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MALADIE MENTALE ET VIOLENCE:
UN LIEN DÉMONTRÉ OU UN STÉRÉOTYPE?

 

Rédigé par:

Julio Arboleda-Flórez, M.D., FRCP(C), DABFP, Ph.D. épidémiologie,
Heather L. Holley, M.A., Ph.D. épidémiologie,
Annette Crisanti, M.Sc., Ph.D. épidémiologie (étudiante)
Calgary World Health Organization Collaborating Centre for Research and Training in
Mental Health
   

Pour

Direction générale de la promotion et des programmes de santé
Santé Canada

1996



La reproduction non commerciale du présent document est autorisée à des fins éducatives ou cliniques, à condition d'en préciser la source.

Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Santé Canada ou celle des organismes représentés au comité consultatif de ce projet.

Also available in English under the titre:
Mental Illness and Violence: Proof or Stéréotype?

© Ministre des Approvisionnements et Services Canada 1996
ISBN 0-662-80784-7
No de cat. H39-346/1996F

Données de catalogue avant publication (Canada)
Vedette principale au titre:
Maladie mentale et violence : un lien démontré ou un stéréotype?
Publ. aussi en anglais sous le titre : Mental Illness and Violence: Proof or Stéréotype?
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 0-662-80784-7
No de cat. H39-346/1996F

1.    Maladie mentale
2.    Violence - Aspect psychologique
I.    Arboleda-Flórez, J. (Julio), 1939-
II.   Canada. Direction générale de la promotion et des programmes de santé
III.  Canada. Santé Canada

RC480.53M4614 1996 616.89 C96-980018-5
 
 


Table des matières

Remerciements

Préface

Sommaire

1.    Introduction

        Cadre de référence
        Lecteurs cibles
        Définition des termes
            Maladie mentale grave
            Violence
        Stratégie de recherche
        Stratégie d'examen critique
        Structure du présent rapport

2.    Sommaire des principales constatations

        Études dans la collectivité
            Échantillons de la population générale
            Contacts entre policiers et citoyens
        Études portant sur des patients psychiatriques
        Études portant sur des détenus
            Études sur la prévalence
            Études analytiques portant sur les troubles mentaux et la violence
            Études de suivi portant sur des délinquants mis en liberté
        Sommaire des principales constatations

3.    Examen critique : Y a-t-il un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violences

        Contrôle des facteurs de confusion
        Source de confusion par définition
        Facteur de confusion possible attribuable à certains médicaments utilisés en psychiatrie
        Choix des sujets pour éviter tout biais de sélection
        Classification de la maladie mentale et de la violence (biais d'information)
        Ordre temporel des facteurs
        Plausibilité des hypothèses sur le plan biologique
        Un lien démontré ou un stéréotype?
        Conclusions
        Orientation possible des recherches futures

Références

Appendice A: bibliographie commentée

        Introduction
        Causalité
        Études portant sur la collectivité: études empiriques basées sur des échantillons de la population générale
        Études portant sur des patients psychiatriques
        Études basées sur des échantillons de détenus
        Autres études empiriques présentant de l'intérêt
        Rapports de synthèse et exposés de position

Appendice B : glossaire
 
 

Remerciements

Les chercheurs sont profondément reconnaissante de la contribution des membres du Comité consultatif à la réalisation de ce projet

Mme Bonnie Pape
Directrice des programmes
Association canadienne pour la santé mentale
Bureau national
Toronto (Ontario)

Mme Susan Hardie
Ancienne coordonnatrice nationale
Réseau national pour la santé mentale
Guelph (Ontario)

M. Jim Holman
Membre du Conseil
Réseau national pour la santé mentale
Guelph (Ontario)

Mme Ann Braden
Vice-présidente
Société canadienne de schizophrénie
Bureau national
Don Mills (Ontario)

M. Alexander Saunders
Directeur général
Association des psychiatres du Canada Ottawa (Ontario)

M. James MacLatchie
Directeur administratif
Société John Howard du Canada Ottawa (Ontario)

Mme Carol Silcoff
Conseillère en recherche
Unité de la santé mentale
Division des soins et questions de santé
Direction des systèmes pour la santé
Direction générale de la promotion et des programmes de santé
Santé Canada

Mme Stephanie Wilson
Agente de programmes
Unité de la santé mentale
Division des soins et questions de santé
Direction des systèmes pour la santé
Direction générale de la promotion et des programmes de santé
Santé Canada

Les auteurs tiennent à remercier de leurs précieux conseils M. Bob Shearer et Mme Nena Nera du Unité des soins, des traitements et du soutien de Santé Canada. On tient également à remercier Mme Marnie M. Hamilton, B. Sc., adjointe de recherche, qui a apporté aux chercheurs une aide précieuse sur le plan technique et sur le plan documentaire.
 
 

PRÉFACE

L'existence d'un lien éventuel entre la maladie mentale et la violence est un sujet qui intéresse les chercheurs depuis longtemps. Il est cependant de plus en plus présent dans les travaux, notamment ceux du Groupe de travail fédéral/provincial/territorial sur la mise en œuvre des recommandations du Groupe de travail sur les délinquants violents à risque élevé. Les défenseurs des malades mentaux ont toujours soutenu que ces personnes ne sont pas plus prédisposées à commettre des actes violents que les gens épargnés par la maladie mentale. Toutefois, des études récentes et des reportages sensationalistes diffusés dans les médias ont laissé entendre que tel n'est pas le cas, et qu'une certaine catégorie de malades mentaux pourraient s'avérer plus violents que les sujets qui ne souffrent pas de maladie mentale.

Afin de contribuer à faire la lumière sur cette question complexe et controversée, la Direction générale de la promotion et des programmes de santé de Santé Canada ont commandé une analyse critique des ouvrages parus sur la question. Une étude a été préparée à contrat par le Dr Julio Arboleda-Flórez, le Dr Heather Holley et Mme Annette Crisanti du Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale à Calgary. Les fonds nécessaires à la réalisation de ce projet ont été octroyés par l'Unité des soins, des traitements et du soutien pour le SIDA dans le cadre de la Stratégie nationale sur le sida de Santé Canada.

Ce projet est le fruit d'une collaboration entre les représentants de l'Association canadienne pour la santé mentale, de la Société canadienne de schizophrénie, de l'Association des psychiatres du Canada, du Réseau national pour la santé mentale et de la Société John Howard du Canada, qui font partie d'un comité consultatif.

L'étude se divise en cinq chapitres. Le chapitre 1 comprend l'introduction, des définitions et une description des méthodes de recherche. Le chapitre 2 fait la synthèse des principales conclusions dégagées des ouvrages recensés et les regroupe en trois grandes rubriques : les études axées sur la collectivité, les études menées auprès des malades mentaux et les études réalisées en milieu carcéral. Les principales associations statistiques signalées dans les ouvrages y sont décrites. Le chapitre 3 renferme une analyse critique des données associant la maladie mentale à la violence, l'objectif étant de déterminer si les associations statistiques relevées dans les études répondent aux critères épidémiologiques de causalité. Le lecteur trouvera également une liste des ouvrages cités dans le chapitre 3. Le rapport comprend aussi deux annexes : l'appendice A, qui contient une bibliographie annotée des articles analysés, et l'appendice B, qui comprend un petit glossaire des principaux termes techniques utilisés.

Le rapport devrait intéresser les nombreux intervenants des secteurs de la santé mentale, des services sociaux et de la justice pénale, notamment les dispensateurs de services, les décideurs, les responsables de programmes, les chercheurs, les consommateurs ou leurs proches.

Remarque sur la terminologie :

La terminologie utilisée pour désigner (les personnes qui présentent) de graves problèmes de santé mentale, notamment dans la bibliographie annotée, est conforme à celle que l'on retrouve dans les ouvrages recensés. Par souci d'exactitude, on a choisi de ne pas modifier les termes utilisés par les auteurs, tout en sachant que certains lecteurs auraient sans doute préféré que l'on opte pour des termes plus couramment employés comme «consommateur» ou «ex-bénéficiaire».
 
 

Sommaire

Introduction et fondement de l'étude :

Les défenseurs des malades mentaux ont toujours soutenu que ces personnes ne sont pas plus prédisposées à commettre des actes violents que les gens épargnés par la maladie mentale. Toutefois, les personnes saignantes, les dispensateurs de soins de santé et les groupes de défense des malades se posent de plus en plus de questions sur le lien entre la maladie mentale et la violence en raison, d'une part, de reportages sensationalistes dans les médias et d'émissions dramatiques présentées à la télévision et, d'autre part, de rapports scientifiques contradictoires. Cette question complexe a une incidence importante sur les malades mentaux et leurs familles, les dispensateurs de soins de santé et de services sociaux, les décideurs, les responsables de programmes et les intervenants du secteur de la justice pénale. Afin de contribuer à faire la lumière sur cette question, on a fait cette analyse critique des ouvrages parus sur la question.

Stratégie de recherche :

Les auteurs ont interrogé des bases de données contenant des articles scientifiques dans les domaines de la psychologie, de la sociologie, de la criminologie, du droit, de la médecine, de la philosophie, de la psychiatrie, de la psychiatrie légale et de l'épidémiologie pour trouver des articles portant sur la maladie mentale et la violence. Pour accroître l'étendue de leur recherche, ils ont utilisé un certain nombre de synonymes des termes «maladie mentale» et «violence», ce qui leur a permis d'obtenir 32 différentes combinaisons de recherche et de recueillir plus de 5 500 citations se rapportant à quelque 8 000 auteurs, 8 600 mots-clés et 940 revues publiées sur une période d'environ trente ans.

L'examen a porté principalement sur les articles parus au cours des dix à quinze dernières années, car ces articles représentent, selon les auteurs, l'essentiel des études pouvant fournir le portrait le plus récent des populations de malades mentaux. Pour que les résultats de la recherche soient utiles au plus grand nombre de personnes possible, les auteurs ont examiné des études portant sur divers types de troubles mentaux, notamment des maladies mentales fonctionnelles graves (comme la schizophrénie et les états dépressifs majeurs), la toxicomanie (en particulier l'abus d'alcool) et les troubles de la personnalité (en particulier la personnalité antisociale). Pour des raisons pratiques, la définition de la violence a été limitée aux actes comportant une agression physique et aux menaces de violence physique à l'égard d'autrui; les crimes avec violence sont compris dans cette définition.

Le présent rapport comprend des résumés détaillés de plus de 100 articles portant sur la relation entre la maladie mentale et la violence. Les études empiriques ont été groupées selon la principale population à l'étude : a) échantillons de la population générale, b) patients psychiatriques, c) détenus, d) autres études empiriques présentant de l'intérêt, et e) rapports de synthèse et exposés de positions.

Stratégie d'examen critique

Eu égard aux torts que pourrait causer une affirmation prématurée et non démontrée suggérant l'existence d'un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence, nous avons adopté une approche scientifique rigoureuse et prudente qui nous permet de conclure à l'existence de ce lien uniquement : a) à la lumière des preuves convaincantes à l'appui de cette thèse, provenant d'études bien conçues et exécutées et b) compte tenu du fait qu'il n'existe aucune preuve convaincante infirmant cette thèse.

Nous avons adopté un cadre épidémiologique pour trouver la réponse à notre question fondamentale. L'épidémiologie étudie l'apparition des maladies et des problèmes de santé au sein des populations humaines ainsi que les facteurs qui sont à l'origine de ces maladies ou problèmes ou qui sont susceptibles d'exercer une influence sur leur évolution. Des tribunaux américains ont déclaré que les affirmations les plus crédibles sur les liens de causalité établis à l'égard des populations humaines provenaient des résultats des études s'inspirant de critères épidémiologiques.

Les épidémiologistes souscrivent à une hiérarchie de preuves où les associations statistiques établies dans le cadre d'études de cohorte bien conçues et exécutées sont les plus crédibles. Ces études définissent les sujets en fonction de la présence ou de l'absence de maladie mentale et suivent deux ou trois groupes dans le temps afin de comparer les résultats obtenus. Les modèles d'études cas-témoins qui définissent les sujets en fonction des résultats (p. ex., la présence ou l'absence de violence) pour ensuite recueillir des données rétrospectives sur la présence ou l'absence de maladie mentale peuvent fournir des preuves convaincantes, mais ne sont habituellement pas jugées assez solides pour permettre un jugement quant à un lien causal. Les sondages transversaux descriptifs sont utilisés pour poser des hypothèses à des fins de vérification supplémentaire. Puisque les données sur la maladie mentale et celles sur la violence sont recueillies simultanément, il est difficile de garantir que la maladie mentale a précédé la violence, comme il faudrait le faire pour établir un lien de causalité. C'est la raison pour laquelle les résultats des sondages ne sont jamais utilisés pour conclure à un lien de causalité.

Sommaire des principales constatations :

Les études évoquées dans cet examen sont principalement de sources canadienne et américaine. Une mise en garde s'impose quant à la généralisabilité des conclusions formulées aux États-Unis, quand des recherches ont été faites, aux populations canadiennes. En effet, l'interprétation et l'application de ces conclusions dans le contexte canadien doivent être entreprises avec force prudence compte tenu des différences dans les régimes de soins de santé et de justice pénale des deux pays.

Un certain nombre de liens statistiques sont signalés dans l'ensemble de la littérature. Ils sont résumés ci-dessous.

  • Les antécédents de violence et de criminalité sont le plus important prédicteur de la violence et de la criminalité, dans tous les groupes diagnostiques (p. ex. autant chez les schizophrènes que les toxicomanes).

  •  
  • Jusqu'ici, il n'existe aucune preuve consistante pour appuyer l'hypothèse selon laquelle la maladie mentale (p. ex. la dépression) qui n'est pas aggravée par la toxicomanie constitue un important facteur de risque de la violence ou de la criminalité, une fois les antécédents de violence contrôlés.

  •  
  • Le risque de comportement violent, chez les schizophrènes, dépend en partie du contexte et de la présence de symptômes psychotiques. Ainsi, on a constaté que les personnes atteintes de schizophrénie sont quelque peu plus susceptibles de commettre des actes violents quand elles sont la proie de symptômes psychotiques. Inversement, l'incidence de comportement violent est basse parmi les patients hospitalisés qui prennent les neuroleptiques nécessaires.

  •  
  • Les incidents violents chez les malades mentaux hospitalisés se multiplient peut-être. Cependant, c'est habituellement un petit nombre de ces malades, d'ordinaire ceux présentant des symptômes psychotiques aigus ou une démence, qui ont été jugés responsables de la majorité des incidents violents. La plupart des incidents violents menant à une hospitalisation surviennent au domicile et comprennent des épisodes d'endommagement du mobilier ou de voies de fait sur des membres de la famille.

  •  
  • Les malades mentaux qui ont déjà été hospitalisés sont peut-être plus susceptibles d'être arrêtés ou violents quand ils sont libérés dans la collectivité, particulièrement s'ils ont déjà été arrêtés, qu'ils ont des antécédents violents ou qu'ils souffrent de symptômes psychotiques.

  •  
  • Les proches (et non le grand public) sont les victimes les plus probables des actes violents que posent des malades mentaux autrefois hospitalisés qui ont été relâchés dans la collectivité.

  •  
  • La toxicomanie semble constituer un important facteur de risque de la violence et de la criminalité au sein de la collectivité, chez les malades hospitalisés et chez les détenus. Un membre du grand public risque peu d'être victimisé par une personne souffrant d'un trouble non lié à la toxicomanie.

  •  
  • Des études portant sur les contacts entre policiers et citoyens et menées au Canada et aux États-Unis montrent une similarité dans les types de criminalité chez les malades mentaux et chez les personnes ne souffrant pas de maladie mentale qui ont des démêlés avec la police. Les malades mentaux ne sont pas plus susceptibles d'être accusés d'un crime avec violence que ne le sont les personnes ne souffrant pas de maladie mentale.

  •  
  • La prévalence des troubles liés à la toxicomanie et des troubles mentaux est forte chez les détenus en détention provisoire et chez les détenus des établissements provinciaux. Et pourtant, le taux global de dépistage des maladies mentales par le personnel correctionnel semble être très faible. On a expliqué la forte prévalence de troubles mentaux chez les détenus en évoquant la «criminalisation» des comportements causés par des troubles mentaux, la  «psychiatrisation» du comportement criminel et la nature pathogène des milieux carcéraux.

  •  
  • De façon générale, l'adaptation des détenus après leur mise en liberté ne semble pas être reliée à d'importantes maladies mentales (comme la schizophrénie ou la dépression) ou à des troubles liés à la toxicomanie lorsque sont contrôlés les antécédents de criminalité et l'âge.

  •  
  • Le plus souvent, les personnes qui sont plus jeunes sont exposées à un plus grand risque de violence et de criminalité.
Y a-t-il un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violence?

Une analyse critique de la littérature a permis de conclure qu'il n'a jamais été scientifiquement démontré, jusqu'ici, que la maladie mentale cause la violence.

Des études portant sur la violence chez des malades mentaux soumis à un traitement ont démontré que les taux de criminalité et de criminalité violente étaient effectivement plus élevés au sein de ces groupes que dans la population générale et que la fréquence de la violence était élevée chez les malades mentaux hospitalisés. De même, des études portant sur la maladie mentale chez les détenus ont démontré que la prévalence des troubles mentaux graves et de la toxicomanie était élevée au sein de cette population. Toutefois, en dépit de ces démonstrations limpides, les résultats de ces études ne permettent pas de conclure qu'il existe un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violence, et ce pour les raisons suivantes, d'ordre méthodologique.

  • Il est souvent difficile de déterminer comment les comparaisons établies entre les divers groupes à l'étude devraient être ajustées pour tenir compte de facteurs tels que l'âge, le sexe, le statut socioéconomique, les arrestations antérieures ou les placements antérieurs en établissement. Par exemple, de nombreux auteurs ont utilisé la criminalité avec violence comme mesure de la violence. Cependant, il est reconnu que le lien entre la maladie mentale et la criminalité avec violence est fonction de la comparabilité statistique entre les groupes à l'étude en ce qui concerne d'autres caractéristiques qui sont des prédicteurs du crime, comme le statut socioéconomique, l'âge ou les antécédents d'arrestations. Lorsque les groupes à l'étude sont comparables sur ces plans, le lien entre la maladie mentale et la violence disparaît souvent. Cependant, les auteurs ont abordé ces problèmes différemment, selon leur degré de compréhension de l'imbrication des facteurs à la base du lien entre la maladie mentale et la violence et, jusqu'ici, aucun chercheur n'a réussi à tenir compte de tous ces facteurs de façon appropriée. Il est donc difficile de tirer des conclusions causales définitives à partir des résultats de ces études.

  •  
  • Compte tenu des conventions sur lesquelles reposent actuellement les diagnostics psychiatriques, il n'est pas possible de diagnostiquer la maladie mentale indépendamment de la violence. Presque la moitié des troubles décrits dans le North American Standard Diagnostic and Statistical Manual for Mental Disorders (troisième édition révisée) (DSM-III-R) (American Psychiatric Association, 1987) - l'outil standard en Amérique du Nord dans le domaine des diagnostics psychiatriques - sont définis ou décrits en partie en fonction de comportements violents et des critères semblables sont utilisés dans la version plus récente, le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994). Les troubles ainsi définis comprennent, notamment, la schizophrénie, le trouble bipolaire, la toxicomanie et certains troubles de la personnalité. Avec le temps, la notion de trouble mental s'est modifiée de sorte qu'elle comprend maintenant un plus grand nombre de critères reliés à la violence. Par conséquent, il est probable que les études plus récentes qui établissent une relation statistique entre les troubles mentaux et la violence sont le fait de la façon dont on définit et on mesure maintenant ces troubles.

  •  
  • On a constaté qu'un certain nombre de médicaments couramment utilisés en psychiatrie (notamment les tranquillisants et sédatifs) entraînent un comportement agressif. Or, on ignore dans quelle mesure ces réactions paradoxales pourraient expliquer la violence chez les malades mentaux soumis à un traitement psychopharmacologique de courte ou de longue durée.

  •  
  • Presque toutes les études réalisées jusqu'à ce jour portent sur des populations de malades mentaux soumis à un traitement ou sur des populations carcérales. Or, ces groupes ne sont pas représentatifs de l'ensemble des malades mentaux. En fait, ces échantillons sont biaisés car ils représentent des sous-populations de malades mentaux qui sont davantage sujets à la violence. Les dispositions de la loi qui portent sur l'internement civil sont fondées sur le critère de la dangerosité et prévoient l'hospitalisation des personnes qui constituent un danger pour elles-mêmes ou autrui. Si la personne ne répond pas aux critères d'internement plus rigoureux et refuse d'être hospitalisée, elle peut quand même être arrêtée, auquel cas l'accès aux services de santé mentale se fera par les voies correctionnelles. Ainsi, les résultats recueillis auprès de malades mentaux soumis à un traitement conduisent à une surestimation de la relation entre la maladie mentale et la violence.

  •  
  • Souvent, les chercheurs se sont basés sur les registres d'un établissement (comme les registres d'admission d'un établissement psychiatrique ou des registres d'arrestation) pour classer leurs sujets. Or, il est clair que les personnes atteintes de maladie mentale ou les personnes qui ont commis un acte de violence ne sont pas toutes bien classées dans ces registres. Trop souvent, les statistiques officielles reflètent les partis pris politiques et les tendances sociales, ce qui nuit à l'interprétation des données.

  •  
  • Les données primaires recueillies à partir d'échantillons de la population générale sont celles qui sont les plus susceptibles de fournir des résultats valides sur la question du lien entre la maladie mentale et la violence. Cependant, seulement deux des études réalisées jusqu'à ce jour portent sur la population générale; l'une a été réalisée aux États-Unis et l'autre en Alberta, au Canada. Dans les deux cas, les chercheurs ont eu recours aux techniques d'enquête épidémiologique les plus perfectionnées et à des échantillons représentatifs de la population générale. Les auteurs de ces études ont défini les troubles mentaux à l'aide du questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule), qui permet d'établir des diagnostics en fonction des catégories du DSM-III-R. Ils ont ensuite utilisé, pour définir la violence, les items de ce questionnaire se rapportant aux comportements violents, comportements sur lesquels reposent en partie les classifications psychiatriques. Ainsi, bien que les deux études aient révélé une relation statistique entre la maladie mentale et la violence, on ignore dans quelle mesure cette relation pourrait s'expliquer par la relation de dépendance entre la définition de la maladie mentale et celle de la violence. Deuxièmement, aucune de ces études n'a permis d'établir l'ordre temporel des facteurs, une omission fondamentale. Par conséquent, on ne sait si la violence avait précédé la maladie mentale, ou vice versa. Ce n'est que lorsque la maladie mentale précède la violence qu'une interprétation causale est possible.
Orientation possible des recherches futures :

Nous n'en sommes pas encore arrivés au point où nous pouvons porter un jugement valable sur le caractère causal de la relation entre la maladie mentale et la violence. Néanmoins, en nous fondant sur les connaissances que nous avons acquises grâce aux études réalisées en biochimie et en génétique, il est biologiquement plausible qu'il y ait un lien entre ces deux variables.

Plusieurs obstacles d'ordre méthodologique devront être surmontés au cours des recherches futures. Le plus important sera peut-être d'établir des mesures indépendantes de la maladie mentale et de la violence. La nosologie psychiatrique normalisée du DSM-III n'a qu'une utilité limitée pour ce type de recherche, car presque la moitié des troubles répertoriés dans ce manuel sont décrits ou définis en partie en fonction des actes de violence. Par ailleurs, les chercheurs devront mesurer la relation entre la maladie mentale et la violence à partir d'échantillons non sélectifs et représentatifs de la population générale, c'est-à-dire hors des établissements. Enfin, les études de suivi longitudinales qui permettent d'établir clairement l'ordre temporel des facteurs et d'analyser de façon appropriée des facteurs tels que l'âge, le sexe, le statut socioéconomique et les actes de violence antérieurs, devront devenir la norme. Tant que de telles études n'auront pas été réalisées, il n'existera aucune preuve scientifique nous autorisant à conclure qu'il existe un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violence.

Le manque de littérature incorporant la perspective des personnes souffrant d'une maladie mentale doit aussi être mentionné. Les opinions du consommateur et de la famille enrichiraient l'examen de la violence telle qu'elle est vécue par ces personnes dans la collectivité et en milieu hospitalier, ainsi qu'entre pairs. Du travail reste à faire dans ce domaine.

En passant en revue la recherche parue dans le cadre de la présente analyse critique, les auteurs en sont venus à s'interroger sur la considération qui est accordée aux questions suivantes, même s'il ne s'agit pas là de l'objet principal de la présente analyse :

  • le dépistage approprié de la maladie mentale et des toxicomanies chez les délinquants incarcérés dans des établissements correctionnels;

  •  
  • la gestion des comportements troublants souvent manifestés par les malades mentaux à l'égard des membres de leurs familles; de telles méthodes sont maintenant employées dans les milieux hospitaliers;

  •  
  • l'accès convenable aux ressources communautaires pour les patients ex-psychiatrisés qui vivent dans la collectivité;

  •  
  • le caractère adéquat des traitements pour les malades mentaux dans les milieux correctionnels et communautaires.
1
Introduction

Cadre de référence :

L'étude objective et systématique de la relation entre la maladie mentale et la dangerosité constitue un élément essentiel de l'élaboration de politiques pertinentes et efficaces pour la prestation de services de santé mentale (Davis, 1991). Cette affirmation est vraie peu importe si le service est requis au sein de la collectivité, en milieu correctionnel ou au sein du système de santé mentale. Les preuves à l'appui d'une relation entre la maladie mentale et la violence est aussi un élément critique du débat concernant l'utilisation appropriée de l'hospitalisation imposée, la conception de contrôles communautaires de la violence chez les malades mentaux (Mulvey, 1994) et le besoin utilitaire de comprendre les conséquences sociales des politiques de désinstitutionnalisation (Mulvey, Blumstein et Cohen, 1986).

Au cours de la période post-désinstitutionnalisation, les attitudes négatives et les craintes de la collectivité, qu'alimentaient en partie les rapports médiatiques sélectifs, se sont avérées l'obstacle le plus persistant à la réalisation des objectifs en matière de traitement communautaire (Rabkin, 1979; Steadman, 1981). De plus, la restructuration actuelle du système de santé, qui s'opère dans toutes les régions du Canada, exercera une pression sans précédent sur les programmes psychiatriques des hôpitaux généraux et sur les établissements psychiatriques pour que ceux-ci dirigent encore davantage les malades mentaux vers la collectivité et réduisent de façon draconienne la durée des séjours subséquents, voire même l'accès aux soins actifs.

Même si les groupes de défense des malades mentaux et les chercheurs se sont toujours opposés à l'allégation selon laquelle les malades mentaux sont violents (p. ex. Monahan et Steadman, 1983), de récents examens de la littérature rédigés par d'éminents chercheurs du domaine (p. ex. Monahan 1993, Torrey, 1994) laissent maintenant entendre qu'il se peut qu'il y existe un lien causal entre la maladie mentale et la violence, particulièrement chez certains sous-groupes de malades mentaux. Face à cette seconde grande vague de désinstitutionnalisation et à ce regain de controverse scientifique, il est opportun de poser la question suivante : existe-t-il des preuves scientifiques convaincantes pour appuyer une interprétation causale de la relation entre la maladie mentale et la violence.?

La direction générale de la promotion et des programmes de santé de Santé Canada a commandé le présent examen critique sur le sujet. Le projet a été guidé par un comité consultatif composé de représentants de l'unité de la santé mentale de Santé Canada, de l'Association canadienne pour la santé mentale, de l'Association des psychiatres du Canada, de la Société John Howard du Canada, du Réseau national pour la santé mentale et de la Société canadienne de schizophrénie.

La recherche a été menée par des épidémiologistes spécialisés en psychiatrie du Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé de Calgary pour la recherche et la formation en santé mentale, qui est situé en Alberta, au Canada. Ce projet apporte un complément à la méta-analyse menée par le Solliciteur général du Canada sur des facteurs qui permettent de prévoir la récidive chez les délinquants atteints de troubles mentaux. Les résultats seront disponibles dans les prochains mois.

Lecteurs cibles :

Même si les questions abordées dans le présent rapport intéressent les prestateurs de services de santé mentale, les malades mentaux et leurs familles, et même si tous les efforts ont été déployés afin d'éviter le jargon inutile, le présent rapport pourrait être davantage à la portée des personnes qui ont une certaine connaissance des concepts scientifiques. Un glossaire (Appendice B) a été ajouté au document afin d'aider les lecteurs non spécialisés à comprendre les termes clés et un document compagnon rédigé en termes non techniques est en préparation.

Définition des termes

Maladie mentale grave:

Pour que le résultat du présent examen soit utile au plus grand nombre de personnes possible, des études portant sur divers troubles mentaux, notamment des affections comme la schizophrénie, les états dépressifs majeurs, la toxicomanie et les troubles de la personnalité, ont été examinées. L'ensemble de la littérature examinée reposait sur le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, troisième édition, révisée (DSM-III-R) comme nosologie diagnostique standard (American Psychiatric Association, 1987). Cependant, les études inspirées de versions plus anciennes de cette nosologie ou d'une autre nosologie n'ont pas été exclues de la présente étude.

Pour effectuer la recherche informatisée visant la collecte des articles portant sur la violence chez les personnes atteintes d'une maladie mentale grave, certains mots-clés ont été employés, notamment :

mental disorder (trouble mental)
mental illness (maladie mentale)
mentally ill offenders (délinquants atteints de troubles mentaux)
psychiatrie patients (patients psychiatriques)

Violence :

Dans l'ensemble de la littérature, le terme «violence» a été utilisé dans un sens très large pour désigner une vaste gamme de comportements, dont les actes comportant une agression physique, des gestes ou des propos menaçants, de la violence psychologique ou émotive, des dommages matériels, le suicide et l'automutilation. Le présent examen est axé sur la violence dirigée contre autrui, par opposition à la violence exprimée contre soi-même. Dans le présent document, la violence dirigée contre autrui a été largement conceptualisée pour refléter les comportements qui se veulent intentionnellement menaçants pour autrui ou qui infligent effectivement des blessures physiques à une autre personne. Nombre de chercheurs ont mesuré la violence en se reportant à des actes criminels menant à une arrestation ou à une condamnation pour crime avec violence.

 Nous avons choisi une définition qui restreint le sens du mot aux actes de violence physique contre une autre personne pour un certain nombre de raisons. Premièrement, s'il existe un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence, c'est dans les manifestations extrêmes de la violence que ce lien devrait être le plus facile à déceler. Deuxièmement, comme la fréquence de la violence physique peut être établie avec plus de précision, il est probable que cette forme de violence soit définie et analysée d'une manière plus uniforme d'une étude à une autre.

La stratégie de recherche comportait l'utilisation de plusieurs synonymes du terme «violence» :

 violence (violence)
aggression (agression)
dangerous (dangereux)
violent behaviour (comportement violent)
assault (voies de fait)
crime (crime)
criminality (criminalité)
battery (coups et blessures)
Stratégie de recherche :

Nous nous sommes intéressés principalement aux articles examinés par des pairs qui ont été publiés au cours des dix à quinze dernières années car ils représentent l'essentiel des études pouvant fournir le portrait le plus récent des populations de malades mentaux. Nous nous sommes aussi intéressés aux articles présentant un intérêt particulier, à ceux ayant un contenu informatif ainsi qu'aux études dites «classiques». De même, bien que nous nous soyons concentrés surtout sur l'examen des études empiriques quantitatives, nous avons aussi inclus les études qualitatives et les examens de la littérature clés.

La recherche informatisée a commencé par une consultation structurée de quatre bases de données (PsychLit, Index Medicus, Sociofile, et le fonds documentaire sur la psychiatrie légale du Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé de Calgary) comportant de la littérature examinée par les pairs dans les domaines de la psychologie, de la sociologie, du droit, de la criminologie, de la médecine, de la philosophie, de la psychiatrie, de la psychiatrie légale et de l'épidémiologie. Nous avons limité notre analyse critique aux revues et aux textes examinés par des pairs, qui sont réputés respecter les normes minimales de validité scientifique. Les articles ont été examinés en anglais, en français et en espagnol. Les articles rédigés dans une langue autre que l'anglais qui ont été jugés pertinents pour fins d'inclusion dans la bibliographie commentée ont été annotés en anglais. En outre, comme nous nous sommes rendus compte que de nombreux articles pertinents (par exemple, Adams, Power, Frederick et Lefebvre, 1994) ne figuraient pas dans les systèmes informatisés de bibliographie, nous avons consulté les listes de références des articles pour trouver d'autres publications pertinentes.

Les différents mots-clés indiqués ci-dessus, utilisés pour désigner la maladie mentale et la violence, nous ont permis d'en arriver à 32 différentes combinaisons de recherche par base de données. À mesure que notre recherche avançait et que nous pouvions déterminer les mots-clés les plus utiles, il a été possible de limiter progressivement la stratégie de recherche. Par exemple, il nous est apparu clairement après la première recherche que le terme anglais «battery» était généralement utilisé pour désigner les batteries de tests psychologiques. Nous avons donc laissé tomber ce terme. Certaines bases de données (comme l'index Medicus) utilisent moins de synonymes de maladie mentale et de criminalité, de sorte que nous avons pu réduire le nombre de combinaisons de recherche.

Nos recherches informatisées à l'aide des combinaisons de mots-clés nous ont permis de recueillir plus de 5 500 citations, qui se rapportaient à quelque 8 000 auteurs, 8 600 mots-clés et 940 revues publiées sur une période d'environ trente ans. Pour que ce volume de données puisse être géré, les références complètes et tous les résumés disponibles ont été téléchargés vers un ordinateur de table équipé d'un logiciel spécialisé. Ce logiciel s'est avéré un outil indispensable car il nous a permis de repérer et d'éliminer les références en double dans les différentes bases de données et de produire des listes.

Une liste de citations et de résumés d'étude complets a été produite au terme de la première étape de l'examen critique. Deux membres de l'équipe de recherche ont examiné cette liste indépendamment l'un de l'autre pour s'assurer qu'aucune référence pertinente n'avait été oubliée. Nous nous sommes ensuite procuré des copies de ces articles pour en faire un examen critique plus détaillé. Grâce aux ressources documentaires des bibliothèques locales, nous avons eu accès aux principales revues nord-américaines et européennes. Grâce à des prêts interbibliothèques, nous avons pu consulter les publications les moins accessibles.

À partir des 5 500 citations recueillies à l'origine, nous avons retenu quelque 400 articles et nous les avons examinés en détail selon des critères épidémiologiques standard. Les articles mentionnés dans la bibliographie commentée constituent, à notre avis, les principales publications dans le domaine.

Stratégie d'examen critique :

Eu égard aux torts que pourrait causer une affirmation prématurée et non démontrée suggérant l'existence d'un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence, nous avons adopté une approche scientifique rigoureuse et prudente qui nous permet de conclure à l'existence de ce lien uniquement: a) à la lumière des preuves convaincantes à l'appui de cette thèse, provenant d'études bien conçues et exécutées et b) compte tenu du fait qu'il n'existe aucune preuve convaincante infirmant cette thèse.

Nous avons adopté un cadre épidémiologique pour trouver la réponse à la question fondamentale de causalité. L'épidémiologie étudie l'apparition des maladies et des problèmes de santé au sein des populations humaines ainsi que les facteurs qui sont à l'origine de ces maladies ou problèmes ou qui sont susceptibles d'exercer une influence sur leur évolution (Lilienfeld et Stolley, 1994). Des tribunaux américains ont déclaré que les affirmations les plus crédibles sur les liens de causalité établis à l'égard des populations humaines provenaient des résultats des études s'inspirant de critères épidémiologiques (p. ex., Brock contre Merrell Dow Pharmaceuticals, 1989; Daubert contre Merrell Dow Pharmaceuticals, Inc., 1993).

Les épidémiologistes souscrivent à une hiérarchie de preuves où les associations statistiques établies dans le cadre d'études de cohorte bien conçues et exécutées sont les plus crédibles. Ces études définissent les sujets en fonction de la présence ou de l'absence de maladie mentale et suivent deux ou trois groupes dans le temps afin de comparer les résultats obtenus. Les modèles d'études cas-témoins qui définissent les sujets en fonction des résultats (p. ex., la présence ou l'absence de violence) pour ensuite recueillir des données rétrospectives sur la présence ou l'absence de maladie mentale peuvent fournir des preuves convaincantes, mais ne sont habituellement pas jugées assez solides pour permettre un jugement quant à un lien causal. Les sondages transversaux descriptifs sont utilisés pour poser des hypothèses à des fins de vérification supplémentaire. Puisque les données sur la maladie mentale et celles sur la violence sont recueillies simultanément, il est difficile de garantir que la maladie mentale a précédé la violence, comme il faudrait le faire pour établir un lien de causalité. C'est la raison pour laquelle les résultats des sondages ne sont jamais utilisés pour conclure à un lien de causalité.

Structure du présent rapport :

Le présent rapport comprend trois sections principales. Le chapitre 2 résume les principales constatations dégagées de la littérature selon trois grands thèmes : les études axées sur la collectivité, les études portant sur des malades mentaux et les études portant sur des détenus. Ce chapitre a pour objet de décrire les associations statistiques clés qui ont été signalées dans la littérature. Les associations statistiques qui sont fortes et qui ressortent de façon consistante dans les différents types d'études entreprises sont considérées comme les plus dignes de mention. Le chapitre 3 renferme une analyse critique des preuves permettant d'établir un lien entre la maladie mentale et la violence afin de tenter de déterminer si les associations statistiques signalées dans la littérature respectent les critères causalité établis. L'appendice A est la bibliographie commentée des articles, consultés pour préparer le présent rapport. Il convient de noter que les articles sont présentés selon les thèmes suivants : population visée (études dans la collectivité, études portant sur des malades psychiatriques, études portant sur des détenus), autres études empiriques d'intérêt, et rapports de synthèse. Sous chaque grand thème, les articles sont présentés par ordre alphabétique, selon l'auteur et le titre. Pour aider les lecteurs qui n'ont pas de formation scientifique à faire des comparaisons pertinentes entre les articles, nous avons procédé à un examen critique de toutes les études empiriques et nous les avons résumées selon un mode de présentation uniformisé : a) objectif, b) méthode de recherche, c) lieu, d) sujets, e) mesures, f) principaux résultats, g) conclusions, h) critique de la méthode et i) causalité. L'appendice B comprend un court glossaire des termes techniques clés.
 
2
Sommaire des
principales
constations

Les chercheurs ont abordé l'étude de la maladie mentale et de la violence dans un certain nombre de perspectives différentes, et ce, selon leur accès aux populations de la collectivité, de malades mentaux ou du milieu carcéral. Cette démarche a engendré un important corpus de recherche. Le premier objectif que nous nous fixons ici est de résumer les résultats de ces études afin de comprendre les associations statistiques entre la maladie mentale et la violence qui ont été signalées dans ces diverses populations. Le deuxième objectif, abordé dans le prochain chapitre, est d'entreprendre une évaluation critique de la mesure dans laquelle ces résultats peuvent être utilisés pour appuyer l'existence d'une relation étiologique (c'est-à-dire causale) entre la maladie mentale et la violence.

Études dans la collectivité

Échantillons de la population générale:

Deux études ont compris des enquêtes de la population auprès d'échantillons représentatifs d'adultes vivant dans la collectivité - une étude canadienne, menée auprès de 1 200 Edmontoniens (Bland et Orn, 1986), et une étude américaine, portant sur 10 059 sujets de trois des cinq sites de zones de recrutement aux fins des enquêtes épidémiologiques (Swanson, Holzer, Ganju et Jono, 1990). Les auteurs des deux études ont eu recours à une technique qui est maintenant reconnue comme la méthodologie des zones de recrutement à des fins d'enquêtes épidémiologiques. Il s'agit de la méthodologie qui caractérise les enquêtes épidémiologiques entreprises à cinq sites aux États-Unis. Présentement considérée comme la technique de fine pointe dans les enquêtes psychiatriques épidémiologiques, l'approche des zones de recrutement à des fins d'enquêtes épidémiologiques a recours à des échantillons importants et représentatifs, à un questionnaire d'entrevue diagnostique (le Diagnostic Interview Schedule ou DIS) administré par des enquêteurs non spécialisés, ainsi qu'à la compilation informatisée des résultats pour en arriver aux catégories de diagnostic du DSM-III-R. Dans le cadre de ces deux études, on a utilisé des questions du DSM pour mesurer la violence physique, comme le fait de frapper un conjoint ou un partenaire ou de lui lancer des objets, le fait d'avoir donné une fessée à un enfant ou de l'avoir frappé, le fait de s'être battu à coups de poing avec une personne autre qu'un conjoint depuis l'âge de 18 ans, le fait de s'être servi d'une arme depuis l'âge de 18 ans, et le fait de s'être battu après avoir consommé de l'alcool.

Les deux études font état d'associations statistiques entre la violence et les troubles mentaux, même si ni l'une ni l'autre de ces deux études ne soit arrivée à clarifier l'ordre temporel des facteurs. Au Canada, trois catégories de diagnostic ont été étudiées : les troubles de la personnalité antisociale, la dépression grave, et l'abus de l'alcool et la toxicomanie. En tout, 54,5 p. 100 des personnes présentant un diagnostic avaient des comportements violents, comparativement à 15,5 p. 100 de celles ne présentant pas de diagnostic. Les personnes présentant un ou plus d'un de ces diagnostics étaient près de sept fois plus susceptibles de se livrer à de la violence que les personnes ne souffrant d'aucun de ces troubles. Plus particulièrement, le risque de violence était fort élevé chez les personnes chez qui un trouble comorbide d'abus de l'alcool avait été diagnostiqué. Quand à l'alcool s'ajoutait un trouble de la personnalité antisociale ou la dépression, ou les deux, l'incidence de violence passait à 80 à 93 p. 100. Aux États-Unis, plus de la moitié des personnes ayant rapporté des comportements violents au cours de l'année précédente satisfaisaient aux critères de trouble psychiatrique, comparativement à 19,6 p. 100 chez les non-violents. Les pourcentages de violence élevés relevés chez les toxicomanes, allant de 19,2 à 34,7 p. 100, variaient selon la nature de la toxicomanie. Les membres de la collectivité respectant les critères de diagnostic pour tout trouble psychiatrique étaient plus susceptibles de se livrer à des actes d'agression et de violence, comparativement aux personnes qui ne respectaient pas ces critères. Cependant, dans certaines catégories de diagnostic, comme le syndrome d'anxiété non comorbide, les troubles affectifs ou la schizophrénie, on a relevé aucun risque de violence, sinon un risque légèrement élevé. Inversement, les personnes souffrant de toxicomanies présentaient un risque très élevé de violence et semblaient aussi commettre des actes de violence plus graves. Ces résultats révèlent que la crainte qu'inspire au public les schizophrènes qui vivent dans la collectivité n'a pas grande raison d'être, sans pour autant n'avoir aucun fondement. Les citoyens risquent davantage d'être agressés par une personne souffrant de toxicomanie que d'une maladie grave, comme la schizophrénie.

Les deux études donnent à penser que les citoyens sont plus susceptibles d'être victimes de voies de fait de la part d'une personne qui souffre de toxicomanie que de la part d'une personne atteinte d'un trouble mental grave comme les troubles affectifs, le syndrome d'anxiété ou la schizophrénie. En utilisant les mêmes données tirées des enquêtes épidémiologiques de zones de recrutement, Swanson (1993) a vérifié une fois de plus l'hypothèse selon laquelle la relation entre la maladie mentale et la violence pouvait s'expliquer largement par l'association entre l'abus d'alcool et la violence. Les maladies mentales non compliquées par l'abus de l'alcool étaient associées à un certain risque accru de violence. Cependant, l'importante augmentation apparente de la violence chez les sujets de sexe masculin plus jeunes et de statut socioéconomique inférieur a été jugée largement attribuable à la prévalence accrue de l'abus de l'alcool et à la comorbidité dans ce groupe. Il a été constaté que des antécédents d'arrestations et l'hospitalisation psychiatrique étaient associés à une probabilité accrue que la personne soit violente.

Contacts entre policiers et citoyens :

Les policiers jouissent de pouvoirs discrétionnaires considérables en ce qui concerne le traitement des malades mentaux qui peuvent présenter une conduite désordonnée lorsqu'ils sont dans la collectivité. Ils peuvent demander l'internement d'une personne dans un établissement psychiatrique pour une évaluation ou un traitement, ou ils peuvent procéder à une arrestation. Monahan, Caldeira et Friedlander (1979) ont montré que dans 30 p. 100 des internements demandés par les policiers, ceux-ci auraient pu procéder à une arrestation. Ils ne l'ont pas fait parce qu'ils estimaient que la personne n'avait pas l'intention criminelle de commettre l'acte en question ou queue tirerait profit d'un traitement. La désinstitutionnalisation et les changements d'ordre législatif ont augmenté la centralité de la police vis-à-vis du traitement des malades mentaux. Bonovitz et Bonovitz (1981) ont démontré que le nombre d'incidents liés à la maladie mentale dans lesquels la police est intervenue ont augmenté de 200 p. 100 entre 1975 et 1979, après que des changements d'ordre législatifs eurent permis aux agents de faciliter la mise à l'écart des malades mentaux de la collectivité.

Teplin (1985) a observé une sélection au hasard de 283 policiers dans leurs interactions quotidiennes avec le public. Une liste de vérification des symptômes a été utilisée pour évaluer la présence et la gravité de troubles psychiatriques chez les personnes entrant en contact avec la police. Les contacts entre policiers et malades mentaux étaient rares (dans 4 p. 100 des 2 122 personnes rencontrées). Les malades mentaux n'étaient que légèrement plus susceptibles d'être considérés comme des suspects que les personnes non atteintes de troubles mentaux. Dans le cas des individus considérés comme de suspects, il n'y avait pas de lien entre le genre de crime commis et le fait que le sujet soit atteint ou non d'un trouble mental. Le taux d'infractions graves commises par les personnes atteintes de troubles mentaux n'était pas disproportionné à leur nombre. Les manifestations de la criminalité chez les suspects atteints de troubles mentaux étaient en grande partie semblables à celles observées chez les suspects non atteints de troubles mentaux.

Arbodela-Flórez et Holley (1988), qui se sont penchés sur les contacts entre policiers et citoyens à Calgary, au Canada, ont fait état de résultats semblables. Les sujets étudiés étaient 350 personnes qui étaient entrées en contact avec la police au cours d'une période de deux semaines. Les policiers ont évalué le comportement observable des sujets sur une échelle dont l'une des extrémités correspondait à un comportement normal et l'autre, à un comportement très anormal. Les circonstances des rencontres étaient également prises en considération. Les policiers devaient ensuite indiquer ce qu'ils estimaient être la cause du comportement anormal observé, c'est-à-dire l'alcool, la drogue, une maladie mentale ou autre chose. Les sujets qui paraissaient être des malades mentaux aux yeux des policiers n'avaient pas commis un plus grand nombre de crimes contre la personne ou contre les biens ni de crimes d'une autre nature, comparativement aux sujets que les policiers avaient jugés normaux.

Études portent sur des patients psychiatriques :

La violence physique dans les hôpitaux a été signalée dans près de 20 p. 100 des échantillons étudiés (p. ex. Lagos, Perimutter et Saexinger, 1977; Binder, McNeil et Binder, 1988). Généralement, un petit nombre de patients (p. ex. 5 p. 100) sont jugés responsables d'un peu plus de la moitié de tous les incidents violents et de plus de la moitié des blessures graves (Convit, Isay, Otis et Volavka, 1990; Fottrell, 1980). Les patients ayant des symptômes psychotiques, plus particulièrement la paranoïa, ont été jugés comme étant plus susceptibles de se livrer à une agression physique contre autrui (Noble et Rodger, 1989; Kennedy, 1993; McNeil et Binder, 1994). Chez les patients psychogériatriques, il a été démontré que la démence était reliée à un comportement agressif et violent (Patel et Hope, 1992). Dans le cadre d'une étude sur la population psychiatrique non hospitalisée, Tardiff et Koenigsberg (l985) signalent que 5 p. 100 des sujets avaient commis une a agression physique envers d'autres personnes quelques jours avant les évaluations et que les membres de leur famille représentaient plus de la moitié des victimes. L'agressivité a été associée au fait d'être un homme, d'avoir moins de 20 ans, d'avoir fait l'objet d'un diagnostic de trouble mental durant l'enfance ou l'adolescence ou de souffrir d'un retard mental.

Straznickas, McNiel et Binder (1993) ont constaté que 19 p. 100 des patients (113 sur 581) dans un service de psychiatrie interne en milieu universitaire, verrouillé, pour soins de courte durée avaient physiquement agressé quelqu'un dans les deux semaines précédant leur hospitalisation et que 31 des patients qui étaient agressifs avaient attaqué plus d'une personne. Des 113 malades qui ont attaqué une personne, 50 avaient attaqué des personnes autres que les membres de leur famille, 10 avaient attaqué et des membres de la famille et des personnes autres que celles-ci, et 53 avaient agressé des membres de la famille. Malheureusement, aucun groupe témoin n'a été utilisé. C'est donc dire qu'il n'est pas clair si les parents d'un malade mental sont plus susceptibles d'être la cible de la violence, comparativement aux parents des personnes non atteintes d'un trouble mental.

Il a été constaté que la violence et les comportements suscitant la peur sont caractéristiques des exacerbations aiguës d'affections chroniques comme la schizophrénie ou la manie qui peuvent nécessiter une hospitalisation. Binder et coll. (1988) ont constaté que 21 p. 100 d'un échantillon aléatoire de malades (N= 150) hospitalisés dans un établissement psychiatrique universitaire avaient agressé des personnes et que 25 p. 100 s'étaient livrés à un comportement ayant suscité la peur au cours des deux semaines précédant leur hospitalisation. Cette situation s'appliquait tout particulièrement aux malades souffrant de schizophrénie ou de manie. De plus, 13 p. 100 des patients avaient agressé d'autres patients au cours de leur admission et 32 p. 100 s'étaient livrés à un comportement ayant suscité la peur. Les patients chez qui une manie avait été diagnostiquée étaient plus susceptibles d'agresser d'autres personnes, alors que les sujets ayant un diagnostic de schizophrénie étaient plus susceptibles d'adopter un comportement suscitant la peur. Ces constatations mettent en relief l'importance du contexte comme facteur influant sur l'expression de comportements violents.

Il semblerait que le taux de violence chez les malades hospitalisés soit à la hausse. Par exemple, Noble et Rodger (1989) font état d'une augmentation des incidents violents survenus dans les hôpitaux entre 1976 et 1984. De façon semblable, Volavka et coll. (1995) signalent une tendance à la hausse de la prévalence des arrestations de patients psychiatriques relativement à des incidents commis au cours de leur séjour à l'hôpital.

Un certain nombre d'études ont examiné la relation entre des diagnostics bien précis de violence au sein de populations de patients psychiatriques hospitalisés. La principale question soulevée dans le cadre de ce type de recherche visait à déterminer quels genres de troubles psychiatriques prédisent la violence et la criminalité chez les populations psychiatriques, et non si les troubles psychiatriques, en soi, prédisent la criminalité et la violence.

Le résultat le plus consistant et le plus frappant est peut-être l'association entre les toxicomanies (alcool et(ou) drogue) et la violence et la criminalité, ainsi que l'absence d'une association ou l'existence d'une faible association entre d'autres troubles (p. ex. la schizophrénie, les troubles affectifs ou les syndromes d'anxiété) et la violence. Dès 1974, Guze, Woodruff et Clayton montraient que des patients souffrant de sociopathie et de toxicomanie avaient été reconnus coupables de crimes, ce qui avait amené les auteurs à conclure que la sociopathie, l'alcoolisme et la toxicomanie constituaient les principaux troubles psychiatriques associés aux crimes graves. Des constatations semblables ont été signalées dans des études plus récentes (Holcomb et Ahr, 1988, Modestin et Ammann, 1995).

L'importance de la toxicomanie comme prédicteur de la violence tenait toujours, même lorsque les études étaient restreintes à un seul groupe diagnostique, comme les patients souffrant de ,schizophrénie. Par exemple, Cuffel, Shuway, Choulijian et MacDonald (1994) n'ont étudié que des patients chez qui la schizophrénie avait été diagnostiquée afin de déterminer si un diagnostic de toxicomanie comorbide augmentait le risque de violence subséquente. Des données ont été recueillies à partir d'un examen rétrospectif des dossiers de 103 malades non hospitalisés qui ont participé pendant six mois à des essais cliniques randomisés à une clinique de recherche sur la schizophrénie à San Francisco (États-Unis). Le comportement violent comprenait tant les dommages matériels que des actes contre autrui comme les menaces verbales de violence contre autrui, les menaces non verbales de violence contre autrui, les agressions physiques, les altercations, le fait de brandir une arme, l'utilisation d'une arme, le fait d'allumer un incendie ou la destruction de biens. Les patients qui souffraient de polytoxicomanie (alcool et drogues) étaient considérablement plus susceptibles de commettre un acte violent, même si le risque diminuait considérablement trois mois après le début de l'étude. Ces résultats concordent avec les constatations d'enquêtes communautaires faisant état d'une relation statistique entre les toxicomanies et la violence dans des échantillons représentatifs d'adultes.

Une deuxième importante constatation découlant de ce corpus de recherche est l'importance de la violence et de la criminalité antérieures lorsqu'il s'agit de prédire la violence et la criminalité futures (p. ex. Asnis, Kaplan, van Praag et Sanderson, 1994; Klassen et O'Connor, 1988a, 1988b; Lundy, Pfohl et Kuperman, 1993). Cette relation est importante à la lumière du pourcentage significatif de patients psychiatriques qui signalent des actes criminels et violents antérieurs (p. ex. Grossman, Haywood, Cavanaugh, Davis et Lewis, 1995; Holcomb et Ahr, 1988).

Cirincione, Steadman, Clark-Robbins et Monahan (1992) ont évalué la mesure dans laquelle un diagnostic de schizophrénie constituait un facteur prédicteur de la violence criminelle, après avoir contrôlé les effets des antécédents d'arrestations dans deux cohortes de patients admis à un établissement de l'état de New York, une en 1968 (N=255) et l'autre en 1978 (N=327). La Division des services de justice pénale de l'état de New York a fourni des données sur les crimes violents commis au cours des 11 années qui ont suivi l'admission du cas psychiatrique de référence. Les crimes avec violence comprenaient le meurtre, l'homicide involontaire, le viol, la tentative de viol, les voles de fait, l'enlèvement et la sodomie. Les antécédents d'arrestations présentaient une corrélation significative avec le crime violent dans les deux cohortes. En 1968, le diagnostic constituait un facteur prédicteur important des crimes avec violence. Cependant, tel n'était pas le cas en ce qui concerne la cohorte de 1978. Dans le cas des individus n'ayant pas d'antécédents d'arrestations, le diagnostic ne permettait pas de prédire un crime avec violence futur. De façon semblable, Wessely, Castle, Douglas et Taylor (1994) ont démontré un faible risque accru de criminalité chez les sujets atteints de schizophrénie, mais ce risque était atténué par les effets beaucoup plus importants d'antécédents de criminalité et de toxicomanie.

Buckley et ses collaborateurs (1990) fournissent des précisions sur les cibles probables de la violence. Ils ont étudié 698 patients chez qui une schizophrénie avait été diagnostiquée et qui avaient été hospitalisés au service de psychiatrie à Dublin, en Irlande, entre 1983 et 1988. Seize pour cent des patients s'étaient livrés à des actes de violence physique ou de destruction (c'est-à-dire contre des biens) depuis l'apparition de leur maladie. Les patients n'ayant pas d'antécédents de violence ont été jugés semblables aux patients ayant de tels antécédents en ce qui concerne la symptomatologie positive et négative et des antécédents familiaux de troubles psychiatriques. La violence était plus commune chez les sujets de sexe masculin. La plupart des incidents de violence communautaire se sont produits au domicile et comprenaient des épisodes d'endommagement du mobilier ou des agressions mineures contre des membres de la famille.

Études portant sur des détenus

Études sur la prévalence :

Un certain nombre d'études ont évalué la prévalence de la maladie mentale chez des échantillons de détenus. Interprétées dans le vaste contexte de la criminalisation des malades mentaux, ces études ont été citées pour appuyer l'hypothèse selon laquelle un grand nombre de malades mentaux ont été détournés du système de santé mentale vers le système de justice pénale. Cependant, il n'est pas clair, d'après ces études, quelle proportion des maladies mentales étaient présentes avant l'incarcération (p. ex. Allodi et Montgomery, 1975) et quelle proportion découle de la «psychiatrisation» de la criminalité (p. ex. Davis, 1992).

Deux importantes études canadiennes (Arboleda-Flórez, 1994; Bland, Newman, Dyck et Orn, 1990) fournissent des preuves fort concluantes qu'une importante proportion des personnes incarcérées souffrent de toxicomanies et de maladie mentale grave. Même si des méthodes d'évaluation des troubles mentaux différentes ont été utilisées, les deux études présentent des résultats consistants. Dans l'étude la plus récente (Arbodela-Flórez, 1994), des psychiatres légistes ont entrepris des entrevues cliniques structurées chez un échantillon aléatoire de 1 200 admissions au Calgary Remand Center. Les sujets ont été examinés au cours des premières 24 heures de détention. Un diagnostic principal, soit de l'axe I ou de l'axe II du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-III-R) a été posé chez 728 des 1 200 sujets interviewés (60,7 p. 100). La prévalence à un mois était de 49,5 p. 100 chez les femmes et de 56 p. 100 chez les hommes dans le cas d'un trouble de l'axe I et de 3,6 p. 100 chez les femmes et de 5,5 p. 100 chez les hommes dans le cas d'un trouble de la personnalité de l'axe II. Des toxicomanies avaient été constatées chez 35,7 p. 100 des femmes et chez 47,3 p. 100 des hommes. La schizophrénie n'a pas été constatée chez les femmes (ce qui tient peut-être à leur plus petit nombre dans l'échantillon) et a été enregistrée chez 1,2 p. 100 des hommes. De même, Bland, Newman, Dyck et Orn (1990) ont étudié un échantillon systématique et plus petit de 180 hommes détenus au Calgary Remand Center. L'échantillon comprenait des individus en détention provisoire et des détenus purgeant une peine de deux ans moins un jour dans un établissement provincial. À l'aide du DIS prévu pour les intervieweurs non spécialisés, ces auteurs ont constaté une prévalence sur toute une vie de tout trouble psychiatrique de 92 p. 100. Le diagnostic le plus fréquent était la toxicomanie (87 p. 100). La personnalité antisociale représentait 57 p. 100 des cas, les troubles affectifs, 23 p. 100, et la schizophrénie, 2 p. 100. Il se peut que la proportion plus forte des troubles de la personnalité dans cette étude soit fonction du DIS qui utilise des renseignements sur la criminalité dans les critères de diagnostic. Des études faisant état d'une forte prévalence de toxicomanes chez les détenus ont aussi été signalées aux États-Unis (Barton, 1982; Lamb et Grant, 1982) et au Royaume-Uni (Taylor et Gunn, 1984).

Malgré la forte prévalence de troubles mentaux chez les détenus, Teplin (1990) a démontré que le taux global de dépistage par le personnel carcéral est peut-être très faible (32,5 p. 100), ce qui indique que les détenus atteints de troubles mentaux ne bénéficient pas souvent d'un traitement. Les personnes sont plus susceptibles d'être soignées si elles avaient des antécédents de traitement (91,7 p. 100 dépistés).

Études analytiques portant sur les troubles mentaux et la violence :

Un certain nombre d'études ont tenté de déterminer si la criminalité violente pouvait être associée à la maladie mentale en général ou à un diagnostic particulier au sein de la population carcérale (McKnight, Mohr, Quinsey et Erochko, 1966; Nichol, Gunn, Gristwood, Foggitt et Watson, 1973; Siomopoulos, 1978; Ashford, 1989; Brownstone et Swaminath, 1989; Côté et Hodgins, 1992; Beaudoin, Hodgins, Lavoie, 1993; Coid, Lewis et Reveley, 1993; Raine, 1993). Cependant, ces études comportent toutes de multiples faiblesses sur le plan de la méthodologie, y compris le recours à des échantillons petits ou non représentatifs, des groupes de délinquants sélectifs comme les détenus violents ou les détenus à l'égard desquels le tribunal a ordonné une évaluation psychiatrique, ou encore, l'absence d'une population témoin. C'est donc dire que les résultats ne sont pas consistants et que toute conclusion permettant d'établir un lien entre le diagnostic et la violence au sein des populations carcérales irait bien au-delà de la portée et de la qualité des données.

Dans une importante enquête, Toch et Adams (1989) ont utilisé la technologie du couplage des dossiers pour étudier la relation entre la maladie mentale et la criminalité dans l'État de New York (États-Unis). Les dossiers informatisés de 8 379 détenus ont été appariés aux dossiers des Services de santé mentale de l'État. Les détenus étaient considérés comme souffrant d'un trouble mental si leur nom figurait dans les dossiers des Services de santé mentale. Sur le nombre de sujets n'ayant pas d'antécédents de troubles mentaux ( y compris la toxicomanie), 13,8 p. 100 avaient des antécédents de violence récente et éloignée, comparativement à 17 p. 100 ayant des antécédents de maladie mentale ou de toxicomanie. Cependant, 5,8 p. 100 des sujets présentant une combinaison d'antécédents psychiatriques et de toxicomanie avaient commis des actes de violence apparemment non motivés, comparativement à seulement 1,2 p. 100 des sujets qui n'avaient pas d'antécédents psychiatriques ou d'antécédents de toxicomanie. Même si les différences constatées sont effectivement très petites, les auteurs en sont arrivés à la conclusion que les détenus ayant des antécédents de maladie mentale ou de toxicomanie étaient plus susceptibles de commettre des actes de violence récente et éloignée, de même que des actes de violence non motivés.

Rice et Harris (1995) se sont penchés sur la récidive de violence chez des cohortes appariées de 685 personnes devant faire l'objet d'une courte évaluation psychiatrique médico-légale. La psychopathie, la schizophrénie et l'abus de l'alcool constituaient les principales variables indépendantes d'intérêt. La récidive de violence survenait chez 31 p. 100 des sujets. Les personnes respectant les critères établis pour la psychopathie (selon la liste de contrôle de psychopathie de 20 points) étaient plus susceptibles d'avoir un problème lié à l'alcool et cette combinaison était reliée à la récidive de violence. L'abus de l'alcool de façon isolée a aussi été reliée à la récidive de violence et les personnes chez qui une schizophrénie avait été diagnostiquée étaient moins susceptibles de récidiver. Malheureusement, les auteurs n'ont pas contrôlé la violence antérieure ou d'autres facteurs de risque connus comme l'âge ou le statut socioéconomique. Les résultats, au mieux, ne permettent que d'envisager l'existence d'un lien.

Inversement, Valdiserri, Carroll et Hartl (1986) ont examiné la relation entre la psychose et la criminalité chez des personnes devant se présenter à une clinique de santé mentale située dans une prison américaine. Les détenus psychotiques étaient quatre fois plus susceptibles d'avoir été accusés d'une infraction mineure. Il n'y avait aucune différence entre les groupes à l'étude en ce qui concerne les infractions violentes. De façon semblable, Hodgins et Cote (1993) se sont penchés sur la relation existant entre la maladie mentale et la criminalité violente dans un échantillon représentatif de 461 sujets détenus dans des établissements carcéraux au Québec (Canada). Au total, 107 détenus ont été définis comme étant des malades mentaux selon le DIS. Il a été constaté que ces personnes n'avaient pas d'antécédents de condamnations plus importantes ou plus violentes que des détenus ne souffrant pas de troubles mentaux.

Études de suivi portant sur des délinquants mis en liberté :

La relation entre la maladie mentale et l'adaptation subséquente dans la collectivité des délinquants mis en liberté a été étudiée minutieusement dans deux importantes études (Abram et Teplin, 1990; Feder, 1991; Teplin, Abram et McClelland, 1994). Aucune de ces études ne fait état d'une forte relation entre la maladie mentale et l'adaptation post-libération ou la récidive.

Abram et Teplin (1990) voulaient tout particulièrement déterminer si les personnes ayant des diagnostics doubles (maladie mentale et toxicomanie) allaient commettre plus de crimes avec violence que les personnes qui faisaient un abus de drogues, mais qui ne souffraient pas d'une maladie mentale. Un échantillon aléatoire de 728 délinquants libérés relevant des services correctionnels du comté de Cook (États-Unis) a fait l'objet d'un suivi de trois ans. Les données relatives à la maladie mentale et à la toxicomanie ont été recueillies à l'aide du DIS et les données sur les arrestations subséquentes ont été obtenues auprès du service de police de Chicago, du FBI et du Bureau d'enquête de l'État de l'Illinois. Les arrestations antérieures en raison de crimes avec violence et la période à risque (nombre de jours en liberté) présentaient une association positive avec la perpétration de crimes avec violence. Un trouble lié aux opiacés réduisait la probabilité d'une arrestation future pour un crime avec violence. Toutefois, les auteurs ont souligné que les données avaient été recueillies avant l'épidémie de cocaïne aux États-Unis. Les troubles mentaux (schizophrénie, dépression et trouble lié à l'alcool) ne permettaient pas de prédire des arrestations subséquentes pour crime avec violence une fois qu'eurent été contrôlées des variables comme l'âge ou l'instruction.

Par la suite, soit en 1994, Teplin, Abram et McClelland ont tenté à nouveau de déterminer, au cours d'une période de suivi de six ans, si les taux d'arrestations post-libération pour crimes avec violence chez ces délinquants étaient liés à une maladie mentale. Les personnes atteintes d'une maladie mentale grave, définie comme comprenant la schizophrénie ou des troubles affectifs graves, avaient une probabilité de 0,43 d'être arrêtées de nouveau. Les personnes souffrant de toxicomanies avaient une probabilité de 0,46. Ces différences n'étaient pas significatives sur le plan statistique et tenaient toujours lorsque les variables antécédents criminels et âge étaient contrôlées. Dans chaque groupe diagnostique, les personnes ayant des antécédents de crimes avec violence étaient deux fois plus susceptibles d'être arrêtées à nouveau au cours de la période de suivi, comparativement aux personnes n'ayant pas de tels antécédents. Les sujets ayant des antécédents d'hallucinations ou de délire n'étaient pas plus susceptibles d'être arrêtés à nouveau. Les sujets ayant des antécédents d'hallucinations ou de délire affichaient effectivement un nombre supérieur d'arrestations pour crimes avec violence, mais la différence n'était pas significative. Il s'agit d'une étude réalisée avec soin et bien décrite qui fournit des preuves concluantes infirmant l'hypothèse voulant qu'une nouvelle arrestation pour crime avec violence soit reliée au diagnostic d'un trouble psychiatrique.

Des résultats semblables sont signalés par Feder (1991) qui a comparé l'adaptation post-libération chez des délinquants souffrant de troubles mentaux (N= 147) à un groupe comparable de délinquants non atteints de troubles mentaux (N=400) au cours d'une période de 18 mois. Lorsque des techniques statistiques ont été appliquées pour contrôler les différences entre les groupes relativement aux antécédents criminels, les seuls facteurs significatifs permettant de faire la distinction entre les groupes quant aux arrestations subséquentes étaient l'âge et les arrestations antérieures. Le statut psychiatrique n'était pas important. Soixante-quatre pour cent des délinquants atteints de troubles mentaux et 60 p. 100 des délinquants non atteints de tels troubles ont été arrêtés à nouveau au moins une fois au cours de la période de suivi; 19 p. 100 des malades mentaux et 15 p. 100 des sujets normaux avaient été arrêtés pour un crime avec violence. Les délinquants souffrant de troubles mentaux étaient moins susceptibles de se voir imposer une peine d'emprisonnement et plus susceptibles d'être orientés vers le système de santé mentale.

Des enquêtes moins importantes ou moins contrôlées ont aussi été effectuées et font état d'une forte prévalence de récidive (p. ex. Guze, Goodwin et Crane, 1969; Grunberg, Klinger et Grumet, 1977; Pasewark, Bieber, Bosten, Kiser et Steadman, 1982; Hodgins et Hébert, 1984; Lindqvist, 1986; Lamb, Weinberger et Gross, 1988; Menzies et Webster, 1987; McMain, Webster et Menzies, 1989; Martel et Dietz, 1992), mais elles ne peuvent étayer un lien de causalité entre la santé mentale et la violence.

Sommaire des principales constatations :

Les antécédents de violence et de criminalité se sont révélés le plus important prédicteur de la violence et de la criminalité, autant chez les schizophrènes que les toxicomanes.

Jusqu'ici, il n'existe aucune preuve consistante pour appuyer l'hypothèse selon laquelle la maladie mentale (p. ex. la schizophrénie ou la dépression) qui n'est pas aggravée par la toxicomanie constitue un important facteur de risque de la violence ou de la criminalité, une fois les antécédents de violence contrôlés.

Le risque de comportement violent, chez les schizophrènes, dépend en partie du contexte et de la présence de symptômes psychotiques. Ainsi, on a constaté que les personnes atteintes de schizophrénie sont quelque peu plus susceptibles de commettre des actes violents quand elles sont dans la collectivité, particulièrement quand elles sont la proie de symptômes psychotiques. Inversement, l'incidence de comportement violent est basse parmi les patients atteints de schizophrénie hospitalisés qui prennent les neuroleptiques nécessaires.

Les incidents violents chez les malades mentaux hospitalisés se multiplient peut-être. Cependant, c'est habituellement un petit nombre de ces malades, d'ordinaire ceux présentant des symptômes psychotiques aigus ou une démence, qui ont été jugés responsables de la majorité des incidents violents. La plupart des incidents violents menant à une hospitalisation surviennent au domicile et comprennent des épisodes d'endommagement du mobilier ou de voies de fait sur des membres de la famille.

Les malades mentaux qui ont déjà été hospitalisés sont peut-être plus susceptibles d'être arrêtés ou violents quand ils sont libérés dans la collectivité, particulièrement s'ils ont déjà été arrêtés, qu'ils ont des antécédents violents ou qu'ils souffrent de symptômes psychotiques.

Les proches (et non le grand public) sont les victimes les plus probables des actes violents que posent des malades mentaux autrefois hospitalisés et maintenant relâchés dans la collectivité.

La toxicomanie semble constituer un important facteur de risque de la violence et de la criminalité au sein de la collectivité, chez les malades hospitalisés et chez les détenus. Un membre du grand public risque peu d'être victimisé par une personne souffrant d'un trouble non lié à la toxicomanie.

Des études portant sur les contacts entre policiers et citoyens et menées au Canada et aux États-Unis montrent une similarité dans les types de criminalité chez les malades mentaux et chez les personnes ne souffrant pas de maladie mentale qui ont des démêlés avec la police. Les malades mentaux ne sont pas plus susceptibles d'être accusés d'un crime avec violence que ne le sont les personnes ne souffrant pas de maladie mentale.

La prévalence des troubles liés à la toxicomanie et des troubles mentaux est forte chez les détenus en détention provisoire et chez les détenus des établissements provinciaux. Et pourtant, le taux global de dépistage des maladies mentales par le personnel correctionnel semble être très faible. On a expliqué la forte prévalence des troubles mentaux chez les détenus en évoquant la «criminalisation» des comportements causés par des troubles mentaux, la «psychiatrisation» du comportement criminel et la nature pathogène des milieux carcéraux.

De façon générale, l'adaptation des détenus après leur mise en liberté ne semble pas être reliée à d'importantes maladies mentales (comme la schizophrénie ou la dépression) ou à des troubles liés à la toxicomanie lorsque sont contrôlés les antécédents de criminalité et l'âge.

Le plus souvent, les personnes qui sont plus jeunes sont exposées à un plus grand risque de violence et de criminalité.
 
3
Examen critique :
Y a-t-il un lien de cause
à effet entre la maladie
mentale et la violence?

Dans le chapitre précédent, on a résumé les principaux liens statistiques entre la maladie mentale et la violence signalés dans la littérature. Cependant, la compréhension de ces liens ne constitue que la première étape d'une évaluation critique de la question qui nous intéresse, c'est-à-dire : Y a-t-il un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violence? Une rigoureuse démarche logique qui va au-delà des associations statistiques démontrées s'impose si nous voulons porter des jugements concernant les mécanismes de causalité. L'épidémiologie fournit un tel cadre (Lilienfield et Stoley, 1994) qui sera appliqué pour déterminer s'il y a suffisamment de preuves pour conclure que la maladie mentale est une cause de violence.

Commençons par prendre connaissance d'un passage maintes fois cité, tiré d'un article que Monahan et Steadman ont publié en 1983, article qui est devenu classique, dans lequel les auteurs donnent le compte rendu de leur examen de la littérature. Jusqu'à récemment, cet article représentait pour les dispensateurs de soins de santé mentale aussi bien que les scientifiques la référence par excellence pour comprendre la relation entre la maladie mentale et la violence

Notre examen nous amène à conclure que les relations entre la criminalité et la maladie mentale peuvent s'expliquer en grande partie par les caractéristiques démographiques et historiques que les deux groupes ont en commun. Lorsque des contrôles statistiques appropriés sont appliqués pour tenir compte des facteurs tels que l'âge, le sexe, la race, la classe sociale et les placements antérieurs en établissement, les relations observées entre la criminalité et la maladie mentale, quelles qu'elles soient, tendent à disparaître [cité dans Monahan, 1993, p. 287].En 1993, Monahan a révisé sa position et en est arrivé à la conclusion inverse : Je crois maintenant que cette conclusion est, à tout le moins, prématurée et qu'elle pourrait fort bien être fausse pour deux raisons. Premièrement, le fait d'appliquer des contrôles statistiques pour éliminer les effets de facteurs tels que la classe sociale et les placements antérieurs en établissement, qui sont fortement reliés à la maladie mentale, présente plusieurs problèmes. Par exemple, dans certains cas, la maladie mentale amène le sujet qui en est atteint à descendre dans l'échelle sociale (peut-être parce que sa psychose se manifeste au travail) et aussi à devenir violent. Ainsi, le fait de contrôler la variable  «classe sociale inférieure» contribue, dans une certaine mesure qu'on ne peut encore déterminer, à atténuer la relation qui serait observée autrement entre la maladie mentale et la violence. Si, dans d'autres cas, la maladie mentale amène le sujet à commettre des actes de violence répétés et, par conséquent, à être placé en établissement, le fait de contrôler la variable  «placements antérieurs en établissement» a aussi pour effet de contribuer, dans une certaine mesure qu'on ne peut encore déterminer, à masquer la relation qui serait observée autrement entre la maladie mentale et la violence (Monahan, 1993, p. 287-288).Deux points ressortent clairement de ces passages. Premièrement, l'idée que les chercheurs se font de la relation entre la maladie mentale et la violence a changé. Deuxièmement, la plus grande partie des résultats observés sous la forme d'associations statistiques entre la maladie mentale et la violence dépendra dorénavant de certains détails techniques, dont la façon dont l'âge, le sexe et le statut socioéconomique devraient être considérés comme des facteurs dans l'analyse statistique. Le cadre épidémiologique que nous avons adopté pour notre examen permettra d'éclaircir ces questions et de mettre en lumière les principales sources d'erreur dans les études de cette nature.

Contrôle des facteurs de confusion :

Il se produit un facteur de confusion lorsque les effets d'au moins deux facteurs sont confondus dans une série de données, rendant ainsi difficile la constatation des effets de la relation principale à l'étude, ou déformant effectivement de tels effets (Last, 1988). La mesure dans laquelle toute variable sera considérée comme un facteur de confusion dépendra de la façon dont l'enquêteur comprend le mécanisme de causalité à l'étude. Par exemple, Monahan (1993) explique l'action causale de la maladie mentale sur la violence en proposant une théorie dans laquelle le statut socioéconomique serait un facteur intermédiaire dans la chaîne causale hypothétique entre ces deux variables. Selon Monahan, les personnes chez qui une maladie mentale grave apparaît descendent dans l'échelle sociale, car leur maladie altère progressivement leur capacité de travailler. Lorsque le statut socioéconomique est traité comme une conséquence de la maladie mentale, Monahan a raison lorsqu'il soutient que le fait d'appliquer des contrôles statistiques pour éliminer les effets de la variable statut socioéconomique peut fausser considérablement les résultats. Tout facteur qui représente une étape plausible dans la chaîne causale à l'étude ne peut être considéré comme étant superflu dans l'analyse et les effets de ce facteur ne devraient pas être éliminés au cours de l'analyse (Rothman, 1986). Malheureusement, ce problème n'est pas si facilement réglé du fait que, dans certains cas, il se peut qu'une détérioration du statut socioéconomique ne se produise pas ou ne soit pas attribuable à la maladie mentale. C'est donc dire que la mesure dans laquelle le contrôle du statut socioéconomique déformerait les résultats serait fonction, en partie, de la population ` l'étude. En cas de doute quant au caractère causal d'un facteur, le chercheur prudent peut évaluer la relation entre la maladie mentale et la violence avec et sans contrôles statistiques à l'égard du statut socioéconomique afin de comparer les différences entre les résultats obtenus dans les deux cas.

Monahan soulève à tort le même argument dans le cas d'autres facteurs comme l'âge ou le sexe. Or, pour que ces deux variables puissent être considérées comme des facteurs intermédiaires, il faudrait qu'elles soient causées par la maladie mentale, ce qui est tout à fait invraisemblable. Toutefois, comme il a été établi que tous ces facteurs sont statistiquement associés à la violence, ils risquent de nous empêcher de tirer des conclusions valables au sujet de la relation entre la maladie mentale et la violence, selon la façon dont ils sont représentés dans l'étude et dans les groupes témoins. Par exemple, si le groupe de malades mentaux à l'étude comprend aussi un nombre disproportionné de jeunes hommes enclins à la violence, une simple comparaison du groupe à l'étude et du groupe témoin indiquerait qu'il y a une association statistique entre la maladie mentale et la violence. En fait, cette association apparente pourrait s'expliquer par l'effet combiné des variables âge et sexe. Pour évaluer la relation réelle entre la maladie mentale et la violence, il faudrait appliquer une des nombreuses techniques statistiques permettant d'éliminer les effets de ces deux variables, qui constitueraient dans ce cas des facteurs de confusion. Ainsi, lorsqu'on procède à un examen critique de la littérature, il convient de considérer l'âge, le sexe ou la violence antérieure comme des facteurs de confusion qui justifient l'application de contrôles minutieux.

Source de confusion par définition :

Une autre question de première importance réside dans le fait qu'il est peut-être impossible de définir la violence indépendamment de la maladie mentale. Dans le cas d'un certain nombre de troubles mentaux décrits dans le DSM-III-R (et par la suite, dans le DSM-IV) (American Psychiatric Association, 1987, 1994), notamment la personnalité antisociale, la personnalité limite, le trouble explosif intermittent et le sadisme sexuel, le comportement violent constitue un critère diagnostique clé. Dans le cas d'autres troubles, comme la schizophrénie, le trouble bipolaire et la toxicomanie, le comportement violent est considéré dans le DSM comme un phénomène associé à la maladie, bien que ce ne soit pas un symptôme. Par conséquent, les manifestations de la violence peuvent contribuer à accroître la probabilité que ces troubles soient diagnostiqués (Swanson, Holzer, Ganju et Jono, 1990). Il s'agit alors, par définition, d'une source de confusion.

Harry (l985) a procédé à une analyse du contenu du DSM-I, du DSM-II et du DSM-III pour déterminer dans quelle mesure notre conceptualisation des diagnostics a changé et a eu un effet sur l'étude de la relation entre la maladie mentale et la violence. Il a examiné les paragraphes descriptifs et les critères diagnostiques de chaque trouble pour trouver des mots se rapportant aux comportements violents. Malheureusement, il n'a pas distingué les mots désignant la violence contre les autres de ceux désignant la violence contre soi. Les résultats de son examen nous seront néanmoins utiles ici pour exposer notre point de vue sur la question. Dans le DSM-I, six des 276 troubles répertoriés (2,17 p. 100) se rapportaient à la violence. Dans le DSM-II, neuf des 337 troubles répertoriés se rapportaient à la violence (2,67 p. 100). Dans le DSM-III, la proportion saute à 46,6 p. 100, c'est-à-dire 162 troubles sur 348. Dans 26,15 p. 100 des cas, c'est-à-dire 91 des 348 troubles, les critères diagnostiques étaient définis par des termes désignant la violence. Dans le DSM-III, les catégories diagnostiques comprenant le plus grand nombre de troubles  «violents» étaient les toxicomanies, les troubles mentaux organiques, les troubles affectifs (généralement le suicide et l'automutilation) et les troubles qui se manifestent avant l'âge adulte.

Le DSM-I a été publié en 1952, le DSM-II l'a été en 1968 et a été utilisé jusqu'en 1980 environ, année où le DSM-III a été introduit. Un certain nombre d'auteurs ont fait des observations sur le revirement en apparence inexplicable des résultats de recherche. Dans les premières études sur la relation entre la maladie mentale et la violence, les chercheurs avaient tendance à ne pas constater de liens entre les deux, alors que les études réalisées au cours des quinze dernières années ont renversé cette tendance (Link, Andrews, Cullen, 1992; Teplin, 1985). Si nous considérons que ce revirement coïncide avec l'adoption du DSM-III, la conceptualisation différente des troubles mentaux, où la notion de violence occupe une place importante, peut être à l'origine d'un grand nombre de résultats récents.

Facteur de confusion possible attribuable à certains médicaments utilisés en psychiatrie :

Enfin, un autre facteur de confusion est l'effet de certains médicaments utilisés en psychiatrie, qui entraînent un comportement agressif. Dans un article portant sur les aspects cliniques du comportement dangereux, Menuck (1983) a décrit un certain nombre de réactions iatrogènes ou paradoxales à certains médicaments utilisés en psychiatrie.

Les tranquillisants et sédatifs (p. ex. la benzodiazépine et les barbituriques) peuvent avoir un effet désinhibiteur sur l'affect et le comportement. Les réactions paradoxales à ces médicaments, dont le comportement violent, ont été observées chez des détenus, des malades mentaux et des personnes en santé qui se sont portées volontaires pour prendre ces médicaments.

Les médicaments qui peuvent produire l'hypomanie peuvent aussi entraîner un comportement agressif en activant le système nerveux central. Un comportement agressif a été observé chez des personnes traitées avec de l'imipramine et de l'amitriptyline, de la phénylzine, de la prednisone et de la bromocriptine.

Les neuroleptiques stimulent parfois l'agressivité. Ce phénomène a été observé aussi bien chez des sujets qui prenaient une faible dose que chez d'autres qui prenaient une dose élevée.

Même si une relation statistique entre la maladie mentale et la violence a pu être démontrée dans un certain nombre d'études, on ignore dans quelle mesure la violence était due à la maladie mentale plutôt qu'au traitement psychopharmacologique. Dans le contexte des soins communautaires et compte tenu de la perception qu'a le public des malades mentaux, il se peut qu'il s'agisse d'une subtilité d'une conséquence guère pratique.

Choix des sujets pour éviter tout biais de sélection :

La troisième question qui a été soulevée dans les passages que nous avons cités précédemment (Monahan, 1993) et qui mérite réflexion a trait à la procédure à suivre pour tenir compte des placements antérieurs en établissement qui peuvent avoir un lien avec la violence.

Les épidémiologistes reconnaissent cette difficulté, qui se présente au moment du choix des sujets à l'étude. Ils emploient le terme  «biais de sélection» pour désigner la distorsion des résultats pouvant découler de ce problème (Rothman, 1986). Dans le présent contexte, et comme l'exemple présenté par Monahan l'illustre bien, il y a un biais de sélection si les sujets à l'étude représentent des sous-groupes de malades mentaux qui sont plus susceptibles d'être violents.

Le biais de sélection est un problème universel dans les études qui portent sur des personnes qui suivent un traitement pour une maladie mentale, en particulier les malades mentaux hospitalisés, ou sur des personnes incarcérées pour des crimes avec violence. Étant donné que ces deux groupes peuvent être plus sujets à la violence, les études qui portent sur des malades traités peuvent entraîner une surestimation de l'effet de la maladie mentale. Ni l'un ni l'autre de ces groupes ne sont représentatifs des populations dont ils font partie (c'est-à-dire les malades mentaux d'une part et les détenus d'autre part).

Le biais de sélection est un problème insurmontable dans ces études, parce qu'il a été démontré que :
 
 
(a)
 
 
 
 

(b)

les malades mentaux prestataires de services de santé, en particulier dans les hôpitaux, peuvent être plus enclins à la violence. Les critères d'internement civil régissant l'hospitalisation psychiatrique involontaire ont été modifiés au cours des deux dernières décennies. Auparavant, ces décisions reposaient sur le jugement du clinicien, qui déterminait si le sujet avait besoin ou non d'un traitement, alors qu'aujourd'hui, eues doivent être prises selon le critère de la dangerosité (Monahan, 1984). Au Canada, l'Alberta a été la première province à adopter le critère de la dangerosité dans sa loi sur la maladie mentale (Mental Health Act) en 1972 (Davis, 1992). Les études qui font état d'une augmentation de la violence chez les malades mentaux hospitalisés concordent, chronologiquement, avec l'entrée en vigueur des lois dans lesquelles la dangerosité est le critère d'admission.
Les personnes qui entrent en contact avec la police parce qu'elles ont un comportement violent ou perturbateur peuvent être plus susceptibles de souffrir d'une maladie mentale. Certains considèrent que les critères d'internement civil plus restrictifs ont contribué de façon importante à la désinstitutionnalisation des malades mentaux, qui ne sont plus soignés dans les hôpitaux psychiatriques, mais dans la collectivité. Par exemple, aux États-Unis, entre 1955 et 1975, la population des hôpitaux psychiatriques publics a diminué de plus de 365 000 (Morrissey et Goldman, 1981). Au Canada, entre 1961 et 1976, 34 000 patients des hôpitaux psychiatriques ont réintégré la collectivité. Des tendances semblables ont été observées à travers l'Europe (Holley et Arboleda-Flórez, 1988), mais la décroissance a probablement été plus progressive (Morrissey et Goldman, 1981).

Selon une analyse récente des lois en matière de santé mentale au Canada (Arboleda-Flórez et Copithorne, 1994, mises à jour, 1995), il est clair que ces lois confèrent aux policiers un pouvoir discrétionnaire considérable sur les malades mentaux dans la collectivité. Toutes les lois provinciales en matière de santé mentale donnent aux policiers une alternative. Si l'individu semble souffrir d'un trouble mental et présenter un danger pour lui-même ou pour les autres, le policier peut décider de l'amener dans un établissement psychiatrique pour qu'il fasse l'objet d'un examen et, s'il y a lieu, d'un traitement. Ou encore, le policier peut porter une accusation et procéder à une arrestation. Des services psychiatriques peuvent alors être demandés en vertu des diverses dispositions du Code criminel applicables aux délinquants atteints de troubles mentaux (voir Kunjukrishnan et Bradford, 1985 pour plus de détails à ce sujet). Depuis que les critères d'internement civil ont été resserrés, certains ont soutenu que le recours au système de justice pénale était devenu le moyen tout indiqué de mettre les personnes atteintes de troubles mentaux à l'écart de la collectivité tout en leur donnant accès aux services de santé mentale.

L'idée selon laquelle il y aurait un «déplacement» des malades mentaux du système de santé mentale au système de justice pénale a été exposée pour la première fois en 1939 par un chercheur britannique nommé Penrose. Ce dernier a expliqué l'association apparente entre la maladie mentale et la criminalité en démontrant, avec données à l'appui, qu'il y avait une relation inverse entre les populations carcérales et les populations des hôpitaux psychiatriques dans 18 pays européens. Là où les populations carcérales étaient très importantes, les populations des hôpitaux psychiatriques étaient faibles, et vice versa. La théorie de Penrose repose sur le principe que le nombre de personnes ayant besoin de soins en établissement demeure relativement stable et qu'en fait, les malades mentaux quittent les hôpitaux psychiatriques et entrent dans les établissements correctionnels, et vice versa, selon l'évolution des normes et des politiques (Holley et Arboleda-Flórez, 1988).

Weller et Weller (1988) ont représenté graphiquement les données sur les populations des hôpitaux psychiatriques et les données sur les admissions dans les prisons en Angleterre, en 1950 et 1985. Ils ont obtenu un coefficient de corrélation de -94, ce qui indique une forte relation inverse entre les deux séries de données, confirmant la théorie de Penrose. En d'autres termes, la connaissance de la population des hôpitaux psychiatriques au cours de cette période aura permis de prévoir l'ampleur des populations carcérales, à l'exception d'un écart de seulement 11, 6 p. 100 de la population carcérale qui n'a pu être expliqué dans les prévisions. Les auteurs ont souligné qu'il est difficile d'avancer des explications convaincantes à l'égard d'une relation aussi forte, sinon en déduisant de ces résultats que les hôpitaux psychiatriques avaient relogé leurs patients dans les prisons. Les études qui n'ont pas révélé de différences entre les patients ayant fait l'objet d'un internement civil et les patients des unités médico-légales par rapport aux comportements violents (p. ex. Beran et Hotz, 1984), celles qui ont révélé des taux d'arrestation ou de condamnation élevés chez les personnes atteintes d'une maladie mentale (p. ex. Hodgins, 1992; Lindqvist et Allebeck, 1990) et celles qui ont indiqué une forte prévalence de la maladie mentale chez les détenus (p. ex. Arboleda-Flórez, 1994; Bland, Newman, Dyck et Orn, 1990; Gingell, 1991) confirment toutes la thèse selon laquelle un sous-groupe de personnes passe du système de la santé mentale à celui de la justice pénale.

La forte prévalence de la maladie mentale dans les populations carcérales au Canada (p. ex. Arboleda-Flórez, 1994; Bland et coll., 1990) a été expliquée de diverses manières bien précises. Il est possible que le taux d'arrestation chez les délinquants atteints de troubles mentaux soit disproportionné à leur nombre, comparativement au taux enregistré chez les délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux. Il est possible également que les personnes atteintes d'une maladie mentale commettent leurs crimes avec moins d'habileté ou se fassent prendre plus facilement. Ou encore, une fois qu'elles ont été arrêtées, il se peut qu'elles soient plus susceptibles de plaider coupable parce qu'elles sont incapables de se payer les services d'un avocat ou qu'elles n'en comprennent pas l'importance (Davis, 1992).

Étant donné les nombreuses explications plausibles, non étiologiques, avancées à l'égard de la forte prévalence de la maladie mentale dans les populations carcérales ou de la fréquence élevée de la violence chez les patients psychiatriques, il est clair que seules les études portant sur des échantillons représentatifs des personnes définies comme étant atteintes d'une maladie mentale ou comme étant violentes peuvent être utilisées pour établir des relations étiologiques entre la maladie mentale et la violence. Il est malheureux que les chercheurs qui ont procédé récemment à des examens de la littérature (p. ex. Monahan, 1993, Torrey, 1994) aient omis de signaler les limites de ces recherches sur le plan étiologique.

Comme Gunn (1977, p. 317) l'a fait remarquer:

Les observations sur les délinquants atteints de troubles mentaux portent généralement sur des délinquants qui sont dans des hôpitaux ou des prisons ou sur des délinquants qui ont commis des crimes graves, notamment ceux qui sont violents ou qui ont un comportement sexuel déviant. Eu égard à la complexité des questions dont nous avons parlé précédemment, cette spécificité est compréhensible, mais il ne faut jamais oublier qu'elle entraîne l'exclusion de la majorité des malades mentaux et la majorité des criminels dans ces études.Classification de la maladie mentale et de la violence (biais d'information) :

Les erreurs systématiques dans l'obtention de l'information qui est utilisée pour classer les sujets selon les facteurs reliés à la cause présumée ou à la conséquence présumée peuvent entraîner des conclusions non valides (Rothman, 1986). Par exemple, un grand nombre des chercheurs qui ont examiné la relation entre la maladie mentale et la violence se sont appuyés sur des registres d'établissement pour classer les malades mentaux à l'étude, comme les registres d'admission d'un établissement psychiatrique, ou se sont basés sur les données sur les arrestations ou les condamnations pour crime avec violence pour classer les actes de violence. Or, il est certain que ces données ne comprennent pas toutes les personnes qui souffrent d'une maladie mentale, ni tous les actes de violence. La relation entre la maladie mentale et la violence peut alors être surestimée ou sous-estimée, selon les erreurs de classification qui ont été commises (Rothman, 1986). Pour illustrer le problème de la sous-déclaration, Dietz (1981) a fait état de données indiquant que, dans les cas d'agression ne comportant ni vol ni viol, 62 p. 100 des tentatives d'agression et 46 p. 100 des agressions commises n'ont pas été signalées à la police. Lion, Synder et Merrill (l981) signalent des difficultés semblables dans les populations de malades psychiatriques.

Gunn (1977) souligne les difficultés associées au fait de s'appuyer sur des données secondaires (comme les registres d'un établissement) pour classer les sujets :

Nous savons tous que l'existence même de la maladie mentale a été mise en question et que les définitions sont extrêmement difficiles à formuler. Cependant, la plupart d'entre nous croyons, bien que nous nagions parfois dans la confusion, qu'il y a une réalité biologique de la maladie mentale et que cette réalité est une combinaison complexe de divers facteurs, certains organiques, certains fonctionnels, certains innés, certains appris et certains acquis, et que certaines maladies sont curables et que d'autres ne le sont pas. Il serait étonnant qu'une telle combinaison de facteurs ait une relation bien définie avec un paramètre social quelconque, en particulier un paramètre qui serait déterminé arbitrairement par les législateurs. Un comportement criminel est tout simplement la violation d'une loi criminelle en vigueur au cours d'une période donnée.Trop souvent, les statistiques officielles reflètent des partis pris politiques et des tendances sociales qui peuvent influer sur ces mesures et leur interprétation. Par conséquent, de nombreux chercheurs ont conclu que les données primaires recueillies dans la population générale grâce au recours à l'autodéclaration, plutôt que dans les échantillons officiels, fournissent un portrait plus exact de la nature et de l'étendue de l'activité criminelle et de la violence (Convit, O'Donnell et Volavka, 1990).

Les sondages de la population qui comprennent la collecte de données primaires permettent aux chercheurs d'éviter les problèmes reliés à l'utilisation de données secondaires, mais ils présentent eux aussi certains problèmes. La sous-déclaration peut être un problème général lorsque les chercheurs utilisent des données autodéclarées sur la violence, surtout s'il s'agit de violence contre des enfants (pour laquelle la loi prévoit des sanctions sévères) ou contre le conjoint (Swanson et coll., 1990). De plus, ce biais de déclaration peut être différent dans le cas des personnes qui souffrent d'une maladie mentale, comparativement à celles qui n'en souffrent pas. Par exemple, Convit et coll. (1990) ont examiné la validité des mesures des arrestations basées sur les déclarations faites par les patients psychiatriques à l'étude en les comparant aux données officielles sur les arrestations, et ils ont constaté que leurs mesures n'étaient que légèrement meilleures que celles quels auraient obtenues en se fiant uniquement au hasard. Sur les 41 patients à l'étude, 66 p. 100 ont fait des déclarations exactes, 12 p. 100 ont nié avoir été arrêtés alors que leur dossier indiquait qu'ils l'avaient été et 22 p. 100 ont déclaré avoir été arrêtés alors que les dossiers officiels indiquaient qu'ils ne l'avaient jamais été. Même si cette étude était basée sur un échantillon sélectif extrêmement petit, elle soulève la question du biais de classification erronée et elle souligne l'importance de prendre des mesures pour réduire ce biais au minimum au moment de la conception de l'étude et d'interpréter les résultats avec prudence, surtout si les chercheurs établissent des relations étiologiques.

Ordre temporel des facteurs :

Pour que la maladie mentale puisse être considérée comme une cause de violence, elle doit apparaître avant la manifestation de la violence. Ainsi, pour inférer à partir de données empiriques qu'il existe un lien de causalité, l'ordre temporel des facteurs doit être clairement établi.

Dans une étude de cohortes (étude de suivi), deux ou plusieurs groupes de sujets qui diffèrent à l'égard du facteur causal présumé (les sujets qui subissent l'influence de ce facteur sont dits «exposés») sont suivis pendant une certaine période et comparés à l'égard d'un phénomène qui représente la conséquence présumée de ce facteur. L'étude de cohortes se caractérise, notamment, par le fait que le phénomène en question n'est observable dans aucun des groupes au moment où débute la recherche (Rothman, 1986), de sorte qu'il est possible d'établir l'ordre temporel des facteurs avec une certitude absolue. Dans le présent contexte, cela voudrait dire que les cohortes ou groupes de sujets doivent être définis en fonction de la présence ou de l'absence d'une maladie mentale, et qu'ils ne comprennent aucun sujet ayant des antécédents de violence au moment où débute la recherche.

Steadman, Vanderwyst et Ribner (1978) ont souligné l'importance d'exclure les sujets ayant des antécédents de violence. Ces auteurs ont comparé les taux d'arrestation chez d'anciens patients psychiatriques avec les taux d'arrestation enregistrés chez des criminels mis en liberté dans le même territoire administratif de l'État de New York (États-Unis). Ils ont constaté que le taux d'arrestation global était beaucoup plus élevé chez les anciens patients que dans la population générale. Cependant, ces résultats masquaient le fait que les anciens patients différaient fort considérablement entre eux lorsqu'on considérait le nombre de fois qu'ils avaient été arrêtés par. le passé. Environ les trois quarts d'entre eux n'avaient jamais été arrêtés avant que ne débute l'étude et, au cours de la période de suivi, le taux d'arrestation enregistré dans ce groupe était semblable ou inférieur à celui de la population générale. En revanche, chez les sujets qui avaient déjà été arrêtés, les taux d'arrestation étaient plus élevés que dans la population générale. Les auteurs ont conclu que la modification de la population des hôpitaux psychiatriques publics par suite de la désinstitutionnalisation, population qui comprend maintenant une plus forte proportion d'individus ayant des antécédents criminels, explique l'augmentation du taux de criminalité chez les anciens patients psychiatriques. Dans ce genre d'étude, les épidémiologistes considèrent qu'une des cohortes est «â risque» par rapport au phénomène à l'étude qui correspond à la conséquence présumée. Les individus chez qui ce phénomène était observable au début de la recherche sont exclus de l'étude parce qu'ils ne sont plus «à risque» (Rothman, 1986).

Dans une étude cas-témoins, les sujets sont choisis en fonction du phénomène à l'étude (dans ce cas-ci, la violence), puis des données sont recueillies sur le facteur auquel les sujets sont exposés (dans ce cas-ci, la maladie mentale). Dans ce contexte, les cas seraient définis en fonction de la présence de la violence et les témoins seraient définis en fonction de l'absence de la violence.

L'ordre temporel des facteurs est parfois difficile à établir dans ces études, car les chercheurs doivent se fier à la mémoire des sujets, qui doivent déterminer le moment où les événements considérés se sont produits. Comme il peut y avoir des  «erreurs de mémoire», il est nécessaire que les résultats des études cas-témoins soient corroborés par les résultats d'autres types d'études (idéalement des études de cohortes) pour que les épidémiologistes puissent établir des relations étiologiques.

Dans une étude transversale, les chercheurs étudient un échantillon représentatif et ils obtiennent en même temps les données relatives à l'exposition et les données relatives au phénomène qui correspond à la conséquence présumée. Comme les deux séries de données sont mesurées simultanément, il peut être difficile de déterminer lequel des deux facteurs a précédé l'autre. Aussi considère-t-on, en épidémiologie, que les études transversales sont celles qui fournissent les résultats les moins probants sur le plan de la causalité (Rothman, 1986).

Pour les épidémiologistes, les résultats les plus fiables proviennent des associations statistiques démontrées dans le cadre d'études de cohortes bien conçues et bien exécutées. Les études cas-témoins peuvent fournir des données convaincantes, mais les preuves recueillies ne sont généralement pas jugées suffisamment convaincantes pour pouvoir porter un jugement sur le caractère causal des facteurs à l'étude. Les études transversales descriptives sont utilisées pour formuler des hypothèses devant être vérifiées. Elles ne sont jamais utilisées pour établir un lien de causalité.

Plausibilité des hypothèses sur le plan biologique :

Enfin, la plausibilité de l'hypothèse à l'étude sur le plan biologique est une question importante en épidémiologie dans le contexte de l'étude de la causalité. Quand il est question de plausibilité des hypothèses sur le plan biologique, il s'agit en fait de vérifier si une relation statistique peut être interprétée en fonction des théories de biologie qui ont cours. Cette dimension est parfois difficile à évaluer car l'état actuel des connaissances peut être tel que les mécanismes biologiques en cause dans un phénomène ne sont pas toujours connus, ce qui fait que l'absence d'une hypothèse biologiquement plausible n'a pas pour effet d'invalider les conclusions sur la nature causale d'une relation. Inversement, la présence d'une hypothèse biologiquement plausible donne un certain poids aux conclusions sur la nature causale d'une relation fondée sur des preuves empiriques convaincantes (Rothman, 1986). Par conséquent, lorsqu'on s'intéresse à la causalité, il est utile de savoir si l'hypothèse formulée au sujet du lien entre la maladie mentale et la violence repose sur l'existence présumée de mécanismes biologiques.

Des maladies génétiques et héréditaires, des influences pernicieuses pouvant avoir un effet sur le cerveau en développement dans le milieu intra-utérin, des dommages au cerveau pendant la période prénatale, des conditions particulières associées à certains troubles du système nerveux central et certains psycho-syndromes organiques qui semblent être le substrat d'un dysfonctionnement épisodique ont été observés chez des personnes présentant une symptomatologie psychiatrique et ayant des comportements violents. Certains chercheurs ont proposé une association entre la psychopathie et la violence, mais cette théorie devra être développée plus à fond.

En 1950, Sandberg a découvert l'existence d'un chromosome Y excédentaire chez un homme (décrit dans Heilbrun et Heilbrun, 1985). Cette anomalie chromosomique est connue sous le nom de  «syndrome XYY». Étant donné que les femmes possèdent deux chromosomes X et que les hommes possèdent un chromosome X et un chromosome Y, c'est le chromosome Y qui transmet la «masculinité». Les hommes ayant deux chromosomes Y, comme celui étudié par Sandberg, ont été dès lors décrits comme des «surhommes», et on leur a attribué des caractéristiques particulières, comme le fait d'être très grand et très agressif. Il n'a pas été long avant que des établissements psychiatriques et des établissements correctionnels fassent état d'un grand nombre d'hommes de grande taille, au sein de leur population, ayant commis des crimes avec violence particulièrement atroces et ayant le génotype XYY. Les avocats des hommes de grande taille qui avaient commis des crimes graves avec violence ont commencé à plaider l'inhabilité, en faisant valoir que leurs clients avaient un chromosome Y excédentaire et que c'était cette anomalie biologique qui les avait amenés à commettre leur crime. Comme on pouvait s'y attendre, ces affaires judiciaires ont soulevé une controverse dans les milieux scientifiques et juridiques au sujet de la valeur de la relation entre le syndrome XYY et la criminalité, en particulier les crimes avec violence. Une étude épidémiologique de grande envergure menée au Danemark, dans la collectivité, a mis fin à cette controverse. Les chercheurs danois ont étudié une cohorte de naissance composée de 31 436 hommes. Ils ont examiné les plus grands d'entre eux pour vérifier s'ils avaient un chromosome Y excédentaire. Le génotype XYY a été décelé chez seulement 12 des sujets, et aucun de ces 12 sujets n'avait commis un seul acte de violence. Mednick et Finello (1983), des chefs de file dans le domaine de la biologie criminelle, ont observé des similarités dans les résultats des études menées dans différents pays et continents, portant sur les antécédents et les variables en corrélation avec le comportement antisocial. Ils ont signalé, en particulier, plusieurs pistes intéressantes :

  1. la solidité de certains résultats obtenus dans des milieux culturels différents, qui indiquent que le système nerveux autonome d'un certain nombre de délinquants juvéniles, de délinquants adultes et de détenus aurait une caractéristique commune, une déficience de la capacité réactionnelle;

  2.  
  3. des recherches transnationales indiquant que des anomalies neuropsychologiques et l'hyperactivité seraient des caractéristiques des délinquants violents;

  4.  
  5. la faible fréquence de l'activité électrique cérébrale a servi de mesure pour prévoir le comportement criminel.
Dans leur propre recherche, Mednick, Gabrielli et Hutchings (1984) ont comparé 14 427 enfants adoptifs avec leurs parents biologiques et leurs parents adoptifs par rapport à la variable «condamnations». Ils ont constaté une corrélation statistiquement significative entre les enfants adoptifs et leurs parents biologiques à l'égard des condamnations pour des crimes contre les biens, mais non dans le cas des condamnations pour des crimes avec violence. Fait plus important encore, ils ont constaté que les enfants de mêmes parents qui avaient été adoptés par des familles différentes avaient tendance à présenter des similarités à l'égard du facteur «condamnations», surtout si leur père biologique avait commis des actes criminels.

La théorie, proposée il y a plus de 50 ans, selon laquelle il y aurait dans le système nerveux central (SNC) un mécanisme neuroanatomique qui interviendrait dans l'expression des émotions et le comportement, a conduit à des résultats selon lesquels des altérations de la sérotonine du SNC, un neurotransmetteur, sont associées au comportement violent chez les animaux. Ces résultats ont été confirmés par de nombreux chercheurs à travers le monde. L'hypothèse selon laquelle les troubles affectifs chez les humains seraient associés à des comportements suicidaires et à des comportements violents a conduit à de nombreuses répétitions, dans plusieurs pays, des expériences ayant révélé une association entre une faible concentration dans le liquide céphalo-rachidien de l'acide hydroxy-5 indole-acétique, un métabolite relié à la sérotonine, et les comportements impulsifs, destructeurs et violents (Brown, Linnoila, 1990; Apter et coll., 1990). De même, des chercheurs et des cliniciens de nombreux pays ont décrit les effets bénéfiques de divers médicaments sur l'activité du SNC, notamment le lithium, le propranolol, la chlorpromazine, la clozapine et d'autres antipsychotiques, qui sont utilisés pour traiter le comportement violent, qu'il soit ou non associé à une maladie mentale (Greendyke, Schuster et Wooton, 1984; Craft et coll., 1987; Herrera et coll., 1988). Paradoxalement, on a constaté que certains anxiolytiques, comme les benzodiazépines, déclenchaient des réactions de violence (Lader et Petursson, 1981).

En dépit du fiasco entourant l'étude du prototype XYY et de la difficulté que pose ce genre de recherches, dont certaines reposent davantage sur des raisons d'ordre sociopolitique et éthique que sur des raisons d'ordre technique, on peut constater une solidification progressive de la théorie et des connaissances entourant l'hypothèse selon laquelle certains troubles mentaux, ou certaines dimensions émotionnelles de base, seraient en corrélation avec la manifestation de comportements violents. De plus en plus de résultats de recherche indiquent la présence d'une atteinte du cerveau chez les personnes souffrant de troubles mentaux majeurs comme la schizophrénie et les troubles affectifs, et ces résultats convergent de plus en plus, sur le plan biologique, vers l'idée d'un substrat semblable, au niveau du SNC, pour la maladie mentale et la violence.

Malheureusement, l'étude biologique de la violence n'a pas progressé au même rythme que l'étude biologique de la maladie mentale. Par conséquent, il est encore trop tôt pour affirmer que nous possédons des preuves irréfutables à l'appui de cette thèse. Néanmoins, l'hypothèse d'un lien entre la maladie mentale et la violence demeure une hypothèse biologiquement plausible qui mérite une étude attentive.

Un lien démontré ou un stéréotype?

La maladie mentale cause-t-elle la violence ou s'agit-il d'un malheureux stéréotype?

Dans ses observations sur l'hypothèse de la «criminalisation», Teplin (1984) souligne la tendance de certains scientifiques et de certains décideurs à accepter les hypothèses reposant en grande partie sur l'intuition et l'observation non systématique, sans les soumettre à des vérifications empiriques appropriées. Elle indique que les décisions d'orientation des pouvoirs publics devraient reposer sur des preuves scientifiques solides. Dans ses observations sur la désinstitutionnalisation, Arboleda-Flórez (1993) fait aussi observer que les décisions d'orientation en matière de santé mentale ont été fondées sur des énoncés philosophiques et des valeurs sociales plutôt que sur des données empiriques et des théories solides.

Jusqu'à ce jour, la conception de la relation entre la maladie mentale et la violence a reposé en grande partie sur l'intuition et l'observation non systématique et les vérifications empiriques de cette relation demeurent insuffisantes. Depuis que Monahan (1992) a pris position sur cette question, la maladie mentale est vue comme une cause probable de la violence et de la criminalité. Des articles publiés récemment (Monahan, 1992; Torrey, 1994) laissent au lecteur l'impression que les progrès scientifiques réalisés récemment nous autorisent à conclure qu'il y a effectivement un lien causal entre la maladie mentale et la violence. Le fait de remonter jusqu'aux origines les plus anciennes de la civilisation occidentale pour découvrir les racines sociohistoriques de l'idée que la maladie mentale serait une cause de violence (Monahan, 1992) peut contribuer à renforcer à nos yeux la validité de cette conclusion.

Cependant, antérieurement, des examens plus critiques (Davis, 1991; Teplin, 1983) avaient permis de mettre en évidence certaines difficultés d'ordre méthodologique qui semblent avoir constitué des obstacles majeurs dans cette sphère de recherche. Notre examen critique de la littérature montre qu'il y a eu peu d'améliorations.

Les études portant sur la violence chez les malades mentaux traités ont largement démontré que les taux de criminalité et de criminalité violente peuvent être plus élevés chez ces patients (et plus particulièrement chez les toxicomanes) que dans la population générale. Dans presque toutes ces études, les chercheurs ont évalué la criminalité d'après les données officielles sur les arrestations pour faciliter les comparaisons avec la population et ils ont présumé que le crime avec violence constituait une mesure appropriée de la violence. Cependant, certains soutiennent que même les arrestations et les condamnations sont des mesures inappropriées de la criminalité car il arrive que les accusés atteints d'un trouble grave ainsi que ceux ayant déjà été hospitalisés dans un établissement psychiatrique soient confiés au système de santé mentale et hospitalisés à nouveau, plutôt qu'arrêtés. Par ailleurs, comme la plupart des crimes ne donnent pas lieu à des arrestations et que la plupart des arrestations ne donnent pas lieu à des condamnations, le fait de s'appuyer sur les taux d'arrestation entraîne une sous-estimation du nombre d'incidents pouvant théoriquement entraîner une arrestation, ainsi qu'une surestimation du nombre de verdicts de culpabilité. Les études portant sur les contacts entre policiers et citoyens permettent de surmonter ces problèmes. Il est curieux de noter, cependant, que les deux études qui ont porté sur la relation entre la maladie mentale et les crimes avec violence dans des échantillons représentatifs de contacts entre policiers et citoyens (Holley et Arboleda-Flórez, 1988; Teplin, 1984) n'ont pas révélé de différence entre les délinquants atteints de troubles mentaux et les autres délinquants à l'égard de la fréquence des infractions avec violence.

Les études portant sur la maladie mentale chez les détenus indiquent que la prévalence des maladies mentales graves et des toxicomanies est élevée dans les populations carcérales. Bien que ces études soient en grande partie descriptives et que les chercheurs n'aient pas utilisé de groupes témoins pour déterminer dans quelle mesure la prévalence de la maladie mentale chez les détenus est plus élevée que ce à quoi on pourrait s'attendre vu les taux enregistrés dans la population générale, les taux de prévalence d'environ 60 p. 100 enregistrés dans ces populations au Canada (Arboleda-Flórez, 1994; Bland et coll., 1990) nous autorisent à penser que les détenus constituent un groupe à risque élevé. On peut considérer, par ailleurs, que les études portant sur la violence chez les malades mentaux hospitalisés ont conduit à des résultats semblables, en dépit de la difficulté de mesurer la violence avec exactitude dans ces populations. La logique qui sous-tend ces études est simple : s'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence, alors la prévalence de la maladie mentale chez les détenus et la fréquence de la violence chez les malades mentaux hospitalisés devraient être élevées. Bien que cela soit vrai, les études qui ont porté exclusivement sur des personnes placées en établissement ne peuvent nous fournir de preuves empiriques étayant ce lien de causalité parce que la majorité des malades mentaux ont été systématiquement exclus de ces études. Étant donné que ces études portent sur des sous-groupes de malades mentaux qui sont plus susceptibles de manifester des comportements violents, les résultats de ces études ne peuvent servir qu'à infirmer la thèse du lien de causalité (c'est-à-dire si la fréquence de la violence qui a été enregistrée était moins élevée que prévu).

Link et Stueve (1995) soutiennent que l'uniformité des constatations dans les diverses populations étudiées, en dépit de leurs limites bien précises, doit être considérée comme une preuve du lien de causalité. Les faiblesses dans la méthodologie dans un secteur viennent annuler ces mêmes faiblesses dans un autre secteur. Cette perspective ne tient pas compte de l'importance du biais de sélection comme l'une des explications de l'uniformité des résultats signalés. Seules les études qui portent sur la relation entre la maladie mentale et la violence dans des échantillons non sélectifs et représentatifs de l'ensemble des malades mentaux sont de nature à nous éclairer sur la causalité. Jusqu'à ce jour, seulement deux études (appuyant trois analyses) ont porté sur la relation entre la maladie mentale et la violence dans des échantillons représentatifs d'adultes vivant au sein de la collectivité, l'une au Canada (Bland et Orn, 1986) et l'autre aux États-Unis (Swanson, 1993; Swanson et coll., 1990). Dans ces deux études, les chercheurs ont utilisé le questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule) pour établir les diagnostics selon le DSM-III. Ils ont appliqué les méthodes épidémiologiques les plus perfectionnées pour les recherches en psychiatrie. Comme ils ont surmonté le problème du biais de sélection en ayant recours à des échantillons de personnes vivant au sein de la collectivité, leurs résultats peuvent être utiles pour tirer des conclusions sur la nature causale du lien entre la maladie mentale et la violence d'un point de vue épidémiologique.

Les deux études ont révélé une relation statistique entre les troubles mentaux et la violence, surtout chez les personnes atteintes de toxicomanie. Il y a cependant un point qui n'est pas clair dans ces résultats : dans quelle mesure cette relation statistique peut-elle s'expliquer par la confusion qui découle des définitions adoptées (problème évoqué précédemment), plus précisément le fait que près de la moitié des troubles répertoriés dans le DSM-III, en particulier les toxicomanies, sont définis en partie en fonction de comportements violents. Le problème est d'autant plus complexe que, dans les deux études, les chercheurs ont choisi d'utiliser, pour mesurer la violence, les items du DIS qui ont trait aux comportements violents, mais qui ont pour but d'établir le diagnostic. Les items du DIS que Swanson et ses collègues (1990) ont utilisés et qui ont trait aux comportements violents ont été extraits des sections du questionnaire qui ont pour but d'établir les diagnostics de personnalité antisociale, d'abus d'alcool et de dépendance à l'alcool. Il n'est donc pas étonnant que les chercheurs aient constaté une relation statistique significative entre les toxicomanies (seule ou dans le contexte de la comorbidité) et la violence. Bland et Orn (1986) ont procédé de façon semblable, mais ils ont limité leur analyse à trois catégories diagnostiques : la personnalité antisociale, les toxicomanies et la dépression grave.

De plus, comme ces études étaient transversales, il est difficile d'établir, avec tant soit peu de certitude, l'ordre temporel des facteurs. Dans l'étude réalisée aux États-Unis (Swanson, 1993), la prévalence de la maladie mentale et la fréquence de la violence ont été mesurées sur une période d'un an; ainsi, les personnes qui répondaient aux critères associés à l'un de ces deux facteurs au cours des douze mois précédant l'enquête ont été comptées comme des sujets présentant la caractéristique à l'étude. Par conséquent, la violence pouvait s'être manifestée avant l'apparition de la maladie mentale, ou vice versa. Dans l'étude réalisée à Edmonton (Bland et Orn, 1986), les chercheurs ont mesuré la prévalence à vie, c'est-à-dire que les personnes répondant aux critères diagnostiques à un moment ou un autre de leur vie ont été comptées comme des sujets présentant la caractéristique à l'étude. On ne peut savoir, là non plus, si la maladie mentale avait précédé la violence.

L'étude américaine avait été conçue de façon à obtenir des données longitudinales. Les sujets ont été contactés et interviewés à nouveau un an après la première interview. Les études longitudinales portant sur des événements rares, comme la violence, exigent des échantillons de très grande taille. Dans cette étude, les chercheurs ont surmonté ce problème en combinant des échantillons représentatifs prélevés dans cinq villes, de façon à obtenir un échantillon comprenant au total plus de 20 000 sujets. La taille de l'échantillon était suffisante pour que des données puissent être obtenues sur les nouveaux cas de maladie mentale sans antécédents de violence. Si le problème relié aux définitions pouvait être résolu et que la maladie mentale pouvait être mesurée indépendamment de la violence, cette étude pourrait fournir des renseignements importants permettant de tirer des conclusions sur la relation entre la maladie mentale et la violence, d'un point de vue étiologique.

Enfin, un mot sur l'opportunité d'appliquer à des populations canadiennes les résultats des études réalisées aux États-Unis, où la plupart des recherches ont été menées. Borzecki et Wormith (1985) ainsi que Davis (1992) ont traité de cette question. Au Canada, le mouvement de désinstitutionnalisation a été aussi marqué qu'aux États-Unis; la population des hôpitaux psychiatriques a accusé une baisse considérable dans les deux pays. Des politiques d'admission restrictives, basées sur le critère de la dangerosité, ont été adoptées dans les deux pays, de sorte que les personnes qui ne sont pas dangereuses pour elles-mêmes ou pour les autres peuvent refuser d'être hospitalisées. Cependant, les deux pays diffèrent grandement du point de vue de l'accessibilité des malades à des soins appropriés dans la collectivité. Au Canada, l'accès universel aux soins de santé, conjugué aux sommes plus élevées consacrées aux programmes de santé mentale dans la collectivité, permet de croire que les pressions exercées pour que le système de justice pénale prenne en charge les malades mentaux qui vivent dans la collectivité sont moins fortes (Borzecki et Wormith, 1985). Cependant, la forte prévalence de la maladie mentale observée dans les populations carcérales au Canada (Arboleda-Flórez, 1994; Bland et coll., 1990), ainsi que la concordance des résultats des études sur les contacts entre policiers et citoyens dans les études menées au Canada (Arboleda-Flórez et Holley, 1988) et aux États-Unis (Teplin, 1985) semblent indiquer que des pressions semblables sont exercées dans les deux pays.

Conclusions

Compte tenu des résultats de notre examen critique de la littérature et des considérations que nous venons d'exposer, il est possible de distinguer ce dont nous sommes relativement certains de ce que nous n'avons pu encore confirmer ou infirmer.

Compte tenu des problèmes méthodologiques qui ont nui à l'avancement des connaissances dans cette sphère de recherche, il n'est pas possible d'établir un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violence, et ce, pour les raisons suivantes :
 
a)
 
 
 

b)

Les études qui portent sur la relation entre la maladie mentale et la violence ont été, en grande partie, limitées à des populations de détenus ou de patients. À cause des échantillons non représentatifs sur lesquels elles reposent, ces études ne fournissent pas de résultats suffisants pour permettre de porter un jugement sur le caractère causal de cette relation, c'est-à-dire d'affirmer que la maladie mentale contribue à la violence en général. Ces résultats indiquent simplement que ces deux facteurs sont associés dans des sous-groupes de personnes qui sont amenées à recevoir des services parce qu'elles sont, au départ, plus prédisposées à la violence.

Les études portant sur la population en général qui ont permis de surmonter ce biais de sélection ont révélé une association statistique entre la maladie mentale et la violence. Cependant, comme il s'agissait d'études transversales, les résultats n'ont pas permis d'établir l'ordre temporel des facteurs à l'étude. Par conséquent, elles pourraient, au mieux, fournir de faibles preuves à l'appui d'une relation étiologique. Cependant, il est possible que l'association statistique observée résulte en partie de la manière dont la maladie mentale et la violence ont été définies. Dans ces études, les chercheurs n'ont pas réussi à établir des mesures de la maladie mentale qui soient indépendantes de la violence. Par conséquent, les résultats de ces études ne peuvent constituer le fondement d'une explication étiologique.

Faute d'études épidémiologiques bien contrôlées, nous ne possédons pas de données suffisantes nous autorisant à conclure qu'il existe une relation étiologique entre la maladie mentale et la violence.

Compte tenu de l'examen qui précède, nous sommes relativement certains que :
 
a)

b)
 

c)

d)

 la prévalence de la maladie mentale (en particulier les toxicomanies) dans les populations carcérales est élevée, ce qui dénote une population qui a particulièrement besoin de services;

le risque de violence et d'arrestation peut être élevé chez les anciens patients psychiatriques qui vivent dans la collectivité, surtout s'ils ont des antécédents criminels ou des antécédents de violence, ou s'ils ont des symptômes de psychose;

les membres de la famille (mais non les citoyens en général) sont les plus susceptibles d'être la cible des actes de violence commis par d'anciens patients psychiatriques;

le risque de violence est élevé chez les malades mentaux hospitalisés, particulièrement si ceux-ci ont des antécédents de violence ou s'ils ont des symptômes de psychose.

Orientation possible des recherches futures :

  • Il n'est guère probable que des recherches supplémentaires fondées sur des échantillons choisis de patients ou de détenus nous renseignent davantage sur cette question. Les recherches futures devront se faire tout autrement que par le passé et une attention devra être accordée à un certain nombre de questions critiques concernant la conception, y compris :
a)
 

b)
 

c)

 l'élaboration de mesures de la maladie mentale qui soient indépendantes de la violence et qui puissent être utilisées dans le contexte de la collecte de données primaires afin d'éviter la confusion qui découle des définitions adoptées jusqu'ici;

la mesure de la relation entre la maladie mentale et la violence à l'aide d'importants échantillons représentatifs, assortis d'exclusions ou de sujets témoins pertinents dans le cas des personnes ayant des antécédents de violence;

l'établissement clair de l'ordre temporel des facteurs, de façon à pouvoir affirmer sans équivoque que la maladie mentale a précédé, chez es sujets, toute manifestation de violence.

  • Le manque de littérature incorporant la perspective des personnes souffrant d'une maladie mentale doit aussi être mentionné. Les opinions du consommateur et de la famille enrichiraient l'examen de la violence telle qu'elle est vécue par ces personnes dans la collectivité et en milieu hospitalier, ainsi qu'entre pairs. Du travail reste à faire dans ce domaine.

  •  
  • En passant en revue la recherche parue dans le cadre de la présente analyse critique, les auteurs en sont venus à s'interroger sur la considération qui est accordée aux questions suivantes, même s'il ne s'agit pas là de l'objet principal de la présente analyse :

  •  
    • le dépistage approprié de la maladie mentale et des toxicomanies chez les délinquants incarcérés dans des établissements correctionnels;

    •  
    • la gestion des comportements troublants souvent manifestés par les malades mentaux à l'égard des membres de leurs familles; de telles méthodes sont maintenant employées dans les milieux hospitaliers;

    •  
    • l'accès convenable aux ressources communautaires pour les patients ex-psychiatrisés qui vivent dans la collectivité;

    •  
    • le caractère adéquat des traitements pour les malades mentaux dans les milieux correctionnels et communautaires.
Références

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Appendice A :
Bibliographie
commentée

Introduction :

La bibliographie qui suit contient des commentaires sur des articles clés qui comportent une analyse quantitative ou qualitative et qui ont trait à des questions centrales reliées à la maladie mentale et à la violence. Pour faciliter la consultation de cette bibliographie, les articles ont été groupés en fonction de la population à l'étude. Le groupement des études s'est fait aussi en fonction des différents champs d'enquête et des preuves accumulées dans le domaine. Ainsi, les études empiriques ont été classées selon les catégories suivantes :

études portant sur la collectivité,
études portant sur les patients psychiatriques,
études portant sur les détenus,
autres études empiriques présentant de l'intérêt,
rapports de synthèse et exposés de principe clés.
Les articles de chaque groupe sont présentés par ordre alphabétique, selon le nom de l'auteur et le titre. Un court glossaire des principaux termes techniques est fourni à l'appendice B.

Pour aider les lecteurs qui n'ont pas de formation scientifique à faire des comparaisons pertinentes entre les articles, toutes les études empiriques ont fait l'objet d'un examen critique et ont été résumées selon un mode de présentation uniformisé : a) objectif, b) méthode de recherche, c) lieu, d) sujets, e) mesures, f) principaux résultats, g) conclusions, h) critique de la méthode et i) causalité. Par ailleurs, il y a à la section «Autres études empiriques présentant de l'intérêt» une rubrique supplémentaire, Observations. Dans la section consacrée aux «Rapports de synthèse et exposés de principe clés», les points saillants se rapportant à l'analyse critique sont soulignés et, quand il y a lieu, commentés.

Causalité

La rubrique «Causalité» indique si les résultats de l'étude permettent d'établir un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence. Nous avons jugé de la causalité en nous fondant strictement sur des critères épidémiologiques. Dès le départ, il importe de souligner qu'aucune étude n'a fourni de preuves concluantes à l'appui d'un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violence.

Études portant sur la collectivité : études empiriques basées sur des échantillons de la population générale

Les chercheurs préfèrent généralement les études empiriques basées sur des échantillons représentatifs de la population générale pour tirer des conclusions au sujet d'un lien de causalité possible, sauf si ces études présentent des problèmes d'ordre méthodologique, car elles permettent d'éviter les «biais de sélection» (Rothman, 1986). Un biais de sélection est une erreur systématique qui se glisse dans une étude lorsque les sujets sont choisis parmi des sous-groupes de personnes soumises à un traitement ou placées en établissement chez qui le risque de violence est plus élevé. Lorsque les taux de violence enregistrés à l'égard de ces groupes sont comparés à ceux de la population générale, on constate souvent qu'ils sont plus élevés. Cette différence tient habituellement au fait que les sujets de ces groupes sont au départ davantage sujets à la violence, et non au fait qu'il y a un lien de cause à effet entre la maladie mentale et la violence. En général, dans n'importe quel domaine d'enquête, les études basées sur des échantillons de la population générale sont peu nombreuses, car elles sont longues et complexes. De plus, elles sont onéreuses parce qu'il faut de gros échantillons pour obtenir le nombre de sujets ayant des problèmes de santé mentale et de violence qui sera suffisant pour étayer l'analyse statistique.

Les études portant sur les contacts entre policiers et citoyens ont été incluses dans la présente section afin de tenir compte du rôle central que jouent les policiers lorsqu'ils ont à décider du sort des malades mentaux qui, lorsqu'ils vivent dans la collectivité, y manifestent un comportement anormal ou violent. Ceux-ci sont dirigés soit vers un organisme du système de justice pénale, soit vers un établissement psychiatrique aux fins d'évaluation et de traitement. En raison du pouvoir discrétionnaire dont jouissent les policiers, il est possible que les personnes qui semblent souffrir d'un trouble mental et qui ont un comportement violent soient arrêtées plus souvent que les délinquants qui ne souffrent pas d'un trouble mental. Les relations statistiques établies entre la criminalité violente et la maladie mentale dans les populations de détenus tiennent peut-être à ce pouvoir discrétionnaire. On emploie l'expression «criminalisation des malades mentaux» pour désigner cette possibilité de diriger vers le système de justice pénale les délinquants atteints d'un trouble mental. Ainsi, lorsque des chercheurs qui étudient la relation entre la maladie mentale et la violence a) utilisent comme mesure de la violence les arrestations ou les condamnations pour infraction avec violence ou b) sélectionnent leurs sujets au sein d'une population d'individus arrêtés ou incarcérés, les études comportent nécessairement un biais de sélection important.

Arboleda-Flórez, J. et Holley, H.L.(1988). Criminalization of the mentally ill : Part II. Initial Detention, Revue canadienne de psychiatrie, vol. 33, p. 87-95.

Voir aussi : Holley, H.L. et Arboleda-Flórez, J. (1988). Criminalization of the mentally ill : Part I, Police perceptions, Revue canadienne de psychiatrie, vol. 33, p. 81-86.

Objectif : Comparer les sujets que la police considère comme des «malades mentaux» avec ceux qu'elle considère comme «normaux», en fonction de variables socio-démographiques, juridiques et cliniques et de la variable «issue de l'incident». Les auteurs ont cherché à vérifier l'hypothèse selon laquelle les groupes de sujets se distingueraient par rapport à d'importantes variables sociales et cliniques.

Méthode de recherche : Étude longitudinale prospective.

Lieu : Calgary (Alberta) Canada.

Sujets : Les sujets étudiés étaient 350 personnes qui étaient entrées en contact avec la police au cours des deux dernières semaines d'octobre 1984.

Mesures : Les policiers devaient évaluer le comportement observable des sujets sur une échelle dont l'une des extrémités correspondait à un comportement normal (score de 0) et l'autre, à un comportement très anormal (score de 7). Les policiers devaient ensuite indiquer ce qu'ils estimaient être la cause de ce comportement anormal, c'est-à-dire l'alcool, la drogue, une maladie mentale ou autre chose, et s'ils jugeaient qu'un examen psychiatrique était justifié. Les données relatives aux arrestations ont été recueillies dans les rapports de police.

Principaux résultats : Selon les déclarations des policiers, 89 individus avaient un comportement anormal au moment de leur arrestation et 261 s'étaient conduits normalement, compte tenu des circonstances. Les sujets qui paraissaient être des malades mentaux aux yeux des policiers n'avaient pas commis un plus grand nombre de crimes contre la personne ou contre les biens ni fait l'objet d'un plus grand nombre d'accusations d'autre nature, comparativement aux sujets que les policiers avaient jugés normaux. Les personnes que les policiers avaient déclaré être des malades mentaux avaient commis un moins grand nombre de crimes sans victime et un peu plus d'infractions aux règlements de la circulation. Les policiers avaient un peu plus tendance à recommander la détention dans le cas des sujets jugés malades mentaux, mais la différence était faible. Ces sujets n'étaient pas plus susceptibles d'être incarcérés que les sujets dits normaux.

Conclusions : Étant donné que les différences observées entre les groupes de sujets étaient faibles, les auteurs ont accepté la conclusion selon laquelle les groupes ne différaient pas de façon importante sur les plans social, clinique et juridique.

Critique de la méthode : On ne sait dans quelle mesure les erreurs de classement commises par les policiers dans le cas des délinquants atteints de troubles mentaux peuvent expliquer les faibles différences constatées entre les groupes. Par ailleurs, comme l'étude portait sur des individus qui étaient entrés en contact avec la police, on ne peut conclure, à partir de ces résultats, qu'il existe une relation étiologique entre la maladie mentale et la violence. Il est néanmoins curieux de constater que malgré l'emploi d'une méthode différente, ces résultats concordent avec ceux que Teplin (1985) a obtenus dans le cadre de son étude sur les contacts entre policiers et citoyens.

Causalité: Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Bland, R. et Orn, H. (1986). Family violence and Psychiatric disorder, Revue canadienne de psychiatrie, vol. 31, p. 129-137.
Objectif : Étudier la relation entre la violence familiale et les troubles mentaux au sein de la population générale.

Méthode de recherche : Enquête transversale.

Lieu : Edmonton (Alberta) Canada.

Sujets : Échantillon représentatif de 1 200 personnes vivant dans la collectivité.

Mesures : Les troubles mentaux ont été mesurés à l'aide du Diagnostic Interview Schedule (DIS), un questionnaire structuré pour les intervieweurs non professionnels, dont les codes informatiques permettent l'établissement d'un diagnostic en fonction des catégories du DSM-III-R. L'étude portait sur la prévalence à vie de trois troubles : 1) la personnalité antisociale, 2) la dépression majeure et 3) l'abus d'alcool ou la dépendance à l'alcool. Tous les sujets ayant manifesté des symptômes d'un de ces troubles à un moment ou à un autre de leur vie étaient inclus dans la catégorie des sujets atteints de troubles mentaux. La violence familiale a été mesurée à l'aide des questions du DIS qui portent sur les relations avec le conjoint ou un partenaire, la violence ou la négligence envers les enfants et la violence à l'extérieur du milieu familial. Ce questionnaire était axé sur la violence physique (plutôt que sur la violence émotive ou psychologique), laquelle était mesurée par des questions sur les comportements comme le fait de frapper quelqu'un ou de lancer des objets. Ces questions ont été formulées de façon à mesurer la fréquence de ces comportements au cours de la vie.

Principaux résultats : Approximativement 55 p. 100 des personnes présentant un diagnostic avaient des comportements violents, comparativement à 15,5 p. 100 de celles ne présentant pas de diagnostic. Les personnes présentant plus d'un de ces trois diagnostics étaient 6,5 fois plus susceptibles de se livrer à la violence que les personnes ne souffrant pas de ces troubles. Le risque de violence était fort élevé chez les personnes diagnostiquées avec un trouble comorbide d'abus de l'alcool. Ainsi, quand à l'alcool s'ajoutait un trouble de la personnalité antisociale ou la dépression, ou les deux, l'incidence de violence passait à 80 à 93 p. 100.

Conclusions : Les auteurs ne proposent pas l'hypothèse d'un simple lien de causalité pour expliquer leurs résultats. Ils recommandent plutôt aux cliniciens d'être vigilants lorsqu'ils sont en présence de personnes souffrant d'un trouble mental, car il est possible que ces personnes aient aussi un problème de violence familiale. Cette mise en garde concerne tout particulièrement les personnes diagnostiquées avec un trouble comorbide d'alcoolisme.

Critique de la méthode : Comme les auteurs l'ont souligné, les résultats de cette étude ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre les troubles mentaux et la violence. Comme il s'agit d'une étude transversale comportant des données sur la prévalence à vie des troubles mentaux et des données sur la fréquence de la violence familiale, aucune hypothèse ne peut être avancée concernant l'ordre temporel de ces facteurs. Ainsi, il est possible que la violence ait précédé la maladie mentale. En outre, la personnalité antisociale et l'alcoolisme sont deux des troubles qui sont le plus susceptibles d'être définis par rapport aux comportements violents selon les critères diagnostiques du DSM-III. Par conséquent, il est probable que toute association observée entre ces troubles et la violence résulte de la manière dont les troubles ont été définis.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Bonovitz, J.C. et Bonovitz, J.S. (1981). Diversion of the mentally ill into the criminal justice system : The police intervention perspective, American Journal of Psychiatry, vol. 138, no 7, p. 973-976.
Objectif : Évaluer les effets de la Pennsylvania Mental Health Procedures Act adoptée en 1976. Les auteurs ont émis l'hypothèse que la police serait appelée à intervenir dans un plus grand nombre d'incidents impliquant des malades mentaux après l'adoption de cette loi et que les policiers se serviraient du code criminel pour faire enfermer les malades mentaux qui sont à l'origine de problèmes dans la collectivité.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient pas précisé leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données porte à croire qu'il s'agissait d'une étude historique de cohortes.

Lieu : Un service de police de banlieue desservant une population de 100 000 habitants dans le Upper Darby Township de l'État de Pennsylvanie, aux États-Unis.

Sujets : Les auteurs ont étudié un nombre non précisé d'incidents impliquant des malades mentaux et ayant nécessité l'intervention de la police.

Mesures : Les chercheurs ont consulté les archives policières des années 1975 à 1979 pour y trouver des rapports dans lesquels des sujets étaient clairement décrits comme des individus souffrant de troubles mentaux. Au cours d'une période de six mois en 1979, 248 incidents ont été étudiés plus à fond pour connaître leur issue.

Principaux résultats : Les incidents impliquant des malades mentaux ont augmenté de 227,6 p. 100 de 1975 à 1979, alors que les incidents n'impliquant pas de malades mentaux ont diminué de 9 p. 100 au cours de la même période (à l'exception des crimes, qui ont augmenté de 5,6 p. 100). Au cours de la période à l'étude, le nombre d'inconduites a augmenté de 82 p. 100, en partie parce que les critères de classification ont été modifiés. Les 248 incidents qui se sont produits durant les six mois de 1979 ont donné lieu à 13 arrestations.

Conclusions : Les auteurs n'ont pas commenté l'augmentation des incidents impliquant des malades mentaux au cours de la période à l'étude, mais ils ont fait remarquer que leurs résultats n'étayaient pas l'hypothèse selon laquelle les policiers auraient tendance à arrêter et à incarcérer les malades mentaux ne pouvant être internés dans le but de les mettre à l'écart de la collectivité.

Critique de la méthode : Les auteurs ont donné très peu de détails d'ordre méthodologique; par exemple, ils n'ont pas précisé le nombre total d'incidents étudiés. Les résultats de leur étude révèlent néanmoins qu'un nombre croissant de délinquants atteints de troubles mentaux entrent en contact avec la police parce qu'ils troublent l'ordre social. Ils indiquent aussi que la police, par son pouvoir discrétionnaire, joue un rôle important à cet égard, puisque c'est elle qui règle les incidents. Les policiers de cette collectivité avaient reçu une formation spéciale devant leur permettre de reconnaître les signes de trouble mental et d'améliorer leurs techniques de résolution des incidents. Ainsi, peut-être croyaient-ils fermement que les individus impliqués dans les incidents ne devaient pas être arrêtés ou être tenus responsables des infractions criminelles mineures commises. Ces résultats ont des répercussions importantes sur l'étude des délinquants incarcérés, car ils démontrent clairement l'importance des décisions prises par la police et font ressortir le caractère sélectif des échantillons composés de personnes incarcérées.

Causalité: Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Hodgins, S. (1992). Mental disorder, intellectuel deficiency, and crime : Evidence from a birth cohort, Archives of General Psychiatry, vol. 49, p. 476-483.
Objectif : Examiner la relation entre les troubles mentaux et la criminalité, ainsi que la relation entre les déficiences intellectuelles et la criminalité.

Méthode de recherche : L'auteure indique qu'elle a mené une étude longitudinale prospective portant sur une cohorte de naissance composée de sujets suivis jusqu'à l'âge de 30 ans. Cependant, les données ont été recueillies à partir des dossiers d'un registre central en 1983. Par conséquent, il serait plus approprié de parler d'une étude historique de cohorte.

Lieu : Stockholm, Suède.

Sujets : Les sujets à l'étude ont été choisis parmi les 15 117 personnes nées à Stockholm en 1953 et résidant toujours dans cette ville en 1963.

Mesures : Dans le cadre de cette étude, les sujets étaient considérés comme étant des malades mentaux s'ils avaient déjà été hospitalisés dans un établissement psychiatrique (N=603). Les sujets atteints d'une déficience intellectuelle (N=192) étaient ceux qui avaient été placés dans une classe spéciale pour handicapés à l'école secondaire, mais qui n'avaient jamais été admis dans une unité de psychiatrie. Le groupe témoin était composé de toutes les personnes qui n'avaient jamais été admises dans une unité de psychiatrie ou dans un établissement ou une classe pour déficients intellectuels. La criminalité était mesurée au moyen de données sur les condamnations au criminel tirées d'un registre central. Les crimes avec violence comprenaient toutes les infractions comportant de la violence physique ou des menaces de violence physique (p. ex. voies de fait, viol, vol qualifié, menaces ou attentat à la pudeur).

Principaux résultats : Par rapport au risque comparable établi pour le groupe témoin, le risque d'avoir été reconnu coupable d'une infraction avec violence était 4,16 fois plus élevé chez les hommes souffrant d'un trouble majeur (IC de 95 p. 100 compris entre 2,23 et 7,78) et de 27,45 fois plus élevé chez les femmes souffrant d'un trouble majeur (IC de 95 p. 100 compris entre 9,8 et 76,88). Il est à noter que l'intervalle de confiance est plus large chez les femmes en raison de leur nombre moins élevé dans l'échantillon.

Conclusions : L'auteure a estimé que les résultats de son étude appuyaient la thèse selon laquelle l'agressivité serait associée à la maladie mentale.

Critique de la méthode : Cette étude avait des chances de révéler une relation entre la maladie mentale et la violence, car les résultats étaient fondés sur un sous-groupe de malades mentaux (ceux ayant été admis dans un établissement psychiatrique) que l'on sait plus susceptibles d'être dangereux. Ainsi, ces résultats ne peuvent être utilisés pour tirer des conclusions étiologiques au sujet de la relation entre la maladie mentale et la violence en général. De plus, bien que la méthode de recherche aurait pu permettre d'établir l'ordre temporel des facteurs, on ne peut affirmer dans tous les cas que les crimes ont été commis après l'apparition de la maladie mentale. L'auteure a précisé que les crimes commis par les sujets ayant souffert d'un trouble mental majeur au cours de leur vie avaient souvent eu lieu au début de l'adolescence, bien avant que le trouble mental ne soit diagnostiqué. Cette précision indique que l'ordre temporel des facteurs n'a pas été établi.

Dans une lettre au chef de la rédaction de la revue, Weiler [1994, Archives of General Psychiatry, vol. 51, p. 71] souligne que 43 p. 100 des femmes et 40 p. 100 des hommes atteints d'un trouble mental majeur souffraient aussi de toxicomanie. Étant donné que le risque de condamnation était 20 fois plus élevé chez les hommes souffrant de toxicomanie et 32 fois plus élevé chez les femmes souffrant du même trouble, il est possible que la tendance à commettre un crime soit fonction de la toxicomanie et non d'un trouble mental majeur. Si les toxicomanes avaient été exclus du groupe, le taux de criminalité aurait pu vraisemblablement être inférieur chez les sujets souffrant d'un trouble mental majeur.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Monahan, J., Caldeira, C. et Friedlander, H.D. (1979). Police and the mentally ill : A comparison of committed and arrested persons, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 2, p. 509-518.
Objectif : Fournir des renseignements indiquant comment les policiers exercent leur pouvoir discrétionnaire lorsqu'ils doivent intervenir dans des incidents impliquant des malades mentaux.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une enquête transversale.

Lieu : Orange County, Californie, États-Unis.

Sujets : Les sujets étudiés étaient 100 policiers de différentes villes. Les auteurs n'expliquent pas la méthode de sélection des policiers, mais ils font mention d'un échantillon aléatoire dans leurs conclusions. Comme la stratégie d'échantillonnage n'est pas décrite, on ignore si les résultats peuvent être appliqués à l'ensemble des policiers ou s'ils reflètent simplement les opinions des 100 policiers étudiés. La moitié des policiers ont été interrogés après avoir demandé l'internement civil involontaire d'une personne et l'autre moitié, après avoir arrêté une personne faisant l'objet d'une accusation au criminel. On ignore si les expériences des policiers du dernier groupe se rapportaient à des délinquants atteints de troubles mentaux faisant l'objet d'une accusation au criminel.

Mesures : Les policiers ont fait état de leurs perceptions concernant la gravité de la maladie mentale, le degré de dangerosité ou la gravité de la déficience de chacune des 100 personnes qu'ils avaient arrêtées ou fait interner.

Principaux résultats : Les personnes internées étaient plus susceptibles d'être perçues comme des malades mentaux que les personnes arrêtées. De plus, selon les perceptions des policiers, les personnes internées étaient un peu plus susceptibles de commettre un acte de violence contre une autre personne, elles étaient cinq fois plus susceptibles d'être atteintes d'une déficience grave et vingt fois plus susceptibles de s'infliger des blessures. Dans 30 p. 100 des cas d'arrestation, les policiers auraient pu demander l'internement civil. Ils ne l'ont pas fait parce qu'ils ont jugé que le degré de gravité de la maladie mentale, de la déficience ou de la violence manifestée ne justifiait pas une demande d'internement. De même, dans 30 p. 100 des cas d'internement, les policiers auraient pu procéder à une arrestation. Ils ont opté pour l'internement parce qu'ils ont jugé que l'individu n'avait pas d'intention criminelle ou avait besoin de soins.

Conclusions : Les auteurs sont d'avis que leur étude fournit peu de preuves étayant l'hypothèse selon laquelle les personnes atteintes d'une maladie mentale grave seraient criminalisées ou que les personnes ayant commis une infraction grave feraient l'objet d'une psychiatrisation.

Critique de la méthode : Comme les auteurs n'avaient pas de mesure indépendante de la maladie mentale qui leur aurait permis de juger de la validité des perceptions des policiers à l'égard de la maladie mentale, leur conclusion selon laquelle les malades mentaux ne seraient pas criminalisés ou que les criminels ne feraient pas l'objet d'une psychiatrisation repose sur des données insuffisantes. L'aspect qui présente le plus d'intérêt dans le cadre du présent examen est que la détention dans un hôpital psychiatrique ou une prison est l'aboutissement d'une série de décisions prises par diverses autorités. Les échantillons de malades mentaux ou de criminels ne sont donc pas représentatifs de l'ensemble de la population, et il est possible que le choix des sujets dans ces établissements soit basé sur les perceptions des policiers à l'égard de la gravité de la maladie mentale ou de la propension à la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Swanson, J.W. (1993). Alcohol abuse, mental disorder, and violent behavior : An epidemiologic inquiry. Alcohol, Health & Research World, vol. 17, no 2, p. 123-132.
    Objectif : L'étude avait pour objet de vérifier les cinq hypothèses ci-après concernant la relation entre la maladie mentale, l'abus d'alcool et la violence.
     
    1. L'hypothèse concernant l'abus d'alcool postule que la relation entre la maladie mentale et la violence peut s'expliquer en large partie par l'association entre l'abus d'alcool et la violence.

    2.  
    3. L'hypothèse sociodémographique postule que la relation entre la maladie mentale et l'abus de l'alcool et la violence résulte des corrélats sociodémographiques communs de ces groupes, plus particulièrement le sexe, l'âge et le statut socioéconomique.

    4.  
    5. L'hypothèse de la comorbidité laisse supposer que l'association de l'abus d'alcool et un trouble mental entraîne un risque beaucoup plus important de violence que ne le fait l'une de ces affections à elle seule et survient plus souvent chez les hommes des échelons socioéconomiques inférieurs.

    6.  
    7. L'hypothèse de la sélection institutionnelle postule que la relation apparente entre la maladie mentale et la violence s'explique en grande partie par un biais dans la population à l'étude. La plupart des études sont axées sur des personnes qui ont été traitées ou incarcérés involontairement et qui sont plus susceptibles d'être violentes.

    8.  
    9. L'hypothèse de la psychopathologie laisse supposer que les taux accrus de violence constatés chez les populations définies selon les établissements où elles se trouvent tiennent à la symptomatologie plus prononcée liée à un trouble mental et à l'abus d'alcool chez les personnes qui risquent le plus de se trouver dans ces milieux.

    10.  
    Méthode de recherche : Enquête transversale.

    Lieu : Les données sont représentatives de deux zones de recrutement aux fins des enquêtes épidémiologiques aux États-Unis, soit Durham et Los Angeles.

    Sujets : Un échantillon représentatif de 7 053 adultes.

    Mesures : Comme dans les enquêtes épidémiologiques de zones de recrutement antérieures, les troubles mentaux ont été mesurés à l'aide du Diagnostic Interview Schedule (DIS), un questionnaire structuré pour les intervieweurs non professionnels, dont les codes informatiques permettent l'établissement d'un diagnostic en fonction des catégories du DSM-III-R. La prévalence de chaque trouble mental a été évaluée sur une période d'un an, c'est-à-dire qu'une personne qui répondait aux critères du DSM-III à l'égard d'un trouble donné au cours des douze mois précédant l'enquête était «incluse» dans les statistiques sur ce trouble mental. Quatre questions du DIS ont été utilisées pour définir la violence : (1) le fait de s'être servi d'une arme dans une bagarre depuis l'âge de dix-huit ans ; (2) le fait d'avoir pris part à plus d'une bagarre où il y avait échange de coups de poing depuis l'âge de 18 ans; (3) le fait d'avoir donné une fessée à un enfant ou de l'avoir frappé suffisamment fort pour qu'il ait des ecchymoses; et (4) dans le cas de personnes qui étaient mariées ou qui vivaient en concubinage, le fait d'avoir frappé son épouse ou sa conjointe ou de lui avoir lancé des objets. En ce qui concerne les quatre premières questions, on a demandé aux répondants de préciser la dernière fois qu'ils avaient fait l'une des choses décrites. D'après leurs réponses, un indice de violence reposant sur quatre questions a été établi pour tenir compte du comportement violent à l'égard d'autrui au cours de la période d'un an précédant l'entrevue. Les sujets étaient inclus dans les statistiques sur la violence s'ils avaient répondu par l'affirmative à l'une ou plusieurs de ces questions.

    Principaux résultats : Au total, 193 personnes ont été qualifiées de «violentes» en utilisant les mesures décrites ci-dessus. Cinq modèles statistiques ont été vérifiés - un modèle portant sur chacune des hypothèses à l'étude. Les résultats n'ont pas permis d'étayer l'hypothèse concernant l'abus d'alcool et l'hypothèse sociodémographique. Les autres hypothèses ont été appuyées de façon modérée.

    Conclusions : Les grandes maladies mentales non accompagnées d'abus d'alcool ont été associées à un risque accru de violence. Les personnes souffrant à la fois de maladie mentale et de toxicomanie risquaient encore davantage d'être violentes. Il a été constaté que l'augmentation apparente de violence chez les hommes plus jeunes et de statut socioéconomique inférieur était attribuable en grande partie à la prévalence accrue d'abus d'alcool et de comorbidité dans ce groupe. Il a aussi été constaté que des antécédents d'arrestations et d'hospitalisation en établissement psychiatrique étaient associés à une probabilité accrue de violence.

    Critique de la méthode : Les hypothèses vérifiées dans l'étude sont conceptualisées et décrites clairement. Même si la nature transversale de l'étude ne nous permet pas de déterminer l'ordre temporel des facteurs à l'étude, et partant, de conclure à un lien de causalité clair, les résultats sont intéressants et évocateurs, particulièrement si l'on tient compte de la controverse que présente la littérature concernant le rôle de l'abus d'alcool comme agent causal de la violence chez les malades mentaux et de l'incertitude quant à la façon de traiter du statut socioéconomique. Les auteurs ont tenté de tenir compte du fait que les questions utilisées pour définir la violence étaient parmi celles qui ont servi au diagnostic de certaines maladies mentales en excluant celles-ci de l'analyse. Ce qui n'est toujours pas clair, c'est la mesure dans laquelle les pratiques actuelles de diagnostic, dans l'ensemble, renforcent la relation entre la maladie mentale et la violence par le truchement de la nosologie du DSM.

    Causalité : Même si elle est bien exécutée et analysée, l'étude ne fournit pas suffisamment de données pour conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Swanson, J.W., Hoizer, C.E., Ganju, V.K. et Jono, R.T. (1990). Violence and psychiatric disorder in the community : Evidence from the Epidemiologic Catchment Area Surveys, Hospital and Community Psychiatry, vol. 41, no 7, p. 761-770.
Objectif : Examiner la relation entre la violence et les troubles mentaux chez des adultes vivant dans la collectivité.

Méthode de recherche : Enquête transversale.

Lieu : Les zones de recrutement aux fins des enquêtes épidémiologiques aux États-Unis (New Haven, Baltimore, St. Louis, Raleigh-Durham et Los Angeles).

Sujets : Des enquêtes ont été menées en 1980 et 1983 à l'aide d'échantillons représentatifs composés d'adultes résidant dans certains des secteurs susmentionnés. Les échantillons comprenaient 3 000 à 5 000 résidents par secteur. Les données de cette analyse ont été recueillies à l'aide d'échantillons prélevés à Baltimore, à Raleigh-Durham et à Los Angeles, qui comprenaient au total 10 059 personnes. Les données ont été pondérées en fonction de la probabilité que les répondants soient choisis.

Mesures : Les troubles mentaux ont été mesurés à l'aide du DIS (Diagnostic Interview Schedule), un questionnaire structuré pour les intervieweurs non professionnels, dont les codes informatiques permettent l'établissement d'un diagnostic en fonction des catégories du DSM-III-R. La prévalence de chaque trouble mental a été évaluée sur une période d'un an, c'est-à-dire qu'une personne qui répondait aux critères du DSM-III à l'égard d'un trouble donné au cours des douze mois précédant l'enquête était  «incluse» dans les statistiques sur ce trouble mental. Cinq questions du DIS ont été utilisées pour définir la violence : 1) le fait d'avoir frappé son conjoint ou son partenaire ou de lui avoir lancé des objets, 2) le fait d'avoir donné une fessée à un enfant ou de l'avoir frappé suffisamment fort pour qu'il ait des ecchymoses, 3) le fait d'avoir donné des coups de poing à une personne autre que le conjoint après l'âge de dix-huit ans, 4) le fait de s'être servi d'une arme (comme un bâton, un couteau ou un fusil) après l'âge de dix-huit ans et 5) le fait de s'être battu après avoir consommé de l'alcool. Les sujets étaient inclus dans les statistiques sur la violence s'ils avaient répondu par l'affirmative à l'une ou plusieurs de ces questions et déclaré que le comportement en question s'était produit au cours des douze mois précédant l'enquête. Le statut socioéconomique a aussi été mesuré (en fonction de la profession, du niveau d'instruction et du revenu du ménage).

Principaux résultats : Les sujets qui répondaient aux critères diagnostiques d'un trouble mental selon le DIS et le DSM-III étaient plus susceptibles d'avoir des comportements violents ou agressifs que les autres sujets. Ainsi, plus de la moitié des 368 personnes déclarant un comportement violent au cours de l'année précédente satisfaisaient aux critères de trouble psychiatrique, comparativement à 19,6 p. 100 des contrevenants non violents. Les taux de violence étaient les plus forts chez les toxicomanes (de 19,2 p. 100 à 34,7 p. 100, selon la catégorie). Exception faite des phobies, catégorie dans laquelle la prévalence de la violence se chiffrait à 5 p. 100, celle-ci se situait à 10,7 à 12,7 p. 100 dans toutes les autres catégories de diagnostic (p. ex. troubles de schizophrénie, troubles de dépression et troubles d'anxiété). Sauf une exception, chaque catégorie distincte de troubles (indépendamment des diagnostics multiples) était associée à un risque supérieur. Le taux de violence enregistré chez les personnes souffrant d'un trouble anxieux non accompagné d'un autre trouble était le même que chez les personnes ne souffrant d'aucun trouble. Les personnes souffrant d'un trouble affectif ne présentaient qu'un risque légèrement supérieur. Les personnes souffrant de schizophrénie présentaient un risque quelque peu élevé, mais pas aussi élevé que les gens le croient généralement. Par contre, les personnes souffrant de toxicomanie présentaient un risque beaucoup plus élevé et semblaient avoir commis des actes de violence plus graves et ce, avec une plus grande fréquence.

Le pourcentage de personnes déclarant un comportement violent était de 2,1 p. 100 chez celles ne présentant pas de diagnostic, de 6,8 p. 100 chez celles en présentant un, de 17,5 p. 1 00 chez celles en présentant deux et de 22,4 p. 100 chez celles en présentant trois ou plus.

Conclusions : Les malades mentaux dans la collectivité sont plus susceptibles d'être agressifs que les personnes qui ne souffrent pas de troubles mentaux. L'abus d'alcool ou de drogue, ajouté à la présence de plus d'un diagnostic, augmente considérablement le risque de violence. Ces résultats indiquent que les citoyens courent plus de risque d'être agressés par des toxicomanes que par des personnes atteintes d'une maladie mentale grave, comme la schizophrénie, bien que les craintes à l'égard de ces dernières ne soient pas totalement sans fondement.

Critique de la méthode : Bien que cette étude repose sur les méthodes épidémiologiques les plus perfectionnées appliquées en psychiatrie, les résultats indiquent simplement qu'il y a une association statistique entre la maladie mentale et la violence. Comme les données ont été recueillies dans le cadre d'une enquête transversale, il n'est pas possible d'établir l'ordre temporel des facteurs. Les troubles mentaux aussi bien que la violence ont été mesurés au cours de la même période de douze mois. Par conséquent, les résultats ne peuvent être utilisés pour conclure à un lien de causalité. Deuxièmement, comme les auteurs l'ont souligné, les mesures de la violence n'étaient certainement pas idéales car elles ont été obtenues à l'aide des questions du DIS qui ont été utilisées, en partie, pour établir les diagnostics psychiatriques. On pouvait s'attendre par le fait même à un certain degré d'association.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Teplin, LA. (1985). The criminality of the mentally ill : A dangerous misconception, American Journal of Psychiatry, vol. 142, no 5, p. 593-599.
Objectif : Évaluer le niveau relatif de criminalité chez les personnes atteintes de troubles mentaux en s'intéressant en particulier au premier contact avec le système de justice pénale, de façon à éviter les biais associés au pouvoir d'arrestation discrétionnaire de la police.

Méthode de recherche : L'auteur n'a pas indiqué la méthode appliquée. Les sujets ont été observés dans le contexte des contacts entre policiers et citoyens, puis des données sur les arrestations ont été recueillies. Il semble donc qu'il s'agissait d'une étude de suivi à court terme.

Lieu : Une grande agglomération urbaine des États-Unis (plus d'un million d'habitants).

Sujets : Des policiers (N=283) ont été choisis au hasard et observés dans le cadre de leurs relations quotidiennes avec les citoyens. Des observations ont été faites à toutes les heures de la journée, tous les jours. Les soirées et les fins de semaine ont fait l'objet d'un suréchantillonnage. Les données ont été recueillies dans deux districts de police afin d'avoir des profils socioéconomiques variés.

Mesures : Les chercheurs ne pouvaient effectuer des évaluations diagnostiques structurées à grande échelle dans le contexte des contacts entre policiers et citoyens. Ils ont donc eu recours, pour mesurer la maladie mentale, à une liste de vérification des symptômes où étaient énumérées les caractéristiques des troubles mentaux graves (confusion ou désorientation, isolement ou absence de réactions, discours ou comportement paranoïde, inapproprié ou étrange, comportements autodestructeurs). Une personne était considérée comme étant atteinte d'un trouble mental si elle affichait au moins l'une de ces caractéristiques et si le chercheur lui avait attribué un score global correspondant à un trouble mental grave. Les chercheurs ont validé les résultats de cette liste de vérification en les comparant aux résultats obtenus auprès de 61 détenus choisis au hasard qui avaient été soumis au DIS (Diagnostic Interview Schedule). Le degré de concordance établi à l'égard de la définition des troubles mentaux graves s'élevait à 93,4 p. 100. La criminalité a été mesurée à l'aide des données sur les arrestations. Les infractions ont été classées dans les catégories suivantes : infractions contre la personne avec violence, conflits interpersonnels, infractions majeures contre les biens, infractions mineures contre les biens, atteintes à la santé ou à la sécurité publique ou aux mœurs et infractions contre l'ordre public.

Principaux résultats : Les policiers de l'échantillon ne sont pas souvent entrés en contact avec des personnes souffrant de troubles mentaux graves (4 p. 100 des 2 122 personnes rencontrées). Les personnes atteintes de troubles mentaux étaient plus susceptibles de faire l'objet de préoccupations ou d'avoir besoin d'aide et eues étaient seulement un peu plus susceptibles que les personnes non atteintes de troubles mentaux d'être considérées comme des suspects. Dans le cas des individus considérés comme des suspects, il n'y avait pas de lien entre le genre de crime commis et le fait que le sujet soit atteint ou non d'un trouble mental. Le taux d'infractions graves commises par les personnes atteintes de troubles mentaux n'était pas disproportionné à leur nombre.

Conclusions : Les manifestations de la criminalité chez les suspects atteints de troubles mentaux sont en grande partie semblables à celles observées chez les suspects non atteints de troubles mentaux.

Critique de la méthode : La principale force de cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont examiné un échantillon représentatif de tous les cas de violation de la loi (c.-à-d. les contacts entre policiers et citoyens), sans tenir compte des mesures prises par les policiers dans ces cas. Cette façon de procéder a permis aux chercheurs de contrôler les taux d'arrestation biaisés résultant de la tendance des policiers à arrêter les malades mentaux plus souvent que les personnes normales, après un premier contact. La seconde force de cette étude réside dans le fait que les chercheurs se sont appuyés sur des données d'observation plutôt que sur des archives ou des données secondaires pour mesurer la maladie mentale et les arrestations. Enfin, grâce à la liste de vérification des symptômes qu'ils ont utilisée, les chercheurs ont réussi à donner de la maladie mentale une définition non reliée à la criminalité et ils ont évité ainsi les définitions qui engendrent si souvent de la confusion dans les études fondées sur l'utilisation des critères du DSM-III-R. En bref, cette étude fournit des preuves solides à l'appui de la thèse selon laquelle il n'y a pas de différences importantes entre les personnes souffrant de troubles mentaux et les autres personnes qui entrent en contact avec la police, quant aux types de crimes dont elles sont soupçonnées.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Études portant sur des patients psychiatriques

Les études décrites ci-après portent sur la relation entre la maladie mentale et la violence chez des patients psychiatriques. Étant donné que tous les échantillons étaient composés de personnes ayant reçu des soins hospitaliers, les résultats sont entachés d'un biais de sélection. Par conséquent, on ne peut jamais affirmer que les associations constatées à partir de ces échantillons reflètent des associations qui existent dans la population générale. En outre, nombre de ces études ne prévoit pas de groupe témoin, de sorte qu'il est impossible de savoir si les taux de violence sont supérieurs ou inférieurs à ceux auxquels on devrait s'attendre. En raison des échantillons choisis, les recherches de ce type ne peuvent être utilisées pour étayer la proposition selon laquelle les malades mentaux seraient plus violents que les autres personnes.

Asnis, G.M., Kaplan, M.L., van Praag, H.M. et Sanderson, W.C. (1994). Homicidal behaviours among psychiatrie outpatients, Hospital and Community Psychiatry, vol. 45, no 2, p. 127-132.

Objectif : Faire une évaluation plus nuancée des comportements violents en accordant une attention particulière aux comportements que le patient décrit lui-même comme des comportements homicides, y compris les idées, les plans et les tentatives d'homicide. Le second but de l'étude était de déterminer les caractéristiques qui permettent de différencier les patients ayant eu dans le passé des comportements homicides de ceux qui ne manifestent pas de tendances homicides.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une enquête descriptive.

Lieu : Un hôpital sans but lucratif situé dans le Bronx, à New York.

Sujets : Les sujets à l'étude étaient 517 malades mentaux qui avaient demandé à être soignés à la clinique externe de psychiatrie de l'hôpital, soit 204 hommes (40 p. 100) et 313 femmes (60 p. 100) âgés de 13 à 87 ans.

Mesures : Les formules d'autodéclaration comprenaient: 1) la formule de données démographiques Harkavy-Asnis Suicide Survey, 2) la formule Homicidal Behaviours Survey et 3) la liste révisée Symptom Checklist 90. Chaque malade devait aussi répondre, dans le cadre d'une interview semi-dirigée, à des questions visant à déterminer ses antécédents psychiatriques et à évaluer son état mental. Ces interviews étaient menées par un psychologue ou un psychiatre. Un diagnostic a été établi pour chaque malade, selon le DSM-III-R.

Principaux résultats : En tout, 114 sujets (22 p. 100) ont déclaré avoir eu des idées d'homicide par le passé et 41 de ces sujets (8 p. 100 de l'échantillon total) ont déclaré que leurs idées d'homicide avaient persisté pendant au moins sept jours. Quarante sujets (8 p. 100) ont déclaré avoir dressé un plan d'homicide. Vingt-deux sujets (4 p. 100) ont déclaré avoir déjà fait une tentative d'homicide. Aucune différence significative n'a été constatée, par rapport aux diagnostics établis, entre les sujets ayant fait une tentative d'homicide dans le passé et ceux n'ayant pas de tendances homicides. De plus, les sujets ayant fait une tentative d'homicide ont déclaré, dans une proportion significativement plus élevée, avoir eu des idées de suicide et avoir fait des tentatives de suicide, comparativement aux sujets qui avaient déclaré avoir eu uniquement des idées d'homicide. Une différence de 8 p. 100 a été constatée entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les idées d'homicide et les tentatives d'homicide (hommes 27 p. 100, femmes 18 p. 100).

Conclusions : Les auteurs ont conclu que le taux de tentatives d'homicide enregistré au cours de leur étude était beaucoup plus faible que le taux de 10 p. 1 00 enregistré par d'autres chercheurs à l'égard des agressions physiques. Étant donné la relation observée entre les comportements homicides actuels et antérieurs, les auteurs ont conclu que les évaluations psychiatriques de routine devraient comprendre une évaluation minutieuse des antécédents de violence. Ils ont reconnu que les limites inhérentes aux instruments d'autodéclaration et la nature rétrospective de leur étude avaient pour effet de restreindre la valeur de leurs résultats. Ils n'ont pas laissé entendre que leurs résultats pouvaient être utilisés pour tirer des conclusions au sujet des causes des comportements homicides.

Critique de la méthode : La principale faiblesse de cette étude réside dans l'accent qui est mis sur le comportement homicide, qui est non seulement très rare, mais qui constitue une manifestation extrême de violence. En dépit de cette limite, les auteurs ont comparé leurs résultats à ceux obtenus par des chercheurs qui ont étudié le comportement criminel en général et le comportement criminel chez les malades mentaux hospitalisés. Étant donné que cette étude portait sur des personnes qui s'étaient présentées dans une clinique de psychiatrie externe, on ne peut dire dans quelle mesure les comparaisons apportent un éclairage utile. Il se peut que la forte proportion de femmes dans la population à l'étude (60 p. 100) explique le taux inférieur d'homicide dans l'étude, et ce, comparativement à d'autres travaux de recherche, étant donné que les femmes ont tendance à accuser une incidence inférieure de crime avec violence. De plus, comme les auteurs n'ont pas indiqué les propriétés psychométriques des instruments de mesure qu'ils ont utilisés, les conclusions relatives à la fiabilité et à la validité des résultats sont limitées. Étant donné que les renseignements recueillis ont trait à des questions délicates, il est possible que l'utilisation d'un instrument d'autodéclaration ait entraîné une sous-estimation des tendances homicides au sein du groupe considéré. Comme l'étude portait sur des malades suivis dans une clinique externe, on ne peut en utiliser les résultats pour examiner la possibilité qu'il y ait une relation étiologique entre la maladie mentale et la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Binder, R., McNeil, E. et Binder, R.L. (1988). Effects of diagnosis and context on dangerousness, American Journal of Psychiatry, vol. 145 no 6, p. 728-732.
Objectif : L'étude avait pour but de répondre aux questions suivantes : 1) Les patients atteints de schizophrénie, de manie ou d'un autre trouble mental sont-ils plus susceptibles d'être agressifs avant leur admission? 2) Les patients atteints de schizophrénie, de manie ou d'un autre trouble mental sont-ils plus susceptibles d'être agressifs durant la phase de leur hospitalisation qui correspond à un épisode aigu de la maladie?

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais il semble qu'il s'agissait d'un examen longitudinal de dossiers médicaux.

Lieu : L'unité de psychiatrie de courts séjours (fermée à clé) d'un hôpital universitaire.

Sujets : L'échantillon se composait de 150 patients choisis au hasard parmi tous les patients admis à l'hôpital en 1983 (N=238) et durant les six premiers mois de 1984 (N=118). Les personnes ayant été admises plusieurs fois à l'hôpital au cours de cette période ont été exclues.

Mesures : Selon la définition donnée par les auteurs, la violence avant l'admission comprenait la violence manifestée au cours des deux semaines précédant l'hospitalisation. La violence à l'hôpital a été mesurée au cours des 24 premières heures d'hospitalisation. Le comportement violent a été mesuré à l'aide d'une échelle comprenant quatre catégories d'agressions : 1) les agressions contre une personne, 2) la violence physique contre des objets, 3) les menaces d'agression physique contre une personne et 4) la violence verbale contre une personne.

Principaux résultats : Aucune différence significative n'a été constatée entre les sujets de différentes ethnies ou classes sociales. Les données indiquent que, durant les deux semaines précédant l'admission, 21 p. 100 des patients ont agressé une personne et 25,3 p. 100 ont manifesté un comportement ayant suscité la peur. L'analyse du chi carré a révélé une association significative entre le trouble diagnostiqué et la fréquence de la violence, en particulier chez les patients souffrant de schizophrénie ou de manie. Treize pour cent des patients avaient agressé une personne au moment de leur admission et 32 p. cent avaient manifesté un comportement ayant suscité la peur. Une association significative a aussi été constatée entre le trouble diagnostiqué et le type de violence; cependant, dans ce cas, les patients souffrant de manie étaient plus susceptibles d'agresser une personne, alors que ceux atteints de schizophrénie étaient plus susceptibles de manifester un comportement suscitant la peur.

Conclusions : Les chercheurs ont constaté que le risque de violence considéré par rapport au diagnostic établi variait selon le contexte. Avant l'hospitalisation, tant les patients souffrant de manie que ceux souffrant de schizophrénie étaient plus susceptibles de manifester un comportement agressif que ceux chez qui on avait diagnostiqué un autre trouble. Toutefois, durant leur séjour à l'hôpital, les patients souffrant de manie étaient plus susceptibles de manifester un comportement agressif. Au cours des 24 premières heures d'hospitalisation, les patients atteints de schizophrénie reçoivent des neuroleptiques, lesquels réduisent les symptômes psychotiques, exercent une action calmante et, partant, diminuent le risque de violence.

Critique de la méthode : Les groupes de sujets comparés, pour lesquels un diagnostic différent avait été établi, avaient des caractéristiques différentes sur le plan démographique. Il est possible que ces différences expliquent en partie les différences constatées à l'égard de la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Buckley, P., Walshe, D., Colohan, H.A., O'Callaghan, E., Mulvey, F., Gibson, T., Waddington, J.L. et Conall, L. (1990). Violence and schizophrenia - a study of the occurrence and clinical correlates of violence among schizophrenic patients, Irish Journal of Psychological Medicine, vol. 7, p. 102-108.
Objectif : Examiner en profondeur les caractéristiques des comportements violents et leurs corrélats cliniques chez des patients psychiatriques hospitalisés.

Méthode de recherche : Les données ont été recueillies à partir d'un examen des dossiers médicaux. Bien que les auteurs n'aient pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une enquête rétrospective.

Lieu : Le service de psychiatrie d'un hôpital général de Stillorgan, à Dublin.

Sujets : L'échantillon était composé de tous les malades hospitalisés dans le service de psychiatrie (N=698) pour lesquels un diagnostic de schizophrénie avait été établi selon la Classification internationale des maladies, neuvième édition (CIM-9). Les sujets avaient été admis entre 1983 et 1988.

Mesures : La violence était définie ainsi : agression physique ou dommages matériels intentionnels. Les données sur la violence comprenaient aussi bien les actes de violence commis dans la collectivité que ceux commis en milieu hospitalier. Tout acte de violence s'étant produit depuis le début de la maladie du patient était inclus dans les statistiques.

Principaux résultats : Cent treize (16,2 p. 100) des 698 patients souffrant de schizophrénie avaient commis des actes de violence. Les patients ayant eu des comportements violents ont été comparés aux patients n'ayant pas d'antécédents de violence. Les deux groupes ne pouvaient être distingués par rapport aux variables suivantes : une symptomatologie positive ou négative, des antécédents psychiatriques familiaux ou une dépression traitée. Le taux de violence enregistré était plus élevé chez les sujets masculins que chez les sujets féminins. Les données sur le comportement violent ont permis de tirer des conclusions sur 111 sujets (sur 113) : 20 (18 p. 100) avaient eu un comportement violent à l'hôpital, 62 (56 p. 100) avaient eu un comportement violent dans la collectivité et 29 (26 p. 100) s'étaient comportés avec violence dans les deux milieux. La plupart des incidents de violence survenus dans la collectivité s'étaient produits au domicile du sujet et avaient consisté en des dommages causés à des meubles ou en une agression contre un membre de la famille. Il s'agissait dans la plupart des cas d'agressions mineures.

Conclusions : La majeure partie des actes de violence étaient mineurs et avaient rarement résulté en des blessures graves chez la victime.

Critique de la méthode : Les auteurs ont indiqué que leurs résultats étaient comparables à ceux obtenus par d'autres chercheurs antérieurement. Ils ont reconnu qu'il y avait deux biais d'échantillonnage possibles dans leur étude. Premièrement, les personnes souffrant d'une maladie mentale moins grave qui étaient soignées à la clinique externe seulement n'ont pas été incluses dans l'échantillon, ce qui peut avoir entraîné une surestimation de la violence chez les patients schizophrènes. Deuxièmement, les personnes qui manifestaient un comportement violent intense et persistant ont été exclues, car elles avaient été dirigées vers des centres de traitement régionaux qui étaient davantage en mesure d'assurer la sécurité. Outre les biais signalés par les auteurs, il est probable que l'utilisation des notes du personnel infirmier ait entraîné une sous-estimation de la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Cirincione, C., Steadman, H.J., Clark-Robbins, P. et Monahan, J. (1992). Schizophrenia as a contingent risk factor for criminal violence, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 15, p. 347-358.
Objectif : Déterminer dans quelle mesure un diagnostic de schizophrénie permettait de prévoir les actes criminels avec violence lorsque les effets de la variable «arrestations antérieures» étaient éliminés.

Méthode de recherche : Les auteurs ont omis de décrire la méthode de recherche qu'ils ont appliquée. Cependant, d'après la description de la collecte des données, il semble qu'il s'agissait d'une étude rétrospective de cohortes.

Lieu : Un établissement du New York State Office of Mental Health de l'État de New York, aux États-Unis.

Sujets : Les deux groupes de sujets étaient composés d'hommes adultes admis dans un établissement du New York State Office of Mental Health en 1968 et 1978. Certains des sujets avaient participé volontairement à l'étude, et d'autres non. L'échantillon initial comprenait 400 sujets, mais il était limité aux catégories suivantes : 1) les malades de moins de 50 ans; 2) ceux dont le dossier était complet; 3) ceux qui souffraient d'un trouble psychiatrique (sauf les troubles de la personnalité) du DSM- III-R; et 4) ceux qui avaient reçu leur congé dans les cinq ans suivant leur admission. Les échantillons de 1968 et 1978 comprenaient 255 et 327 sujets, respectivement. Dans la majeure partie des cas (86,7 p. 100), le diagnostic primaire était soit la schizophrénie, soit la toxicomanie.

Mesures : Les renseignements suivants ont été recueillis concernant chaque malade : le diagnostic établi au moment de l'admission, l'âge au moment de l'admission, la race et les arrestations antérieures. Des données sur les arrestations ultérieures ont été recueillies auprès de la Division des services de justice pénale de l'État de New York durant les onze années suivant l'hospitalisation du malade. Les crimes avec violence comprenaient le meurtre, l'homicide involontaire coupable, le viol, la tentative de viol, les voies de fait, l'enlèvement et la sodomie.

Principaux résultats : En ce qui concerne le groupe de sujets de 1968, la seule variable qui était reliée de façon significative à la violence ultérieure était les arrestations antérieures. Cette relation était significative également dans le cas du groupe de sujets de 1978. Par ailleurs, le risque de violence s'est avéré significativement plus élevé chez les sujets de couleur que chez les sujets de race blanche.

Parmi les sujets chez qui on avait diagnostiqué une schizophrénie et qui n'avaient jamais été arrêtés, 10,7 p. 100 avaient eu des comportements violents ultérieurement, comparativement à 2,2 p. 100 de ceux qui souffraient de toxicomanie. Dans le groupe de sujets de 1968, la probabilité d'arrestation pour un crime avec violence était plus élevée dans le cas des personnes atteintes de schizophrénie et moins élevée dans le cas des malades chez qui on avait diagnostiqué un autre genre de trouble. Dans le groupe de 1978, il n'y avait pas de relation significative entre le diagnostic établi et la violence ultérieure.

Conclusions : Les résultats ont révélé plusieurs relations intéressantes entre le diagnostic établi et les arrestations ultérieures pour des crimes avec violence, relation qui n'était pas modifiée lorsqu'on contrôlait les variables âge, race et statut juridique. Dans le groupe de sujets de 1968, le diagnostic établi constituait une variable prédictive importante de la violence. Les résultats obtenus à l'égard du groupe de 1978 étaient opposés à ceux obtenus pour le groupe de 1968 où, dans le cas des sujets n'ayant jamais été arrêtés, le diagnostic n'était pas une variable prédictive importante de la violence. En ce qui concerne ce dernier groupe, il est possible que le taux de violence de base chez les sujets n'ayant jamais été arrêtés était trop faible (2,6 p. 100) pour qu'une analyse valable puisse être effectuée. Les résultats donnent à penser que nous devrions considérer avec prudence l'affirmation selon laquelle l'évaluation du risque devrait être faite uniquement lorsque le sujet a de longs antécédents de violence. Les résultats ont aussi révélé que la relation entre le diagnostic et les crimes avec violence dépendait de la variable  «arrestations antérieures».

Critique de la méthode : Le faible taux de base enregistré dans le groupe de sujets de 1978 ainsi que le petit nombre de sujets ne souffrant pas de schizophrénie rendent difficile l'interprétation des résultats des analyses statistiques. Le fait que les chercheurs aient constaté que les sujets souffrant de schizophrénie étaient impliqués plus souvent dans des incidents de violence peut être dû simplement à leur surreprésentation dans la population de cet hôpital, comparativement aux autres groupes de malades.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Convit, A., Isay, D., Otis, D. et Volavka, J. (1990). Characteristics of repeatedly assaultive psychiatric inpatients, Hospital and Community Psychiatry, vol. 41, no 10, p. 1112-1115.
Objectif : Comparer des patients qui étaient des récidivistes violents avec d'autres patients qui avaient été violents seulement une fois ou deux (non-récidivistes) afin de découvrir les corrélations se rapportant plus spécifiquement à la violence.

Méthode de recherche : Bien que les chercheurs aient omis d'indiquer leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude rétrospective de cohortes.

Lieu : Un grand hôpital psychiatrique public de la ville de New York dans l'État de New York, aux États-Unis.

Sujets : Tous les patients qui se trouvaient à l'hôpital le premier jour de l'étude et tous les autres patients admis par la suite au cours de la période de six mois à l'étude ont été considérés comme des sujets présentant un risque de violence et ont été inclus dans la population à risque. La population à l'étude comprenait 1 195 patients qui étaient hospitalisés lorsque l'étude a commencé et 357 patients qui ont été admis durant la période de six mois à l'étude, de sorte que la population totale des patients à risque s'élevait à 1 552 (1 041 hommes et 511 femmes).

Mesures : Les chercheurs ont consulté les rapports d'incident pour déterminer la fréquence de la violence. Dans les hôpitaux psychiatriques de l'État de New York, deux types de comportement violent justifient la production d'un rapport d'incident : les échanges de coups entre deux patients et les agressions. On entend par agression une attaque d'un patient contre une personne qui ne réplique pas. Les chercheurs ont examiné tous les rapports d'incident portant sur des échanges de coups ou des agressions qui avaient été produits au cours de la période de six mois. Les patients qui avaient été impliqués dans trois incidents ou plus de cette nature étaient considérés comme des récidivistes.

Principaux résultats : Au cours de la période à l'étude, 4 907 incidents de violence se sont produits, dont 174 échanges de coups (35 p. 100), 233 agressions contre des patients (47 p. 100) et 90 agressions contre des membres du personnel (18 p. 100). En tout, 313 patients (201 hommes et 112 femmes) ou 20 p. 100 des sujets ont été impliqués dans un échange de coups ou ont commis une agression une ou plusieurs fois durant la période de six mois. Soixante-dix des 313 patients violents (31 hommes et 39 femmes) répondaient au critère de récidive établi par les chercheurs. Ces 70 patients avaient été impliqués dans 53 p. 100 de tous les incidents de violence. Le pourcentage des femmes considérées comme des récidivistes était significativement plus élevé que celui des hommes. Les femmes récidivistes étaient généralement plus jeunes, mais il n'y avait aucune différence significative entre les récidivistes et les non-récidivistes par rapport au diagnostic établi.

Conclusions : Les données de cette étude indiquent que 5 p. 100 des individus de la population à risque étaient responsables de 53 p. 100 des agressions. Huit pour cent des femmes étaient responsables de 70 p. 100 des agressions commises par des femmes tandis que 3 p. 100 des hommes étaient responsables de 40 p. 100 des agressions commises par des hommes. Ces résultats indiquent qu'une faible proportion des patients sont responsables d'environ la moitié des incidents de violence dans les hôpitaux psychiatriques. Fait plus important encore, ils sont responsables de plus de la moitié des blessures graves.

Critique de la méthode : Le fait que les chercheurs se soient appuyés sur des rapports d'incident peut avoir eu pour effet de sous-estimer le niveau de violence au sein de cette population. Les résultats qui indiquent qu'une faible proportion des patients sont responsables de la majeure partie des cas de violence concordent avec des résultats obtenus dans des études plus générales sur la criminalité. Cependant, comme cette étude portait sur des patients hospitalisés, les résultats ne peuvent être appliqués à tous les individus souffrant d'une maladie mentale et ils ne nous éclairent guère sur la relation étiologique entre la maladie mentale et la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Cuffel, B. J., Shumway, M. Chouljian, T.L., et Macdonald, T. (1994). A longitudinal study of substance use and community violence in schizophrenia. The Journal of Nervous and Mental Disease, vol. 182, no 12, p. 704-708.
Objectif : L'étude a été conçue pour aborder deux questions, à savoir : 1) si la toxicomanie dans la schizophrénie peut être reliée transversalement à l'apparition d'un comportement violent; et 2) si la toxicomanie dans la schizophrénie peut permettre de prédire la manifestation d'un comportement violent futur.

Méthode de recherche : Un examen rétrospectif des dossiers a été utilisé pour recueillir les données secondaires déclarées et documentées au cours d'essais contrôlés aléatoires.

Lieu : Une clinique de schizophrénie de l'Hôpital général de San Francisco, aux États-Unis.

Sujets : Les sujets étaient 103 patients psychiatriques externes âgés de 18 à 55 ans qui avaient reçu des soins entre 1985 et 1989. Tous les sujets étaient des participants à un essai clinique d'interventions pharmacologiques qui excluait les personnes ayant d'importants antécédents juridiques ou les personnes ayant une forte dépendance à l'égard de l'alcool ou des drogues. Au bout de six mois, 89 patients participaient toujours à l'étude. Après six mois, l'attrition de l'échantillon rendait les analyses statistiques trop imprécises.

Mesures : Toutes les données ont été recueillies à l'aide d'un examen rétrospectif des dossiers. Le diagnostic clinique de schizophrénie, d'un trouble schizoaffectif ou d'un trouble schizophréniforme du DSM-III-R avait été inscrit dans le dossier des malades et posé au départ à l'aide de l'entrevue clinique structurée. Le comportement violent inscrit dans le dossier clinique au cours de la période du ler au troisième mois et de la période du 3e au 6e mois constituaient les principales mesures dépendantes. Ces comportements comprenaient les menaces verbales de violence contre autrui, les menaces non verbales de violence contre autrui, les agressions physiques, les altercations, le fait de brandir une arme, l'utilisation d'une arme, le fait d'allumer un incendie, et la destruction de biens. La toxicomanie a été enregistrée séparément, c'est-à-dire de façon distincte pour l'alcool, la marijuana, les opiacés, les sédatifs et les hallucinogènes, mais les sujets étaient classés de la façon qui suit : ceux qui n'utilisaient que l'alcool ou la marijuana (N=9) et ceux qui utilisaient une autre substance (N=11). L'âge, le sexe et le statut de minorité ont été considérés comme des covariables dans l'analyse.

Principaux résultats : Au cours des trois premiers mois, 8,6 p. 100 des sujets ont été identifiés comme ayant utilisé de l'alcool ou de la marijuana et 10,6 p. 100 enregistraient une polytoxicomanie. Au cours de la période du 3e au 6e mois, ces proportions étaient de 11,3 p. 1 00 et de 5,7 p. 100, respectivement. Des comportements violents ont été enregistrés chez 18,4 p. 100 de l'échantillon au cours de la période du 1er au 3e mois et chez 14,7 p. 100 de l'échantillon au cours de la période du 3e au 6e mois. Chez les polytoxicomanes, le risque de commettre un acte de violence au cours de la première période des trois mois de suivi et au cours de la deuxième période des trois mois de suivi était 12,56 fois plus élevé (p 0,01) et 4,61 fois plus élevé (p -0,10), respectivement. Aucune autre relation digne de mention sur le plan statistique n'a été signalée.

Conclusions : Les auteurs arrivent à la conclusion que les résultats de l'étude fournissent des «preuves présomptives» que la consommation de certaines substances peut prédisposer les sujets souffrant de schizophrénie et de polytoxicomanie à des épisodes ultérieurs de comportement violent.

Critique de la méthode : La nature restreinte de l'échantillon, la taille restreinte des échantillons et l'absence d'intervalles de confiance rendent l'importance de ces résultats difficile à évaluer.

Causalité : L'étude n'aborde pas la question de savoir si le risque de violence est plus élevé chez les personnes atteintes de schizophrénie que chez les personnes ne souffrant pas d'un trouble mental. Il est donc impossible d'utiliser les résultats pour établir un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Durbin, J.R., Pasewark, R.A. et Albers, D. (1977). Criminality and mental illness : A study of arrest rates in a rural state, American Journal of Psychiatry, vol. 124, no 1, p. 80-83.
Objectif : Examiner les données cumulatives sur les arrestations chez d'anciens patients psychiatriques et les comparer aux données équivalentes enregistrées pour la population générale.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais les méthodes de collecte des données permettent de croire qu'il s'agissait d'une étude historique de cohortes et d'un suivi s'étalant sur une période maximale de dix ans.

Lieu : Wyoming, États-Unis.

Sujets : Les sujets à l'étude étaient 461 personnes dont l'âge variait entre 18 et 64 ans, admises au Wyoming State Hospital en 1969. Ont été exclues de l'étude les personnes admises à cet hôpital pour y subir une évaluation psychiatrique à la demande d'une cour de justice ou à des fins médico-légales, les personnes transférées dans un autre établissement au cours de l'étude ainsi que les personnes décédées durant leur séjour à l'hôpital. Cet hôpital est le seul établissement psychiatrique de l'État. Par conséquent, les résultats peuvent être appliqués à l'ensemble des patients psychiatriques du Wyoming.

Mesures : Les données sur les arrestations au criminel ont été obtenues pour la période 1964-1973, tant pour le groupe à l'étude (à partir de la comparaison des empreintes digitales) que pour la population de l'État.

Principaux résultats : Les données sur les arrestations ont révélé des différences entre les hommes et les femmes. En général, le risque d'arrestation était plus élevé chez les anciens patients de sexe masculin que dans la population générale, alors que ce risque était le même dans le cas des femmes. Chez les hommes, un petit nombre d'anciens patients était responsable de la majeure partie des arrestations au sein du groupe : 7,3 p. 100 des patients avaient fait l'objet de 68,2 p. 100 des arrestations. Les taux de crime avec violence étaient plus élevés chez les anciens patients de sexe masculin que dans la population générale, et ce pour la plupart des catégories de crimes. Cependant, les hommes chez qui on avait diagnostiqué un trouble de la personnalité ou une dépendance à l'égard de la drogue étaient surreprésentées parmi les sujets arrêtés. Les personnes atteintes d'un trouble de la personnalité constituaient 10,1 p. 100 du groupe de malades à l'étude, mais représentaient 25 p. 100 des arrestations; les personnes souffrant d'une dépendance à l'égard de la drogue constituaient 3,5 p. 100 du groupe à l'étude, mais représentaient 7,9 p. 100 des arrestations. Les personnes atteintes de schizophrénie n'étaient pas surreprésentées dans les données sur les arrestations, et aucune des arrestations dont elles avaient fait l'objet ne concernait un crime contre la personne.

Conclusions : Selon les auteurs, il est risqué de tirer des conclusions catégoriques et de faire des généralisations à partir de ce genre de recherche, vu la multitude de facteurs qui influent sur les taux d'arrestation. Selon eux, les résultats de cette étude permettent de croire que les taux d'arrestation ne sont pas plus élevés chez les anciens patients psychiatriques que dans la population générale, comme semblaient l'indiquer les résultats de certaines études antérieures.

Critique de la méthode : Les chercheurs ont corrigé les données pour tenir compte du fait que les patients n'étaient pas susceptibles d'être arrêtés lorsqu'ils étaient hospitalisés. Les taux d'arrestation différents constatés pour les hommes et les femmes mettent en évidence l'importance de contrôler les variables démographiques lorsqu'on établit des comparaisons par rapport à la population générale.

Causalité : Comme le groupe de sujets à l'étude avait des caractéristiques particulières, les résultats ne peuvent être utilisés pour établir un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Fottrell, E. (1980). A study of violent behaviour among patients in psychiatrie hospitals, British Journal of Psychiatry, vol. 136, p. 216-221.
Objectif : Examiner les comportements violents chez des patients dans les hôpitaux psychiatriques britanniques.

Méthode de recherche : Les chercheurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais il semble qu'il s'agissait d'une étude cas-témoins, car les sujets ont été choisis selon la fréquence de leurs comportements violents.

Lieu : L'étude a été réalisée dans trois hôpitaux : le Tooting Bec Hospital de Londres, l'aile psychiatrique Chiltern du Sutton General Hospital, à Sutton, et le Park Prewett Hospital, à Basingstoke, Hants. Dans les deux premiers hôpitaux, l'étude a duré un an et a porté sur la population totale des patients. Dans le troisième hôpital, l'étude a duré quatre mois.

Sujets : Le Tooting Bec Hospital et le Park Prewett Hospital comptaient environ 1 100 patients durant la période à l'étude.

Mesures : Le type de violence étudié était la violence physique intentionnelle dirigée contre une personne, y compris contre soi-même. Les chercheurs ont distingué trois degrés de violence. La violence du premier degré était présente lorsqu'aucune blessure physique ne pouvait être décelée ou soupçonnée chez les victimes lorsque celles-ci étaient examinées par un médecin. Lorsqu'il y avait des blessures physiques mineures, on considérait qu'il s'agissait de violence du deuxième degré. La violence du troisième degré correspondait aux cas où on constatait ou soupçonnait que la victime avait subi des blessures physiques. Un questionnaire a été conçu pour recueillir les données sur la fréquence de la violence.

Principaux résultats : Une plus grande proportion des jeunes et une lus grande proportion des femmes étaient responsables des incidents de violence. La schizophrénie était le diagnostic le plus courant chez les patients ayant commis des actes de violence. Une faible proportion seulement de l'ensemble des patients avait des comportements violents, et une proportion encore plus faible était responsable de la majeure partie des incidents de violence.

Conclusions : Bien qu'il y ait des incidents de violence mineurs dans les hôpitaux psychiatriques, les agressions graves y sont rares. Les trois événements graves qui se sont produits au cours de la période à l'étude étaient des suicides. Les auteurs ont conclu que, dans ces hôpitaux, le risque de décès par suicide est plus élevé que le risque de décès par meurtre.

Critique de la méthode : Comme les résultats de cette étude sont basés sur des échantillons de patients, ils ne peuvent être utilisés pour tirer des conclusions au sujet de la violence chez les malades mentaux non hospitalisés. Il est curieux néanmoins de noter que la fréquence de la violence a été considérée comme faible au sein d'un groupe où on s'attendrait à ce que le risque de violence soit plus élevé. Il est possible que ce taux peu élevé s'explique par le fait que les incidents de violence n'ont pas tous été déclarés.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Grossman, L.S., Haywood T.W., Cavanaugh J.L., Davis J.M. et Lewis D.A. (1995). State psychiatrie hospital patients with past arrests for violent crimes. Psychiatric Services, vol. 46, no 8, p. 790-795.
Objectif : Comparer la prévalence de la criminalité et des crimes avec violence chez quatre groupes de patients : les patients chez qui on a diagnostiqué une schizophrénie, un trouble schizoaffectif, un trouble affectif bipolaire ou un trouble affectif unipolaire.

Méthode de recherche : Examen des dossiers d'arrestation de malades psychiatriques hospitalisés.

Lieu : Quatre hôpitaux psychiatriques de l'État de l'Illinois, aux États-Unis.

Sujets : Les sujets étaient 172 patients hospitalisés qui ont été interviewés au cours de leur hospitalisation volontaire dans le cadre d'un programme de recherche longitudinale. Ces personnes ont été choisies à partir d'un échantillon aléatoire de 313 patients et jugées conformes aux critères d'inclusion diagnostique de l'étude.

Mesures : Les patients ont été diagnostiqués selon les RDC (Research Diagnostic Criteria) et le DSM-III, et choisis en fonction du Guide pour le diagnostic des troubles affectifs et de la schizophrénie (GDTAS). Les antécédents criminels ont été établis en fonction des dossiers d'arrestations du service de police de Chicago. Les patients ont été classés selon le crime le plus violent pour lequel ils avaient été arrêtés avant l'hospitalisation.

Principaux résultats : Des 172 sujets, 63,5 p. 100 n'avaient pas d'antécédents criminels, 3 p. 100 n'avaient commis que des crimes non violents, 6,5 p. 100 avaient commis des crimes contre les biens et 27 p. 100 avec commis des crimes de violence. Une association importante a été constatée entre la catégorie de diagnostic et les crimes de violence antérieurs. Les patients souffrant de troubles schizoaffectifs étaient plus susceptibles d'avoir été arrêtés pour une infraction avec violence. Les patients jugés psychotiques au cours de leur hospitalisation étaient considérablement plus susceptibles d'avoir des antécédents de crimes avec violence, comparativement aux patients non psychotiques. Si l'on compare uniquement les schizophrènes paranoïaques et les schizophrènes non paranoïaques, ceux présentant une paranoïa étaient considérablement plus susceptibles d'avoir commis un crime avec violence. En outre, les patients qui faisaient un abus de drogues ou un abus de drogues et d'alcool commettaient des crimes plus graves. Finalement, les antécédents de crimes avec violence étaient plus fréquents chez les patients de sexe masculin des groupes minoritaires.

Conclusions : Les caractéristiques démographiques, un diagnostic de trouble schizoaffectif, une psychose, des symptômes paranoïdes et la toxicomanie peuvent tous être associés à un comportement violent.

Critique de la méthode : Il n'est pas clair si les patients étaient symptomatiques au moment de leur arrestation ou encore si leur maladie psychiatrique précédait leur criminalité.

Causalité : L'échantillon fort sélectif des patients psychiatriques hospitalisés et l'absence d'un ordre temporel des facteurs à l'étude font qu'il est impossible, à partir de ces résultats, de tirer des conclusions générales quant à la causalité.

Guze, S.B., Woodruff, R.A. et Clayton, P.J. (1974). Psychiatric disorders and criminality, Journal of the American Medical Association, vol. 227, no 6, p. 641-642.
Objectif : L'étude avait pour but de répondre à la question suivante : quels genres de troubles mentaux sont associés à la criminalité?

Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une enquête rétrospective.

Lieu : Les auteurs n'ont pas indiqué l'endroit où l'étude a été réalisée.

Sujets : Un échantillon de 500 malades qui fréquentaient une clinique de psychiatrie.

Mesures : Les données ont été recueillies à partir d'un examen de dossiers médicaux où étaient consignés les résultats d'une interview qui avait été menée antérieurement. L'interview portait, notamment, sur les conflits avec les forces de l'ordre et l'incarcération.

Principaux résultats : Vingt-deux sujets avaient été reconnus coupables d'un crime au moins une fois (4 p. 100). Il y avait une différence significative entre les hommes et les femmes. Six des 22 sujets, tous des hommes, avaient été reconnus coupables d'une infraction reliée à un comportement sexuel déviant. Aucun autre trouble psychiatrique n'avait été diagnostiqué chez cinq de ces hommes. Quatorze des 16 autres sujets avaient une personnalité sociopathique (N=13), étaient alcooliques (N=8) ou avaient une dépendance à l'égard de la drogue (N=3). Aucun des sujets qui souffraient de schizophrénie ou d'un trouble affectif primaire n'a déclaré avoir été reconnu coupable d'un crime.

Conclusions : Ces résultats concordent avec les résultats d'études antérieures portant sur des individus reconnus coupables d'un crime. La sociopathie, l'alcoolisme et la dépendance à l'égard de la drogue étaient les principaux troubles mentaux associés à des crimes graves. Ces résultats donnent à penser que les psychiatres devraient s'intéresser principalement à ces trois troubles pour prévenir et traiter la criminalité chez les malades mentaux.

Critique de la méthode : Le biais d'une classification erronée est la principale faiblesse qui compromet la validité interne de cette étude. Le fait de s'appuyer sur les déclarations des sujets pour évaluer le comportement criminel accroît le risque de sous-déclaration. L'interprétation des résultats doit être limitée aux patients psychiatriques.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Holcomb, W.R. et Ahr, P.R. (1988). Arrest rates among yonng adult psychiatrie patients treated in impatient and outpatient settings, Hospital and Community Psychiatry, vol. 39, no 1, p. 52-57.
Objectif : Déterminer la fréquence des comportements criminels dans un groupe de jeunes patients d'âge adulte venant de différentes régions de l'État, chez qui on avait diagnostiqué un trouble mental grave et qui étaient soignés dans une clinique externe ou en milieu hospitalier, et déterminer les facteurs ayant contribué aux arrestations.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude rétrospective de cohortes.
Lieu : Des cliniques externes, des centres hospitaliers et des centres résidentiels communautaires de l'État du Missouri, aux États-Unis.

Sujets : Un échantillon aléatoire de 611 jeunes patients d'âge adulte, prélevé parmi 32 000 individus ayant les caractéristiques suivantes : 1) un des cinq troubles mentaux graves considérés devait avoir été diagnostiqué (abus d'alcool ou de drogue, schizophrénie ou autre psychose, trouble affectif majeur, trouble de la personnalité, syndrome cérébral organique), 2) le sujet devait avoir entre 18 et 35 ans et 3) il devait avoir reçu des soins de santé en 1982. Au moment du dernier contact, 51 p. 100 des sujets étaient hospitalisés, 47 p. 100 étaient soignés dans une clinique externe et 1,7 p. 100 vivaient dans un centre résidentiel communautaire. Le nombre moyen d'admissions antérieures dans un hôpital psychiatrique était de 3,27.

Mesures : Les chercheurs ont fait appel au Missouri Highway Patrol Department pour recueillir des renseignements sur les arrestations antérieures. La base de données de ce service contenait des renseignements sur les arrestations effectuées dans l'État du Missouri et dans tous les autres États. Les arrestations avec violence ont été distinguées des arrestations sans violence. Le degré de fonctionnement du sujet a été évalué par le clinicien au moment de la dernière rencontre. Des points sur une échelle d'évaluation ont été obtenus pour 327 (53 p. 100) des sujets.

Principaux résultats : Trente-huit pour cent des sujets avaient été arrêtés au moins une fois à l'âge adulte. Les données ont révélé que 19 p. 100 des sujets avaient commis uniquement des crimes sans violence, 4,4 p. 100 avaient commis des crimes avec violence et 14,5 p. 100 avaient commis les deux types de crimes. Des différences significatives ont été observées selon le diagnostic établi. Les taux d'arrestation pour crime étaient plus élevés chez les sujets chez qui on avait diagnostiqué l'abus d'alcool ou de drogue. Dans le cas des crimes avec violence, il n'y avait pas de différences statistiques selon le diagnostic établi. Les chercheurs ont étudié la relation entre les diverses variables démographiques et psychiatriques et les 13 catégories d'arrestation qu'ils avaient définies et ils ont calculé les coefficients de corrélation. Peu de relations significatives ont été constatées.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que le fait de limiter l'étude à de jeunes adultes (entre 18 et 35 ans) et d'inclure les patients des cliniques externes a probablement entraîné une sous-estimation de la fréquence des arrestations au cours de la vie. Ils ont affirmé que les responsables de la santé mentale et de la justice pénale devaient accorder la priorité aux programmes visant à répondre aux besoins de ce groupe de jeunes adultes. Ils ont indiqué que le taux d'arrestation des sujets de leur échantillon était 17 fois plus élevé que le taux d'arrestation au sein de la population générale du même âge.

Critique de la méthode : Il y avait un problème de données manquantes. Le degré de fonctionnement des sujets a été évalué au moment de leur dernier contact avec le clinicien, mais seulement 53 p. 100 des cliniciens ont été capables de remplir la formule. De plus, 167 formules ont été retournées sans avoir été remplies au complet parce que les cliniciens ne pouvaient se rappeler du patient; 62 formules ont été retournées parce que le clinicien ne travaillait plus au même endroit et 55 formules n'ont pas été retournées. Une quantité aussi élevée de données manquantes est inacceptable et rend les résultats impossibles à interpréter. De plus, la fiabilité des renseignements donnés sur les formules retournées reposait sur la mémoire des cliniciens, et il n'est pas certain que ceux-ci aient classé leurs patients correctement. Enfin, un nombre excessivement élevé de comparaisons statistiques ont été effectuées, de sorte que les quelques relations significatives qui ont été établies sont difficiles à interpréter car elles pourraient être dues uniquement au hasard.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Kennedy, M.G. (1993). Relationship between psychiatric diagnosis and patient agression, Issues in Mental Health Nursing, vol. 14, p. 263-273.
Objectif : Examiner la relation entre les diagnostics psychiatriques et les agressions commises par des patients dans le contexte des transferts habituels d'une unité à une autre d'un hôpital.

Méthode de recherche : L'étude a consisté en une analyse secondaire de données existantes. Bien que les auteurs aient omis de mentionner leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude historique de suivi.

Lieu : La recherche initiale a été menée dans un grand hôpital public situé sur la côte nord-ouest du Pacifique, aux États-Unis. Au cours de la période à l'étude, il y avait plus de 1 000 patients hospitalisés et 250 admissions par mois, en moyenne.

Sujets : Les chercheurs ont examiné les dossiers de 201 patients admis au cours d'une période de cinq mois. L'âge des sujets variait entre 19 et 96 ans. Il y avait 108 hommes (53,7 p. 100) et 93 femmes (46,3 p. 100). Les personnes de race blanche représentaient 93,5 p. 100 de l'échantillon. Le nombre d'admissions antérieures des sujets dans cet hôpital variait entre une et 22 (moyenne=3,4).

Mesures : Les données ont été recueillies dans les dossiers des patients à l'aide d'une version adaptée de l'échelle OAS (Overt Aggression Scale). L'échelle OAS distingue quatre types de comportement agressif : la violence verbale, les agressions physiques contre des objets, les agressions physiques contre soi-même et les agressions physiques contre autrui. Pour établir le coefficient d'objectivité de l'échelle OAS adaptée, on a demandé à un autre évaluateur d'évaluer 28 des 201 dossiers des patients en se servant de cette échelle. Le coefficient de corrélation de Pearson était de 0,77, ce qui correspond à un bon coefficient d'objectivité.

Principaux résultats : Le nombre total de cas d'agression enregistré chez les sujets de l'échantillon s'élevait à 2 555. La majeure partie de ces agressions ont été classées dans la catégorie de la violence verbale et dans celle des agressions physiques contre autrui. Aucune différence significative n'a été constatée entre les sujets souffrant d'une maladie mentale différente (selon les catégories diagnostiques du DSM-III) quant au nombre total de comportements agressifs, quant au score mesurant l'agression physique contre soi-même ou des objets, ni quant au score mesurant la violence verbale. La seule différence significative observée était un écart entre les sujets souffrant d'une schizophrénie paranoïde et les autres sujets dans la catégorie des agressions physiques contre une autre personne.

Conclusions : Il y a différents types de comportements agressifs chez les patients psychiatriques. La façon dont ce comportement se manifeste n'est reliée qu'en partie seulement au trouble diagnostiqué. Comme les types de comportements agressifs variaient, les interventions nécessaires peuvent varier selon le type de comportement manifesté.

Critique de la méthode : Comme la plupart des hospitalisations étaient involontaires, la généralisation des résultats est très limitée.

Causalité : Un tel échantillon sélectif ne permet pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Klassen, D. et O'Connor, W.A. (1988). Crime, impatient admissions, and violence among male mental patients, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 11, p. 305-312.
Voir aussi : Klassen, D. et O'Connor, W.A. (1988). Predicting violence in schizophrenia and non-schizophrenic patients : A prospective study, Journal of Community Psychology, vol. 16, p. 217-227, et Klassen, D. et O'Connor, W.A. (1988). A prospective study of predictors of violence in adult male mental health admissions. Law and Human Behaviour, vol. 12, p. 143-158.

Objectif : Les chercheurs ont examiné la relation entre les hospitalisations, les arrestations et la violence dans un échantillon de patients de sexe masculin et d'âge adulte qui s'étaient plaints de problèmes laissant croire à un risque de comportement violent chez eux. L'étude avait pour but de comparer des malades mentaux avec des personnes non malades ayant les mêmes caractéristiques démographiques, c'est-à-dire des hommes jeunes, faisant partie d'une minorité et dont le statut socioéconomique est bas.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'un suivi longitudinal d'une série de cas. Les renseignements relatifs aux arrestations et aux hospitalisations antérieures ont été obtenus en consultant des dossiers, alors que les renseignements sur les arrestations et les hospitalisations ultérieures ont été obtenus au cours d'une période de suivi d'un an après la mise en liberté ou le départ de l'hôpital.

Lieu : Un centre de santé mentale communautaire situé en milieu urbain à Kansas City, dans l'État du Missouri, aux États-Unis.

Sujets : L'échantillon était composé de 304 hommes d'âge adulte hospitalisés dans un centre de santé mentale communautaire situé en milieu urbain. Ces sujets représentaient 91 p. 100 de tous les patients sélectionnés. Seuls les hommes qui avaient des antécédents de violence ou chez qui on avait décelé des tendances à la violence à partir des plaintes qu'ils avaient eux-mêmes formulées ont été inclus dans le groupe à l'étude.

Mesures : Les données relatives aux arrestations ont été obtenues du service de police de Kansas City, Missouri, qui dessert l'agglomération urbaine de Kansas City et les comtés de l'ouest du Missouri et de l'est du Kansas. Les données sur les hospitalisations ont été recueillies dans les registres du centre de santé mentale.

Principaux résultats : Les données ont révélé une forte association positive entre les arrestations antérieures et les hospitalisations antérieures. Les auteurs ont constaté un lien entre les arrestations et les hospitalisations antérieures et la violence ultérieure. La meilleure variable prédictive des arrestations au cours de la période de suivi était le nombre d'arrestations antérieures. Le diagnostic de toxicomanie et le nombre d'hospitalisations antérieures se sont aussi révélés des variables prédictives des arrestations. Un diagnostic de toxicomanie, des arrestations antérieures pour des crimes avec violence et l'âge étaient des variables prédictives des arrestations pour des actes de violence. Le nombre d'hospitalisations antérieures et l'âge au moment de la première hospitalisation étaient des variables prédictives des hospitalisations pour des actes de violence.

Conclusions : Les auteurs ont conclu qu'il y avait une forte corrélation entre les arrestations et les hospitalisations dans cet échantillon, tant avant l'admission qu'après le départ de l'hôpital. De plus, les hospitalisations antérieures étaient une variable prédictive des arrestations ultérieures, lorsque les chercheurs éliminaient les effets de la variable «arrestations antérieures». Les auteurs ont reconnu que la nature de leurs données ne permettait pas de conclure à une relation entre le crime et les troubles mentaux.

Critique de la méthode : Seuls les hommes qui avaient des antécédents de violence ou chez qui on avait décelé des tendances à la violence à partir des plaintes qu'ils avaient formulées ont été inclus dans l'échantillon. Par conséquent, il n'est pas étonnant que les taux de récidive violente soient élevés pour l'échantillon en général.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Lafave, H.G., Pinkney, A.A. et Gerber, G.J. (1993). Criminal activity by psychiatrie clients alter hospital discharge, Hospital and Community Psychiatry, vol. 44, no 2, P. 180-181.
Objectif : Les auteurs ont étudié les taux d'arrestation chez des malades mentaux en réadaptation dans la collectivité après un long séjour dans un hôpital psychiatrique.

Méthode de recherche : Étude prospective comportant une période de suivi d'un an.

Lieu : Hôpital psychiatrique de Brockville, Brockville (Ontario) Canada.

Sujets : Le groupe à l'étude était composé de 55 des 67 patients qui avaient reçu leur congé de l'Hôpital psychiatrique de Brockville entre 1986 et 1988. Une schizophrénie avait été diagnostiquée chez plus des deux tiers de ces patients.

Mesures : Les données ont été recueillies dans le cadre d'interviews directes avec les patients après leur sortie de l'hôpital, à l'aide de questionnaires conçus à cette fin. Les taux d'arrestation enregistrés en Ontario ont été utilisés à des fins de comparaison.

Principaux résultats : Seulement deux des 55 patients interrogés ont été accusés d'une infraction criminelle au cours de la première année suivant leur hospitalisation, ce qui donne un taux d'arrestation non standardisé de 3,84 p. 100 (3,84 personnes sur 100), comparativement à 11,35 p. 100 dans la population générale.

Conclusions : La fréquence des accusations au criminel chez les sujets à l'étude était inférieure à ce à quoi on pouvait s'attendre, compte tenu des taux enregistrés dans la population générale en Ontario, ce qui indique que les personnes souffrant d'une maladie mentale chronique, en particulier la schizophrénie, ne sont pas plus susceptibles de commettre des actes criminels.

Critique de la méthode : Bien que l'échantillon était très petit, cette étude est intéressante car elle porte sur des patients en réadaptation à long terme qui, selon d'autres auteurs, présenteraient un risque d'arrestation élevé lorsqu'ils réintègrent la collectivité. Un autre point important est le fait que cette étude a été réalisée au Canada. Les auteurs soutiennent que l'accessibilité à des programmes de santé mentale dans la collectivité et à des logements ainsi que les programmes qui favorisent l'intégration sociale des anciens patients améliorent les chances de réinsertion sociale. Les résultats de cette étude soulèvent une question importante. Étant donné l'accès universel aux soins de santé au Canada et le fait qu'il y existe un réseau de services communautaires en santé mentale, la relation entre les séjours dans un hôpital psychiatrique et les arrestations ultérieures, relation qui a été constatée dans des études menées antérieurement aux États-Unis, n'est peut-être pas généralisable au Canada.

Causalité : Étant donné les caractéristiques particulières de la population à l'étude, les résultats ne peuvent être utilisés pour établir une relation étiologique entre la maladie mentale et la violence.

Lagos, J.M., Perlmutter, K. et Saexinger, H. (1977). Fear of the mentally ill : Empirical support for the common man's response, American Journal of Psychiatry, vol. 134 no 10, p. 1134-1137.
Objectif : Déterminer la fréquence des comportements violents chez des sujets chez qui une maladie mentale est apparue.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs aient omis de préciser leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude rétrospective de cohortes. L'admission dans un établissement psychiatrique était le critère d'inclusion des sujets dans l'échantillon.

Lieu : Quatre établissements psychiatriques de l'État du New Jersey, aux États-Unis.

Sujets : Cent dossiers de patients admis dans chacun de ces quatre établissements psychiatriques en 1974 ont été choisis au hasard.

Mesures : Les chercheurs ont pris connaissance des notes prises au sujet des 400 patients au moment de leur admission pour y trouver une description d'un comportement pouvant être interprété comme un comportement violent.

Principaux résultats : Les résultats ont révélé que 37,7 p. 100 des 400 patients de l'échantillon avaient manifesté une forme de comportement violent avant leur admission. Dans 20 p. 100 des cas, le dossier indiquait de façon précise que le patient s'était montré violent envers des personnes ou des objets et, dans 11 p. 100 des cas, on mentionnait en des termes vagues que le patient avait été violent.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que, en élargissant le champ de l'étude pour y inclure les actes de violence moins graves, on pouvait constater qu'environ 36 p. 100 des 321 admissions avaient été précédées par une forme ou une autre de comportement violent ayant suscité la peur. Selon les auteurs, ces résultats donnent à penser que les craintes que suscitent les malades mentaux seraient fondées, du moins dans une certaine mesure.

Critique de la méthode : Étant donné que la dangerosité est un des critères d'hospitalisation, il n'est pas étonnant que de nombreux patients hospitalisés aient manifesté un comportement violent dans les heures précédant leur admission à l'hôpital. Étant donné que ces résultats portent sur un groupe de malades sujets à la violence, ils ne sont pas de nature à étayer la conclusion selon laquelle les malades mentaux seraient, en général, sujets à la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Lindelius, R. et Salum, I. (1973). Alcoholism and criminality, Acta Psychiatrica Scandinavica, vol. 49, p. 306-314.
Objectif : Étudier la relation entre la fréquence de la criminalité et le degré de gravité de l'alcoolisme.

Méthode de recherche : Les chercheurs ont étudié une série consécutive de patients. Ils ont comparé, par rapport au taux de criminalité, trois groupes d'alcooliques classés selon la gravité de leur alcoolisme.

Lieu : Une section réservée au traitement de patients alcooliques dans un hôpital général d'une grande agglomération urbaine de la Suède.

Sujets : Tous les hommes alcooliques (l 026) placés dans cette section de 1956 à 1961.

Mesures : Aucune mesure particulière n'a été utilisée, et les auteurs n'ont pas fait mention de l'outil de diagnostic qu'ils ont utilisé. Les patients ont été classés dans l'un des trois groupes selon les manifestations cliniques. Les données sur la criminalité ont été recueillies dans un registre sur la criminalité générale.

Principaux résultats : Les sujets les moins gravement atteints étaient répertoriés dans le registre de la criminalité dans une plus grande proportion (45 p. 100) que les sujets les plus gravement atteints (30 p. 100). Les alcooliques plus jeunes (ayant moins de 40 ans) étaient plus susceptibles d'avoir un comportement criminel. La plupart des infractions consistaient en des infractions contre les biens ou la conduite en état d'ébriété.

Conclusions : Il n'existe pas de relation simple entre l'alcoolisme et la criminalité. D'autres facteurs tels que l'âge ou des troubles de la personnalité peuvent être aussi importants.

Critique de la méthode : La principale force de cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont étudié la corrélation entre l'activité criminelle et les degrés de gravité de l'alcoolisme. Toutefois, l'étude portait sur des personnes admises dans une section spéciale à cause de leur problème d'alcool. Il s'agissait donc d'un échantillon très sélectif et il n'y avait pas de groupe témoin. De plus, les auteurs n'ont pas indiqué la méthode diagnostique qu'ils ont utilisée. Par conséquent, on ignore si d'autres facteurs pourraient expliquer les différences constatées entre les groupes.

Causalité: Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Lindqvist, P. et Allebeck, P. (1990). Schizophrenia and crime: A longitudinal follow-up of 644 schizophrenics in Stockholm, British Journal of Psychiatry, vol. 157, p. 345-350.
Objectif : Déterminer si les taux de criminalité sont plus élevés chez les personnes souffrant de schizophrénie que dans la population générale et, le cas échéant, dans quelle mesure, et décrire les types de crimes commis par les personnes atteintes de schizophrénie, comparativement à ceux commis au sein de la population générale de la Suède.

Méthode de recherche : Étude historique de cohortes comportant une période de suivi de quinze ans.

Lieu : Stockholm, Suède.

Sujets : Les sujets à l'étude étaient 644 personnes chez qui on avait diagnostiqué une schizophrénie selon les critères de la CIM-8 et qui avaient reçu leur congé d'un hôpital psychiatrique de la région de Stockholm en 1971.

Mesures : Les mesures de la schizophrénie et de l'activité criminelle ont été obtenues en consultant les données d'un registre central. Les auteurs ont estimé que 85 p. 100 de leurs diagnostics établis selon la CIM-8 satisfaisaient aux critères diagnostiques du DSM-III. Le couplage des dossiers s'est fait au moyen d'un numéro d'identification personnel qui est attribué à tous les Suédois et qui les suit de la naissance jusqu'à la mort. L'activité criminelle a été mesurée en fonction des «infractions principales» commises durant une période d'un an. L'infraction principale est celle qui a entraîné la peine la plus sévère, mais les auteurs n'ont pas indiqué clairement si, dans le cadre de leur étude, cette infraction correspondait à une arrestation ou à une condamnation. Les chercheurs ont procédé à une analyse statistique appropriée pour tenir compte de la période d'observation (ils ont calculé les taux par année-personnes); les taux ont été standardisés en fonction de l'âge et du sexe pour permettre les comparaisons avec la population témoin. Étant donné que le statut socioéconomique est une variable qui est susceptible d'intervenir au cours de l'évolution de la maladie, ses effets n'ont pas été éliminés.

Principaux résultats : Le taux de criminalité chez les femmes était deux fois plus élevé que ce à quoi on pouvait s'attendre, alors que le taux de criminalité chez les hommes était semblable à celui enregistré dans la population générale. Treize pour cent des délinquants violents étaient des femmes (4 sujets sur 32), alors que le taux correspondant variait entre 5 et 1 0 p. 1 00 dans la population générale. L'infraction avec violence qui avait été commise le plus souvent était les voies de fait, et le crime le plus grave était les voies de fait graves. Le taux de crime avec violence était quatre fois plus élevé chez les sujets que dans la population générale. Étant donné que les nombres étaient peu élevés, ils n'ont pas été analysés en fonction de l'âge et du sexe.

Conclusions : Bien que les taux de criminalité enregistrés chez les patients schizophrènes après leur sortie de l'hôpital n'étaient pas plus élevés que dans la population générale, le taux de crime avec violence était quatre fois plus élevé.

Critique de la méthode : On ignore si les infractions principales commises par les sujets à l'étude ont été comparées avec les infractions principales commises au sein de la population générale ou si elles ont été comparées avec les taux de criminalité enregistrés dans la population générale. Comme les infractions principales constituaient une mesure des crimes les plus graves commis en une année, une comparaison basée sur le taux de criminalité (tous les crimes enregistrés) aurait conduit à des résultats biaisés amenant les chercheurs à conclure que la maladie mentale n'avait pas d'effet sur la criminalité en général. Il est donc possible que les résultats de cette étude reflètent une estimation prudente de la différence entre l'activité criminelle des sujets à l'étude et celle observable dans la population générale. Comme les nombres étaient petits, les résultats relatifs aux crimes avec violence n'ont pas été normalisés en vue d'une comparaison avec la population témoin en fonction de l'âge et du sexe, qui étaient peut-être des facteurs de confusion dans cette étude.

Causalité : Étant donné que l'étude portait sur l'activité criminelle chez d'anciens patients d'hôpitaux psychiatriques, les résultats ne peuvent être interprétés de façon à tirer des conclusions concernant le lien de causalité possible entre la maladie mentale et la violence chez toutes les personnes atteintes de schizophrénie.

Link, B.G., Andrews, H. et Cullen, F.T. (1992). The violent and illegal behaviour of mental patients reconsidered, American Sociological Review, vol. 57, p. 275-292.
Les auteurs de cette étude empirique ont effectué un excellent examen de la littérature, c'est pourquoi celle-ci a été résumée ici de façon assez détaillée. Link a cherché à savoir si les portraits stéréotypés des personnes atteintes de maladie mentale, selon lesquels celles-ci seraient dangereuses, sont exacts. À cette fin, il a examiné les études empiriques sur la criminalité chez d'anciens patients psychiatriques. Il a constaté que les premières études publiées sur la question tendaient à conclure qu'il n'y avait aucune différence entre les groupes de patients psychiatriques et la population générale à l'égard de la criminalité, alors que des études plus récentes indiquent que le risque de commettre un crime est significativement plus élevé chez les anciens patients psychiatriques. Il a résumé les études plus récentes dont les résultats sont cohérents et convaincants, qui permettent de croire qu'il y a un lien causal et que la psychose active est un facteur de risque probable qui devrait être pris en considération. Des études ont démontré que les crimes commis par des personnes atteintes d'une maladie mentale constituent souvent des réactions à des hallucinations ou à un délire. Selon les résultats de certaines recherches menées antérieurement, il est possible que 20 à 40 p. 100 des crimes commis soient directement attribuables à une psychose. Ces résultats ont été confirmés par les résultats d'autres études portant sur les comportements violents dans les hôpitaux psychiatriques, qui indiquent que les phases aiguës d'une psychose sont les périodes où le risque est le plus élevé.

Link a ensuite formulé diverses autres hypothèses pouvant expliquer ces résultats. Par exemple, il est possible que le processus de criminalisation entraîne un passage des malades mentaux dans le système de justice pénale ou que les malades mentaux qui reçoivent un traitement constituent un sous-groupe de malades mentaux qui sont plus susceptibles de commettre des crimes en raison d'autres facteurs socioculturels. Aucune étude sur les taux d'arrestation n'a permis jusqu'ici d'établir un lien entre les taux d'arrestation supérieurs enregistrés dans les échantillons de malades mentaux et des symptômes de maladie mentale. Par conséquent, on ignore si les taux élevés de criminalité et de criminalité violente constatés dans des échantillons de malades mentaux sont des conséquences de la maladie mentale ou d'autres facteurs qui ne sont pas de nature causale. Il est également possible que la tendance générale à médicaliser la déviance explique en partie les taux élevés de criminalité enregistrés chez les malades mentaux. Cette explication concorde avec les résultats d'études qui montrent qu'une proportion élevée des patients des hôpitaux psychiatriques ont déjà été arrêtés.

Objectif : Déterminer si les taux de comportements violents et de conduites illicites sont plus élevés chez les anciens patients psychiatriques que chez les autres personnes et si les différences constatées entre les deux groupes peuvent s'expliquer par des facteurs autres que la maladie mentale.

Méthode de recherche : Enquêtes transversales menées en 1979 et 1982 dans le cadre d'une autre étude.

Lieu : Quartier de Washington Heights de la ville de New York, aux États-Unis.

Sujets : Les sujets étaient 521 personnes vivant dans la collectivité choisis au hasard et 232 patients recrutés dans des cliniques externes de psychiatrie et des centres hospitaliers situés dans le quartier de Washington Heights. Les patients qui n'habitaient pas le quartier ont été exclus. Les sujets ont été répartis en quatre groupes aux fins de l'analyse : les patients faisant l'objet d'un premier traitement, les patients faisant l'objet d'un traitement répété, les anciens patients et les résidents de la collectivité n'ayant jamais reçu de traitement.

Mesures : Les chercheurs ont décrit les patients en se fondant sur les données sur les admissions dans un établissement de santé local et ils ont retenu les critères diagnostiques du DSM-III à des fins descriptives. Soixante-trois pour cent des patients souffraient d'une maladie mentale grave caractérisée par des symptômes de psychose (troubles dépressifs, schizophrénie ou autres troubles psychotiques). Les chercheurs ont obtenu des données officielles sur les arrestations ainsi que des données autodéclarées concernant les arrestations, les coups portés, les échanges de coups, l'usage d'une arme et les blessures graves infligées à une autre personne. De plus, ils ont utilisé les données du recensement pour décrire le contexte sociodémographique de la collectivité. Les patients faisant l'objet d'un premier traitement comprenaient ceux qui avaient été soignés dans les douze mois précédant l'interview (dans le cas des résidents de la collectivité) ou qui fréquentaient la clinique pour la première fois au moment de l'étude. Les symptômes de psychose ont été mesurés à l'aide d'une échelle standardisée.

Principaux résultats : Les données officielles sur les arrestations et les données autodéclarées relatives à la violence ont révélé des taux plus élevés chez les anciens patients que chez les sujets du groupe témoin. Dans le groupe des patients, la violence était associée aux symptômes de psychose.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que les assertions selon lesquelles les patients psychiatriques et les anciens patients psychiatriques ne sont, en moyenne, pas plus violents que les autres personnes sont erronées, même lorsque les variables sociodémographiques et les variables reliées au cadre de vie dans la collectivité sont contrôlées. Cependant, le risque additionnel que présentent ces patients n'est pas très élevé et n'est présent que chez les patients ayant des symptômes de psychose.

Critique de la méthode : L'analyse statistique est technique et très complexe, de sorte qu'il est difficile pour le lecteur moyen d'interpréter et de comprendre les résultats de cette analyse. Par exemple, les coefficients de régression logistique et les erreurs-types sont présentés tels quels, et les auteurs n'ont pas tenté de les exprimer sous la forme de risques relatifs et d'intervalles de confiance de 95 p. 100, ce qui aurait aidé le lecteur à comprendre.

Les auteurs fournissent des données qui démontrent que les personnes qui reçoivent un traitement pour une maladie mentale présentent un risque de violence plus élevé. Cependant, comme les services psychiatriques sont offerts suivant le critère de la dangerosité, ce résultat n'est pas étonnant. Par ailleurs, comme il s'agissait d'une étude transversale, l'ordre temporel des facteurs n'a pu être établi. Les auteurs demandent au lecteur de rejeter la possibilité d'un lien de causalité inverse parce que leurs résultats concordent avec les résultats d'études prospectives portant sur d'anciens patients psychiatriques où l'ordre temporel des facteurs a été clairement établi. Cela n'est pas justifié car, dans ces études prospectives, les cohortes comprenaient des personnes ayant des antécédents de violence. Étant donné qu'il a été établi que les arrestations antérieures et les antécédents de violence constituent des variables prédictives des arrestations et de la violence ultérieures, l'ordre temporel des facteurs demeure une question épineuse qui ne peut être écartée si facilement.

Causalité : Étant donné qu'il a été démontré qu'il existe, parmi les anciens patients psychiatriques, un sous-groupe de malades mentaux qui sont plus sujets à la violence, les résultats de cette étude n'indiquent pas si les malades mentaux de la collectivité sont plus dangereux et violents que les personnes non atteintes de troubles mentaux, ni s'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Lundy, M.S., Pfohl. B.M. et Kuperman, S. (1993). Adult criminality among formerly hospitalized child psychiatric patients. Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, vol. 32, no 3, p. 568-576.
Objectif : Examiner les facteurs de risque de la criminalité adulte chez les enfants qui ont dû être hospitalisés dans un établissement psychiatrique alors qu'ils étaient relativement jeunes.

Méthode de recherche : On a eu recours à une étude cas-témoins. Les cas représentaient 23 personnes reconnues comme ayant des antécédents carcéraux à l'âge adulte et 115 cas-témoins de sexe masculin n'ayant pas d'antécédents carcéraux. Il a été confirmé que tous les cas étaient de sexe masculin.

Lieu : La University of Iowa Psychiatric Hospital dans l'État de l'Iowa, aux États-Unis.

Sujets : Les sujets étaient 138 enfants (âgés de moins de 12 ans au moment du congé) qui ont reçu des soins psychiatriques à titre de patients hospitalisés entre 1970 et 1982. Les personnes atteintes d'arriération mentale, c'est-à-dire (dans le cas présent) celles ayant un QI inférieur à 70, ont été exclues de l'étude en raison des difficultés que pose l'obtention du consentement éclairé de ce groupe.

Mesures : Les catégories de diagnostic de la CIM-9 ont été utilisées pour placer chaque enfant dans un seul groupe de diagnostic principal : troubles organiques (trouble mental organique, autisme infantile et retard du développement), déficit de la capacité d'attention, troubles émotifs (trouble affectif, trouble névrotique, dépression névrotique, trouble de la nutrition et trouble de la personnalité), et troubles de l'adaptation. Un groupe a aussi été formé pour des troubles divers. Les données permettant d'établir la présence ou l'absence d'antécédents carcéraux à l'âge adulte ont été obtenues du Iowa Department of Corrections et utilisées comme principal résultat d'intérêt. Les facteurs de risque de l'enfance comprenaient le comportement violent (exclusion faite de ce qui peut être jugé normal sur le plan du développement comme des altercations avec les pairs ou les frères et soeurs qui n'ont pas inquiété le prestateur de soins ou le parent), la criminalité chez un parent biologique, une maladie psychiatrique chez un parent biologique, la consommation de médicaments psychotropes au moment du congé (devant servir de données substitutives pour la gravité du trouble), la situation relative à l'adoption et la réaction au traitement, des facteurs qui sont tous établis par un examen détaillé des dossiers.

Principaux résultats : Aucune catégorie de diagnostic n'a été reliée sur le plan statistique à l'incarcération à l'âge adulte, pas plus que la présence de diagnostics psychiatriques multiples, la situation relative à l'adoption, l'âge à l'hospitalisation de référence, le QI, un écart supérieur à 15 points dans le rendement verbal au test QI, la durée du séjour, les admissions multiples, ou une maladie psychiatrique chez un parent. Le comportement violent au cours de l'enfance était associé à un risque 5 fois plus élevé (IC de 95 p. 100, 1,8 à 13,8), la criminalité chez un parent (à un risque 4,6 fois plus élevé, IC de 95 p. 100, 1,43 à 16,41). La race a aussi été jugée un prédicteur important dans un sous-échantillon de 74 sujets pour lesquels ces renseignements étaient connus.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que le fait que le diagnostic ne permette pas de prédire les résultats est conforme à des études antérieures. Ils mettent en relief l'importance du comportement violent au cours de l'enfance, en l'absence d'un diagnostic de trouble du comportement, ainsi que la criminalité chez un parent en tant que prédicteurs les plus importants d'un résultat négatif.

Critique de la méthode : Une des difficultés mineures de l'étude tient au fait que les petites cellules engendrent d'importants intervalles de confiance pour certaines comparaisons et des estimations moins précises que souhaité dans des conditions idéales.

Causalité : Étant donné que tous les sujets avaient fait l'objet d'interventions psychiatriques, les résultats ne peuvent être utilisés pour en arriver à une explication causale générale concernant la relation entre la maladie mentale et la violence. Aucune comparaison n'a été faite avec des sujets non atteints de troubles psychiatriques. Néanmoins, il demeure intéressant qu'aucune des catégories de diagnostic, pas même les troubles de comportement, ne permettait de prédire la criminalité à l'âge adulte.

Lurigio, A.J. et Lewis, D.A. (1987). The criminal mental patient: A descriptive analyses and suggestions for future research, Criminal Justice and Behaviour, vol. 14, no 2, p. 268-287.
Objectif : L'étude a été conçue de façon que des résultats obtenus antérieurement puissent y être intégrés. Les auteurs s'étaient donné pour but de dresser un tableau détaillé et prospectif du mouvement de la population des malades mentaux au sein du système de justice pénale et du système de santé mentale et d'un système à l'autre, en concentrant leur attention sur la criminalité et la dangerosité des patients.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'un suivi longitudinal d'une série de cas. Les auteurs ont recueilli des données sur les arrestations et les hospitalisations en cours ainsi que sur les antécédents criminels et psychiatriques.

Lieu : Des établissements psychiatriques publics de la région de Chicago, aux États-Unis.

Sujets : Un échantillon aléatoire composé d'environ 320 malades mentaux âgés de 18 à 65 ans a été prélevé au sein d'une population de malades des établissements psychiatriques publics de la région de Chicago. Les chercheurs ont eu recours à un échantillonnage stratifié en fonction de l'âge, du sexe, de la race et des admissions antérieures et ont prélevé leur échantillon par étapes, chaque semaine, au cours d'une période de trois mois.

Mesures : Les auteurs ont utilisé quatre sources de renseignements se rapportant à la criminalité, à la dangerosité et à la victimisation des malades mentaux. Ils ont d'abord consulté les dossiers du bureau des enquêtes du service de police de Chicago pour s'assurer que les sujets avaient été arrêtés au cours des six derniers mois. Puis, ils ont consulté les rapports de police officiels pour déterminer dans quelle mesure les circonstances entourant les arrestations avaient été caractérisées par des actes de violence ou des actes dangereux. Ils ont ensuite consulté des documents officiels pour connaître les antécédents criminels, mais seulement dans le cas des patients qui avaient été arrêtés par des policiers du service de police de Chicago. Enfin, ils ont évalué, dans le cadre d'une interview, les déclarations faites par les malades mentaux eux-mêmes au sujet de leurs comportements violents. Ils ont recueilli les données relatives aux hospitalisations en cours et aux antécédents psychiatriques en consultant les dossiers médicaux. Ils ont aussi évalué pendant combien de temps le sujet avait été «à risque».

Principaux résultats : Selon les casiers judiciaires, 10 p. 100 des sujets faisant partie de l'échantillon aléatoire avaient été arrêtés dans les six mois précédant leur hospitalisation Les patients avaient été impliqués, en tout, dans 58 contacts avec la police. Un taux significativement plus élevé d'arrestations (60 p. 100) a été enregistré dans la période suivant l'hospitalisation, plutôt que dans la période précédant l'admission à l'hôpital. Selon les rapports d'arrestation, 50 p. 100 des 58 contacts entre citoyens et policiers avaient été caractérisés par un conflit interpersonnel ou une altercation. Les personnes arrêtées ont été comparées aux malades mentaux faisant partie de l'échantillon général en fonction d'un certain nombre de variables démographiques. Les données indiquent que les sujets de race noire âgés de 18 à 34 ans étaient surreprésentés dans le groupe des personnes arrêtées, compte tenu du pourcentage qu'ils représentaient dans l'échantillon général. Le nombre d'hospitalisations antérieures était significativement plus élevé chez les personnes arrêtées que pour l'ensemble de l'échantillon. Parmi les personnes arrêtées, 85 p. 100 avaient des antécédents criminels, et le nombre d'arrestations antérieures variait entre 1 et 30. Au cours de la période de six mois à l'étude, les personnes arrêtées ont été admises à l'hôpital en 119 occasions différentes, ce qui représentait en moyenne environ 4 hospitalisations par personne. Le nombre d'hospitalisations était significativement plus élevé chez les personnes qui avaient été arrêtées que chez les autres sujets de l'échantillon général.

Conclusions : Les auteurs ont conclu qu'un pourcentage relativement faible des malades mentaux qui quittent l'hôpital sont impliqués dans des activités illégales autres que des activités inoffensives ou des activités comme la «nuisance». Les patients qui étaient susceptibles d'entrer en contact avec le système de justice pénale au cours de la brève période de six mois à l'étude étaient des malades chroniques qui fréquentaient régulièrement les établissements psychiatriques de l'État.

Critique de la méthode : Dans cette étude, l'utilisation des données sur les arrestations peut avoir entraîné une sous-estimation de la fréquence de la criminalité chez les patients ayant quitté l'hôpital lorsque ceux-ci ont été transférés par la police du système de justice pénale vers un centre de psychiatrie.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

McNeil, E. et Binder, R.L. (1994). The relationship between acute psychiatric symptoms, diagnosis, and short-term risk of violence, Hospital and Community Psychiatry, vol. 45, no 2, p. 133-137.
Objectif : Examiner la relation entre des épisodes aigus de diverses maladies mentales et le risque de violence à court terme chez des patients en phase aiguë qui venaient d'être hospitalisés. Les chercheurs voulaient aussi savoir si les symptômes associés au risque de violence à court terme variaient selon le diagnostic établi.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais il semble qu'il s'agissait d'une étude cas-témoins.

Lieu : L'étude a été réalisée dans un hôpital universitaire, dans une unité de psychiatrie de courts séjours fermée à clé, où la durée moyenne des séjours était de 18 jours.

Sujets : L'échantillon était composé de 127 patients admis dans cette unité en 1988 et 1989 et de 203 patients admis en 1989 et 1990. L'échantillon comprenait au total 330 sujets, dont 54 p. 100 d'hommes.

Mesures : Les chercheurs ont utilisé l'échelle OAS (Overt Agression Scale) pour évaluer les comportements violents chez les patients hospitalisés. Cette échelle est largement utilisée; sa fiabilité et sa validité ont été démontrées pour mesurer les comportements agressifs chez des malades mentaux hospitalisés. Elle consiste en une liste de vérification des comportements que le personnel infirmier remplit à la fin de chaque quart de travail de huit heures pour indiquer si les patients se sont livrés à une agression physique contre une autre personne, contre des objets ou contre eux-mêmes ou ont manifesté de la violence verbale. L'échelle d'évaluation psychiatrique BPRS (Brief Psychiatric Rating Scale), qui est un instrument de mesure largement utilisé en psychopathologie et dont le coefficient d'objectivité est bon, a été utilisée pour évaluer chaque patient au moment de l'admission.

Principaux résultats : Selon les résultats obtenus sur l'échelle OAS, 23 p. 100 des patients s'étaient livrés à une agression physique contre une autre personne durant leur séjour à l'hôpital. Les patients agressifs étaient surreprésentés parmi les sujets chez qui on avait diagnostiqué la schizophrénie, la manie ou un état psychotique organique. Comparativement aux patients non agressifs, les patients qui avaient manifesté un comportement agressif étaient, au moment de leur admission, dans un état caractérisé par des niveaux plus élevés de troubles de la pensée, de méfiance hostile, d'agitation et d'excitation.

Conclusions : Cette étude a révélé une association entre des troubles tels que la schizophrénie, la manie ou un état psychotique organique et le risque imminent de comportement agressif dans un échantillon de patients en phase aiguë venant d'être hospitalisés.

Critique de la méthode : On peut se demander si le personnel infirmier n'aurait pas davantage tendance à consigner les incidents de violence dans le cas des patients qui semblent très agités et sujets à des troubles de la pensée. Par conséquent, on ne peut déterminer dans quelle mesure la sous-déclaration de la violence dans le cas de certains groupes de malades pourrait expliquer en partie les résultats obtenus.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Modestin, J. et Ammann, R. (1995). Mental disorders and criminal behaviour, British Journal of Psychiatry, vol. 166, p. 667-675.
Objectif : Déterminer si la criminalité était plus élevée chez les malades psychiatriques ayant obtenu leur congé d'un établissement ou chez la population générale.

Méthode de recherche : Même si les auteurs ont omis de préciser leur méthode de recherche, il semble qu'il ait eu recours à une étude de cas-témoins appariés où les cas étaient des malades psychiatriques hospitalisés et les témoins étaient des membres de la collectivité assortis aux sujets exposés en fonction du sexe, de l'âge (à deux ans près), de la taille de la collectivité, de l'état civil et de la profession. La prévalence sur toute la vie de toutes les infractions menant à une incarcération et toutes les infractions des trois dernières années ayant mené à des amendes ou à des peines d'emprisonnement a été comparée dans l'ensemble des groupes.

Lieu : L'étude a été réalisée à la Psychiatric University Hospital de Berne, en Suisse, qui offre des soins primaires pour hospitalisés à tous les résidents de l'aire de recrutement.

Sujets : Tous les patients psychiatriques hospitalisés en 1987 ont été inclus dans l'étude s'ils avaient entre 18 à 78 ans. Quarante-six sujets n'ont pu être assortis à des sujets témoins du fait que leur dossier ne contenait pas suffisamment de données sur les variables d'appariement. C'est donc dire que l'étude portait sur 1 265 patients. Le groupe témoin a été choisi dans la population générale de l'aire de recrutement et, en raison de l'appariement, comprenait 1 265 sujets.

Mesures : La présence d'une maladie mentale (et la situation cas/témoins) a été déterminée en fonction d'une hospitalisation dans un établissement psychiatrique au cours de 1987. Cependant, il est probable que certaines des personnes incluses dans le groupe témoin (choisies parmi la population générale) ont été mal classées du fait qu'elles pourraient avoir aussi des antécédents de maladie mentale ou des antécédents d'hospitalisation dans un établissement psychiatrique. Les données sur les condamnations au criminel ont été obtenues du Central Criminal Record Department où sont tenues les données sur l'ensemble du pays.

Principaux résultats : Dans toutes les catégories de diagnostic, les patients de sexe masculin présentaient des estimations ponctuelles du risque relatif qui laissaient supposer qu'ils étaient plus susceptibles d'avoir des antécédents de crimes avec violence. Toutefois, exception faite de l'alcoolisme et des toxicomanies, d'importants intervalles de confiance (lesquels comprenaient la valeur de 1) donnent à penser que ces différences tenaient peut-être du hasard. Le risque d'avoir commis des crimes avec violence était de trois à huit fois plus élevé chez les sujets de sexe masculin souffrant d'alcoolisme et de toxicomanies. Aucune différence digne de mention n'a été constatée chez les sujets de sexe féminin d'aucun des groupes en ce qui concerne les crimes avec violence. Cependant, la petite taille des cellules chez certains groupes a entraîné des intervalles fort importants et, partant, des estimations imprécises. Les sujets masculins et les sujets féminins souffrant d'alcoolisme et de toxicomanies étaient tous plus susceptibles d'avoir commis des crimes, peu importe leur nature.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que, de façon générale, il y avait une plus forte criminalité chez les malades mentaux visés par l'étude. Il a été constaté, cependant, que les personnes atteintes de schizophrénie n'étaient pas considérablement plus violentes.

Critique de la méthode : Les auteurs ont choisi les cas témoins dans la population générale et les ont appariés en fonction de caractéristiques sociodémographiques. Toutefois, il est possible que certains membres de la cohorte témoin avaient des antécédents de maladie mentale et des antécédents d'hospitalisations antérieures dans un établissement psychiatrique, ce qui aurait pour effet de supprimer les différences entre les groupes. De même, même si les auteurs ont eu recours à l'appariement pour contrôler les facteurs de confusion, ils ont omis d'utiliser des tests statistiques convenant à une analyse de sujets appariés. C'est donc dire qu'ils ont peut-être sous-estimé l'importance des différences entre les groupes à l'étude et les groupes témoins. Ces difficultés d'ordre méthodologique, combinées à la petite taille des cellules de plusieurs des groupes témoins, mettent en question la conclusion voulant qu'il n'y ait pas de différences ou que des différences marginales entre les personnes souffrant de maladies mentales «vraies» (lesquelles sont définies par les auteurs comme étant la schizophrénie et les troubles affectifs) et les personnes présentant des problèmes d'abus de l'alcool et des drogues.

Causalité: Étant donné que les cas ont été choisis parmi des personnes souffrant de maladies mentales graves qui ont été hospitalisées, il est impossible d'en arriver à une déclaration générale de causalité à partir de ces résultats. De plus, compte tenu des problèmes d'ordre méthodologique et statistique liés à ces travaux, il est impossible d'exclure l'imprécision statistique et le biais de classification erronée comme explications plausibles des résultats selon lesquels il n'y aurait aucune différence ou que des différences marginales enregistrées chez certains groupes.

Newhill, CE., Mulvey, EP. et Lidz, CW. (1995). Characteristics of violence in the community by female patients seen in a psychiatric emergency service. Psychiatric Services, vol. 46, no 8, p. 785-789.
Objectif : Examiner les facteurs associés à la violence envers autrui chez les patientes et les patients dans la collectivité.

Méthode de recherche : Suivi longitudinal d'une série de cas.

Lieu : Les patients ont été recrutés au sein d'un programme psychiatrique d'urgence d'un important hôpital universitaire dans une aire de recrutement urbaine.

Sujets : Au total, 1 871 patients (85 p. 100) ont consenti à participer à l'étude, et ce, sur un total de 2 293 patients invités à le faire au cours d'une période de deux ans. Des sujets ayant consenti à participer, 862 ont été choisis soit à titre de sujets pertinents en raison d'un potentiel de violence, soit à titre de sujets témoins. Le rapport repose sur un échantillon final de 812 patients (317 sujets féminins ou 39 p. 100 et 495 sujets masculins ou 61 p. 100).

Mesures : La violence a été définie comme étant l'imposition des mains sur une autre personne de façon menaçante, ou le fait de menacer une autre personne avec une arme. La violence a été mesurée en ayant recours à une autodéclaration d'incidents de violence, à des informateurs collatéraux ou à des dossiers officiels ou encore à une combinaison de ces éléments.

Principaux résultats - Au cours de la période de suivi, 369 patients (213 hommes et 156 femmes) s'étaient livrés à de la violence.

Conclusions : Les sujets masculins et les sujets féminins ne différaient pas considérablement sur le plan de la fréquence ou de la gravité de la violence, mais ils présentaient des différences quant aux cocombattants et à l'endroit où l'incident s'était produit. Le sexe n'a pas été jugé un important prédicteur de la violence parmi les patients psychiatriques.

Critique de la méthode : Il n'est pas clair quels paramètres ont été utilisés pour n'inclure qu'une portion (862) du nombre total de sujets consentants. Un biais de sélection a pu se produire si les sujets les plus susceptibles de se livrer à de la violence ont été inclus dans l'étude. En raison de l'absence d'un groupe témoin de patients non psychiatriques ou d'un échantillon communautaire, il est impossible de préciser si la prévalence relevée dans l'échantillon visé par l'étude était plus élevée ou plus basse que prévu.

Causalité : Du fait que les auteurs n'ont pas comparé l'incidence de la violence entre le groupe à l'étude et le groupe témoin de sujets non psychiatriques, aucune déclaration générale de causalité ne peut être faite concernant le lien entre la maladie mentale et la violence.

Noble, P. et Rodger, S. (1989). Violence by psychiatrie inpatients, British Journal of Psychiatry, vol. 155, p. 384-390.
Objectif : Déterminer si les agressions et les voies de fait chez les malades mentaux hospitalisés étaient en hausse.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs aient omis de préciser leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude cas-témoins, car on a utilisé le registre des incidents de violence pour trouver les 137 patients qui avaient commis une agression en 1982.

Lieu : Les données ont été recueillies à deux endroits, au Bethlam Royal Hospital et au Maudsley Hospital, à Londres, en Angleterre. Il s'agit de deux hôpitaux universitaires qui comportent de nombreuses unités spéciales.

Sujets : En 1982, il y a eu 1 529 admissions dans ces hôpitaux et 568 patients venaient de la zone de recrutement. Parmi les patients admis à l'hôpital, 730 étaient des hommes et 799 étaient des femmes. Les sujets du groupe à l'étude ont été comparés avec les sujets d'un groupe témoin ayant des caractéristiques semblables pour ce qui est de l'âge, du sexe et de la section de l'hôpital où ils avaient été placés.

Mesures : Les chercheurs ont consulté un registre des incidents de violence pour obtenir des données sur les agressions. Cette base de données comprenait une formule détaillée qui était remplie après chaque agression ou comportement menaçant. La formule contenait des renseignements sur l'agresseur, la victime, les circonstances entourant l'agression et la nature des blessures subies, le cas échéant. Le degré de gravité de l'agression était évalué sur une échelle de trois points. Le niveau 1 correspondait aux cas où il n'y avait aucune blessure décelable. Le niveau II correspondait à ceux où la victime avait subi des blessures mineures, et le niveau III, aux cas où la victime avait subi des blessures graves. Les notes du personnel soignant à l'égard des sujets du groupe à l'étude et des sujets du groupe témoin étaient évaluées en fonction de 85 caractéristiques cliniques et démographiques.

Principaux résultats : Les données du registre ont révélé que 137 sujets avaient commis 470 agressions. En ce qui concerne le degré de gravité de ces agressions, 81 agressions (59 p. 100) étaient du type I, 53 (39 p. 100) étaient du type Il et 3 (2 p. 100) étaient du type Ill. Les patients violents étaient plus susceptibles d'avoir fait l'objet d'un diagnostic primaire de schizophrénie et de souffrir d'hallucinations et de délire et d'avoir fait l'objet d'un internement involontaire. Le nombre d'admissions antérieures était significativement plus élevé chez les patients violents par rapport aux sujets du groupe témoin.

Conclusions : Le registre des incidents de violence indiquait que la violence chez les patients hospitalisés avait augmenté progressivement de 1976 à 1984, puis avait légèrement diminué de 1984 à 1987. Les patients violents se distinguaient des patients non violents de façon significative à l'égard d'un certain nombre de caractéristiques. Ce sont les caractéristiques du comportement évaluées au moment de l'admission qui permettaient le mieux de distinguer les sujets violents, qui avaient un score beaucoup plus élevé à l'égard des dommages matériels, de la violence verbale et des comportements menaçants.

Critique de la méthode : Vu le nombre élevé de caractéristiques démographiques (85) en fonction desquelles les sujets étaient comparés, il y avait plus de chances de trouver au moins une différence statistique attribuable uniquement au hasard. En outre, les différences entre les groupes sont difficiles à interpréter, étant donné qu'une forte proportion des patients violents avaient fait l'objet d'un internement involontaire, peut-être parce quels avaient été jugés dangereux pour les autres.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Patel, V. et Hope, R.A. (1992). Aggressive behaviour in elderly psychiatrie inpatients. Acta psychiatrica Scandinavica, vol. 85, p. 131-135.
Objectif : Décrire les types de comportements agressifs chez des patients psychiatriques âgés et hospitalisés.

Méthode de recherche : Il s'agit d'une enquête transversale descriptive.

Lieu : L'étude a été entreprise au Warneford Hospital et au Littlemore Hospital à Oxford, en Angleterre.

Sujets : Les sujets étaient 90 patients psychogériatriques hospitalisés dans cinq unités de traitement à long terme et une unité d'évaluation. Ces patients représentent tous les résidents psychogériatriques des deux hôpitaux visés par l'étude.

Mesures : L'échelle d'évaluation du comportement agressif chez les personnes âgées (RAGE) a été utilisée. Les données ont été recueillies au cours de l'étude des propriétés psychométriques de cet outil. Les infirmières se sont servies de la RAGE pour évaluer le comportement au cours d'une période d'étude de trois jours. Les auteurs ont aussi recueilli des données sur le moment de la journée où s'est produit le comportement agressif, sur le comportement à l'étude et sur le degré de dépendance du patient à l'égard des soins infirmiers.

Principaux résultats : Six pour cent des sujets avaient infligé une blessure à une autre personne au cours de la période de trois jours. D'ordinaire, il s'agissait de blessures mineures (égratignures), mais dans un cas, il y a eu ecchymose. Le manque de collaboration ou la résistance à l'aide offerte se produisait le plus souvent (58,5 p. 100), suivi d'un comportement verbal violent comme le fait de crier, de hurler ou de beugler (46,0 p. 100). Une importante proportion (17,8 p. 100) des sujets ont tenté de frapper d'autres personnes et 12,3 p. 1 00 ont effectivement poussé ou bousculé quelqu'un. Il n'y avait aucune relation entre l'heure du jour et le comportement agressif, ni entre l'âge ou le sexe du patient et le comportement agressif. La plupart des comportements étaient dirigés vers le personnel du service. Les patients atteints de démence présentaient un comportement plus agressif que ceux chez qui d'autres diagnostics avaient été posés.

Conclusions : Près de la moitié de l'échantillon (45 p. 100) a été jugée au moins légèrement agressive au cours de la période de trois jours, y compris 15 p. 100 des patients qui étaient modérément ou fortement agressifs.

Critique de la méthode : L'absence d'un groupe témoin dans cette étude fait qu'il est impossible de juger si le degré d'agressivité physique chez cette population de malades est plus important ou plus faible que chez les malades psychiatriques en général ou que chez les sujets témoins non psychiatriques.

Causalité: L'étude ne permet pas de faire une déclaration causale quant à la relation entre la maladie mentale et la violence en général. Cependant, chez les patients psychogériatriques, les résultats donnent à penser que le comportement agressif est peut-être associé à un diagnostic de démence.

Sosowsky, L. (1980). Explaining the increased arrest rate among mental patients : A cautionary note, American Journal of Psychiatry, vol. 137, no 12, p. 1602-1605.
Voir aussi (pour une description antérieure de cette étude) : Sosowsky, L. (1978). Crime and violence among mental patients reconsidered in view of the new legal relationship between the state and the mentally ill, American Journal of Psychiatry, vol. 135, no 1, p. 33-42.

Objectif : Comparer les taux d'arrestation chez les anciens patients psychiatriques avec ceux enregistrés dans la population générale.

Méthode de recherche : L'auteur n'a pas indiqué la méthode de recherche, mais la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude historique de cohortes comportant une période de suivi variable ne dépassant pas six ans et demi.

Lieu : La région de San Mateo en Californie, aux États-Unis.

Sujets : Les sujets étaient des malades mentaux qui avaient reçu leur congé du Napa State Hospital entre 1972 et 1975.

Mesures : Les données sur la criminalité dans la région de San Mateo constituent les données se rapportant à la population témoin. Comme il s'agit d'un des comtés desservis par l'hôpital, cette région ne représente pas l'ensemble de la population au sein de laquelle les données de l'échantillon ont été recueillies. Il pourrait donc y avoir des différences sociodémographiques importantes entre la région de San Mateo et la population totale desservie par le Napa State Hospital qui pourraient constituer des facteurs de confusion dans les comparaisons.

Principaux résultats : Pour que ses résultats soient comparables à ceux obtenus par Steadman, Cocozza et Melick (1978) (voir plus bas), l'auteur les a stratifiés en fonction des arrestations antérieures. Par rapport au groupe. témoin du comté, les anciens patients étaient 5,3 fois plus susceptibles d'être arrêtés pour un crime avec violence durant la période de suivi. Les anciens patients ayant été arrêtés une fois par le passé étaient 12,4 fois plus susceptibles d'être arrêtés pour un crime avec violence et ceux qui avaient été arrêtés deux fois ou plus antérieurement étaient 14,1 fois plus susceptibles d'être arrêtés à nouveau.

Conclusions : Sosowsky a conclu qu'il y a un lien de causalité entre l'état mental et le taux d'arrestation.

Critique de la méthode : Il s'agit du seul rapport publié jusqu'à maintenant qui indique que le risque de commettre un crime avec violence est plus élevé chez les anciens patients n'ayant jamais été arrêtés dans le passé que dans la population témoin. Cependant, l'auteur n'a pas contrôlé les différences démographiques pouvant exister entre le groupe à l'étude et la population témoin. Les résultats pourraient aussi s'expliquer par un taux d'arrestation inférieur dans la population utilisée à des fins de comparaison. L'auteur aurait pu éviter ce problème en utilisant la population de l'État comme population témoin, plutôt que celle d'un seul comté peu peuplé. Étant donné que les anciens patients à l'étude ne représentaient pas toutes les personnes souffrant d'une maladie mentale, il était prématuré de conclure à un lien de «causalité» entre l'état mental et le taux d'arrestation. L'auteur n'a pas interprété les résultats correctement, compte tenu du biais de sélection pouvant exister dans un échantillon composé de personnes ayant été hospitalisées.

À la suite de la publication de cette étude, plusieurs lecteurs ont écrit au chef de la rédaction de la revue pour signaler un certain nombre de problèmes méthodologiques pouvant expliquer la fréquence plus élevée des arrestations enregistrées dans la cohorte composée de patients. Par exemple, Diamond [(1981), American Journal of Psychiatry, vol. 138, no 6, p. 857] a souligné que les patients du Napa State Hospital constituaient un groupe de sujets qui étaient plus enclins à la violence, car il s'agissait de patients ayant déjà été arrêtés ou de sujets qui avaient été envoyés à cet hôpital parce que des données cliniques indiquaient qu'ils avaient une propension à la violence ou à la criminalité. Les patients non violents étaient plus susceptibles de recevoir un traitement dans leur comté de résidence. De même, Adams (1981) a affirmé qu'il y avait un biais de sélection dans ces études, car l'admission d'une personne dans un hôpital public est fondée sur l'avis d'un psychiatre qui estime que le patient est dangereux. Par conséquent, l'association plus nette constatée entre les arrestations et les hospitalisations peut indiquer que les psychiatres ont bien évalué le degré de dangerosité, et non qu'il y a une association en soi entre la maladie mentale et la criminalité.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Steadman, H.J., Cocozza, J.J. et Melick, M.E. (1978). Explaining the increased arrest rate among mental patients : The changing clientèle of state hospitals, American journal of Psychiatry, vol. 135, no 7, p. 816-820.

Voir aussi (pour une description analogue) : Cocozza, J.J., Melick, M.E. et Steadman, H.J. (1978), Trends in violent crime among ex-mental patients, Criminology, vol. 16, no 3, p. 317-334, et Melick, M.E., Steadman, H.J. et Cocozza, J.J. (1979), The medicalization of criminal behaviour among mental patients, Journal of Health and Social Behaviour, vol. 20, p. 228-237.

Objectif : Comparer les taux d'arrestation enregistrés dans deux groupes de patients avec les taux d'arrestation de la population générale. Un groupe de patients a servi à étudier la période précédant la désinstitutionnalisation et l'autre, la période suivant la désinstitutionnalisation.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude historique de cohortes.

Lieu : État de New York, États-Unis.

Sujets : Le premier groupe de malades était composé de 1920 personnes ayant reçu leur congé de l'hôpital entre le 1er avril 1967 et le 31 mars 1968. Le second groupe comprenait 1938 patients ayant reçu leur congé d'un centre psychiatrique de l'État de New York entre le 1er avril 1974 et le 31 mars 1975. Les sujets des deux groupes ont été choisis par échantillonnage systématique, c'est-à-dire le 14e nom et le 18e nom, respectivement, figurant dans le registre des malades ayant reçu leur congé. Les sujets ont été suivis, en moyenne, pendant dix-neuf mois après leur sortie de l'hôpital.

Mesures : Les chercheurs ont examiné les antécédents d'hospitalisation pour obtenir des renseignements sociodémographiques et cliniques. Ils ont consulté les casiers judiciaires pour déterminer les types de crimes pour lesquels les sujets avaient été arrêtés avant et après l'hospitalisation. Ils ont utilisé les données sur la criminalité de la même période dans l'ensemble de l'État pour calculer les taux de criminalité au sein de la population générale. Les crimes avec violence qui ont été considérés étaient le meurtre, l'homicide involontaire coupable et les voies de fait.

Principaux résultats : Les sujets à l'étude ont été rarement arrêtés après leur départ de l'hôpital. La proportion des sujets arrêtés au cours de la période de suivi est passée de 6,9 p. 100 pour le groupe de 1968 à 9A p. 100 pour le groupe de 1975. La proportion des sujets arrêtés pour des crimes avec violence est passée de 0,0 p. 100 à 1,7 p. 100. Les comparaisons de ces taux d'arrestation avec ceux enregistrés dans la population générale de l'État de New York ont révélé que le groupe de patients de 1968 avait un taux d'arrestation supérieur dans chaque catégorie de crimes, sauf dans celle des crimes sexuels. Dans le cas des crimes avec violence, on comptait 5,58 arrestations pour 1 000 personnes dans le groupe de 1968, comparativement à 2,29 pour la population générale. Des comparaisons semblables établies pour le groupe de sujets de 1975 ont indiqué un taux d'arrestation supérieur dans chaque catégorie de crimes. Par exemple, dans le cas des crimes avec violence, on comptait 12,03 arrestations pour 1 000 anciens patients, comparativement à 3,62 pour la population générale. Les chercheurs ont établi que trois facteurs permettaient de prévoir les arrestations chez les anciens patients : le nombre total d'arrestations antérieures, l'âge et le trouble diagnostiqué au moment de l'admission (toxicomanie et trouble de la personnalité). Chez les patients qui n'avaient jamais été arrêtés auparavant, les taux d'arrestation étaient inférieurs à ceux de la population générale dans toutes les catégories de crime (à l'exception des infractions contre les biens) : 22,1 pour 1 000 arrestations comparativement à 32,5, respectivement. En ce qui concerne les crimes avec violence, dans le cas des anciens patients n'ayant jamais été arrêtés antérieurement, on a enregistré un taux d'arrestation de 2,2 pour 1 000 au cours de la période de suivi, comparativement à 3,6 pour 1 000 dans la population générale. En moyenne, les patients ayant été arrêtés une fois auparavant étaient 4,2 fois plus susceptibles d'être arrêtés au cours de la période de suivi, et ceux ayant été arrêtés plus d'une fois auparavant étaient 12,7 fois plus susceptibles d'être arrêtés, comparativement aux taux établis pour la population générale.

Conclusions : Bien que les taux d'arrestation chez les anciens patients psychiatriques aient augmenté au fil des années, il y a un sous-groupe bien défini d'individus qui font l'objet de la plupart des arrestations, c'est-à-dire ceux qui ont déjà été arrêtés. Étant donné qu'un plus grand nombre de personnes admises dans les établissements psychiatriques de l'État avaient été arrêtées plusieurs fois par le passé, le taux de criminalité générale chez les anciens patients psychiatriques semble avoir augmenté.

Critique de la méthode : Les résultats qui indiquent que le risque de commettre un crime est plus élevé chez les anciens patients psychiatriques qui ont déjà été arrêtés plusieurs fois dans le passé et que ce risque est moins élevé chez ceux qui n'ont jamais été arrêtés, comparativement à la population générale, ont des conséquences importantes pour le choix des cohortes et les contrôles statistiques. Les arrestations antérieures devraient être considérées comme un facteur de confusion qui doit être contrôlé soit au moment de l'élaboration de la méthode de recherche, soit au cours de l'analyse statistique.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Steadman, H.J. et Felson, R.B. (1984). Self-reports of violence: Ex-mental patients, ex-offenders, and the general population, Criminology, vol. 22, no 3, p. 321-342.
Objectif : Comparer les renseignements sur les agressions et la violence fournis par d'anciens patients psychiatriques avec ceux fournis par d'ex-détenus et des données correspondantes recueillies sur la population générale.

Méthode de recherche : Étude transversale.

Lieu : Le comté d'Albany dans l'Étatde New York, aux États-Unis.

Sujets : Les chercheurs ont utilisé trois échantillons : a) un échantillon probabiliste de la population générale, b) un échantillon non probabiliste composé d'anciens patients psychiatriques d'un hôpital public vivant dans la collectivité depuis au moins un an et fréquentant des amicales du comté d'Albany pour anciens patients psychiatriques et c) un échantillon non probabiliste composé d'ex-détenus vivant dans la collectivité depuis au moins six mois. Ce dernier groupe comprenait des libérés conditionnels et d'anciens détenus de la prison du comté. Les auteurs ont souligné que ni l'échantillon des anciens patients psychiatriques, ni celui des ex-détenus n'étaient représentatifs d'une population bien définie de malades mentaux ou de criminels de la collectivité. Ces échantillons n'ont pas été «épurés» pour les besoins de l'étude. Les chercheurs ont estimé qu'il pouvait y avoir jusqu'à 10 p. cent de chevauchement entre les deux échantillons, c'est-à-dire que 10 p. 100 des ex-détenus pouvaient aussi être d'anciens patients, et vice versa. De même, une certaine proportion de la population témoin pouvait être constituée d'anciens patients psychiatriques ou d'ex-détenus. Les chercheurs ont considéré que ce chevauchement avait pour effet de réduire les effets observés et que les résultats de leur étude fournissaient une estimation prudente de la relation entre la maladie mentale et la violence.

Mesures : Les questions posées pour obtenir les données autodéclarées avaient pour but de mesurer les comportements agressifs et les comportements violents de différents degrés d'intensité manifestés par les sujets au cours des douze derniers mois.

Principaux résultats : Les anciens patients étaient aussi susceptibles que les sujets de la population témoin de se livrer à des agressions mineures telles que de la violence verbale, des gifles, des tapes ou des poussées. Es étaient plus susceptibles que les sujets du groupe témoin d'être impliqués dans des querelles où les antagonistes étaient armés et plus susceptibles de se livrer à une agression physique au cours de ces incidents. Les différences observées entre ces deux groupes étaient cependant faibles et il est apparu clairement que les anciens patients n'étaient pas aussi violents que les ex-détenus. Les chercheurs ont constaté que l'âge, le sexe et le niveau d'instruction étaient des variables prédictives de la violence, l'âge venant au premier rang.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que les données autodéclarées concordaient avec les résultats d'autres études portant sur les arrestations, qui semblaient indiquer que les différences entre les groupes ne pouvaient s'expliquer par un traitement différent que la police aurait réservé à certains des sujets des échantillons de personnes arrêtées. Les ex-détenus qui manifestaient des comportements agressifs de différentes intensités étaient plus susceptibles de causer des blessures. Les anciens patients étaient plus susceptibles que les sujets du groupe témoin d'utiliser des armes et d'être impliqués dans des querelles où des coups étaient portés. Aucune différence n'a été constatée entre le groupe des anciens patients et le groupe témoin pour ce qui est de la tendance à causer des blessures à l'adversaire. Les chercheurs ont donc conclu que les anciens patients sont généralement seulement un peu plus susceptibles que les autres individus de se livrer à des actes de violence graves.

Critique de la méthode : Étant donné que le groupe des anciens patients aussi bien que celui des ex-détenus constituaient des échantillons non représentatifs prélevés dans des populations de personnes qui avaient été placées en établissement auparavant, il n'est pas possible d'interpréter ces résultats d'un point de vue étiologique. En outre, les chercheurs n'ont pas établi l'ordre temporel des facteurs, c'est-à-dire si la maladie mentale est apparue avant l'expression de la violence, ou vice versa.

Causalité: Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Tardiff, K. et Koenigsberg, H.W. (1985). Assaultive behaviour among psychiatric outpatients, American Journal of Psychiatry, vol. 142, no 8, p. 960-963.
Objectif : Évaluer les taux et les types de comportements agressifs dans un grand groupe de patients qui fréquentaient les cliniques externes de deux hôpitaux psychiatriques privés.

Méthode de recherche : Bien que les auteurs aient omis de mentionner leur méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude rétrospective de cohortes. La maladie mentale diagnostiquée était le critère d'inclusion dans l'échantillon.

Lieu : Deux grands hôpitaux universitaires rattachés au Cornell University Medical College, soit la Payne Whitney Clinic et la division Westchester du New York Hospital, aux États-Unis.

Sujets : L'étude a porté sur tous les patients examinés par les résidents en psychiatrie au cours d'une période d'un an et demi à la Payne Whitney Clinic et à la division Westchester du New York Hospital. Durant la période à l'étude, 2 916 patients ont consulté un médecin dans une des cliniques externes.

Mesures : Dans chacun des hôpitaux, un adjoint de recherche a examiné le dossier de chaque patient en consultation externe évalué par un résident en psychiatrie au cours de la période à l'étude. Les données ont été consignées sur une feuille de travail qui avait été conçue de façon à permettre l'évaluation des expériences cliniques des résidents responsables des patients dans ces cliniques. Les patients étaient répartis entre deux groupes selon qu'ils avaient eu ou non un comportement agressif envers une autre personne. L'automutilation, les dommages matériels et les menaces verbales étaient exclus de la définition de «comportement agressif». Les diagnostics ont été établis selon les critères du DSM-III.

Principaux résultats : Environ 5 p. 100 des patients avaient agressé physiquement une personne quelques jours avant leur évaluation par un résident. Dans plus de la moitié des cas, la victime de l'agression était un membre de la famille du patient. L'agressivité était associée au fait d'être un homme, d'avoir 20 ans ou moins, d'avoir fait l'objet d'un diagnostic de trouble mental durant l'enfance ou l'adolescence et de souffrir d'un retard mental.

Conclusions : Le taux d'agression chez les patients en consultation externe était inférieur à celui enregistré chez les patients hospitalisés. Le risque d'agression était plus élevé chez les hommes que chez les femmes et plus élevé chez les jeunes que chez les patients plus âgés.

Critique de la méthode : La définition étroite donnée au terme «agression» explique peut-être le taux peu élevé enregistré par les auteurs de cette étude concernant la fréquence de la violence, comparativement à celui enregistré dans des études portant sur des patients hospitalisés. Par contre, si la dangerosité est un critère d'hospitalisation, on devrait s'attendre que le taux de violence soit moins élevé chez les patients en consultation externe. De plus, le fait que les chercheurs aient inclus dans l'échantillon les patients souffrant de retard mental limite la généralisation des résultats.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Volavka J., Mohammad Y., Vitrai J., Connolly M., Stefanovic M. et Ford M. (1995). Characteristics of state hospital patients arrested for offenses committed during hospitalization. Psychiatric Services, vol. 46, no 8, p. 796-800.
Objectif : Étudier des patients qui ont été appréhendés pour des infractions au criminel commises alors qu'ils séjournaient dans un hôpital psychiatrique.

Méthode de recherche : Même si les auteurs ont omis de préciser la méthode de recherche, la méthode de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude cas-témoins.

Lieu : Le Manhattan Psychiatric Centre et le Rockland Psychiatric Center, deux hôpitaux de l'État de New York, aux États-Unis.

Sujets : Les sujets à l'étude étaient 73 patients hospitalisés appréhendés au cours d'une période de 30 mois, comparativement à 1 438 patients hospitalisés non appréhendés. Les 73 patients avaient été appréhendés en raison d'un incident survenu alors qu'ils étaient hospitalisés au cours d'une période de 30 mois. Onze patients avaient été arrêtés plus d'une fois. Les données sont fournies relativement à l'incident le plus grave. Les témoins étaient tous des patients (N= 1 731) hospitalisés aux deux hôpitaux le 15 mars 1992.

Mesures : Les dossiers des services de sécurité ont été examinés pour obtenir des renseignements sur les arrestations résultant d'incidents survenus chez des patients entre le 1er janvier 1991 et le 30 juin 1993. Les données suivantes ont été extraites des dossiers : données démographiques, traitement psychopharmacologique au moment du traitement, diagnostic psychiatrique, durée de la maladie, nombre d'hospitalisations antérieures et nombre d'arrestations antérieures. En consultant les données tirées des dossiers des tribunaux, les auteurs ont pu relever l'infraction visée, le nombre d'audiences judiciaires suivant l'arrestation, le nombre de transferts de patients entre hôpital et prison, les dispositions du tribunal et les peines d'emprisonnement.

Principaux résultats : Au total, 58 des 73 arrestations résultaient d'incidents violents mettant en cause des agressions physiques et sexuelles, des vols et un meurtre. Les arrestations non violentes étaient reliées à des infractions liées aux drogues, au cambriolage et à un incendie criminel. Le nombre d'arrestations augmentait considérablement au fur et à mesure que se déroulait l'étude, alors que le nombre d'incidents criminels semblait baisser. Les circonstances décrites dans les dossiers ne donnaient généralement pas à penser que la violence résultait d'une psychose, bien que ce point n'ait pas été étudié de façon détaillée. Les personnes appréhendées étaient plus susceptibles d'être jeunes, de race noire et d'avoir séjourné à l'hôpital moins longtemps. Les diagnostics ne permettaient pas d'établir des différences entre les deux groupes, et 90 p. 100 des sujets avaient un diagnostic de toxicomanie, de troubles de la personnalité, ou de ces deux affections.

Conclusions : Les arrestations chez les patients psychiatriques hospitalisés ont augmenté au cours de l'étude en dépit du nombre fléchissant de malades hospitalisés et d'incidents. De plus, le nombre d'incidents violents fléchissait au fur et à mesure qu'augmentait le nombre d'arrestations.

Critique de la méthode : L'étude n'était pas spécifiquement axée sur la relation entre les crimes avec violence et la maladie mentale, même si une importante proportion des arrestations intéressaient des incidents violents.

Causalité: Aucune déclaration ne peut être faite relativement à l'existence d'un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Wessely, S.C., Castle, D., Douglas, A.J. et Taylor, P.J. (1994). The criminal careers of incident cases of schizophrenia, Psychological Medicine, vol. 24, p. 483-502.
Objectif : Vérifier les hypothèses selon lesquelles la schizophrénie, comparée aux autres troubles mentaux, serait associée à un risque accru de condamnation et à un taux supérieur de condamnation.

Méthode de recherche : Étude longitudinale comportant un suivi qui a duré dans certains cas jusqu'à 20 ans. Les sujets du groupe à l'étude et ceux du groupe témoin ont été choisis en fonction de leur âge (écart de moins de cinq ans), de leur sexe et de la date de leur admission dans un centre psychiatrique.

Lieu : Camberwell, London Borough, Angleterre.

Sujets : Les sujets du groupe à l'étude (N=538) ont été choisis dans un registre de malades mentaux; il s'agissait de nouveaux cas de schizophrénie. Les sujets du groupe témoin (N=538) ont été choisis dans le même registre, en prenant le nom inscrit dans le registre immédiatement après celui d'un sujet retenu pour le premier groupe et chez qui on avait diagnostiqué une maladie autre que la schizophrénie; cette personne devait être du même sexe et à peu près du même âge (écart de moins de cinq ans) que le sujet du groupe à l'étude. Les auteurs n'ont pas décrit la méthode qu'ils ont appliquée pour n'avoir que des nouveaux cas dans le groupe témoin, mais ont indiqué que les sujets du groupe témoin ne différaient de ceux du groupe à l'étude que par le fait qu'ils ne souffraient pas d'une psychose.

Mesures : Les données sur le diagnostic psychiatrique et les condamnations au criminel ont été obtenues en consultant des archives. La schizophrénie a été définie selon les codes de la CIM-9 qui se rapportent aux psychoses schizophréniques. Les données sur les condamnations au criminel ont été obtenues auprès du Criminal Records Office, où sont consignées 90 p. 100 de toutes les condamnations au criminel au Royaume-Uni. Les données comprenaient également un petit nombre de condamnations déclarées par les répondants eux-mêmes, qui ne figuraient pas dans les registres officiels.

Principaux résultats : Les données ont révélé que la schizophrénie contribuait dans une faible mesure, et indépendamment des autres variables, au risque d'avoir un casier judiciaire, mais que l'effet de cette variable était éclipsé par les effets beaucoup plus importants des variables sexe, toxicomanie, appartenance ethnique et âge au début de la maladie. Les antécédents criminels constituaient la variable qui permettait le mieux de prévoir les condamnations.

Conclusions : Bien que cette étude démontre que le risque de condamnation au criminel est légèrement plus élevé chez les personnes souffrant de schizophrénie, comparativement aux personnes souffrant d'un autre trouble mental, les variables prédictives les plus importantes à l'égard des condamnations sont des facteurs non reliés à la maladie.

Critique de la méthode : Comme les auteurs n'ont pas utilisé de groupe témoin composé de sujets  «normaux», les résultats ne peuvent être utilisés que pour déterminer si le fait de souffrir de schizophrénie accroît le risque de condamnation ultérieure chez les malades mentaux qui ont suivi un traitement. Tant les sujets du groupe à l'étude que ceux du groupe témoin auraient pu avoir des taux de condamnation inférieurs à ceux enregistrés pour la population générale. Les auteurs ont indiqué que la seule différence entre les sujets du groupe à l'étude et ceux du groupe témoin était la présence d'un trouble psychotique. Cependant', il est probable que le groupe témoin comprenait des individus ayant d'autres troubles psychotiques, car la méthode de sélection ne prévoyait pas explicitement l'exclusion de tels individus. Comme les résultats étaient fondés sur les condamnations au criminel, la criminalité a été sous-estimée tant chez les sujets du groupe à l'étude que chez les sujets du groupe témoin, et les résultats ne permettent pas de conclure que les individus souffrant d'un trouble schizophrénique sont plus susceptibles d'être condamnés.

Causalité : Étant donné que les sujets du groupe à l'étude et les sujets du groupe témoin ont été choisis parmi des personnes soumises à un traitement et que les chercheurs n'ont pas utilisé un groupe témoin composé de sujets normaux, les résultats de l'étude ne permettent pas de déterminer si les personnes souffrant d'une maladie mentale présentent un risque de violence plus élevé.

Études basées sur des échantillons de détenus

Les études résumées ci-après visaient des échantillons de détenus. Comme elles portent uniquement sur certaines populations de détenus, elles ne peuvent être utilisées pour établir des liens de nature étiologique entre la maladie mentale et la violence. Elles ne sont donc pas utiles pour formuler des explications étiologiques sur cette question.

Abram, K.M. et Teplin, L.A. (1990). Drug disorder, mental illness and violence. NIDA Research Monograph, (REA 228).

Objectif : Examiner si les personnes présentant un diagnostic mixte (abus de drogue et trouble mental) commettent plus de crimes avec violence que les personnes qui font un abus de drogue, mais qui ne souffrent pas d'un trouble mental. Un certain nombre de combinaisons de consommation de drogue et de psychopathologie ont aussi été examinées afin de déterminer si les sujets présentaient une propension au crime avec violence.

Méthode de recherche : Une étude de cohortes de trois ans.

Lieu : Le Department of Corrections du comté de Cook, Chicago, Illinois, États-Unis.

Sujets : Les données ont été recueillies entre novembre 1983 et novembre 1994 suite à une sélection aléatoire de sujets de sexe masculin détenus avant le procès et de délinquants condamnés à moins d'un an de prison pour délit. Les résultats portant sur 728 sujets sont présentés.

Mesures : Les renseignements sur l'abus de drogue et les troubles mentaux ont été recueillis à l'aide du Diagnostic Interview Schedule (DIS). Les données sur les arrestations et les condamnations subséquentes ont été obtenues auprès du Service de police de Chicago, du FBI, et du Illinois Bureau of Investigation.

Principaux résultats : Les auteurs ont préparé des modèles statistiques pour prédire a) le comportement violent antérieur et b), le comportement violent futur. En ce qui concerne le comportement violent antérieur, aucun des troubles liés à la drogue (marijuana seulement, opiacés seulement et polytoxicomanie) n'a été jugé comme ayant un effet important sur les arrestations antérieures pour crimes avec violence. Les arrestations pour crimes avec violence étaient associées à l'âge (étant donné la période à risque plus longue), au faible niveau de scolarité et à la présence d'un trouble de personnalité antisociale. Les consommateurs d'opiacés qui étaient déprimés étaient les moins susceptibles d'avoir des antécédents de crimes avec violence. Pour ce qui est des arrestations futures pour crimes avec violence, les facteurs qui suivent étaient des prédicteurs : arrestations antérieures pour crimes avec violence, nombre de jours en liberté (plus grand le nombre, plus grande l'occasion de commettre des crimes avec violence) et les troubles liés à la consommation d'opiacés (ce qui réduit la probabilité d'arrestations futures pour crimes avec violence). Aucun autre facteur n'était significatif.

Conclusions : Les troubles mentaux (schizophrénie, dépression, troubles liés à l'alcool) ne permettaient pas de prédire les arrestations pour crimes avec violence, une fois que les auteurs eurent contrôlé les variables (comme l'âge ou la scolarité) qui sont reconnues comme correlant avec le crime et la maladie mentale. Par contraste, le trouble de la personnalité antisociale était fortement prédicteur d'arrestations antérieures, même après avoir éliminé les arrestations et les condamnations dans le DIS pour poser ce diagnostic, mais il n'était pas prédicteur d'arrestations futures. Les troubles liés à la drogue, et non associés à d'autres troubles, présentaient une relation inverse aux crimes avec violence. Cependant, il importe de souligner que les données ont été recueillies avant l'épidémie de cocaïne. (D'aucuns estiment qu'il y a un lien entre la cocaïne et la criminalité violente.) Les auteurs concluent que ce sont les jeunes détenus mal instruits, antisociaux et ayant des antécédents de violence qui sont le plus susceptibles d'être impliqués dans des crimes avec violence futurs.

Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude bien structurée et bien exécutée. Les techniques de collecte de données ont visé un important échantillon représentatif de sujets.

Causalité : L'étude est axée sur des sous-groupes de détenus définis en fonction des troubles mentaux et de l'abus de drogue ou d'alcool. Même si l'étude ne permet pas de tirer des conclusions quant au lien de causalité dans certaines populations non sélectives, les résultats sont conformes à l'hypothèse selon laquelle il n'existe aucune association entre les troubles mentaux et la violence.

Allodi, F. et Montgomery, R. (1975). Mentally abnormal offenders in a Toronto jail, Revue canadienne de criminologie, vol. 17, p. 277-283.
Objectif : Décrire, à partir des dossiers médicaux et des dossiers généraux de la prison, 1) toutes les personnes à l'égard desquelles un tribunal avait ordonné une évaluation dans l'unité de psychiatrie de la prison, 2) un sous-échantillon prélevé dans l'échantillon initial et composé d'individus internés et 3) les individus qui, selon les dossiers de la prison, avaient été hospitalisés dans un établissement psychiatrique au cours des cinq dernières années.

Méthode de recherche : Un examen rétrospectif de dossiers.

Lieu : Une grande prison de Toronto (Ontario) Canada.

Sujets : Tous les détenus (106) à l'égard desquels un tribunal avait ordonné une évaluation à l'unité de psychiatrie de la prison au cours d'une période de trois mois.

Mesures : Il ne s'agissait pas d'un examen uniformisé des dossiers, et aucune mesure particulière n'a été utilisée.

Principaux résultats : Bien que les auteurs ne l'aient pas indiqué clairement, il semble qu'un diagnostic psychiatrique ait été établi chez toutes les personnes ayant fait l'objet d'une évaluation. L'échantillon comprenait 25 p. 100 de personnes atteintes de schizophrénie et 45 p. 100 de personnes atteintes d'un trouble de la personnalité (25 p. 100 de tous les sujets avaient une personnalité psychopathe). Soixante-deux pour cent des sujets avaient été hospitalisés dans un établissement psychiatrique antérieurement et 65 p. 100 avaient déjà été condamnés. Les détenus ayant été hospitalisés antérieurement dans un établissement psychiatrique représentaient 40 à 47 p. 100 de l'ensemble de la population carcérale, selon les années, au cours de la période de cinq ans à l'étude (1969-1973).

Conclusions : Une grande partie des détenus de cette prison avaient un problème psychiatrique au moment de leur admission ou avaient déjà été hospitalisés dans un établissement psychiatrique avant leur incarcération.

Critique de la méthode : Cette étude comporte de nombreuses lacunes. Tout d'abord, il s'agissait d'un échantillon très sélectif puisque les chercheurs ont étudié des détenus à l'égard desquels un tribunal avait ordonné une évaluation dans l'unité de psychiatrie de la prison. L'échantillon était composé des dossiers de tous les détenus qui devaient faire l'objet d'une évaluation psychiatrique ou qui avaient été admis en prison antérieurement pour des périodes déterminées, de sorte que ces sujets n'étaient peut-être pas représentatifs de l'ensemble de la population carcérale. Bien que cette étude appuie la thèse selon laquelle la prévalence de la maladie mentale est élevée au sein des populations carcérales, on ne peut s'appuyer sur les résultats obtenus pour établir un lien causal entre la maladie mentale et la criminalité ou la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Arboleda-Flórez, J. (1994). An epidemiological study of mental illness in a remanded population and the relationship between mental illness and criminality, thèse de doctorat en épidémiologie, University of Calgary, Calgary.
Objectif : Estimer la prévalence de la maladie mentale (prévalence à vie et au cours d'une période d'un mois) ainsi que la comorbidité et étudier la relation entre la maladie mentale et la criminalité au sein d'une population carcérale.

Méthode de recherche : Enquête transversale et analyse de données secondaires recueillies dans tous les dossiers pertinents.

Lieu : Un centre de détention provisoire de Calgary (Alberta) Canada.

Sujets : L'échantillon aléatoire, représentatif et stratifié en fonction du sexe, était composé de 1 200 détenus admis au Calgary Remand Centre et choisis parmi les 4 770 détenus qui avaient été admis à ce centre au cours de la période à l'étude, c'est-à-dire 4,5 mois consécutifs (du 27 juillet au 10 décembre 1992). Les sujets ont été examinés dans les vingt-quatre heures suivant leur admission, avant que la cour rende un jugement à leur endroit. La taille de l'échantillon permettait d'estimer la maladie mentale avec un degré de précision de 1 p. 100.

Mesures : Quatre psychiatres légistes ont évalué les sujets à l'aide du questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule) et le coefficient d'objectivité était bon. Les chercheurs ont utilisé deux autres instruments de mesure : la liste de vérification des symptômes de psychopathologie de Hare (Hare Psychopathology Checklist) et le questionnaire SCID (Structured Clinical Interview for DSM Disorders). Les diagnostics ont été classés dans un ordre hiérarchique.

Principaux résultats : Un diagnostic de l'axe I ou Il a été établi dans le cas de 728 détenus (60,7 p. 100). Chez les femmes, le diagnostic le plus fréquent était la dépendance à l'alcool. Les cas de dépression majeure représentaient 26,1 p. 100 de l'échantillon féminin. Il n'y avait pas de cas de schizophrénie chez les femmes. Chez les hommes, le diagnostic le plus fréquent était aussi la dépendance à l'alcool (31,7 p. 100). Les cas de schizophrénie représentaient 1,2 p. 100 et la dépression majeure, 3,3 p. 100. Seulement 5,5 p. 100 des sujets souffraient d'un trouble de la personnalité. Dans les cas de comorbidité, les deux troubles présents étaient le plus souvent la personnalité antisociale et la toxicomanie (4,5 p. 100). Il n'y avait pas de différences significatives entre les sujets qui souffraient d'une maladie mentale et les autres sujets quant au type d'accusation portée (infraction contre la personne, infraction contre les biens ou autre infraction).

Conclusions : Le taux de prévalence de la maladie mentale était élevé dans cet échantillon, mais il s'agissait le plus souvent d'une dépendance à l'égard de l'alcool ou de la drogue. Les facteurs sociodémographiques (âge, niveau d'instruction et appartenance ethnique) et criminologiques (incarcérations antérieures, évaluations médico-légales antérieures) étaient reliés à un risque plus élevé d'être atteint d'une maladie mentale et de commettre un acte criminel.

Critique de la méthode : Cette étude est basée sur un échantillon représentatif composé de personnes admises dans un centre de détention provisoire, donc de sujets étudiés au tout début du processus judiciaire. Elle apporte des preuves solides à l'appui de la thèse selon laquelle une proportion importante des personnes incarcérées souffrent d'un état de dépendance à l'alcool ou à la drogue ou d'une maladie mentale grave.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Ashford, J.B. (1989). Offense comparisons between mentally disordered and non-mentally disordered inmates, Revue canadienne de criminologie, janvier, p. 35-48.
Objectif : Comparer des détenus atteints de troubles mentaux avec des détenus n'ayant pas de troubles mentaux par rapport au type d'infraction commise, aux antécédents de violence et aux antécédents criminels, à l'aide d'un échantillon de sujets condamnés à une peine d'emprisonnement.

Méthode de recherche : Étude cas-témoins basée sur un examen rétrospectif des dossiers.

Lieu : Établissements carcéraux du comté de Maricopa, en Arizona, aux États-Unis.

Sujets : Deux échantillons indépendants ont été formés à partir de deux types de documents. Le premier échantillon a été prélevé à partir d'une liste de délinquants atteints de troubles mentaux admis au service de santé ou à l'unité de psychiatrie de l'établissement (N=294). Ces détenus ont été répartis en deux groupes : ceux qui souffraient d'un  «trouble mental grave» (chez qui on avait diagnostiqué une maladie mentale chronique, N=82) et ceux souffrant d'un  «trouble mental» (chez qui on avait diagnostiqué un trouble mental au moment de l'incarcération, N=212). Les sujets du groupe témoin (N=372) ont été choisis en consultant les dossiers des détenus qui n'avaient pas été admis au service de santé ou à l'unité de psychiatrie et qu'on a considérés comme des sujets non atteints de troubles mentaux.

Mesures : L'auteur n'a pas décrit les mesures utilisées. Les dossiers ont été examinés, mais l'auteur n'a pas indiqué comment le diagnostic inscrit avait été établi.

Principaux résultats : Le taux de violence récente chez les sujets atteints d'un  «trouble mental grave» était de 36 p. 100, par rapport à 31 p. 100 chez les sujets atteints d'un  «trouble mental» et à 22 p. 100 chez les sujets du groupe témoin. En ce qui concerne la violence antérieure, les taux étaient de 14 p. 100, 10 p. 100 et 7 p. 100, respectivement.

Conclusions : Les deux sous-groupes de détenus atteints de troubles mentaux différaient significativement des sujets du groupe témoin du point de vue des antécédents de violence. L'auteur a donc considéré que les détenus souffrant de troubles mentaux étaient plus violents.

Critique de la méthode : Les forces de cette étude cas-témoins résident, en premier lieu, dans le fait que l'auteur a comparé des délinquants atteints de troubles mentaux à des délinquants  «normaux» par rapport à trois variables précises, à savoir le type d'infraction immédiate, les antécédents de violence et les antécédents criminels, et, en second lieu, dans le fait qu'il a cherché à différencier les  «cas chroniques» et les  «cas récents» de troubles mentaux.

Toutefois, cette étude comporte aussi de nombreuses faiblesses. L'échantillon n'était pas représentatif. Les sujets du groupe à l'étude ont été choisis au hasard parmi les détenus ayant des antécédents psychiatriques. Les sujets du groupe témoin ont été choisis au hasard à partir de dossiers de détenus qui n'étaient pas classés dans la catégorie des malades mentaux. Il est très possible que de nombreux détenus faisant partie du groupe témoin aient souffert d'une maladie mentale, mais qu'ils n'aient pas été classés comme tels. Le genre de trouble a été déterminé à partir des dossiers médicaux, sans aucune standardisation des diagnostics, sans évaluateurs, etc. Les différences entre les cas chroniques et les cas récents ne sont pas expliquées et il est possible que ces deux catégories se chevauchent. L'auteur n'a pas défini la violence, mais a distingué la violence récente de la violence antérieure. De plus, la mesure de la violence reposait dans une large mesure sur les renseignements figurant dans les dossiers au chapitre des antécédents de violence, renseignements fournis par les détenus eux-mêmes. Aucune explication n'a été donnée pour justifier la taille des échantillons. Bien que les résultats confirment dans une certaine mesure l'hypothèse d'une relation entre la violence et la maladie mentale chez les détenus, encore que l'étude comporte de nombreuses lacunes, ces résultats ne peuvent être utilisés pour conclure à une relation étiologique entre la maladie mentale et la violence hors du cadre carcéral.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Barton, W.I. (1982). Drug histories and criminalité of inmates of local jails in the United States (1978) : Implications for treatment and réhabilitation of the drug abuser in a jail setting, The International Journal of the Addictions, vol. 17, no 3, p. 417-444.
Objectif : Établir un profil des détenus qui serait utile pour l'élaboration de modèles de classification et la planification en fonction des besoins des prisons.

Méthode de recherche : Enquête transversale.

Lieu : Trois mille sept cents établissements situés aux États-Unis.

Sujets : À partir d'une base d'échantillonnage comprenant 165 000 détenus, les chercheurs ont prélevé un échantillon pondéré, non représentatif, composé de 6 300 détenus pouvant faire l'objet de l'étude. L'échantillon final comprenait 5 300 détenus.

Mesures : L'auteur n'a pas précisé les mesures utilisées, mais il semble qu'un questionnaire ait été conçu spécialement pour réaliser cette enquête.

Principaux résultats : Environ 68 p. 100 des sujets avaient des antécédents de consommation de drogue, et environ 40 p. 100 avaient consommé de la drogue quotidiennement. La plupart des détenus qui avaient consommé de la drogue avaient été accusés d'une infraction contre les biens.

Conclusions : Un nombre important de détenus avaient consommé de la drogue à un moment ou à un autre de leur vie. Seulement 24 p. 100 d'entre eux avaient participé à un programme de lutte contre la toxicomanie. L'auteur du rapport a recommandé que les autorités pénitentiaires fournissent des services à cette population, en collaboration avec des organismes spécialisés de l'extérieur.

Critique de la méthode : Cette étude était de grande envergure. Pourtant, l'auteur aurait pu être plus explicite quant au type d'échantillonnage utilisé. Il aurait pu indiquer s'il s'agissait d'un échantillon stratifié et s'il avait utilisé des coefficients de pondération dans l'analyse des données. Par ailleurs, l'analyse est très superficielle compte tenu de l'envergure de l'enquête ainsi que des ressources et des efforts qui y ont été consacrés. Bien que les résultats puissent être utiles aux fins de la planification des programmes, ils ne permettent pas d'affirmer qu'il existe un lien de causalité entre la consommation de drogue et la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Beaudoin, M.N., Hodgins, S. et Lavoie, F. (1993). Homicide, schizophrenia and substance abuse or dependency, Revue canadienne de psychiatrie, vol. 38, p. 541-546..
Objectif : L'étude avait trois principaux buts : 1) recueillir des renseignements sur la relation entre la consommation d'alcool ou de drogue et les comportements agressifs chez trois groupes de délinquants, soit des délinquants atteints de schizophrénies ayant été accusés d'homicide et acquittés pour cause d'aliénation mentale, des délinquants atteints de schizophrénie reconnus coupables d'homicide et des délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux reconnus coupables d'homicide; 2) comparer les antécédents de violence des délinquants atteints de schizophrénie avec ceux des délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux; 3) étudier la relation entre l'évolution de la schizophrénie et les comportements agressifs chez les délinquants des deux premières catégories, c'est-à-dire les délinquants schizophrènes ayant commis un homicide.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas décrit la méthode de recherche, mais il s'agissait d'une étude transversale basée sur un échantillon de commodité composé de personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale et, dans le cas des délinquants schizophrènes déclarés coupables d'homicide, un échantillon prélevé à partir d'une «liste de sujets cibles», qui semble avoir été dressée par les auteurs. Enfin, les délinquants du troisième groupe ont été choisis dans différents établissements.

Lieu : Le plus important hôpital pénitentiaire et trois établissements à sécurité moyenne et maximale de Québec (Canada).

Sujets : Quatorze des 17 patients acquittés pour cause d'aliénation mentale après août 1990 (83 p. 100), 12 des 14 délinquants atteints de schizophrénie et déclarés coupables d'homicide (86 p. 100) et 15 des 56 sujets ne souffrant pas de troubles mentaux (21 p. 100) ont accepté de participer à l'étude.

Mesures : Les sujets du deuxième groupe, c'est-à-dire les «sujets cibles», ont été soumis au test SCID (Structured Clinical Interview for DSM Disorders). Le questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule) a été utilisé pour établir un diagnostic de toxicomanie fondé sur les antécédents de consommation de drogue ou d'alcool. La Grille d'histoire d'agression physique contre la personne (GHAP) a été utilisée pour mesurer les aspects qualitatifs et quantitatifs des agressions contre la personne (ce type d'agression était défini comme un acte comportant Lin contact traumatique entre deux personnes, soit directement, soit au moyen d'un objet). Les antécédents criminels ont été déterminée à l'aide des casiers judiciaires de la GRC. Les dossiers médicaux ont été utilisés pour vérifier si les sujets avaient bien été acquittés pour cause d'aliénation mentale et pour confirmer les diagnostics de schizophrénie. Tous les sujets devaient avoir un Q.I. supérieur à 70 sur l'échelle WAIS-R (Wide Range Achievement Tests).

Principaux résultats : Fait important, 60 p. 100 des délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux qui avaient commis un homicide avaient des antécédents de toxicomanie (dépendance à l'égard de la drogue ou de l'alcool), comparativement à 36 p. 100 des délinquants acquittés pour cause d'aliénation mentale. Une plus grande proportion des deux groupes de délinquants déclarés coupables d'homicide étaient susceptibles d'avoir commis ce crime sous l'influence de l'alcool. ou de la drogue., comparativement au groupe des délinquants acquittés pour cause d'aliénation mentale. Aucune différence significative n'a été constatée entre les groupes pour ce qui est du nombre moyen de cas d'agression. Les auteurs ont constaté que les délinquants acquittés pour cause d'aliénation mentale étaient plus agressifs durant une phase aiguë de leur maladie que les délinquants schizophrènes qui avaient été déclarés coupables. Le nombre d'hospitalisations était le même pour les deux groupes de délinquants reconnus coupables. mais les délinquants chez qui on avait diagnostiqué, une schizophrénie avaient été hospitalisés plus souvent après le crime.

Conclusions : Le groupe des délinquants schizophrènes déclarés coupables d'homicide était très semblable au groupe des délinquants qui ne souffraient d'aucun trouble mental majeur à l'égard de plusieurs variables, dont l'âge au moment de la première condamnation, la consommation de drogue ou d'alcool ou l'identification de la victime. Il était semblable au groupe des délinquants acquittés pour cause d'aliénation mentale à l'égard du Q.I., du diagnostic de toxicomanie, du nombre d'hospitalisations, de l'âge ou la schizophrénie était apparue et du choix de la victime. Ainsi, l'âge au moment de la perpétration du premier acte criminel semblait être le seul facteur qui permettait de distinguer les délinquants reconnus coupables de ceux qui avaient été acquittés. On a également constaté, que les personnes atteintes de schizophrénie avaient commis plus jeunes des actes criminels que celles acquittées pour cause d'aliénation mentale. On peut donc envisager qu'à cause de cette criminalité précoce, les schizophrènes ont été classifiés comme criminels plutôt que comme malades mentaux.

Critique de la méthode : Les forces de cette étude sont, notamment, l'évaluation des deux groupes de malades mentaux, qui a été aussi approfondie qu'elle pouvait l'être. Malheureusement, les auteurs ont commis un grand nombre d'erreurs méthodologiques. Premièrement, il s'agissait d'une étude transversale et l'échantillon était, de toute évidence, très sélectif, car il était composé d'individus qui étaient déjà considérés comme des malades mentaux violents (dans le cas des deux groupes de schizophrènes). Deuxièmement, les auteurs n'ont pas précisé comment les délinquants acquittés pour cause d'aliénation mentale avaient été sélectionnés. De plus, le taux de participation des délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux était très faible. Les propriétés psychométriques de la GHAP ne sont pas indiquées. Les auteurs n'ont pas indique pourquoi ils ont utilisé le questionnaire DIS pour établir le diagnostic plutôt que la section du questionnaire SCID qui porte sur l'abus d'alcool et de drogue ou la dépendance à l'égard de l'alcool ou de la drogue.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Bland, R.C., Newman, S.C., Dyck, R.J. et Orn, H. (1990). Prevalence of psychiatric disorders and suicide attempts in a prison population, Revue canadienne de psychiatric, vol. 35, p. 407-413.
Objectif : Estimer la prévalence de la maladie mentale dans une population carcérale.

Méthode de recherche : Enquête transversale.

Lieu : Un centre de détention provisoire et un établissement provincial (détenus purgeant une peine de deux ans moins un jour) situés à Edmonton (Alberta) Canada.

Sujets : Un échantillon systématique composé de 180 hommes.

Mesures : Le questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule).

Principaux résultats : La prévalence à vie des troubles mentaux a été estimée à 92 p. 100. La toxicomanie, y compris l'alcoolisme, représentait la majeure partie des cas (87 p. 100), la personnalité antisociale représentait 57 p. 100 des cas et les troubles affectifs, 23 p. 100 des cas. La prévalence de la schizophrénie a été estimée à 2 p. 100.

Conclusions : Il y avait un grand nombre de délinquants atteints de troubles mentaux dans les prisons à l'étude, mais la toxicomanie et les troubles de la personnalité représentaient la majeure partie de ces troubles.

Critique de la méthode : Les forces de cette étude, que très peu d'autres études dans le domaine possèdent, reposent sur le choix d'un échantillon représentatif et sur le fait que les auteurs ont pris soin de faire des comparaisons appropriées par rapport à des données standardisées relatives au sexe, à l'âge et aux estimations de la prévalence de la maladie mentale au sein de la population générale de la ville d'Edmonton. Malheureusement, les auteurs ont mêlé deux types de population carcérale, c'est-à-dire celle des centres de détention provisoire et celle des prisons, ce qui peut avoir entraîné une surreprésentation des cas de toxicomanie et de personnalité antisociale. En outre, ils ont utilisé les critères diagnostiques du DIS (le DIS est basé sur le DSM-III). L'utilisation de ces critères a non seulement pour effet de surreprésenter les cas de personnalité antisociale (trouble défini en fonction de la criminalité) au sein des populations carcérales, mais aussi de sous-représenter les autres troubles mentaux qui. sont plus fréquents au sein de ce genre de population (troubles mentaux non inclus dans le DIS).

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Brownstone, D.Y et Swaminath, R.S. (1989). Violent behaviour and psychiatric diagnosis in female offenders, Revue canadienne de psychiatric, vol. 34, no 3, p. 190-194.
Objectif : Cette étude avait pour but de vérifier les hypothèses selon lesquelles 1) les crimes avec violence seraient associés à certains troubles mentaux, 2) l'âge au moment de l'admission serait associé au genre de crime commis et l'âge au moment de l'admission serait associé au trouble mental diagnostiqué, 3) les crimes commis par de jeunes délinquantes comporteraient plus de violence que les crimes commis par des délinquantes plus âgées et 4) le trouble diagnostiqué serait relié à l'âge au moment de la première admission dans un établissement psychiatrique ou du premier crime commis.

Méthode de recherche : Examen rétrospectif de dossiers médicaux.

Lieu : Le centre médico-légal d'un hôpital psychiatrique de l'Ontario, Canada, qui est le seul centre pour les délinquantes atteintes de troubles mentaux dans cette province.

Sujets : Toutes les femmes (91) placées dans ce centre au cours d'une période de cinq ans, de janvier 1981 à décembre 1985, pour l'une des raisons suivantes : évaluations psychiatriques (47), acquittées pour cause d'aliénation mentale ou déclarées inaptes à subir leur procès (30), ordonnances de probation (5) ou transfèrements à partir d'une prison à cause d'une maladie mentale (9).

Mesures : Les chercheurs ont utilisé une formule spécialement conçue pour l'extraction des données. Les diagnostics établis selon la CIM-9 ont été vérifiés durant des réunions où des membres d'équipes pluridisciplinaires en sont arrivés à un consensus.

Principaux résultats : Dans 41,9 p. 100 des cas, les sujets avaient des antécédents criminels consignés. L'âge moyen au moment de la première condamnation était de 21,5 ans. Des crimes avec violence avaient été commis par 53,8 p. 100 des sujets. La majorité des sujets (72,6 p. 100) avaient déjà été hospitalisés dans un établissement psychiatrique et la moyenne d'âge au moment de la première admission était de 24 ans. Un diagnostic de psychose, le plus souvent la paranoïa, avait été établi chez près de la moitié des sujets (42,9 p. 100). Un trouble de la personnalité, avait été diagnostiqué chez 35 sujets (38,5 p. 100).

Conclusions : Les diagnostics de troubles de la personnalité étaient plus fréquents chez les sujets âgés de moins de 30 ans, alors que les diagnostics de psychose étaient plus fréquents chez les sujets de plus de 30 ans. Il n'y avait pas de lien entre l'âge et le fait que le crime ait été commis avec ou sans violence. Il n'y avait pas de lien entre un type de trouble et les crimes avec violence, et le genre de crime commis n'était pas relié à l'âge au moment de la perpétration du premier crime ni à l'âge au moment de l'admission.

Critique de la méthode : La principale force de cette étude réside dans le fait que c'est l'une des seules études qui portent uniquement sur les femmes. Malheureusement, comme les sujets ont été choisis dans un seul établissement, les résultats ne peuvent être dits représentatifs de l'ensemble des délinquantes. De plus, l'échantillon était composé de délinquantes n'ayant pas toutes le même «statut juridique». Ainsi, les personnes en détention provisoire avant leur procès sont, par définition, présumées innocentes. Celles qui sont acquittées pour cause d'aliénation mentale ainsi que celles qui sont inaptes à subir leur procès peuvent aussi être innocentes. Par contre, les personnes à qui une peine a été infligée, qui sont en probation ou en prison, ont été reconnues coupables. Différents mécanismes de sélection sont en place à chacun de ces niveaux pour déjudiciariser certaines délinquantes, ce qui rend les résultats très difficiles à interpréter.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Coid, B., Lewis, S.W. et Reveley, A.M. (1993). A twin study of psychoses and criminality, British Journal of Psychiatry, vol. 162, p. 87-92.
Objectif : L'étude avait pour but de vérifier quatre hypothèses : 1) si les taux de, criminalité sont plus élevés chez les probants schizophrènes que chez leurs jumeaux non atteints de schizophrénie, 2) si les taux de criminalité sont plus élevés chez les jumeaux schizophrènes que chez les jumeaux souffrant de psychose affective, 3) si les jumeaux schizophrènes ont des habitudes criminelles caractéristiques comparativement aux délinquants non atteints de schizophrénie et 4) si la schizophrénie précède la criminalité.

Méthode de recherche : Une étude de suivi rétrospective basée sur l'examen des dossiers médicaux d'une série consécutive d'individus reconnus comme étant des jumeaux (probants) et de leurs cojumeaux (frères ou soeurs jumeaux) ayant pour but de vérifier les antécédents criminels et psychiatriques.

Lieu : Un hôpital important de réputation internationale situé dans le centre-ville de Londres, en Angleterre, dans le cas des probants et pour le suivi dans la collectivité des cojumeaux.

Sujets : La première analyse a visé 280 probants et la seconde (analyse de pairs), 220 couples de jumeaux. L'échantillon total comptait 490 sujets. [(Les différences mathémathiques sont dues à l'existence de doubles probants (jumeaux ayant tous les deux un casier judiciaire)].

Mesures : La zygosité a été établie par la comparaison sérologique ou par un questionnaire sur la ressemblance physique. Les sujets ont été examinés à l'aide du questionnaire SADS-L (Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia) et un diagnostic a été établi suivant les critères du DSM et les critères diagnostiques de recherche.

Principaux résultats : Selon les diagnostics établis, dans le groupe des probants, 57,5 p. 100 des sujets souffraient d'un trouble bipolaire, 35 p. 100 souffraient de schizophrénie, 2,5 p. 100 souffraient d'un trouble schizophréniforme, 2,5 p. 100 souffraient de paranoïa et 2,5 p. 100 étaient atteints d'une psychose organique. Par contre. 50.4 p. 100 des cojumeaux ne souffraient pas de troubles mentaux. Environ 33 p. 100 des cojumeaux souffraient d'un trouble bipolaire et 9,7 p. 100 étaient atteints de schizophrénie ou d'un trouble schizophréniforme. Parmi les 490 sujets faisant partie de l'échantillon total, 16,9 p. 100 avaient été condamnés au moins une fois au criminel et, dans le groupe des probants, 21 p. 100 des sujets avaient un casier judiciaire. La proportion de probants condamnés au criminel (25,7 p. 100) dépassait considérablement la proportion correspondante chez leurs cojumeaux respectifs (J 4 p. 100).

Conclusions : L'étude indique qu'il n'y a pas de lien entre la zygosité et la criminalité. Chez les sujets malades, il y avait une association significative entre le trouble diagnostiqué et la criminalité. Une proportion plus élevée d'hommes étaient criminels et schizophrènes, et une plus grande proportion de schizophrènes étaient criminels. Dans le groupe des probants, une plus grande proportion des schizophrènes que des sujets souffrant d'un trouble bipolaire avaient un casier judiciaire. et étaient plus violents. La maladie avait précédé la criminalité dans 57,6 p. 100 des cas. Les auteurs ont conclu que les condamnations au criminel étaient en augmentation chez les psychotiques.

Critique de la méthode : Cette étude est l'une des rares études où l'on a comparé la maladie mentale et la criminalité chez des jumeaux. Les auteurs ont fait de leur mieux pour trouver les antécédents de naissance gémellaire chez les probants, pour trouver des cojumeaux, pour vérifier la zygosité et pour vérifier les diagnostics établis chez des cojumeaux. Les principales lacunes de cette étude sont reliées à la longueur de la période de suivi et à la difficulté de standardiser les méthodes diagnostiques appliquées au cours de cette longue période (40 ans). Elles sont reliées également à la surreprésentation des hommes dans le groupe des schizophrènes. De plus, le fait de ne pas posséder de données sur les antécédents criminels a rendu difficile la comparaison des deux groupes. Les auteurs ont conclu que les condamnations au criminel étaient en hausse chez les psychotiques alors qu'ils n'avaient pas de groupe témoin approprié.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Côté, G. et Hodgins, S. (1992). The prevalence of major mental disorders among homicide offenders, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 15, p. 89-99.
Objectif : Estimer la prévalence à vie des troubles mentaux majeurs chez les détenus d'un pénitencier ayant été reconnus coupables d'homicide.

Méthode de recherche : Enquête transversale basée sur un échantillon représentatif de sujets et comparaison de délinquants ayant commis un homicide avec des délinquants n'ayant pas commis d'homicide.

Lieu : Pénitenciers sis au Québec, Canada.

Sujets : Un échantillon représentatif composé de 650 détenus, dont 460 (70,8 p. 100) ont été interrogés, 87 de ces 460 détenus avaient été reconnus coupables d'homicide.

Mesures : Version III-A du questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule). Soixante-neuf sujets ont été interrogés à nouveau par un intervieweur différent cinq semaines après le premier interview et la mesure kappa a été établie à 0,78 pour le coefficient d'objectivité, ce qui reflète une bonne uniformité entre les intervieweurs.

Principaux résultats : En tout, 109 sujets souffraient d'un trouble mental majeur. En appliquant les critères d'exclusion du DSM-III pour n'obtenir qu'un diagnostic majeur par sujet, les chercheurs ont constaté qu'une plus grande proportion des sujets qui avaient commis un homicide (35 p. 100) souffraient d'un trouble mental majeur, généralement la schizophrénie, car ce taux était de 21 p. 100 chez les sujets n'ayant pas commis d'homicide. Lorsque les critères d'exclusion du DSM-III ont été assouplis, la dépression majeure à répétition caractérisait davantage les délinquants ayant commis un homicide. Dans 82 p. 100 des cas de schizophrénie et 83 p. 100 des cas de dépression majeure, l'apparition du trouble mental avait précédé l'homicide.

Conclusions : La prévalence à vie des troubles mentaux est plus élevée chez les délinquants de sexe masculin reconnus coupables d'homicide que chez les autres types de délinquants. Dans la majorité des cas, l'apparition du trouble mental avait précédé le crime.

Critique de la méthode : La principale force de cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont utilisé un échantillon représentatif Malheureusement, les sujets ont été choisis surtout dans une population d'individus qui avaient déjà été reconnus coupables d'une infraction, de sorte que les résultats ne reflètent pas les manifestations plus générales de la violence. L'utilisation du DSM-III et du questionnaire DIS présente des problèmes à cause des relations de dépendance entre la définition de la maladie mentale et celle de la violence. Bien que l'ordre temporel des facteurs ait pu être établi, les résultats ne peuvent être appliqués à l'ensemble des individus violents.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Feder, L. (1991). A comparison of the community adjustment of mentally ill offenders with those from the general prison population, Law and Human Behaviour, vol. 15, no 5, p. 477-493.
Objectif : Comparer la réinsertion sociale de délinquants atteints de troubles mentaux avec la réinsertion sociale de délinquants normaux faisant partie d'une groupe témoin et de déterminer dans quelle mesure les différences constatées entre les groupes étaient attribuables à la maladie mentale.

Méthode de recherche : Étude longitudinale prospective comportant une période de suivi de 18 mois après la mise en liberté des délinquants.

Lieu : New York, États-Unis.

Sujets : Les sujets à l'étude étaient 400 délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux et 147 délinquants atteints de troubles mentaux qui avaient été mis en liberté entre le 30 juillet 1982 et le , 1er septembre 1983.

Mesures : Selon les définitions adoptées par les chercheurs, les délinquants atteints de troubles mentaux étaient ceux qui avaient dû être hospitalisés dans un établissement psychiatrique durant leur incarcération. L'auteur ne donne pas de précisions sur les critères diagnostiques. Les délinquants non atteints de troubles mentaux étaient ceux qui n'avaient pas eu besoin de ce genre d'hospitalisation. Comme l'auteur l'a souligné' certains sujets du groupe témoin pouvaient avoir souffert d'une maladie mentale qui n'était pas évidente aux yeux du personnel de la prison ou qui n'a pas nécessité d'hospitalisation.

Principaux résultats : La proportion des délinquants arrêtés pour un crime avec violence était plus élevée chez les délinquants atteints de troubles mentaux que chez les autres délinquants. De plus, certaines différences ont été relevées entre les deux groupes à l'égard des variables démographiques et des antécédents.

Au cours de la période de suivi, 64 p. 100 des délinquants atteints de troubles mentaux et 60 p. 100 des autres délinquants se sont fait arrêter à nouveau au moins une fois. En ce qui concerne les crimes avec violence, les taux de nouvelle arrestation sont de 19 p. 100 chez les délinquants atteints de troubles mentaux et 15 p. 1 00 chez les autres délinquants. Ces différences n'étaient toutefois pas statistiquement significatives. La proportion des délinquants arrêtés à nouveau pour des infractions liées à la drogue était significativement moins élevée chez les délinquants atteints de troubles mentaux que chez les autres délinquants.

Des différences ont été constatées entre les deux groupes pour ce qui est de l'issue des arrestations dans les cas de crime sans violence; les délinquants atteints de troubles mentaux étaient moins souvent emprisonnés et plus souvent dirigés vers le système de santé mentale. Aucune différence de ce genre n'a été observée dans le cas des crimes avec violence, ce qui indique que les représentants du système de justice pénale ont un pouvoir discrétionnaire moins grand lorsqu'il s'agit d'infractions graves. Lorsque (les techniques statistiques ont été appliquées pour contrôler la variable «antécédents criminels», les seuls facteurs permettant d'établir des différences significatives entre les groupes à l'égard des arrestations ultérieures étaient l'âge et les arrestations antérieures. Il n'y avait pas de différence significative par rapport à l'état mental.

Conclusions : À l'exception des infractions liées à la drogue, qui étaient moins fréquentes chez les délinquants atteints de troubles mentaux, l'état mental ne permettait pas d'expliquer les variations dans le nombre d'arrestations ultérieures pour des crimes avec violence oui d'autres types de crime. Les principales variables explicatives étaient le jeune âge et les arrestations antérieures. Cependant, ces deux variables réunies n'expliquaient que 8 p. 100 de la variation totale, ce qui indique qu'il y a de nombreux fauteurs autres que ceux étudiés ici qui ont une influence sur la réinsertion sociale.

Critique de la méthode : Le fait que les chercheurs aient utilisé le critère d'hospitalisation en milieu psychiatrique pour répartir les sujets en deux groupes et la possibilité conséquente que certains des sujets du groupe témoin aient souffert d'une maladie mentale sans avoir été hospitalisés expliquent peut-être le peu de différences observées entre les groupes à l'égard de la réinsertion sociale. Le problème serait d'autant plus grave s'il y avait une forte proportion de sujets du groupe témoin qui avaient un problème de toxicomanie qui n'était pas de nature à justifier une hospitalisation dans un établissement psychiatrique, mais qui a été associé dans d'autres études à un taux de criminalité plus élevé après la mise en liberté.

Causalité : Étant donné que les échantillons ont été prélevés dans des populations carcérales, les résultats de cette étude ne peuvent être utilisés pour établir un lien causal.

Gingell, C.R. (1991). The criminalization of the mentally ill : An examination of the hypothèses, thèse de doctorat, Simon Fraser University, Burnaby (Colombie-Britannique).
Objectif : Établir des estimations de la prévalence de la maladie mentale et examiner la valeur de l'hypothèse de la criminalisation.

Méthode de recherche : Étude transversale.

Lieu : Une prison locale de Vancouver (Colombie-Britannique) Canada.

Sujets : Un échantillon non représentatif composé de 317 sujets admis consécutivement à la prison, dans lequel on a prélevé un sous-groupe de sujets considérés comme «très susceptibles d'être atteints d'une maladie mentale» et qui ont fait l'objet d'une étude plus approfondie. Un second groupe de 107 détenus formant un échantillon aléatoire stratifié a été prélevé dans la population carcérale générale.

Mesures : L'échelle d'évaluation psychiatrique BPRS (Brief Psychiatric Rating Scale) et le questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule) ont été appliqués à un sous-groupe de détenus sélectionnés.

Principaux résultats : La prévalence de la schizophrénie était élevée dans les deux groupes, soit respectivement 8 et 13 p. 100.

Conclusions : L'auteur a conclu que les résultats obtenus confirmaient l'hypothèse de la criminalisation. De nombreux malades mentaux, surtout ceux qui souffrent d'un trouble mental grave, se retrouvent en prison.

Critique de la méthode : Le questionnaire DIS est considéré comme inapproprié pour ce genre de population, étant donné la relation de dépendance pouvant exister entre les symptômes et les infractions criminelles, car certains symptômes entraînent des actes de violence. Par ailleurs, cette étude présente des problèmes sur le plan méthodologique, eu égard à la stratégie d'échantillonnage utilisée et au mode de sélection particulier des sujets, qui ont été choisis à partir d'un premier groupe. Ainsi, en plus du biais de sélection, il est possible qu'il y ait eu un biais d'origine «subjective» relié à l'intervention du chercheur.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Grunberg, F., Klinger, B.1. et Grumet, B. (1977). Homicide and deinstitutionalization of the mentally ill, American Journal of Psychiatry, vol. 134, no 6, p. 685-687.
Objectif : Déterminer s'il y a eu une augmentation disproportionnée des crimes commis par des malades mentaux et si cette augmentation est attribuable à la désinstitutionnalisation.

Méthode de recherche : Examen rétrospectif de dossiers.

Lieu : Un petit comté de l'État de New York, aux États-Unis.

Sujets : Les 48 cas d'homicide, dont les auteurs ont été condamnés ou acquittés pour cause d'aliénation mentale, ont été choisis dans les dossiers du procureur du comté au cours de la période allant du 1er janvier 1963 au 31 décembre 1975.

Mesures : Les sujets ont été répartis en quatre groupes : les sujets déclarés coupables et ayant déjà été hospitalisés dans un établissement psychiatrique, ceux déclarés coupables et n'ayant jamais été hospitalisés dans un établissement psychiatrique, ceux acquittés pour cause d'aliénation mentale ayant déjà été hospitalisés dans un établissement psychiatrique et ceux acquittés pour la même raison et n'ayant jamais été hospitalisés dans un établissement psychiatrique. Les données recueillies se rapportaient à deux périodes : avant 1969, l'année où le centre psychiatrique communautaire du comté a ouvert ses portes, et a près 1969.

Principaux résultats : La proportion des sujets déclarés coupables et n'ayant jamais souffert de troubles mentaux est demeurée stable au cours des deux périodes, alors que le nombre des sujets acquittés pour cause d'aliénation mentale et ayant déjà été hospitalisés était six fois plus élevé au cours de la deuxième période.

Conclusions : Il est possible qu'il y ait un lien entre la maladie mentale et la violence (homicide) et que ce lien soit attribuable aux politiques de désinstitutionnalisation.

Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude intéressante, étant donné la façon dont les chercheurs ont opérationnalisé leurs concepts. Cependant, l'étroitesse de l'échantillon est problématique. De plus, la maladie mentale a été définie en des termes très généraux (les sujets acquittés pour cause d'aliénation mentale ou ceux ayant déjà été hospitalisés dans un établissement psychiatrique) tandis que la criminalité a été définie uniquement en fonction de l'homicide. Les chercheurs n'ont pas pris en considération les autres facteurs qui auraient pu avoir un lien avec les homicides.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Guze, S.B., Goodwin, D.W. et Crane, J.B. (1969). Criminality and psychiatric disorders, Archives of General Psychiatry, vol. 20, p. 583-591.
Objectif : Déterminer la prévalence des troubles mentaux et mesurer les associations entre la maladie mentale et la criminalité.

Méthode de recherche : Étude de suivi longitudinale.

Lieu : Les sujets ont fait l'objet d'un suivi au cours d'une période de huit à neuf ans, dans diverses collectivités des États-Unis.

Sujets : L'échantillon comprenait 223 criminels en liberté conditionnelle, dont 94 p. 100 ont fait l'objet d'un suivi, les autres n'ayant pu être trouvés.

Mesures : Les données ont été recueillies dans le cadre d'interviews structurées avec les sujets (questionnaire conçu pour l'établissement d'un diagnostic) et d'interviews avec les membres de la famille. La criminalité a été mesurée en fonction des condamnations pour crime.

Principaux résultats : La sociopathie, la dépendance à l'égard de la drogue et l'alcoolisme étaient les trois facteurs les plus souvent associés à la criminalité. La schizophrénie, les troubles affectifs et le syndrome cérébral organique n'étaient pas plus fréquents chez les sujets que dans la population générale.

Conclusions : Le risque de commettre un crime est plus élevé chez les personnes souffrant de sociopathie ou d'une dépendance à l'égard de l'alcool ou de la drogue.

Critique de la méthode : En dépit des efforts fort considérables déployés par les chercheurs, les principales lacunes de cette étude résident dans les catégories diagnostiques utilisées, le genre d'instruments utilisés et l'absence de contrôle statistique à l'égard des autres facteurs qui pouvaient avoir un lien avec la criminalité. Comme l'échantillon était composé de sujets criminels, on peut présumer que les chercheurs avaient plus de chances de trouver des associations positives. L'ordre temporel des facteurs n'a pas été clairement établi, de sorte qu'il est possible que la maladie mentale soit apparue après le crime dans certains cas.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Hodgins, S. et Côté, G. (1993). The criminality of mentally disordered offenders, Criminal Justice and Behaviour, vol. 20, no 2, p. 115-129.
Objectif :, Vérifier deux hypothèses : 1) si les détenus atteints de troubles mentaux, comparés aux autres détenus, ont été condamnés plus souvent et, notamment, plus souvent pour des infractions avec violence et 2) si, chez les détenus atteints de troubles mentaux, ceux qui ont une personnalité antisociale en plus d'un autre trouble ont été condamnés plus souvent pour diverses infractions et plus souvent également pour des infractions avec violence.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais la méthode de collecte des données permet de croire qu'ils ont utilisé un échantillon transversal qu'ils ont divisé en deux groupes à des fins de comparaison, C'est-à-dire les détenus atteints de troubles mentaux et ceux qui ne l'étaient pas.

Lieu : Un important pénitencier fédéral canadien situé au Québec (établissement carcéral pour les détenus purgeant une peine de plus de deux ans).

Sujets : Un échantillon représentatif (461 sujets) choisi parmi tous les détenus de sexe masculin (2 972) se trouvant au pénitencier à la date de l'enquête (13 avril 1988). En tout, 107 sujets étaient atteints de troubles mentaux et 349 ne l'étaient pas.

Mesures : La version III-A du DIS (Diagnostic Interview Schedule) a été utilisée pour évaluer tous les sujets. Les détenus d'un sous-échantillon ont été examinés à nouveau avec le même instrument, par un intervieweur différent, cinq semaines plus tard, et le coefficient d'objectivité s'est avéré bon (kappa=0,78).

Principaux résultats : Les détenus atteints de troubles mentaux n'avaient pas été condamnés plus souvent, ni pour des crimes divers ni pour des crimes avec violence, que les détenus ne souffrant pas de troubles mentaux. Chez les détenus atteints de troubles mentaux chez qui on avait constaté une comorbidité (un trouble mental grave en plus du trouble de la personnalité antisociale), le nombre de condamnations était plus élevé, mais il n'y avait pas de différence pour ce qui est des condamnations pour des infractions avec violence.

Critique de la méthode : Les résultats de cette étude donnent à penser que les délinquants atteints de troubles mentaux ne seraient pas traités différemment des autres délinquants au sein du système de justice pénale. Cependant, on ne sait si cette conclusion pourrait s'appliquer à des sujets non placés en établissement.

Causalité: Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Hodgins, S. et Hébert J. (1984). Une étude de relance auprès de malades mentaux ayant commis des actes criminels, Revue canadienne de psychiatric, vol. 29, no 8, p. 669-675.
Objectif : Exercer un suivi auprès de délinquants déclarés inaptes à subir un procès ou acquittés pour cause d'aliénation mentale et comparer ceux qui ont été placés dans un hôpital psychiatrique à sécurité maximale avec ceux qui ont été placés dans un autre hôpital psychiatrique ou une unité de psychiatrie d'un hôpital général.

Méthode de recherche : Une étude historique de cohortes et une période de suivi de sept à neuf ans.

Lieu : Un hôpital psychiatrique à sécurité maximale, six autres hôpitaux psychiatriques et les unités de psychiatrie de treize hôpitaux généraux de la province de Québec, au Canada.

Sujets : Deux cent vingt-cinq sujets, c'est-à-dire a) toutes les personnes ayant été déclarées inaptes à subir un procès et b) toutes celles acquittées pour cause d'aliénation mentale au cours d'une période de trois ans (1973 à 1975).

Mesures : Les données ont été recueillies dans les dossiers médicaux, dans les dossiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou auprès de la Commission d'examen du Québec.

Principaux résultats : Le fait d'être socialement défavorisé était un dénominateur commun aux groupes à l'étude. À l'exception de l'endroit où le crime avait été commis, il n'y avait pas de différences entre les groupes à l'égard des variables importantes (comme la destination du sujet après l'hospitalisation, la durée de son traitement en clinique externe et sa profession). Trente pour cent des sujets avaient été soignés à l'hôpital à sécurité maximale. La majorité des sujets violents, en général des hommes, avaient été admis à cet hôpital.

Conclusions : La majorité des sujets qui avaient été acquittés pour cause d'aliénation mentale souffraient de schizophrénie. Durant la période de suivi, 27,5 p. 100 des sujets ont commis un crime, plus précisément 25,9 p. 100 de ceux admis à l'hôpital psychiatrique à sécurité maximale et 33,9 p. 100 de ceux admis aux autres établissements. En général, ces patients n'ont pas bénéficié d'un suivi médical approprié dans la collectivité, et peu de moyens ont été mis à leur portée pour favoriser leur réinsertion sociale.

Critique de la méthode : Les résultats de cette étude illustrent très bien les problèmes que pose la réinsertion sociale des patients qui sortent des hôpitaux psychiatriques. Cependant, l'étude comporte des lacunes qui sont courantes dans les études de suivi rétrospectives, notamment le fait de devoir s'appuyer sur des données rassemblées par de nombreux codeurs, des diagnostics établis par un grand nombre de cliniciens inconnus et des renseignements fournis par de nombreuses personnes. Par ailleurs, on ne sait pas très bien sur quelle hypothèse de départ les chercheurs se sont appuyés pour choisir les deux groupes à l'étude, et les objectifs de l'étude ont été formulés de façon très générale.

Causalité: L'étude avait pour but d'examiner comment les deux groupes de malades mentaux à l'étude s'étaient comportés après leur sortie de l'hôpital, et non de vérifier des associations entre des variables. Par conséquent, aucune conclusion ne peut être tirée au sujet d'une relation présumée entre la maladie mentale et la violence.

Lamb, H.R. et Grant, R.W. (1982). The mentally ill in an urban county jail, Archives of General Psychiatry, vol. 39, p. 17-22.
Objectif : Examiner les manifestations de la maladie mentale et le type d'infractions criminelles commises pour vérifier la théorie de la «criminalisation».

Méthode de recherche : Étude transversale.

Lieu : Une prison de comté pour hommes dans une grande agglomération urbaine des États-Unis.

Sujets : Un échantillon aléatoire (102) prélevé parmi tous les détenus qui ont été dirigés vers l'unité médico-légale de la prison pour une évaluation psychiatrique.

Mesures : Les auteurs n'ont pas mentionné les mesures qu'ils ont utilisées, mais ils ont examiné les sujets à l'aide du DSM-III.

Principaux résultats : Quatre-vingt-dix pour cent des sujets avaient été hospitalisés dans des établissements psychiatriques antérieurement et 92 p. 100 avaient déjà été arrêtés. Plus de la moitié des sujets étaient accusés d'un crime et 39 p. 100 de ce nombre étaient accusés d'un crime avec violence. Une forte proportion des sujets (78 p. 100) avaient des antécédents de violence physique grave. L'hospitalisation dans un établissement psychiatrique avait été recommandée dans 76 p. 100 des cas.

Conclusions : Cette population était caractérisée par des contacts fréquents avec le système de justice et le système de santé mentale, des troubles mentaux graves aigus ou chroniques et des problèmes de fonctionnement social.

Critique de la méthode : Il est difficile de comprendre comment les résultats de cette étude, qui sont basés sur un échantillon très sélectif composé de détenus dirigés vers une unité spéciale aux fins d'une évaluation médico-légale, pourraient être utilisés pour vérifier la thèse de la criminalisation.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Lamb, H.R., Weinberger, L.E. et Gross, B.H. (1988). Court-mandated communityoutpatient treatment for persons found not guilty by reason of insanity : A five yearfollow-up, American Journal of Psychiatry, vol. 145, no 4, p. 450-456.
Objectif : Étudier la réinsertion sociale des personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale et inscrites à un programme pour les patients en consultation externe.

Méthode de recherche : Étude de suivi longitudinale et prospective portant sur une période de cinq ans se terminant le 31 décembre 1985.

Lieu : Programme de mise en liberté sous condition du Département de la santé, de Los Angeles, Californie, États-Unis.

Sujets : Soixante-dix-neuf sujets acquittés pour cause d'aliénation mentale entre le , 1er juillet 1979 et le 31 décembre 1980, qui ont été inscrits à un programme de surveillance et de traitement dans la collectivité.

Mesures : La réinsertion sociale a été mesurée en fonction des taux d'arrestation, d'hospitalisation et de révocation.

Principaux résultats : Au cours de la période de suivi, 32 p. 100 des sujets ont été arrêtés à nouveau (72 p. 100 pour des crimes avec violence) et 47 p. 100 ont été hospitalisés. De plus, la liberté conditionnelle a été révoquée dans le cas de 48 p. 100 des sujets libérés en vertu de ce régime.

Conclusions : Cette population a besoin d'être surveillée et de recevoir un traitement à long terme dans la collectivité.

Critique de la méthode : Bien que les auteurs aient été prudents dans l'analyse du paramètre général de leur étude de suivi, l'échantillon était de toute évidence très sélectif, tant du point de vue de la criminalité, dans ce cas-ci des crimes graves avec violence, que du point de vue de la maladie mentale. Les auteurs indiquent qu'une forte proportion des sujets ont été arrêtés à nouveau pour des crimes avec violence durant la période de suivi, mais ils n'indiquent pas les motifs des autres arrestations et des révocations, de sorte qu'on ne sait pas dans quelle proportion des cas il s'agissait d'un crime mineur.

Causalité : Compte tenu des biais de sélection et de l'absence de contrôle statistique à l'égard des facteurs de confusion possibles, on ne peut se baser sur les résultats de cette étude pour tirer des conclusions sur la question du lien de causalité entre la maladie mentale et la criminalité.

Larkin, E., Murtagh S. et Jones, S. (1988). A preliminary study of violent incidents in a Special Hospital (Rampton), British Journal of Psychiatry, vol. 153, p. 226-231.
Objectif : Étudier la nature, le type, le lieu, le nombre, la gravité et l'objet de tous les incidents de violence qui se sont produits dans les sections d'une unité à sécurité maximale d'un établissement du Royaume-Uni et comparer les résultats obtenus avec les données recueillies dans le cadre d'études semblables menées dans des hôpitaux généraux.

Méthode de recherche : Une étude prospective d'une durée de six mois portant sur tous les incidents de violence.

Lieu : Une unité à sécurité maximale prévue aux termes de la loi pour les patients soumis à la détention et ayant besoin d'un traitement dans des conditions de sécurité spéciales compte tenu du danger qu'ils présentent ou de leur propension à la violence ou à la criminalité.

Sujets : L'étude a porté principalement sur tous les incidents de violence (N=l 144) qui se sont produits au cours de la période de six mois à l'étude (plutôt que sur les individus violents).

Mesures : Les données ont été recueillies à l'aide d'un questionnaire spécialement conçu à cette fin. La violence a été définie comme tout acte ayant causé des blessures ou des dommages matériels.

Principaux résultats : Les chercheurs ont étudié 1 144 incidents de violence (taux de déclaration de 60 p. 100 dans les unités pour femmes et de 80 p. 100 dans les unités pour hommes). Les femmes représentaient 25 p. 100 de la population totale, mais étaient à l'origine de 75 p. 100 du nombre total d'incidents. Le personnel infirmier était trois fois plus souvent la cible des agressions.

Conclusions : Comme on pouvait s'y attendre, les incidents de violence étaient plus fréquents dans l'unité à sécurité maximale et il s'agissait d'actes de violence plus graves, qui causaient des blessures plus graves.

Critique de la méthode : Il s'agit d'une bonne étude prospective sur la violence chez les patients hospitalisés, dans le présent cas des patients d'une unité à sécurité maximale. Cependant, par définition, ces unités accueillent les malades mentaux les plus gravement atteints et les plus violents et ceux qui ont été reconnus coupables d'un acte criminel. Il s'agissait donc d'un échantillon très sélectif, car il était composé d'individus qui étaient à la fois criminels et atteints de troubles mentaux. Bien que l'étude fût prospective, les auteurs n'ont fait aucune affirmation sur la relation entre le diagnostic établi et la violence, ou sur la corrélation entre la maladie mentale et le type de violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Lindqvist, P. (1986). Criminal homicide in Northern Sweden 1970-1981 : Alcohol intoxication, alcohol abuse and mental illness, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 8, p. 19-37.
Objectif : Examiner les cas d'homicide, déterminer la fréquence de l'intoxication alcoolique et de la maladie mentale chez les meurtriers et comparer les homicides commis sous l'effet de l'alcool avec ceux commis par des individus sobres.

Méthode de recherche : Examen de dossiers.

Lieu : Une petite région peu peuplée de la Suède.

Sujets : Tous les délinquants ayant commis un homicide dans la région au cours de la période à l'étude (64 délinquants et 71 victimes), c'est-à-dire du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1980.

Mesures : Les données ont été recueillies dans des dossiers.

Principaux résultats : Le taux d'homicide a été estimé à 0,17 p. 100. Dans 44 p. 100 des cas, la victime et le meurtrier étaient en état d'ivresse. Dans la majeure partie des cas, la victime avait un lien de parenté avec le délinquant. Soixante-trois pour cent des délinquants avaient déjà reçu des soins psychiatriques dans le passé. Une proportion importante des sujets (30 p. 1 00) avaient un problème d'abus d'alcool, et une proportion additionnelle (27 p. 100) étaient atteints d'une maladie mentale. Dix-neuf sujets étaient sobres lorsqu'ils ont commis leur homicide et n'avaient pas d'antécédents criminels.

Conclusions : L'alcool est un facteur important dans les homicides.

Critique de la méthode : Le principal problème que présente cette étude est la méthode qui a été appliquée pour vérifier si les sujets étaient ivres au moment du crime. Dans certains cas, ce renseignement a été obtenu auprès d'un tiers plutôt qu'en consultant des rapports indiquant le taux d'alcoolémie (concentration d'alcool dans le sang). L'auteur n'a pas fait état de la qualité des renseignements contenus dans les dossiers, de sorte qu'on ignore dans quelle mesure il y a eu sous-déclaration dans les cas d'alcoolisme ou de maladie mentale. En outre, comme on ne sait pas combien de temps s'est écoulé entre le crime et l'arrestation, il est impossible de confirmer l'association entre la consommation d'alcool et le crime.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Martell, D.A. et Dietz, P.E. (1992). Mentally disordered offenders who push or attempt to push victims onto the subway tracks in New York City, Archives of General Psychiatry, vol. 49, p. 472-475.
Objectif: Cerner les caractéristiques des individus qui poussent leurs victimes sur les rails du métro.

Méthode de recherche : Examen descriptif d'une série de cas à partir des dossiers.

Lieu : Le New York State Office of Mental Health, situé dans la ville de New York, aux États-Unis.

Sujets : Des données ont pu être obtenues sur 20 sujets (sur un total de 26).

Mesures : Les données ont été recueillies dans des dossiers selon un protocole structuré.

Principaux résultats : Dix-neuf des 20 sujets (95 p. 100) étaient atteints d'un trouble mental au moment du crime et avaient déjà été admis dans un hôpital psychiatrique (71 p. 100 de cas de schizophrénie). Soixante-cinq pour cent des sujets étaient des sans-abri.

Conclusions : Le fait d'être un sans-abri et la maladie mentale semblent être des facteurs importants dans ce genre de crime.

Critique de la méthode : Cette étude est intéressante, mais l'échantillon était très petit et très sélectif et il n'y avait pas de groupe témoin.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

McKnight, C.K., Mohr, J.W., Quinsey, R.E. et Erochko, J. (1966). Mental illness and homicide, Revue de l'Association des psychiatres du Canada, vol. 11, no 3, p. 91-98.
Objectif : Étudier les caractéristiques démographiques, criminologiques et cliniques des délinquants ayant commis un homicide.

Méthode de recherche : Examen rétrospective de dossiers.

Lieu : Un hôpital à sécurité maximale de la province de l'Ontario, au Canada.

Sujets : Cent délinquants ayant commis un homicide et ayant été placés dans cet hôpital par ordonnance d'une cour durant une période s'étalant sur trente ans.

Mesures : Les renseignements ont été recueillis dans les dossiers médicaux.

Principaux résultats : La majorité des sujets (81 p. 100) avaient été accusés de meurtre plutôt que d'homicide involontaire coupable. Vingt-sept pour cent d'entre eux ont été acquittés pour cause d'aliénation mentale. Un diagnostic de schizophrénie a été établi chez 57 p. 100 des sujets et, de ce nombre, 40 p. 100 étaient atteints de schizophrénie paranoïde. En ce qui concerne l'âge au moment de l'infraction, la plus forte proportion des sujets avait de 30 à 35 ans.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que le crime le plus grave, le meurtre, semblait être plus souvent commis par des patients atteints de schizophrénie.

Critique de la méthode : Cette étude ne présente pas d'intérêt particulier. Elle consistait en un examen de dossiers au cours d'une longue période et portait sur une population d'individus qui, par définition, étaient à la fois des criminels et des malades mentaux, et ce au niveau le plus grave tant pour la maladie mentale que pour la criminalité. L'échantillon était très sélectif, les instruments de mesure utilisés n'étaient pas standardisés et les auteurs n'ont pas fait d'observations sur la qualité des données, qui était généralement fort médiocre dans les anciens dossiers. Les auteurs ont tiré des conclusions qui dépassaient de beaucoup la portée des données recueillies dans le cadre de cette étude très descriptive.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

McMain, S., Webster, C.D. et Menzies, R.J. (1989). The post-assessment careers of mentally disordered offenders, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 12, p. 189-201.
Objectif : Mener une étude préliminaire visant à recueillir des données sur les antécédents psychiatriques et le fonctionnement des délinquants atteints de troubles mentaux dans la collectivité au cours d'une longue période.

Méthode de recherche : Étude prospective de cohortes comprenant le suivi de délinquants ayant reçu leur congé de l'hôpital après une évaluation médico-légale.

Lieu : Suivi, dans la collectivité, de patients ayant reçu leur congé d'un des hôpitaux psychiatriques de Toronto (Ontario) Canada.

Sujets : Deux cents patients ayant fait l'objet d'une évaluation médico-légale en 1979, à Toronto, ont fait l'objet d'un suivi au cours d'une période de six ans.

Mesures : Les renseignements ont été recueillis dans les dossiers des hôpitaux psychiatriques et des Services correctionnels.

Principaux résultats : Quatre-vingt-douze pour cent des sujets ont été incarcérés ou hospitalisés au moins une fois au cours de la période de suivi et la majorité ont fait plusieurs séjours en établissement, séjours dont la fréquence a diminué à mesure que la période de suivi avançait. Seulement 8 p. 100 des sujets ont pu éviter l'hospitalisation et la réincarcération.

Conclusions : Il est possible qu'il y ait un lien entre le fait qu'un sujet fasse l'objet d'une évaluation médico-légale et qu'il fasse plusieurs séjours en établissement au cours des années qui suivent.

Critique de la méthode : Il s'agit d'un rapport préliminaire portant sur la réinsertion sociale de malades mentaux ayant fait l'objet d'une évaluation médico-légale. Étant donné qu'il n'y avait pas de groupe témoin composé de personnes n'ayant pas fait l'objet d'une évaluation médico-légale, les conclusions qu'a tirées l'auteur dépassent la portée des résultats de l'étude.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Menzies, R.J. et Webster, C.D. (1987). Where they go and what they do: The longitudinal careers of forensic patients in the medicolegal complexe Revue canadienne de criminologie, vol. 29, p. 275-293.
Objectif : Retracer le cheminement des malades mentaux ayant fait l'objet d'une évaluation médico-légale, après cette évaluation.

Méthode de recherche : Étude de cohortes longitudinale et prospective comportant une période de suivi de deux ans.

Lieu : La collectivité et des hôpitaux psychiatriques de la région métropolitaine de Toronto, au Canada.

Sujets : Le groupe à l'étude était composé de 571 sujets ayant reçu leur congé d'une unité médico-légale de Toronto en 1978.

Mesures : Les données ont été recueillies dans les dossiers des hôpitaux et des organismes correctionnels.

Principaux résultats : Au cours de la période de suivi, le quart des sujets ont été réincarcérés ou réadmis à l'hôpital plusieurs fois, 36 p. 100 ont été réincarcérés, mais n'ont pas été hospitalisés à nouveau, et 25 p. 100 ont été réadmis à l'hôpital, mais n'ont pas été réincarcérés. Près du quart des sujets (24,4 p. 100) ont fait l'objet de plusieurs évaluations médico-légales. Le tiers des sujets ont manifesté un comportement agressif au cours de cette période, et plus de la moitié d'entre eux ont manifesté ces comportements dans la collectivité.

Conclusions : Les détentions provisoires aux fins d'une évaluation médico-légale constituent un problème systémique pouvant être relié au caractère cyclique de ces détentions et des placements en établissement.

Critique de la méthode : L'une des forces de cette étude réside dans le suivi prospectif du groupe de patients à l'étude. Cependant, il n'y avait pas de groupe témoin. Par conséquent, les auteurs ne peuvent offrir de preuves à l'appui de l'affirmation selon laquelle il y aurait un problème systémique qui favoriserait la répétition des détentions provisoires et des placements en établissement. Les auteurs n'ont pas examiné une autre hypothèse, c'est-à-dire que les placements répétitifs en établissement seraient dus à des problèmes de santé mentale récurrents.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Nestor, P.G. (1992). Neuropsychological and clinical correlates of murder and other forms of extreme violence in a forensic psychiatric population, The Journal of Nervous and Mental Disease, vol. 180, no 7, p. 418-423.
Objectif : Examiner la relation entre les troubles neuropsychologiques et la violence grave.

Méthode de recherche : Examen rétrospectif de dossiers.

Lieu : Un hôpital psychiatrique à sécurité maximale dont l'emplacement géographique n'a pas été précisé.

Sujets : Quarante patients soumis à une évaluation neuropsychologique entre 1987 et 1989. Les sujets ont été répartis en deux groupes selon leur âge : les sujets du premier groupe (N=22) avaient moins de 25 ans (19,3 ans en moyenne) et ceux du second groupe (N= 18) avaient plus de 25 ans (41,4 ans en moyenne).

Mesures : Le diagnostic établi selon le DSM-III-R a été consigné pour chaque sujet. Chaque sujet a aussi subi le WAIS -R (Wechsler Adult Intelligence Scale -Revised) qui mesure divers aspects de l'intelligence, les WRAT (Wide Range Achievement Tests) pour évaluer les capacités en lecture, en écriture et en arithmétique et le Trail Making Test - Part B. Les casiers judiciaires ont été consultés.

Principaux résultats : Il n'y avait pas de différences significatives entre les deux groupes à l'égard des antécédents de toxicomanie. Les diagnostics de psychose étaient plus fréquents chez les sujets plus âgés et ces derniers avaient été hospitalisés plus souvent. Les difficultés d'apprentissage étaient plus fréquentes chez les sujets plus jeunes et ces derniers avaient été plus souvent traduits en justice.

Conclusions : Les deux groupes avaient des profils neuropsychologiques et cliniques différents, mais les sujets des deux groupes avaient des antécédents de toxicomanie. Les délinquants plus âgés avaient, dans une plus forte proportion, commis leur crime seuls, et la victime était plus souvent un membre de la famille.

Critique de la méthode : Cette étude était un examen de dossiers, et la qualité des diagnostics n'a pas été décrite. De plus, l'examen neuropsychologique semble superficiel. Par ailleurs, il s'agissait de toute évidence d'un échantillon très sélectif, et les facteurs de confusion tels que le statut socioéconomique n'ont pas été pris en considération.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Nicol, A.R., Gunn, J.C., Gristwood, J., Foggitt, R.H. et Watson, J.P. (1973). The relationship of alcoholism to violent behaviour resulting in long term imprisonment, British Journal of Psychiatry, vol. 123, p. 47-51.
Objectif : Étudier la relation entre les comportements violents graves et l'alcoolisme.

Méthode de recherche : Étude de corrélation transversale.

Lieu : Une prison pour détenus purgeant une peine de longue durée dans le sud-est du Royaume-Uni.

Sujets : Les sujets étaient 90 récidivistes de sexe masculin (sur un total de 98) condamnés à une peine de longue durée. Ces sujets ont été répartis en deux groupes aux fins de l'analyse, soit le groupe des sujets violents et celui des sujets non violents, et en deux groupes d'âge, selon qu'ils avaient plus ou moins de 30 ans.

Mesures : Des interviews, des rapports versés aux dossiers, des évaluations neropsychologiques (matrices progressives de Raven) et une grille spéciale ayant pour but de mesurer les réactions à des situations sociales particulières.

Principaux résultats : Le taux de violence était significativement plus élevé chez les sujets chez qui on avait diagnostiqué l'alcoolisme, peu importe leur âge, alors que les hommes plus jeunes, alcooliques ou non, étaient plus violents. Les hommes violents étaient généralement moins intelligents. Aucune différence significative n'a été constatée entre les sujets violents et les sujets non violents pour ce qui est des caractéristiques psychiatriques, des antécédents matrimoniaux et de la classe sociale.

Conclusions : Cette étude a révélé l'association suivante : les criminels qui avaient commis les actes de violence les plus graves étaient aussi ceux qui avaient le plus grave problème d'alcoolisme.

Critique de la méthode : Cette étude de corrélation transversale portait sur un échantillon très sélectif. Les sujets étaient à la fois alcooliques et criminels au moment de l'évaluation. Les variables de confusion possibles n'ont pas été contrôlées. Les auteurs n'ont pas indiqué comment les diagnostics psychiatriques avaient été obtenus et ils n'ont pas donné de détails concernant les qualités d'un instrument de mesure important, notamment la grille d'évaluation des réactions aux situations sociales, où il semble que les sujets n'avaient pas la possibilité de choisir des réactions appropriées sur le plan social.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Pasewark, R.A., Bieber, S., Bosten, K.J., Kiser, M. et Steadman, H.J. (1982). Criminal recidivism among insanity acquittées, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 5, p. 365-374.
Objectif : Examiner les cas où des personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale ont été arrêtées après leur hospitalisation.

Méthode de recherche : Étude prospective portant sur une période maximale de dix ans.

Lieu : Suivi dans la collectivité, dans l'État de New York, aux États-Unis.

Sujets : L'échantillon était composé de 148 personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale dans l'État de New York entre 1971 et 1976. À des fins de comparaison, le groupe a été divisé en deux sous-groupes, celui des sujets «libérés» (N=133) el-, celui des sujets s'étant «enfuis» (N=15).

Mesures : Le rapport n'indique pas comment ni où les données ont été obtenues. On peut présumer que les renseignements ont été fournis par des hôpitaux psychiatriques et des organismes correctionnels.

Principaux résultats : Trente pour cent des hommes et 36 p. 100 des femmes du groupe des sujets ayant reçu leur congé de l'hôpital ont été réadmis à l'hôpital, et 32 p. 100 des hommes et 14 p. 100 des femmes de ce groupe ont été arrêtés à nouveau au cours de la période de suivi. Parmi les sujets qui s'étaient enfuis de l'hôpital, seulement 7 p. 100 ont été réadmis à l'hôpital et 20 p. 100 ont été arrêtés à nouveau.

Conclusions : Après leur séjour à l'hôpital, une proportion importante des personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale ont commis des actes criminels. Si ces actes étaient dus à un comportement antisocial bien défini, le traitement psychiatrique ne semble pas avoir été efficace.

Critique de la méthode : Il s'agit d'une des rares études de suivi dans la collectivité portant sur des sujets acquittés pour cause d'aliénation mentale. Étant donné que les deux groupes comparés se composaient de personnes acquittées, on ne peut conclure que la réadaptation est meilleure ou pire chez les personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale que chez les personnes reconnues coupables.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Phillips, M.R., Wolf, A.S. et Coons, D.J. (1988). Psychiatry and the criminal justice system : Testing the myths, American Journal of Psychiatry, vol. 145, no 5, p. 605-610.
Objectif : Vérifier le fondement de certaines opinions répandues au sujet des délinquants atteints de troubles mentaux par une description des pratiques en usage dans le domaine de la psychiatrie légale.

Méthode de recherche : Couplage de données à partir des casiers judiciaires, des rapports judiciaires et des dossiers médicaux.

Lieu : L'Alaska Psychiatric Institute, des cliniques de santé mentale et des organismes du système judiciaire et du système correctionnel.

Sujets : Les chercheurs ont utilisé trois différentes unités d'analyse : l'individu, l'affaire criminelle et le renvoi. Les sujets à l'étude étaient 1 816 individus qui avaient fait l'objet d'un renvoi du système de justice pénale au système de santé mentale entre 1977 et 198 1. Ces individus avaient été arrêtés une à douze fois.

Mesures : Les données ont été recueillies dans des dossiers.

Principaux résultats : Les crimes avec violence contre la personne représentaient 12 p. 100 de toutes les arrestations. Vingt-huit pour cent des patients atteints de schizophrénie avaient été arrêtés pour des crimes avec violence, comparativement à 51 p. 100 des patients souffrant d'alcoolisme. Seulement 0,2 à 2 p. 100 de toutes les personnes atteintes de schizophrénie dans la collectivité avaient été arrêtées pour des crimes avec violence par année, et ces cas ne représentaient que 1, 1 à 2,3 p. 100 de toutes les arrestations pour des crimes avec violence.

Conclusions : L'application des lois et des programmes dans le domaine de la psychiatrie légale devrait être évaluée de façon plus approfondie et plus systématique.

Critique de la méthode : Il s'agissait d'un projet ambitieux qui, malheureusement, reposait dans une très grande mesure sur des données dont la qualité ne pouvait être évaluée. En dépit des moyens technologiques mis en œuvre pour le couplage des dossiers, les chercheurs n'ont pas utilisé de groupe témoin.

Causalité: Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Raine, A. (1993). Features of borderline personality and violence, Journal of Clinical Pathology, vol. 49, no 2, p. 278-281.
Objectif : Vérifier l'hypothèse selon laquelle la personnalité limite serait une caractéristique des sujets extrêmement violents.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué leur méthode de recherche, mais il semble qu'il s'agissait d'une étude d'une série de cas.

Lieu : Une prison à sécurité maximale en Angleterre.

Sujets : Les 37 prisonniers qui ont accepté de participer à l'étude ont été divisés en trois groupes : celui des meurtriers, celui des délinquants violents et celui des délinquants non violents.

Mesures : Les critères diagnostiques de la personnalité limite et de la personnalité de type schizophrénique du DSM-III et le questionnaire DIB (Diagnostic Interview for Borderlines) ont été utilisés.

Principaux résultats : Les données ont révélé une relation linéaire entre la personnalité limite et la violence extrême, c'est-à-dire que plus le score était élevé sur l'échelle d'évaluation de la personnalité limite, plus les actes de violence commis étaient graves, et ce dans les trois groupes.

Conclusions : Il est possible que la personnalité, limite prédispose les sujets qui en sont atteints à commettre des actes de violence extrême.

Critique de la méthode : La valeur de cette étude réside, notamment, dans le fait que les auteurs ont cherché à contrôler plusieurs facteurs tels que l'âge, la classe sociale, le Q.I. et les peines d'emprisonnement en milieu surveillé antérieures. L'échantillon était composé d'un très petit nombre de prisonniers qui avaient accepté de participer à l'étude et qui avaient été reconnus coupables de crimes graves. Malgré ce qu'en a dit l'auteur, le diagnostic de la personnalité limite est relié au critère de la «colère intense», de sorte qu'il y avait un risque de confondre les deux variables. Par ailleurs, on ignore s'il y avait chevauchement entre le groupe des délinquants violents et celui des meurtriers.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Rice, M.E. et Harris, G.T., (1995). Psychopathy, schizophrenia, alcool abuse, and violent recidivism, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 18, no 3, p. 333-342.
Objectif : Examiner la relation entre la schizophrénie, la psychopathie, l'abus de l'alcool et la récidive violente chez un groupe de détenus de sexe masculin ayant commis des infractions graves.

Méthode de recherche : Les données provenant de deux études de cohortes appariées ont été combinées afin d'aborder l'objet de l'étude. Dans chaque étude, deux groupes ont été suivis : des détenus souffrant de troubles mentaux d'un établissement à sécurité maximale et des délinquants ayant été condamnés, appariés selon l'infraction de référence, l'âge à l'infraction de référence et les antécédents criminels. Les sujets ont été suivis jusqu'en avril 1988, soit en moyenne pendant 97,1 mois.

Lieu : Établissement psychiatrique à sécurité maximale à Penetanguishene, en Ontario, au Canada.

Sujets : L'étude portait sur 685 personnes devant faire l'objet d'une évaluation psychiatrique médico-légale sommaire pour évaluer leur aptitude à subir un procès ainsi que leur traitabilité ou la possibilité d'une excuse d'aliénation. Les sujets n'étaient pas représentatifs de l'ensemble des détenus. La prévalence de troubles mentaux était forte parmi les sujets dont plus de 80 p. 100 avaient commis au moins un crime avec violence.

Mesures : La récidive de violence, la psychopathie, la schizophrénie et l'abus de l'alcool constituaient les principales variables d'intérêt. La liste de contrôle de la psychopathie en 20 points a été utilisée pour évaluer la psychopathie. La présence d'une schizophrénie et d'un abus d'alcool a été établie à partir d'examens des dossiers. La récidive violente a été définie comme étant une accusation au criminel pour une infraction contre une autre personne ou tout retour dans un établissement à sécurité maximale imposé en raison d'un tel acte. Les données sur la récidive ont été recueillies à partir des dossiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), du Service correctionnel du Canada et du Conseil du révision du lieutenant-gouverneur.

Principaux résultats : La récidive violente est survenue chez 31 p. 100 des sujets. Les psychopathes étaient plus susceptibles d'avoir un problème d'abus d'alcool et cette combinaison présentait un lien positif avec la récidive violente. L'alcool en soi était aussi relié à la récidive violente. Les personnes souffrant de schizophrénie étaient moins susceptibles de récidiver.

Conclusions : Chez les personnes présentant un risque élevé de récidive violente, les psychopathes sont particulièrement susceptibles, suivis des alcooliques. Les personnes souffrant de schizophrénie présentent le risque le moins élevé.

Critique de la méthode : Il y a un chevauchement de 23 p. 100 entre les deux groupes qui, une fois ceux-ci combinés, a été compensé par l'inclusion unique de chaque personne. L'échantillon était fortement sélectif et non représentatif de l'ensemble des détenus. Qui plus est, les auteurs n'ont pas contrôlé la violence antérieure, un facteur de risque connu pour la violence subséquente.

Causalité : Étant donné que l'échantillon était fortement sélectif, aucune déclaration générale ne peut être formulée relativement à un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence. Cependant, la relation inverse entre la schizophrénie et la récidive violente est intéressante.

Siomopoulos, V. (1978). Psychiatric diagnosis and criminality, Psychological Reports, vol. 42, p. 559-562.
Objectif : Examiner la répartition de diverses infractions par rapport à la prévalence de divers troubles mentaux.

Méthode de recherche : Étude d'une série de cas à partir d'un échantillon de commodité.

Lieu : L'unité médico-légale à sécurité maximale d'un hôpital public d'une grande ville des États-Unis.

Sujets : Les sujets étaient des individus qui faisaient face à des poursuites au criminel pour des infractions graves et qui avaient été jugés inaptes à subir leur procès. Ils ont été examinés de façon indépendante par deux psychiatres. Lorsque les évaluations des deux psychiatres ne concordaient pas, les sujets étaient examinés à nouveau par les psychiatres pour arriver à un consensus. Des données sociodémographiques, des données sur les diagnostics et des données sur le genre d'infraction ont été recueillies.

Mesures : L'auteur n'a pas mentionné les mesures utilisées, mais les diagnostics ont été établis fort probablement au moyen d'une entrevue ordinaire avec un psychiatre.

Principaux résultats : La schizophrénie était le diagnostic le plus fréquent dans la population totale et chez les sujets de chaque catégorie d'infraction, sauf dans le cas de l'incendie criminel, qui était plus fréquent chez les sujets chez qui on avait diagnostiqué une psychose maniaco-dépressive. Lorsqu'il y avait comorbidité, la toxicomanie était l'un des troubles diagnostiqués.

Conclusions : Les données ont révélé que la schizophrénie est fréquente chez les criminels.

Critique de la méthode : Cette étude comporte plusieurs faiblesses. D'abord, elle visait un échantillon non probabiliste très sélectif, tant du point de vue des troubles mentaux que du point de vue de la gravité des infractions. De plus, le chercheur a utilisé des instruments de mesure non standardisés et les effets de la toxicomanie, qui représentaient une variable de confusion, n'ont pas été contrôlés.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Strick, S.E. (1989). A demographic study of 100 admissions to a female forensic center : Incidence of multiple charges and multiple diagnoses, The Journal of Psychiatry and the Law, automne, p. 435-448.
Objectif : Décrire les caractéristiques des femmes admises dans un centre médico-légal pour femmes.

Méthode de recherche : Examen descriptif d'une série de cas à partir des dossiers.

Lieu : Un centre médico-légal pour femmes dans un hôpital public des États-Unis.

Sujets : Les sujets étaient les 100 premières femmes admises dans ce centre. Elles venaient de différentes régions de l'État.

Mesures : La CIM-9 et les critères du DSM-III ont été utilisés pour établir les diagnostics.

Principaux résultats : Un diagnostic de psychose a été établi chez 79 p. 100 des sujets à leur admission, et il s'agissait de schizophrénie dans la plupart des cas. Les infractions contre la personne constituaient la principale catégorie d'infractions commises.

Conclusions : Une forte proportion des sujets souffraient d'une maladie mentale grave.

Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude descriptive simple où on n'a pas cherché à étudier la corrélation entre les différentes variables. Les résultats de cette étude ne peuvent donc être utilisés pour tirer des conclusions sur la question de la causalité. Cependant, les résultats ont révélé une forte prévalence des troubles mentaux, ce qui concorde avec les résultats obtenus dans d'autres études plus contrôlées.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Taylor, P.J. (1986). Psychiatric disorders in London's life-sentenced offenders, British Journal of Criminology, vol. 26, no 1, p. 63-78.
Objectif : Évaluer la réinsertion sociale des personnes condamnées à l'emprisonnement à perpétuité durant la période de surveillance dans la collectivité.

Méthode de recherche : Enquête transversale.

Lieu : Service de probation situé dans le centre-ville de Londres, en Angleterre.

Sujets : Les agents de probation devaient remplir un questionnaire sur les personnes qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité dans un cadre communautaire surveillé.

Mesures : Un questionnaire conçu par l'auteur et composé de 49 questions a été remis aux agents de probation. Les questions portaient sur des données démographiques, les symptômes psychiatriques, les diagnostics établis et le rôle de l'alcool ou des symptômes de maladie mentale dans les crimes commis par les condamnés à perpétuité.

Principaux résultats : Un diagnostic a été établi pour les deux tiers des condamnés à perpétuité (la schizophrénie dans 9 p. 100 des cas, la dépression dans 13 p. 100 des cas, l'alcoolisme dans 33 p. 100 des cas et un trouble de la personnalité dans 33 p. 100 des cas). Trente-trois pour cent des sujets ont été retirés de leurs placements dans la collectivité pour avoir enfreint les conditions de la mise en probation.

Conclusions : La répartition des types de troubles mentaux chez les condamnés à perpétuité qui avaient commis un meurtre était en grande partie semblable à celle observée chez ceux qui avaient commis un autre type de crime. Les cas de récidive violente étaient rares.

Critique de la méthode : On ignore comment les agents de probation ont pu poser ou infirmer les diagnostics psychiatriques.

Causalité : Comme il s'agissait d'une étude transversale portant sur un échantillon sélectif et qu'il n'y avait pas de groupe témoin, aucune conclusion ne peut être tirée concernant un lien de causalité possible entre la maladie mentale et la violence.

Taylor, P.J. et Gunn, J. (1984). Violence and psychoses, British Medical Journal, vol. 288, p. 1945-1949.
Objectif : Examiner la prévalence de la violence et de la maladie mentale et la relation entre les deux.

Méthode de recherche : Enquête transversale basée sur l'examen de dossiers (prévalence).

Lieu : La plus grande prison d'Europe située dans le sud de Londres, en Angleterre.

Sujets : Les auteurs n'ont pas précisé la méthode d'échantillonage. Cependant, ils ont étudié deux groupes d'hommes, des délinquants violents et d'autres délinquants détenus à l'hôpital de la prison. Tous les sujets ont été admis durant les mois de juin, septembre et décembre 1979 et en mars 1980. L'échantillon comprenait en tout 1 241 hommes.

Mesures : Une liste de contrôle a été conçue spécialement pour recueillir des données dans les dossiers. Les diagnostics ont été établis selon la CIM.

Principaux résultats : La prévalence des symptômes psychiatriques au moment de l'admission à la prison était de 9 p. 100 et la prévalence de symptômes de manque à l'égard de l'alcool ou de la drogue était de 8,6 p. 100. Les crimes graves avec violence contre la personne (constituant une menace à la vie) avaient été commis plus souvent par des prisonniers normaux, alors que les incendies criminels et les crimes contre les biens avaient été commis plus souvent par des sujets atteints de maladie mentale. Une forte proportion des délinquants violents étaient schizophrènes (11 p. 100 des schizophrènes avaient commis un homicide et 30 p. 100 avaient allumé un incendie criminel), comparativement au taux enregistré au sein de la population générale du Grand Londres (0, 1 à 0,4 p. 1 00).

Conclusions : La prévalence de la maladie mentale au sein de la prison était élevée. Les infractions les plus courantes étaient des infractions contre les biens, mais les délinquants atteints de schizophrénie étaient surreprésentés dans la catégorie des auteurs de crimes avec violence.

Critique de la méthode : Il s'agissait d'une enquête transversale basée sur l'examen de dossiers. Les auteurs n'ont pas précisé comment ils ont choisi leur échantillon, de sorte qu'on ne sait pas si les résultats sont représentatifs de tous les délinquants. L'échantillon était très sélectif, tant du point de vue de la criminalité que de celui de la maladie mentale, car la catégorie des délinquants violents et celle des délinquants hospitalisés se chevauchaient. Cela pourrait expliquer les résultats trop élevés obtenus à l'égard. de la maladie mentale et de la violence.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Teplin, L.A. (1990). Detecting disorder : The treatment of mental illness among jail detainees, Journal of Consulting and Clinical Psychology, vol. 58, no 2, p. 233-236.
Objectif : Déterminer dans quelle mesure les délinquants atteints de troubles mentaux sont soignés lorsqu'ils sont incarcérés.

Méthode de recherche : Enquête transversale.

Lieu : Une prison située dans une grande région métropolitaine des États-Unis.

Sujets : Les sujets ont été choisis au hasard parmi tous les individus en détention après la mise en accusation, sans tenir compte des antécédents psychiatriques, des antécédents de toxicomanie, du degré d'intoxication, du risque de violence ou de l'inaptitude à subir un procès; l'échantillon a été stratifié en fonction du genre d'accusation portée (délit ou crime).

Mesures : Les chercheurs ont utilisé le questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule) pour établir les diagnostics selon le DSM et ainsi distinguer les «vrais» cas de maladie mentale et de déterminer les besoins en traitement. En ce qui concerne la criminalité, deux variables ont été étudiées : la gravité de l'infraction (délit ou crime) et sa nature (avec ou sans violence). Des variables reliées au statut social (âge, niveau d'instruction, situation professionnelle, race et revenu) ont aussi été étudiées. Le dépistage de la maladie mentale par le personnel de la prison a été effectué indépendamment de l'évaluation des chercheurs.

Principaux résultats : Les variables suivantes, énumérées par ordre décroissant d'importance, avaient une influence significative dans un modèle logit log-linéaire sur la probabilité de dépister la maladie mentale et, par conséquent, de donner un traitement les traitements reçus antérieurement (91,7 p. 100, donc la variable prédictive la plus importante), les problèmes reliés au comportement manifeste, la nature de l'arrestation, les symptômes de dépression et la schizophrénie.

Conclusions : Le taux global de dépistage de la maladie mentale par le personnel de la prison était très faible (32,5 p. 100), ce qui indique que les détenus atteints de troubles mentaux ne bénéficient pas souvent d'un traitement.

Critique de la méthode : L'une des principales forces de cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont utilisé un échantillon représentatif de tous les cas ayant fait l'objet d'une mise en accusation. Cependant, l'échantillon comportait par le fait même un biais de sélection, car tous les sujets avaient des problèmes graves, tant sur le plan clinique que sur le plan criminel. L'auteur n'a pas mentionné le nombre d'intervieweurs et il n'a pas fait de commentaires sur le coefficient d'objectivité.

Causalité: Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Teplin, L.A., Abram, K.M. et McClelland, G.M. (1994). Does psychiatric disorder predict violent crime among released jail detainees?, American Psychologist, vol. 49, no 4, P. 335-342.
Objectif : Déterminer s'il y a un lien entre les troubles mentaux et les taux d'arrestation pour les crimes avec violence chez les délinquants mis en liberté.

Méthode de recherche : Une étude de suivi d'une durée de six ans portant sur des personnes arrêtées et détenues entre novembre 1983 et novembre 1984.

Lieu : Cook County, Chicago, Illinois, États-Unis.

Sujets : L'échantillon aléatoire stratifié était composé de 728 hommes qui avaient été arrêtés et étaient détenus en attendant de subir leur procès. Les chercheurs ont stratifié l'échantillon pour s'assurer qu'un nombre suffisant d'individus accusés d'un crime grave seraient étudiés. L'analyse a porté sur 644 sujets. Les individus atteints de déficience cognitive, ceux qui sont décédés au cours de la période de suivi et ceux pour lesquels on n'a pu obtenir le rapport d'arrestation ont été exclus.

Mesures : Selon les définitions adoptées, les troubles mentaux graves comprenaient la schizophrénie et les troubles affectifs graves. Les sujets ayant un problème de toxicomanie et ceux ayant des symptômes de psychose ont aussi été inclus dans l'étude. Les données relatives aux diagnostics ont été obtenues dans le cadre d'interviews directes et à l'aide du questionnaire DIS (Diagnostic Interview Schedule) dans le cas des troubles visés par le DSM. Les données relatives aux arrestations ont été recueillies dans les casiers judiciaires et associées aux sujets à l'aide du numéro d'identification attribué par le Département des services correctionnels aux individus arrêtés. Ces renseignements comprenaient les accusations portées à l'extérieur du comté. Les crimes avec violence comprenaient les voies de fait, les voies de fait graves, les coups et blessures, les coups et blessures graves, le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable, le vol qualifié, la séquestration, la violence sous la contrainte d'une arme, la cruauté envers des enfants, l'agression sexuelle criminelle, le viol, l'agression sexuelle comportant un comportement déviant, l'agression sexuelle criminelle grave et l'enlèvement.

Principaux résultats : Les personnes ne souffrant pas de troubles mentaux avaient une probabilité de 0,48 d'être arrêtées pour un crime avec violence au cours de la période de suivi de six ans, comparativement à 0,43 dans le cas des personnes atteintes d'une maladie mentale grave et de 0,46 dans le cas des personnes ayant un problème de toxicomanie. Ces différences n'étaient pas significatives. De même, aucune différence significative n'a été constatée dans le cas des crimes majeurs avec violence. Si en considère le nombre d'arrestations, aucune différence n'a été constatée entre les groupes pour ce qui est des crimes avec violence et des crimes majeurs avec violence. Quel que soit le diagnostic établi, les individus ayant commis antérieurement des crimes avec violence étaient environ deux fois plus susceptibles d'être arrêtés à nouveau au cours de la période de suivi. Lorsque la variable «antécédents criminels» était contrôlée, il n'y avait pas de différences entre les personnes faisant partie des divers groupes d'individus souffrant de troubles mentaux et ceux faisant partie du groupe des sujets non atteints de troubles mentaux. Il en était de même lorsque la variable «âge» était contrôlée. Les personnes souffrant d'hallucinations ou de délire n'étaient pas plus susceptibles de se faire arrêter que les autres après leur mise en liberté. Cependant, le nombre d'arrestations pour crime avec violence était légèrement plus élevé chez les personnes souffrant à la fois d'hallucinations et de délire, mais la différence n'était pas significative.

Conclusions : Le taux de récidive était très élevé chez les sujets étudiés, car près de la moitié ont été arrêtés pour un crime avec violence au cours de la période de suivi. Les individus atteints de troubles mentaux n'étaient pas plus susceptibles que les autres d'être arrêtés pour un crime avec violence. Les personnes souffrant à la fois de délire et d'hallucinations étaient un peu plus susceptibles que les autres d'être arrêtées pour des crimes avec violence, mais la différence n'était pas significative. La variable prédictive la plus importante à l'égard des crimes ultérieurs avec violence était les antécédents criminels de violence.

Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude qui a été réalisée avec soin et qui a été bien décrite. L'une des principales forces de cette étude est que les chercheurs ont tenu compte du temps pendant lequel les délinquants étaient susceptibles de commettre des crimes avec violence (c.-à-d. le temps passé dans la collectivité). Les probabilités d'être arrêté à nouveau ont été établies avec des intervalles de confiance de 95 p. 100, de sorte qu'il est possible de déterminer les limites supérieure et inférieure plausibles pour chaque estimation donnée.

Causalité: Comme les auteurs l'ont souligné, étant donné que l'étude portait sur un groupe choisi de délinquants, les résultats ne peuvent être utilisés pour déterminer si la maladie mentale entraîne des comportements violents dans la population générale.

Toch, H. et Adams, K. (1989). The disturbed violent offender, Yale University Press, NewHaven.
Objectif : Examiner la relation entre la maladie mentale et la criminalité, en particulier les infractions avec violence.

Méthode de recherche : Étude de couplage de dossiers.

Lieu : Département des services correctionnels de l'État de New York et Services de santé mentale de l'État de New York, aux États-Unis.

Sujets : Les dossiers informatisés de 8 379 détenus qui relèvent du Département des services correctionnels ont été appariés à leurs dossiers aux Services de santé mentale. Cette comparaison a été échelonnée sur plusieurs années.

Mesures : Les chercheurs ont recueilli des données sur les variables démographiques et criminologiques et sur la maladie mentale en consultant les dossiers informatisés des deux organismes.

Principaux résultats : De tous les détenus étudiés, 13,8 p. 100 de ceux qui n'avaient pas d'antécédents psychiatriques ou d'antécédents de toxicomanie avaient des antécédents de violence récente (survenue dans les 3 dernières années) et de violence lointaine (survenue depuis plus de 3 ans), alors que ce taux était de 17 p. 100 chez les sujets qui avaient des antécédents psychiatriques ou des antécédents de toxicomanie. En ce qui concerne la violence lointaine considérée séparément, les pourcentages enregistrés pour ces deux groupes étaient de 30,9 p. 100 et de 51, 1 p. 1 00, respectivement. Par ailleurs, 5,8 p. 100 des détenus ayant à la fois des antécédents psychiatriques et des antécédents de toxicomanie avaient commis des actes de violence gratuits, comparativement à seulement 1,2 p. 100 des détenus qui n'avaient pas d'antécédents psychiatriques, ni d'antécédents de toxicomanie.

Conclusions : Le risque d'avoir commis un acte de violence récent, éloigné ou gratuit est plus élevé chez les détenus ayant des antécédents psychiatriques ou des antécédents de toxicomanie que chez les détenus n'ayant pas ce genre d'antécédents.

Critique de la méthode : Il s'agit là d'une des meilleures études qui portent sur l'examen de dossiers, non seulement à cause de la taille importante de l'échantillon, mais aussi à cause du soin avec lequel les chercheurs ont recueilli et analysé les données. Cependant, cette étude comporte plusieurs lacunes qui sont courantes dans les études qui portent sur l'analyse de données secondaires recueillies dans des dossiers au cours d'une longue période. Les autres faiblesses de l'étude sont les évaluateurs multiples, le fait que les données aient été recueillies pour des raisons tout à fait différentes, dans des organisations et des établissements différents et dans des organismes sociaux ayant des fonctions et des buts différents. La valeur des résultats est réduite du fait de la qualité inégale des dossiers. En outre, les auteurs n'ont pas toujours indiqué les principales hypothèses à partir desquelles ils ont travaillé, ni décrit la nature du diagnostic Lies malades mentaux qu'ils ont étudiés. Lorsque des renseignements étaient donnés au sujet des diagnostics, les auteurs n'ont pas précisé la qualité des données cliniques recueillies par les différents cliniciens des nombreux établissements et organismes en cause. Enfin, comme les renseignements ont été recueillis uniquement dans des dossiers de l'État de New York, il est possible qu'un grand nombre des sujets aient été admis dans un établissement correctionnel ou un hôpital psychiatrique d'un autre État.

Causalité : Étant donné que les auteurs ont étudié un échantillon sélectif de détenus, les résultats de cette étude ne peuvent être utilisés pour tirer quelque conclusion que ce soit au sujet du lien de causalité pouvant exister entre la maladie mentale et la violence.

Valdiserri, E.V., Carroll, K.R. et Hartl, A.J. (1986). A study of offenses committed by inmates in a county jail, Hospital and Community Psychiatry, vol. 37, no 2, p. 163-166.
Objectif : Étudier les types d'infractions commises par les malades mentaux incarcérés.

Méthode de recherche : Examen de dossiers au cours d'une période d'un an, du le' février 1982 au 31 janvier 1983.

Lieu : Clinique de psychiatrie d'une prison située en Pennsylvanie, aux États-Unis.

Sujets : Les chercheurs ont examiné tous les dossiers des détenus dirigés vers la clinique de psychiatrie (769 sujets et 853 demandes de consultation). Ces détenus représentaient 30,1 p. 100 de tous les détenus admis à la prison durant la période à l'étude. Les sujets ont été répartis en deux groupes, celui des détenus psychotiques (132 sujets et 156 admissions distinctes) et les détenus non psychotiques (639 détenus et 697 admissions).

Mesures : Les données ont été extraites des dossiers de la prison.

Principaux résultats : Le taux de morbidité générale (prévalence) correspondait à 5,51 p. 100 de tous les détenus admis à la prison durant la période à l'étude. Aucune différence de nature démographique n'a été constatée entre les deux groupes. Les accusations pour des infractions mineures étaient quatre fois plus fréquentes chez les détenus psychotiques et il n'y avait aucune différence entre les deux groupes concernant le nombre d'infractions avec violence.

Conclusions : Les délinquants psychotiques constituent une population d'individus gravement malades. Les résultats relatifs aux infractions mineures militent en faveur de l'hypothèse de la «criminalisation».

Critique de la méthode : L'étude reposait sur un examen des dossiers médicaux d'individus faisant partie d'un échantillon très sélectif. Les données provenaient de nombreux cliniciens d'une prison où le personnel était très occupé. Les auteurs n'ont pas donné de détails sur la manière dont les données relatives aux diagnostics ont été obtenues, et il semble que tous les détenus atteints de troubles mentaux aient été mis dans une même catégorie, celle des «psychotiques», sans aucune distinction quant à l'état mental des sujets. Les auteurs n'ont pas établi de relation causale, et il est impossible d'établir une telle relation à partir des résultats de cette étude.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Yarvis, R.M. (1990). Axis I and Axis II diagnostic parameters of homicide, Bulletin of the American Academy of Psychiatry and the Law, vol. 18, no 3, p. 249-268.
Objectif : Étudier les manifestations générales des troubles mentaux.

Méthode de recherche : Étude d'une série de cas.

Lieu : Pratique privée, spécialisée dans les évaluations médico-légales.

Sujets : Cent sujets accusés d'homicide sur un total de 219 individus dirigés vers le cabinet de l'auteur entre le 1er janvier 1980 et le 31 décembre 1988.

Mesures : Des entrevues psychiatriques approfondies suivant les critères du DSM-III et un examen des dossiers.

Principaux résultats : La toxicomanie (35 p. 100) et les troubles psychotiques (la schizophrénie, 21 p. 100 et les troubles affectifs, 8 p. 100) représentaient la majeure partie des diagnostiques de l'axe I, alors que la personnalité antisociale représentait 40 p. 100 des diagnostiques de l'axe II.

Conclusions : L'auteur a constaté que les meurtriers constituaient une population hétérogène présentant différents types de troubles, selon une combinaison de facteurs tels que le sexe, l'âge, les antécédents criminels et la relation avec la victime.

Critique de la méthode : Il s'agissait d'un échantillon très sélectif, car les sujets avaient été dirigés chez le clinicien parce qu'on présumait qu'ils étaient atteints de troubles mentaux. Il ne s'agissait donc pas d'un échantillon représentatif. De plus, on ignore quel était le dénominateur commun à tous les individus qui ont dû se présenter devant la cour durant la période à l'étude. L'auteur n'a pas mentionné avoir utilisé des instruments standardisés.

Causalité : Ces résultats ne permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.

Autres études empiriques présentant de l'intérêt

Les études empiriques résumées ci-dessous mettent en lumière certains aspects importants de la méthodologie dont il faut tenir compte lorsqu'on envisage d'établir des relations causales. Ces questions sont abordées dans la rubrique «Observations», à la fin de chaque résumé.

Cirincione, C., Steadman, H.J., Robbins, P.C. et Monahan, J. (1994). Mental illness as a factor in criminalité : A study of prisoners and mental patients, Criminal Behaviour and Mental Health, vol. 4, p. 33-47.

Objectif : Comparer les manifestations de la criminalité à long terme chez des délinquants souffrant de troubles mentaux avec celles observées chez des détenus. La principale hypothèse à l'étude était que les variables criminologiques constituent les meilleures variables prédictives de la criminalité ultérieure.

Méthode de recherche : La recherche présentée ici est fondée sur des sujets ayant fait l'objet d'une étude qui a été publiée en 1984. Il s'agissait d'une étude historique de cohortes comportant une période de suivi de 11 ans.

Lieu : État de New York, États-Unis.

Sujets : Les sujets ont été choisis à partir de registres d'admission; il s'agissait d'hommes âgés de moins de 65 ans admis dans des établissements psychiatriques et des prisons de l'État de New York en 1968 et 1978. Les sujets ont été répartis en quatre groupes ou cohortes : les prisonniers n'ayant pas d'antécédents psychiatriques, les prisonniers ayant des antécédents psychiatriques, les patients ayant déjà été arrêtés par la police et les patients n'ayant jamais été arrêtés.

Mesures : Les chercheurs ont consulté des archives pour recueillir des données sur les arrestations et les hospitalisations ultérieures.

Principaux résultats : En général, les taux d'arrestation étaient plus élevés dans les groupes de 1978 que dans ceux de 1968. En ce qui concerne les arrestations ultérieures, à chaque époque, les prisonniers n'ayant pas d'antécédents psychiatriques étaient ceux qui étaient le plus susceptibles d'être arrêtés à nouveau, alors que les patients n'ayant jamais été arrêtés étaient ceux qui étaient le moins susceptibles d'être arrêtés. Les deux groupes hybrides avaient des niveaux d'arrestation semblables et intermédiaires, c'est-à-dire qui se situaient entre ceux des deux autres groupes. Des tendances semblables ont été observées dans le cas des crimes avec violence. Chez les malades mentaux n'ayant jamais été arrêtés, le risque d'arrestation était généralement moins élevé que dans la population générale.

Conclusions : Les arrestations antérieures constituent une meilleure variable prédictive de la criminalité que le fait d'avoir été hospitalisé dans un établissement psychiatrique public. Les prisonniers n'ayant pas d'antécédents psychiatriques sont ceux qui présentent le plus grand risque de violence et de criminalité après leur mise en liberté.

Observations : Cette étude confirme l'importance de contrôler la variable «arrestations antérieures» lorsqu'on évalue la relation entre les hospitalisations dans un établissement psychiatrique et la criminalité, ce que peu de chercheurs ont fait jusqu'ici.

Harry, B. (1985). Violence and Official Diagnostic Nomenclature, Bulletin of the American Academy of Psychiatry and the Law, vol. 13, no 4, p. 385-388.
Objectif : Évaluer dans quelle mesure l'idée d'une association positive entre la maladie mentale et la violence a été acceptée.

Méthode de recherche : Analyse du contenu de la nomenclature psychiatrique du DSM qui a été utilisée de 1952 à 1980.

Mesures : La proportion des troubles dont la description contenait des mots ou des critères diagnostiques se rapportant à la violence dans les différentes versions de la nomenclature psychiatrique officielle (DSM-I, DSM-II et DSM-III). La définition de la violence comprenait aussi bien la violence contre soi-même que la violence contre les autres.

Principaux résultats : Moins de 3 p. 100 des troubles répertoriés dans le DSM-I et le DSM-II comprennent des mots ou des critères indiquant un comportement violent. Cette proportion atteint 46,6 p. 100 dans le DSM-III. Si on considère uniquement les critères diagnostiques, 26,2 p. 100 des troubles répertoriés dans le DSM-III sont définis à l'aide de mots se rapportant à la violence. Les catégories diagnostiques comportant le plus grand nombre de troubles définis en fonction de la violence sont, notamment, les toxicomanies, les troubles mentaux organiques, les troubles affectifs et les troubles apparaissant durant l'enfance.

Conclusions : Le pourcentage des troubles mentaux décrits ou définis officiellement en fonction des actes de violence a augmenté. La frontière entre la maladie mentale et la violence s'est estompée, d'où la confusion qui s'ensuit lorsque les chercheurs tentent d'établir une relation entre les deux phénomènes.

Observations : Cette étude est importante sur le plan méthodologique, vu le nombre croissant apparent d'études qui ont montré une association entre la maladie mentale et la violence au cours des quinze dernières années - association qui n'avait pas été observée auparavant. De plus, cette étude soulève des doutes quant à la capacité des chercheurs de définir la maladie mentale indépendamment de la violence aux fins de la recherche, en particulier lorsqu'ils utilisent le système de classification nosologique du DSM-III (ou d'une version ultérieure de ce manuel).

Harry, B. et Steadman, H.J. (1988). Arrest rates of patients treated at a community mental health center, Hospital and Community Psychiatry, vol. 39, no 8, p. 862-866.
Objectif : L'étude avait pour but : a) de vérifier les taux d'arrestation enregistrés chez les malades mentaux hospitalisés, les malades mentaux en consultation externe et les malades mentaux des services d'urgence après leur première consultation comme dans un centre de santé mentale communautaire et b) de déterminer si les variables prédictives des arrestations chez les malades mentaux hospitalisés dans des établissements publics, selon les études publiées sur cette question, sont les mêmes dans le cas des malades qui fréquentent les centres de santé mentale communautaires.

Méthode de recherche : Une étude historique de cohortes comportant une période de suivi variant selon la date où les sujets ont été inclus dans l'échantillon. Les sujets ont été suivis jusqu'en octobre 1984, ce qui représentait en moyenne un suivi de neuf ans dans le cas du groupe de 1975 et d'un an dans le cas du groupe de 1983.

Lieu : Un centre de santé mentale communautaire offrant divers types de services psychiatriques, situé dans une petite ville du Missouri, aux États-Unis.

Sujets : Les sujets ont été choisis au hasard à partir d'un examen des dossiers de tous les patients adultes admis au centre en 1975 et en 1983, qui recevaient pour la première fois des soins de santé mentale, selon les renseignements fournis par les patients eux-mêmes et selon les dossiers que les chercheurs ont consultés pour savoir si les patients avaient été soignés auparavant dans un centre de santé mentale de l'État ou d'un autre État. En 1983 seulement, il y avait 200 patients hospitalisés, 181 patients en consultation externe et 186 patients au service d'urgence qui recevaient pour la première fois des soins psychiatriques. Les chercheurs se sont basés sur les données du recensement pour calculer les valeurs de la population dans les dix zones de recrutement locales du comté.

Mesures : Les données sur les facteurs sociaux et cliniques ont été recueillies dans les dossiers médicaux. Les diagnostics ont été établis selon la terminologie du DSM-III. Les rapports d'arrestation sur les actes criminels commis à l'âge adulte dans l'ensemble de l'État ont été obtenus pour la période se terminant en octobre 1984. Les crimes avec violence étaient, dans le cadre de l'étude, l'homicide, les voies de fait et la violence physique grave contre un enfant. Les crimes comportant un potentiel de violence étaient le vol qualifié et les infractions commises à l'aide d'une arme. Les crimes sexuels étaient le viol, la sodomie et l'agression sexuelle.

Principaux résultats : Les résultats exposés dans cet article comportaient des erreurs. Les auteurs ont signalé ces erreurs par la suite dans une lettre envoyée au chef de la direction de la revue [Harry, 1989, Hospital and Community Psychiatry, vol. 40,no12, p. 1303]. Les résultat fois que corrigés sont présentés ci-dessous.  Soulignons toutefois que les conclusions fondamentales de l'article sont demeurées les mêmes.

Les taux d'arrestation enregistrés sur une période d'un an pour le groupe de sujets de 1983 ont révélé que les patients hospitalisés étaient ceux qui avaient été arrêtés le plus souvent (78/1 000), suivis des patients admis en urgence (53,5/1 000) et des patients en consultation externe (36,6/1 000). De même, dans le groupe de 1975, ce sont les patients hospitalisés qui ont été arrêtés le plus souvent, c'est-à-dire dans une proportion de 41/1 000, comparativement à 40/1 000 pour les patients en consultation externe. Les données relatives aux patients admis en urgence n'ont pu être obtenues pour cette année-là. Les chercheurs ont constaté que les facteurs qui permettaient le mieux de prévoir les arrestations étaient le diagnostic de personnalité antisociale, le nombre d'arrestations antérieures et le jeune âge; cependant, ces variables n'expliquaient à elles trois que 5 p. 100 de la variation totale. La plupart des arrestations avaient trait à des infractions sans violence.

Conclusions : Les auteurs ont constaté que les taux d'arrestation enregistrés chez les patients des centres de santé mentale communautaires étaient bien inférieurs aux taux indiqués par les autres chercheurs à l'égard des patients des hôpitaux psychiatriques publics. Comme l'analyse des taux d'arrestation a porté sur des malades mentaux traités dans des établissements de santé mentale de divers types, l'écart observé entre les taux d'arrestation enregistrés dans les échantillons de patients et ceux enregistrés dans la population générale s'est avéré moins élevé.

Observations : Dans la majeure partie des études comportant une période de suivi, les groupes de sujets étaient composés de patients hospitalisés. Par conséquent, cette étude apporte une dimension nouvelle dans cette sphère de connaissances, en particulier du fait que l'accent a été mis sur les soins de santé mentale offerts dans des centres communautaires. De plus, les auteurs ont quantifié le biais de sélection auquel on peut s'attendre lorsque les sujets à l'étude sont choisis dans différentes populations de malades mentaux. Cette étude fait ressortir l'importance de former des groupes de sujets représentatifs de toutes les personnes atteintes d'une maladie mentale.

Lagos, J.M., Perlmutter, K. et Saexinger, H. (1977). Fear of the mentally ill : Empirical support for the common man's response, American Journal of Psychiatry, vol. 134, no 10, p. 1134-1137.
Objectif : Les auteurs ont examiné les dossiers médicaux de patients psychiatriques afin de déterminer la fréquence des comportements violents lorsqu'une maladie mentale apparaît.

Méthode de recherche : Enquête transversale basée sur des dossiers médicaux.

Lieu : New Jersey, aux États-Unis.

Sujets : Les chercheurs ont choisi au hasard 400 patients admis dans quatre établissements psychiatriques du New Jersey en 1974, à raison de 100 patients par établissement.

Mesures : Les chercheurs ont pris connaissance des notes rédigées au moment de l'admission des patients pour trouver des descriptions des comportements violents récents qui avaient justifié en partie l'admission du patient. Les comportements violents comprenaient la violence physique contre une personne ou des objets, les menaces proférées à l'endroit d'une personne, la violence verbale contre une personne, la violence «ambiguë» (lorsque les descriptions étaient imprécises) et la perte du contrôle des impulsions.

Principaux résultats : En examinant les dossiers des 400 patients, les auteurs ont constaté que 37,7 p. 100 d'entre eux avaient manifesté une forme ou une autre de comportement violent et de ceux-là, 20 p. 100 avaient manifesté de la violence physique contre une personne ou des objets. La proportion des individus qui avaient agressé une autre personne variait considérablement d'un hôpital à un autre : entre 21,6 p. 100 et 4,4 p. 100. Seulement trois des 115 malades mentaux dont le dossier faisait état d'un comportement violent avaient été arrêtés.

Conclusions : Les auteurs ont conclu qu'un très grand nombre de comportements violents peuvent être associés à des troubles mentaux. Il aurait été plus précis de dire qu'un très grand nombre de comportements violents peuvent être associés aux hospitalisations pour une maladie mentale.

Observations : Nous avons choisi d'inclure cette étude pour les raisons suivantes : a) elle montre qu'une proportion élevée de malades mentaux sont admis à l'hôpital parce qu'ils sont violents et b) la proportion des patients qui sont violents varie considérablement selon les hôpitaux. Cette étude montre bien les biais inhérents à l'utilisation d'échantillons composés de malades mentaux hospitalisés. Le fait que seulement 3 des 115 malades mentaux violents aient été arrêtés met en évidence le risque d'erreur relié à une mauvaise classification lorsqu'on cherche à déterminer si le lien entre la maladie mentale et la violence est de nature causale à partir de données consignées dans les registres d'admission des hôpitaux et les rapports d'arrestation. Les actes de violence n'entraînent pas toujours une arrestation.

Steadman, H.J., Venderwyst, D. et Ribner, S. (1978). Comparing arrest rates of mental patients and criminal offenders, American Journal of Psychiatry, vol. 135, no 10, p. 1218-1220.
Objectif: Comparer les taux d'arrestation enregistrés chez d'anciens patients psychiatriques et des criminels avec ceux enregistrés dans la population générale afin de déterminer si les antécédents criminels, plutôt que la maladie mentale, constituent la cause profonde des différences observées.

Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué la méthode de recherche, mais la présentation des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude de suivi portant sur une période maximale d'un an (les personnes ayant quitté la prison ou l'hôpital durant la dernière partie de l'année étaient moins susceptibles de se faire arrêter que celles qui l'avaient quitté pendant la première partie de l'année).

Lieu : Le comté d'Albany, dans l'État de New York, aux États-Unis.

Sujets : Les auteurs ont choisi deux groupes de malades mentaux et deux groupes de criminels. Ces groupes étaient composés de toutes les personnes ayant reçu leur congé d'un centre psychiatrique (N=307) ou étant sorties de prison (N=419) en 1968 et 1975.

Mesures : Les arrestations ultérieures constituaient la principale mesure de la criminalité. Les crimes avec violence n'ont pas fait l'objet d'une analyse distincte.

Principaux résultats : Les comparaisons générales ont révélé que les taux d'arrestation étaient plus élevés chez les anciens patients que dans la population générale et qu'ils étaient aussi plus élevés chez les criminels que chez les anciens patients. Cependant, lorsque les chercheurs ont tenu compte des antécédents criminels, ils ont observé des tendances différentes chez les anciens patients. Les taux d'arrestation étaient plus élevés chez les anciens patients qui avaient déjà été arrêtés avant leur hospitalisation que dans la population générale. Par contre, dans le cas des anciens patients n'ayant jamais été arrêtés, les taux d'arrestation étaient à peu près égaux ou inférieurs à ceux de la population générale.

Conclusions : Les auteurs ont conclu que les taux d'arrestation enregistrés dans les échantillons de patients ont augmenté parce que la population des hôpitaux psychiatriques publics comprend maintenant un plus grand nombre de personnes ayant déjà fait l'objet d'une arrestation au criminel. Cependant, dans le cas des patients n'ayant jamais été arrêtés (presque 75 p. 100 de l'échantillon), les taux d'arrestation étaient à peu près égaux ou inférieurs à ceux de la population générale. Ce sont les patients qui ont été arrêtés plusieurs fois par le passé qui sont le plus souvent arrêtés à nouveau après un séjour dans un hôpital psychiatrique.

Observations : En dépit du risque de sous-estimation des taux d'arrestation dans le groupe des anciens patients et dans celui des délinquants, cette étude est importante du point de vue méthodologique car elle fait ressortir le fait que ce sont les antécédents criminels, et non la maladie mentale en soi, qui expliquent les taux d'arrestation plus élevés au cours de la période de suivi. Par conséquent, les chercheurs devraient, à l'avenir : a) constituer des cohortes composées de sujets qui présentent un risque de violence ou de criminalité sans y inclure les individus qui ont des antécédents de violence ou des antécédents criminels, ou b) contrôler la variable «antécédents criminels ou de violence» au cours de l'analyse statistique.

Straznickas, K.A., McNiel, D.E. et Binder, R.L. (1993). Violence toward family caregivers by mentally ill relatives, Hospital and Community Psychiatry, vol. 44, no 4, p. 385-387.
Objectif : Étudier les caractéristiques des relations familiales qui sont associées à la violence familiale dont sont responsables des malades mentaux qui ont été hospitalisés.

Méthode de recherche : Examen rétrospectif d'une série de cas.

Lieu : Une unité de soins psychiatriques de courte durée fermée à clé, rattachée à une université américaine. L'endroit n'est pas précisé, mais étant donné les affiliations des auteurs, l'unité pourrait être située à San Francisco.

Sujets : Le groupe à l'étude était composé de 581 patients admis à l'unité entre 1983 et 1990.

Mesures : Les renseignements relatifs aux diagnostics ont été recueillis dans les dossiers de l'hôpital; les diagnostics définitifs avaient été établis selon la CIM-9-MC. Les données relatives aux agressions physiques contre une autre personne étaient fondées sur des mentions précises (p. ex. le fait que le sujet ait frappé, poussé ou étranglé une personne) au cours des deux semaines précédant l'admission. Des données sociodémographiques, des données sur les relations interpersonnelles et des données cliniques ont aussi été recueillies dans les dossiers.

Principaux résultats : Dix-neuf pour cent des patients (N=l13) avaient physiquement agressé une personne dans les deux semaines précédant leur admission, et 36 p. 100 des patients qui avaient commis ce genre d'agression (N=31) avaient agressé plus d'une personne. Des 113 patients qui avaient agressé une personne, 50 avaient agressé une personne à l'extérieur de leur milieu familial, 10 avaient agressé un membre de leur famille et une personne à l'extérieur du milieu familial et 53 avaient agressé un membre de leur famille.

Observations : En plus de faire ressortir le biais de sélection que comportent les échantillons composés de personnes hospitalisées, cette étude met en évidence le fait que, lorsque des personnes hospitalisées pour une maladie mentale ont été violentes avant leur hospitalisation, ce sont le plus souvent les membres de leur famille qui ont été les victimes de cette violence. Cependant, comme cette étude ne comportait pas de groupe témoin approprié, on ne peut en déduire que les membres de la famille des malades mentaux sont plus susceptibles d'être victimes de violence familiale que les membres de la famille des personnes non atteintes d'une maladie mentale. Les résultats de cette étude soulignent néanmoins l'utilité des programmes d'éducation sur les relations familiales qui montrent comment déceler les signes avant-coureurs de la décompensation et comment réagir à une escalade de violence de façon à réduire le risque et à permettre une meilleure adaptation à la situation.

Rapports de synthèse et exposés de position

Les articles résumés ci-après comprennent un examen de la littérature sur la question qui nous intéresse ou encore des idées novatrices concernant l'interprétation des résultats des études. Un grand nombre de ces articles sont largement cités dans les revues scientifiques. D'autres sont moins souvent cités, mais comportent néanmoins des idées ou des points de vue intéressants, par exemple ceux dont les auteurs ont cherché à déterminer si les résultats pouvaient s'appliquer à la situation canadienne. Les auteurs de ces articles n'ont pas toujours examiné les aspects méthodologiques et cliniques des études qu'ils ont examinées. Ils ont parfois accepté des résultats discutables avec peu de scepticisme. En dépit de ces problèmes, ces articles fournissent une liste exhaustive des publications pertinentes sur la question de la relation entre la maladie mentale et la violence, ainsi que des références complètes dans ce domaine. Comme il ne s'agit pas d'études empiriques, nous ne les avons pas résumées selon un mode de présentation structuré et uniforme. Nous avons souligné les points fondamentaux qui sont pertinents dans le cadre de notre examen critique et, lorsque nous l'avons jugé approprié, nous avons formulé des observations.

American Psychiatric Association (1994), FACT sheet -violence and mental illness.
Ce document est une mise au point vulgarisée sur l'état de la question de la relation entre la maladie mentale et la violence publiée par la APA. La feuille de renseignements précise que la recherche récente donne à penser que certaines maladies mentales augmentent le risque de violence, particulièrement chez les patients souffrant de troubles neurologiques et de psychoses, mais que les milieux familiaux chaotiques et violents où la consommation d'alcool ou de substances est commune, les conflits continuels entre les membres de la famille et une atmosphère d'emprise sont associés à de la violence chez des personnes souffrant de troubles mentaux. Le feuillet précise aussi que les membres de la famille sont plus susceptibles d'être victimisés par leurs parents qui sont atteints de troubles mentaux que ne l'est le grand public, et qu'il n'existe aucun lien bien précis entre la violence sociétale et l'apparition de troubles mentaux particuliers.
Borzecki, M. et Wormith, J.S. (1985). The criminalization of psychiatrically ill people: A review with a Canadian perspective, Revue de psychiatrie de l'Université d'Ottawa, vol. 10, no 4, p. 241-247.
Les auteurs examinent les différents raisonnements et les diverses études empiriques présentés au Canada et ailleurs à l'appui de la thèse selon laquelle les malades mentaux seraient de plus en plus criminalisés, c'est-à-dire pris en charge par le système de justice pénale. Fait à souligner, ils présentent des données statistiques recueillies au Canada qui illustrent bien le phénomène de la désinstitutionnalisation des malades mentaux entre 1962 et 1981. Les dépenses gouvernementales consacrées aux programmes psychiatriques ont augmenté au cours de cette période et, selon les auteurs, il est probable que la plus grande partie de ces fonds a été consacrée aux soins psychiatriques de courte durée en milieu hospitalier. Selon eux, ces données indiquent que la désinstitutionnalisation des malades mentaux ne constitue peut-être pas, au Canada, un échec aussi grand qu'elle ne semble l'avoir été aux États-Unis. Ils soulignent que le Canada a probablement des établissements de santé communautaires supérieurs et que les services y sont probablement plus accessibles, en raison du principe de l'accès universel aux soins de santé en milieu hospitalier et en clinique externe. Il faut donc faire preuve de prudence lorsqu'on généralise les résultats d'études américaines en les appliquant au contexte canadien.
Bradford, J. (1994). Violence and mood disorder : Forensic issues and liability concerns. The Canadian Review of Affective Disorders, vol. 5, no 2, p. 1-7.
Cet examen de la question de la violence et de la maladie mentale fait allusion aux études épidémiologiques sur les aires de recrutement des États-Unis, plus particulièrement à l'analyse des données par Swanson et ses collaborateurs (1990), en ce qui concerne le rôle indépendant que joue la psychose comme déclencheur du comportement violent. Bradson mentionne aussi certaines des études sur la TEP, ainsi que les études mettant en cause les faibles concentrations de sérotonine dans la violence. Bradford fait ensuite une digression pour traiter de questions médico-légales plus spécifiques concernant les aspects cliniques de la violence dans la dépression, des préoccupations liées à la prise en charge, des responsabilités légales, particulièrement de la prédiction et du devoir de prévenir.
Cohen, C.I. (1980). Crime among mental patients - A critical analysis, Psychiatric Quarterly, vol. 52, no 2, p. 100-107.
Cohen fait une excellente critique de la littérature sur le plan méthodologique; il montre à quel point les recherches antérieures portant sur la criminalité chez d'anciens patients psychiatriques ont été caractérisées par des erreurs méthodologiques, de sorte que nous n'avons toujours pas résolu une question fondamentale, à savoir si les anciens patients psychiatriques sont plus dangereux que les autres individus. Parmi les difficultés d'ordre méthodologique qu'il a relevées, il mentionne : a) le manque de comparabilité des résultats des études pour ce qui est du temps, du lieu et de la géographie, b) l'absence de contrôles appliqués pour éliminer les effets des facteurs de confusion pertinents, comme les variables démographiques et les antécédents criminels, c) la taille de certains échantillons, qui sont trop petits pour permettre de déceler de façon sûre des événements rares tels que la violence, d) le fait de ne pas différencier suffisamment les catégories diagnostiques, e) le fait de s'appuyer dans une trop grande mesure sur les rapports d'arrestation pour mesurer la criminalité, sans tenir compte des crimes commis ou des condamnations réelles. Il conclut que, en l'absence d'études plus soigneusement contrôlées, nous devons examiner avec prudence la thèse selon laquelle les anciens patients psychiatriques seraient responsables de nombreux crimes.
Davis, S. (1991). An overview : Are mentally ill people really more dangerous? Social Work, vol. 36, no 2, p. 174-180.
Davis fait un excellent examen de la littérature d'un point de vue méthodologique, mettant en lumière les faiblesses des études antérieures qui sont de nature à fausser les conclusions. Il soutient qu'une étude objective et systématique de la question de la relation entre la maladie mentale et la dangerosité est fondamentale pour l'établissement de politiques appropriées et efficaces sur la prestation de services communautaires en santé mentale. B souligne qu'il est maintenant «de bon ton» de laisser entendre que les malades mentaux sont en quelque sorte plus dangereux que les personnes ne souffrant pas d'une maladie mentale. Les défenseurs des malades mentaux ont souligné que les médias avaient exagéré les taux de criminalité chez les malades mentaux et avaient renforcé ce stéréotype en choisissant de diffuser certains reportages plutôt que d'autres. Bien que des études objectives contribueront dans une large mesure à résoudre ce problème, les recherches menées jusqu'ici dans ce domaine comportent de nombreux problèmes méthodologiques. Par exemple, la plupart des études portent sur des échantillons biaisés composés de sujets placés en établissement, qui ont généralement plus de déficiences que les malades mentaux en général et qui ont davantage tendance à «passer à l'acte». Il est possible que ces études comportent une surestimation de la relation entre la maladie mentale et la violence. De même, le fait d'étudier des patients qui ont reçu leur congé d'un établissement psychiatrique peut avoir pour effet de sous-estimer le risque de violence, car seuls les patients qui présentent les meilleurs pronostics sont autorisés à quitter l'hôpital. Par ailleurs, la définition et la mesure Cie la dangerosité ont aussi présenté des problèmes. Dans la plupart des études, les chercheurs se sont fondés sur les taux d'arrestation, alors que certaines études semblent indiquer que les malades mentaux seraient plus susceptibles de se faire arrêter que les personnes non atteintes de troubles mentaux. Il est donc possible que la criminalité chez les malades mentaux ait été surestimée dans ces études. Un troisième problème tient au fait que les facteurs qui permettent de prévoir la criminalité dans la population générale (p. ex. l'âge et le sexe), qui constituent dans ces études des facteurs de confusion, ne sont pas toujours contrôlés. Lorsque les chercheurs tiennent compte de ces facteurs de façon appropriée, la plus grande partie de l'écart entre les groupes de malades mentaux et les groupes témoins disparaît. Par ailleurs, il est possible qu'un petit sous-groupe de criminels qui ont, à tort, «fait l'objet d'une psychiatrisation» soient responsables de la plupart des crimes commis. Davis conclut que, dans l'état actuel des connaissances, la question de la relation entre la maladie mentale et la violence demeure non résolue.
Davis, S. (1991). Violence by psychiatric inpatients : A review, Hospital and Community Psychiatry, vol. 42, no 6, p. 585-590.
Davis commence son examen de la littérature sur la violence chez les malades mentaux hospitalisés par une analyse de l'incidence et de la prévalence de la violence chez ces personnes et des taux variables qui ont été enregistrés. Il classe ensuite les facteurs ayant une influence sur ces taux en trois catégories : 1) les facteurs individuels, 2) les facteurs conjoncturels et 3) les facteurs structurels. En ce qui concerne l'incidence et la prévalence de la violence chez les malades hospitalisés, Davis conclut que compte tenu des différentes méthodes utilisées, il est difficile de déterminer l'ampleur de la violence dans les établissements psychiatriques. Il explique qu'il est difficile de comparer les résultats des diverses études portant sur la violence chez les malades hospitalisés parce que les chercheurs définissent la violence de différentes manières et que les études ont eu lieu dans différents types d'établissements, par exemple des hôpitaux généraux, des hôpitaux psychiatriques ou des unités médico-légales. En général, la fréquence des agressions commises par des malades hospitalisés varie entre 2,54 agressions par lit par année et 7 à 10 p. 100 des patients qui seraient impliqués dans des agressions au cours d'une période d'observation d'un à trois mois. En général, les agressions majeures sont rares. Plusieurs chercheurs ont constaté qu'une minorité de patients sont responsables de la majorité des incidents.

Des comparaisons entre différents pays indiquent que les taux de violence ont tendance à être plus élevés aux États-Unis que dans d'autres pays. Par exemple, une étude a révélé que le nombre total d'incidents de violence survenus en une année dans les 28 établissements psychiatriques de l'État de New York s'élevait à 2 000, comparativement à seulement 311 agressions physiques dans tous les établissements comparables du Royaume-Uni au cours d'une période de trois ans et demi. Selon Davis, des études ont révélé que plusieurs facteurs peuvent constituer des variables prédictives de la violence chez les malades mentaux hospitalisés, notamment la présence d'une psychose et la phase de la maladie. Si on le compare à l'âge et aux antécédents de violence, le sexe ne semble pas être une variable discriminante très utile. Dans les établissements psychiatriques, où certains patients font l'objet d'un placement involontaire et refusent le traitement proposé, une certaine quantité d'actes de violence est probablement inévitable. D'autres facteurs peuvent aussi avoir une influence sur la violence, notamment le surpeuplement, la provocation de la part des membres du personnel ou des autres patients, les attentes et le manque d'expérience du personnel ainsi que la mauvaise gestion. Des facteurs d'ordre structurel peuvent aussi avoir une incidence sur la fréquence de cette violence, par exemple un manque de lits et de ressources communautaires.

Davis conclut, en se fondant sur les données recueillies jusqu'ici, que la violence résulte de facteurs multiples en interaction. Il expose un modèle général de la violence comportant des facteurs individuels, des facteurs conjoncturels et des facteurs structurels.

Davis, S. (1992). Assessing the «criminalization» of the mentally ill in Canada, Revue canadienne de psychiatrie, vol. 37, p. 532-538.
Davis indique qu'aucune des études menées au Canada jusqu'ici n'a porté sur la criminalisation des malades mentaux et il met en garde contre la tendance de généraliser les résultats obtenus aux États-Unis en les appliquant au contexte canadien. Il analyse les facteurs qui ont contribué aux résultats obtenus par les chercheurs américains et indique de façon détaillée dans quelle mesure ces facteurs peuvent intervenir au Canada. Par exemple, il est généralement reconnu que la désinstitutionnalisation, conjuguée à l'absence de réseaux de soutien communautaires, est un facteur important qui explique qu'un plus grand nombre de patients sont susceptibles de commettre des actes de violence dans la collectivité. Au Canada, en 1955, la proportion des malades mentaux hospitalisés était de 4,24 pour 1 000, alors qu'elle a chuté à 0,7 au début des années 1980. Cependant, en raison de l'accès universel aux soins de santé au Canada, les malades ont davantage accès à des services dans la collectivité qu'aux États-Unis. Davis a aussi examiné le rôle de la police, qui est chargée de diriger les malades mentaux vers des services d'urgence, et il indique que la thèse de la «psychiatrisation des criminels» peut expliquer la prévalence plus élevée de la maladie mentale dans les populations carcérales. De façon générale, peu de chercheurs ont étudié ces questions au Canada. Les chercheurs canadiens devront s'intéresser à ces questions dans l'avenir pour bien mesurer l'ampleur de ces tendances.
Garza-Trevifio, E. (1994). Neurological factors in aggressive behaviour. Hospital and Community Psychiatry, vol. 45, no 7, p. 690-699.
Il s'agit d'un examen de la littérature sur la recherche en neurosciences et en psychiatrie clinique portant sur les facteurs biologiques dans les syndromes neuropsychiatriques. L'auteur a effectué une recherche informatisée sur les publications portant sur les composantes neurobiologiques de l'agression parues au cours des 25 dernières années (1977-1993). Il divise les études en quatre groupes : 1) les études sur les modèles animaux d'agression ayant recours aux tracés d'EEG produits au cours de la stimulation chimique et électrique de certaines régions du cerveau; 2) les études des tracés d'EEG produits chez des humains lors d'états normaux et pathologiques; 3) les études de neuropathologie et de neuroimagerie utilisant la IRM, la TDM et la TEP pour déceler les anomalies morphologiques dans le cerveau de sujets présentant une agressivité anormale; et 4) des études neuropsychologiques de la prévalence des troubles psychologiques chez des malades psychiatriques présentant une violence récurrente.

L'auteur conclut que le comportement agressif accompagnant des états psychopathologiques est déterminé de plusieurs façons. Exception faite des influences psychosociales ou économiques, les causes possibles d'une telle agression comprennent les lésions des centres inhibiteurs du cerveau, la stimulation chimique des centres de la rage par des médicaments ou des crises, l'endommagement moléculaire subtil des récepteurs qui peut être héréditaire ou acquis ou un dysfonctionnement des réseaux de neuronnes. Les études donnent à penser 1) que le comportement agressif est associé à un endommagement des centres du cerveau situés dans les structures limbiques, les lobes temporaux et les lobes frontaux, mis à part l'endommagement possible des connexions entre le complexe amygdalien et l'hypothalamus et entre le cortex hippocampique et les lobes frontaux; 2) l'insuffisance ou le dérèglement de la sérotonine, le syndrome de basse sérotonine et possiblement d'autres neurotransmetteurs comme la norépinéphrine, la dopamine et le glucose; et 3) les effets des crises, des médicaments et de l'alcool semblent être reliés à l'altération des mécanismes inhibiteurs et à l'apparition subséquente de modèles de comportement préexistants par le truchement d'un processus d'embrasement.

Gunn, J. (1977). Criminal behaviour and mental disorder, British Journal of Psychiatry, vol. 130, p. 317-329.
Comme Mesnikoff et Lauterbach (1976) (voir ci-dessous), Gunn fait un résumé détaillé des résultats des études antérieures, mais n'a pas procédé à une véritable critique de l'approche méthodologique adoptée par les chercheurs. Cependant, il a souligné les problèmes reliés à la définition de la violence et de la criminalité, ainsi que le problème du prélèvement des échantillons dans des populations en établissement, qui entraîne une exclusion systématique de la majorité des malades mentaux et des criminels. Il conclut qu'il est sans doute préférable d'éviter les généralisations sur les troubles mentaux et la criminalité et qu'il faut se concentrer plutôt sur les problèmes de comportement associés spécifiquement à certains troubles mentaux.
Haller, R.M. et Deluty, R.H. (1988). Assaults on staff by psychiatrib inpatients : A critical Review, British journal of Psychiatry, vol. 152, p. 174-179.
Les auteurs examinent la littérature portant sur les agressions commises par des malades mentaux durant leur séjour à l'hôpital, en tenant compte du contexte et des caractéristiques des patients ayant commis ces agressions. Ils concluent qu'un risque plus élevé de commettre des agressions était attribuable à divers facteurs : 1) le manque de personnel dans les unités de psychiatrie, 2) la désinstitutionnalisation, 3) l'augmentation du nombre des réadmissions et des admissions involontaires, 4) le droit des patients de refuser des médicaments - ce qui entraîne souvent une augmentation des affrontements entre les patients et les membres du personnel, 5) le groupement de patients ayant des problèmes de nature variée et 6) le fait que les patients soient plus jeunes que par le passé et plus difficiles à «gérer» . Même si les agressions contre les membres du personnel semblent s'être multipliées au cours des dernières années, un certain nombre d'études indiquent que la grande majorité des patients psychiatriques ne commettent pas d'agression. Il semble qu'il y ait une faible minorité de patients, généralement 7 à 10 p. 100 de la population totale, qui manifestent un comportement agressif suffisamment dangereux pour que le personnel infirmier juge nécessaire d'en faire état dans ses rapports, ou suffisamment grave pour causer des blessures et donner lieu à la production d'un rapport portant sur une agression ayant causé des blessures.
Hodgins, S. (1994). Editorial : Schizophrenia and violence : Are new mental health policies needed? Journal of Forensic Psychiatry, vol. 5, no 3, p. 473-477.
Hodgins constate que de plus en plus de résultats d'études indiquent que les patients atteints de schizophrénie sont susceptibles d'avoir un comportement agressif envers les autres lorsqu'ils vivent dans la collectivité et elle résume les résultats de plusieurs études qui confirment cette thèse. Elle soutient que le mouvement de désinstitutionnalisation des malades mentaux, qui a conduit à la fermeture d'hôpitaux psychiatriques et au traitement dans la collectivité de malades souffrant de troubles mentaux majeurs, peut être considéré comme un échec. Elle souligne l'importance d'établir des politiques régissant le traitement des personnes atteintes de schizophrénie en tenant compte du droit du public à la sécurité, mais elle ne précise pas en quoi devraient consister ces politiques.
Link, B.G. et Stueve, A. (1995). Evidence bearing on mental illness as a possible cause of violent behaviour, Epidemiological Reviews, vol. 17, no 1, p. 172-181.
Il s'agit d'un excellent examen à jour de la littérature sur le sujet. Les auteurs soulignent qu'il y a trois raisons pour lesquelles il est important de déterminer s'il y a ou non une relation entre la maladie mentale et la violence : la sécurité publique, la qualité de vie et le bien-être des malades mentaux, de même que les conséquences que doivent subir les personnes qui commettent des actes violents (poursuites judiciaires, emprisonnement, opprobre, etc.).

Les auteurs indiquent que plusieurs types d'études font ressortir l'existence d'un lien. Voici la liste de ces études, de même que les observations des auteurs.
 
 
1)
 
 
 
 
 

2)
 
 
 
 

3)
 
 
 
 
 

4)
 
 
 
 
 

5)

Les études sur les taux d'arrestation chez les malades psychiatriques ayant obtenu leur congé. Les critiques relatives à ces études se rangent dans trois catégories : la «criminalisation de la maladie mentale» où les taux d'arrestation en disent plus long sur le processus d'arrestation que sur l'existence d'une association entre la maladie mentale et la criminalité, la «psychiatrisation du comportement violent» qui tient à la tendance de compter comme maladie mentale aiguillable vers la psychiatrie les comportements qui étaient auparavant considérés comme étant surtout antisociaux et criminels, et les questions de «conception» où ces études ont tendance à comparer les patients psychiatriques des établissements publics (c'est-à-dire hautement sélectifs) aux taux enregistrés dans la population générale.

Les études des taux de condamnation chez des cohortes de naissance basées sur les registres de cas (comme les études menées dans les pays scandinaves). Ces études ont montré qu'il y a un risque plus élevé de criminalité chez les sujets souffrant de troubles mentaux. Link et Stueve font remarquer que même si les études de cohortes de naissance permettent une plus grande généralisation des études des taux d'arrestation, elles n'éclairent toutefois pas l'ordre temporel des facteurs (qu'est-ce qui est survenu en premier, la criminalité ou la maladie mentale?) et, partant, ne peuvent être utilisées pour inférer un lien de causalité.

Les études des taux d'arrestation basées sur une étude de la prévalence de la maladie mentale (comme certaines des études menées dans le cadre des études épidémiologiques des aires de recrutement). Ce type d'étude observe les répondants habitant dans la collectivité et tente de déterminer si les personnes ayant des antécédents de maladie mentale sont plus susceptibles d'avoir des antécédents d'arrestations. Ces études évitent les biais de sélection et permettent l'examen de facteurs de confusion multiples. L'établissement de l'ordre temporel des facteurs, la criminalité non spécifiée (par opposition à un simple comportement violent) et les mesures sur toute une vie de certains troubles mentaux sont considérés comme des faiblesses de ce type d'étude.

Les études qui font état d'un comportement violent autodéclaré tout en utilisant des témoins de la collectivité (comme certaines des études menées dans le cadre des études épidémiologiques des aires de recrutement). À l'opposé des trois premiers types d'études qui reposent sur les taux d'arrestation, les études sur la violence autodéclarée ne comprennent pas nécessairement les arrestations et sont donc plus complètes. Selon les auteurs, les différences entre le comportement violent observé chez des patients et celui constaté chez des sujets normaux, comme il est précisé dans les études, ne sont pas «artéfactuels, mais réels». Cependant, les auteurs indiquent que ces études accusent aussi des faiblesses méthodologiques et comportent un ordre temporel des facteurs qui n'est pas clair.

 Les études sur les symptômes de «menaces ou de neutralisation des mécanismes de contrôle». Il s'agit d'études guidées par une théorie présentée comme démontrant une association entre la maladie mentale et la violence lorsqu'il y a une perception de menaces ou de neutralisation des mécanismes de contrôle personnel. Les auteurs soutiennent que ce type d'étude contrôle les facteurs comme la désirabilité sociale et le lien de causalité inverse et, partant, permet d'appuyer fortement une association entre la maladie mentale et la violence.

Les auteurs terminent leur examen en indiquant qu'il y a quatre perspectives relatives à l'association : a) il n'y a pas d'association, surtout causale, et ceci est réfuté par la preuve contraire croissante; b) il y a une association, mais elle est illusoire en raison des limites d'ordre méthodologique et l'uniformité des résultats d'une étude à l'autre contrebalance ce phénomène de sorte que les limites de certaines sont contrôlées par les forces d'autres, et vice versa; c) l'association est causale et cette affirmation est confirmée par l'uniformité des résultats des différentes approches méthodologiques et par l'échec d'une hypothèse concurrente de rechange, et d) il y a une association, mais des facteurs sociaux multiples s'y rattachant constituent des variables intermédiaires. Les auteurs indiquent que cette perspective pourrait fort bien fournir l'explication nécessaire pour établir une association et qu' «il est possible que la maladie mentale ne mène à un comportement violent que dans certaines conditions». Ils en arrivent à la conclusion que ce contexte «gagnerait à être examiné de plus près et bien délimité». Finalement, les auteurs recommandent d'entreprendre des études épidémiologiques prévoyant de meilleures mesures et des modèles adéquats. De façon plus précise, ils recommandent un modèle épidémiologique de cohortes qui a) précise les troubles mentaux visés; b) prévoit le suivi d'échantillons représentatifs de sujets n'ayant pas d'antécédents de maladie mentale, et c) compare la participation subséquente des groupes à des actes violents.

Mesnikoff, A.M. et Lauterbach, C.G. (1976). The association of violent dangerous behaviour with psychiatrie disorders : A review of the research literature, journal of Psychiatry and the Law, vol. 3, p. 415-445.
Les auteurs font un résumé détaillé des recherches portant sur les quatre questions suivantes : a) les troubles mentaux chez les criminels, b) la violence chez les anciens patients des hôpitaux psychiatriques, c) la violence reliée à un dysfonctionnement cérébral organique et d) la prévision de la violence chez les patients psychiatriques. Fait intéressant, ils observent que les études réalisées avant 1960 indiquaient que la fréquence des comportements criminels violents chez les anciens patients n'était pas supérieure ou inférieure à celle enregistrée dans la population générale. Cependant, les études menées ultérieurement indiquent que les anciens patients des hôpitaux psychiatriques qui vivent dans la collectivité commettent autant de crimes avec violence que les autres citoyens et que, dans certains groupes, les taux sont plus élevés que dans la population générale. Malheureusement, les auteurs n'ont pas procédé à un examen critique des méthodes appliquées par ces chercheurs. Ils ne proposent aucune explication concernant l'écart constaté dans les résultats de ces deux séries d'études.
Monahan, J. (1984). The prédiction of violent behaviour : Toward a second generation of theory and policy, American Journal of Psychiatry, vol. 141, no1, p. 10-15.
Dans cet article, Monahan brosse un tableau des travaux de recherche publiés au cours des dernières décennies qui avaient pour but de déterminer les variables prédictives de la violence chez les malades mentaux. Les études de la première génération, qui ont été réalisées dans les années 1970, démontrent que les dispensateurs de soins en santé mentale n'ont pas réussi à déterminer avec précision les facteurs permettant de prévoir la violence ou la dangerosité chez les malades mentaux. Même dans des circonstances idéales où ils ont pu procéder à des évaluations détaillées, leurs conclusions se sont révélées deux fois plus souvent erronées que justes. Un grand nombre de personnes s'appuient sur cette recherche pour affirmer qu'il faudrait modifier le critère de la dangerosité sur lequel reposent la plupart des lois en matière d'internement civil. Au sein du système de justice pénale, cette recherche a soulevé des questions importantes concernant la possibilité d'infliger des peines d'emprisonnement d'une durée indéterminée à certains types de délinquants dangereux. Les auteurs des études de la deuxième génération ont reconnu que, s'il n'est pas possible de prévoir la violence en général, il est néanmoins possible de prévoir la violence avec un degré de précision acceptable dans certaines circonstances. Ainsi, les chercheurs de la deuxième génération font preuve d'un optimisme prudent et croient que certaines améliorations sont possibles dans le domaine des prévisions cliniques. Monahan soutient que les chercheurs devront s'intéresser à l'avenir aux prévisions actuarielles, qui permettent de prendre en considération les variables cliniques et les variables conjoncturelles pertinentes, et aux prévisions de la violence à court terme dans les échantillons prélevés dans la collectivité.
Monahan, J. (1992). Mental disorder and violent behaviour, American Psychologist, vol. 47, no 4, p. 511-521.
Dans un article publié en 1983 (voir ci-dessous), Monahan et Steadman avaient entrepris de démontrer qu'il n'y a pas de relation entre la maladie mentale et la violence. Or, dans l'article présenté ici, Monahan expose le point de vue contraire. Il présente les résultats et les conclusions sur lesquels il s'est appuyé pour réviser son opinion sur la question. Il commence par examiner la façon dont la maladie mentale et la violence ont été perçues à différentes époques et dans différentes cultures et fait remarquer qu'un lien entre ces deux phénomènes a persisté à travers les générations et de nombreux milieux sociaux différents. Il indique que les conceptions modernes de la maladie mentale et de la violence sont peut-être façonnées par la télévision, car on a constaté que 17 p. 100 des émissions dramatiques diffusées à la télévision américaine durant les heures de grande écoute présentent un personnage atteint de maladie mentale et que, dans 73 p. 100 des cas, ce personnage est violent, alors que seulement 40 p. 100 des personnages non atteints de troubles mentaux sont violents. Vingt-trois pour cent des personnages atteints de troubles mentaux commettent un homicide, comparativement à 10 p. 100 des personnages ne souffrant pas d'une maladie mentale. En ce qui concerne les opinions des professionnels sur cette question, Monahan indique qu'il y a seulement deux groupes de professionnels qui sont d'avis que les malades mentaux ne sont pas plus violents que les autres individus : les groupes de défense des malades mentaux et les scientifiques de l'école behavioriste.

Il résume ensuite des résultats d'études publiées dans un certain nombre de domaines, en s'intéressant en particulier aux résultats suivants : a) la fréquence des comportements violents chez les personnes atteintes de troubles mentaux dans des échantillons de patients et des échantillons prélevés dans la collectivité et b) la prévalence des troubles mentaux chez les personnes qui commettent des actes de violence dans des échantillons de criminels et des échantillons prélevés dans la collectivité. Comme les études réalisées sur chacun de ces phénomènes démontrent qu'il y a une relation entre la maladie mentale et la violence, Monahan conclut que la maladie mentale peut, effectivement, être associée à la violence.

Monahan, J. et Steadman, H.J. (1983). Crime and mental disorder : An epidemiological approach. In M. Tonry et N. Morris (éd.), Review of Research, vol. 4, p. 145-189, University of Chicago Press, Chicago.
Voir aussi : Monahan, J. (1992). Mental disorder and violent behaviour, American Psychologist, vol. 47, no 4, p. 511-521 (voir l'étude ci-dessus).

Voir aussi (pour un examen de la même question) : Monahan, J. (1993). Mental Disorder and Violence: Another Look. In Hodgins, S. (éd.), Mental Disorder and Crime (p. 287-302), Newbury Park, Sage Publications.

Cette étude est, encore aujourd'hui, celle qui est considérée comme la plus importante parmi toutes celles qui appuient la thèse selon laquelle il n'y aurait pas de relation entre la maladie mentale et la criminalité. Les auteurs ont adopté ce qu'ils ont décrit comme un cadre analytique propre à l'épidémiologie pour tenter de mieux comprendre la relation entre la maladie mentale et la criminalité. Ils attirent l'attention des lecteurs sur une distinction importante en épidémiologie : la différence entre la fréquence réelle de la maladie mentale et de la criminalité (c'est-à-dire le taux vrai) et la fréquence avec laquelle on attire l'attention du public sur ces deux phénomènes (c.-à-d. le taux «traité»). Les auteurs parlent de la difficulté de formuler des définitions appropriées ou de trouver des indicateurs de la fréquence réelle de la criminalité et de la maladie mentale aux fins de l'établissement des politiques et des procédures. Ils estiment que les arrestations constituent un indice des comportements criminels réels, mais reconnaissent que (Je nombreux actes criminels sont commis par des personnes qui ne se font jamais arrêter. Au moment où les auteurs ont rédigé cet article, il y avait très peu de résultats indiquant que la proportion des personnes atteintes d'un trouble mental grave était plus élevée chez les personnes arrêtées que dans la population générale. De plus, jusque-là, aucun chercheur n'avait tenté de déterminer la prévalence réelle de la maladie mentale et la fréquence réelle de la criminalité dans la population générale.

Les auteurs ont donc conclu qu'il n'y avait pas de preuves consistantes permettant d'affirmer que la fréquence réelle des comportements criminels chez les anciens patients psychiatriques était supérieure à la fréquence réelle de la criminalité dans la population générale. De même, ils n'ont pas trouvé de preuves consistantes appuyant l'hypothèse que la prévalence réelle des troubles psychotiques chez les détenus serait supérieure à la prévalence de ces troubles dans la population générale, lorsque la variable «statut socioéconomique» était contrôlée. En ce qui concerne les troubles non psychotiques, ils ont conclu, avec prudence toutefois, que la prévalence réelle de ces troubles dans les populations carcérales était plus élevée que dans les groupes témoins ayant des caractéristiques démographiques semblables. Ils n'ont pu tirer de conclusion analogue concernant les taux d'hospitalisation psychiatrique chez les détenus, car il n'y avait pas de données correspondantes pour la population témoin. Certains résultats indiquaient que les taux de condamnation et d'incarcération étaient plus élevés chez les personnes qui avaient été hospitalisées pour un trouble mental que dans la population générale. mais les auteurs ont estimé que cet écart pouvait être associé à des variables démographiques constituant des facteurs de confusion. Un écart important a été constaté entre les taux d'arrestation ultérieure de différents types de délinquants atteints de troubles mentaux, mais cet écart pouvait s'expliquer en grande partie par les antécédents criminels et les caractéristiques démographiques. Les auteurs ont conclu que, lorsque les facteurs démographiques et les autres facteurs de confusion sont pris en considération, il n'y a pas de relation entre les taux réels de criminalité et la maladie mentale.

Morissette, Louis (1986). Criminalité et violence chez les malades mentaux traités dans la communauté : Prévention possible? L'Union médicale du Canada, vol. 115, p. 690-744.

L'auteur a entrepris un examen de la littérature afin d'élucider les tendances indicatives d'une association entre la maladie mentale et la criminalité, de fournir un aperçu des stratégies de prévention et de formuler des observations sur les mesures législatives pertinentes au Québec concernant le traitement des malades mentaux. L'auteur a divisé la littérature en deux périodes, avant et après 1965. Le point de démarcation est justifié car c'est en 1965 qu'a été publié le premier document dans lequel il était avancé que les malades mentaux traités dans la collectivité étaient plus susceptibles d'être incarcérés que la population générale, et ce tant pour crimes contre les biens que pour crimes contre la personne. Auparavant, la sagesse dictait de penser que les malades mentaux ne représentaient pas un risque de criminalité supérieur et que leur criminalité n'était pas grave. À compter de 1965, les intervenants ont estimé que le taux de criminalité et de dangerosité étaient plus élevés chez les malades mentaux traités dans la collectivité que chez la population générale. Même si l'admission dans un établissement psychiatrique ne constituait pas en soi un prédicteur d'une plus forte criminalité, l'augmentation des taux d'arrestation chez les malades mentaux tenait surtout à des criminels psychiatrisés, c'est-à-dire à des malades mentaux ayant des antécédents criminels. Les malades psychiatriques souffrant de troubles de la personnalité et de toxicomanies avaient un profil criminel semblable à celui des criminels communs, de même qu'un taux de récidive similaire. Ces patients partageaient des caractéristiques communes, à savoir qu'il s'agissait habituellement de jeunes célibataires de sexe masculin, sans emploi, mal instruits et issus d'un foyer défavorisé et désordonné. Le nombre de patients de ce type avait augmenté au cours des dernières années et pouvait expliquer le taux d'arrestation supérieur des malades mentaux. L'auteur indique que, même si le taux de criminalité semble être le même chez les patients psychotiques et dans la population générale, il n'en demeure pas moins qu'il est impossible de nier que les patients psychotiques commettent effectivement des crimes violents graves.

L'auteur termine son exposé en présentant des directives cliniques pratiques pour prévenir le comportement violent chez les patients psychotiques et propose des modifications à apporter à la législation sur la santé mentale qui pourraient faciliter la prévention de la victimisation par le truchement de contrôles juridiques plus appropriés.

Morrissey, J.P. et Goldman, H.H. (1981). The Enduring Asylum, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 4, p. 13-34.
Les auteurs ont fait l'historique du Worcester State Hospital du Massachusetts d'un point de vue social afin d'illustrer les réformes cycliques qui ont eu lieu au cours des 150 dernières années dans le domaine des soins offerts aux malades mentaux, plus précisément les mouvements de désinstitutionnalisation et d'institutionnalisation. L'histoire d'un hôpital représente un microcosme des tendances plus générales dans le domaine des soins de santé mentale et sert de toile de fond pour l'étude de différents problèmes reliés à la prestation des services dans ce domaine. Par exemple, le Worcester State Hospital a été fondé dans un contexte de réforme sociale en réponse aux critiques formulées à l'égard du traitement inhumain réservé aux malades mentaux dans les asiles et les prisons. Il est devenu le prototype des hôpitaux psychiatriques publics en Amérique. Cependant, en 1850, l'accent était mis sur la répression sociale, et l'hospitalisation était devenue l'un des principaux mécanismes de contrôle social, car les hôpitaux psychiatriques accueillaient le plus grand nombre de patients possible au moindre coût. En 1896, l'hôpital a subi les effets d'une seconde vague de réformes, avec la nomination du Dr Adolf Meyer, qui a transformé l'établissement en un important centre d'enseignement et de recherche, modifiant ainsi complètement l'idée qu'on se faisait alors d'un hôpital psychiatrique. Par la suite, des vagues successives de réformes ont fait sentir leurs effets : mouvement vers les services communautaires en santé, mentale, désinstitutionnalisation, démédicalisation et décentralisation. Les auteurs lancent une mise en garde aux décideurs : sans un financement constant des services communautaires, l'hôpital psychiatrique public continuera probablement à servir de «dépôt» pour les indésirables.
Mulvey, E.P. (1994). Assessing the evidence of a link between mental illness and violence, Hospital and Community Psychiatry, vol. 45, no 7, p. 663-668.
Mulvey souligne que la question des preuves relatives à l'existence d'une relation entre la maladie mentale et la violence constitue une question fondamentale dans le débat entourant le recours à l'hospitalisation involontaire et à l'établissement de services communautaires permettant de lutter contre la violence chez les malades mentaux. Bien que des rapports cliniques démontrent que certaines personnes manifestent un comportement violent sous l'influence d'idées irrationnelles, l'interprétation des résultats d'études antérieures a conduit un bon nombre de personnes à penser qu'il n'existe pas de preuves consistantes et convaincantes permettant d'établir un lien entre la maladie mentale et la violence dans la collectivité. Cependant, les résultats de certaines études, par exemple celles qui ont porté sur des sujets des zones de recrutement des épidémiologistes aux États-Unis (voir Swanson et coll., 1990, p. 49 de ce rapport), ont ranimé le débat sur cette question. Étant donné l'importance de cette question dans le contexte des services communautaires offerts aux malades mentaux, Mulvey soutient qu'il faut procéder à un examen très minutieux des études réalisées dans ce domaine. Il résume les résultats de plusieurs études empiriques montrant des associations entre la maladie mentale et la violence dans un certain nombre de milieux. Il souligne cependant qu'il n'y a pas de résultats indiquant clairement l'existence d'un lien causal entre les deux phénomènes. Il précise qu'il faudra mener des études différentes de celles qui ont été réalisées jusqu'ici pour distinguer les variables causales. Il formule, à ce sujet, les recommandations suivantes : accorder une plus grande attention aux problèmes statistiques reliés à l'établissement d'associations pertinentes sur le plan clinique, recourir à des groupes témoins appropriés, c'est-à-dire composés de personnes vivant dans la collectivité qui ne souffrent pas d'une maladie mentale et qui ont des caractéristiques démographiques semblables au groupe à l'étude, accorder plus d'importance aux autres variables pouvant être associées à la violence ou à la criminalité, opérationnaliser les concepts (comme celui de la violence) avec plus de soin et élaborer des théories plausibles sur la relation entre la maladie mentale et la violence. Il conclut que la thèse selon laquelle il y aurait un lien entre la violence et la maladie mentale dans la collectivité ne semble plus être plausible, mais que les connaissances scientifiques acquises jusqu'à ce jour sont guère utiles pour tirer des conclusions définitives au sujet de cette relation.
Mulvey, E.P., Blumstein, A. et Cohen, J. (1986). Reframing the research question of mental patient criminality, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 9, p. 57-65.
L'intérêt manifesté à l'égard de la relation entre la maladie mentale et la criminalité est motivé par la nécessité de comprendre les conséquences sociales des politiques de désinstitutionnalisation et par la nécessité, sur le plan clinique, d'établir des lignes directrices pour la prévision de la dangerosité. Les premiers chercheurs qui se sont intéressés à cette question (avant le début des années 1960) ont toujours fait état d'un faible risque de criminalité chez les malades mentaux, qu'ils estimaient à un quinzième du taux enregistré dans la population générale. Ces résultats s'expliquent probablement par le critère de sélection suivant lequel seuls les individus qui présentaient peu de risque étaient autorisés à quitter l'hôpital et par le fait que ces malades faisaient l'objet d'une surveillance étroite dans la collectivité. Les chercheurs qui se sont intéressés à la question après les années 1960 ont constaté en général un risque plus élevé de criminalité chez les malades mentaux. Cependant, il semble que les taux d'arrestation chez les malades mentaux ont augmenté et les arrestations antérieures semblent être un facteur ayant une influence considérable sur la probabilité qu'une personne souffrant d'un trouble mental soit arrêtée à nouveau après un séjour à l'hôpital. La plupart des études démontrent que les taux d'arrestation chez les anciens patients qui n'ont jamais été arrêtés par le passé sont inférieurs à ceux enregistrés dans la population générale. Des résultats récents indiquent que les personnes qui ont été arrêtées à plusieurs reprises dans le passé sont beaucoup plus susceptibles d'être arrêtées à nouveau que celles qui n'ont été arrêtées qu'une fois auparavant. Ces résultats donnent à penser que les crimes commis par un petit nombre de délinquants atteints de troubles mentaux permettent d'expliquer les taux d'arrestation généralement supérieurs enregistrés dans cette population. Les auteurs soutiennent qu'il est essentiel d'acquérir une meilleure connaissance de ce groupe de délinquants pour être en mesure d'établir des politiques appropriées. Ils sont d'avis que les études longitudinales ayant pour but de suivre l'évolution des carrières criminelles constituent le moyen le plus efficace d'obtenir des renseignements sur la relation entre la maladie mentale et la criminalité, renseignements qui permettront d'interpréter les résultats dans un contexte individuel, plutôt qu'à l'échelle du groupe.
Rabkin, J.G. (1979). Criminal behaviour of discharged mental patients: A critical appraisal of the research, Psychological Bulletin, vol. 86, no 1, p. 1-27.
Les attitudes négatives et les craintes des citoyens à l'égard des malades mentaux. constituent, selon l'auteur, un obstacle persistant à la réalisation des objectifs de traitement dans la collectivité. L'opposition des citoyens au traitement des malades mentaux dans la collectivité découle principalement de l'idée qu'ils se font des malades mentaux, qu'ils voient comme des êtres imprévisibles et dangereux. L'auteur a examiné la littérature portant sur les arrestations chez d'anciens patients d'hôpitaux psychiatriques en accordant une attention particulière aux études prospectives d'envergure. Selon lui, les études rétrospectives ne peuvent guère nous éclairer sur ces questions, car les malades mentaux sont traités différemment des autres délinquants au sein du système de justice pénale. Rabkin souligne que les données sur les arrestations et les condamnations entraînent une sous-estimation de l'ampleur des crimes commis et, partant, une sous-estimation de la fréquence de la violence. Une autre source d'erreur tient au fait que les malades mentaux peuvent être déjudiciarisés (s'ils sont hospitalisés ou acquittés pour cause d'aliénation mentale) même s'ils ont commis un crime. En outre, il arrive que l'accusation soit réduite. Ainsi, il peut y avoir une diminution des taux d'arrestation en général chez les malades mentaux ainsi qu'une réduction de la gravité des infractions, surtout dans le cas des malades qui ne sont pas des toxicomanes. Les études sur les contacts entre policiers et citoyens permettent d'éliminer une partie de ces difficultés, mais elles sous-estiment effectivement l'ampleur de la criminalité. Un autre problème important, sur le plan méthodologique, est la non-équivalence des échantillons de malades mentaux avec les échantillons de la population générale sous l'angle des facteurs sociaux et démographiques. Peu de chercheurs comparent les groupes de patients avec des groupes semblables sur le plan sociodémographique. Rabkin conclut, en tenant compte de ces problèmes méthodologiques et en s'appuyant sur les données recueillies, que les anciens patients psychiatriques ne sont pas beaucoup plus susceptibles que les autres de manifester des comportements dangereux ou illicites, mais qu'il n'y a pas de preuves indiquant qu'ils présentent plus de risque en raison de leur état mental.
Schellenberg, E.G., Wasylenki, D., Webster, C.D. et Goering, P. (1992). A review of arrests among psychiatric patients, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 15, p. 251-264.
Après avoir pris connaissance des articles sur les arrestations chez les patients psychiatriques qui ont été publiés depuis 1980, les auteurs concluent que selon les recherches menées jusqu'à ce jour, entre le tiers et la moitié des anciens patients psychiatriques ont été arrêtés au moins une fois. Ils expliquent que les résultats des études faisant état de pourcentages élevés de patients ayant déjà été arrêtés ne précisent pas les motifs d'arrestation. En s'appuyant sur leur examen de la littérature, ils avancent que les taux d'arrestation peuvent être surestimés ou sous-estimés. Il est possible que les autorités aient recours à l'arrestation pour placer les malades mentaux dans des établissements où ils pourront recevoir des soins. Si c'est le cas, il se peut alors que les malades mentaux soient arrêtés pour des crimes qui passent souvent inaperçus lorsqu'ils sont commis par d'autres citoyens. Ainsi, il se peut que le pourcentage des malades ayant été arrêtés soit en quelque sorte gonflé. D'un autre côté, il est probable que la maladie mentale protège les personnes qui en sont atteintes contre les arrestations. Il est donc possible également que le pourcentage des malades mentaux qui sont arrêtés soit sous-estimé dans une plus grande mesure que le pourcentage comparable dans la population générale. Si on examine les données sur les arrestations à la suite d'une hospitalisation, on constate qu'environ un malade mental sur treize par année fait face à une arrestation après un séjour dans un établissement psychiatrique. Moins du cinquième de ces arrestations se rapportent à des crimes avec violence.

Les auteurs ont examiné un certain nombre de facteurs et ont constaté que certains de ceux qui permettent de prévoir les arrestations dans la population générale permettent également de prévoir les arrestations chez les anciens patients psychiatriques. Les malades mentaux qui ont déjà été arrêtés, qui sont jeunes, de sexe masculin, de couleur et sans abri sont plus susceptibles d'être arrêtés que les autres malades mentaux. En ce qui concerne la nature des troubles mentaux, les résultats permettent de croire que les toxicomanes sont plus susceptibles de se faire arrêter que les autres malades mentaux.

Shah, A.K., Fineberg, N.A. et James, D.V. (1991). Violence among psychiatrie inpatients. Acta Psychiatrica Scandinavica, vol. 84, p. 305-309.
Les auteurs ont passé en revue la littérature traitant de la violence chez les malades psychiatriques hospitalisés et discutent des associations possibles et des lacunes d'ordre méthodologique. La première question soulevée porte sur l'absence d'une définition commune de la violence. Les sujets abordés varient de la violence verbale ou du comportement menaçant aux blessures autoinfligées à la violence grave contre autrui. Le manque de comparabilité entre les études est exacerbé par l'emploi de populations différentes et de méthodes différentes de collecte des données. Par exemple, les patients ont été étudiés dans une vaste gamme de milieux, y compris les vieux quartiers pauvres, les régions semi-rurales, les grands asiles, les petites unités, les unités médico-légales, les établissements pour les déficients mentaux, les unités de psychogériatrie, etc. Les données ont été recueillies à l'aide des rapports d'incidents, de la documentation habituelle des services et d'échelles conçues à cette fin. Nombre des études n'ont pas prévu de groupe témoin, ce qui fait qu'il est difficile de déterminer si les niveaux de violence observés sont plus élevés ou plus bas que prévu.

En dépit de ces difficultés, il est possible de tirer un certain nombre de conclusions provisoires. Les patients plus jeunes semblent être plus violents que les patients plus âgés. La violence avant l'admission est associée à la violence après l'admission., et les patients chez qui la schizophrénie a été diagnostiquée, particulièrement ceux qui affichent une pensée désorganisée ou des idées délirantes, sont plus susceptibles d'être violents au cours de leur admission. La dépression semble être associée de façon négative à la violence envers autrui. Parmi les sujets psychogériatriques, la violence est associée aux sujets de sexe masculin, à l'âge croissant, à la durée de séjour croissante, à un, diagnostic de démence, à la sévérité du trouble cognitif, et à l'atrophie du lobe temporal. Chez les déficients mentaux, la violence a été associée à des tracés d'électroencéphalogrammes anormaux. Pour ce qui est des variables relatives aux services, la violence est plus courante dans les unités de soins psychiatriques intensifs et survient souvent au cours de la matinée. Il se produit moins de violence les fins de semaine ou la nuit. Le surpeuplement des malades ou l'absence d'un personnel spécialisé peut provoquer de la violence.

Siever, L. et Trestinan, RL. (1993). The serotonin system and agressive personality disorder. International Clinical Psychopharmacology, vol. 8 (suppl.), no 2, p. 33-39.
Dans cet article, les auteurs passent en revue les preuves à l'appui d'une association entre des modèles de comportement pathologiques bien précis et un trouble spécifique des neurotransmetteurs. Ils concluent que la sérotonine est peut-être en cause dans l'impulsivité et l'agression (p. ex. agression planifiée) alors que la noradréaline est incriminée dans l'impulsivité et les réactions environnementales (p. ex. réaction de fuite ou d'agression), mais que toutes deux sont associées aux états dépressifs. De façon plus précise, les auteurs passent en revue les preuves fournies par les études portant sur la réaction de la prolactine à la fenfluramine chez les patients souffrant d'une grande dépression (30) et chez des patients atteints de troubles de la personnalité (20), particulièrement les troubles de la personnalité limite. Les deux groupes de patients présentaient une réponse émoussée lorsqu'on les comparait à des groupes témoins normaux. L'émoussement de la réponse était plus prononcé chez les sujets ayant fait des tentatives de suicide. Selon la conclusion à laquelle en sont arrivés les auteurs de ces études, l'impulsivité et l'agressivité sont fortement et inversement corrélées à la réaction de la prolactine à la fenfluramine et un trouble dysénergique est important dans les troubles de la personnalité limite. Toujours selon ces auteurs, ces constatations ont un important retentissement sur l'élaboration de médicaments, particulièrement en ce qui concerne la capacité des inhibiteurs de la réasorption de la sérotonine d'atténuer les comportements impulsifs et agressifs chez certains patients souffrant de troubles de la personnalité.
Steadman, H.J. (1981). Critically reassessing the accuracy of public perceptions of the dangerousness of the mentally ill. Journal of Health and Social Behaviour, vol. 22, p. 310-316.
Steadman soutient que la recherche récente sur les populations contemporaines d'ex-patients mentaux appuie les craintes du public quant à la dangerosité; des malades mentaux. Les attitudes du public sont largement façonnées par le comportement perturbé, souvent relaté dans la presse, de personnes qui ont auparavant été définies comme étant des malades mentaux, plutôt que par un contact avec de tels patients. Il faut donc se demander comment les comportements adoptés effectivement par d'ex-patients mentaux ou les malades mentaux en général se comparent aux comportements dépeints dans une présentation spectaculaire dans les médias. Selon la réponse populaire donnée par les professionnels de la santé, il y a un écart fort important. Cependant, de récentes données sur les taux d'arrestation d'ex-patients mentaux laissent supposer que cet écart est peut-être en train de diminuer. Des études effectuées plus tôt, soit entre 1922 et 1954, et portant sur les taux d'arrestation chez d'ex-patients mentaux suivant leur congé de l'hôpital ont fait état, de façon consistante, de taux d'arrestation inférieurs à ceux de la population générale. Des données encore plus récentes font état d'un taux d'arrestation supérieur chez les ex-patients mentaux, particulièrement chez ceux qui ont été appréhendés avant leur hospitalisation. De plus, de récentes études montrent que la proportion de personnes dans les populations de malades mentaux ayant des antécédents d'arrestations augmente et que cette augmentation constitue peut-être l'une des explications des constatations plus récentes concernant une criminalité accrue chez les ex-patients mentaux. Bien qu'il s'agisse sans conteste d'un facteur atténuant dans la compréhension de la relation entre la maladie mentale et la criminalité, le public perçoit quiconque obtient son congé d'un établissement psychiatrique comme un ex-patient mental et ne tiendra guère compte des antécédents criminels.

Une seconde explication de la criminalité croissante apparente chez d'ex-patients mentaux réside peut-être dans le fait qu'avant la  ésinstitutionnalisation, ces personnes ont été détenues à l'hôpital au cours des périodes où elles étaient les plus susceptibles de commettre des crimes. Cette explication est étayée de données démontrant que l'âge moyen des patients mentaux ayant obtenu leur congé a baissé pour se situer à moins de 40 ans - l'âge auquel l'activité criminelle est la plus prononcée. Il se peut que les ex-patients mentaux soient plus susceptibles d'être appréhendés que les sujets n'ayant pas d'antécédents d'hospitalisations dans un établissement psychiatrique et ce phénomène peut exagérer l'incidence de leur comportement criminel. Il est toutefois guère probable que ce phénomène explique les différences de triple portée dans les taux d'arrestation entre les ex-patients mentaux et la population générale. Steadman conclut qu'il ne semble plus soutenable de garantir aux associations communautaires que les ex-patients mentaux sont moins dangereux, du point de vue statistique, que leurs voisins. Étant donné leur propension statistique accrue à la criminalité, ils représentent effectivement un certain risque pour la collectivité. Les craintes du public sont justifiées. Pour améliorer cette situation, il faut aborder sans tarder les croyances de base quant au caractère imprévisible des malades mentaux, particulièrement le caractère imprévisible de la dangerosité. Les professionnels de la santé mentale doivent reconnaître la mesure dans laquelle les ex-patients mentaux peuvent menacer la sécurité publique et exposer le public à un contact plus direct (plutôt qu'indirect) avec les malades mentaux.

Teplin, L.A. (1983). The criminalization of the mentally ill : Speculation in search of data, Psychological Bulletin, vol. 94, no 1, p. 54-67.
Teplin fait une excellente évaluation critique des arguments invoqués pour affirmer que les malades mentaux sont criminalisés. Elle fait remarquer que les études empiriques portant sur cette question présentent de nombreux problèmes. Elle a constaté, et ce point présente un intérêt particulier dans le cadre de notre examen, que les études où les taux d'arrestation chez d'anciens patients psychiatriques ont été comparés aux taux d'arrestation dans la population générale, et qui avaient pour but d'évaluer le degré relatif de dangerosité des anciens patients psychiatriques, nous éclairent sur la question de la criminalisation. Plus précisément, elle soutient qu'on devrait observer des taux d'arrestation plus élevés chez les malades mentaux que chez les autres citoyens si les malades mentaux sont effectivement criminalisés. Dans ce cas, la relation entre la maladie mentale et la criminalité serait le résultat de facteurs administratifs et de facteurs reliés aux programmes, et il ne s'agirait pas d'une relation étiologique. Selon elle, les taux d'arrestation apparemment élevés chez les malades mentaux ayant déjà été hospitalisés peuvent s'expliquer par la proportion élevée de personnes ayant des casiers judiciaires qui séjournent dans les hôpitaux psychiatriques. Chez les anciens patients psychiatriques qui n'ont pas de casier judiciaire, les taux d'arrestation sont comparables à ceux enregistrés dans la population générale. En outre, les résultats des études qui avaient pour but de déterminer dans quelle mesure les malades mentaux n'ayant jamais été hospitalisés font face au système de justice pénale ne sont pas concluants.

Teplin affirme également qu'il est important de comprendre l'usage que font les policiers de leur pouvoir discrétionnaire auprès des malades mentaux. Bien que les chercheurs qui ont examiné cette question ne soient pas tous arrivés aux mêmes résultats, elle est d'avis que les interventions des policiers ont pour effet de criminaliser les malades mentaux. Quant aux études qui portent sur la prévalence de la maladie mentale dans les prisons, comme elles comportent des erreurs méthodologiques, elles ne fournissent pas de preuves convaincantes à l'appui de l'hypothèse de la criminalisation. Elle conclut (lue les études empiriques réalisées jusqu'à ce jour ne permettent pas de tirer des conclusions définitives sur l'hypothèse de la criminalisation.

Torrey, E.F. (1994). Violent behaviour by individuels with serions mental illness, Hospital and Community Psychiatry, vol. 45, p. 653-662.
Torrey a examiné des études scientifiques et des reportages portant sur la relation entre la maladie mental e et la violence. Elle a classé les articles scientifiques en cinq catégories selon la population à l'étude : 1) les personnes qui ont été arrêtées, 2) les malades mentaux hospitalisés, 3) les malades mentaux en consultation externe, 4) les familles dont un membre est atteint d'une maladie mentale grave et 5) les personnes atteintes d'une maladie mentale grave, et que des sondages dans la population générale ont permis de découvrir. Les résultats des études portant sur des personnes qui ont été arrêtées indiquent que, dans les études antérieures à la désinstitutionnalisation, les taux d'arrestation chez ces personnes étaient moins élevés que prévu et que, dans les études ultérieures, ils étaient plus élevés que prévu. Torrey souligne cependant que les taux d'arrestation seuls ne constituent pas une mesure valable de la violence, car la majeure partie des arrestations ont trait à des crimes sans violence, et que cela est particulièrement vrai dans le cas des personnes atteintes d'une maladie mentale, qui risquent d'être «criminalisées» pour des délits reliés à une inconduite. Comme les actes de violence sont un des principaux critères suivant lesquels on décide d'hospitaliser un malade mental, les études portant sur des malades mentaux hospitalisés présentent des problèmes importants. Les études qui portent sur des malades mentaux qui ont reçu leur congé d'un hôpital psychiatrique peuvent comporter une sous-estimation de la violence parce que seuls les patients qui ne présentent pas de risque de violence sont autorisés à quitter l'hôpital. Les études portant sur des patients en consultation externe montrent une association entre un risque supérieur de violence et des symptômes de psychose.

Par ailleurs, il est possible que les membres des familles des malades mentaux courent un plus grand risque d'être victimes de violence, question sur laquelle s'est penchée en 1990 la National Alliance for the Mentally Ill. Les chercheurs ont estimé que, dans 10,6 p. 100 des familles où une personne était atteinte d'une maladie mentale grave, un des membres de la famille avait été blessé et que, dans 12,2 p. 100 des familles, il y avait eu des menaces de blessures.

Les enquêtes transversales menées dans la population générale montrent une relation entre la violence et la maladie mentale. Torrey conclut que même si la grande majorité des malades mentaux ne sont pas plus violents que les autres individus, mais qu'il existe un sous-groupe de malades mentaux violents. Dans le cas des personnes atteintes d'une maladie mentale grave, des antécédents de violence conjugués à un problème de toxicomanie et à l'inobservation des prescriptions médicales sont des facteurs qui semblent accroître le risque. Face à ces résultats, Torrey recommande un certain nombre de mesures restrictives : que le critère de l'internement involontaire tienne compte de ces variables prédictives de la violence, que le droit de traiter un patient avec des médicaments sans son consentement soit inclus d'office dans le droit de procéder à une hospitalisation involontaire, qu'on envisage d'exiger des patients en consultation externe qu'ils s'engagent à se soumettre à un traitement et à une surveillance dans la collectivité, que les personnes ayant des antécédents de violence ne soient pas autorisées à vivre dans la collectivité et que des mécanismes soient mis en place pour s'assurer que les malades mentaux qui vivent dans la collectivité prennent les médicaments qui leur ont été prescrits.

Whitmer, G.E. (1980). From hospitals to jails : The fate of California's deinstitutionalized mentally ill, American Journal of Orthopsychiatry, vol. 50, no1, p. 65-75.
Cet article, qui est devenu classique, décrit ce qu'on croit être les conséquences des réformes en santé mentale qui ont conduit à la désinstitutionnalisation. La principale thèse défendue dans cet article est que la Short Act of 1968 de la Californie (Lanterman, Petris ) (la première loi ayant remplacé le critère de l'internement involontaire par le critère de la dangerosité) a entraîné la «criminalisation des malades mentaux». Whitmer décrit le processus par lequel des malades mentaux se retrouvent devant une cour de justice, accusés de crimes qui sont symptomatiques de leur maladie. Il décrit une foule de facteurs, certains reliés aux programmes (soins inappropriés ou inefficaces offerts dans la collectivité), certains de nature clinique (hésitation à entreprendre un traitement, inobservation des prescriptions médicales, résistance au traitement) et d'autres de nature juridique (critère de la dangerosité), qui ont entraîné la déchéance d'un grand nombre de personnes souffrant d'une maladie mentale chronique, et leur criminalisation subséquente. Il qualifie ces patients de «laissés pour compte par les soins de santé mentale».
 
 

Appendice B :
glossaire

Le glossaire qui suit vise à aider les lecteurs à comprendre la terminologie scientifique et technique utilisée dans le présent document. À moins d'indications contraires, les définitions sont adaptées de Last (1988), A Dictionary of Epidemiology (2e édition), Toronto, Oxford University Press, et de Rothman (1986), Modern Epidemiology, Boston, Little, Brown and Company.

Ajustement statistique : un mécanisme utilisé pour réduire les différences dans la composition de deux groupes de sorte que ceux-ci puissent être comparés équitablement en ce qui concerne un résultat d'intérêt. Les comparaisons non ajustées peuvent mener à des conclusions biaisées.

Biais : une erreur dans la conception de l'étude, dans la collecte des données ou dans l'interprétation, laquelle peut mener à des conclusions fautives. Le biais peut être le résultat de la mauvaise classification des sujets à l'étude pour ce qui est de soit l'exposition, soit des facteurs influant sur les résultats, ou encore, tenir au fait que l'on a étudié des groupes sélectifs de sujets comme des patients mentaux ou des détenus. Les facteurs de confusion (décrits ci-dessous) constituent une troisième source de biais qui doit être contrôlée pour en arriver à une inférence causale.

Biais de sélection : une erreur attribuable à des différences systématiques des caractéristiques des sujets choisis pour l'étude (p. ex. les malades mentaux ou les détenus) et de la population dans laquelle ils ont été choisis (tous les malades mentaux ou toutes les personnes qui sont violentes).

Enquêtes transversales : enquêtes qui recueillent simultanément des données sur l'exposition (p. ex. la maladie mentale) et sur le résultat (p. ex. la violence) auprès d'un échantillon représentatif de sujets. Elles excluent forcément l'ordre temporel des facteurs. Les études transversales sont jugées idéales pour la formulation d'une hypothèse et ne sont jamais utilisées comme fondement à l'inférence de la causalité.

Épidémiologie : étude de l'incidence des maladies et des problèmes de santé dans les populations humaines ainsi que de leurs relations avec des facteurs conjoints de «risque» et de «protection» afin de déduire des explications causales pouvant servir à endiguer les maladies dominantes dans la population. Aux États-Unis, les tribunaux ont déterminé que les déclarations de causalité dans les populations humaines ont le plus de poids si elles sont formulées à partir d'études ayant recours à la caractéristique logique causale des études épidémiologiques.

Études cas-témoins : études où les sujets sont choisis en fonction du résultat d'intérêt (p. ex. violent par opposition à non violent), les sujets étant ensuite interrogés pour obtenir des renseignements sur l'exposition (p. ex. les antécédents de maladies mentales). L'établissement de l'ordre temporel des facteurs peut constituer un problème dans les études cas-témoins du fait que les enquêteurs doivent s'en remettre à la mémoire du sujet pour réunir des renseignements sur l'exposition. De plus, il est possible que les cas (ceux qui sont violents) se rappelleront des événements passés différemment des témoins, ce qui entraîne une erreur de mémoire. C'est donc dire que des inférences causales ne sont habituellement pas formulées en fonction d'études cas-témoins sans posséder de preuves à l'appui provenant d'enquêtes sur des cohortes.

Études de cohortes : études qui suivent, dans le temps, au moins deux groupes qui diffèrent en ce qui concerne un présumé facteur causal quelconque (désigné l'«exposition») et qui comparent ces groupes en regard de leurs résultats. Le fait que tous les groupes soient libres du résultat d'intérêt (c'est-à-dire la violence dans le cas présent) au début de l'étude constitue un élément essentiel de l'étude de cohortes. Les études de ce genre rendent possible l'établissement de l'ordre temporel des facteurs à l'étude, un élément crucial de la formulation d'interprétations causales. Elles sont donc considérées comme les plus fondées pour la formulation de telles interprétations.

Facteurs de confusion : il y a facteur de confusion lorsque les effets d'au moins deux facteurs sont confondus dans une série de données, rendant ainsi difficile la constatation de leurs effets distincts. Les facteurs de confusion sont reliés au résultat de l'étude. S'ils sont aussi répartis de façon différentielle dans l'ensemble des groupes à l'étude, ils peuvent déformer les résultats de l'étude. Un ajustement statistique peut réduire ou. contrôler les effets des facteurs de confusion. Les facteurs qui peuvent confondre la relation entre la maladie mentale et la violence comprennent l'âge, le sexe et les antécédents de violence.

Nosologie du DSM (publiée par la American Psychiatric Association) : ce manuel constitue la norme acceptée pour les diagnostics psychiatriques en Amérique de Nord depuis de nombreuses décennies. La version la plus récente est le DSM-IV (publiée en 1994), mais les auteurs de la plupart des études citées dans la littérature utilisent le DSM-III (version révisée). La DSM présente l'évaluation selon cinq axes, chacun renvoyant à un domaine d'information distinct. L'axe 1 est celui des troubles cliniques et des autres affections qui peuvent faire l'objet d'une intervention clinique. L'axe II est celui des troubles de la personnalité et de l'arriération mentale; l'axe III sert au codage des affections médicales. L'axe IV décrit les facteurs de stress psychosocial et les problèmes environnementaux et l'axe V permet d'établir une appréciation générale de la capacité sociale et fonctionnelle du patient.
 

 

 

 
 
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Dernière mise à jour : 2003-09-16