale.
Les pratiques optimales suivantes ont été retenues :
Prévention
18. Il est recommandé que les ressources engagées par les gouvernements,
les ministères et la collectivité soient affectées à des activités de
prévention de grande portée. Une stratégie de prévention efficace doit
porter sur toutes les étapes du continuum de la violence familiale et
comprendre les éléments suivants :
Résumé
Une stratégie efficace pour
intervenir dans les cas de violence familiale
Les éléments d’une intervention efficace auprès des familles victimes
de violence familiale sont les mêmes, peu importe l’initiative particulière
qui est adoptée ou l’accent qui est mis lors de l’intervention :
Une stratégie complète et coordonnée, au sein de chaque gouvernement,
est nécessaire pour s’attaquer au problème de la violence familiale et
aux facteurs qui y contribuent. Cette stratégie doit être assurée dans
tous les secteurs de politiques (sociale, judiciaire, éducatif et de la
santé) et à tous les niveaux au sein de chaque gouvernement : au
niveau provincial (pour élaborer un cadre stratégique); au niveau communautaire
(pour coordonner les services et déterminer les besoins, les lacunes et
les solutions); niveau individuel (pour offrir des mécanismes de gestion
de cas et de consultation efficaces). Les ingrédients essentiels d’une
stratégie efficace pour s’attaquer à la violence familiale sont :
des ressources, un bon leadership, une excellente coordination, l’engagement
et le soutien des gestionnaires supérieurs dans la mise en œuvre de ces
initiatives et un cadre de responsabilité basé sur l’engagement envers
une vision à long terme.
SECTION VI : DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE
1) MANDAT DU GROUPE DE TRAVAIL SPÉCIAL
Les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la
justice, au cours de leur rencontre de septembre 2000, ont jugé nécessaire
de renforcer la réponse du système de justice pénale dans les cas de violence
entre conjoints. Ils ont décidé de former un groupe de travail fédéral-provincial-territorial
spécial ayant pour mission d’analyser la mise en place et la situation
de l’inculpation obligatoire et des politiques en matière de poursuite
dans les cas de violence entre conjoints et de faire rapport aux ministres
d’ici un an. Les ministres souhaitent aussi que des fonctionnaires examinent
les propositions législatives faites par différentes administrations concernant
entre autres les sanctions pour violation d’ordonnance de non-communication,
les révisions des dispositions sur le cautionnement et l’inversion du
fardeau de la preuve dans les enquêtes de cautionnement.
Il a été convenu à la rencontre d’octobre 2000 du Comité fédéral-provincal-territorial
de coordination des hauts fonctionnaires (CCHF – Justice pénale)
que le Groupe de travail spécial examinerait les propositions législatives.
Mandat
Le Groupe de travail spécial sera chargé :
D’examiner les politiques de 1983 sur les accusations et les poursuites
en matière de violence conjugale émises par le ministre de la Justice
et le Solliciteur général et d’autres politiques semblables émises par
des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que de faire rapport
sur les points suivants :
D’examiner les propositions législatives de modifications du Code criminel
portant notamment sur les sanctions pour violation d’ordonnance de non-communication,
les révisions des dispositions sur le cautionnement et l’inversion du
fardeau de la preuve dans les enquêtes de cautionnement.
De faire un rapport sur les conclusions et les recommandations aux ministres
fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice d’ici
un an.
Dans le cadre de ses travaux, le Groupe de travail spécial consultera
les groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux ayant des
champs de spécialité connexes, notamment ceux dont les travaux portent
sur la procédure pénale, sur les victimes et sur la diversité, l’égalité
et la justice. Son rapport final sera soumis aux ministres fédéraux,
provinciaux et territoriaux par l’intermédiaire du CCHF et des sous-ministres
fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice.
2) DIRECTIVES FÉDÉRALES DE 1983 À LA POLICE ET AUX PROCUREURS DE LA COURONNE Gouvernement du Canada communiquéLe 21 décembre 1983
LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL
PRENNENT DES MESURES CONTRE LA VIOLENCE ENTRE CONJOINTS
OTTAWA, le 21 décembre 1983 -- Le ministre de la Justice Mark MacGuigan
et le solliciteur général Bob Kaplan ont annoncé aujourd’hui que des directives
ont été données à l’intention de la Gendarmerie Royale du Canada et des
procureurs de la Couronne chargés des enquêtes et des poursuites dans
les cas de violence entre conjoints au Yukon et dans les territoires du
Nord-Ouest.
La violence entre conjoints constitue un problème sérieux au Canada.
Selon le Rapport sur la violence contre les femmes du Conseil consultatif
canadien de la situation de la femme, une canadienne sur dix est battue
par son mari ou par son compagnon, et environ 20 % des personnes
assassinées sont des femmes tuées par leur époux.
Bien que toute agression constitue une infraction au Code criminel,
les actes de violence entre conjoints ont été généralement considérés
par le système de justice pénale, y compris par certains procureurs et
par certaines personnes chargées du respect de la loi, comme un problème
familial plutôt que comme un crime. Conséquemment, de nombreuses accusations
de violence entre époux n’ont pas fait l’objet d’enquêtes ni de poursuites
adéquates, en dépit de l’existence de preuves suffisantes.
« Ces directives visent à assurer que dans les territoires, la violence entre conjoints sera traitée comme n’importe quel autre crime violent, » a dit M. MacGuigan. « Les femmes doivent jouir de l’entière protection de la loi pour que cesse la violence exercée au sein des familles canadiennes », a-t-il ajouté.
M. Kaplan a déclaré : « Bien que ces directives s’appliquent
seulement aux Territoires elles reflètent la politique de la GRC en matière
d’application de la loi sanctionnant la violence entre conjoints. L’adoption
de cette politique se veut une réponse aux inquiétudes du public au sujet
des femmes maltraitées; elle comprend une formation spécialisée de la
GRC pour déposer une plainte dans les cas de violence entre conjoints.
J’espère que notre politique sera adoptée par les autres juridictions
canadiennes.
Les directives exigent qu’un agent de police enquête immédiatement et
à fond sur les plaintes de violence entre époux. S’il existe des motifs
raisonnables et probables de croire qu’une agression a été commise, l’agent
enquêteur doit déposer une plainte au criminel. De la même façon, après
déposition d’une plainte, le procureur de la Couronne commencera toujours
la poursuite, sauf dans des cas exceptionnels. Conséquence importante
de ces dispositions; il n’appartient plus au conjoint de porter plainte;
il n’a donc plus à craindre d’être blâmé à cet égard, ni de subir des
représailles.
- 30 -
Ref. : Bill Corbett (English version is available)(613) 593 4972 pièce jointe DIRECTIVES RECOMMANDÉES AUX AGENTS DE POLICE VOIES DE FAIT ENTRE CONJOINTS
Les présentes directives visent à exiger la tenue d’une enquête complète
dans les cas de voies de fait entre conjoints en vue d’une éventuelle
poursuite et la prise de mesures en vue de protéger et d’aider les victimes.
Le but recherché est d’enlever à la victime la décision d’intenter ou
non des poursuites.
ENQUÊTE ET ARRESTATION
1. Toute plainte portant sur un acte de violence commis dans un
endroit privé par une personne sur son conjoint devrait être suivie sans
délai d’une enquête complète en vue d’intenter des poursuites devant les
tribunaux, que le conjoint qui a été victime désire ou non porter plainte.
Un des premiers objets de l’enquête devrait être de protéger et d’aider
les victimes.
2. Les agents de paix devraient être au courant des ressources communautaires
disponibles du milieu tels que les lieux de maison d’hébergement, l’aide
juridique, les services de conseil et les services du bien-être social,
afin de les communiquer aux victimes et aider ces dernières à se mettre
en contact avec ces ressources.
3. Lorsque l’enquête indique qu’il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu’un acte criminel grave a été commis au cours d’une querelle de ménage, l’enquêteur doit arrêter le suspect sauf si, comme l’énonce l’alinéa 450(2)d) du Code criminel, il a des motifs raisonnables de croire que l’intérêt public, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de la nécessité d’identifier le suspect, de recueillir et de conserver la preuve, ou d’empêcher que l’infraction ne se poursuive ou ne se répète, peut être sauvegardé (sans arrêter le suspect). Les accusations les plus susceptibles d’être portées dans ce contexte sont les suivantes : voies de fait simples (article 245), voies de fait avec une arme ou infliction de lésions corporelles (article 245.1), voies de fait graves (articles 246.1, 246.2 et 246.3), et infractions concernant les armes offensives (articles 83 à 89). Si l’arrestation est jugée nécessaire, le suspect doit être détenu sous garde jusqu’à la fin de l’enquête et jusqu’à ce que des conditions de mise en liberté appropriées soient déterminées, le tout sous réserve de l’article 454 du Code criminel, qui exige que le suspect soit conduit devant un juge de paix dans un délai de vingt-quatre heures. ASSERMENTATION DES ACCUSATIONS4. Lorsque l’enquête permet de conclure que des voies de fait sur le conjoint ont été commises l’enquêteur doit porter des accusations, un subpoena doit être signifié à la victime et que le procès ait lieu le plus rapidement possible, le dossier complet doit être fourni au procureur de la Couronne et la cause doit être portée au rôle pour qu’il y ait comparution le plus tôt possible. Cette directive doit être considérée obligatoire et appliquée sans tenir compte des volontés de la victime. MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE PAR VOIE JUDICIAIRE 5. L’enquêteur doit, pendant l’enquête, déterminer les conditions de l’ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire qui seraient appropriées pour protéger la victime, par exemple, un ordre de s’abstenir de communiquer avec la victime aux termes de l’alinéa 457(4)d), du Code criminel. Lorsqu’aucune condition n’est jugée nécessaire et qu’il y a arrestation, l’enquêteur doit conduire l’accusé devant un juge de paix pour qu’il puisse être libéré conformément aux articles 454 et 457 du Code criminel. Lorsque des conditions sont jugées nécessaires, ou que la mise en liberté est contestée, un rapport sur la demande de cautionnement doit être préparé à l’intention du procureur de la Couronne, l’accusé doit être conduit devant un juge de paix dans un délai de vingt-quatre heures aux termes de l’article 454 du Code criminel, et il doit être détenu pour enquête sur cautionnement en vertu du paragraphe 457(1). Une copie des conditions de la mise en liberté provisoire doit être fournie à la victime lorsqu’elles renferment des dispositions qui visent à la protéger. Si la victime déménage, le poste de police le plus rapproché doit être informé de l’ordonnance de mise en liberté ainsi que des conditions qui y sont énoncées pour la protection de la victime. 6. Toute violation des conditions du cautionnement doit entraîner l’arrestation aux termes du paragraphe 458(2) et une révision du cautionnement aux termes des paragraphes 458(3) et (4). ENGAGEMENT DE NE PAS TROUBLER L’ORDRE PUBLIC 7. La procédure concernant l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, énoncée aux articles 745 et 746 du Code criminel, ne doit pas être considérée comme une solution de rechange, ni recommandée dans les cas de voies de fait entre conjoints. DIRECTIVES RECOMMANDÉES AUX PROCUREURS DE LA COURONNE VOIES DE FAIT ENTRE CONJOINTS Les présentes directives ont pour objet d’exiger que des poursuites soient intentées dans les cas de voies de fait entre conjoints lorsque la preuve est suffisante et de fournir un appui à la victime tout au long du processus judiciaire.RÉVISION D’UN DOSSIER POUR LA MISE EN LIBERTÉ 1. Sur réception d’un dossier judiciaire dans une affaire de voies de fait entre conjoints, le procureur doit examiner ce dossier pour s’assurer qu’il est complet, vérifier si l’accusation a été assermentée par l’enquêteur, et rencontrer ce dernier pour préciser les conditions du cautionnement qui assureront le maximum de protection à la victime. Il doit voir à ce que l’affaire soit expédiée sans délai inutile. À l’enquête sur cautionnement, le procureur de la Couronne doit insister auprès du tribunal pour qu’il impose des conditions qui pourront assurer la protection de la victime; la Couronne doit s’opposer au cautionnement lorsque les circonstances l’exigent. PRÉPARATION DES TÉMOINS 2. Une fois que le dossier judiciaire a été examiné avec l’enquêteur, le procureur doit rencontrer la victime afin de déterminer sa crédibilité en tant que témoin, de lui expliquer la politique de poursuite, ce qu’on attend d’un témoin à la cour, et de l’encourager à témoigner pour la Couronne. Il doit également s’assurer que la victime est en contact avec les services communautaires disponibles et qu’elle est au courant des conditions éventuelles du cautionnement. ARRÊT DES PROCÉDURES 3. Après avoir examiné le dossier complet avec l’enquêteur et interrogé la victime, le procureur peut conclure que l’affaire ne justifie pas de poursuites; il peut les suspendre ou retirer l’accusation. Cette décision ne doit pas être prise sans consultation préalable avec le directeur régional et, soit l’avocat général de la Section des poursuites pénales, soit le sous-procureur général adjoint (droit pénal), à Ottawa. La décision doit tenir compte de tout antécédent de voies de fait, de la sécurité de la victime et des autres membres de la famille aussi que de toute menace d’intimidation. L’abandon d’une procédure par défaut de poursuite ne doit être envisagée que dans des cas exceptionnels; elle doit avoir lieu à l’initiative de la Couronne et non de la victime. SENTENCE 4. Lorsque l’accusé est condamné, le procureur de la Couronne doit recommander la même sentence que s’il ne s’agissait pas d’une affaire entre conjoints. Lorsque la sentence imposée n’est pas adéquate, appel sera interjeté contre la sentence. Dans ses représentations sur sentence, le procureur doit traiter les cas de voies de fait entre conjoints comme les cas de voies de fait portées contre une victime sans défense.RAPPORT ANNUEL 5. Un rapport annuel résumant les cas de voies de fait entre conjoints qui ont donné lieu à des poursuites, ainsi que leurs résultats, sera établi par le bureau du directeur régional et transmis à l’avocat général de la Section des poursuites pénales à la date anniversaire de la mise en œuvre des présentes directives.3) APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENTAPERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT
APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENTAPERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT
APERÇU DES PROGRAMMES EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE PAR GOUVERNEMENT
NOTES
[1] Rapport de 1996 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence
à l’égard des femmes, soumis à la Commission des Nations Unies sur les
droits de la personne (E/CN.4/1996/53), par. 22. Se reporter aussi à Statistique Canada, Centre canadien de la
statistique juridique, La violence
familiale au Canada : un profil statistique, 1999, p. 17-19, où
figure un résumé comparatif d’études sur la violence conjugale à l’endroit des
femmes (Canada, États-Unis, Australie, Angleterre et pays de Galles, Nicaragua,
Mexique, Chili, Colombie, Corée, Cambodge, Malaisie et Papouasie—Nouvelle-Guinée).
[2] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, La
violence familiale au Canada : un profil statistique, 2000,
p. 16. Voir aussi Linda MacLeod, Pour de vraies amours… Prévenir la violence conjugale, Conseil
consultatif canadien sur la situation de la femme, juin 1987, p. 21; Linda
MacLeod, La femme battue au Canada :
un cercle vicieux, Conseil consultatif canadien sur la situation de la
femme, janvier 1980, p. 14-16.
[3] Rapport de 1996 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la
violence à l’égard des femmes, supra, note 1, par. 26 et 29-31.
[4] La femme battue au Canada : un cercle vicieux, supra, note 2, p. 21.
[5] Pour de vraies amours… Prévenir
la violence conjugale, supra,note 2, p. 6.
[6] La DUC est une étude
statistique de la criminalité fondée sur des incidents signalés à la
police. L’étude fournit des
renseignements relatifs à l’accusé, à la victime et à l’incident lui-même. En 2000, la DUC s’appuyait sur des données
provenant de 166 services de police dans 9 provinces et correspondant à
53 % du volume national des crimes signalés. Un sous-ensemble de 106 services de police participe chaque année
à cette étude depuis 1995, ce qui donne des indices sur les tendances au fil du
temps (voir Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, supra, note 2,
p. 44). Sauf indication contraire,
les statistiques dont il est fait état aux présentes sont tirées de Statistique
Canada, La violence familiale au
Canada : un profil statistique, 2002.
[7] Statistique Canada procède
régulièrement à une ESGV. Le dernier
volet sur la victimisation date de 1999.
L’ESGV permet d’évaluer huit types de crimes, selon les définitions
du Code criminel, en se fondant sur
ce qui est divulgué et vécu par des victimes de 15 ans et plus. L’échantillonnage était de 25 876
unités en 1999. Une enquête spécialisée
recourant à une approche semblable a également été menée en 1993, soit
l’Enquête sur la violence contre les femmes : voir Statistique Canada,
Centre canadien de la statistique juridique, supra, note 6, p. 5.
[8] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 2, p. 11.
[9] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, La
violence familiale au Canada : un profil statistique, 2001,
p. 28.
[10] Les jeunes femmes ou les
femmes en âge de procréer sont plus susceptibles d’être victimes de violence au
cours de leur grossesse (voir Andrea Levett et Holly Johnson, A Statistical Comparison of Women’s
Experiences of Violence in Urban and Rural Areas, Ministère de la Justice
du Canada, rapport technique, 1998-17e, p. 16).
[11] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 2, p. 15-16. D’autres études
démontrent aussi qu’il existe une forte corrélation entre la violence conjugale
et le harcèlement criminel : P. Tjaden et N. Thoennes, « Prevalence
and consequences of male-to-female and female-to-male partner violence as
measured by the national Violence Against Women Survey », dans Violence Against Women, 2000,
p. 142-161; J. MacFarlane et coll., « Stalking and intimate
partner femicide », dans Homicide Studies, 1999, p. 300-316.
[12] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 2, p. 12.
[13] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, Juristat,
Tendances nationales des homicides entre
partenaires intimes, 1974-2000, vol. 22, no 5, p. 5.
[14] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 9, p. 31.
[15] M. Dauvergne, Juristat, Les homicides au Canada, 2001, vol. 22, no 7, 2002,
p. 12. C’est l’Ontario qui a connu
la plus forte augmentation, soit 16 homicides de plus en 2001 qu’en 2000.
[16] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 9, p. 31.
[17] Ibid., p. 31.
[18] Ibid., p. 32 et 40.
[19] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, Juristat,
La violence conjugale après la séparation,
vol. 21, no 7, p. 7.
[20] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 9, p. 29.
[21] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, Juristat,
Les enfants témoins de violence familiale,
vol. 21, no 6, p. 3.
[22] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 9, p. 37.
[23] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 21, p. 3.
[24] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 2, p. 17.
[25] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra, note 21, p. 4.
[26] Statistique Canada, Centre canadien de
la statistique juridique, supra, note 21, p. 2.
[27] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra, note 21, p. 7.
[28] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 2, p. 24.
[29] L. Greaves, L., O. Hankivsky
et J. Kingston-Riechers, Selected
Estimates of the Costs of Violence Against Women, London (Ontario), Centre
de recherche sur la violence faite aux femmes et aux enfants, 1995, p. 2.
[30] Ministère de la Justice du
Canada, Pour une intervention plus
efficace du système de justice pénale en matière de violence faite aux
femmes : étude des limites et du potentiel d’une intervention efficace,
par Linda MacLeod et Cheryl Picard, 6 juin 1989, p. 1; Dianne L.
Martin, « Retribution Revisited: A
Reconsideration of Feminist Criminal Law Reform Strategies », Osgoode Hall Law Journal, p. 151 et
suivantes (voir p. 167-168).
[31] Jane Ursel, Report on Domestic Violence Policies and
Their Impact on Aboriginal People, rapport soumis à la Commission de la
mise en œuvre des recommandations sur la justice autochtone, 21 février 2001,
p. 1 et 3.
[32] London Family Court Clinic
Inc., Le crime de la violence
conjugale : les points de vue des victimes et des agents de l’application
d’une politique de mise en accusation à London (Ontario) de 1980 à 1990,
Ministère de la Justice du Canada, WD1991-13a, avril 1991, p. 3-4.
[33] Ministère du Solliciteur
général du Canada, The Myth of “The
Mandatory National Charging Policy”, ébauche non publiée, 1993,
p. 10-11.
[34] Canada, Chambre des communes,
Comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales de
la Chambre des communes du Canada, Les femmes
battues, Rapport sur la violence au sein de la famille, mai 1982,
p. 10.
[35] Canada, Chambre des communes,
Débats, 8 juillet 1982,
p. 19119-19120.
[36] Keri
Sweetman, « Male MPs’ guffaws at wife beating query enrage female MPs », dans The Ottawa Citizen, 13 mai 1982.
[37] Ministère du Solliciteur
général du Canada, supra, note 33,
p. 14.
[38] Voir le Rapport fédéral-provincial-territorial sur les femmes
battues, soumis à la réunion des ministres responsables du statut de la
femme, Niagara-on-the-Lake, 28-30 mai 1984.
[39] Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial sur la justice pour les
victimes d’actes criminels, 1983, p. 160-161.
[40] Voir Ministère du Solliciteur
général du Canada, supra, note 33.
[41] Susan L.Miller, « The
Paradox of Women Arrested for Domestic Violence », dans Violence Against Women, 2001,
p. 1339 et suivantes (voir p. 1341 et 1370).
[42] Voir Colombie-Britannique,
Ministère du Procureur général, Crown
Counsel Spousal Assault Policy, Discussion Paper, juillet 2002, p. 5.
[43] Ministère de la Justice du
Canada, Politiques en matière de mises en
accusation et de poursuite dans les affaires de violence conjugale :
synthèse des réactions des chercheurs, des universitaires et du milieu
judiciaire, par Trevor Brown, rr2001-5f, novembre 2000, p. 1.
[44] Au Québec, puisque le substitut du procureur général
autorise le dépôt d’une dénonciation, le critère applicable en matière de
poursuite est aussi appliqué en matière d’inculpation. En d’autres termes, le substitut du procureur
général doit considérer l’application des deux séries de critères
suivant : la suffisance de la preuve et l’opportunité de poursuivre.
[45] Une telle recommandation
reflète les politiques actuelles en matière de poursuite de la plupart des
gouvernements au Canada. Une autre
approche reposant sur le recours, une fois entamée la poursuite, à un
engagement de ne pas troubler l’ordre public, fait actuellement l’objet d’un
projet pilote par HomeFront, à
Calgary. Pour plus d’information, voir
la section II, 2, v.
[46] Au Québec, puisqu’un
substitut du procureur général autorise les accusations, la comparution se fait
en sa présence. Ainsi, lorsque la
situation demeure nébuleuse, les intervenants judiciaires peuvent recourir au
Service d’évaluation pour la mise en liberté provisoire des conjoints violents,
offerts par les Services correctionnels du Québec. Ce service permet d’obtenir un éclairage sur la situation,
l’évaluation de celle-ci, la recommandation de conditions favorisant
l’encadrement de la personne contrevante et la référence à des ressources
pouvant lui venir en aide, le cas échéant.
Ce service facilite la prise de décision et vise à favoriser la sécurité
et la protection des victimes et de leurs proches.
[47] Dans le cas du Québec, ces
critères sont relatifs à la suffisance de la preuve et à l’opportunité de la
poursuite.
[48] Voir supra, note 46.
[49] Ministère de la Justice du
Canada, supra, note 43, p. 1.
[50] À cet égard, les membres du
Groupe de travail se sont employés à solliciter la participation des
intervenants en matière de justice pénale au sein de leur propre
gouvernement. En outre, le Groupe a
tiré des leçons des débats tenus entre les hauts fonctionnaires fédéraux,
provinciaux et territoriaux de la justice pénale qui ont eu lieu lors du forum
sur la violence conjugale organisé en 2001 par le ministère de la Justice du
Canada. Le Groupe s’est également servi
de GIADE, l’outil d’analyse de l’égalité et de la diversité des sexes élaboré
en 1998 par l’ancien Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la
diversité, l’égalité et la justice.
[51] Les politiques qui favorisent
ou rendent obligatoire l’inculpation n’entravent pas le pouvoir discrétionnaire
de la police. Elles soulignent la
nécessité d’accuser lorsqu’il existe des motifs d’ordre juridique en ce sens.
[52] Ursel, supra,note 31,
p. 9. Même si les femmes et les
hommes font l’objet de violence conjugale, le Groupe de travail a décidé de
décrire la victime au féminin et l’agresseur au masculin dans le présent
rapport, étant donné le volume considérable de données, de recherches et
d’expériences qui démontrent que la violence conjugale est surtout faite aux
femmes.
[53] On peut consulter, par
exemple, L. MacLeod, La femme battue
au Canada : un cercle vicieux, supra,
note 2, p. 32-40; Ursel, supra,note 31, p. 14-18; Ministère
de la Justice du Canada, Ethnocultural
Minority Women, Spousal Assault and Barriers to Accessing and Problems In Using
the Justice System, A Review of the Literature, par Janet Currie, rapport
technique, TR1995-7e, p. 67.
[54] Ursel, supra, note 31, p. 16; Dianne L. Martin et Janet E. Mosher,
« Unkept Promises: Experiences of
Immigrant Women With the Neo-Criminalization of Wife Abuse », dans C.J.W.L., 1995, p. 3 et
suivantes (voir p. 5).
[55] Ursel, supra, note 31, p. 19.
[56] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 9, p. 32.
[57] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 6, p. 8-9.
[58] Ursel, supra, note 31, p. 16; Tammy
Landau, « Policing and Security in Four Remote Aboriginal
Communities: A Challenge to
Coercive Models of Police Work », dans C.J.C.,
1996, p. 1 et suivantes (voir p. 8); Martin et Mosher, supra, note 54, p. 35.
[59] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, supra,
note 6, p. 8.
[60] London
Family Court Clinic Inc., supra,note 32, p. 24.
[61] Selon l’article 495 du Code criminel, un agent de police peut
arrêter sans mandat une personne qui a commis une infraction mixte ou une
infraction punissable par déclaration de culpabilité par procédure sommaire,
notamment pour empêcher que l’infraction se poursuive ou se répète ou qu’une
autre autre infraction soit commise. Voir Diana Ginn, « Wife Assault, the
Justice System and Professional Responsibility », dans Alberta Law Review,1995, p. 908 et suivantes (voir p. 913).
[62] Lawrence
Sherman et Richard Berk, « The Specific Deterrent Effects of Arrest for
Domestic Assault », dans American Sociological Review, 1984,
p. 49 et suivantes (voir p. 261-272); Ministère de la Justice des
États-Unis, The Effects of Arrest on
Intimate Partner Violence: New Evidence
From the Spouse Assault Replication Program, par Christopher D. Maxwell,
Joel H. Garner et Jeffrey A. Fagan, juillet 2001, p. 1.
[63] Ministère de la Justice du
Canada, supra, note 43, p. 1;
voir également Ursel, supra, note 31,
p. 5-7.
[64] Ministère de la Justice des
États-Unis, supra, note 62,
p. 2.
[65] London
Family Court Clinic Inc., supra, note
32, p. 25.
[66] Ursel, supra,note 31,
p. 4.
[67] Ministère de la Justice du
Canada, La violence conjugale et
l’obligation de porter des accusations au Yukon : expériences,
perspectives et solutions de rechange, par Tim Roberts, wd1996-3f,
p. 69.
[68] Ministère de la Justice du
Canada, Responding to the Needs of
Ethnocultural Minority Women in Situations of Spousal Assault, par Janet
Currie, rapport technique, 1995-8e, p. ix-x.
[69] Tammy
Landau, « Women’s Experiences With Mandatory Charging for Wife Assault in
Ontario, Canada: A Case Against the
Prosecution », dans Domestic
Violence: Global Responses,
Grande-Bretagne, Academic Publishers, 2000, p. 141 et suivantes (voir
page 152).
[70] Ministère de la Justice du
Canada, supra, note 67, p. 111;
Ministère de la Justice du Canada, supra,
note 68, p. xi et 34.
[71] Ursel, supra,note 31,
p. 14-15; Ministère de la Justice du Canada, Synthèse des conclusions de recherches du ministère de la Justice du
Canada sur la violence conjugale, par Tammy Landau, WD1995-8f,
p. 12-15. Voir également Miller, supra,note 41, p. 1342-1343.
[72] London
Family Court Clinic Inc., supra, note
32, p. 16 et 31-36.
[73] Kelly
Hannah-Moffat, « To Charge or Not to
Charge: Front Line Officers’
Perceptions of Mandatory Charge Policies », dans Mariana Valverde,
Linda MacLeod et Kirsten Johnson (dir.), Wife
Assault and the Canadian Criminal Justice System, Toronto, Université de
Toronto, 1995, p. 36 et suivantes (voir p. 43 et 45).
[74] Hannah-Moffat,
supra, note 73, p. 43 et 45.
[75] Ursel, supra, note 31, p. 18; George S.
Rigakos, The Politics of Protection: Battered Women, Protection Orders, and
Police Subculture, 1998, p. 91.
Voir également Ginn, supra, note
61, p. 912-913, ainsi que Ministère de la Justice du Canada, A Review of Section 264 (Criminal
Harassment) of the Criminal Code of Canada, par Richard Gill et Joan
Brockman, WD1996-7e, p. 43.
[76] Rigakos, supra,note 75,
p. 90-91. Aux fins de la présente
étude, on entend notamment par « ordonnance judiciaire préventive »
l’ordonnance d’engagement visée à l’article 810 du Code criminel et l’ordonnance civile de non-communication
rendue en vertu de l’article 36.1 de la British
Colombia Family Relations Act (dont la violation constituait une infraction
provinciale régie par la Offences Act).
[77] Miller, supra, note 41, p. 1343.
[78] Ursel, supra, note 31, p. 20.
[79] Voir par exemple la Dual Arrest–Primary Aggressor Rule du
Service de police de San Diego, mars 1996.
[80] Commission
of Inquiry into the Deaths of Rhonda Lavoie and Roy Lavoie, A Study of Domestic Violence and the Justice
System in Manitoba, 1997, p. 119.
[81] Ursel, supra, note 31, p. 21.
[82] Par exemple, au Québec, la
décision du substitut du procureur général d’autoriser une dénonciation ou de
déposer un acte d’accusation doit être prise après examen du rapport d’enquête,
en considérant l’application des deux catégories de critères qui suivent :
les critères relatifs à la suffisance de la preuve et les critères relatifs à
l’opportunité de poursuivre. En effet,
le substitut du procureur général doit, après avoir examiné toute la preuve, y
compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense, être moralement
convaincu qu’une infraction a été commise et que c’est le prévenu qui l’a
commise, et être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du
prévenu.
[83] Le Québec ne possède aucun
programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un
tel programme dans les cas de violence conjugale.
[84] London
Family Court Clinic Inc., supra, note
32, p. 19 et 51.
[85] Voir Ministère de la Justice
du Canada, Literature Review of the
Manitoba Spouse Abuse Project, par Prairie Research Associates Inc.,
rapport technique, juillet 1991, p. 23.
[86] Ursel, supra, note 31, p. 28; Statistique Canada, Centre canadien de
la statistique juridique, supra,note 2, p. 46-47.
[87] Ministère de la Justice du
Canada, supra, note 85, p. 24;
Ministère de la Justice du Canada, Manitoba
Spouse Abuse Tracking Project, par Prairie Research Associates Inc.,
rapport final, volume 1, WD1994-18e, p. 69.
[88] Linda
MacLeod, « Policy Decisions and Prosecutorial Dilemmas: The Unanticipated Consequences of Good
Intentions », dans Wife Assault and
the Canadian Criminal Justice System, supra,note 73, p. 56, note 66;
Ministère de la Justice du Canada, supra,
note 43, p. 9.
[89] MacLeod,
supra, note 88, p. 49-55.
[90] Ursel, supra,note 31,
p. 30.
[91] Myrna
Dawson et Ronit Dinovitzer, « Victim Cooperation and the Prosecution of
Domestic Violence in a Specialized Court », dans Justice Quaterly, 2001, p. 593 et suivantes (voir
p. 614).
[92] Ministère de la Justice du
Canada, supra, note 67, p. 111;
Landau, supra, note 69, p. 152.
[93] Ministère de la Justice du
Canada, supra, note 43, p. 4.
[94] Voir par exemple Lauren
Bennett, Lisa Goodman et Mary Ann Dutton, « Systemic Obstacles to the
Prosecution of a Battering Partner–A Victim Perspective », dans Journal of Interpersonal Violence, 1999,
p. 761 et suivantes; Martin et Mosher, supra,
note 54, p. 41-43.
[95] Dans
le cas du Québec, ces critères sont relatifs à la suffisance de la preuve et à l’opportunité de
la poursuite.
[96] Une telle recommandation
reflète les politiques actuelles favorisant la poursuite de la plupart des
gouvernements au Canada. Une autre
approche reposant sur le recours, une fois entamée la poursuite, à un
engagement de ne pas troubler l’ordre public, fait actuellement l’objet d’un
projet pilote par HomeFront, à
Calgary. Pour plus d’information, voir
la section II, 2, v.
[97] Le Québec ne possède aucun
programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un
tel programme dans les cas de violence conjugale.
[98] Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1985), ch. Y-1,
art. 4.
[99] Le projet de loi C-22
(auparavant C-41) est entré en vigueur le 3 septembre 1996.
[100]Ministère de la Justice du
Canada, Réforme de la détermination de la
peine, document d’information (28 août 1996), p. 3.
[101]Ministère de la Justice du
Canada, supra, note 100,
p. 3.
[102]Les aveux de culpabilité ou
les déclarations par lesquelles une personne se reconnaît responsable d’un
acte, faits dans le cours d’un programme de mesures de rechange, ne sont pas
admissibles en preuve dans les actions ou les poursuites pénales ou civiles
dirigées contre lui (voir le paragraphe 717(3) du Code criminel).
[103]De même, les délinquants
poursuivis dans le cadre du système de justice pénale traditionnel et qui
bénéficient d’une absolution avec condition ou d’une absolution sans condition,
avec ou sans participation à un programme spécial, n’ont pas de casier
judiciaire de leur condamnation.
[104]Ministère de la Justice du
Canada, Évaluation du programme de
déjudiciarisation après la mise en accusation, Rapport final, par Tammy C.
Landau, rr2002-7f, p. 1-2.
[105]Boudreau v. The Queen, S.H. No. 176596, décision orale rendue le 17
avril 2002, publiée le 26 octobre 2002, C.S. N.-É., par le juge en chef adjoint MacDonald.
[106]Equinox
Consulting Inc., A Study of Victim
Satisfaction with Alternatives Measures on Prince Edward Island,
décembre 2002, p. 24
[107]Sur la scène internationale,
les Nations Unies décrivent la justice réparatrice comme étant un processus
auquel participent la victime, le délinquant et la collectivité afin de tenter
de résoudre les questions découlant de la perpétration d’un crime et de
rétablir ainsi l’harmonie entre la victime, le délinquant et la collectivité
(voir la Résolution des Nations Unies sur
les principes fondamentaux relatifs à l’utilisation de programmes de justice
réparatrice en matière pénale, approuvée lors de la 11e session
de la Commission des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice
pénale, E/2002/30, E/CN.15/2002/14, p. 7).
[108]D’aucuns sont d’avis que la
justice réparatrice exige le consentement et la participation volontaire de la
victime de l’infraction. D’autres sont
d’avis que la justice réparatrice peut être légitime et efficace sans le
consentement ou la participation de la victime et que le rôle de celle-ci dans
le processus dépend des circonstances de chaque cas. Par conséquent, bien que tous conviennent que cet aspect pourrait
être un élément important du processus de justice réparatrice et une composante
essentielle dans les cas de violence conjugale, le Groupe de travail n’a pas
atteint un consensus sur la question d’inclure une exigence portant sur le
consentement de la victime dans la définition de la justice réparatrice.
[109]Voir, par exemple, La justice réparatrice, Une consultation
nationale, document préparé par le Groupe de travail
fédéral-provincial-territorial sur la justice réparatrice, mai 2000.
[110]Voir, par exemple, une liste
semblable des facteurs de risque à envisager dans le document intitulé Crown Counsel Spousal Assault Policy, Discussion
Paper, publié en juillet 2002 par le ministère du Procureur général de la
Colombie-Britannique, p. 5.
[111]La définition devrait être
complétée et être conforme à l’alinéa 717(1)a), à savoir : « … ou par
le procureur général ou son délégué, soit par une personne appartenant à une
catégorie de personnes désignées par le lieutenant-gouverneur en conseil d’une
province ».
[112] Jeffrey
Fagan, The Criminalization of Domestic
Violence: Promises and Limits,
National Institute of Justice, Research Report, janvier 1996.
[113] Kristin
Littel et coll., Assessing the Justice
System Response to Violence Against Women:
A Tool for Communities to Develop Coordinated Response,Minnesota Centre Against Violence and
Abuse, 1998, p. 14-17; www.vaw.umn.edu/Promise/PP3.thm.
[114] Sandra
J. Clark et coll., Coordinated Community
Responses to Domestic Violence in Six Communities: Beyond the Justice System, Urban Institute, 1996 (www.urban.org/crime/ccr96.htm); E. Buzawa et
C. Buzawa, Do Arrests and
Restraining Orders Work?, Thousand Oaks, London, New Delhi, SAGE
Publications Inc., 1996.
[115] Melanie
Shepard, Evaluating Coordinated Community
Responses to Domestic Violence, Minnesota Centre Against Violence and
Abuse, 1999; Violence Against Women Online Resources: www.vaw.umn.edu/Vawnet/ccr.htm.
[116] D. Gamache,
J. Edleson et M. Schock, « Coordinated police, judicial and
social service response to woman battering:
A Multi-baseline evaluation across three communities », dans G.T.
Hotaling, D. Finkelhor, J. Kirkpatrick et M. Straus (dir.), Coping with Family Violence: Research and Policy Perspectives,
Newbury Park, SAGE, 1988.
[117] Framework for Action Against Family Violence: A Review, par K.M.
Walters, Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, 1999.
[118] Ministère de la Justice de
la Nouvelle-Écosse, Nova Scotia Family
Violence Framework for Action Review:
Interjurisdictional Comparison and Literature Review, par Carolyn
Marshall, 2001, p. 55.
[119] Ministère du Solliciteur
général du Canada, Sommaire des projets
de recherche et de développement entrepris par les affaires correctionnelles en
matière de violence conjugale, par Karen Myers, 1996, p. 15.
[120] Fagan, supra, note 112, p. 32.
[121] Bien que le Québec ne se soit
pas doté de tribunaux spécialisés en matière de violence conjugale, les
intervenants judiciaires peuvent cependant compter sur les Services
correctionnels du Québec qui ont élaboré et implanté un Service d’évaluation
pour la mise en liberté provisoire des conjoints violents. Ce service fournit un éclairage à la cour en
évaluant la situation du prévenu, en recommandant des conditions appropriées et
en procédant à la référence de la personne contrevenante à des ressources
spécialisées, le cas échéant.
[122] Jane
Ursel, « The Winnipeg Family Violence Court »,dans M. Valverde, L. MacLeod et K. Johnson (dir.), Wife Assault and the Canadian Criminal
Justice System: Issues and Policies,
Toronto, Université de Toronto, 1995.
[123] Jane Ursel, Rapport sur le Tribunal de la violence
familiale de Winnipeg, dans Statistique Canada, Centre canadien de la
statistique juridique, La violence
familiale au Canada : Profil statistique, 2000, 2000.
[124] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse,
supra, note 118.
[125] Statistique
Canada, 2000.
[126] Ministère
du Procureur général de l’Ontario, The
Evaluation of the Domestic Violence Courts:
Their Functioning and Effects in the First Eighteen Months of Operation,
1998-1999, par Sharon Moyer et coll., 2000.
[127] Le modèle d’intervention
rapide a été mis à l’essai dans trois localités (Peel, Durham et North Bay) et
le modèle des services de poursuites coordonnées dans trois autres villes
(Ottawa, London et Hamilton).
[128] L’article 720 prévoit que, dans les meilleurs délais possibles suivant la déclaration
de culpabilité, le tribunal procède à la détermination de la peine à infliger
au prévenu. Cet article fait
actuellement l’objet d’un examen par le Groupe de travail
fédéral-provincial-territorial sur la détermination de la peine.
[129] En plus du tribunal chargé
d’instruire les affaires de violence familiale de Calgary, un tribunal
spécialisé a été créé à Edmonton en janvier 2002.
[130] Bradford
and Associates, PEI Victims of Family
Violence Act, Final Evaluation Report, Île-du-Prince-Édouard,
2001.
[131] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse,
supra, note 118.
[132] Howard
Research, Implementation and Impact of
the Protection Against Family Violence Act:
Final Report, Alberta 2000; Bradford and Associates, Final Report: Victims of Family Violence Act Monitoring Study,
Île-du-Prince-Édouard, 1998; Ministère de la Justice du Canada, Review of the Saskatchewan Victims of
Domestic Violence Act, par Prairie Research Associates, WD1996-6e, 1996;
Ministère de la Justice du Canada, A
Further Review of the Saskatchewan Victims of Domestic Violence Act, par
Prairie Research Associates, WD199-1e, 1999.
[133] Howard Research, 2000; Ministère de la Justice
du Canada, 1996 et 1999, supra, note 132.
[134] Ministère de la Justice du Canada, 1999, supra,
note132.
[135] Dans son rapport de septembre
2001 aux ministres, le Groupe de travail spécial a recommandé la création à
l’article 127 du Code criminel
(« Désobéissance à une ordonnance du tribunal ») d’une infraction à
option de procédure ainsi que l’imposition d’une peine maximale de six mois
d’emprisonnement, sur déclaration de culpabilité par
procédure sommaire, ou d’une peine maximale de deux ans
d’emprisonnement, sur déclaration de culpabilité par suite d’une mise en
accusation.
[136] Des extraits de cette
section sont tirés de Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, A Review of the Effectiveness and Viability
of Domestic Violence Interventions as an Adjunct to the Formal Criminal Justice
System, par Judy Crump, 2001.
[137] Ministère
de la Justice du Canada, Alternatives to
Presecution in Domestic Violence Cases: An Overview of the Research Literature, par Sharon Moyer, 2000,
p. 10.
[138] Ministère de la Justice du Canada, supra,
note 137, p. 1.
[139] Jaffe, P.G., Hastings, H., Reitzel, D., &
Austin, G.W., 1991, The Impact of Police Laying Charges in Brown,
Trevor, Charging and Prosecution Policies in Cases of Spousal Assault:
A Synthesis of Research, Academic and Judicial Responses, Ministère
de la Justice du Canada, Novembre 2000.
[140] Par exemple, une
installation résidentielle de seconde étape aide les femmes à accéder à une vie
indépendante, souvent après leur passage dans une maison d’hébergement.
[141] Un sondage est mené à tous
les deux ans dans les maisons d’hébergement de chaque province. Voir Statistique Canada, Centre canadien de
la statistique juridique, Juristat, Maisons
d’hébergement du Canada pour femmes violentées, 1999-2000, vol. 21, no 1,
p. 2 et 11.
[142] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, ibid.,
p. 4.
[143] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, supra, note 141, p. 6.
[144] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, La
violence familiale au Canada : un profil statistique, 2000,
p. 19.
[145] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique,
ibid., p. 15.
[146] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, supra, note 141, p. 8.
[147] Weisz, Taggert,
Mockler et Streich, cités dans Leslie M. Tutty, Gilliam Weaver et Michael A. Rothery,
« Residents’ Views of the Efficacy of Shelter Services for Assaulted Women »,
dans Violence Against Women, vol. 5,
no 8, 1999, p. 425-441.
[148] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, supra, note 141, p. 10.
[149] Statistique Canada, Centre
canadien de la statistique juridique, La
violence familiale au Canada : un profil statistique, 1999, p. 42.
[150] Edward W.
Gondolf, « Service Contact and Delivery of a Shelter Outreach Project »,
dans Journal of Family Violence, vol. 13,
no 2, 1998, p. 131-145.
[151] Cependant, l’objectif des
maisons d’hébergement, tel que généralement décrit dans les politiques et
reflété par les programmes, est d’offrir aux femmes un lieu sûr et l’occasion
d’apprendre quels sont les services et les solutions de rechange mis à leur
disposition et à la disposition de leurs enfants.
[152] Leslie M.
Tutty, « Post-Shelter Services: The Efficacy of Follow-up Programs for Abused Women », dans Research on Social Work Practice,
vol. 6, no 4, 1996, p. 425-441.
[153] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, supra, note 141, p.10.
[154] Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, supra, note 144, p. 16.
[155] Jeffrey
L. Edleson, « Studying the Co-occurrence of Child Maltreatment and
Domestic Violence in Families », dans Domestic
Violence in the Lives of Children: The Future of Research, Intervention, and
Social Policy, Sandra A. Graham-Bermann et Jeffrey L. Edleson (dir.), Washington
(DC), American Psychological Association, 2001, p. 91-110 (voir p. 91).
[156] Jerome
B. Kolbo, Eleanor H. Blakely et David Engleman, « Children Who Witness
Domestic Violence: A Review of
Empirical Literature », dans Journal
of Interpersonal Violence, vol. 11, no 2, 1996,
p. 281-293.
[157] Jaffe, Peter G., Poisson, Samantha E. et Alison
Cunningham, « Domestic Violence and High-Conflict Divorce: Developing
a New Generation of Research For Children », dans Graham-Bermann,
Edleson et Edleson, supra, note 155, p. 189.
[158] Ministère de la Justice du Canada,
Modèles d’intervention auprès des enfants
témoins d’actes de violence : une évaluation des besoins, rapport
technique par Educon Marketing and Research Systems, juillet 1998, http://www.justice.gc.ca/fr/ps/rs/rep/TR98-6e.htm,
p. 5-6.
[159] En 1993, des projets pilotes
sur la prise de décision familiale ont été mis en place dans trois
localités : à Nain (région inuite), à Saint-John’s (région urbaine) et
dans la péninsule de Port au Port (région rurale). Reconnaissant que les mauvais traitements infligés aux enfants et
la violence faite aux femmes vont souvent de pair, le projet visait à établir des
partenariats entre la famille, la collectivité et le gouvernement pour assurer
la sécurité des enfants et des adultes.
Toutefois, la plupart des cas qui ont été signalés étaient des cas de
violence ou de négligence à l’égard des enfants de même que de comportement incontrôlable
des adolescents et ne faisaient pas état de la violence faite aux femmes. Le plan élaboré par le conseil consultatif
familial qui comptait des parents, des amis et d’autres intervenants proches de
la famille devait être approuvé par l’organisme qui avait fait le renvoi
(c.-à-d. la protection de l’enfance ou les services correctionnels). Voir
Joan Pennell et Gale Burford, Family
Group Decision Making: After the
Conference, Progress in Resolving Violence and Promoting Well-Being, Saint-John’s
(Terre-Neuve), Université Memorial, School of Social Work, 1997.
[160] À ce jour, les programmes
d’intervention à l’intention des conjoints violents ont mis l’accent sur les
hommes violents.
[161] Ministère du Solliciteur
général du Canada, Sommaire des projets de recherche et de développement
entrepris par les affaires correctionnelles en matière de violence conjugale,
par Karen Myers, 1996; Robert C. Davis et Bruce G. Taylor, « Does
Batterer Treatment Reduce Violence? », dans Lynette Feder (dir.), A Synthesis of the Literature on Women and
Domestic Violence: An Interdisciplinary
Approach, New York et Londres, The Haworth Press, 1999, p. 69-93.
[162] Davis et
Taylor, ibid., note 26.
[163] Ministère
de la Justice du Canada, An Evaluation
Study of the Turning Point Project: A
Treatment Program for Men Who Batter their Partners, par Thomas Gabor,
1993; Donald G. Dutton, The Abusive
Personality: Violence and Control in
Intimate Relationships, New York et Londres, The Guilford Press, 1998.
[164] Davis et Taylor, supra, note 161.
[165] Hamberger, K.L., & Hastings, J.E., 1993
Court-mandated treatment of men who assault their partner in N.Z.
Hilton, Legal Responses to Wife Assault. Newbury Park, CA: Sage;
Fagan, J., Friedman, E., Wexler, S., & Lewis V., 1984 Final Report:
National Family Violence Evaluation, Grant 80-JN-AX-0004, Office
of Juvenile Justice and Delinquency Prevention. Washington, DC, Department
of Justice.
[166] Ministère du Solliciteur
général du Canada, Étude de divers
programmes de traitement pour hommes violents, par Karl R. Hanson et
Suzanne Wallace-Capretta, 2000.
[167] Davis et Taylor, supra, note 161.
[168] Ministère du Solliciteur général du Canada,
supra, note 161.
[169] Ministère de la Justice du Canada, supra,
note 137.
[170] On fait mention de ces
programmes provinciaux et territoriaux à la section VI du présent rapport,
dans l’« Aperçu des programmes relatifs à la violence conjugale ».
[171] Voir D.
Hiebert-Murphy et B. Trute, « Treatment for Couples Who Have Experienced
Violence, The Couples Project », dans Manitoba
Social Worker, vol. 30, no 4, 1998, p. 8-10.
[172] Ministère de la Justice du Canada, Moyer, supra,
note 137.
[173] Jan
Roehl et Kristin Guertin, « Intimate Partner Violence: The Current Use of Risk Assessments in
Sentencing Offenders », dans The
Justice System Journal, vol. 21, no 2, 2000,
p. 171-198 (voir p. 172).
[174] Neil
Websdale, Lethality Assessment
Tools: A Critical Analysis,
Minnesota Center Against Violence and Abuse, Université du Minnesota, 2001,
http://www.vaw.umn.edu/Vawnet/lethality.htm, p.1.
[175] David S.
Riggs, Marie B. Caulfield et Amy E. Street, « Risk for Domestic
Violence: Factors Associated with
Perpetration and Victimization », dans Journal
of Clinical Psychology, vol. 56, no 10, 2000,
p. 1289-1316 (voir p. 1290).
[176] Les facteurs liés à la
perpétration d’actes de violence conjugale sont classés dans les catégories
suivantes : agression dans une relation antérieure, éléments
démographiques et psychologiques, psychopathologie et caractéristiques de la
relation. Voir Riggs et coll., supra, ibid., p. 1292-1997.
[177] La recherche portant sur les facteurs liés
à la victimisation découlant de la violence conjugale ne révèle pas
de résultats aussi clairs. Voir Riggs et coll., supra,note 175,
p. 1298-1301.
[178] Jan Roehl, et Kristin Guertin, supra,
note 173, p. 174.
[179] Jacquelyn
Campbell, « Issues in Risk Assessment in the Field of Intimate Partner
Violence: What Practitioners Need to
Know », présentation lors de la conférence internationale sur les enfants
exposés à la violence conjugale, Our
Children Our Future: A Call to Action,
London (Ontario), juin 2001, p. 12.
[180] Jacquelyn Campbell (1995), citée dans Jan Roehl
et Kristin Guertin, supra,note 173, p. 174. Dans une analyse
plus récente de 493 cas de femmes victimes d’homicide dans 11 villes
américaines, Campbell a cerné d’autres facteurs de prévision et de protection.
Voir aussi Websdale, supra, note 174, p. 3.
[181] Jacquelyn Campbell, Danger Assessment Instrument, 1985 et
1988, http://www.nvaw.org.
[182] Jan Roehl et Kristin Guertin, supra,
note 173, p. 179.
[183] P.
Randall Kropp, Stephen D. Hart, Christopher D. Webster et Derek Eaves, Manual for the Spousal Assault Risk
Assessment Guide, 2e edition, Vancouver, British Columbia
Institute Against Family Violence.
[184] P.
Randall Kropp et coll., ibid.,
p. 6-7.
[185] Websdale, supra, note 174, p. 6.
[186] Riggs et coll., supra,note 175, p. 1292.
[187] Jan Roehl, et Kristin Guertin, 1998, cités
dans Websdale, supra, note 174.
[188] Websdale, supra, note 174, p. 7.
[189] Il est fait mention, dans l’« Aperçu des
programmes relatifs à la violence conjugale », à la section
VI du présent rapport, des systèmes de collecte des données et de suivi.
[190] Ministère de la Justice de la
Nouvelle-Écosse, Nova Scotia Family
Violence Framework for Action Review, Interjurisdictional Comparison and
Literature Review, par Carolyn Marshall, 2001.
[191] L’« Aperçu des
programmes relatifs à la violence conjugale », à la section VI du présent
rapport, résume ce que font les gouvernements au Canada à ce sujet.
[192] Ministère de la Justice du
Canada, Review of Provincial and
Territorial Domestic Violence Legislation and Implementation Strategies,
par Tim Roberts, 2001.
[193] Ministère de la Justice de la
Nouvelle-Écosse, Framework for Action
Against Family Violence, A Review,
par K.M. Waters, 1999.
[194] Ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse,
supra, note 190.
[195] Ce modèle, utilisé par la Family Violence Prevention Initiative de
la Nouvelle-Écosse, qui a formé plus de 6 000 professionnels au cours de
sa durée, a exceptionnellement bien fonctionné. Les documents de formation ont été élaborés conjointement, y
compris des politiques de programmes précisant les rôles et les lignes
directrices, en vue d’une intervention efficace, pour les professionnels et les
travailleurs concernés. La stratégie de
formation comprenait le recours à des experts en matière de violence familiale
et un modèle entre homologues qui a amélioré la crédibilité des apprenants. De cette façon, la formation était
spécifique à la profession, définissait clairement les rôles et les attentes de
rendement et tenait compte des défis particuliers auxquels faisait face chaque
secteur au cours de son intervention.
[196] Au Québec, le critère
applicable à l’inculpation est identique à celui qui est applicable à la
poursuite.
[197] Dans le cas du Québec, ces critères sont relatifs à la suffisance de la preuve et à l’opportunité de
la poursuite.
[198] Une telle recommandation
reflète les politiques actuelles favorisant la poursuite de la plupart des
gouvernements au Canada. Une autre
approche reposant sur le recours, une fois entamée la poursuite, à un
engagement de ne pas troubler l’ordre public, fait actuellement l’objet d’un
projet pilote par HomeFront, à
Calgary. Pour plus d’information, voir
la section II, 2, v.
[199] Le Québec ne possède aucun
programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un
tel programme dans les cas de violence conjugale.
[200] À être complété
conformément à l’alinéa 717(1)a)du
Code criminel, à savoir : « […] soit par le procureur général ou son délégué, soit par une personne
appartenant à une catégorie de personnes désignées par le lieutenant-gouverneur
en conseil d’une province ».
[201] Dans le présent contexte, les services aux
victimes doivent être entendus comme services fournis à la suite de l’implication
de celles-ci dans le système de justice pénale, de tels services se distinguant
de ceux dont pourraient bénéficier par ailleurs les victimes, comme les maisons
d’hébergement.
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Mise à jour : 2006-07-06 | ![]() |
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