Rédigé par:
Julio Arboleda-Flórez, M.D., FRCP(C), DABFP, Ph.D. épidémiologie,
Heather L. Holley, M.A., Ph.D. épidémiologie,
Annette Crisanti, M.Sc., Ph.D. épidémiologie (étudiante)
Calgary World Health Organization Collaborating Centre for Research
and Training in
Mental Health
Pour
Direction générale de la promotion et des programmes
de santé
Santé Canada
1996
La reproduction non commerciale du présent document est autorisée
à des fins éducatives ou cliniques, à condition
d'en préciser la source.
Les opinions exprimées dans la présente publication sont
celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles
de Santé Canada ou celle des organismes représentés
au comité consultatif de ce projet.
Also available in English under the titre:
Mental Illness and Violence: Proof or Stéréotype?
© Ministre des Approvisionnements et Services Canada 1996
ISBN 0-662-80784-7
No de cat. H39-346/1996F
Données de catalogue avant publication (Canada)
Vedette principale au titre:
Maladie mentale et violence : un lien démontré ou un stéréotype?
Publ. aussi en anglais sous le titre : Mental Illness and Violence:
Proof or Stéréotype?
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 0-662-80784-7
No de cat. H39-346/1996F
1. Maladie mentale
2. Violence - Aspect psychologique
I. Arboleda-Flórez, J. (Julio), 1939-
II. Canada. Direction générale de la promotion
et des programmes de santé
III. Canada. Santé Canada
RC480.53M4614 1996 616.89 C96-980018-5
Table des matières
Remerciements
Préface
Sommaire
1. Introduction
Cadre de référence
Lecteurs cibles
Définition des termes
Maladie
mentale grave
Violence
Stratégie de recherche
Stratégie d'examen critique
Structure du présent
rapport
2. Sommaire des principales constatations
Études dans la collectivité
Échantillons
de la population générale
Contacts
entre policiers et citoyens
Études portant sur des
patients psychiatriques
Études portant sur des
détenus
Études
sur la prévalence
Études
analytiques portant sur les troubles mentaux et la violence
Études
de suivi portant sur des délinquants mis en liberté
Sommaire des principales constatations
3. Examen critique : Y a-t-il un lien de cause à
effet entre la maladie mentale et la violences
Contrôle des facteurs
de confusion
Source de confusion par définition
Facteur de confusion possible
attribuable à certains médicaments utilisés en psychiatrie
Choix des sujets pour éviter
tout biais de sélection
Classification de la maladie
mentale et de la violence (biais d'information)
Ordre temporel des facteurs
Plausibilité des hypothèses
sur le plan biologique
Un lien démontré
ou un stéréotype?
Conclusions
Orientation possible des recherches
futures
Références
Appendice A: bibliographie commentée
Introduction
Causalité
Études portant sur la
collectivité: études empiriques basées sur des échantillons
de la population générale
Études portant sur des
patients psychiatriques
Études basées
sur des échantillons de détenus
Autres études empiriques
présentant de l'intérêt
Rapports de synthèse
et exposés de position
Appendice B : glossaire
Remerciements
Les chercheurs sont profondément reconnaissante de la contribution
des membres du Comité consultatif à la réalisation
de ce projet
Mme Bonnie Pape
Directrice des programmes
Association canadienne pour la santé mentale
Bureau national
Toronto (Ontario)
Mme Susan Hardie
Ancienne coordonnatrice nationale
Réseau national pour la santé mentale
Guelph (Ontario)
M. Jim Holman
Membre du Conseil
Réseau national pour la santé mentale
Guelph (Ontario)
Mme Ann Braden
Vice-présidente
Société canadienne de schizophrénie
Bureau national
Don Mills (Ontario)
M. Alexander Saunders
Directeur général
Association des psychiatres du Canada Ottawa (Ontario)
M. James MacLatchie
Directeur administratif
Société John Howard du Canada Ottawa (Ontario)
Mme Carol Silcoff
Conseillère en recherche
Unité de la santé mentale
Division des soins et questions de santé
Direction des systèmes pour la santé
Direction générale de la promotion et des programmes de
santé
Santé Canada
Mme Stephanie Wilson
Agente de programmes
Unité de la santé mentale
Division des soins et questions de santé
Direction des systèmes pour la santé
Direction générale de la promotion et des programmes de
santé
Santé Canada
Les auteurs tiennent à remercier de leurs précieux conseils
M. Bob Shearer et Mme Nena Nera du Unité des soins,
des traitements et du soutien de Santé Canada. On tient également
à remercier Mme Marnie M. Hamilton, B. Sc., adjointe
de recherche, qui a apporté aux chercheurs une aide précieuse
sur le plan technique et sur le plan documentaire.
PRÉFACE
L'existence d'un lien éventuel entre la maladie mentale et la
violence est un sujet qui intéresse les chercheurs depuis longtemps.
Il est cependant de plus en plus présent dans les travaux, notamment
ceux du Groupe de travail fédéral/provincial/territorial
sur la mise en œuvre des recommandations du Groupe de travail sur les
délinquants violents à risque élevé. Les défenseurs
des malades mentaux ont toujours soutenu que ces personnes ne sont pas
plus prédisposées à commettre des actes violents
que les gens épargnés par la maladie mentale. Toutefois,
des études récentes et des reportages sensationalistes diffusés
dans les médias ont laissé entendre que tel n'est pas le
cas, et qu'une certaine catégorie de malades mentaux pourraient
s'avérer plus violents que les sujets qui ne souffrent pas de maladie
mentale.
Afin de contribuer à faire la lumière sur cette question
complexe et controversée, la Direction générale de
la promotion et des programmes de santé de Santé Canada
ont commandé une analyse critique des ouvrages parus sur la question.
Une étude a été préparée à contrat
par le Dr Julio Arboleda-Flórez, le Dr Heather Holley
et Mme Annette Crisanti du Centre collaborateur de l'Organisation
mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé
mentale à Calgary. Les fonds nécessaires à la réalisation
de ce projet ont été octroyés par l'Unité
des soins, des traitements et du soutien pour le SIDA dans le cadre de
la Stratégie nationale sur le sida de Santé Canada.
Ce projet est le fruit d'une collaboration entre les représentants
de l'Association canadienne pour la santé mentale, de la Société
canadienne de schizophrénie, de l'Association des psychiatres du
Canada, du Réseau national pour la santé mentale et de la
Société John Howard du Canada, qui font partie d'un comité
consultatif.
L'étude se divise en cinq chapitres. Le chapitre 1 comprend l'introduction,
des définitions et une description des méthodes de recherche.
Le chapitre 2 fait la synthèse des principales conclusions dégagées
des ouvrages recensés et les regroupe en trois grandes rubriques
: les études axées sur la collectivité, les études
menées auprès des malades mentaux et les études réalisées
en milieu carcéral. Les principales associations statistiques signalées
dans les ouvrages y sont décrites. Le chapitre 3 renferme une analyse
critique des données associant la maladie mentale à la violence,
l'objectif étant de déterminer si les associations statistiques
relevées dans les études répondent aux critères
épidémiologiques de causalité. Le lecteur trouvera
également une liste des ouvrages cités dans le chapitre
3. Le rapport comprend aussi deux annexes : l'appendice A, qui contient
une bibliographie annotée des articles analysés, et l'appendice
B, qui comprend un petit glossaire des principaux termes techniques utilisés.
Le rapport devrait intéresser les nombreux intervenants des secteurs
de la santé mentale, des services sociaux et de la justice pénale,
notamment les dispensateurs de services, les décideurs, les responsables
de programmes, les chercheurs, les consommateurs ou leurs proches.
Remarque sur la terminologie :
La terminologie utilisée pour désigner (les personnes qui
présentent) de graves problèmes de santé mentale,
notamment dans la bibliographie annotée, est conforme à
celle que l'on retrouve dans les ouvrages recensés. Par souci d'exactitude,
on a choisi de ne pas modifier les termes utilisés par les auteurs,
tout en sachant que certains lecteurs auraient sans doute préféré
que l'on opte pour des termes plus couramment employés comme «consommateur»
ou «ex-bénéficiaire».
Sommaire
Introduction et fondement de l'étude :
Les défenseurs des malades mentaux ont toujours soutenu que ces
personnes ne sont pas plus prédisposées à commettre
des actes violents que les gens épargnés par la maladie
mentale. Toutefois, les personnes saignantes, les dispensateurs de soins
de santé et les groupes de défense des malades se posent
de plus en plus de questions sur le lien entre la maladie mentale et la
violence en raison, d'une part, de reportages sensationalistes dans les
médias et d'émissions dramatiques présentées
à la télévision et, d'autre part, de rapports scientifiques
contradictoires. Cette question complexe a une incidence importante sur
les malades mentaux et leurs familles, les dispensateurs de soins de santé
et de services sociaux, les décideurs, les responsables de programmes
et les intervenants du secteur de la justice pénale. Afin de contribuer
à faire la lumière sur cette question, on a fait cette analyse
critique des ouvrages parus sur la question.
Stratégie de recherche :
Les auteurs ont interrogé des bases de données contenant
des articles scientifiques dans les domaines de la psychologie, de la
sociologie, de la criminologie, du droit, de la médecine, de la
philosophie, de la psychiatrie, de la psychiatrie légale et de
l'épidémiologie pour trouver des articles portant sur la
maladie mentale et la violence. Pour accroître l'étendue
de leur recherche, ils ont utilisé un certain nombre de synonymes
des termes «maladie mentale» et «violence», ce
qui leur a permis d'obtenir 32 différentes combinaisons de recherche
et de recueillir plus de 5 500 citations se rapportant à
quelque 8 000 auteurs, 8 600 mots-clés et 940 revues publiées
sur une période d'environ trente ans.
L'examen a porté principalement sur les articles parus au cours
des dix à quinze dernières années, car ces articles
représentent, selon les auteurs, l'essentiel des études
pouvant fournir le portrait le plus récent des populations de malades
mentaux. Pour que les résultats de la recherche soient utiles au
plus grand nombre de personnes possible, les auteurs ont examiné
des études portant sur divers types de troubles mentaux, notamment
des maladies mentales fonctionnelles graves (comme la schizophrénie
et les états dépressifs majeurs), la toxicomanie (en particulier
l'abus d'alcool) et les troubles de la personnalité (en particulier
la personnalité antisociale). Pour des raisons pratiques, la définition
de la violence a été limitée aux actes comportant
une agression physique et aux menaces de violence physique à l'égard
d'autrui; les crimes avec violence sont compris dans cette définition.
Le présent rapport comprend des résumés détaillés
de plus de 100 articles portant sur la relation entre la maladie mentale
et la violence. Les études empiriques ont été groupées
selon la principale population à l'étude : a) échantillons
de la population générale, b) patients psychiatriques, c)
détenus, d) autres études empiriques présentant de
l'intérêt, et e) rapports de synthèse et exposés
de positions.
Stratégie d'examen critique
Eu égard aux torts que pourrait causer une affirmation
prématurée et non démontrée suggérant
l'existence d'un lien de causalité entre la maladie mentale et
la violence, nous avons adopté une approche scientifique rigoureuse
et prudente qui nous permet de conclure à l'existence de ce lien
uniquement : a) à la lumière des preuves convaincantes à
l'appui de cette thèse, provenant d'études bien conçues
et exécutées et b) compte tenu du fait qu'il n'existe aucune
preuve convaincante infirmant cette thèse.
Nous avons adopté un cadre épidémiologique pour
trouver la réponse à notre question fondamentale. L'épidémiologie
étudie l'apparition des maladies et des problèmes de santé
au sein des populations humaines ainsi que les facteurs qui sont à
l'origine de ces maladies ou problèmes ou qui sont susceptibles
d'exercer une influence sur leur évolution. Des tribunaux américains
ont déclaré que les affirmations les plus crédibles
sur les liens de causalité établis à l'égard
des populations humaines provenaient des résultats des études
s'inspirant de critères épidémiologiques.
Les épidémiologistes souscrivent à une hiérarchie
de preuves où les associations statistiques établies dans
le cadre d'études de cohorte bien conçues et exécutées
sont les plus crédibles. Ces études définissent les
sujets en fonction de la présence ou de l'absence de maladie mentale
et suivent deux ou trois groupes dans le temps afin de comparer les résultats
obtenus. Les modèles d'études cas-témoins qui définissent
les sujets en fonction des résultats (p. ex., la présence
ou l'absence de violence) pour ensuite recueillir des données rétrospectives
sur la présence ou l'absence de maladie mentale peuvent fournir
des preuves convaincantes, mais ne sont habituellement pas jugées
assez solides pour permettre un jugement quant à un lien causal.
Les sondages transversaux descriptifs sont utilisés pour poser
des hypothèses à des fins de vérification supplémentaire.
Puisque les données sur la maladie mentale et celles sur la violence
sont recueillies simultanément, il est difficile de garantir que
la maladie mentale a précédé la violence, comme il
faudrait le faire pour établir un lien de causalité. C'est
la raison pour laquelle les résultats des sondages ne sont jamais
utilisés pour conclure à un lien de causalité.
Sommaire des principales constatations :
Les études évoquées dans cet examen sont principalement
de sources canadienne et américaine. Une mise en garde s'impose
quant à la généralisabilité des conclusions
formulées aux États-Unis, quand des recherches ont été
faites, aux populations canadiennes. En effet, l'interprétation
et l'application de ces conclusions dans le contexte canadien doivent
être entreprises avec force prudence compte tenu des différences
dans les régimes de soins de santé et de justice pénale
des deux pays.
Un certain nombre de liens statistiques sont signalés dans l'ensemble
de la littérature. Ils sont résumés ci-dessous.
- Les antécédents de violence et de criminalité
sont le plus important prédicteur de la violence et de la criminalité,
dans tous les groupes diagnostiques (p. ex. autant chez les schizophrènes
que les toxicomanes).
- Jusqu'ici, il n'existe aucune preuve consistante pour appuyer l'hypothèse
selon laquelle la maladie mentale (p. ex. la dépression) qui
n'est pas aggravée par la toxicomanie constitue un important
facteur de risque de la violence ou de la criminalité, une fois
les antécédents de violence contrôlés.
- Le risque de comportement violent, chez les schizophrènes,
dépend en partie du contexte et de la présence de symptômes
psychotiques. Ainsi, on a constaté que les personnes atteintes
de schizophrénie sont quelque peu plus susceptibles de commettre
des actes violents quand elles sont la proie de symptômes psychotiques.
Inversement, l'incidence de comportement violent est basse parmi les
patients hospitalisés qui prennent les neuroleptiques nécessaires.
- Les incidents violents chez les malades mentaux hospitalisés
se multiplient peut-être. Cependant, c'est habituellement un petit
nombre de ces malades, d'ordinaire ceux présentant des symptômes
psychotiques aigus ou une démence, qui ont été
jugés responsables de la majorité des incidents violents.
La plupart des incidents violents menant à une hospitalisation
surviennent au domicile et comprennent des épisodes d'endommagement
du mobilier ou de voies de fait sur des membres de la famille.
- Les malades mentaux qui ont déjà été
hospitalisés sont peut-être plus susceptibles d'être
arrêtés ou violents quand ils sont libérés
dans la collectivité, particulièrement s'ils ont déjà
été arrêtés, qu'ils ont des antécédents
violents ou qu'ils souffrent de symptômes psychotiques.
- Les proches (et non le grand public) sont les victimes les plus probables
des actes violents que posent des malades mentaux autrefois hospitalisés
qui ont été relâchés dans la collectivité.
- La toxicomanie semble constituer un important facteur de risque de
la violence et de la criminalité au sein de la collectivité,
chez les malades hospitalisés et chez les détenus. Un
membre du grand public risque peu d'être victimisé par
une personne souffrant d'un trouble non lié à la toxicomanie.
- Des études portant sur les contacts entre policiers et citoyens
et menées au Canada et aux États-Unis montrent une similarité
dans les types de criminalité chez les malades mentaux et chez
les personnes ne souffrant pas de maladie mentale qui ont des démêlés
avec la police. Les malades mentaux ne sont pas plus susceptibles d'être
accusés d'un crime avec violence que ne le sont les personnes
ne souffrant pas de maladie mentale.
- La prévalence des troubles liés à la toxicomanie
et des troubles mentaux est forte chez les détenus en détention
provisoire et chez les détenus des établissements provinciaux.
Et pourtant, le taux global de dépistage des maladies mentales
par le personnel correctionnel semble être très faible.
On a expliqué la forte prévalence de troubles mentaux
chez les détenus en évoquant la «criminalisation»
des comportements causés par des troubles mentaux, la «psychiatrisation»
du comportement criminel et la nature pathogène des milieux carcéraux.
- De façon générale, l'adaptation des détenus
après leur mise en liberté ne semble pas être reliée
à d'importantes maladies mentales (comme la schizophrénie
ou la dépression) ou à des troubles liés à
la toxicomanie lorsque sont contrôlés les antécédents
de criminalité et l'âge.
- Le plus souvent, les personnes qui sont plus jeunes sont exposées
à un plus grand risque de violence et de criminalité.
Y a-t-il un lien de cause à effet entre la maladie mentale et
la violence?
Une analyse critique de la littérature a permis de conclure qu'il
n'a jamais été scientifiquement démontré,
jusqu'ici, que la maladie mentale cause la violence.
Des études portant sur la violence chez des malades mentaux soumis
à un traitement ont démontré que les taux de criminalité
et de criminalité violente étaient effectivement plus élevés
au sein de ces groupes que dans la population générale et
que la fréquence de la violence était élevée
chez les malades mentaux hospitalisés. De même, des études
portant sur la maladie mentale chez les détenus ont démontré
que la prévalence des troubles mentaux graves et de la toxicomanie
était élevée au sein de cette population. Toutefois,
en dépit de ces démonstrations limpides, les résultats
de ces études ne permettent pas de conclure qu'il existe un lien
de cause à effet entre la maladie mentale et la violence, et ce
pour les raisons suivantes, d'ordre méthodologique.
- Il est souvent difficile de déterminer comment les comparaisons
établies entre les divers groupes à l'étude devraient
être ajustées pour tenir compte de facteurs tels que l'âge,
le sexe, le statut socioéconomique, les arrestations antérieures
ou les placements antérieurs en établissement. Par exemple,
de nombreux auteurs ont utilisé la criminalité avec violence
comme mesure de la violence. Cependant, il est reconnu que le lien entre
la maladie mentale et la criminalité avec violence est fonction
de la comparabilité statistique entre les groupes à l'étude
en ce qui concerne d'autres caractéristiques qui sont des prédicteurs
du crime, comme le statut socioéconomique, l'âge ou les
antécédents d'arrestations. Lorsque les groupes à
l'étude sont comparables sur ces plans, le lien entre la maladie
mentale et la violence disparaît souvent. Cependant, les auteurs
ont abordé ces problèmes différemment, selon leur
degré de compréhension de l'imbrication des facteurs à
la base du lien entre la maladie mentale et la violence et, jusqu'ici,
aucun chercheur n'a réussi à tenir compte de tous ces
facteurs de façon appropriée. Il est donc difficile de
tirer des conclusions causales définitives à partir des
résultats de ces études.
- Compte tenu des conventions sur lesquelles reposent actuellement
les diagnostics psychiatriques, il n'est pas possible de diagnostiquer
la maladie mentale indépendamment de la violence. Presque la
moitié des troubles décrits dans le North American
Standard Diagnostic and Statistical Manual for Mental Disorders
(troisième édition révisée) (DSM-III-R)
(American Psychiatric Association, 1987) - l'outil standard en Amérique
du Nord dans le domaine des diagnostics psychiatriques - sont définis
ou décrits en partie en fonction de comportements violents et
des critères semblables sont utilisés dans la version
plus récente, le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994).
Les troubles ainsi définis comprennent, notamment, la schizophrénie,
le trouble bipolaire, la toxicomanie et certains troubles de la personnalité.
Avec le temps, la notion de trouble mental s'est modifiée de
sorte qu'elle comprend maintenant un plus grand nombre de critères
reliés à la violence. Par conséquent, il est probable
que les études plus récentes qui établissent une
relation statistique entre les troubles mentaux et la violence sont
le fait de la façon dont on définit et on mesure maintenant
ces troubles.
- On a constaté qu'un certain nombre de médicaments couramment
utilisés en psychiatrie (notamment les tranquillisants et sédatifs)
entraînent un comportement agressif. Or, on ignore dans quelle
mesure ces réactions paradoxales pourraient expliquer la violence
chez les malades mentaux soumis à un traitement psychopharmacologique
de courte ou de longue durée.
- Presque toutes les études réalisées jusqu'à
ce jour portent sur des populations de malades mentaux soumis à
un traitement ou sur des populations carcérales. Or, ces groupes
ne sont pas représentatifs de l'ensemble des malades mentaux.
En fait, ces échantillons sont biaisés car ils représentent
des sous-populations de malades mentaux qui sont davantage sujets à
la violence. Les dispositions de la loi qui portent sur l'internement
civil sont fondées sur le critère de la dangerosité
et prévoient l'hospitalisation des personnes qui constituent
un danger pour elles-mêmes ou autrui. Si la personne ne répond
pas aux critères d'internement plus rigoureux et refuse d'être
hospitalisée, elle peut quand même être arrêtée,
auquel cas l'accès aux services de santé mentale se fera
par les voies correctionnelles. Ainsi, les résultats recueillis
auprès de malades mentaux soumis à un traitement conduisent
à une surestimation de la relation entre la maladie mentale et
la violence.
- Souvent, les chercheurs se sont basés sur les registres d'un
établissement (comme les registres d'admission d'un établissement
psychiatrique ou des registres d'arrestation) pour classer leurs sujets.
Or, il est clair que les personnes atteintes de maladie mentale ou les
personnes qui ont commis un acte de violence ne sont pas toutes bien
classées dans ces registres. Trop souvent, les statistiques officielles
reflètent les partis pris politiques et les tendances sociales,
ce qui nuit à l'interprétation des données.
- Les données primaires recueillies à partir d'échantillons
de la population générale sont celles qui sont les plus
susceptibles de fournir des résultats valides sur la question
du lien entre la maladie mentale et la violence. Cependant, seulement
deux des études réalisées jusqu'à ce jour
portent sur la population générale; l'une a été
réalisée aux États-Unis et l'autre en Alberta,
au Canada. Dans les deux cas, les chercheurs ont eu recours aux techniques
d'enquête épidémiologique les plus perfectionnées
et à des échantillons représentatifs de la population
générale. Les auteurs de ces études ont défini
les troubles mentaux à l'aide du questionnaire DIS (Diagnostic
Interview Schedule), qui permet d'établir des diagnostics
en fonction des catégories du DSM-III-R. Ils ont ensuite utilisé,
pour définir la violence, les items de ce questionnaire se rapportant
aux comportements violents, comportements sur lesquels reposent en partie
les classifications psychiatriques. Ainsi, bien que les deux études
aient révélé une relation statistique entre la
maladie mentale et la violence, on ignore dans quelle mesure cette relation
pourrait s'expliquer par la relation de dépendance entre la définition
de la maladie mentale et celle de la violence. Deuxièmement,
aucune de ces études n'a permis d'établir l'ordre temporel
des facteurs, une omission fondamentale. Par conséquent, on ne
sait si la violence avait précédé la maladie mentale,
ou vice versa. Ce n'est que lorsque la maladie mentale précède
la violence qu'une interprétation causale est possible.
Orientation possible des recherches futures :
Nous n'en sommes pas encore arrivés au point où nous pouvons
porter un jugement valable sur le caractère causal de la relation
entre la maladie mentale et la violence. Néanmoins, en nous fondant
sur les connaissances que nous avons acquises grâce aux études
réalisées en biochimie et en génétique, il
est biologiquement plausible qu'il y ait un lien entre ces deux variables.
Plusieurs obstacles d'ordre méthodologique devront être
surmontés au cours des recherches futures. Le plus important sera
peut-être d'établir des mesures indépendantes de la
maladie mentale et de la violence. La nosologie psychiatrique normalisée
du DSM-III n'a qu'une utilité limitée pour ce type de recherche,
car presque la moitié des troubles répertoriés dans
ce manuel sont décrits ou définis en partie en fonction
des actes de violence. Par ailleurs, les chercheurs devront mesurer la
relation entre la maladie mentale et la violence à partir d'échantillons
non sélectifs et représentatifs de la population générale,
c'est-à-dire hors des établissements. Enfin, les études
de suivi longitudinales qui permettent d'établir clairement l'ordre
temporel des facteurs et d'analyser de façon appropriée
des facteurs tels que l'âge, le sexe, le statut socioéconomique
et les actes de violence antérieurs, devront devenir la norme.
Tant que de telles études n'auront pas été réalisées,
il n'existera aucune preuve scientifique nous autorisant à conclure
qu'il existe un lien de cause à effet entre la maladie mentale
et la violence.
Le manque de littérature incorporant la perspective des personnes
souffrant d'une maladie mentale doit aussi être mentionné.
Les opinions du consommateur et de la famille enrichiraient l'examen de
la violence telle qu'elle est vécue par ces personnes dans la collectivité
et en milieu hospitalier, ainsi qu'entre pairs. Du travail reste à
faire dans ce domaine.
En passant en revue la recherche parue dans le cadre de la présente
analyse critique, les auteurs en sont venus à s'interroger sur
la considération qui est accordée aux questions suivantes,
même s'il ne s'agit pas là de l'objet principal de la présente
analyse :
- le dépistage approprié de la maladie mentale et des
toxicomanies chez les délinquants incarcérés dans
des établissements correctionnels;
- la gestion des comportements troublants souvent manifestés
par les malades mentaux à l'égard des membres de leurs
familles; de telles méthodes sont maintenant employées
dans les milieux hospitaliers;
- l'accès convenable aux ressources communautaires pour les
patients ex-psychiatrisés qui vivent dans la collectivité;
- le caractère adéquat des traitements pour les malades
mentaux dans les milieux correctionnels et communautaires.
Cadre de référence :
L'étude objective et systématique de la relation entre
la maladie mentale et la dangerosité constitue un élément
essentiel de l'élaboration de politiques pertinentes et efficaces
pour la prestation de services de santé mentale (Davis, 1991).
Cette affirmation est vraie peu importe si le service est requis au sein
de la collectivité, en milieu correctionnel ou au sein du système
de santé mentale. Les preuves à l'appui d'une relation entre
la maladie mentale et la violence est aussi un élément critique
du débat concernant l'utilisation appropriée de l'hospitalisation
imposée, la conception de contrôles communautaires de la
violence chez les malades mentaux (Mulvey, 1994) et le besoin utilitaire
de comprendre les conséquences sociales des politiques de désinstitutionnalisation
(Mulvey, Blumstein et Cohen, 1986).
Au cours de la période post-désinstitutionnalisation, les
attitudes négatives et les craintes de la collectivité,
qu'alimentaient en partie les rapports médiatiques sélectifs,
se sont avérées l'obstacle le plus persistant à la
réalisation des objectifs en matière de traitement communautaire
(Rabkin, 1979; Steadman, 1981). De plus, la restructuration actuelle du
système de santé, qui s'opère dans toutes les régions
du Canada, exercera une pression sans précédent sur les
programmes psychiatriques des hôpitaux généraux et
sur les établissements psychiatriques pour que ceux-ci dirigent
encore davantage les malades mentaux vers la collectivité et réduisent
de façon draconienne la durée des séjours subséquents,
voire même l'accès aux soins actifs.
Même si les groupes de défense des malades mentaux et les
chercheurs se sont toujours opposés à l'allégation
selon laquelle les malades mentaux sont violents (p. ex. Monahan et Steadman,
1983), de récents examens de la littérature rédigés
par d'éminents chercheurs du domaine (p. ex. Monahan 1993, Torrey,
1994) laissent maintenant entendre qu'il se peut qu'il y existe un lien
causal entre la maladie mentale et la violence, particulièrement
chez certains sous-groupes de malades mentaux. Face à cette seconde
grande vague de désinstitutionnalisation et à ce regain
de controverse scientifique, il est opportun de poser la question suivante
: existe-t-il des preuves scientifiques convaincantes pour appuyer
une interprétation causale de la relation entre la maladie
mentale et la violence.?
La direction générale de la promotion et des programmes
de santé de Santé Canada a commandé le présent
examen critique sur le sujet. Le projet a été guidé
par un comité consultatif composé de représentants
de l'unité de la santé mentale de Santé Canada, de
l'Association canadienne pour la santé mentale, de l'Association
des psychiatres du Canada, de la Société John Howard du
Canada, du Réseau national pour la santé mentale et de la
Société canadienne de schizophrénie.
La recherche a été menée par des épidémiologistes
spécialisés en psychiatrie du Centre collaborateur de l'Organisation
mondiale de la santé de Calgary pour la recherche et la formation
en santé mentale, qui est situé en Alberta, au Canada. Ce
projet apporte un complément à la méta-analyse menée
par le Solliciteur général du Canada sur des facteurs qui
permettent de prévoir la récidive chez les délinquants
atteints de troubles mentaux. Les résultats seront disponibles
dans les prochains mois.
Lecteurs cibles :
Même si les questions abordées dans le présent rapport
intéressent les prestateurs de services de santé mentale,
les malades mentaux et leurs familles, et même si tous les efforts
ont été déployés afin d'éviter le jargon
inutile, le présent rapport pourrait être davantage à
la portée des personnes qui ont une certaine connaissance des concepts
scientifiques. Un glossaire (Appendice B) a été ajouté
au document afin d'aider les lecteurs non spécialisés à
comprendre les termes clés et un document compagnon rédigé
en termes non techniques est en préparation.
Définition des termes Maladie mentale grave:
Pour que le résultat du présent examen soit utile au plus
grand nombre de personnes possible, des études portant sur divers
troubles mentaux, notamment des affections comme la schizophrénie,
les états dépressifs majeurs, la toxicomanie et les troubles
de la personnalité, ont été examinées. L'ensemble
de la littérature examinée reposait sur le Diagnostic
and Statistical Manual of Mental Disorders, troisième édition,
révisée (DSM-III-R) comme nosologie diagnostique
standard (American Psychiatric Association, 1987). Cependant, les études
inspirées de versions plus anciennes de cette nosologie ou d'une
autre nosologie n'ont pas été exclues de la présente
étude.
Pour effectuer la recherche informatisée visant la collecte des
articles portant sur la violence chez les personnes atteintes d'une maladie
mentale grave, certains mots-clés ont été employés,
notamment :
mental disorder (trouble mental)
mental illness (maladie mentale)
mentally ill offenders (délinquants atteints de troubles
mentaux)
psychiatrie patients (patients psychiatriques)
Violence :
Dans l'ensemble de la littérature, le terme «violence»
a été utilisé dans un sens très large pour
désigner une vaste gamme de comportements, dont les actes comportant
une agression physique, des gestes ou des propos menaçants, de
la violence psychologique ou émotive, des dommages matériels,
le suicide et l'automutilation. Le présent examen est axé
sur la violence dirigée contre autrui, par opposition à
la violence exprimée contre soi-même. Dans le présent
document, la violence dirigée contre autrui a été
largement conceptualisée pour refléter les comportements
qui se veulent intentionnellement menaçants pour autrui ou qui
infligent effectivement des blessures physiques à une autre personne.
Nombre de chercheurs ont mesuré la violence en se reportant à
des actes criminels menant à une arrestation ou à une condamnation
pour crime avec violence. Nous avons choisi une définition
qui restreint le sens du mot aux actes de violence physique contre une autre
personne pour un certain nombre de raisons. Premièrement, s'il existe
un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence, c'est
dans les manifestations extrêmes de la violence que ce lien devrait
être le plus facile à déceler. Deuxièmement,
comme la fréquence de la violence physique peut être établie
avec plus de précision, il est probable que cette forme de violence
soit définie et analysée d'une manière plus uniforme
d'une étude à une autre.
La stratégie de recherche comportait l'utilisation de plusieurs
synonymes du terme «violence» : violence
(violence)
aggression (agression)
dangerous (dangereux)
violent behaviour (comportement violent)
assault (voies de fait)
crime (crime)
criminality (criminalité)
battery (coups et blessures)Stratégie de recherche
:
Nous nous sommes intéressés principalement aux articles
examinés par des pairs qui ont été publiés
au cours des dix à quinze dernières années car ils
représentent l'essentiel des études pouvant fournir le portrait
le plus récent des populations de malades mentaux. Nous nous sommes
aussi intéressés aux articles présentant un intérêt
particulier, à ceux ayant un contenu informatif ainsi qu'aux études
dites «classiques». De même, bien que nous nous soyons
concentrés surtout sur l'examen des études empiriques quantitatives,
nous avons aussi inclus les études qualitatives et les examens
de la littérature clés.
La recherche informatisée a commencé par une consultation
structurée de quatre bases de données (PsychLit, Index Medicus,
Sociofile, et le fonds documentaire sur la psychiatrie légale du
Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé de
Calgary) comportant de la littérature examinée par les pairs
dans les domaines de la psychologie, de la sociologie, du droit, de la
criminologie, de la médecine, de la philosophie, de la psychiatrie,
de la psychiatrie légale et de l'épidémiologie. Nous
avons limité notre analyse critique aux revues et aux textes examinés
par des pairs, qui sont réputés respecter les normes minimales
de validité scientifique. Les articles ont été examinés
en anglais, en français et en espagnol. Les articles rédigés
dans une langue autre que l'anglais qui ont été jugés
pertinents pour fins d'inclusion dans la bibliographie commentée
ont été annotés en anglais. En outre, comme nous
nous sommes rendus compte que de nombreux articles pertinents (par exemple,
Adams, Power, Frederick et Lefebvre, 1994) ne figuraient pas dans les
systèmes informatisés de bibliographie, nous avons consulté
les listes de références des articles pour trouver d'autres
publications pertinentes.
Les différents mots-clés indiqués ci-dessus, utilisés
pour désigner la maladie mentale et la violence, nous ont permis
d'en arriver à 32 différentes combinaisons de recherche
par base de données. À mesure que notre recherche avançait
et que nous pouvions déterminer les mots-clés les plus utiles,
il a été possible de limiter progressivement la stratégie
de recherche. Par exemple, il nous est apparu clairement après
la première recherche que le terme anglais «battery»
était généralement utilisé pour désigner
les batteries de tests psychologiques. Nous avons donc laissé tomber
ce terme. Certaines bases de données (comme l'index Medicus) utilisent
moins de synonymes de maladie mentale et de criminalité, de sorte
que nous avons pu réduire le nombre de combinaisons de recherche.
Nos recherches informatisées à l'aide des combinaisons
de mots-clés nous ont permis de recueillir plus de 5 500 citations,
qui se rapportaient à quelque 8 000 auteurs, 8 600 mots-clés
et 940 revues publiées sur une période d'environ trente
ans. Pour que ce volume de données puisse être géré,
les références complètes et tous les résumés
disponibles ont été téléchargés vers
un ordinateur de table équipé d'un logiciel spécialisé.
Ce logiciel s'est avéré un outil indispensable car il nous
a permis de repérer et d'éliminer les références
en double dans les différentes bases de données et de produire
des listes.
Une liste de citations et de résumés d'étude complets
a été produite au terme de la première étape
de l'examen critique. Deux membres de l'équipe de recherche ont
examiné cette liste indépendamment l'un de l'autre pour
s'assurer qu'aucune référence pertinente n'avait été
oubliée. Nous nous sommes ensuite procuré des copies de
ces articles pour en faire un examen critique plus détaillé.
Grâce aux ressources documentaires des bibliothèques locales,
nous avons eu accès aux principales revues nord-américaines
et européennes. Grâce à des prêts interbibliothèques,
nous avons pu consulter les publications les moins accessibles.
À partir des 5 500 citations recueillies à l'origine,
nous avons retenu quelque 400 articles et nous les avons examinés
en détail selon des critères épidémiologiques
standard. Les articles mentionnés dans la bibliographie commentée
constituent, à notre avis, les principales publications dans le
domaine.
Stratégie d'examen critique :
Eu égard aux torts que pourrait causer une affirmation prématurée
et non démontrée suggérant l'existence d'un lien
de causalité entre la maladie mentale et la violence, nous avons
adopté une approche scientifique rigoureuse et prudente qui nous
permet de conclure à l'existence de ce lien uniquement: a) à
la lumière des preuves convaincantes à l'appui de cette
thèse, provenant d'études bien conçues et exécutées
et b) compte tenu du fait qu'il n'existe aucune preuve convaincante infirmant
cette thèse.
Nous avons adopté un cadre épidémiologique pour
trouver la réponse à la question fondamentale de causalité.
L'épidémiologie étudie l'apparition des maladies
et des problèmes de santé au sein des populations humaines
ainsi que les facteurs qui sont à l'origine de ces maladies ou
problèmes ou qui sont susceptibles d'exercer une influence sur
leur évolution (Lilienfeld et Stolley, 1994). Des tribunaux américains
ont déclaré que les affirmations les plus crédibles
sur les liens de causalité établis à l'égard
des populations humaines provenaient des résultats des études
s'inspirant de critères épidémiologiques (p. ex.,
Brock contre Merrell Dow Pharmaceuticals, 1989; Daubert contre Merrell
Dow Pharmaceuticals, Inc., 1993).
Les épidémiologistes souscrivent à une hiérarchie
de preuves où les associations statistiques établies dans
le cadre d'études de cohorte bien conçues et exécutées
sont les plus crédibles. Ces études définissent les
sujets en fonction de la présence ou de l'absence de maladie mentale
et suivent deux ou trois groupes dans le temps afin de comparer les résultats
obtenus. Les modèles d'études cas-témoins qui définissent
les sujets en fonction des résultats (p. ex., la présence
ou l'absence de violence) pour ensuite recueillir des données rétrospectives
sur la présence ou l'absence de maladie mentale peuvent fournir
des preuves convaincantes, mais ne sont habituellement pas jugées
assez solides pour permettre un jugement quant à un lien causal.
Les sondages transversaux descriptifs sont utilisés pour poser
des hypothèses à des fins de vérification supplémentaire.
Puisque les données sur la maladie mentale et celles sur la violence
sont recueillies simultanément, il est difficile de garantir que
la maladie mentale a précédé la violence, comme il
faudrait le faire pour établir un lien de causalité. C'est
la raison pour laquelle les résultats des sondages ne sont jamais
utilisés pour conclure à un lien de causalité.
Structure du présent rapport :
Le présent rapport comprend trois sections principales. Le chapitre
2 résume les principales constatations dégagées
de la littérature selon trois grands thèmes : les études
axées sur la collectivité, les études portant sur
des malades mentaux et les études portant sur des détenus.
Ce chapitre a pour objet de décrire les associations statistiques
clés qui ont été signalées dans la littérature.
Les associations statistiques qui sont fortes et qui ressortent de façon
consistante dans les différents types d'études entreprises
sont considérées comme les plus dignes de mention. Le chapitre
3 renferme une analyse critique des preuves permettant d'établir
un lien entre la maladie mentale et la violence afin de tenter de déterminer
si les associations statistiques signalées dans la littérature
respectent les critères causalité établis. L'appendice
A est la bibliographie commentée des articles, consultés
pour préparer le présent rapport. Il convient de noter que
les articles sont présentés selon les thèmes suivants
: population visée (études dans la collectivité,
études portant sur des malades psychiatriques, études portant
sur des détenus), autres études empiriques d'intérêt,
et rapports de synthèse. Sous chaque grand thème, les articles
sont présentés par ordre alphabétique, selon l'auteur
et le titre. Pour aider les lecteurs qui n'ont pas de formation scientifique
à faire des comparaisons pertinentes entre les articles, nous avons
procédé à un examen critique de toutes les études
empiriques et nous les avons résumées selon un mode de présentation
uniformisé : a) objectif, b) méthode de recherche, c) lieu,
d) sujets, e) mesures, f) principaux résultats, g) conclusions,
h) critique de la méthode et i) causalité. L'appendice
B comprend un court glossaire des termes techniques clés.
2 |
Sommaire des
principales
constations |
Les chercheurs ont abordé l'étude de la maladie mentale
et de la violence dans un certain nombre de perspectives différentes,
et ce, selon leur accès aux populations de la collectivité,
de malades mentaux ou du milieu carcéral. Cette démarche
a engendré un important corpus de recherche. Le premier objectif
que nous nous fixons ici est de résumer les résultats de
ces études afin de comprendre les associations statistiques entre
la maladie mentale et la violence qui ont été signalées
dans ces diverses populations. Le deuxième objectif, abordé
dans le prochain chapitre, est d'entreprendre une évaluation critique
de la mesure dans laquelle ces résultats peuvent être utilisés
pour appuyer l'existence d'une relation étiologique (c'est-à-dire
causale) entre la maladie mentale et la violence.
Études dans la collectivité Échantillons
de la population générale:
Deux études ont compris des enquêtes de la population auprès
d'échantillons représentatifs d'adultes vivant dans la collectivité
- une étude canadienne, menée auprès de 1 200 Edmontoniens
(Bland et Orn, 1986), et une étude américaine, portant sur
10 059 sujets de trois des cinq sites de zones de recrutement aux fins
des enquêtes épidémiologiques (Swanson, Holzer, Ganju
et Jono, 1990). Les auteurs des deux études ont eu recours à
une technique qui est maintenant reconnue comme la méthodologie
des zones de recrutement à des fins d'enquêtes épidémiologiques.
Il s'agit de la méthodologie qui caractérise les enquêtes
épidémiologiques entreprises à cinq sites aux États-Unis.
Présentement considérée comme la technique de fine
pointe dans les enquêtes psychiatriques épidémiologiques,
l'approche des zones de recrutement à des fins d'enquêtes
épidémiologiques a recours à des échantillons
importants et représentatifs, à un questionnaire d'entrevue
diagnostique (le Diagnostic Interview Schedule ou DIS) administré
par des enquêteurs non spécialisés, ainsi qu'à
la compilation informatisée des résultats pour en arriver
aux catégories de diagnostic du DSM-III-R. Dans le cadre de ces
deux études, on a utilisé des questions du DSM pour mesurer
la violence physique, comme le fait de frapper un conjoint ou un partenaire
ou de lui lancer des objets, le fait d'avoir donné une fessée
à un enfant ou de l'avoir frappé, le fait de s'être
battu à coups de poing avec une personne autre qu'un conjoint depuis
l'âge de 18 ans, le fait de s'être servi d'une arme depuis
l'âge de 18 ans, et le fait de s'être battu après avoir
consommé de l'alcool.
Les deux études font état d'associations statistiques entre
la violence et les troubles mentaux, même si ni l'une ni l'autre
de ces deux études ne soit arrivée à clarifier l'ordre
temporel des facteurs. Au Canada, trois catégories de diagnostic
ont été étudiées : les troubles de la personnalité
antisociale, la dépression grave, et l'abus de l'alcool et la toxicomanie.
En tout, 54,5 p. 100 des personnes présentant un diagnostic avaient
des comportements violents, comparativement à 15,5 p. 100 de celles
ne présentant pas de diagnostic. Les personnes présentant
un ou plus d'un de ces diagnostics étaient près de sept
fois plus susceptibles de se livrer à de la violence que les personnes
ne souffrant d'aucun de ces troubles. Plus particulièrement, le
risque de violence était fort élevé chez les personnes
chez qui un trouble comorbide d'abus de l'alcool avait été
diagnostiqué. Quand à l'alcool s'ajoutait un trouble de
la personnalité antisociale ou la dépression, ou les deux,
l'incidence de violence passait à 80 à 93 p. 100. Aux États-Unis,
plus de la moitié des personnes ayant rapporté des comportements
violents au cours de l'année précédente satisfaisaient
aux critères de trouble psychiatrique, comparativement à
19,6 p. 100 chez les non-violents. Les pourcentages de violence élevés
relevés chez les toxicomanes, allant de 19,2 à 34,7 p. 100,
variaient selon la nature de la toxicomanie. Les membres de la collectivité
respectant les critères de diagnostic pour tout trouble psychiatrique
étaient plus susceptibles de se livrer à des actes d'agression
et de violence, comparativement aux personnes qui ne respectaient pas
ces critères. Cependant, dans certaines catégories de diagnostic,
comme le syndrome d'anxiété non comorbide, les troubles
affectifs ou la schizophrénie, on a relevé aucun risque
de violence, sinon un risque légèrement élevé.
Inversement, les personnes souffrant de toxicomanies présentaient
un risque très élevé de violence et semblaient aussi
commettre des actes de violence plus graves. Ces résultats révèlent
que la crainte qu'inspire au public les schizophrènes qui vivent
dans la collectivité n'a pas grande raison d'être, sans pour
autant n'avoir aucun fondement. Les citoyens risquent davantage d'être
agressés par une personne souffrant de toxicomanie que d'une maladie
grave, comme la schizophrénie.
Les deux études donnent à penser que les citoyens sont
plus susceptibles d'être victimes de voies de fait de la part d'une
personne qui souffre de toxicomanie que de la part d'une personne atteinte
d'un trouble mental grave comme les troubles affectifs, le syndrome d'anxiété
ou la schizophrénie. En utilisant les mêmes données
tirées des enquêtes épidémiologiques de zones
de recrutement, Swanson (1993) a vérifié une fois de plus
l'hypothèse selon laquelle la relation entre la maladie mentale
et la violence pouvait s'expliquer largement par l'association entre l'abus
d'alcool et la violence. Les maladies mentales non compliquées
par l'abus de l'alcool étaient associées à un certain
risque accru de violence. Cependant, l'importante augmentation apparente
de la violence chez les sujets de sexe masculin plus jeunes et de statut
socioéconomique inférieur a été jugée
largement attribuable à la prévalence accrue de l'abus de
l'alcool et à la comorbidité dans ce groupe. Il a été
constaté que des antécédents d'arrestations et l'hospitalisation
psychiatrique étaient associés à une probabilité
accrue que la personne soit violente.
Contacts entre policiers et citoyens :
Les policiers jouissent de pouvoirs discrétionnaires considérables
en ce qui concerne le traitement des malades mentaux qui peuvent présenter
une conduite désordonnée lorsqu'ils sont dans la collectivité.
Ils peuvent demander l'internement d'une personne dans un établissement
psychiatrique pour une évaluation ou un traitement, ou ils peuvent
procéder à une arrestation. Monahan, Caldeira et Friedlander
(1979) ont montré que dans 30 p. 100 des internements demandés
par les policiers, ceux-ci auraient pu procéder à une arrestation.
Ils ne l'ont pas fait parce qu'ils estimaient que la personne n'avait
pas l'intention criminelle de commettre l'acte en question ou queue tirerait
profit d'un traitement. La désinstitutionnalisation et les changements
d'ordre législatif ont augmenté la centralité de
la police vis-à-vis du traitement des malades mentaux. Bonovitz
et Bonovitz (1981) ont démontré que le nombre d'incidents
liés à la maladie mentale dans lesquels la police est intervenue
ont augmenté de 200 p. 100 entre 1975 et 1979, après que
des changements d'ordre législatifs eurent permis aux agents de
faciliter la mise à l'écart des malades mentaux de la collectivité.
Teplin (1985) a observé une sélection au hasard de 283
policiers dans leurs interactions quotidiennes avec le public. Une liste
de vérification des symptômes a été utilisée
pour évaluer la présence et la gravité de troubles
psychiatriques chez les personnes entrant en contact avec la police. Les
contacts entre policiers et malades mentaux étaient rares (dans
4 p. 100 des 2 122 personnes rencontrées). Les malades mentaux
n'étaient que légèrement plus susceptibles d'être
considérés comme des suspects que les personnes non atteintes
de troubles mentaux. Dans le cas des individus considérés
comme de suspects, il n'y avait pas de lien entre le genre de crime commis
et le fait que le sujet soit atteint ou non d'un trouble mental. Le taux
d'infractions graves commises par les personnes atteintes de troubles
mentaux n'était pas disproportionné à leur nombre.
Les manifestations de la criminalité chez les suspects atteints
de troubles mentaux étaient en grande partie semblables à
celles observées chez les suspects non atteints de troubles mentaux.
Arbodela-Flórez et Holley (1988), qui se sont penchés sur
les contacts entre policiers et citoyens à Calgary, au Canada,
ont fait état de résultats semblables. Les sujets étudiés
étaient 350 personnes qui étaient entrées en contact
avec la police au cours d'une période de deux semaines. Les policiers
ont évalué le comportement observable des sujets sur une
échelle dont l'une des extrémités correspondait à
un comportement normal et l'autre, à un comportement très
anormal. Les circonstances des rencontres étaient également
prises en considération. Les policiers devaient ensuite indiquer
ce qu'ils estimaient être la cause du comportement anormal observé,
c'est-à-dire l'alcool, la drogue, une maladie mentale ou autre
chose. Les sujets qui paraissaient être des malades mentaux aux
yeux des policiers n'avaient pas commis un plus grand nombre de crimes
contre la personne ou contre les biens ni de crimes d'une autre nature,
comparativement aux sujets que les policiers avaient jugés normaux. Études
portent sur des patients psychiatriques :
La violence physique dans les hôpitaux a été signalée
dans près de 20 p. 100 des échantillons étudiés
(p. ex. Lagos, Perimutter et Saexinger, 1977; Binder, McNeil et Binder,
1988). Généralement, un petit nombre de patients (p. ex.
5 p. 100) sont jugés responsables d'un peu plus de la moitié
de tous les incidents violents et de plus de la moitié des blessures
graves (Convit, Isay, Otis et Volavka, 1990; Fottrell, 1980). Les patients
ayant des symptômes psychotiques, plus particulièrement la
paranoïa, ont été jugés comme étant plus
susceptibles de se livrer à une agression physique contre autrui
(Noble et Rodger, 1989; Kennedy, 1993; McNeil et Binder, 1994). Chez les
patients psychogériatriques, il a été démontré
que la démence était reliée à un comportement
agressif et violent (Patel et Hope, 1992). Dans le cadre d'une étude
sur la population psychiatrique non hospitalisée, Tardiff et Koenigsberg
(l985) signalent que 5 p. 100 des sujets avaient commis une a agression
physique envers d'autres personnes quelques jours avant les évaluations
et que les membres de leur famille représentaient plus de la moitié
des victimes. L'agressivité a été associée
au fait d'être un homme, d'avoir moins de 20 ans, d'avoir fait l'objet
d'un diagnostic de trouble mental durant l'enfance ou l'adolescence ou
de souffrir d'un retard mental.
Straznickas, McNiel et Binder (1993) ont constaté que 19 p. 100
des patients (113 sur 581) dans un service de psychiatrie interne en milieu
universitaire, verrouillé, pour soins de courte durée avaient
physiquement agressé quelqu'un dans les deux semaines précédant
leur hospitalisation et que 31 des patients qui étaient agressifs
avaient attaqué plus d'une personne. Des 113 malades qui ont attaqué
une personne, 50 avaient attaqué des personnes autres que les membres
de leur famille, 10 avaient attaqué et des membres de la famille
et des personnes autres que celles-ci, et 53 avaient agressé des
membres de la famille. Malheureusement, aucun groupe témoin n'a
été utilisé. C'est donc dire qu'il n'est pas clair
si les parents d'un malade mental sont plus susceptibles d'être
la cible de la violence, comparativement aux parents des personnes non
atteintes d'un trouble mental.
Il a été constaté que la violence et les comportements
suscitant la peur sont caractéristiques des exacerbations aiguës
d'affections chroniques comme la schizophrénie ou la manie qui
peuvent nécessiter une hospitalisation. Binder et coll. (1988)
ont constaté que 21 p. 100 d'un échantillon aléatoire
de malades (N= 150) hospitalisés dans un établissement psychiatrique
universitaire avaient agressé des personnes et que 25 p. 100 s'étaient
livrés à un comportement ayant suscité la peur au
cours des deux semaines précédant leur hospitalisation.
Cette situation s'appliquait tout particulièrement aux malades
souffrant de schizophrénie ou de manie. De plus, 13 p. 100 des
patients avaient agressé d'autres patients au cours de leur admission
et 32 p. 100 s'étaient livrés à un comportement ayant
suscité la peur. Les patients chez qui une manie avait été
diagnostiquée étaient plus susceptibles d'agresser d'autres
personnes, alors que les sujets ayant un diagnostic de schizophrénie
étaient plus susceptibles d'adopter un comportement suscitant la
peur. Ces constatations mettent en relief l'importance du contexte comme
facteur influant sur l'expression de comportements violents.
Il semblerait que le taux de violence chez les malades hospitalisés
soit à la hausse. Par exemple, Noble et Rodger (1989) font état
d'une augmentation des incidents violents survenus dans les hôpitaux
entre 1976 et 1984. De façon semblable, Volavka et coll. (1995)
signalent une tendance à la hausse de la prévalence des
arrestations de patients psychiatriques relativement à des incidents
commis au cours de leur séjour à l'hôpital.
Un certain nombre d'études ont examiné la relation entre
des diagnostics bien précis de violence au sein de populations
de patients psychiatriques hospitalisés. La principale question
soulevée dans le cadre de ce type de recherche visait à
déterminer quels genres de troubles psychiatriques prédisent
la violence et la criminalité chez les populations psychiatriques,
et non si les troubles psychiatriques, en soi, prédisent la criminalité
et la violence.
Le résultat le plus consistant et le plus frappant est peut-être
l'association entre les toxicomanies (alcool et(ou) drogue) et la violence
et la criminalité, ainsi que l'absence d'une association ou l'existence
d'une faible association entre d'autres troubles (p. ex. la schizophrénie,
les troubles affectifs ou les syndromes d'anxiété) et la
violence. Dès 1974, Guze, Woodruff et Clayton montraient que des
patients souffrant de sociopathie et de toxicomanie avaient été
reconnus coupables de crimes, ce qui avait amené les auteurs à
conclure que la sociopathie, l'alcoolisme et la toxicomanie constituaient
les principaux troubles psychiatriques associés aux crimes graves.
Des constatations semblables ont été signalées dans
des études plus récentes (Holcomb et Ahr, 1988, Modestin
et Ammann, 1995).
L'importance de la toxicomanie comme prédicteur de la violence
tenait toujours, même lorsque les études étaient restreintes
à un seul groupe diagnostique, comme les patients souffrant de
,schizophrénie. Par exemple, Cuffel, Shuway, Choulijian et MacDonald
(1994) n'ont étudié que des patients chez qui la schizophrénie
avait été diagnostiquée afin de déterminer
si un diagnostic de toxicomanie comorbide augmentait le risque de violence
subséquente. Des données ont été recueillies
à partir d'un examen rétrospectif des dossiers de 103 malades
non hospitalisés qui ont participé pendant six mois à
des essais cliniques randomisés à une clinique de recherche
sur la schizophrénie à San Francisco (États-Unis).
Le comportement violent comprenait tant les dommages matériels
que des actes contre autrui comme les menaces verbales de violence contre
autrui, les menaces non verbales de violence contre autrui, les agressions
physiques, les altercations, le fait de brandir une arme, l'utilisation
d'une arme, le fait d'allumer un incendie ou la destruction de biens.
Les patients qui souffraient de polytoxicomanie (alcool et drogues) étaient
considérablement plus susceptibles de commettre un acte violent,
même si le risque diminuait considérablement trois mois après
le début de l'étude. Ces résultats concordent avec
les constatations d'enquêtes communautaires faisant état
d'une relation statistique entre les toxicomanies et la violence dans
des échantillons représentatifs d'adultes.
Une deuxième importante constatation découlant de ce corpus
de recherche est l'importance de la violence et de la criminalité
antérieures lorsqu'il s'agit de prédire la violence et la
criminalité futures (p. ex. Asnis, Kaplan, van Praag et Sanderson,
1994; Klassen et O'Connor, 1988a, 1988b; Lundy, Pfohl et Kuperman, 1993).
Cette relation est importante à la lumière du pourcentage
significatif de patients psychiatriques qui signalent des actes criminels
et violents antérieurs (p. ex. Grossman, Haywood, Cavanaugh, Davis
et Lewis, 1995; Holcomb et Ahr, 1988).
Cirincione, Steadman, Clark-Robbins et Monahan (1992) ont évalué
la mesure dans laquelle un diagnostic de schizophrénie constituait
un facteur prédicteur de la violence criminelle, après avoir
contrôlé les effets des antécédents d'arrestations
dans deux cohortes de patients admis à un établissement
de l'état de New York, une en 1968 (N=255) et l'autre en 1978 (N=327).
La Division des services de justice pénale de l'état de
New York a fourni des données sur les crimes violents commis au
cours des 11 années qui ont suivi l'admission du cas psychiatrique
de référence. Les crimes avec violence comprenaient le meurtre,
l'homicide involontaire, le viol, la tentative de viol, les voles de fait,
l'enlèvement et la sodomie. Les antécédents d'arrestations
présentaient une corrélation significative avec le crime
violent dans les deux cohortes. En 1968, le diagnostic constituait un
facteur prédicteur important des crimes avec violence. Cependant,
tel n'était pas le cas en ce qui concerne la cohorte de 1978. Dans
le cas des individus n'ayant pas d'antécédents d'arrestations,
le diagnostic ne permettait pas de prédire un crime avec violence
futur. De façon semblable, Wessely, Castle, Douglas et Taylor (1994)
ont démontré un faible risque accru de criminalité
chez les sujets atteints de schizophrénie, mais ce risque était
atténué par les effets beaucoup plus importants d'antécédents
de criminalité et de toxicomanie.
Buckley et ses collaborateurs (1990) fournissent des précisions
sur les cibles probables de la violence. Ils ont étudié
698 patients chez qui une schizophrénie avait été
diagnostiquée et qui avaient été hospitalisés
au service de psychiatrie à Dublin, en Irlande, entre 1983 et 1988.
Seize pour cent des patients s'étaient livrés à des
actes de violence physique ou de destruction (c'est-à-dire contre
des biens) depuis l'apparition de leur maladie. Les patients n'ayant pas
d'antécédents de violence ont été jugés
semblables aux patients ayant de tels antécédents en ce
qui concerne la symptomatologie positive et négative et des antécédents
familiaux de troubles psychiatriques. La violence était plus commune
chez les sujets de sexe masculin. La plupart des incidents de violence
communautaire se sont produits au domicile et comprenaient des épisodes
d'endommagement du mobilier ou des agressions mineures contre des membres
de la famille.
Études portant sur des détenus Études
sur la prévalence :
Un certain nombre d'études ont évalué la prévalence
de la maladie mentale chez des échantillons de détenus.
Interprétées dans le vaste contexte de la criminalisation
des malades mentaux, ces études ont été citées
pour appuyer l'hypothèse selon laquelle un grand nombre de malades
mentaux ont été détournés du système
de santé mentale vers le système de justice pénale.
Cependant, il n'est pas clair, d'après ces études, quelle
proportion des maladies mentales étaient présentes avant
l'incarcération (p. ex. Allodi et Montgomery, 1975) et quelle proportion
découle de la «psychiatrisation» de la criminalité
(p. ex. Davis, 1992).
Deux importantes études canadiennes (Arboleda-Flórez, 1994;
Bland, Newman, Dyck et Orn, 1990) fournissent des preuves fort concluantes
qu'une importante proportion des personnes incarcérées souffrent
de toxicomanies et de maladie mentale grave. Même si des méthodes
d'évaluation des troubles mentaux différentes ont été
utilisées, les deux études présentent des résultats
consistants. Dans l'étude la plus récente (Arbodela-Flórez,
1994), des psychiatres légistes ont entrepris des entrevues cliniques
structurées chez un échantillon aléatoire de 1 200
admissions au Calgary Remand Center. Les sujets ont été
examinés au cours des premières 24 heures de détention.
Un diagnostic principal, soit de l'axe I ou de l'axe II du Diagnostic
and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-III-R) a été
posé chez 728 des 1 200 sujets interviewés (60,7 p. 100).
La prévalence à un mois était de 49,5 p. 100 chez
les femmes et de 56 p. 100 chez les hommes dans le cas d'un trouble de
l'axe I et de 3,6 p. 100 chez les femmes et de 5,5 p. 100 chez les hommes
dans le cas d'un trouble de la personnalité de l'axe II. Des toxicomanies
avaient été constatées chez 35,7 p. 100 des femmes
et chez 47,3 p. 100 des hommes. La schizophrénie n'a pas été
constatée chez les femmes (ce qui tient peut-être à
leur plus petit nombre dans l'échantillon) et a été
enregistrée chez 1,2 p. 100 des hommes. De même, Bland, Newman,
Dyck et Orn (1990) ont étudié un échantillon systématique
et plus petit de 180 hommes détenus au Calgary Remand Center. L'échantillon
comprenait des individus en détention provisoire et des détenus
purgeant une peine de deux ans moins un jour dans un établissement
provincial. À l'aide du DIS prévu pour les intervieweurs
non spécialisés, ces auteurs ont constaté une prévalence
sur toute une vie de tout trouble psychiatrique de 92 p. 100. Le diagnostic
le plus fréquent était la toxicomanie (87 p. 100). La personnalité
antisociale représentait 57 p. 100 des cas, les troubles affectifs,
23 p. 100, et la schizophrénie, 2 p. 100. Il se peut que la proportion
plus forte des troubles de la personnalité dans cette étude
soit fonction du DIS qui utilise des renseignements sur la criminalité
dans les critères de diagnostic. Des études faisant état
d'une forte prévalence de toxicomanes chez les détenus ont
aussi été signalées aux États-Unis (Barton,
1982; Lamb et Grant, 1982) et au Royaume-Uni (Taylor et Gunn, 1984).
Malgré la forte prévalence de troubles mentaux chez les
détenus, Teplin (1990) a démontré que le taux global
de dépistage par le personnel carcéral est peut-être
très faible (32,5 p. 100), ce qui indique que les détenus
atteints de troubles mentaux ne bénéficient pas souvent
d'un traitement. Les personnes sont plus susceptibles d'être soignées
si elles avaient des antécédents de traitement (91,7 p.
100 dépistés).
Études analytiques portant sur les troubles mentaux et la violence
:
Un certain nombre d'études ont tenté de déterminer
si la criminalité violente pouvait être associée à
la maladie mentale en général ou à un diagnostic
particulier au sein de la population carcérale (McKnight, Mohr,
Quinsey et Erochko, 1966; Nichol, Gunn, Gristwood, Foggitt et Watson,
1973; Siomopoulos, 1978; Ashford, 1989; Brownstone et Swaminath, 1989;
Côté et Hodgins, 1992; Beaudoin, Hodgins, Lavoie, 1993; Coid,
Lewis et Reveley, 1993; Raine, 1993). Cependant, ces études comportent
toutes de multiples faiblesses sur le plan de la méthodologie,
y compris le recours à des échantillons petits ou non représentatifs,
des groupes de délinquants sélectifs comme les détenus
violents ou les détenus à l'égard desquels le tribunal
a ordonné une évaluation psychiatrique, ou encore, l'absence
d'une population témoin. C'est donc dire que les résultats
ne sont pas consistants et que toute conclusion permettant d'établir
un lien entre le diagnostic et la violence au sein des populations carcérales
irait bien au-delà de la portée et de la qualité
des données.
Dans une importante enquête, Toch et Adams (1989) ont utilisé
la technologie du couplage des dossiers pour étudier la relation
entre la maladie mentale et la criminalité dans l'État de
New York (États-Unis). Les dossiers informatisés de 8 379
détenus ont été appariés aux dossiers des
Services de santé mentale de l'État. Les détenus
étaient considérés comme souffrant d'un trouble mental
si leur nom figurait dans les dossiers des Services de santé mentale.
Sur le nombre de sujets n'ayant pas d'antécédents de troubles
mentaux ( y compris la toxicomanie), 13,8 p. 100 avaient des antécédents
de violence récente et éloignée, comparativement
à 17 p. 100 ayant des antécédents de maladie mentale
ou de toxicomanie. Cependant, 5,8 p. 100 des sujets présentant
une combinaison d'antécédents psychiatriques et de toxicomanie
avaient commis des actes de violence apparemment non motivés, comparativement
à seulement 1,2 p. 100 des sujets qui n'avaient pas d'antécédents
psychiatriques ou d'antécédents de toxicomanie. Même
si les différences constatées sont effectivement très
petites, les auteurs en sont arrivés à la conclusion que
les détenus ayant des antécédents de maladie mentale
ou de toxicomanie étaient plus susceptibles de commettre des actes
de violence récente et éloignée, de même que
des actes de violence non motivés.
Rice et Harris (1995) se sont penchés sur la récidive de
violence chez des cohortes appariées de 685 personnes devant faire
l'objet d'une courte évaluation psychiatrique médico-légale.
La psychopathie, la schizophrénie et l'abus de l'alcool constituaient
les principales variables indépendantes d'intérêt.
La récidive de violence survenait chez 31 p. 100 des sujets. Les
personnes respectant les critères établis pour la psychopathie
(selon la liste de contrôle de psychopathie de 20 points) étaient
plus susceptibles d'avoir un problème lié à l'alcool
et cette combinaison était reliée à la récidive
de violence. L'abus de l'alcool de façon isolée a aussi
été reliée à la récidive de violence
et les personnes chez qui une schizophrénie avait été
diagnostiquée étaient moins susceptibles de récidiver.
Malheureusement, les auteurs n'ont pas contrôlé la violence
antérieure ou d'autres facteurs de risque connus comme l'âge
ou le statut socioéconomique. Les résultats, au mieux, ne
permettent que d'envisager l'existence d'un lien.
Inversement, Valdiserri, Carroll et Hartl (1986) ont examiné la
relation entre la psychose et la criminalité chez des personnes
devant se présenter à une clinique de santé mentale
située dans une prison américaine. Les détenus psychotiques
étaient quatre fois plus susceptibles d'avoir été
accusés d'une infraction mineure. Il n'y avait aucune différence
entre les groupes à l'étude en ce qui concerne les infractions
violentes. De façon semblable, Hodgins et Cote (1993) se sont penchés
sur la relation existant entre la maladie mentale et la criminalité
violente dans un échantillon représentatif de 461 sujets
détenus dans des établissements carcéraux au Québec
(Canada). Au total, 107 détenus ont été définis
comme étant des malades mentaux selon le DIS. Il a été
constaté que ces personnes n'avaient pas d'antécédents
de condamnations plus importantes ou plus violentes que des détenus
ne souffrant pas de troubles mentaux.
Études de suivi portant sur des délinquants mis en liberté
:
La relation entre la maladie mentale et l'adaptation subséquente
dans la collectivité des délinquants mis en liberté
a été étudiée minutieusement dans deux importantes
études (Abram et Teplin, 1990; Feder, 1991; Teplin, Abram et McClelland,
1994). Aucune de ces études ne fait état d'une forte relation
entre la maladie mentale et l'adaptation post-libération ou la
récidive.
Abram et Teplin (1990) voulaient tout particulièrement déterminer
si les personnes ayant des diagnostics doubles (maladie mentale et toxicomanie)
allaient commettre plus de crimes avec violence que les personnes qui
faisaient un abus de drogues, mais qui ne souffraient pas d'une maladie
mentale. Un échantillon aléatoire de 728 délinquants
libérés relevant des services correctionnels du comté
de Cook (États-Unis) a fait l'objet d'un suivi de trois ans. Les
données relatives à la maladie mentale et à la toxicomanie
ont été recueillies à l'aide du DIS et les données
sur les arrestations subséquentes ont été obtenues
auprès du service de police de Chicago, du FBI et du Bureau d'enquête
de l'État de l'Illinois. Les arrestations antérieures en
raison de crimes avec violence et la période à risque (nombre
de jours en liberté) présentaient une association positive
avec la perpétration de crimes avec violence. Un trouble lié
aux opiacés réduisait la probabilité d'une arrestation
future pour un crime avec violence. Toutefois, les auteurs ont souligné
que les données avaient été recueillies avant l'épidémie
de cocaïne aux États-Unis. Les troubles mentaux (schizophrénie,
dépression et trouble lié à l'alcool) ne permettaient
pas de prédire des arrestations subséquentes pour crime
avec violence une fois qu'eurent été contrôlées
des variables comme l'âge ou l'instruction.
Par la suite, soit en 1994, Teplin, Abram et McClelland ont tenté
à nouveau de déterminer, au cours d'une période de
suivi de six ans, si les taux d'arrestations post-libération pour
crimes avec violence chez ces délinquants étaient liés
à une maladie mentale. Les personnes atteintes d'une maladie mentale
grave, définie comme comprenant la schizophrénie ou des
troubles affectifs graves, avaient une probabilité de 0,43 d'être
arrêtées de nouveau. Les personnes souffrant de toxicomanies
avaient une probabilité de 0,46. Ces différences n'étaient
pas significatives sur le plan statistique et tenaient toujours lorsque
les variables antécédents criminels et âge étaient
contrôlées. Dans chaque groupe diagnostique, les personnes
ayant des antécédents de crimes avec violence étaient
deux fois plus susceptibles d'être arrêtées à
nouveau au cours de la période de suivi, comparativement aux personnes
n'ayant pas de tels antécédents. Les sujets ayant des antécédents
d'hallucinations ou de délire n'étaient pas plus susceptibles
d'être arrêtés à nouveau. Les sujets ayant des
antécédents d'hallucinations ou de délire affichaient
effectivement un nombre supérieur d'arrestations pour crimes avec
violence, mais la différence n'était pas significative.
Il s'agit d'une étude réalisée avec soin et bien
décrite qui fournit des preuves concluantes infirmant l'hypothèse
voulant qu'une nouvelle arrestation pour crime avec violence soit reliée
au diagnostic d'un trouble psychiatrique.
Des résultats semblables sont signalés par Feder (1991)
qui a comparé l'adaptation post-libération chez des délinquants
souffrant de troubles mentaux (N= 147) à un groupe comparable de
délinquants non atteints de troubles mentaux (N=400) au cours d'une
période de 18 mois. Lorsque des techniques statistiques ont été
appliquées pour contrôler les différences entre les
groupes relativement aux antécédents criminels, les seuls
facteurs significatifs permettant de faire la distinction entre les groupes
quant aux arrestations subséquentes étaient l'âge
et les arrestations antérieures. Le statut psychiatrique n'était
pas important. Soixante-quatre pour cent des délinquants atteints
de troubles mentaux et 60 p. 100 des délinquants non atteints de
tels troubles ont été arrêtés à nouveau
au moins une fois au cours de la période de suivi; 19 p. 100 des
malades mentaux et 15 p. 100 des sujets normaux avaient été
arrêtés pour un crime avec violence. Les délinquants
souffrant de troubles mentaux étaient moins susceptibles de se
voir imposer une peine d'emprisonnement et plus susceptibles d'être
orientés vers le système de santé mentale.
Des enquêtes moins importantes ou moins contrôlées
ont aussi été effectuées et font état d'une
forte prévalence de récidive (p. ex. Guze, Goodwin et Crane,
1969; Grunberg, Klinger et Grumet, 1977; Pasewark, Bieber, Bosten, Kiser
et Steadman, 1982; Hodgins et Hébert, 1984; Lindqvist, 1986; Lamb,
Weinberger et Gross, 1988; Menzies et Webster, 1987; McMain, Webster et
Menzies, 1989; Martel et Dietz, 1992), mais elles ne peuvent étayer
un lien de causalité entre la santé mentale et la violence. Sommaire
des principales constatations :
Les antécédents de violence et de criminalité se
sont révélés le plus important prédicteur
de la violence et de la criminalité, autant chez les schizophrènes
que les toxicomanes.
Jusqu'ici, il n'existe aucune preuve consistante pour appuyer l'hypothèse
selon laquelle la maladie mentale (p. ex. la schizophrénie ou la
dépression) qui n'est pas aggravée par la toxicomanie constitue
un important facteur de risque de la violence ou de la criminalité,
une fois les antécédents de violence contrôlés.
Le risque de comportement violent, chez les schizophrènes, dépend
en partie du contexte et de la présence de symptômes psychotiques.
Ainsi, on a constaté que les personnes atteintes de schizophrénie
sont quelque peu plus susceptibles de commettre des actes violents quand
elles sont dans la collectivité, particulièrement quand
elles sont la proie de symptômes psychotiques. Inversement, l'incidence
de comportement violent est basse parmi les patients atteints de schizophrénie
hospitalisés qui prennent les neuroleptiques nécessaires.
Les incidents violents chez les malades mentaux hospitalisés se
multiplient peut-être. Cependant, c'est habituellement un petit
nombre de ces malades, d'ordinaire ceux présentant des symptômes
psychotiques aigus ou une démence, qui ont été jugés
responsables de la majorité des incidents violents. La plupart
des incidents violents menant à une hospitalisation surviennent
au domicile et comprennent des épisodes d'endommagement du mobilier
ou de voies de fait sur des membres de la famille.
Les malades mentaux qui ont déjà été hospitalisés
sont peut-être plus susceptibles d'être arrêtés
ou violents quand ils sont libérés dans la collectivité,
particulièrement s'ils ont déjà été
arrêtés, qu'ils ont des antécédents violents
ou qu'ils souffrent de symptômes psychotiques.
Les proches (et non le grand public) sont les victimes les plus probables
des actes violents que posent des malades mentaux autrefois hospitalisés
et maintenant relâchés dans la collectivité.
La toxicomanie semble constituer un important facteur de risque de la
violence et de la criminalité au sein de la collectivité,
chez les malades hospitalisés et chez les détenus. Un membre
du grand public risque peu d'être victimisé par une personne
souffrant d'un trouble non lié à la toxicomanie.
Des études portant sur les contacts entre policiers et citoyens
et menées au Canada et aux États-Unis montrent une similarité
dans les types de criminalité chez les malades mentaux et chez
les personnes ne souffrant pas de maladie mentale qui ont des démêlés
avec la police. Les malades mentaux ne sont pas plus susceptibles d'être
accusés d'un crime avec violence que ne le sont les personnes ne
souffrant pas de maladie mentale.
La prévalence des troubles liés à la toxicomanie
et des troubles mentaux est forte chez les détenus en détention
provisoire et chez les détenus des établissements provinciaux.
Et pourtant, le taux global de dépistage des maladies mentales
par le personnel correctionnel semble être très faible. On
a expliqué la forte prévalence des troubles mentaux chez
les détenus en évoquant la «criminalisation»
des comportements causés par des troubles mentaux, la «psychiatrisation»
du comportement criminel et la nature pathogène des milieux carcéraux.
De façon générale, l'adaptation des détenus
après leur mise en liberté ne semble pas être reliée
à d'importantes maladies mentales (comme la schizophrénie
ou la dépression) ou à des troubles liés à
la toxicomanie lorsque sont contrôlés les antécédents
de criminalité et l'âge.
Le plus souvent, les personnes qui sont plus jeunes sont exposées
à un plus grand risque de violence et de criminalité.
3 |
Examen critique :
Y a-t-il un lien de cause
à effet entre la maladie
mentale et la violence? |
Dans le chapitre précédent, on a résumé les
principaux liens statistiques entre la maladie mentale et la violence
signalés dans la littérature. Cependant, la compréhension
de ces liens ne constitue que la première étape d'une évaluation
critique de la question qui nous intéresse, c'est-à-dire
: Y a-t-il un lien de cause à effet entre la maladie
mentale et la violence? Une rigoureuse démarche logique qui
va au-delà des associations statistiques démontrées
s'impose si nous voulons porter des jugements concernant les mécanismes
de causalité. L'épidémiologie fournit un tel cadre
(Lilienfield et Stoley, 1994) qui sera appliqué pour déterminer
s'il y a suffisamment de preuves pour conclure que la maladie mentale
est une cause de violence.
Commençons par prendre connaissance d'un passage maintes fois
cité, tiré d'un article que Monahan et Steadman ont publié
en 1983, article qui est devenu classique, dans lequel les auteurs donnent
le compte rendu de leur examen de la littérature. Jusqu'à
récemment, cet article représentait pour les dispensateurs
de soins de santé mentale aussi bien que les scientifiques la référence
par excellence pour comprendre la relation entre la maladie mentale et
la violence Notre examen nous amène à conclure que
les relations entre la criminalité et la maladie mentale peuvent
s'expliquer en grande partie par les caractéristiques démographiques
et historiques que les deux groupes ont en commun. Lorsque des contrôles
statistiques appropriés sont appliqués pour tenir compte des
facteurs tels que l'âge, le sexe, la race, la classe sociale et les
placements antérieurs en établissement, les relations observées
entre la criminalité et la maladie mentale, quelles qu'elles soient,
tendent à disparaître [cité dans Monahan, 1993, p. 287].En
1993, Monahan a révisé sa position et en est arrivé
à la conclusion inverse : Je crois maintenant que cette conclusion
est, à tout le moins, prématurée et qu'elle pourrait
fort bien être fausse pour deux raisons. Premièrement, le fait
d'appliquer des contrôles statistiques pour éliminer les effets
de facteurs tels que la classe sociale et les placements antérieurs
en établissement, qui sont fortement reliés à la maladie
mentale, présente plusieurs problèmes. Par exemple, dans certains
cas, la maladie mentale amène le sujet qui en est atteint à
descendre dans l'échelle sociale (peut-être parce que sa psychose
se manifeste au travail) et aussi à devenir violent. Ainsi, le fait
de contrôler la variable «classe sociale inférieure»
contribue, dans une certaine mesure qu'on ne peut encore déterminer,
à atténuer la relation qui serait observée autrement
entre la maladie mentale et la violence. Si, dans d'autres cas, la maladie
mentale amène le sujet à commettre des actes de violence répétés
et, par conséquent, à être placé en établissement,
le fait de contrôler la variable «placements antérieurs
en établissement» a aussi pour effet de contribuer, dans une
certaine mesure qu'on ne peut encore déterminer, à masquer
la relation qui serait observée autrement entre la maladie mentale
et la violence (Monahan, 1993, p. 287-288).Deux points ressortent
clairement de ces passages. Premièrement, l'idée que les chercheurs
se font de la relation entre la maladie mentale et la violence a changé.
Deuxièmement, la plus grande partie des résultats observés
sous la forme d'associations statistiques entre la maladie mentale et la
violence dépendra dorénavant de certains détails techniques,
dont la façon dont l'âge, le sexe et le statut socioéconomique
devraient être considérés comme des facteurs dans l'analyse
statistique. Le cadre épidémiologique que nous avons adopté
pour notre examen permettra d'éclaircir ces questions et de mettre
en lumière les principales sources d'erreur dans les études
de cette nature.
Contrôle des facteurs de confusion :
Il se produit un facteur de confusion lorsque les effets d'au
moins deux facteurs sont confondus dans une série de données,
rendant ainsi difficile la constatation des effets de la relation principale
à l'étude, ou déformant effectivement de tels effets
(Last, 1988). La mesure dans laquelle toute variable sera considérée
comme un facteur de confusion dépendra de la façon dont
l'enquêteur comprend le mécanisme de causalité à
l'étude. Par exemple, Monahan (1993) explique l'action causale
de la maladie mentale sur la violence en proposant une théorie
dans laquelle le statut socioéconomique serait un facteur intermédiaire
dans la chaîne causale hypothétique entre ces deux variables.
Selon Monahan, les personnes chez qui une maladie mentale grave apparaît
descendent dans l'échelle sociale, car leur maladie altère
progressivement leur capacité de travailler. Lorsque le statut
socioéconomique est traité comme une conséquence
de la maladie mentale, Monahan a raison lorsqu'il soutient que le fait
d'appliquer des contrôles statistiques pour éliminer les
effets de la variable statut socioéconomique peut fausser considérablement
les résultats. Tout facteur qui représente une étape
plausible dans la chaîne causale à l'étude ne peut
être considéré comme étant superflu dans l'analyse
et les effets de ce facteur ne devraient pas être éliminés
au cours de l'analyse (Rothman, 1986). Malheureusement, ce problème
n'est pas si facilement réglé du fait que, dans certains
cas, il se peut qu'une détérioration du statut socioéconomique
ne se produise pas ou ne soit pas attribuable à la maladie mentale.
C'est donc dire que la mesure dans laquelle le contrôle du statut
socioéconomique déformerait les résultats serait
fonction, en partie, de la population ` l'étude. En cas de doute
quant au caractère causal d'un facteur, le chercheur prudent peut
évaluer la relation entre la maladie mentale et la violence avec
et sans contrôles statistiques à l'égard du statut
socioéconomique afin de comparer les différences entre les
résultats obtenus dans les deux cas.
Monahan soulève à tort le même argument dans le cas
d'autres facteurs comme l'âge ou le sexe. Or, pour que ces deux
variables puissent être considérées comme des facteurs
intermédiaires, il faudrait qu'elles soient causées par
la maladie mentale, ce qui est tout à fait invraisemblable. Toutefois,
comme il a été établi que tous ces facteurs sont
statistiquement associés à la violence, ils risquent de
nous empêcher de tirer des conclusions valables au sujet de la relation
entre la maladie mentale et la violence, selon la façon dont ils
sont représentés dans l'étude et dans les groupes
témoins. Par exemple, si le groupe de malades mentaux à
l'étude comprend aussi un nombre disproportionné de jeunes
hommes enclins à la violence, une simple comparaison du groupe
à l'étude et du groupe témoin indiquerait qu'il y
a une association statistique entre la maladie mentale et la violence.
En fait, cette association apparente pourrait s'expliquer par l'effet
combiné des variables âge et sexe. Pour évaluer la
relation réelle entre la maladie mentale et la violence, il faudrait
appliquer une des nombreuses techniques statistiques permettant d'éliminer
les effets de ces deux variables, qui constitueraient dans ce cas des
facteurs de confusion. Ainsi, lorsqu'on procède à un examen
critique de la littérature, il convient de considérer l'âge,
le sexe ou la violence antérieure comme des facteurs de confusion
qui justifient l'application de contrôles minutieux.
Source de confusion par définition :
Une autre question de première importance réside dans le
fait qu'il est peut-être impossible de définir la violence
indépendamment de la maladie mentale. Dans le cas d'un certain
nombre de troubles mentaux décrits dans le DSM-III-R (et par la
suite, dans le DSM-IV) (American Psychiatric Association, 1987, 1994),
notamment la personnalité antisociale, la personnalité limite,
le trouble explosif intermittent et le sadisme sexuel, le comportement
violent constitue un critère diagnostique clé. Dans le cas
d'autres troubles, comme la schizophrénie, le trouble bipolaire
et la toxicomanie, le comportement violent est considéré
dans le DSM comme un phénomène associé à la
maladie, bien que ce ne soit pas un symptôme. Par conséquent,
les manifestations de la violence peuvent contribuer à accroître
la probabilité que ces troubles soient diagnostiqués (Swanson,
Holzer, Ganju et Jono, 1990). Il s'agit alors, par définition,
d'une source de confusion.
Harry (l985) a procédé à une analyse du contenu
du DSM-I, du DSM-II et du DSM-III pour déterminer dans quelle mesure
notre conceptualisation des diagnostics a changé et a eu un effet
sur l'étude de la relation entre la maladie mentale et la violence.
Il a examiné les paragraphes descriptifs et les critères
diagnostiques de chaque trouble pour trouver des mots se rapportant aux
comportements violents. Malheureusement, il n'a pas distingué les
mots désignant la violence contre les autres de ceux désignant
la violence contre soi. Les résultats de son examen nous seront
néanmoins utiles ici pour exposer notre point de vue sur la question.
Dans le DSM-I, six des 276 troubles répertoriés (2,17 p.
100) se rapportaient à la violence. Dans le DSM-II, neuf des 337
troubles répertoriés se rapportaient à la violence
(2,67 p. 100). Dans le DSM-III, la proportion saute à 46,6 p. 100,
c'est-à-dire 162 troubles sur 348. Dans 26,15 p. 100 des cas, c'est-à-dire
91 des 348 troubles, les critères diagnostiques étaient
définis par des termes désignant la violence. Dans le DSM-III,
les catégories diagnostiques comprenant le plus grand nombre de
troubles «violents» étaient les toxicomanies,
les troubles mentaux organiques, les troubles affectifs (généralement
le suicide et l'automutilation) et les troubles qui se manifestent avant
l'âge adulte.
Le DSM-I a été publié en 1952, le DSM-II l'a été
en 1968 et a été utilisé jusqu'en 1980 environ, année
où le DSM-III a été introduit. Un certain
nombre d'auteurs ont fait des observations sur le revirement en apparence
inexplicable des résultats de recherche. Dans les premières
études sur la relation entre la maladie mentale et la violence,
les chercheurs avaient tendance à ne pas constater de liens entre
les deux, alors que les études réalisées au cours
des quinze dernières années ont renversé cette tendance
(Link, Andrews, Cullen, 1992; Teplin, 1985). Si nous considérons
que ce revirement coïncide avec l'adoption du DSM-III, la conceptualisation
différente des troubles mentaux, où la notion de violence
occupe une place importante, peut être à l'origine d'un grand
nombre de résultats récents.
Facteur de confusion possible attribuable à certains médicaments
utilisés en psychiatrie :
Enfin, un autre facteur de confusion est l'effet de certains médicaments
utilisés en psychiatrie, qui entraînent un comportement agressif.
Dans un article portant sur les aspects cliniques du comportement dangereux,
Menuck (1983) a décrit un certain nombre de réactions iatrogènes
ou paradoxales à certains médicaments utilisés en
psychiatrie. Les tranquillisants et sédatifs (p. ex. la benzodiazépine
et les barbituriques) peuvent avoir un effet désinhibiteur sur l'affect
et le comportement. Les réactions paradoxales à ces médicaments,
dont le comportement violent, ont été observées chez
des détenus, des malades mentaux et des personnes en santé
qui se sont portées volontaires pour prendre ces médicaments.
Les médicaments qui peuvent produire l'hypomanie peuvent aussi
entraîner un comportement agressif en activant le système
nerveux central. Un comportement agressif a été observé
chez des personnes traitées avec de l'imipramine et de l'amitriptyline,
de la phénylzine, de la prednisone et de la bromocriptine.
Les neuroleptiques stimulent parfois l'agressivité. Ce phénomène
a été observé aussi bien chez des sujets qui prenaient
une faible dose que chez d'autres qui prenaient une dose élevée. Même
si une relation statistique entre la maladie mentale et la violence a pu
être démontrée dans un certain nombre d'études,
on ignore dans quelle mesure la violence était due à la maladie
mentale plutôt qu'au traitement psychopharmacologique. Dans le contexte
des soins communautaires et compte tenu de la perception qu'a le public
des malades mentaux, il se peut qu'il s'agisse d'une subtilité d'une
conséquence guère pratique.
Choix des sujets pour éviter tout biais de sélection
:
La troisième question qui a été soulevée
dans les passages que nous avons cités précédemment
(Monahan, 1993) et qui mérite réflexion a trait à
la procédure à suivre pour tenir compte des placements antérieurs
en établissement qui peuvent avoir un lien avec la violence.
Les épidémiologistes reconnaissent cette difficulté,
qui se présente au moment du choix des sujets à l'étude.
Ils emploient le terme «biais de sélection» pour
désigner la distorsion des résultats pouvant découler
de ce problème (Rothman, 1986). Dans le présent contexte,
et comme l'exemple présenté par Monahan l'illustre bien,
il y a un biais de sélection si les sujets à l'étude
représentent des sous-groupes de malades mentaux qui sont plus
susceptibles d'être violents.
Le biais de sélection est un problème universel dans les
études qui portent sur des personnes qui suivent un traitement
pour une maladie mentale, en particulier les malades mentaux hospitalisés,
ou sur des personnes incarcérées pour des crimes avec violence.
Étant donné que ces deux groupes peuvent être plus
sujets à la violence, les études qui portent sur des malades
traités peuvent entraîner une surestimation de l'effet de
la maladie mentale. Ni l'un ni l'autre de ces groupes ne sont représentatifs
des populations dont ils font partie (c'est-à-dire les malades
mentaux d'une part et les détenus d'autre part).
Le biais de sélection est un problème insurmontable dans
ces études, parce qu'il a été démontré
que :
(a)
(b) |
les malades mentaux prestataires de services de santé,
en particulier dans les hôpitaux, peuvent être plus
enclins à la violence. Les critères d'internement
civil régissant l'hospitalisation psychiatrique involontaire
ont été modifiés au cours des deux dernières
décennies. Auparavant, ces décisions reposaient sur
le jugement du clinicien, qui déterminait si le sujet avait
besoin ou non d'un traitement, alors qu'aujourd'hui, eues doivent
être prises selon le critère de la dangerosité
(Monahan, 1984). Au Canada, l'Alberta a été la première
province à adopter le critère de la dangerosité
dans sa loi sur la maladie mentale (Mental Health Act) en
1972 (Davis, 1992). Les études qui font état d'une
augmentation de la violence chez les malades mentaux hospitalisés
concordent, chronologiquement, avec l'entrée en vigueur des
lois dans lesquelles la dangerosité est le critère
d'admission.
Les personnes qui entrent en contact avec la police parce
qu'elles ont un comportement violent ou perturbateur peuvent être
plus susceptibles de souffrir d'une maladie mentale. Certains considèrent
que les critères d'internement civil plus restrictifs ont
contribué de façon importante à la désinstitutionnalisation
des malades mentaux, qui ne sont plus soignés dans les hôpitaux
psychiatriques, mais dans la collectivité. Par exemple, aux
États-Unis, entre 1955 et 1975, la population des hôpitaux
psychiatriques publics a diminué de plus de 365 000 (Morrissey
et Goldman, 1981). Au Canada, entre 1961 et 1976, 34 000 patients
des hôpitaux psychiatriques ont réintégré
la collectivité. Des tendances semblables ont été
observées à travers l'Europe (Holley et Arboleda-Flórez,
1988), mais la décroissance a probablement été
plus progressive (Morrissey et Goldman, 1981).
Selon une analyse récente des lois en matière de
santé mentale au Canada (Arboleda-Flórez et Copithorne,
1994, mises à jour, 1995), il est clair que ces lois confèrent
aux policiers un pouvoir discrétionnaire considérable
sur les malades mentaux dans la collectivité. Toutes les
lois provinciales en matière de santé mentale donnent
aux policiers une alternative. Si l'individu semble souffrir d'un
trouble mental et présenter un danger pour lui-même
ou pour les autres, le policier peut décider de l'amener
dans un établissement psychiatrique pour qu'il fasse l'objet
d'un examen et, s'il y a lieu, d'un traitement. Ou encore, le
policier peut porter une accusation et procéder à
une arrestation. Des services psychiatriques peuvent alors être
demandés en vertu des diverses dispositions du Code
criminel applicables aux délinquants atteints de troubles
mentaux (voir Kunjukrishnan et Bradford, 1985 pour plus de détails
à ce sujet). Depuis que les critères d'internement
civil ont été resserrés, certains ont soutenu
que le recours au système de justice pénale était
devenu le moyen tout indiqué de mettre les personnes atteintes
de troubles mentaux à l'écart de la collectivité
tout en leur donnant accès aux services de santé
mentale.
L'idée selon laquelle il y aurait un «déplacement»
des malades mentaux du système de santé mentale
au système de justice pénale a été
exposée pour la première fois en 1939 par un chercheur
britannique nommé Penrose. Ce dernier a expliqué
l'association apparente entre la maladie mentale et la criminalité
en démontrant, avec données à l'appui, qu'il
y avait une relation inverse entre les populations carcérales
et les populations des hôpitaux psychiatriques dans 18 pays
européens. Là où les populations carcérales
étaient très importantes, les populations des hôpitaux
psychiatriques étaient faibles, et vice versa. La théorie
de Penrose repose sur le principe que le nombre de personnes ayant
besoin de soins en établissement demeure relativement stable
et qu'en fait, les malades mentaux quittent les hôpitaux
psychiatriques et entrent dans les établissements correctionnels,
et vice versa, selon l'évolution des normes et des politiques
(Holley et Arboleda-Flórez, 1988).
Weller et Weller (1988) ont représenté graphiquement
les données sur les populations des hôpitaux psychiatriques
et les données sur les admissions dans les prisons en Angleterre,
en 1950 et 1985. Ils ont obtenu un coefficient de corrélation
de -94, ce qui indique une forte relation inverse entre les deux
séries de données, confirmant la théorie
de Penrose. En d'autres termes, la connaissance de la population
des hôpitaux psychiatriques au cours de cette période
aura permis de prévoir l'ampleur des populations carcérales,
à l'exception d'un écart de seulement 11, 6 p. 100
de la population carcérale qui n'a pu être expliqué
dans les prévisions. Les auteurs ont souligné qu'il
est difficile d'avancer des explications convaincantes à
l'égard d'une relation aussi forte, sinon en déduisant
de ces résultats que les hôpitaux psychiatriques
avaient relogé leurs patients dans les prisons. Les études
qui n'ont pas révélé de différences
entre les patients ayant fait l'objet d'un internement civil et
les patients des unités médico-légales par
rapport aux comportements violents (p. ex. Beran et Hotz, 1984),
celles qui ont révélé des taux d'arrestation
ou de condamnation élevés chez les personnes atteintes
d'une maladie mentale (p. ex. Hodgins, 1992; Lindqvist et Allebeck,
1990) et celles qui ont indiqué une forte prévalence
de la maladie mentale chez les détenus (p. ex. Arboleda-Flórez,
1994; Bland, Newman, Dyck et Orn, 1990; Gingell, 1991) confirment
toutes la thèse selon laquelle un sous-groupe de personnes
passe du système de la santé mentale à celui
de la justice pénale.
La forte prévalence de la maladie mentale dans les populations
carcérales au Canada (p. ex. Arboleda-Flórez, 1994;
Bland et coll., 1990) a été expliquée de
diverses manières bien précises. Il est possible
que le taux d'arrestation chez les délinquants atteints
de troubles mentaux soit disproportionné à leur
nombre, comparativement au taux enregistré chez les délinquants
ne souffrant pas de troubles mentaux. Il est possible également
que les personnes atteintes d'une maladie mentale commettent leurs
crimes avec moins d'habileté ou se fassent prendre plus
facilement. Ou encore, une fois qu'elles ont été
arrêtées, il se peut qu'elles soient plus susceptibles
de plaider coupable parce qu'elles sont incapables de se payer
les services d'un avocat ou qu'elles n'en comprennent pas l'importance
(Davis, 1992). |
Étant donné les nombreuses explications plausibles, non étiologiques,
avancées à l'égard de la forte prévalence de
la maladie mentale dans les populations carcérales ou de la fréquence
élevée de la violence chez les patients psychiatriques, il
est clair que seules les études portant sur des échantillons
représentatifs des personnes définies comme étant atteintes
d'une maladie mentale ou comme étant violentes peuvent être
utilisées pour établir des relations étiologiques entre
la maladie mentale et la violence. Il est malheureux que les chercheurs
qui ont procédé récemment à des examens de la
littérature (p. ex. Monahan, 1993, Torrey, 1994) aient omis de signaler
les limites de ces recherches sur le plan étiologique.
Comme Gunn (1977, p. 317) l'a fait remarquer: Les observations sur
les délinquants atteints de troubles mentaux portent généralement
sur des délinquants qui sont dans des hôpitaux ou des prisons
ou sur des délinquants qui ont commis des crimes graves, notamment
ceux qui sont violents ou qui ont un comportement sexuel déviant.
Eu égard à la complexité des questions dont nous avons
parlé précédemment, cette spécificité
est compréhensible, mais il ne faut jamais oublier qu'elle entraîne
l'exclusion de la majorité des malades mentaux et la majorité
des criminels dans ces études.Classification de la maladie
mentale et de la violence (biais d'information) :
Les erreurs systématiques dans l'obtention de l'information qui
est utilisée pour classer les sujets selon les facteurs reliés
à la cause présumée ou à la conséquence
présumée peuvent entraîner des conclusions non valides
(Rothman, 1986). Par exemple, un grand nombre des chercheurs qui ont examiné
la relation entre la maladie mentale et la violence se sont appuyés
sur des registres d'établissement pour classer les malades mentaux
à l'étude, comme les registres d'admission d'un établissement
psychiatrique, ou se sont basés sur les données sur les
arrestations ou les condamnations pour crime avec violence pour classer
les actes de violence. Or, il est certain que ces données ne comprennent
pas toutes les personnes qui souffrent d'une maladie mentale, ni tous
les actes de violence. La relation entre la maladie mentale et la violence
peut alors être surestimée ou sous-estimée, selon
les erreurs de classification qui ont été commises (Rothman,
1986). Pour illustrer le problème de la sous-déclaration,
Dietz (1981) a fait état de données indiquant que, dans
les cas d'agression ne comportant ni vol ni viol, 62 p. 100 des tentatives
d'agression et 46 p. 100 des agressions commises n'ont pas été
signalées à la police. Lion, Synder et Merrill (l981) signalent
des difficultés semblables dans les populations de malades psychiatriques.
Gunn (1977) souligne les difficultés associées au fait
de s'appuyer sur des données secondaires (comme les registres d'un
établissement) pour classer les sujets : Nous savons tous
que l'existence même de la maladie mentale a été mise
en question et que les définitions sont extrêmement difficiles
à formuler. Cependant, la plupart d'entre nous croyons, bien que
nous nagions parfois dans la confusion, qu'il y a une réalité
biologique de la maladie mentale et que cette réalité est
une combinaison complexe de divers facteurs, certains organiques, certains
fonctionnels, certains innés, certains appris et certains acquis,
et que certaines maladies sont curables et que d'autres ne le sont pas.
Il serait étonnant qu'une telle combinaison de facteurs ait une relation
bien définie avec un paramètre social quelconque, en particulier
un paramètre qui serait déterminé arbitrairement par
les législateurs. Un comportement criminel est tout simplement la
violation d'une loi criminelle en vigueur au cours d'une période
donnée.Trop souvent, les statistiques officielles reflètent
des partis pris politiques et des tendances sociales qui peuvent influer
sur ces mesures et leur interprétation. Par conséquent, de
nombreux chercheurs ont conclu que les données primaires recueillies
dans la population générale grâce au recours à
l'autodéclaration, plutôt que dans les échantillons
officiels, fournissent un portrait plus exact de la nature et de l'étendue
de l'activité criminelle et de la violence (Convit, O'Donnell et
Volavka, 1990).
Les sondages de la population qui comprennent la collecte de données
primaires permettent aux chercheurs d'éviter les problèmes
reliés à l'utilisation de données secondaires, mais
ils présentent eux aussi certains problèmes. La sous-déclaration
peut être un problème général lorsque les chercheurs
utilisent des données autodéclarées sur la violence,
surtout s'il s'agit de violence contre des enfants (pour laquelle la loi
prévoit des sanctions sévères) ou contre le conjoint
(Swanson et coll., 1990). De plus, ce biais de déclaration peut
être différent dans le cas des personnes qui souffrent d'une
maladie mentale, comparativement à celles qui n'en souffrent pas.
Par exemple, Convit et coll. (1990) ont examiné la validité
des mesures des arrestations basées sur les déclarations
faites par les patients psychiatriques à l'étude en les
comparant aux données officielles sur les arrestations, et ils
ont constaté que leurs mesures n'étaient que légèrement
meilleures que celles quels auraient obtenues en se fiant uniquement au
hasard. Sur les 41 patients à l'étude, 66 p. 100 ont fait
des déclarations exactes, 12 p. 100 ont nié avoir été
arrêtés alors que leur dossier indiquait qu'ils l'avaient
été et 22 p. 100 ont déclaré avoir été
arrêtés alors que les dossiers officiels indiquaient qu'ils
ne l'avaient jamais été. Même si cette étude
était basée sur un échantillon sélectif extrêmement
petit, elle soulève la question du biais de classification erronée
et elle souligne l'importance de prendre des mesures pour réduire
ce biais au minimum au moment de la conception de l'étude et d'interpréter
les résultats avec prudence, surtout si les chercheurs établissent
des relations étiologiques.
Ordre temporel des facteurs :
Pour que la maladie mentale puisse être considérée
comme une cause de violence, elle doit apparaître avant la manifestation
de la violence. Ainsi, pour inférer à partir de données
empiriques qu'il existe un lien de causalité, l'ordre temporel
des facteurs doit être clairement établi.
Dans une étude de cohortes (étude de suivi), deux ou plusieurs
groupes de sujets qui diffèrent à l'égard du facteur
causal présumé (les sujets qui subissent l'influence de
ce facteur sont dits «exposés») sont suivis pendant
une certaine période et comparés à l'égard
d'un phénomène qui représente la conséquence
présumée de ce facteur. L'étude de cohortes se caractérise,
notamment, par le fait que le phénomène en question n'est
observable dans aucun des groupes au moment où débute la
recherche (Rothman, 1986), de sorte qu'il est possible d'établir
l'ordre temporel des facteurs avec une certitude absolue. Dans le présent
contexte, cela voudrait dire que les cohortes ou groupes de sujets doivent
être définis en fonction de la présence ou de l'absence
d'une maladie mentale, et qu'ils ne comprennent aucun sujet ayant des
antécédents de violence au moment où débute
la recherche.
Steadman, Vanderwyst et Ribner (1978) ont souligné l'importance
d'exclure les sujets ayant des antécédents de violence.
Ces auteurs ont comparé les taux d'arrestation chez d'anciens patients
psychiatriques avec les taux d'arrestation enregistrés chez des
criminels mis en liberté dans le même territoire administratif
de l'État de New York (États-Unis). Ils ont constaté
que le taux d'arrestation global était beaucoup plus élevé
chez les anciens patients que dans la population générale.
Cependant, ces résultats masquaient le fait que les anciens patients
différaient fort considérablement entre eux lorsqu'on considérait
le nombre de fois qu'ils avaient été arrêtés
par. le passé. Environ les trois quarts d'entre eux n'avaient jamais
été arrêtés avant que ne débute l'étude
et, au cours de la période de suivi, le taux d'arrestation enregistré
dans ce groupe était semblable ou inférieur à celui
de la population générale. En revanche, chez les sujets
qui avaient déjà été arrêtés,
les taux d'arrestation étaient plus élevés que dans
la population générale. Les auteurs ont conclu que la modification
de la population des hôpitaux psychiatriques publics par suite de
la désinstitutionnalisation, population qui comprend maintenant
une plus forte proportion d'individus ayant des antécédents
criminels, explique l'augmentation du taux de criminalité chez
les anciens patients psychiatriques. Dans ce genre d'étude, les
épidémiologistes considèrent qu'une des cohortes
est «â risque» par rapport au phénomène
à l'étude qui correspond à la conséquence
présumée. Les individus chez qui ce phénomène
était observable au début de la recherche sont exclus de
l'étude parce qu'ils ne sont plus «à risque»
(Rothman, 1986).
Dans une étude cas-témoins, les sujets sont choisis en
fonction du phénomène à l'étude (dans ce cas-ci,
la violence), puis des données sont recueillies sur le facteur
auquel les sujets sont exposés (dans ce cas-ci, la maladie mentale).
Dans ce contexte, les cas seraient définis en fonction de la présence
de la violence et les témoins seraient définis en fonction
de l'absence de la violence.
L'ordre temporel des facteurs est parfois difficile à établir
dans ces études, car les chercheurs doivent se fier à la
mémoire des sujets, qui doivent déterminer le moment où
les événements considérés se sont produits.
Comme il peut y avoir des «erreurs de mémoire»,
il est nécessaire que les résultats des études cas-témoins
soient corroborés par les résultats d'autres types d'études
(idéalement des études de cohortes) pour que les épidémiologistes
puissent établir des relations étiologiques.
Dans une étude transversale, les chercheurs étudient un
échantillon représentatif et ils obtiennent en même
temps les données relatives à l'exposition et les données
relatives au phénomène qui correspond à la conséquence
présumée. Comme les deux séries de données
sont mesurées simultanément, il peut être difficile
de déterminer lequel des deux facteurs a précédé
l'autre. Aussi considère-t-on, en épidémiologie,
que les études transversales sont celles qui fournissent les résultats
les moins probants sur le plan de la causalité (Rothman, 1986).
Pour les épidémiologistes, les résultats les plus
fiables proviennent des associations statistiques démontrées
dans le cadre d'études de cohortes bien conçues et bien
exécutées. Les études cas-témoins peuvent
fournir des données convaincantes, mais les preuves recueillies
ne sont généralement pas jugées suffisamment convaincantes
pour pouvoir porter un jugement sur le caractère causal des facteurs
à l'étude. Les études transversales descriptives
sont utilisées pour formuler des hypothèses devant être
vérifiées. Elles ne sont jamais utilisées pour établir
un lien de causalité.
Plausibilité des hypothèses sur le plan biologique :
Enfin, la plausibilité de l'hypothèse à l'étude
sur le plan biologique est une question importante en épidémiologie
dans le contexte de l'étude de la causalité. Quand il est
question de plausibilité des hypothèses sur le plan biologique,
il s'agit en fait de vérifier si une relation statistique peut
être interprétée en fonction des théories de
biologie qui ont cours. Cette dimension est parfois difficile à
évaluer car l'état actuel des connaissances peut être
tel que les mécanismes biologiques en cause dans un phénomène
ne sont pas toujours connus, ce qui fait que l'absence d'une hypothèse
biologiquement plausible n'a pas pour effet d'invalider les conclusions
sur la nature causale d'une relation. Inversement, la présence
d'une hypothèse biologiquement plausible donne un certain poids
aux conclusions sur la nature causale d'une relation fondée sur
des preuves empiriques convaincantes (Rothman, 1986). Par conséquent,
lorsqu'on s'intéresse à la causalité, il est utile
de savoir si l'hypothèse formulée au sujet du lien entre
la maladie mentale et la violence repose sur l'existence présumée
de mécanismes biologiques.
Des maladies génétiques et héréditaires,
des influences pernicieuses pouvant avoir un effet sur le cerveau en développement
dans le milieu intra-utérin, des dommages au cerveau pendant la
période prénatale, des conditions particulières associées
à certains troubles du système nerveux central et certains
psycho-syndromes organiques qui semblent être le substrat d'un dysfonctionnement
épisodique ont été observés chez des personnes
présentant une symptomatologie psychiatrique et ayant des comportements
violents. Certains chercheurs ont proposé une association entre
la psychopathie et la violence, mais cette théorie devra être
développée plus à fond.
En 1950, Sandberg a découvert l'existence d'un chromosome Y excédentaire
chez un homme (décrit dans Heilbrun et Heilbrun, 1985). Cette anomalie
chromosomique est connue sous le nom de «syndrome XYY».
Étant donné que les femmes possèdent deux chromosomes
X et que les hommes possèdent un chromosome X et un chromosome
Y, c'est le chromosome Y qui transmet la «masculinité».
Les hommes ayant deux chromosomes Y, comme celui étudié
par Sandberg, ont été dès lors décrits comme
des «surhommes», et on leur a attribué des caractéristiques
particulières, comme le fait d'être très grand et
très agressif. Il n'a pas été long avant que des
établissements psychiatriques et des établissements correctionnels
fassent état d'un grand nombre d'hommes de grande taille, au sein
de leur population, ayant commis des crimes avec violence particulièrement
atroces et ayant le génotype XYY. Les avocats des hommes de grande
taille qui avaient commis des crimes graves avec violence ont commencé
à plaider l'inhabilité, en faisant valoir que leurs clients
avaient un chromosome Y excédentaire et que c'était cette
anomalie biologique qui les avait amenés à commettre leur
crime. Comme on pouvait s'y attendre, ces affaires judiciaires ont soulevé
une controverse dans les milieux scientifiques et juridiques au sujet
de la valeur de la relation entre le syndrome XYY et la criminalité,
en particulier les crimes avec violence. Une étude épidémiologique
de grande envergure menée au Danemark, dans la collectivité,
a mis fin à cette controverse. Les chercheurs danois ont étudié
une cohorte de naissance composée de 31 436 hommes. Ils ont examiné
les plus grands d'entre eux pour vérifier s'ils avaient un chromosome
Y excédentaire. Le génotype XYY a été décelé
chez seulement 12 des sujets, et aucun de ces 12 sujets n'avait commis
un seul acte de violence. Mednick et Finello (1983), des chefs de file
dans le domaine de la biologie criminelle, ont observé des similarités
dans les résultats des études menées dans différents
pays et continents, portant sur les antécédents et les variables
en corrélation avec le comportement antisocial. Ils ont signalé,
en particulier, plusieurs pistes intéressantes :
- la solidité de certains résultats obtenus dans des
milieux culturels différents, qui indiquent que le système
nerveux autonome d'un certain nombre de délinquants juvéniles,
de délinquants adultes et de détenus aurait une caractéristique
commune, une déficience de la capacité réactionnelle;
- des recherches transnationales indiquant que des anomalies neuropsychologiques
et l'hyperactivité seraient des caractéristiques des délinquants
violents;
- la faible fréquence de l'activité électrique
cérébrale a servi de mesure pour prévoir le comportement
criminel.
Dans leur propre recherche, Mednick, Gabrielli et Hutchings (1984) ont comparé
14 427 enfants adoptifs avec leurs parents biologiques et leurs parents
adoptifs par rapport à la variable «condamnations». Ils
ont constaté une corrélation statistiquement significative
entre les enfants adoptifs et leurs parents biologiques à l'égard
des condamnations pour des crimes contre les biens, mais non dans le cas
des condamnations pour des crimes avec violence. Fait plus important encore,
ils ont constaté que les enfants de mêmes parents qui avaient
été adoptés par des familles différentes avaient
tendance à présenter des similarités à l'égard
du facteur «condamnations», surtout si leur père biologique
avait commis des actes criminels.
La théorie, proposée il y a plus de 50 ans, selon laquelle
il y aurait dans le système nerveux central (SNC) un mécanisme
neuroanatomique qui interviendrait dans l'expression des émotions
et le comportement, a conduit à des résultats selon lesquels
des altérations de la sérotonine du SNC, un neurotransmetteur,
sont associées au comportement violent chez les animaux. Ces résultats
ont été confirmés par de nombreux chercheurs à
travers le monde. L'hypothèse selon laquelle les troubles affectifs
chez les humains seraient associés à des comportements suicidaires
et à des comportements violents a conduit à de nombreuses
répétitions, dans plusieurs pays, des expériences
ayant révélé une association entre une faible concentration
dans le liquide céphalo-rachidien de l'acide hydroxy-5 indole-acétique,
un métabolite relié à la sérotonine, et les
comportements impulsifs, destructeurs et violents (Brown, Linnoila, 1990;
Apter et coll., 1990). De même, des chercheurs et des cliniciens
de nombreux pays ont décrit les effets bénéfiques
de divers médicaments sur l'activité du SNC, notamment le
lithium, le propranolol, la chlorpromazine, la clozapine et d'autres antipsychotiques,
qui sont utilisés pour traiter le comportement violent, qu'il soit
ou non associé à une maladie mentale (Greendyke, Schuster
et Wooton, 1984; Craft et coll., 1987; Herrera et coll., 1988). Paradoxalement,
on a constaté que certains anxiolytiques, comme les benzodiazépines,
déclenchaient des réactions de violence (Lader et Petursson,
1981).
En dépit du fiasco entourant l'étude du prototype XYY et
de la difficulté que pose ce genre de recherches, dont certaines
reposent davantage sur des raisons d'ordre sociopolitique et éthique
que sur des raisons d'ordre technique, on peut constater une solidification
progressive de la théorie et des connaissances entourant l'hypothèse
selon laquelle certains troubles mentaux, ou certaines dimensions émotionnelles
de base, seraient en corrélation avec la manifestation de comportements
violents. De plus en plus de résultats de recherche indiquent la
présence d'une atteinte du cerveau chez les personnes souffrant
de troubles mentaux majeurs comme la schizophrénie et les troubles
affectifs, et ces résultats convergent de plus en plus, sur le
plan biologique, vers l'idée d'un substrat semblable, au niveau
du SNC, pour la maladie mentale et la violence.
Malheureusement, l'étude biologique de la violence n'a pas progressé
au même rythme que l'étude biologique de la maladie mentale.
Par conséquent, il est encore trop tôt pour affirmer que
nous possédons des preuves irréfutables à l'appui
de cette thèse. Néanmoins, l'hypothèse d'un lien
entre la maladie mentale et la violence demeure une hypothèse biologiquement
plausible qui mérite une étude attentive.
Un lien démontré ou un stéréotype?
La maladie mentale cause-t-elle la violence ou s'agit-il d'un malheureux
stéréotype?
Dans ses observations sur l'hypothèse de la «criminalisation»,
Teplin (1984) souligne la tendance de certains scientifiques et de certains
décideurs à accepter les hypothèses reposant en grande
partie sur l'intuition et l'observation non systématique, sans
les soumettre à des vérifications empiriques appropriées.
Elle indique que les décisions d'orientation des pouvoirs publics
devraient reposer sur des preuves scientifiques solides. Dans ses observations
sur la désinstitutionnalisation, Arboleda-Flórez (1993)
fait aussi observer que les décisions d'orientation en matière
de santé mentale ont été fondées sur des énoncés
philosophiques et des valeurs sociales plutôt que sur des données
empiriques et des théories solides.
Jusqu'à ce jour, la conception de la relation entre la maladie
mentale et la violence a reposé en grande partie sur l'intuition
et l'observation non systématique et les vérifications empiriques
de cette relation demeurent insuffisantes. Depuis que Monahan (1992) a
pris position sur cette question, la maladie mentale est vue comme une
cause probable de la violence et de la criminalité. Des articles
publiés récemment (Monahan, 1992; Torrey, 1994) laissent
au lecteur l'impression que les progrès scientifiques réalisés
récemment nous autorisent à conclure qu'il y a effectivement
un lien causal entre la maladie mentale et la violence. Le fait de remonter
jusqu'aux origines les plus anciennes de la civilisation occidentale pour
découvrir les racines sociohistoriques de l'idée que la
maladie mentale serait une cause de violence (Monahan, 1992) peut contribuer
à renforcer à nos yeux la validité de cette conclusion.
Cependant, antérieurement, des examens plus critiques (Davis,
1991; Teplin, 1983) avaient permis de mettre en évidence certaines
difficultés d'ordre méthodologique qui semblent avoir constitué
des obstacles majeurs dans cette sphère de recherche. Notre examen
critique de la littérature montre qu'il y a eu peu d'améliorations.
Les études portant sur la violence chez les malades mentaux traités
ont largement démontré que les taux de criminalité
et de criminalité violente peuvent être plus élevés
chez ces patients (et plus particulièrement chez les toxicomanes)
que dans la population générale. Dans presque toutes ces
études, les chercheurs ont évalué la criminalité
d'après les données officielles sur les arrestations pour
faciliter les comparaisons avec la population et ils ont présumé
que le crime avec violence constituait une mesure appropriée de
la violence. Cependant, certains soutiennent que même les arrestations
et les condamnations sont des mesures inappropriées de la criminalité
car il arrive que les accusés atteints d'un trouble grave ainsi
que ceux ayant déjà été hospitalisés
dans un établissement psychiatrique soient confiés au système
de santé mentale et hospitalisés à nouveau, plutôt
qu'arrêtés. Par ailleurs, comme la plupart des crimes ne
donnent pas lieu à des arrestations et que la plupart des arrestations
ne donnent pas lieu à des condamnations, le fait de s'appuyer sur
les taux d'arrestation entraîne une sous-estimation du nombre d'incidents
pouvant théoriquement entraîner une arrestation, ainsi qu'une
surestimation du nombre de verdicts de culpabilité. Les études
portant sur les contacts entre policiers et citoyens permettent de surmonter
ces problèmes. Il est curieux de noter, cependant, que les deux
études qui ont porté sur la relation entre la maladie mentale
et les crimes avec violence dans des échantillons représentatifs
de contacts entre policiers et citoyens (Holley et Arboleda-Flórez,
1988; Teplin, 1984) n'ont pas révélé de différence
entre les délinquants atteints de troubles mentaux et les autres
délinquants à l'égard de la fréquence des
infractions avec violence.
Les études portant sur la maladie mentale chez les détenus
indiquent que la prévalence des maladies mentales graves et des
toxicomanies est élevée dans les populations carcérales.
Bien que ces études soient en grande partie descriptives et que
les chercheurs n'aient pas utilisé de groupes témoins pour
déterminer dans quelle mesure la prévalence de la maladie
mentale chez les détenus est plus élevée que ce à
quoi on pourrait s'attendre vu les taux enregistrés dans la population
générale, les taux de prévalence d'environ 60 p.
100 enregistrés dans ces populations au Canada (Arboleda-Flórez,
1994; Bland et coll., 1990) nous autorisent à penser que les détenus
constituent un groupe à risque élevé. On peut considérer,
par ailleurs, que les études portant sur la violence chez les malades
mentaux hospitalisés ont conduit à des résultats
semblables, en dépit de la difficulté de mesurer la violence
avec exactitude dans ces populations. La logique qui sous-tend ces études
est simple : s'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale
et la violence, alors la prévalence de la maladie mentale chez
les détenus et la fréquence de la violence chez les malades
mentaux hospitalisés devraient être élevées.
Bien que cela soit vrai, les études qui ont porté exclusivement
sur des personnes placées en établissement ne peuvent nous
fournir de preuves empiriques étayant ce lien de causalité
parce que la majorité des malades mentaux ont été
systématiquement exclus de ces études. Étant donné
que ces études portent sur des sous-groupes de malades mentaux
qui sont plus susceptibles de manifester des comportements violents, les
résultats de ces études ne peuvent servir qu'à infirmer
la thèse du lien de causalité (c'est-à-dire si la
fréquence de la violence qui a été enregistrée
était moins élevée que prévu).
Link et Stueve (1995) soutiennent que l'uniformité des constatations
dans les diverses populations étudiées, en dépit
de leurs limites bien précises, doit être considérée
comme une preuve du lien de causalité. Les faiblesses dans la méthodologie
dans un secteur viennent annuler ces mêmes faiblesses dans un autre
secteur. Cette perspective ne tient pas compte de l'importance du biais
de sélection comme l'une des explications de l'uniformité
des résultats signalés. Seules les études qui portent
sur la relation entre la maladie mentale et la violence dans des échantillons
non sélectifs et représentatifs de l'ensemble des malades
mentaux sont de nature à nous éclairer sur la causalité.
Jusqu'à ce jour, seulement deux études (appuyant trois analyses)
ont porté sur la relation entre la maladie mentale et la violence
dans des échantillons représentatifs d'adultes vivant au
sein de la collectivité, l'une au Canada (Bland et Orn, 1986) et
l'autre aux États-Unis (Swanson, 1993; Swanson et coll., 1990).
Dans ces deux études, les chercheurs ont utilisé le questionnaire
DIS (Diagnostic Interview Schedule) pour établir les diagnostics
selon le DSM-III. Ils ont appliqué les méthodes épidémiologiques
les plus perfectionnées pour les recherches en psychiatrie. Comme
ils ont surmonté le problème du biais de sélection
en ayant recours à des échantillons de personnes vivant
au sein de la collectivité, leurs résultats peuvent être
utiles pour tirer des conclusions sur la nature causale du lien entre
la maladie mentale et la violence d'un point de vue épidémiologique.
Les deux études ont révélé une relation statistique
entre les troubles mentaux et la violence, surtout chez les personnes
atteintes de toxicomanie. Il y a cependant un point qui n'est pas clair
dans ces résultats : dans quelle mesure cette relation statistique
peut-elle s'expliquer par la confusion qui découle des définitions
adoptées (problème évoqué précédemment),
plus précisément le fait que près de la moitié
des troubles répertoriés dans le DSM-III, en particulier
les toxicomanies, sont définis en partie en fonction de comportements
violents. Le problème est d'autant plus complexe que, dans les
deux études, les chercheurs ont choisi d'utiliser, pour mesurer
la violence, les items du DIS qui ont trait aux comportements violents,
mais qui ont pour but d'établir le diagnostic. Les items du DIS
que Swanson et ses collègues (1990) ont utilisés et qui
ont trait aux comportements violents ont été extraits des
sections du questionnaire qui ont pour but d'établir les diagnostics
de personnalité antisociale, d'abus d'alcool et de dépendance
à l'alcool. Il n'est donc pas étonnant que les chercheurs
aient constaté une relation statistique significative entre les
toxicomanies (seule ou dans le contexte de la comorbidité) et la
violence. Bland et Orn (1986) ont procédé de façon
semblable, mais ils ont limité leur analyse à trois catégories
diagnostiques : la personnalité antisociale, les toxicomanies et
la dépression grave.
De plus, comme ces études étaient transversales, il est
difficile d'établir, avec tant soit peu de certitude, l'ordre temporel
des facteurs. Dans l'étude réalisée aux États-Unis
(Swanson, 1993), la prévalence de la maladie mentale et la fréquence
de la violence ont été mesurées sur une période
d'un an; ainsi, les personnes qui répondaient aux critères
associés à l'un de ces deux facteurs au cours des douze
mois précédant l'enquête ont été comptées
comme des sujets présentant la caractéristique à
l'étude. Par conséquent, la violence pouvait s'être
manifestée avant l'apparition de la maladie mentale, ou vice versa.
Dans l'étude réalisée à Edmonton (Bland et
Orn, 1986), les chercheurs ont mesuré la prévalence à
vie, c'est-à-dire que les personnes répondant aux critères
diagnostiques à un moment ou un autre de leur vie ont été
comptées comme des sujets présentant la caractéristique
à l'étude. On ne peut savoir, là non plus, si la
maladie mentale avait précédé la violence.
L'étude américaine avait été conçue
de façon à obtenir des données longitudinales. Les
sujets ont été contactés et interviewés à
nouveau un an après la première interview. Les études
longitudinales portant sur des événements rares, comme la
violence, exigent des échantillons de très grande taille.
Dans cette étude, les chercheurs ont surmonté ce problème
en combinant des échantillons représentatifs prélevés
dans cinq villes, de façon à obtenir un échantillon
comprenant au total plus de 20 000 sujets. La taille de l'échantillon
était suffisante pour que des données puissent être
obtenues sur les nouveaux cas de maladie mentale sans antécédents
de violence. Si le problème relié aux définitions
pouvait être résolu et que la maladie mentale pouvait être
mesurée indépendamment de la violence, cette étude
pourrait fournir des renseignements importants permettant de tirer des
conclusions sur la relation entre la maladie mentale et la violence, d'un
point de vue étiologique.
Enfin, un mot sur l'opportunité d'appliquer à des populations
canadiennes les résultats des études réalisées
aux États-Unis, où la plupart des recherches ont été
menées. Borzecki et Wormith (1985) ainsi que Davis (1992) ont traité
de cette question. Au Canada, le mouvement de désinstitutionnalisation
a été aussi marqué qu'aux États-Unis; la population
des hôpitaux psychiatriques a accusé une baisse considérable
dans les deux pays. Des politiques d'admission restrictives, basées
sur le critère de la dangerosité, ont été
adoptées dans les deux pays, de sorte que les personnes qui ne
sont pas dangereuses pour elles-mêmes ou pour les autres peuvent
refuser d'être hospitalisées. Cependant, les deux pays diffèrent
grandement du point de vue de l'accessibilité des malades à
des soins appropriés dans la collectivité. Au Canada, l'accès
universel aux soins de santé, conjugué aux sommes plus élevées
consacrées aux programmes de santé mentale dans la collectivité,
permet de croire que les pressions exercées pour que le système
de justice pénale prenne en charge les malades mentaux qui vivent
dans la collectivité sont moins fortes (Borzecki et Wormith, 1985).
Cependant, la forte prévalence de la maladie mentale observée
dans les populations carcérales au Canada (Arboleda-Flórez,
1994; Bland et coll., 1990), ainsi que la concordance des résultats
des études sur les contacts entre policiers et citoyens dans les
études menées au Canada (Arboleda-Flórez et Holley,
1988) et aux États-Unis (Teplin, 1985) semblent indiquer que des
pressions semblables sont exercées dans les deux pays.
Conclusions
Compte tenu des résultats de notre examen critique de la littérature
et des considérations que nous venons d'exposer, il est possible
de distinguer ce dont nous sommes relativement certains de ce que nous
n'avons pu encore confirmer ou infirmer.
Compte tenu des problèmes méthodologiques qui ont nui à
l'avancement des connaissances dans cette sphère de recherche,
il n'est pas possible d'établir un lien de cause à effet
entre la maladie mentale et la violence, et ce, pour les raisons suivantes
:
a)
b) |
Les études qui portent sur la relation entre
la maladie mentale et la violence ont été, en grande
partie, limitées à des populations de détenus
ou de patients. À cause des échantillons non représentatifs
sur lesquels elles reposent, ces études ne fournissent pas
de résultats suffisants pour permettre de porter un jugement
sur le caractère causal de cette relation, c'est-à-dire
d'affirmer que la maladie mentale contribue à la violence
en général. Ces résultats indiquent simplement
que ces deux facteurs sont associés dans des sous-groupes
de personnes qui sont amenées à recevoir des services
parce qu'elles sont, au départ, plus prédisposées
à la violence.
Les études portant sur la population en général
qui ont permis de surmonter ce biais de sélection ont révélé
une association statistique entre la maladie mentale et la violence.
Cependant, comme il s'agissait d'études transversales,
les résultats n'ont pas permis d'établir l'ordre
temporel des facteurs à l'étude. Par conséquent,
elles pourraient, au mieux, fournir de faibles preuves à
l'appui d'une relation étiologique. Cependant, il est possible
que l'association statistique observée résulte en
partie de la manière dont la maladie mentale et la violence
ont été définies. Dans ces études,
les chercheurs n'ont pas réussi à établir
des mesures de la maladie mentale qui soient indépendantes
de la violence. Par conséquent, les résultats de
ces études ne peuvent constituer le fondement d'une explication
étiologique. |
Faute d'études épidémiologiques bien contrôlées,
nous ne possédons pas de données suffisantes nous autorisant
à conclure qu'il existe une relation étiologique entre la
maladie mentale et la violence.
Compte tenu de l'examen qui précède, nous sommes relativement
certains que :
a) b)
c)
d) |
la prévalence de la maladie mentale (en
particulier les toxicomanies) dans les populations carcérales
est élevée, ce qui dénote une population qui
a particulièrement besoin de services;
le risque de violence et d'arrestation peut être élevé
chez les anciens patients psychiatriques qui vivent dans la collectivité,
surtout s'ils ont des antécédents criminels ou des
antécédents de violence, ou s'ils ont des symptômes
de psychose;
les membres de la famille (mais non les citoyens en général)
sont les plus susceptibles d'être la cible des actes de
violence commis par d'anciens patients psychiatriques;
le risque de violence est élevé chez les malades
mentaux hospitalisés, particulièrement si ceux-ci
ont des antécédents de violence ou s'ils ont des
symptômes de psychose. |
Orientation possible des recherches futures :
- Il n'est guère probable que des recherches supplémentaires
fondées sur des échantillons choisis de patients ou de
détenus nous renseignent davantage sur cette question. Les recherches
futures devront se faire tout autrement que par le passé et une
attention devra être accordée à un certain nombre
de questions critiques concernant la conception, y compris :
a) b)
c) |
l'élaboration de mesures de la maladie
mentale qui soient indépendantes de la violence et qui puissent
être utilisées dans le contexte de la collecte de données
primaires afin d'éviter la confusion qui découle des
définitions adoptées jusqu'ici;
la mesure de la relation entre la maladie mentale et la violence
à l'aide d'importants échantillons représentatifs,
assortis d'exclusions ou de sujets témoins pertinents dans
le cas des personnes ayant des antécédents de violence;
l'établissement clair de l'ordre temporel des facteurs,
de façon à pouvoir affirmer sans équivoque
que la maladie mentale a précédé, chez es
sujets, toute manifestation de violence. |
- Le manque de littérature incorporant la perspective des personnes
souffrant d'une maladie mentale doit aussi être mentionné.
Les opinions du consommateur et de la famille enrichiraient l'examen
de la violence telle qu'elle est vécue par ces personnes dans
la collectivité et en milieu hospitalier, ainsi qu'entre pairs.
Du travail reste à faire dans ce domaine.
- En passant en revue la recherche parue dans le cadre de la présente
analyse critique, les auteurs en sont venus à s'interroger sur
la considération qui est accordée aux questions suivantes,
même s'il ne s'agit pas là de l'objet principal de la présente
analyse :
- le dépistage approprié de la maladie mentale et des
toxicomanies chez les délinquants incarcérés
dans des établissements correctionnels;
- la gestion des comportements troublants souvent manifestés
par les malades mentaux à l'égard des membres de leurs
familles; de telles méthodes sont maintenant employées
dans les milieux hospitaliers;
- l'accès convenable aux ressources communautaires pour les
patients ex-psychiatrisés qui vivent dans la collectivité;
- le caractère adéquat des traitements pour les malades
mentaux dans les milieux correctionnels et communautaires.
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Appendice A :
Bibliographie
commentée
Introduction :
La bibliographie qui suit contient des commentaires sur des articles
clés qui comportent une analyse quantitative ou qualitative et
qui ont trait à des questions centrales reliées à
la maladie mentale et à la violence. Pour faciliter la consultation
de cette bibliographie, les articles ont été groupés
en fonction de la population à l'étude. Le groupement des
études s'est fait aussi en fonction des différents champs
d'enquête et des preuves accumulées dans le domaine. Ainsi,
les études empiriques ont été classées selon
les catégories suivantes :
études portant sur la collectivité,
études portant sur les patients psychiatriques,
études portant sur les détenus,
autres études empiriques présentant de l'intérêt,
rapports de synthèse et exposés de principe clés.
Les articles de chaque groupe sont présentés par ordre alphabétique,
selon le nom de l'auteur et le titre. Un court glossaire des principaux
termes techniques est fourni à l'appendice B.
Pour aider les lecteurs qui n'ont pas de formation scientifique à
faire des comparaisons pertinentes entre les articles, toutes les études
empiriques ont fait l'objet d'un examen critique et ont été
résumées selon un mode de présentation uniformisé
: a) objectif, b) méthode de recherche, c) lieu, d) sujets, e)
mesures, f) principaux résultats, g) conclusions, h) critique de
la méthode et i) causalité. Par ailleurs, il y a à
la section «Autres études empiriques présentant de
l'intérêt» une rubrique supplémentaire, Observations.
Dans la section consacrée aux «Rapports de synthèse
et exposés de principe clés», les points saillants
se rapportant à l'analyse critique sont soulignés et, quand
il y a lieu, commentés.
Causalité
La rubrique «Causalité» indique si les résultats
de l'étude permettent d'établir un lien de causalité
entre la maladie mentale et la violence. Nous avons jugé de la
causalité en nous fondant strictement sur des critères épidémiologiques.
Dès le départ, il importe de souligner qu'aucune étude
n'a fourni de preuves concluantes à l'appui d'un lien de cause
à effet entre la maladie mentale et la violence.
Études portant sur la collectivité : études empiriques
basées sur des échantillons de la population générale
Les chercheurs préfèrent généralement les
études empiriques basées sur des échantillons représentatifs
de la population générale pour tirer des conclusions au
sujet d'un lien de causalité possible, sauf si ces études
présentent des problèmes d'ordre méthodologique,
car elles permettent d'éviter les «biais de sélection»
(Rothman, 1986). Un biais de sélection est une erreur systématique
qui se glisse dans une étude lorsque les sujets sont choisis parmi
des sous-groupes de personnes soumises à un traitement ou placées
en établissement chez qui le risque de violence est plus élevé.
Lorsque les taux de violence enregistrés à l'égard
de ces groupes sont comparés à ceux de la population générale,
on constate souvent qu'ils sont plus élevés. Cette différence
tient habituellement au fait que les sujets de ces groupes sont au départ
davantage sujets à la violence, et non au fait qu'il y a un lien
de cause à effet entre la maladie mentale et la violence. En général,
dans n'importe quel domaine d'enquête, les études basées
sur des échantillons de la population générale sont
peu nombreuses, car elles sont longues et complexes. De plus, elles sont
onéreuses parce qu'il faut de gros échantillons pour obtenir
le nombre de sujets ayant des problèmes de santé mentale
et de violence qui sera suffisant pour étayer l'analyse statistique.
Les études portant sur les contacts entre policiers et citoyens
ont été incluses dans la présente section afin de
tenir compte du rôle central que jouent les policiers lorsqu'ils
ont à décider du sort des malades mentaux qui, lorsqu'ils
vivent dans la collectivité, y manifestent un comportement anormal
ou violent. Ceux-ci sont dirigés soit vers un organisme du système
de justice pénale, soit vers un établissement psychiatrique
aux fins d'évaluation et de traitement. En raison du pouvoir discrétionnaire
dont jouissent les policiers, il est possible que les personnes qui semblent
souffrir d'un trouble mental et qui ont un comportement violent soient
arrêtées plus souvent que les délinquants qui ne souffrent
pas d'un trouble mental. Les relations statistiques établies entre
la criminalité violente et la maladie mentale dans les populations
de détenus tiennent peut-être à ce pouvoir discrétionnaire.
On emploie l'expression «criminalisation des malades mentaux»
pour désigner cette possibilité de diriger vers le système
de justice pénale les délinquants atteints d'un trouble
mental. Ainsi, lorsque des chercheurs qui étudient la relation
entre la maladie mentale et la violence a) utilisent comme mesure de la
violence les arrestations ou les condamnations pour infraction avec violence
ou b) sélectionnent leurs sujets au sein d'une population d'individus
arrêtés ou incarcérés, les études comportent
nécessairement un biais de sélection important.
Arboleda-Flórez, J. et Holley, H.L.(1988). Criminalization
of the mentally ill : Part II. Initial Detention, Revue canadienne
de psychiatrie, vol. 33, p. 87-95.
Voir aussi : Holley, H.L. et Arboleda-Flórez, J. (1988). Criminalization
of the mentally ill : Part I, Police perceptions, Revue canadienne
de psychiatrie, vol. 33, p. 81-86.
Objectif : Comparer les sujets que la police
considère comme des «malades mentaux» avec ceux qu'elle
considère comme «normaux», en fonction de variables
socio-démographiques, juridiques et cliniques et de la variable
«issue de l'incident». Les auteurs ont cherché à
vérifier l'hypothèse selon laquelle les groupes de sujets
se distingueraient par rapport à d'importantes variables sociales
et cliniques.
Méthode de recherche : Étude longitudinale
prospective.
Lieu : Calgary (Alberta) Canada.
Sujets : Les sujets étudiés étaient
350 personnes qui étaient entrées en contact avec la police
au cours des deux dernières semaines d'octobre 1984.
Mesures : Les policiers devaient évaluer
le comportement observable des sujets sur une échelle dont l'une
des extrémités correspondait à un comportement
normal (score de 0) et l'autre, à un comportement très
anormal (score de 7). Les policiers devaient ensuite indiquer ce qu'ils
estimaient être la cause de ce comportement anormal, c'est-à-dire
l'alcool, la drogue, une maladie mentale ou autre chose, et s'ils jugeaient
qu'un examen psychiatrique était justifié. Les données
relatives aux arrestations ont été recueillies dans les
rapports de police.
Principaux résultats : Selon les déclarations
des policiers, 89 individus avaient un comportement anormal au moment
de leur arrestation et 261 s'étaient conduits normalement, compte
tenu des circonstances. Les sujets qui paraissaient être des malades
mentaux aux yeux des policiers n'avaient pas commis un plus grand nombre
de crimes contre la personne ou contre les biens ni fait l'objet d'un
plus grand nombre d'accusations d'autre nature, comparativement aux
sujets que les policiers avaient jugés normaux. Les personnes
que les policiers avaient déclaré être des malades
mentaux avaient commis un moins grand nombre de crimes sans victime
et un peu plus d'infractions aux règlements de la circulation.
Les policiers avaient un peu plus tendance à recommander la détention
dans le cas des sujets jugés malades mentaux, mais la différence
était faible. Ces sujets n'étaient pas plus susceptibles
d'être incarcérés que les sujets dits normaux.
Conclusions : Étant donné que les
différences observées entre les groupes de sujets étaient
faibles, les auteurs ont accepté la conclusion selon laquelle
les groupes ne différaient pas de façon importante sur
les plans social, clinique et juridique.
Critique de la méthode : On ne sait dans
quelle mesure les erreurs de classement commises par les policiers dans
le cas des délinquants atteints de troubles mentaux peuvent expliquer
les faibles différences constatées entre les groupes.
Par ailleurs, comme l'étude portait sur des individus qui étaient
entrés en contact avec la police, on ne peut conclure, à
partir de ces résultats, qu'il existe une relation étiologique
entre la maladie mentale et la violence. Il est néanmoins curieux
de constater que malgré l'emploi d'une méthode différente,
ces résultats concordent avec ceux que Teplin (1985) a obtenus
dans le cadre de son étude sur les contacts entre policiers et
citoyens.
Causalité: Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Bland, R. et Orn, H. (1986). Family violence and Psychiatric disorder,
Revue canadienne de psychiatrie, vol. 31, p. 129-137.
Objectif : Étudier la relation entre
la violence familiale et les troubles mentaux au sein de la population
générale.
Méthode de recherche : Enquête transversale.
Lieu : Edmonton (Alberta) Canada.
Sujets : Échantillon représentatif de 1
200 personnes vivant dans la collectivité.
Mesures : Les troubles mentaux ont été
mesurés à l'aide du Diagnostic Interview Schedule
(DIS), un questionnaire structuré pour les intervieweurs
non professionnels, dont les codes informatiques permettent l'établissement
d'un diagnostic en fonction des catégories du DSM-III-R. L'étude
portait sur la prévalence à vie de trois troubles : 1)
la personnalité antisociale, 2) la dépression majeure
et 3) l'abus d'alcool ou la dépendance à l'alcool. Tous
les sujets ayant manifesté des symptômes d'un de ces troubles
à un moment ou à un autre de leur vie étaient inclus
dans la catégorie des sujets atteints de troubles mentaux. La
violence familiale a été mesurée à l'aide
des questions du DIS qui portent sur les relations avec le conjoint
ou un partenaire, la violence ou la négligence envers les enfants
et la violence à l'extérieur du milieu familial. Ce questionnaire
était axé sur la violence physique (plutôt que sur
la violence émotive ou psychologique), laquelle était
mesurée par des questions sur les comportements comme le fait
de frapper quelqu'un ou de lancer des objets. Ces questions ont été
formulées de façon à mesurer la fréquence
de ces comportements au cours de la vie.
Principaux résultats : Approximativement 55 p.
100 des personnes présentant un diagnostic avaient des comportements
violents, comparativement à 15,5 p. 100 de celles ne présentant
pas de diagnostic. Les personnes présentant plus d'un de ces
trois diagnostics étaient 6,5 fois plus susceptibles de se livrer
à la violence que les personnes ne souffrant pas de ces troubles.
Le risque de violence était fort élevé chez les
personnes diagnostiquées avec un trouble comorbide d'abus de
l'alcool. Ainsi, quand à l'alcool s'ajoutait un trouble de la
personnalité antisociale ou la dépression, ou les deux,
l'incidence de violence passait à 80 à 93 p. 100.
Conclusions : Les auteurs ne proposent pas l'hypothèse
d'un simple lien de causalité pour expliquer leurs résultats.
Ils recommandent plutôt aux cliniciens d'être vigilants
lorsqu'ils sont en présence de personnes souffrant d'un trouble
mental, car il est possible que ces personnes aient aussi un problème
de violence familiale. Cette mise en garde concerne tout particulièrement
les personnes diagnostiquées avec un trouble comorbide d'alcoolisme.
Critique de la méthode : Comme les auteurs
l'ont souligné, les résultats de cette étude ne
permettent pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre
les troubles mentaux et la violence. Comme il s'agit d'une étude
transversale comportant des données sur la prévalence
à vie des troubles mentaux et des données sur la fréquence
de la violence familiale, aucune hypothèse ne peut être
avancée concernant l'ordre temporel de ces facteurs. Ainsi, il
est possible que la violence ait précédé la maladie
mentale. En outre, la personnalité antisociale et l'alcoolisme
sont deux des troubles qui sont le plus susceptibles d'être définis
par rapport aux comportements violents selon les critères diagnostiques
du DSM-III. Par conséquent, il est probable que toute association
observée entre ces troubles et la violence résulte de
la manière dont les troubles ont été définis.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Bonovitz, J.C. et Bonovitz, J.S. (1981). Diversion of the mentally ill
into the criminal justice system : The police intervention perspective,
American Journal of Psychiatry, vol. 138, no 7, p. 973-976.
Objectif : Évaluer les effets de
la Pennsylvania Mental Health Procedures Act adoptée en
1976. Les auteurs ont émis l'hypothèse que la police serait
appelée à intervenir dans un plus grand nombre d'incidents
impliquant des malades mentaux après l'adoption de cette loi et
que les policiers se serviraient du code criminel pour faire enfermer
les malades mentaux qui sont à l'origine de problèmes dans
la collectivité.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs
n'aient pas précisé leur méthode de recherche,
la méthode de collecte des données porte à croire
qu'il s'agissait d'une étude historique de cohortes.
Lieu : Un service de police de banlieue desservant
une population de 100 000 habitants dans le Upper Darby Township de
l'État de Pennsylvanie, aux États-Unis.
Sujets : Les auteurs ont étudié
un nombre non précisé d'incidents impliquant des malades
mentaux et ayant nécessité l'intervention de la police.
Mesures : Les chercheurs ont consulté les
archives policières des années 1975 à 1979 pour
y trouver des rapports dans lesquels des sujets étaient clairement
décrits comme des individus souffrant de troubles mentaux. Au
cours d'une période de six mois en 1979, 248 incidents ont été
étudiés plus à fond pour connaître leur issue.
Principaux résultats : Les incidents impliquant
des malades mentaux ont augmenté de 227,6 p. 100 de 1975 à
1979, alors que les incidents n'impliquant pas de malades mentaux ont
diminué de 9 p. 100 au cours de la même période
(à l'exception des crimes, qui ont augmenté de 5,6 p.
100). Au cours de la période à l'étude, le nombre
d'inconduites a augmenté de 82 p. 100, en partie parce que les
critères de classification ont été modifiés.
Les 248 incidents qui se sont produits durant les six mois de 1979 ont
donné lieu à 13 arrestations.
Conclusions : Les auteurs n'ont pas commenté
l'augmentation des incidents impliquant des malades mentaux au cours
de la période à l'étude, mais ils ont fait remarquer
que leurs résultats n'étayaient pas l'hypothèse
selon laquelle les policiers auraient tendance à arrêter
et à incarcérer les malades mentaux ne pouvant être
internés dans le but de les mettre à l'écart de
la collectivité.
Critique de la méthode : Les auteurs ont
donné très peu de détails d'ordre méthodologique;
par exemple, ils n'ont pas précisé le nombre total d'incidents
étudiés. Les résultats de leur étude révèlent
néanmoins qu'un nombre croissant de délinquants atteints
de troubles mentaux entrent en contact avec la police parce qu'ils troublent
l'ordre social. Ils indiquent aussi que la police, par son pouvoir discrétionnaire,
joue un rôle important à cet égard, puisque c'est
elle qui règle les incidents. Les policiers de cette collectivité
avaient reçu une formation spéciale devant leur permettre
de reconnaître les signes de trouble mental et d'améliorer
leurs techniques de résolution des incidents. Ainsi, peut-être
croyaient-ils fermement que les individus impliqués dans les
incidents ne devaient pas être arrêtés ou être
tenus responsables des infractions criminelles mineures commises. Ces
résultats ont des répercussions importantes sur l'étude
des délinquants incarcérés, car ils démontrent
clairement l'importance des décisions prises par la police et
font ressortir le caractère sélectif des échantillons
composés de personnes incarcérées.
Causalité: Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Hodgins, S. (1992). Mental disorder, intellectuel deficiency, and crime
: Evidence from a birth cohort, Archives of General Psychiatry, vol.
49, p. 476-483.
Objectif : Examiner la relation entre les troubles
mentaux et la criminalité, ainsi que la relation entre les déficiences
intellectuelles et la criminalité.
Méthode de recherche : L'auteure indique
qu'elle a mené une étude longitudinale prospective portant
sur une cohorte de naissance composée de sujets suivis jusqu'à
l'âge de 30 ans. Cependant, les données ont été
recueillies à partir des dossiers d'un registre central en 1983.
Par conséquent, il serait plus approprié de parler d'une
étude historique de cohorte.
Lieu : Stockholm, Suède.
Sujets : Les sujets à l'étude ont
été choisis parmi les 15 117 personnes nées à
Stockholm en 1953 et résidant toujours dans cette ville en 1963.
Mesures : Dans le cadre de cette étude,
les sujets étaient considérés comme étant
des malades mentaux s'ils avaient déjà été
hospitalisés dans un établissement psychiatrique (N=603).
Les sujets atteints d'une déficience intellectuelle (N=192) étaient
ceux qui avaient été placés dans une classe spéciale
pour handicapés à l'école secondaire, mais qui
n'avaient jamais été admis dans une unité de psychiatrie.
Le groupe témoin était composé de toutes les personnes
qui n'avaient jamais été admises dans une unité
de psychiatrie ou dans un établissement ou une classe pour déficients
intellectuels. La criminalité était mesurée au
moyen de données sur les condamnations au criminel tirées
d'un registre central. Les crimes avec violence comprenaient toutes
les infractions comportant de la violence physique ou des menaces de
violence physique (p. ex. voies de fait, viol, vol qualifié,
menaces ou attentat à la pudeur).
Principaux résultats : Par rapport au risque
comparable établi pour le groupe témoin, le risque d'avoir
été reconnu coupable d'une infraction avec violence était
4,16 fois plus élevé chez les hommes souffrant d'un trouble
majeur (IC de 95 p. 100 compris entre 2,23 et 7,78) et de 27,45 fois
plus élevé chez les femmes souffrant d'un trouble majeur
(IC de 95 p. 100 compris entre 9,8 et 76,88). Il est à noter
que l'intervalle de confiance est plus large chez les femmes en raison
de leur nombre moins élevé dans l'échantillon.
Conclusions : L'auteure a estimé que les
résultats de son étude appuyaient la thèse selon
laquelle l'agressivité serait associée à la maladie
mentale.
Critique de la méthode : Cette étude
avait des chances de révéler une relation entre la maladie
mentale et la violence, car les résultats étaient fondés
sur un sous-groupe de malades mentaux (ceux ayant été
admis dans un établissement psychiatrique) que l'on sait plus
susceptibles d'être dangereux. Ainsi, ces résultats ne
peuvent être utilisés pour tirer des conclusions étiologiques
au sujet de la relation entre la maladie mentale et la violence en général.
De plus, bien que la méthode de recherche aurait pu permettre
d'établir l'ordre temporel des facteurs, on ne peut affirmer
dans tous les cas que les crimes ont été commis après
l'apparition de la maladie mentale. L'auteure a précisé
que les crimes commis par les sujets ayant souffert d'un trouble mental
majeur au cours de leur vie avaient souvent eu lieu au début
de l'adolescence, bien avant que le trouble mental ne soit diagnostiqué.
Cette précision indique que l'ordre temporel des facteurs n'a
pas été établi.
Dans une lettre au chef de la rédaction de la revue, Weiler
[1994, Archives of General Psychiatry, vol. 51, p. 71]
souligne que 43 p. 100 des femmes et 40 p. 100 des hommes atteints d'un
trouble mental majeur souffraient aussi de toxicomanie. Étant
donné que le risque de condamnation était 20 fois plus
élevé chez les hommes souffrant de toxicomanie et 32 fois
plus élevé chez les femmes souffrant du même trouble,
il est possible que la tendance à commettre un crime soit fonction
de la toxicomanie et non d'un trouble mental majeur. Si les toxicomanes
avaient été exclus du groupe, le taux de criminalité
aurait pu vraisemblablement être inférieur chez les sujets
souffrant d'un trouble mental majeur.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Monahan, J., Caldeira, C. et Friedlander, H.D. (1979). Police
and the mentally ill : A comparison of committed and arrested persons,
International Journal of Law and Psychiatry, vol. 2, p. 509-518.
Objectif : Fournir des renseignements indiquant
comment les policiers exercent leur pouvoir discrétionnaire lorsqu'ils
doivent intervenir dans des incidents impliquant des malades mentaux.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué
leur méthode de recherche, mais la méthode de collecte
des données permet de croire qu'il s'agissait d'une enquête
transversale.
Lieu : Orange County, Californie, États-Unis.
Sujets : Les sujets étudiés étaient
100 policiers de différentes villes. Les auteurs n'expliquent
pas la méthode de sélection des policiers, mais ils font
mention d'un échantillon aléatoire dans leurs conclusions.
Comme la stratégie d'échantillonnage n'est pas décrite,
on ignore si les résultats peuvent être appliqués
à l'ensemble des policiers ou s'ils reflètent simplement
les opinions des 100 policiers étudiés. La moitié
des policiers ont été interrogés après avoir
demandé l'internement civil involontaire d'une personne et l'autre
moitié, après avoir arrêté une personne faisant
l'objet d'une accusation au criminel. On ignore si les expériences
des policiers du dernier groupe se rapportaient à des délinquants
atteints de troubles mentaux faisant l'objet d'une accusation au criminel.
Mesures : Les policiers ont fait état de
leurs perceptions concernant la gravité de la maladie mentale,
le degré de dangerosité ou la gravité de la déficience
de chacune des 100 personnes qu'ils avaient arrêtées ou
fait interner.
Principaux résultats : Les personnes internées
étaient plus susceptibles d'être perçues comme des
malades mentaux que les personnes arrêtées. De plus, selon
les perceptions des policiers, les personnes internées étaient
un peu plus susceptibles de commettre un acte de violence contre une
autre personne, elles étaient cinq fois plus susceptibles d'être
atteintes d'une déficience grave et vingt fois plus susceptibles
de s'infliger des blessures. Dans 30 p. 100 des cas d'arrestation, les
policiers auraient pu demander l'internement civil. Ils ne l'ont pas
fait parce qu'ils ont jugé que le degré de gravité
de la maladie mentale, de la déficience ou de la violence manifestée
ne justifiait pas une demande d'internement. De même, dans 30
p. 100 des cas d'internement, les policiers auraient pu procéder
à une arrestation. Ils ont opté pour l'internement parce
qu'ils ont jugé que l'individu n'avait pas d'intention criminelle
ou avait besoin de soins.
Conclusions : Les auteurs sont d'avis que leur
étude fournit peu de preuves étayant l'hypothèse
selon laquelle les personnes atteintes d'une maladie mentale grave seraient
criminalisées ou que les personnes ayant commis une infraction
grave feraient l'objet d'une psychiatrisation.
Critique de la méthode : Comme les auteurs n'avaient
pas de mesure indépendante de la maladie mentale qui leur aurait
permis de juger de la validité des perceptions des policiers
à l'égard de la maladie mentale, leur conclusion selon
laquelle les malades mentaux ne seraient pas criminalisés ou
que les criminels ne feraient pas l'objet d'une psychiatrisation repose
sur des données insuffisantes. L'aspect qui présente le
plus d'intérêt dans le cadre du présent examen est
que la détention dans un hôpital psychiatrique ou une prison
est l'aboutissement d'une série de décisions prises par
diverses autorités. Les échantillons de malades mentaux
ou de criminels ne sont donc pas représentatifs de l'ensemble
de la population, et il est possible que le choix des sujets dans ces
établissements soit basé sur les perceptions des policiers
à l'égard de la gravité de la maladie mentale ou
de la propension à la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Swanson, J.W. (1993). Alcohol abuse, mental disorder, and violent behavior
: An epidemiologic inquiry. Alcohol, Health & Research World, vol. 17,
no 2, p. 123-132.
Objectif : L'étude avait pour objet de vérifier
les cinq hypothèses ci-après concernant la relation entre
la maladie mentale, l'abus d'alcool et la violence.
- L'hypothèse concernant l'abus d'alcool postule que la relation
entre la maladie mentale et la violence peut s'expliquer en large
partie par l'association entre l'abus d'alcool et la violence.
- L'hypothèse sociodémographique postule que la relation
entre la maladie mentale et l'abus de l'alcool et la violence résulte
des corrélats sociodémographiques communs de ces groupes,
plus particulièrement le sexe, l'âge et le statut socioéconomique.
- L'hypothèse de la comorbidité laisse supposer que
l'association de l'abus d'alcool et un trouble mental entraîne
un risque beaucoup plus important de violence que ne le fait l'une
de ces affections à elle seule et survient plus souvent chez
les hommes des échelons socioéconomiques inférieurs.
- L'hypothèse de la sélection institutionnelle postule
que la relation apparente entre la maladie mentale et la violence
s'explique en grande partie par un biais dans la population à
l'étude. La plupart des études sont axées sur
des personnes qui ont été traitées ou incarcérés
involontairement et qui sont plus susceptibles d'être violentes.
- L'hypothèse de la psychopathologie laisse supposer que les
taux accrus de violence constatés chez les populations définies
selon les établissements où elles se trouvent tiennent
à la symptomatologie plus prononcée liée à
un trouble mental et à l'abus d'alcool chez les personnes qui
risquent le plus de se trouver dans ces milieux.
Méthode de recherche : Enquête transversale.
Lieu : Les données sont représentatives
de deux zones de recrutement aux fins des enquêtes épidémiologiques
aux États-Unis, soit Durham et Los Angeles.
Sujets : Un échantillon représentatif
de 7 053 adultes.
Mesures : Comme dans les enquêtes épidémiologiques
de zones de recrutement antérieures, les troubles mentaux ont
été mesurés à l'aide du Diagnostic Interview
Schedule (DIS), un questionnaire structuré pour les intervieweurs
non professionnels, dont les codes informatiques permettent l'établissement
d'un diagnostic en fonction des catégories du DSM-III-R. La prévalence
de chaque trouble mental a été évaluée sur
une période d'un an, c'est-à-dire qu'une personne qui
répondait aux critères du DSM-III à l'égard
d'un trouble donné au cours des douze mois précédant
l'enquête était «incluse» dans les statistiques
sur ce trouble mental. Quatre questions du DIS ont été
utilisées pour définir la violence : (1) le fait de s'être
servi d'une arme dans une bagarre depuis l'âge de dix-huit ans
; (2) le fait d'avoir pris part à plus d'une bagarre où
il y avait échange de coups de poing depuis l'âge de 18
ans; (3) le fait d'avoir donné une fessée à un
enfant ou de l'avoir frappé suffisamment fort pour qu'il ait
des ecchymoses; et (4) dans le cas de personnes qui étaient mariées
ou qui vivaient en concubinage, le fait d'avoir frappé son épouse
ou sa conjointe ou de lui avoir lancé des objets. En ce qui concerne
les quatre premières questions, on a demandé aux répondants
de préciser la dernière fois qu'ils avaient fait l'une
des choses décrites. D'après leurs réponses, un
indice de violence reposant sur quatre questions a été
établi pour tenir compte du comportement violent à l'égard
d'autrui au cours de la période d'un an précédant
l'entrevue. Les sujets étaient inclus dans les statistiques sur
la violence s'ils avaient répondu par l'affirmative à
l'une ou plusieurs de ces questions.
Principaux résultats : Au total, 193 personnes
ont été qualifiées de «violentes» en
utilisant les mesures décrites ci-dessus. Cinq modèles
statistiques ont été vérifiés - un modèle
portant sur chacune des hypothèses à l'étude. Les
résultats n'ont pas permis d'étayer l'hypothèse
concernant l'abus d'alcool et l'hypothèse sociodémographique.
Les autres hypothèses ont été appuyées
de façon modérée.
Conclusions : Les grandes maladies mentales non
accompagnées d'abus d'alcool ont été associées
à un risque accru de violence. Les personnes souffrant à
la fois de maladie mentale et de toxicomanie risquaient encore davantage
d'être violentes. Il a été constaté que l'augmentation
apparente de violence chez les hommes plus jeunes et de statut socioéconomique
inférieur était attribuable en grande partie à
la prévalence accrue d'abus d'alcool et de comorbidité
dans ce groupe. Il a aussi été constaté que des
antécédents d'arrestations et d'hospitalisation en établissement
psychiatrique étaient associés à une probabilité
accrue de violence.
Critique de la méthode : Les hypothèses
vérifiées dans l'étude sont conceptualisées
et décrites clairement. Même si la nature transversale
de l'étude ne nous permet pas de déterminer l'ordre temporel
des facteurs à l'étude, et partant, de conclure à
un lien de causalité clair, les résultats sont intéressants
et évocateurs, particulièrement si l'on tient compte de
la controverse que présente la littérature concernant
le rôle de l'abus d'alcool comme agent causal de la violence chez
les malades mentaux et de l'incertitude quant à la façon
de traiter du statut socioéconomique. Les auteurs ont tenté
de tenir compte du fait que les questions utilisées pour définir
la violence étaient parmi celles qui ont servi au diagnostic
de certaines maladies mentales en excluant celles-ci de l'analyse. Ce
qui n'est toujours pas clair, c'est la mesure dans laquelle les pratiques
actuelles de diagnostic, dans l'ensemble, renforcent la relation entre
la maladie mentale et la violence par le truchement de la nosologie
du DSM.
Causalité : Même si elle est bien
exécutée et analysée, l'étude ne fournit
pas suffisamment de données pour conclure qu'il y a un lien de
causalité entre la maladie mentale et la violence.
Swanson, J.W., Hoizer, C.E., Ganju, V.K. et Jono, R.T. (1990). Violence
and psychiatric disorder in the community : Evidence from the Epidemiologic
Catchment Area Surveys, Hospital and Community Psychiatry, vol. 41,
no 7, p. 761-770.
Objectif : Examiner la relation entre la violence
et les troubles mentaux chez des adultes vivant dans la collectivité.
Méthode de recherche : Enquête transversale.
Lieu : Les zones de recrutement aux fins des enquêtes
épidémiologiques aux États-Unis (New Haven, Baltimore,
St. Louis, Raleigh-Durham et Los Angeles).
Sujets : Des enquêtes ont été menées
en 1980 et 1983 à l'aide d'échantillons représentatifs
composés d'adultes résidant dans certains des secteurs
susmentionnés. Les échantillons comprenaient 3 000 à
5 000 résidents par secteur. Les données de cette
analyse ont été recueillies à l'aide d'échantillons
prélevés à Baltimore, à Raleigh-Durham et
à Los Angeles, qui comprenaient au total 10 059 personnes. Les
données ont été pondérées en fonction
de la probabilité que les répondants soient choisis.
Mesures : Les troubles mentaux ont été
mesurés à l'aide du DIS (Diagnostic Interview Schedule),
un questionnaire structuré pour les intervieweurs non professionnels,
dont les codes informatiques permettent l'établissement d'un
diagnostic en fonction des catégories du DSM-III-R. La prévalence
de chaque trouble mental a été évaluée sur
une période d'un an, c'est-à-dire qu'une personne qui
répondait aux critères du DSM-III à l'égard
d'un trouble donné au cours des douze mois précédant
l'enquête était «incluse» dans les statistiques
sur ce trouble mental. Cinq questions du DIS ont été utilisées
pour définir la violence : 1) le fait d'avoir frappé son
conjoint ou son partenaire ou de lui avoir lancé des objets,
2) le fait d'avoir donné une fessée à un enfant
ou de l'avoir frappé suffisamment fort pour qu'il ait des ecchymoses,
3) le fait d'avoir donné des coups de poing à une personne
autre que le conjoint après l'âge de dix-huit ans, 4) le
fait de s'être servi d'une arme (comme un bâton, un couteau
ou un fusil) après l'âge de dix-huit ans et 5) le fait
de s'être battu après avoir consommé de l'alcool.
Les sujets étaient inclus dans les statistiques sur la violence
s'ils avaient répondu par l'affirmative à l'une ou plusieurs
de ces questions et déclaré que le comportement en question
s'était produit au cours des douze mois précédant
l'enquête. Le statut socioéconomique a aussi été
mesuré (en fonction de la profession, du niveau d'instruction
et du revenu du ménage).
Principaux résultats : Les sujets qui répondaient
aux critères diagnostiques d'un trouble mental selon le DIS et
le DSM-III étaient plus susceptibles d'avoir des comportements
violents ou agressifs que les autres sujets. Ainsi, plus de la moitié
des 368 personnes déclarant un comportement violent au cours
de l'année précédente satisfaisaient aux critères
de trouble psychiatrique, comparativement à 19,6 p. 100 des contrevenants
non violents. Les taux de violence étaient les plus forts chez
les toxicomanes (de 19,2 p. 100 à 34,7 p. 100, selon la catégorie).
Exception faite des phobies, catégorie dans laquelle la prévalence
de la violence se chiffrait à 5 p. 100, celle-ci se situait à
10,7 à 12,7 p. 100 dans toutes les autres catégories de
diagnostic (p. ex. troubles de schizophrénie, troubles de dépression
et troubles d'anxiété). Sauf une exception, chaque catégorie
distincte de troubles (indépendamment des diagnostics multiples)
était associée à un risque supérieur. Le
taux de violence enregistré chez les personnes souffrant d'un
trouble anxieux non accompagné d'un autre trouble était
le même que chez les personnes ne souffrant d'aucun trouble. Les
personnes souffrant d'un trouble affectif ne présentaient qu'un
risque légèrement supérieur. Les personnes souffrant
de schizophrénie présentaient un risque quelque peu élevé,
mais pas aussi élevé que les gens le croient généralement.
Par contre, les personnes souffrant de toxicomanie présentaient
un risque beaucoup plus élevé et semblaient avoir commis
des actes de violence plus graves et ce, avec une plus grande fréquence.
Le pourcentage de personnes déclarant un comportement violent
était de 2,1 p. 100 chez celles ne présentant pas de diagnostic,
de 6,8 p. 100 chez celles en présentant un, de 17,5 p. 1 00 chez
celles en présentant deux et de 22,4 p. 100 chez celles en présentant
trois ou plus.
Conclusions : Les malades mentaux dans la collectivité
sont plus susceptibles d'être agressifs que les personnes qui
ne souffrent pas de troubles mentaux. L'abus d'alcool ou de drogue,
ajouté à la présence de plus d'un diagnostic, augmente
considérablement le risque de violence. Ces résultats
indiquent que les citoyens courent plus de risque d'être agressés
par des toxicomanes que par des personnes atteintes d'une maladie mentale
grave, comme la schizophrénie, bien que les craintes à
l'égard de ces dernières ne soient pas totalement sans
fondement.
Critique de la méthode : Bien que
cette étude repose sur les méthodes épidémiologiques
les plus perfectionnées appliquées en psychiatrie, les
résultats indiquent simplement qu'il y a une association statistique
entre la maladie mentale et la violence. Comme les données ont
été recueillies dans le cadre d'une enquête transversale,
il n'est pas possible d'établir l'ordre temporel des facteurs.
Les troubles mentaux aussi bien que la violence ont été
mesurés au cours de la même période de douze mois.
Par conséquent, les résultats ne peuvent être utilisés
pour conclure à un lien de causalité. Deuxièmement,
comme les auteurs l'ont souligné, les mesures de la violence
n'étaient certainement pas idéales car elles ont été
obtenues à l'aide des questions du DIS qui ont été
utilisées, en partie, pour établir les diagnostics psychiatriques.
On pouvait s'attendre par le fait même à un certain degré
d'association.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Teplin, LA. (1985). The criminality of the mentally ill : A dangerous
misconception, American Journal of Psychiatry, vol. 142, no 5,
p. 593-599.
Objectif : Évaluer le niveau relatif
de criminalité chez les personnes atteintes de troubles mentaux
en s'intéressant en particulier au premier contact avec le système
de justice pénale, de façon à éviter les biais
associés au pouvoir d'arrestation discrétionnaire de la
police.
Méthode de recherche : L'auteur n'a pas
indiqué la méthode appliquée. Les sujets ont été
observés dans le contexte des contacts entre policiers et citoyens,
puis des données sur les arrestations ont été recueillies.
Il semble donc qu'il s'agissait d'une étude de suivi à
court terme.
Lieu : Une grande agglomération urbaine des États-Unis
(plus d'un million d'habitants).
Sujets : Des policiers (N=283) ont été
choisis au hasard et observés dans le cadre de leurs relations
quotidiennes avec les citoyens. Des observations ont été
faites à toutes les heures de la journée, tous les jours.
Les soirées et les fins de semaine ont fait l'objet d'un suréchantillonnage.
Les données ont été recueillies dans deux districts
de police afin d'avoir des profils socioéconomiques variés.
Mesures : Les chercheurs ne pouvaient effectuer
des évaluations diagnostiques structurées à grande
échelle dans le contexte des contacts entre policiers et citoyens.
Ils ont donc eu recours, pour mesurer la maladie mentale, à une
liste de vérification des symptômes où étaient
énumérées les caractéristiques des troubles
mentaux graves (confusion ou désorientation, isolement ou absence
de réactions, discours ou comportement paranoïde, inapproprié
ou étrange, comportements autodestructeurs). Une personne était
considérée comme étant atteinte d'un trouble mental
si elle affichait au moins l'une de ces caractéristiques et si
le chercheur lui avait attribué un score global correspondant
à un trouble mental grave. Les chercheurs ont validé les
résultats de cette liste de vérification en les comparant
aux résultats obtenus auprès de 61 détenus choisis
au hasard qui avaient été soumis au DIS (Diagnostic
Interview Schedule). Le degré de concordance établi
à l'égard de la définition des troubles mentaux
graves s'élevait à 93,4 p. 100. La criminalité
a été mesurée à l'aide des données
sur les arrestations. Les infractions ont été classées
dans les catégories suivantes : infractions contre la personne
avec violence, conflits interpersonnels, infractions majeures contre
les biens, infractions mineures contre les biens, atteintes à
la santé ou à la sécurité publique ou aux
mœurs et infractions contre l'ordre public.
Principaux résultats : Les policiers de
l'échantillon ne sont pas souvent entrés en contact avec
des personnes souffrant de troubles mentaux graves (4 p. 100 des 2 122
personnes rencontrées). Les personnes atteintes de troubles mentaux
étaient plus susceptibles de faire l'objet de préoccupations
ou d'avoir besoin d'aide et eues étaient seulement un peu plus
susceptibles que les personnes non atteintes de troubles mentaux d'être
considérées comme des suspects. Dans le cas des individus
considérés comme des suspects, il n'y avait pas de lien
entre le genre de crime commis et le fait que le sujet soit atteint
ou non d'un trouble mental. Le taux d'infractions graves commises par
les personnes atteintes de troubles mentaux n'était pas disproportionné
à leur nombre.
Conclusions : Les manifestations de la criminalité
chez les suspects atteints de troubles mentaux sont en grande partie
semblables à celles observées chez les suspects non atteints
de troubles mentaux.
Critique de la méthode : La principale
force de cette étude réside dans le fait que les chercheurs
ont examiné un échantillon représentatif de tous
les cas de violation de la loi (c.-à-d. les contacts entre policiers
et citoyens), sans tenir compte des mesures prises par les policiers
dans ces cas. Cette façon de procéder a permis aux chercheurs
de contrôler les taux d'arrestation biaisés résultant
de la tendance des policiers à arrêter les malades mentaux
plus souvent que les personnes normales, après un premier contact.
La seconde force de cette étude réside dans le fait que
les chercheurs se sont appuyés sur des données d'observation
plutôt que sur des archives ou des données secondaires
pour mesurer la maladie mentale et les arrestations. Enfin, grâce
à la liste de vérification des symptômes qu'ils
ont utilisée, les chercheurs ont réussi à donner
de la maladie mentale une définition non reliée à
la criminalité et ils ont évité ainsi les définitions
qui engendrent si souvent de la confusion dans les études fondées
sur l'utilisation des critères du DSM-III-R. En bref, cette étude
fournit des preuves solides à l'appui de la thèse selon
laquelle il n'y a pas de différences importantes entre les personnes
souffrant de troubles mentaux et les autres personnes qui entrent en
contact avec la police, quant aux types de crimes dont elles sont soupçonnées.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Études portant sur des patients psychiatriques
Les études décrites ci-après portent sur la relation
entre la maladie mentale et la violence chez des patients psychiatriques.
Étant donné que tous les échantillons étaient
composés de personnes ayant reçu des soins hospitaliers,
les résultats sont entachés d'un biais de sélection.
Par conséquent, on ne peut jamais affirmer que les associations
constatées à partir de ces échantillons reflètent
des associations qui existent dans la population générale.
En outre, nombre de ces études ne prévoit pas de groupe
témoin, de sorte qu'il est impossible de savoir si les taux de
violence sont supérieurs ou inférieurs à ceux auxquels
on devrait s'attendre. En raison des échantillons choisis, les
recherches de ce type ne peuvent être utilisées pour étayer
la proposition selon laquelle les malades mentaux seraient plus violents
que les autres personnes.
Asnis, G.M., Kaplan, M.L., van Praag, H.M. et Sanderson, W.C. (1994).
Homicidal behaviours among psychiatrie outpatients, Hospital and
Community Psychiatry, vol. 45, no 2, p. 127-132.
Objectif : Faire une évaluation
plus nuancée des comportements violents en accordant une attention
particulière aux comportements que le patient décrit lui-même
comme des comportements homicides, y compris les idées, les plans
et les tentatives d'homicide. Le second but de l'étude était
de déterminer les caractéristiques qui permettent de différencier
les patients ayant eu dans le passé des comportements homicides
de ceux qui ne manifestent pas de tendances homicides.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs
n'aient pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
enquête descriptive.
Lieu : Un hôpital sans but lucratif situé
dans le Bronx, à New York.
Sujets : Les sujets à l'étude étaient
517 malades mentaux qui avaient demandé à être soignés
à la clinique externe de psychiatrie de l'hôpital, soit
204 hommes (40 p. 100) et 313 femmes (60 p. 100) âgés de
13 à 87 ans.
Mesures : Les formules d'autodéclaration
comprenaient: 1) la formule de données démographiques
Harkavy-Asnis Suicide Survey, 2) la formule Homicidal Behaviours
Survey et 3) la liste révisée Symptom Checklist
90. Chaque malade devait aussi répondre, dans le cadre d'une
interview semi-dirigée, à des questions visant à
déterminer ses antécédents psychiatriques et à
évaluer son état mental. Ces interviews étaient
menées par un psychologue ou un psychiatre. Un diagnostic a été
établi pour chaque malade, selon le DSM-III-R.
Principaux résultats : En tout, 114 sujets
(22 p. 100) ont déclaré avoir eu des idées d'homicide
par le passé et 41 de ces sujets (8 p. 100 de l'échantillon
total) ont déclaré que leurs idées d'homicide avaient
persisté pendant au moins sept jours. Quarante sujets (8 p. 100)
ont déclaré avoir dressé un plan d'homicide. Vingt-deux
sujets (4 p. 100) ont déclaré avoir déjà
fait une tentative d'homicide. Aucune différence significative
n'a été constatée, par rapport aux diagnostics
établis, entre les sujets ayant fait une tentative d'homicide
dans le passé et ceux n'ayant pas de tendances homicides. De
plus, les sujets ayant fait une tentative d'homicide ont déclaré,
dans une proportion significativement plus élevée, avoir
eu des idées de suicide et avoir fait des tentatives de suicide,
comparativement aux sujets qui avaient déclaré avoir eu
uniquement des idées d'homicide. Une différence de 8 p.
100 a été constatée entre les hommes et les femmes
en ce qui concerne les idées d'homicide et les tentatives d'homicide
(hommes 27 p. 100, femmes 18 p. 100).
Conclusions : Les auteurs ont conclu que le taux
de tentatives d'homicide enregistré au cours de leur étude
était beaucoup plus faible que le taux de 10 p. 1 00 enregistré
par d'autres chercheurs à l'égard des agressions physiques.
Étant donné la relation observée entre les comportements
homicides actuels et antérieurs, les auteurs ont conclu que les
évaluations psychiatriques de routine devraient comprendre une
évaluation minutieuse des antécédents de violence.
Ils ont reconnu que les limites inhérentes aux instruments d'autodéclaration
et la nature rétrospective de leur étude avaient pour
effet de restreindre la valeur de leurs résultats. Ils n'ont
pas laissé entendre que leurs résultats pouvaient être
utilisés pour tirer des conclusions au sujet des causes des comportements
homicides.
Critique de la méthode : La principale
faiblesse de cette étude réside dans l'accent qui est
mis sur le comportement homicide, qui est non seulement très
rare, mais qui constitue une manifestation extrême de violence.
En dépit de cette limite, les auteurs ont comparé leurs
résultats à ceux obtenus par des chercheurs qui ont étudié
le comportement criminel en général et le comportement
criminel chez les malades mentaux hospitalisés. Étant
donné que cette étude portait sur des personnes qui s'étaient
présentées dans une clinique de psychiatrie externe, on
ne peut dire dans quelle mesure les comparaisons apportent un éclairage
utile. Il se peut que la forte proportion de femmes dans la population
à l'étude (60 p. 100) explique le taux inférieur
d'homicide dans l'étude, et ce, comparativement à d'autres
travaux de recherche, étant donné que les femmes ont tendance
à accuser une incidence inférieure de crime avec violence.
De plus, comme les auteurs n'ont pas indiqué les propriétés
psychométriques des instruments de mesure qu'ils ont utilisés,
les conclusions relatives à la fiabilité et à la
validité des résultats sont limitées. Étant
donné que les renseignements recueillis ont trait à des
questions délicates, il est possible que l'utilisation d'un instrument
d'autodéclaration ait entraîné une sous-estimation
des tendances homicides au sein du groupe considéré. Comme
l'étude portait sur des malades suivis dans une clinique externe,
on ne peut en utiliser les résultats pour examiner la possibilité
qu'il y ait une relation étiologique entre la maladie mentale
et la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Binder, R., McNeil, E. et Binder, R.L. (1988). Effects of diagnosis and
context on dangerousness, American Journal of Psychiatry, vol. 145
no 6, p. 728-732.
Objectif : L'étude avait pour but
de répondre aux questions suivantes : 1) Les patients atteints
de schizophrénie, de manie ou d'un autre trouble mental sont-ils
plus susceptibles d'être agressifs avant leur admission? 2) Les
patients atteints de schizophrénie, de manie ou d'un autre trouble
mental sont-ils plus susceptibles d'être agressifs durant la phase
de leur hospitalisation qui correspond à un épisode aigu
de la maladie?
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont
pas indiqué leur méthode de recherche, mais il semble
qu'il s'agissait d'un examen longitudinal de dossiers médicaux.
Lieu : L'unité de psychiatrie de courts séjours
(fermée à clé) d'un hôpital universitaire.
Sujets : L'échantillon se composait de 150 patients
choisis au hasard parmi tous les patients admis à l'hôpital
en 1983 (N=238) et durant les six premiers mois de 1984 (N=118). Les
personnes ayant été admises plusieurs fois à l'hôpital
au cours de cette période ont été exclues.
Mesures : Selon la définition donnée
par les auteurs, la violence avant l'admission comprenait la violence
manifestée au cours des deux semaines précédant
l'hospitalisation. La violence à l'hôpital a été
mesurée au cours des 24 premières heures d'hospitalisation.
Le comportement violent a été mesuré à
l'aide d'une échelle comprenant quatre catégories d'agressions
: 1) les agressions contre une personne, 2) la violence physique contre
des objets, 3) les menaces d'agression physique contre une personne
et 4) la violence verbale contre une personne.
Principaux résultats : Aucune différence
significative n'a été constatée entre les sujets
de différentes ethnies ou classes sociales. Les données
indiquent que, durant les deux semaines précédant l'admission,
21 p. 100 des patients ont agressé une personne et 25,3 p. 100
ont manifesté un comportement ayant suscité la peur. L'analyse
du chi carré a révélé une association significative
entre le trouble diagnostiqué et la fréquence de la violence,
en particulier chez les patients souffrant de schizophrénie ou
de manie. Treize pour cent des patients avaient agressé une personne
au moment de leur admission et 32 p. cent avaient manifesté un
comportement ayant suscité la peur. Une association significative
a aussi été constatée entre le trouble diagnostiqué
et le type de violence; cependant, dans ce cas, les patients souffrant
de manie étaient plus susceptibles d'agresser une personne, alors
que ceux atteints de schizophrénie étaient plus susceptibles
de manifester un comportement suscitant la peur.
Conclusions : Les chercheurs ont constaté que
le risque de violence considéré par rapport au diagnostic
établi variait selon le contexte. Avant l'hospitalisation, tant
les patients souffrant de manie que ceux souffrant de schizophrénie
étaient plus susceptibles de manifester un comportement agressif
que ceux chez qui on avait diagnostiqué un autre trouble. Toutefois,
durant leur séjour à l'hôpital, les patients souffrant
de manie étaient plus susceptibles de manifester un comportement
agressif. Au cours des 24 premières heures d'hospitalisation,
les patients atteints de schizophrénie reçoivent des neuroleptiques,
lesquels réduisent les symptômes psychotiques, exercent
une action calmante et, partant, diminuent le risque de violence.
Critique de la méthode : Les groupes de
sujets comparés, pour lesquels un diagnostic différent
avait été établi, avaient des caractéristiques
différentes sur le plan démographique. Il est possible
que ces différences expliquent en partie les différences
constatées à l'égard de la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Buckley, P., Walshe, D., Colohan, H.A., O'Callaghan, E., Mulvey, F.,
Gibson, T., Waddington, J.L. et Conall, L. (1990). Violence and schizophrenia
- a study of the occurrence and clinical correlates of violence among
schizophrenic patients, Irish Journal of Psychological Medicine,
vol. 7, p. 102-108.
Objectif : Examiner en profondeur les caractéristiques
des comportements violents et leurs corrélats cliniques chez des
patients psychiatriques hospitalisés.
Méthode de recherche : Les données ont
été recueillies à partir d'un examen des dossiers
médicaux. Bien que les auteurs n'aient pas indiqué leur
méthode de recherche, la méthode de collecte des données
permet de croire qu'il s'agissait d'une enquête rétrospective.
Lieu : Le service de psychiatrie d'un hôpital général
de Stillorgan, à Dublin.
Sujets : L'échantillon était composé
de tous les malades hospitalisés dans le service de psychiatrie
(N=698) pour lesquels un diagnostic de schizophrénie avait été
établi selon la Classification internationale des maladies, neuvième
édition (CIM-9). Les sujets avaient été admis entre
1983 et 1988.
Mesures : La violence était définie ainsi
: agression physique ou dommages matériels intentionnels. Les
données sur la violence comprenaient aussi bien les actes de
violence commis dans la collectivité que ceux commis en milieu
hospitalier. Tout acte de violence s'étant produit depuis le
début de la maladie du patient était inclus dans les statistiques.
Principaux résultats : Cent treize (16,2 p. 100)
des 698 patients souffrant de schizophrénie avaient commis des
actes de violence. Les patients ayant eu des comportements violents
ont été comparés aux patients n'ayant pas d'antécédents
de violence. Les deux groupes ne pouvaient être distingués
par rapport aux variables suivantes : une symptomatologie positive ou
négative, des antécédents psychiatriques familiaux
ou une dépression traitée. Le taux de violence enregistré
était plus élevé chez les sujets masculins que
chez les sujets féminins. Les données sur le comportement
violent ont permis de tirer des conclusions sur 111 sujets (sur 113)
: 20 (18 p. 100) avaient eu un comportement violent à l'hôpital,
62 (56 p. 100) avaient eu un comportement violent dans la collectivité
et 29 (26 p. 100) s'étaient comportés avec violence dans
les deux milieux. La plupart des incidents de violence survenus dans
la collectivité s'étaient produits au domicile du sujet
et avaient consisté en des dommages causés à des
meubles ou en une agression contre un membre de la famille. Il s'agissait
dans la plupart des cas d'agressions mineures.
Conclusions : La majeure partie des actes de violence
étaient mineurs et avaient rarement résulté en
des blessures graves chez la victime.
Critique de la méthode : Les auteurs ont indiqué
que leurs résultats étaient comparables à ceux
obtenus par d'autres chercheurs antérieurement. Ils ont reconnu
qu'il y avait deux biais d'échantillonnage possibles dans leur
étude. Premièrement, les personnes souffrant d'une maladie
mentale moins grave qui étaient soignées à la clinique
externe seulement n'ont pas été incluses dans l'échantillon,
ce qui peut avoir entraîné une surestimation de la violence
chez les patients schizophrènes. Deuxièmement, les personnes
qui manifestaient un comportement violent intense et persistant ont
été exclues, car elles avaient été dirigées
vers des centres de traitement régionaux qui étaient davantage
en mesure d'assurer la sécurité. Outre les biais signalés
par les auteurs, il est probable que l'utilisation des notes du personnel
infirmier ait entraîné une sous-estimation de la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Cirincione, C., Steadman, H.J., Clark-Robbins, P. et Monahan,
J. (1992). Schizophrenia as a contingent risk factor for criminal
violence, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 15, p.
347-358.
Objectif : Déterminer dans quelle mesure
un diagnostic de schizophrénie permettait de prévoir les
actes criminels avec violence lorsque les effets de la variable «arrestations
antérieures» étaient éliminés.
Méthode de recherche : Les auteurs ont omis de
décrire la méthode de recherche qu'ils ont appliquée.
Cependant, d'après la description de la collecte des données,
il semble qu'il s'agissait d'une étude rétrospective de
cohortes.
Lieu : Un établissement du New York State Office
of Mental Health de l'État de New York, aux États-Unis.
Sujets : Les deux groupes de sujets étaient composés
d'hommes adultes admis dans un établissement du New York State
Office of Mental Health en 1968 et 1978. Certains des sujets avaient
participé volontairement à l'étude, et d'autres
non. L'échantillon initial comprenait 400 sujets, mais il était
limité aux catégories suivantes : 1) les malades de moins
de 50 ans; 2) ceux dont le dossier était complet; 3) ceux qui
souffraient d'un trouble psychiatrique (sauf les troubles de la personnalité)
du DSM- III-R; et 4) ceux qui avaient reçu leur congé
dans les cinq ans suivant leur admission. Les échantillons de
1968 et 1978 comprenaient 255 et 327 sujets, respectivement. Dans la
majeure partie des cas (86,7 p. 100), le diagnostic primaire était
soit la schizophrénie, soit la toxicomanie.
Mesures : Les renseignements suivants ont été
recueillis concernant chaque malade : le diagnostic établi au
moment de l'admission, l'âge au moment de l'admission, la race
et les arrestations antérieures. Des données sur les arrestations
ultérieures ont été recueillies auprès de
la Division des services de justice pénale de l'État de
New York durant les onze années suivant l'hospitalisation du
malade. Les crimes avec violence comprenaient le meurtre, l'homicide
involontaire coupable, le viol, la tentative de viol, les voies de fait,
l'enlèvement et la sodomie.
Principaux résultats : En ce qui concerne le groupe
de sujets de 1968, la seule variable qui était reliée
de façon significative à la violence ultérieure
était les arrestations antérieures. Cette relation était
significative également dans le cas du groupe de sujets de 1978.
Par ailleurs, le risque de violence s'est avéré significativement
plus élevé chez les sujets de couleur que chez les sujets
de race blanche.
Parmi les sujets chez qui on avait diagnostiqué une schizophrénie
et qui n'avaient jamais été arrêtés, 10,7
p. 100 avaient eu des comportements violents ultérieurement,
comparativement à 2,2 p. 100 de ceux qui souffraient de toxicomanie.
Dans le groupe de sujets de 1968, la probabilité d'arrestation
pour un crime avec violence était plus élevée dans
le cas des personnes atteintes de schizophrénie et moins élevée
dans le cas des malades chez qui on avait diagnostiqué un autre
genre de trouble. Dans le groupe de 1978, il n'y avait pas de relation
significative entre le diagnostic établi et la violence ultérieure.
Conclusions : Les résultats ont révélé
plusieurs relations intéressantes entre le diagnostic établi
et les arrestations ultérieures pour des crimes avec violence,
relation qui n'était pas modifiée lorsqu'on contrôlait
les variables âge, race et statut juridique. Dans le groupe de
sujets de 1968, le diagnostic établi constituait une variable
prédictive importante de la violence. Les résultats obtenus
à l'égard du groupe de 1978 étaient opposés
à ceux obtenus pour le groupe de 1968 où, dans le cas
des sujets n'ayant jamais été arrêtés, le
diagnostic n'était pas une variable prédictive importante
de la violence. En ce qui concerne ce dernier groupe, il est possible
que le taux de violence de base chez les sujets n'ayant jamais été
arrêtés était trop faible (2,6 p. 100) pour qu'une
analyse valable puisse être effectuée. Les résultats
donnent à penser que nous devrions considérer avec prudence
l'affirmation selon laquelle l'évaluation du risque devrait être
faite uniquement lorsque le sujet a de longs antécédents
de violence. Les résultats ont aussi révélé
que la relation entre le diagnostic et les crimes avec violence dépendait
de la variable «arrestations antérieures».
Critique de la méthode : Le faible taux de base
enregistré dans le groupe de sujets de 1978 ainsi que le petit
nombre de sujets ne souffrant pas de schizophrénie rendent difficile
l'interprétation des résultats des analyses statistiques.
Le fait que les chercheurs aient constaté que les sujets souffrant
de schizophrénie étaient impliqués plus souvent
dans des incidents de violence peut être dû simplement à
leur surreprésentation dans la population de cet hôpital,
comparativement aux autres groupes de malades.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Convit, A., Isay, D., Otis, D. et Volavka, J. (1990). Characteristics
of repeatedly assaultive psychiatric inpatients, Hospital and Community
Psychiatry, vol. 41, no 10, p. 1112-1115.
Objectif : Comparer des patients qui étaient
des récidivistes violents avec d'autres patients qui avaient été
violents seulement une fois ou deux (non-récidivistes) afin de
découvrir les corrélations se rapportant plus spécifiquement
à la violence.
Méthode de recherche : Bien que les chercheurs
aient omis d'indiquer leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
étude rétrospective de cohortes.
Lieu : Un grand hôpital psychiatrique public de
la ville de New York dans l'État de New York, aux États-Unis.
Sujets : Tous les patients qui se trouvaient à
l'hôpital le premier jour de l'étude et tous les autres
patients admis par la suite au cours de la période de six mois
à l'étude ont été considérés
comme des sujets présentant un risque de violence et ont été
inclus dans la population à risque. La population à l'étude
comprenait 1 195 patients qui étaient hospitalisés lorsque
l'étude a commencé et 357 patients qui ont été
admis durant la période de six mois à l'étude,
de sorte que la population totale des patients à risque s'élevait
à 1 552 (1 041 hommes et 511 femmes).
Mesures : Les chercheurs ont consulté les rapports
d'incident pour déterminer la fréquence de la violence.
Dans les hôpitaux psychiatriques de l'État de New York,
deux types de comportement violent justifient la production d'un rapport
d'incident : les échanges de coups entre deux patients et les
agressions. On entend par agression une attaque d'un patient contre
une personne qui ne réplique pas. Les chercheurs ont examiné
tous les rapports d'incident portant sur des échanges de coups
ou des agressions qui avaient été produits
au cours de la période de six mois. Les patients qui avaient
été impliqués dans trois incidents ou plus de cette
nature étaient considérés comme des récidivistes.
Principaux résultats : Au cours de la période
à l'étude, 4 907 incidents de violence se sont produits,
dont 174 échanges de coups (35 p. 100), 233 agressions contre
des patients (47 p. 100) et 90 agressions contre des membres du personnel
(18 p. 100). En tout, 313 patients (201 hommes et 112 femmes) ou 20
p. 100 des sujets ont été impliqués dans un échange
de coups ou ont commis une agression une ou plusieurs fois durant la
période de six mois. Soixante-dix des 313 patients violents (31
hommes et 39 femmes) répondaient au critère de récidive
établi par les chercheurs. Ces 70 patients avaient été
impliqués dans 53 p. 100 de tous les incidents de violence. Le
pourcentage des femmes considérées comme des récidivistes
était significativement plus élevé que celui des
hommes. Les femmes récidivistes étaient généralement
plus jeunes, mais il n'y avait aucune différence significative
entre les récidivistes et les non-récidivistes par rapport
au diagnostic établi.
Conclusions : Les données de cette étude
indiquent que 5 p. 100 des individus de la population à risque
étaient responsables de 53 p. 100 des agressions. Huit pour cent
des femmes étaient responsables de 70 p. 100 des agressions commises
par des femmes tandis que 3 p. 100 des hommes étaient responsables
de 40 p. 100 des agressions commises par des hommes. Ces résultats
indiquent qu'une faible proportion des patients sont responsables d'environ
la moitié des incidents de violence dans les hôpitaux psychiatriques.
Fait plus important encore, ils sont responsables de plus de la moitié
des blessures graves.
Critique de la méthode : Le fait que les chercheurs
se soient appuyés sur des rapports d'incident peut avoir eu pour
effet de sous-estimer le niveau de violence au sein de cette population.
Les résultats qui indiquent qu'une faible proportion des patients
sont responsables de la majeure partie des cas de violence concordent
avec des résultats obtenus dans des études plus générales
sur la criminalité. Cependant, comme cette étude portait
sur des patients hospitalisés, les résultats ne peuvent
être appliqués à tous les individus souffrant d'une
maladie mentale et ils ne nous éclairent guère sur la
relation étiologique entre la maladie mentale et la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Cuffel, B. J., Shumway, M. Chouljian, T.L., et Macdonald, T. (1994).
A longitudinal study of substance use and community violence in schizophrenia.
The Journal of Nervous and Mental Disease, vol. 182, no
12, p. 704-708.
Objectif : L'étude a été
conçue pour aborder deux questions, à savoir : 1) si la
toxicomanie dans la schizophrénie peut être reliée
transversalement à l'apparition d'un comportement violent; et 2)
si la toxicomanie dans la schizophrénie peut permettre de prédire
la manifestation d'un comportement violent futur.
Méthode de recherche : Un examen
rétrospectif des dossiers a été utilisé
pour recueillir les données secondaires déclarées
et documentées au cours d'essais contrôlés aléatoires.
Lieu : Une clinique de schizophrénie de l'Hôpital
général de San Francisco, aux États-Unis.
Sujets : Les sujets étaient 103 patients psychiatriques
externes âgés de 18 à 55 ans qui avaient reçu
des soins entre 1985 et 1989. Tous les sujets étaient des participants
à un essai clinique d'interventions pharmacologiques qui excluait
les personnes ayant d'importants antécédents juridiques
ou les personnes ayant une forte dépendance à l'égard
de l'alcool ou des drogues. Au bout de six mois, 89 patients participaient
toujours à l'étude. Après six mois, l'attrition
de l'échantillon rendait les analyses statistiques trop imprécises.
Mesures : Toutes les données ont été
recueillies à l'aide d'un examen rétrospectif des dossiers.
Le diagnostic clinique de schizophrénie, d'un trouble schizoaffectif
ou d'un trouble schizophréniforme du DSM-III-R avait été
inscrit dans le dossier des malades et posé au départ
à l'aide de l'entrevue clinique structurée. Le comportement
violent inscrit dans le dossier clinique au cours de la période
du ler au troisième mois et de la période du
3e au 6e mois constituaient les principales mesures
dépendantes. Ces comportements comprenaient les menaces verbales
de violence contre autrui, les menaces non verbales de violence contre
autrui, les agressions physiques, les altercations, le fait de brandir
une arme, l'utilisation d'une arme, le fait d'allumer un incendie, et
la destruction de biens. La toxicomanie a été enregistrée
séparément, c'est-à-dire de façon distincte
pour l'alcool, la marijuana, les opiacés, les sédatifs
et les hallucinogènes, mais les sujets étaient classés
de la façon qui suit : ceux qui n'utilisaient que l'alcool ou
la marijuana (N=9) et ceux qui utilisaient une autre substance (N=11).
L'âge, le sexe et le statut de minorité ont été
considérés comme des covariables dans l'analyse.
Principaux résultats : Au cours des trois premiers
mois, 8,6 p. 100 des sujets ont été identifiés
comme ayant utilisé de l'alcool ou de la marijuana et 10,6 p.
100 enregistraient une polytoxicomanie. Au cours de la période
du 3e au 6e mois, ces proportions étaient
de 11,3 p. 1 00 et de 5,7 p. 100, respectivement. Des comportements
violents ont été enregistrés chez 18,4 p. 100 de
l'échantillon au cours de la période du 1er
au 3e mois et chez 14,7 p. 100 de l'échantillon au
cours de la période du 3e au 6e mois. Chez
les polytoxicomanes, le risque de commettre un acte de violence au cours
de la première période des trois mois de suivi et au cours
de la deuxième période des trois mois de suivi était
12,56 fois plus élevé (p 0,01) et 4,61 fois plus élevé
(p -0,10), respectivement. Aucune autre relation digne de mention sur
le plan statistique n'a été signalée.
Conclusions : Les auteurs arrivent à la conclusion
que les résultats de l'étude fournissent des «preuves
présomptives» que la consommation de certaines substances
peut prédisposer les sujets souffrant de schizophrénie
et de polytoxicomanie à des épisodes ultérieurs
de comportement violent.
Critique de la méthode : La nature restreinte
de l'échantillon, la taille restreinte des échantillons
et l'absence d'intervalles de confiance rendent l'importance de ces
résultats difficile à évaluer.
Causalité : L'étude n'aborde pas la question
de savoir si le risque de violence est plus élevé chez
les personnes atteintes de schizophrénie que chez les personnes
ne souffrant pas d'un trouble mental. Il est donc impossible d'utiliser
les résultats pour établir un lien de causalité
entre la maladie mentale et la violence.
Durbin, J.R., Pasewark, R.A. et Albers, D. (1977). Criminality and mental
illness : A study of arrest rates in a rural state, American
Journal of Psychiatry, vol. 124, no 1, p. 80-83.
Objectif : Examiner les données cumulatives
sur les arrestations chez d'anciens patients psychiatriques et les comparer
aux données équivalentes enregistrées pour la population
générale.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué
leur méthode de recherche, mais les méthodes de collecte
des données permettent de croire qu'il s'agissait d'une étude
historique de cohortes et d'un suivi s'étalant sur une période
maximale de dix ans.
Lieu : Wyoming, États-Unis.
Sujets : Les sujets à l'étude étaient
461 personnes dont l'âge variait entre 18 et 64 ans, admises au
Wyoming State Hospital en 1969. Ont été exclues de l'étude
les personnes admises à cet hôpital pour y subir une évaluation
psychiatrique à la demande d'une cour de justice ou à
des fins médico-légales, les personnes transférées
dans un autre établissement au cours de l'étude ainsi
que les personnes décédées durant leur séjour
à l'hôpital. Cet hôpital est le seul établissement
psychiatrique de l'État. Par conséquent, les résultats
peuvent être appliqués à l'ensemble des patients
psychiatriques du Wyoming.
Mesures : Les données sur les arrestations au
criminel ont été obtenues pour la période 1964-1973,
tant pour le groupe à l'étude (à partir de la comparaison
des empreintes digitales) que pour la population de l'État.
Principaux résultats : Les données sur
les arrestations ont révélé des différences
entre les hommes et les femmes. En général, le risque
d'arrestation était plus élevé chez les anciens
patients de sexe masculin que dans la population générale,
alors que ce risque était le même dans le cas des femmes.
Chez les hommes, un petit nombre d'anciens patients était responsable
de la majeure partie des arrestations au sein du groupe : 7,3 p. 100
des patients avaient fait l'objet de 68,2 p. 100 des arrestations. Les
taux de crime avec violence étaient plus élevés
chez les anciens patients de sexe masculin que dans la population générale,
et ce pour la plupart des catégories de crimes. Cependant, les
hommes chez qui on avait diagnostiqué un trouble de la personnalité
ou une dépendance à l'égard de la drogue étaient
surreprésentées parmi les sujets arrêtés.
Les personnes atteintes d'un trouble de la personnalité constituaient
10,1 p. 100 du groupe de malades à l'étude, mais représentaient
25 p. 100 des arrestations; les personnes souffrant d'une dépendance
à l'égard de la drogue constituaient 3,5 p. 100 du groupe
à l'étude, mais représentaient 7,9 p. 100 des arrestations.
Les personnes atteintes de schizophrénie n'étaient pas
surreprésentées dans les données sur les arrestations,
et aucune des arrestations dont elles avaient fait l'objet ne concernait
un crime contre la personne.
Conclusions : Selon les auteurs, il est risqué
de tirer des conclusions catégoriques et de faire des généralisations
à partir de ce genre de recherche, vu la multitude de facteurs
qui influent sur les taux d'arrestation. Selon eux, les résultats
de cette étude permettent de croire que les taux d'arrestation
ne sont pas plus élevés chez les anciens patients psychiatriques
que dans la population générale, comme semblaient l'indiquer
les résultats de certaines études antérieures.
Critique de la méthode : Les chercheurs ont corrigé
les données pour tenir compte du fait que les patients n'étaient
pas susceptibles d'être arrêtés lorsqu'ils étaient
hospitalisés. Les taux d'arrestation différents constatés
pour les hommes et les femmes mettent en évidence l'importance
de contrôler les variables démographiques lorsqu'on établit
des comparaisons par rapport à la population générale.
Causalité : Comme le groupe de sujets à
l'étude avait des caractéristiques particulières,
les résultats ne peuvent être utilisés pour établir
un lien de causalité entre la maladie mentale et la violence.
Fottrell, E. (1980). A study of violent behaviour among patients in psychiatrie
hospitals, British Journal of Psychiatry, vol. 136, p. 216-221.
Objectif : Examiner les comportements violents
chez des patients dans les hôpitaux psychiatriques britanniques.
Méthode de recherche : Les chercheurs n'ont pas
indiqué leur méthode de recherche, mais il semble qu'il
s'agissait d'une étude cas-témoins, car les sujets ont
été choisis selon la fréquence de leurs comportements
violents.
Lieu : L'étude a été réalisée
dans trois hôpitaux : le Tooting Bec Hospital de Londres, l'aile
psychiatrique Chiltern du Sutton General Hospital, à Sutton,
et le Park Prewett Hospital, à Basingstoke, Hants. Dans les deux
premiers hôpitaux, l'étude a duré un an et a porté
sur la population totale des patients. Dans le troisième hôpital,
l'étude a duré quatre mois.
Sujets : Le Tooting Bec Hospital et le Park Prewett Hospital
comptaient environ 1 100 patients durant la période à
l'étude.
Mesures : Le type de violence étudié était
la violence physique intentionnelle dirigée contre une personne,
y compris contre soi-même. Les chercheurs ont distingué
trois degrés de violence. La violence du premier degré
était présente lorsqu'aucune blessure physique ne pouvait
être décelée ou soupçonnée chez les
victimes lorsque celles-ci étaient examinées par un médecin.
Lorsqu'il y avait des blessures physiques mineures, on considérait
qu'il s'agissait de violence du deuxième degré. La violence
du troisième degré correspondait aux cas où on
constatait ou soupçonnait que la victime avait subi des blessures
physiques. Un questionnaire a été conçu pour recueillir
les données sur la fréquence de la violence.
Principaux résultats : Une plus grande proportion
des jeunes et une lus grande proportion des femmes étaient responsables
des incidents de violence. La schizophrénie était le diagnostic
le plus courant chez les patients ayant commis des actes de violence.
Une faible proportion seulement de l'ensemble des patients avait des
comportements violents, et une proportion encore plus faible était
responsable de la majeure partie des incidents de violence.
Conclusions : Bien qu'il y ait des incidents de violence
mineurs dans les hôpitaux psychiatriques, les agressions graves
y sont rares. Les trois événements graves qui se sont
produits au cours de la période à l'étude étaient
des suicides. Les auteurs ont conclu que, dans ces hôpitaux, le
risque de décès par suicide est plus élevé
que le risque de décès par meurtre.
Critique de la méthode : Comme les résultats
de cette étude sont basés sur des échantillons
de patients, ils ne peuvent être utilisés pour tirer des
conclusions au sujet de la violence chez les malades mentaux non hospitalisés.
Il est curieux néanmoins de noter que la fréquence de
la violence a été considérée comme faible
au sein d'un groupe où on s'attendrait à ce que le risque
de violence soit plus élevé. Il est possible que ce taux
peu élevé s'explique par le fait que les incidents de
violence n'ont pas tous été déclarés.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Grossman, L.S., Haywood T.W., Cavanaugh J.L., Davis J.M. et Lewis D.A.
(1995). State psychiatrie hospital patients with past arrests for
violent crimes. Psychiatric Services, vol. 46, no 8, p.
790-795.
Objectif : Comparer la prévalence de la
criminalité et des crimes avec violence chez quatre groupes de
patients : les patients chez qui on a diagnostiqué une schizophrénie,
un trouble schizoaffectif, un trouble affectif bipolaire ou un trouble
affectif unipolaire.
Méthode de recherche : Examen des dossiers d'arrestation
de malades psychiatriques hospitalisés.
Lieu : Quatre hôpitaux psychiatriques de l'État
de l'Illinois, aux États-Unis.
Sujets : Les sujets étaient 172 patients hospitalisés
qui ont été interviewés au cours de leur hospitalisation
volontaire dans le cadre d'un programme de recherche longitudinale.
Ces personnes ont été choisies à partir d'un échantillon
aléatoire de 313 patients et jugées conformes aux critères
d'inclusion diagnostique de l'étude.
Mesures : Les patients ont été diagnostiqués
selon les RDC (Research Diagnostic Criteria) et le DSM-III, et choisis
en fonction du Guide pour le diagnostic des troubles affectifs et de
la schizophrénie (GDTAS). Les antécédents criminels
ont été établis en fonction des dossiers d'arrestations
du service de police de Chicago. Les patients ont été
classés selon le crime le plus violent pour lequel ils avaient
été arrêtés avant l'hospitalisation.
Principaux résultats : Des 172 sujets, 63,5 p.
100 n'avaient pas d'antécédents criminels, 3 p. 100 n'avaient
commis que des crimes non violents, 6,5 p. 100 avaient commis des crimes
contre les biens et 27 p. 100 avec commis des crimes de violence. Une
association importante a été constatée entre la
catégorie de diagnostic et les crimes de violence antérieurs.
Les patients souffrant de troubles schizoaffectifs étaient plus
susceptibles d'avoir été arrêtés pour une
infraction avec violence. Les patients jugés psychotiques au
cours de leur hospitalisation étaient considérablement
plus susceptibles d'avoir des antécédents de crimes avec
violence, comparativement aux patients non psychotiques. Si l'on compare
uniquement les schizophrènes paranoïaques et les schizophrènes
non paranoïaques, ceux présentant une paranoïa étaient
considérablement plus susceptibles d'avoir commis un crime avec
violence. En outre, les patients qui faisaient un abus de drogues ou
un abus de drogues et d'alcool commettaient des crimes plus graves.
Finalement, les antécédents de crimes avec violence étaient
plus fréquents chez les patients de sexe masculin des groupes
minoritaires.
Conclusions : Les caractéristiques démographiques,
un diagnostic de trouble schizoaffectif, une psychose, des symptômes
paranoïdes et la toxicomanie peuvent tous être associés
à un comportement violent.
Critique de la méthode : Il n'est pas clair si
les patients étaient symptomatiques au moment de leur arrestation
ou encore si leur maladie psychiatrique précédait leur
criminalité.
Causalité : L'échantillon fort sélectif
des patients psychiatriques hospitalisés et l'absence d'un ordre
temporel des facteurs à l'étude font qu'il est impossible,
à partir de ces résultats, de tirer des conclusions générales
quant à la causalité.
Guze, S.B., Woodruff, R.A. et Clayton, P.J. (1974). Psychiatric disorders
and criminality, Journal of the American Medical Association, vol. 227,
no 6, p. 641-642.
Objectif : L'étude avait pour but de répondre
à la question suivante : quels genres de troubles mentaux sont
associés à la criminalité?
Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient
pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
enquête rétrospective.
Lieu : Les auteurs n'ont pas indiqué l'endroit
où l'étude a été réalisée.
Sujets : Un échantillon de 500 malades qui fréquentaient
une clinique de psychiatrie.
Mesures : Les données ont été recueillies
à partir d'un examen de dossiers médicaux où étaient
consignés les résultats d'une interview qui avait été
menée antérieurement. L'interview portait, notamment,
sur les conflits avec les forces de l'ordre et l'incarcération.
Principaux résultats : Vingt-deux sujets avaient
été reconnus coupables d'un crime au moins une fois (4
p. 100). Il y avait une différence significative entre les hommes
et les femmes. Six des 22 sujets, tous des hommes, avaient été
reconnus coupables d'une infraction reliée à un comportement
sexuel déviant. Aucun autre trouble psychiatrique n'avait été
diagnostiqué chez cinq de ces hommes. Quatorze des 16 autres
sujets avaient une personnalité sociopathique (N=13), étaient
alcooliques (N=8) ou avaient une dépendance à l'égard
de la drogue (N=3). Aucun des sujets qui souffraient de schizophrénie
ou d'un trouble affectif primaire n'a déclaré avoir été
reconnu coupable d'un crime.
Conclusions : Ces résultats concordent avec les
résultats d'études antérieures portant sur des
individus reconnus coupables d'un crime. La sociopathie, l'alcoolisme
et la dépendance à l'égard de la drogue étaient
les principaux troubles mentaux associés à des crimes
graves. Ces résultats donnent à penser que les psychiatres
devraient s'intéresser principalement à ces trois troubles
pour prévenir et traiter la criminalité chez les malades
mentaux.
Critique de la méthode : Le biais d'une classification
erronée est la principale faiblesse qui compromet la validité
interne de cette étude. Le fait de s'appuyer sur les déclarations
des sujets pour évaluer le comportement criminel accroît
le risque de sous-déclaration. L'interprétation des résultats
doit être limitée aux patients psychiatriques.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Holcomb, W.R. et Ahr, P.R. (1988). Arrest rates among yonng adult psychiatrie
patients treated in impatient and outpatient settings, Hospital and
Community Psychiatry, vol. 39, no 1, p. 52-57.
Objectif : Déterminer la fréquence
des comportements criminels dans un groupe de jeunes patients d'âge
adulte venant de différentes régions de l'État, chez
qui on avait diagnostiqué un trouble mental grave et qui étaient
soignés dans une clinique externe ou en milieu hospitalier, et
déterminer les facteurs ayant contribué aux arrestations.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient
pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
étude rétrospective de cohortes.
Lieu : Des cliniques externes, des centres hospitaliers
et des centres résidentiels communautaires de l'État du
Missouri, aux États-Unis.
Sujets : Un échantillon aléatoire de 611
jeunes patients d'âge adulte, prélevé parmi 32 000
individus ayant les caractéristiques suivantes : 1) un des cinq
troubles mentaux graves considérés devait avoir été
diagnostiqué (abus d'alcool ou de drogue, schizophrénie
ou autre psychose, trouble affectif majeur, trouble de la personnalité,
syndrome cérébral organique), 2) le sujet devait avoir
entre 18 et 35 ans et 3) il devait avoir reçu des soins de santé
en 1982. Au moment du dernier contact, 51 p. 100 des sujets étaient
hospitalisés, 47 p. 100 étaient soignés dans une
clinique externe et 1,7 p. 100 vivaient dans un centre résidentiel
communautaire. Le nombre moyen d'admissions antérieures dans
un hôpital psychiatrique était de 3,27.
Mesures : Les chercheurs ont fait appel au Missouri Highway
Patrol Department pour recueillir des renseignements sur les arrestations
antérieures. La base de données de ce service contenait
des renseignements sur les arrestations effectuées dans l'État
du Missouri et dans tous les autres États. Les arrestations avec
violence ont été distinguées des arrestations sans
violence. Le degré de fonctionnement du sujet a été
évalué par le clinicien au moment de la dernière
rencontre. Des points sur une échelle d'évaluation ont
été obtenus pour 327 (53 p. 100) des sujets.
Principaux résultats : Trente-huit pour cent des
sujets avaient été arrêtés au moins une fois
à l'âge adulte. Les données ont révélé
que 19 p. 100 des sujets avaient commis uniquement des crimes sans violence,
4,4 p. 100 avaient commis des crimes avec violence et 14,5 p. 100 avaient
commis les deux types de crimes. Des différences significatives
ont été observées selon le diagnostic établi.
Les taux d'arrestation pour crime étaient plus élevés
chez les sujets chez qui on avait diagnostiqué l'abus d'alcool
ou de drogue. Dans le cas des crimes avec violence, il n'y avait pas
de différences statistiques selon le diagnostic établi.
Les chercheurs ont étudié la relation entre les diverses
variables démographiques et psychiatriques et les 13 catégories
d'arrestation qu'ils avaient définies et ils ont calculé
les coefficients de corrélation. Peu de relations significatives
ont été constatées.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que le fait de limiter
l'étude à de jeunes adultes (entre 18 et 35 ans) et d'inclure
les patients des cliniques externes a probablement entraîné
une sous-estimation de la fréquence des arrestations au cours
de la vie. Ils ont affirmé que les responsables de la santé
mentale et de la justice pénale devaient accorder la priorité
aux programmes visant à répondre aux besoins de ce groupe
de jeunes adultes. Ils ont indiqué que le taux d'arrestation
des sujets de leur échantillon était 17 fois plus élevé
que le taux d'arrestation au sein de la population générale
du même âge.
Critique de la méthode : Il y avait un problème
de données manquantes. Le degré de fonctionnement des
sujets a été évalué au moment de leur dernier
contact avec le clinicien, mais seulement 53 p. 100 des cliniciens ont
été capables de remplir la formule. De plus, 167 formules
ont été retournées sans avoir été
remplies au complet parce que les cliniciens ne pouvaient se rappeler
du patient; 62 formules ont été retournées parce
que le clinicien ne travaillait plus au même endroit et 55 formules
n'ont pas été retournées. Une quantité aussi
élevée de données manquantes est inacceptable et
rend les résultats impossibles à interpréter. De
plus, la fiabilité des renseignements donnés sur les formules
retournées reposait sur la mémoire des cliniciens, et
il n'est pas certain que ceux-ci aient classé leurs patients
correctement. Enfin, un nombre excessivement élevé de
comparaisons statistiques ont été effectuées, de
sorte que les quelques relations significatives qui ont été
établies sont difficiles à interpréter car elles
pourraient être dues uniquement au hasard.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Kennedy, M.G. (1993). Relationship between psychiatric diagnosis and
patient agression, Issues in Mental Health Nursing, vol. 14, p. 263-273.
Objectif : Examiner la relation entre les diagnostics
psychiatriques et les agressions commises par des patients dans le contexte
des transferts habituels d'une unité à une autre d'un hôpital.
Méthode de recherche : L'étude a consisté
en une analyse secondaire de données existantes. Bien que les
auteurs aient omis de mentionner leur méthode de recherche, la
méthode de collecte des données permet de croire qu'il
s'agissait d'une étude historique de suivi.
Lieu : La recherche initiale a été menée
dans un grand hôpital public situé sur la côte nord-ouest
du Pacifique, aux États-Unis. Au cours de la période à
l'étude, il y avait plus de 1 000 patients hospitalisés
et 250 admissions par mois, en moyenne.
Sujets : Les chercheurs ont examiné les dossiers
de 201 patients admis au cours d'une période de cinq mois. L'âge
des sujets variait entre 19 et 96 ans. Il y avait 108 hommes (53,7 p.
100) et 93 femmes (46,3 p. 100). Les personnes de race blanche représentaient
93,5 p. 100 de l'échantillon. Le nombre d'admissions antérieures
des sujets dans cet hôpital variait entre une et 22 (moyenne=3,4).
Mesures : Les données ont été recueillies
dans les dossiers des patients à l'aide d'une version adaptée
de l'échelle OAS (Overt Aggression Scale). L'échelle
OAS distingue quatre types de comportement agressif : la violence verbale,
les agressions physiques contre des objets, les agressions physiques
contre soi-même et les agressions physiques contre autrui. Pour
établir le coefficient d'objectivité de l'échelle
OAS adaptée, on a demandé à un autre évaluateur
d'évaluer 28 des 201 dossiers des patients en se servant de cette
échelle. Le coefficient de corrélation de Pearson était
de 0,77, ce qui correspond à un bon coefficient d'objectivité.
Principaux résultats : Le nombre total de cas
d'agression enregistré chez les sujets de l'échantillon
s'élevait à 2 555. La majeure partie de ces agressions
ont été classées dans la catégorie de la
violence verbale et dans celle des agressions physiques contre autrui.
Aucune différence significative n'a été constatée
entre les sujets souffrant d'une maladie mentale différente (selon
les catégories diagnostiques du DSM-III) quant au nombre total
de comportements agressifs, quant au score mesurant l'agression physique
contre soi-même ou des objets, ni quant au score mesurant la violence
verbale. La seule différence significative observée était
un écart entre les sujets souffrant d'une schizophrénie
paranoïde et les autres sujets dans la catégorie des agressions
physiques contre une autre personne.
Conclusions : Il y a différents types de comportements
agressifs chez les patients psychiatriques. La façon dont ce
comportement se manifeste n'est reliée qu'en partie seulement
au trouble diagnostiqué. Comme les types de comportements agressifs
variaient, les interventions nécessaires peuvent varier selon
le type de comportement manifesté.
Critique de la méthode : Comme la plupart des
hospitalisations étaient involontaires, la généralisation
des résultats est très limitée.
Causalité : Un tel échantillon sélectif
ne permet pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre
la maladie mentale et la violence.
Klassen, D. et O'Connor, W.A. (1988). Crime, impatient admissions, and
violence among male mental patients, International Journal of Law
and Psychiatry, vol. 11, p. 305-312.
Voir aussi : Klassen, D. et O'Connor, W.A. (1988). Predicting
violence in schizophrenia and non-schizophrenic patients : A prospective
study, Journal of Community Psychology, vol. 16, p. 217-227,
et Klassen, D. et O'Connor, W.A. (1988). A prospective study of predictors
of violence in adult male mental health admissions. Law and Human Behaviour,
vol. 12, p. 143-158.
Objectif : Les chercheurs ont examiné la relation
entre les hospitalisations, les arrestations et la violence dans un
échantillon de patients de sexe masculin et d'âge adulte
qui s'étaient plaints de problèmes laissant croire à
un risque de comportement violent chez eux. L'étude avait pour
but de comparer des malades mentaux avec des personnes non malades ayant
les mêmes caractéristiques démographiques, c'est-à-dire
des hommes jeunes, faisant partie d'une minorité et dont le statut
socioéconomique est bas.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient
pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'un
suivi longitudinal d'une série de cas. Les renseignements relatifs
aux arrestations et aux hospitalisations antérieures ont été
obtenus en consultant des dossiers, alors que les renseignements sur
les arrestations et les hospitalisations ultérieures ont été
obtenus au cours d'une période de suivi d'un an après
la mise en liberté ou le départ de l'hôpital.
Lieu : Un centre de santé mentale communautaire
situé en milieu urbain à Kansas City, dans l'État
du Missouri, aux États-Unis.
Sujets : L'échantillon était composé
de 304 hommes d'âge adulte hospitalisés dans un centre
de santé mentale communautaire situé en milieu urbain.
Ces sujets représentaient 91 p. 100 de tous les patients sélectionnés.
Seuls les hommes qui avaient des antécédents de violence
ou chez qui on avait décelé des tendances à la
violence à partir des plaintes qu'ils avaient eux-mêmes
formulées ont été inclus dans le groupe à
l'étude.
Mesures : Les données relatives aux arrestations
ont été obtenues du service de police de Kansas City,
Missouri, qui dessert l'agglomération urbaine de Kansas City
et les comtés de l'ouest du Missouri et de l'est du Kansas. Les
données sur les hospitalisations ont été recueillies
dans les registres du centre de santé mentale.
Principaux résultats : Les données ont
révélé une forte association positive entre les
arrestations antérieures et les hospitalisations antérieures.
Les auteurs ont constaté un lien entre les arrestations et les
hospitalisations antérieures et la violence ultérieure.
La meilleure variable prédictive des arrestations au cours de
la période de suivi était le nombre d'arrestations antérieures.
Le diagnostic de toxicomanie et le nombre d'hospitalisations antérieures
se sont aussi révélés des variables prédictives
des arrestations. Un diagnostic de toxicomanie, des arrestations antérieures
pour des crimes avec violence et l'âge étaient des variables
prédictives des arrestations pour des actes de violence. Le nombre
d'hospitalisations antérieures et l'âge au moment de la
première hospitalisation étaient des variables prédictives
des hospitalisations pour des actes de violence.
Conclusions : Les auteurs ont conclu qu'il y avait une
forte corrélation entre les arrestations et les hospitalisations
dans cet échantillon, tant avant l'admission qu'après
le départ de l'hôpital. De plus, les hospitalisations antérieures
étaient une variable prédictive des arrestations ultérieures,
lorsque les chercheurs éliminaient les effets de la variable
«arrestations antérieures». Les auteurs ont reconnu
que la nature de leurs données ne permettait pas de conclure
à une relation entre le crime et les troubles mentaux.
Critique de la méthode : Seuls les hommes qui
avaient des antécédents de violence ou chez qui on avait
décelé des tendances à la violence à partir
des plaintes qu'ils avaient formulées ont été inclus
dans l'échantillon. Par conséquent, il n'est pas étonnant
que les taux de récidive violente soient élevés
pour l'échantillon en général.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Lafave, H.G., Pinkney, A.A. et Gerber, G.J. (1993). Criminal activity
by psychiatrie clients alter hospital discharge, Hospital and Community
Psychiatry, vol. 44, no 2, P. 180-181.
Objectif : Les auteurs ont étudié
les taux d'arrestation chez des malades mentaux en réadaptation
dans la collectivité après un long séjour dans un
hôpital psychiatrique.
Méthode de recherche : Étude prospective
comportant une période de suivi d'un an.
Lieu : Hôpital psychiatrique de Brockville, Brockville
(Ontario) Canada.
Sujets : Le groupe à l'étude était
composé de 55 des 67 patients qui avaient reçu leur congé
de l'Hôpital psychiatrique de Brockville entre 1986 et 1988. Une
schizophrénie avait été diagnostiquée chez
plus des deux tiers de ces patients.
Mesures : Les données ont été recueillies
dans le cadre d'interviews directes avec les patients après leur
sortie de l'hôpital, à l'aide de questionnaires conçus
à cette fin. Les taux d'arrestation enregistrés en Ontario
ont été utilisés à des fins de comparaison.
Principaux résultats : Seulement deux des 55 patients
interrogés ont été accusés d'une infraction
criminelle au cours de la première année suivant leur
hospitalisation, ce qui donne un taux d'arrestation non standardisé
de 3,84 p. 100 (3,84 personnes sur 100), comparativement à 11,35
p. 100 dans la population générale.
Conclusions : La fréquence des accusations au
criminel chez les sujets à l'étude était inférieure
à ce à quoi on pouvait s'attendre, compte tenu des taux
enregistrés dans la population générale en Ontario,
ce qui indique que les personnes souffrant d'une maladie mentale chronique,
en particulier la schizophrénie, ne sont pas plus susceptibles
de commettre des actes criminels.
Critique de la méthode : Bien que l'échantillon
était très petit, cette étude est intéressante
car elle porte sur des patients en réadaptation à long
terme qui, selon d'autres auteurs, présenteraient un risque d'arrestation
élevé lorsqu'ils réintègrent la collectivité.
Un autre point important est le fait que cette étude a été
réalisée au Canada. Les auteurs soutiennent que l'accessibilité
à des programmes de santé mentale dans la collectivité
et à des logements ainsi que les programmes qui favorisent l'intégration
sociale des anciens patients améliorent les chances de réinsertion
sociale. Les résultats de cette étude soulèvent
une question importante. Étant donné l'accès universel
aux soins de santé au Canada et le fait qu'il y existe un réseau
de services communautaires en santé mentale, la relation entre
les séjours dans un hôpital psychiatrique et les arrestations
ultérieures, relation qui a été constatée
dans des études menées antérieurement aux États-Unis,
n'est peut-être pas généralisable au Canada.
Causalité : Étant donné les caractéristiques
particulières de la population à l'étude, les résultats
ne peuvent être utilisés pour établir une relation
étiologique entre la maladie mentale et la violence.
Lagos, J.M., Perlmutter, K. et Saexinger, H. (1977). Fear of the mentally
ill : Empirical support for the common man's response, American Journal
of Psychiatry, vol. 134 no 10, p. 1134-1137.
Objectif : Déterminer la fréquence
des comportements violents chez des sujets chez qui une maladie mentale
est apparue.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs aient
omis de préciser leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
étude rétrospective de cohortes. L'admission dans un établissement
psychiatrique était le critère d'inclusion des sujets
dans l'échantillon.
Lieu : Quatre établissements psychiatriques de
l'État du New Jersey, aux États-Unis.
Sujets : Cent dossiers de patients admis dans chacun
de ces quatre établissements psychiatriques en 1974 ont été
choisis au hasard.
Mesures : Les chercheurs ont pris connaissance des notes
prises au sujet des 400 patients au moment de leur admission pour y
trouver une description d'un comportement pouvant être interprété
comme un comportement violent.
Principaux résultats : Les résultats ont
révélé que 37,7 p. 100 des 400 patients de l'échantillon
avaient manifesté une forme de comportement violent avant leur
admission. Dans 20 p. 100 des cas, le dossier indiquait de façon
précise que le patient s'était montré violent envers
des personnes ou des objets et, dans 11 p. 100 des cas, on mentionnait
en des termes vagues que le patient avait été violent.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que, en élargissant
le champ de l'étude pour y inclure les actes de violence moins
graves, on pouvait constater qu'environ 36 p. 100 des 321 admissions
avaient été précédées par une forme
ou une autre de comportement violent ayant suscité la peur. Selon
les auteurs, ces résultats donnent à penser que les craintes
que suscitent les malades mentaux seraient fondées, du moins
dans une certaine mesure.
Critique de la méthode : Étant donné
que la dangerosité est un des critères d'hospitalisation,
il n'est pas étonnant que de nombreux patients hospitalisés
aient manifesté un comportement violent dans les heures précédant
leur admission à l'hôpital. Étant donné que
ces résultats portent sur un groupe de malades sujets à
la violence, ils ne sont pas de nature à étayer la conclusion
selon laquelle les malades mentaux seraient, en général,
sujets à la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Lindelius, R. et Salum, I. (1973). Alcoholism and criminality, Acta Psychiatrica
Scandinavica, vol. 49, p. 306-314.
Objectif : Étudier la relation entre la
fréquence de la criminalité et le degré de gravité
de l'alcoolisme.
Méthode de recherche : Les chercheurs ont étudié
une série consécutive de patients. Ils ont comparé,
par rapport au taux de criminalité, trois groupes d'alcooliques
classés selon la gravité de leur alcoolisme.
Lieu : Une section réservée au traitement
de patients alcooliques dans un hôpital général
d'une grande agglomération urbaine de la Suède.
Sujets : Tous les hommes alcooliques (l 026) placés
dans cette section de 1956 à 1961.
Mesures : Aucune mesure particulière n'a été
utilisée, et les auteurs n'ont pas fait mention de l'outil de
diagnostic qu'ils ont utilisé. Les patients ont été
classés dans l'un des trois groupes selon les manifestations
cliniques. Les données sur la criminalité ont été
recueillies dans un registre sur la criminalité générale.
Principaux résultats : Les sujets les moins gravement
atteints étaient répertoriés dans le registre de
la criminalité dans une plus grande proportion (45 p. 100)
que les sujets les plus gravement atteints (30 p. 100). Les alcooliques
plus jeunes (ayant moins de 40 ans) étaient plus susceptibles
d'avoir un comportement criminel. La plupart des infractions consistaient
en des infractions contre les biens ou la conduite en état d'ébriété.
Conclusions : Il n'existe pas de relation simple entre
l'alcoolisme et la criminalité. D'autres facteurs tels que l'âge
ou des troubles de la personnalité peuvent être aussi importants.
Critique de la méthode : La principale force de
cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont
étudié la corrélation entre l'activité criminelle
et les degrés de gravité de l'alcoolisme. Toutefois, l'étude
portait sur des personnes admises dans une section spéciale à
cause de leur problème d'alcool. Il s'agissait donc d'un échantillon
très sélectif et il n'y avait pas de groupe témoin.
De plus, les auteurs n'ont pas indiqué la méthode diagnostique
qu'ils ont utilisée. Par conséquent, on ignore si d'autres
facteurs pourraient expliquer les différences constatées
entre les groupes.
Causalité: Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Lindqvist, P. et Allebeck, P. (1990). Schizophrenia and crime: A longitudinal
follow-up of 644 schizophrenics in Stockholm, British Journal of
Psychiatry, vol. 157, p. 345-350.
Objectif : Déterminer si les taux de criminalité
sont plus élevés chez les personnes souffrant de schizophrénie
que dans la population générale et, le cas échéant,
dans quelle mesure, et décrire les types de crimes commis par les
personnes atteintes de schizophrénie, comparativement à
ceux commis au sein de la population générale de la Suède.
Méthode de recherche : Étude historique
de cohortes comportant une période de suivi de quinze ans.
Lieu : Stockholm, Suède.
Sujets : Les sujets à l'étude étaient
644 personnes chez qui on avait diagnostiqué une schizophrénie
selon les critères de la CIM-8 et qui avaient reçu leur
congé d'un hôpital psychiatrique de la région de
Stockholm en 1971.
Mesures : Les mesures de la schizophrénie et de
l'activité criminelle ont été obtenues en consultant
les données d'un registre central. Les auteurs ont estimé
que 85 p. 100 de leurs diagnostics établis selon la CIM-8 satisfaisaient
aux critères diagnostiques du DSM-III. Le couplage des dossiers
s'est fait au moyen d'un numéro d'identification personnel qui
est attribué à tous les Suédois et qui les suit
de la naissance jusqu'à la mort. L'activité criminelle
a été mesurée en fonction des «infractions
principales» commises durant une période d'un an. L'infraction
principale est celle qui a entraîné la peine la plus sévère,
mais les auteurs n'ont pas indiqué clairement si, dans le cadre
de leur étude, cette infraction correspondait à une arrestation
ou à une condamnation. Les chercheurs ont procédé
à une analyse statistique appropriée pour tenir compte
de la période d'observation (ils ont calculé les taux
par année-personnes); les taux ont été standardisés
en fonction de l'âge et du sexe pour permettre les comparaisons
avec la population témoin. Étant donné que le statut
socioéconomique est une variable qui est susceptible d'intervenir
au cours de l'évolution de la maladie, ses effets n'ont pas été
éliminés.
Principaux résultats : Le taux de criminalité
chez les femmes était deux fois plus élevé que
ce à quoi on pouvait s'attendre, alors que le taux de criminalité
chez les hommes était semblable à celui enregistré
dans la population générale. Treize pour cent des délinquants
violents étaient des femmes (4 sujets sur 32), alors que le taux
correspondant variait entre 5 et 1 0 p. 1 00 dans la population générale.
L'infraction avec violence qui avait été commise le plus
souvent était les voies de fait, et le crime le plus grave était
les voies de fait graves. Le taux de crime avec violence était
quatre fois plus élevé chez les sujets que dans la population
générale. Étant donné que les nombres étaient
peu élevés, ils n'ont pas été analysés
en fonction de l'âge et du sexe.
Conclusions : Bien que les taux de criminalité
enregistrés chez les patients schizophrènes après
leur sortie de l'hôpital n'étaient pas plus élevés
que dans la population générale, le taux de crime avec
violence était quatre fois plus élevé.
Critique de la méthode : On ignore si les infractions
principales commises par les sujets à l'étude ont été
comparées avec les infractions principales commises au sein de
la population générale ou si elles ont été
comparées avec les taux de criminalité enregistrés
dans la population générale. Comme les infractions principales
constituaient une mesure des crimes les plus graves commis en une année,
une comparaison basée sur le taux de criminalité (tous
les crimes enregistrés) aurait conduit à des résultats
biaisés amenant les chercheurs à conclure que la maladie
mentale n'avait pas d'effet sur la criminalité en général.
Il est donc possible que les résultats de cette étude
reflètent une estimation prudente de la différence entre
l'activité criminelle des sujets à l'étude et celle
observable dans la population générale. Comme les nombres
étaient petits, les résultats relatifs aux crimes avec
violence n'ont pas été normalisés en vue d'une
comparaison avec la population témoin en fonction de l'âge
et du sexe, qui étaient peut-être des facteurs de confusion
dans cette étude.
Causalité : Étant donné que l'étude
portait sur l'activité criminelle chez d'anciens patients d'hôpitaux
psychiatriques, les résultats ne peuvent être interprétés
de façon à tirer des conclusions concernant le lien de
causalité possible entre la maladie mentale et la violence chez
toutes les personnes atteintes de schizophrénie.
Link, B.G., Andrews, H. et Cullen, F.T. (1992). The violent and illegal
behaviour of mental patients reconsidered, American Sociological
Review, vol. 57, p. 275-292.
Les auteurs de cette étude empirique ont effectué
un excellent examen de la littérature, c'est pourquoi celle-ci
a été résumée ici de façon assez détaillée.
Link a cherché à savoir si les portraits stéréotypés
des personnes atteintes de maladie mentale, selon lesquels celles-ci seraient
dangereuses, sont exacts. À cette fin, il a examiné les
études empiriques sur la criminalité chez d'anciens patients
psychiatriques. Il a constaté que les premières études
publiées sur la question tendaient à conclure qu'il n'y
avait aucune différence entre les groupes de patients psychiatriques
et la population générale à l'égard de la
criminalité, alors que des études plus récentes indiquent
que le risque de commettre un crime est significativement plus élevé
chez les anciens patients psychiatriques. Il a résumé les
études plus récentes dont les résultats sont cohérents
et convaincants, qui permettent de croire qu'il y a un lien causal et
que la psychose active est un facteur de risque probable qui devrait être
pris en considération. Des études ont démontré
que les crimes commis par des personnes atteintes d'une maladie mentale
constituent souvent des réactions à des hallucinations ou
à un délire. Selon les résultats de certaines recherches
menées antérieurement, il est possible que 20 à 40
p. 100 des crimes commis soient directement attribuables à une
psychose. Ces résultats ont été confirmés
par les résultats d'autres études portant sur les comportements
violents dans les hôpitaux psychiatriques, qui indiquent que les
phases aiguës d'une psychose sont les périodes où le
risque est le plus élevé.
Link a ensuite formulé diverses autres hypothèses pouvant
expliquer ces résultats. Par exemple, il est possible que le
processus de criminalisation entraîne un passage des malades mentaux
dans le système de justice pénale ou que les malades mentaux
qui reçoivent un traitement constituent un sous-groupe de malades
mentaux qui sont plus susceptibles de commettre des crimes en raison
d'autres facteurs socioculturels. Aucune étude sur les taux d'arrestation
n'a permis jusqu'ici d'établir un lien entre les taux d'arrestation
supérieurs enregistrés dans les échantillons de
malades mentaux et des symptômes de maladie mentale. Par conséquent,
on ignore si les taux élevés de criminalité et
de criminalité violente constatés dans des échantillons
de malades mentaux sont des conséquences de la maladie mentale
ou d'autres facteurs qui ne sont pas de nature causale. Il est également
possible que la tendance générale à médicaliser
la déviance explique en partie les taux élevés
de criminalité enregistrés chez les malades mentaux. Cette
explication concorde avec les résultats d'études qui montrent
qu'une proportion élevée des patients des hôpitaux
psychiatriques ont déjà été arrêtés.
Objectif : Déterminer si les taux de comportements
violents et de conduites illicites sont plus élevés chez
les anciens patients psychiatriques que chez les autres personnes et
si les différences constatées entre les deux groupes peuvent
s'expliquer par des facteurs autres que la maladie mentale.
Méthode de recherche : Enquêtes transversales
menées en 1979 et 1982 dans le cadre d'une autre étude.
Lieu : Quartier de Washington Heights de la ville de
New York, aux États-Unis.
Sujets : Les sujets étaient 521 personnes vivant
dans la collectivité choisis au hasard et 232 patients recrutés
dans des cliniques externes de psychiatrie et des centres hospitaliers
situés dans le quartier de Washington Heights. Les patients qui
n'habitaient pas le quartier ont été exclus. Les sujets
ont été répartis en quatre groupes aux fins de
l'analyse : les patients faisant l'objet d'un premier traitement, les
patients faisant l'objet d'un traitement répété,
les anciens patients et les résidents de la collectivité
n'ayant jamais reçu de traitement.
Mesures : Les chercheurs ont décrit les patients
en se fondant sur les données sur les admissions dans un établissement
de santé local et ils ont retenu les critères diagnostiques
du DSM-III à des fins descriptives. Soixante-trois pour cent
des patients souffraient d'une maladie mentale grave caractérisée
par des symptômes de psychose (troubles dépressifs, schizophrénie
ou autres troubles psychotiques). Les chercheurs ont obtenu des données
officielles sur les arrestations ainsi que des données autodéclarées
concernant les arrestations, les coups portés, les échanges
de coups, l'usage d'une arme et les blessures graves infligées
à une autre personne. De plus, ils ont utilisé les données
du recensement pour décrire le contexte sociodémographique
de la collectivité. Les patients faisant l'objet d'un premier
traitement comprenaient ceux qui avaient été soignés
dans les douze mois précédant l'interview (dans le cas
des résidents de la collectivité) ou qui fréquentaient
la clinique pour la première fois au moment de l'étude.
Les symptômes de psychose ont été mesurés
à l'aide d'une échelle standardisée.
Principaux résultats : Les données officielles
sur les arrestations et les données autodéclarées
relatives à la violence ont révélé des taux
plus élevés chez les anciens patients que chez les sujets
du groupe témoin. Dans le groupe des patients, la violence était
associée aux symptômes de psychose.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que les assertions
selon lesquelles les patients psychiatriques et les anciens patients
psychiatriques ne sont, en moyenne, pas plus violents que les autres
personnes sont erronées, même lorsque les variables sociodémographiques
et les variables reliées au cadre de vie dans la collectivité
sont contrôlées. Cependant, le risque additionnel que présentent
ces patients n'est pas très élevé et n'est présent
que chez les patients ayant des symptômes de psychose.
Critique de la méthode : L'analyse statistique
est technique et très complexe, de sorte qu'il est difficile
pour le lecteur moyen d'interpréter et de comprendre les résultats
de cette analyse. Par exemple, les coefficients de régression
logistique et les erreurs-types sont présentés tels quels,
et les auteurs n'ont pas tenté de les exprimer sous la forme
de risques relatifs et d'intervalles de confiance de 95 p. 100, ce qui
aurait aidé le lecteur à comprendre.
Les auteurs fournissent des données qui démontrent que
les personnes qui reçoivent un traitement pour une maladie mentale
présentent un risque de violence plus élevé. Cependant,
comme les services psychiatriques sont offerts suivant le critère
de la dangerosité, ce résultat n'est pas étonnant.
Par ailleurs, comme il s'agissait d'une étude transversale, l'ordre
temporel des facteurs n'a pu être établi. Les auteurs demandent
au lecteur de rejeter la possibilité d'un lien de causalité
inverse parce que leurs résultats concordent avec les résultats
d'études prospectives portant sur d'anciens patients psychiatriques
où l'ordre temporel des facteurs a été clairement
établi. Cela n'est pas justifié car, dans ces études
prospectives, les cohortes comprenaient des personnes ayant des antécédents
de violence. Étant donné qu'il a été établi
que les arrestations antérieures et les antécédents
de violence constituent des variables prédictives des arrestations
et de la violence ultérieures, l'ordre temporel des facteurs
demeure une question épineuse qui ne peut être écartée
si facilement.
Causalité : Étant donné qu'il a
été démontré qu'il existe, parmi les anciens
patients psychiatriques, un sous-groupe de malades mentaux qui sont
plus sujets à la violence, les résultats de cette étude
n'indiquent pas si les malades mentaux de la collectivité sont
plus dangereux et violents que les personnes non atteintes de troubles
mentaux, ni s'il y a un lien de causalité entre la maladie mentale
et la violence.
Lundy, M.S., Pfohl. B.M. et Kuperman, S. (1993). Adult criminality among
formerly hospitalized child psychiatric patients. Journal of the
American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, vol. 32, no
3, p. 568-576.
Objectif : Examiner les facteurs de risque de
la criminalité adulte chez les enfants qui ont dû être
hospitalisés dans un établissement psychiatrique alors qu'ils
étaient relativement jeunes.
Méthode de recherche : On a eu recours à
une étude cas-témoins. Les cas représentaient 23
personnes reconnues comme ayant des antécédents carcéraux
à l'âge adulte et 115 cas-témoins de sexe masculin
n'ayant pas d'antécédents carcéraux. Il a été
confirmé que tous les cas étaient de sexe masculin.
Lieu : La University of Iowa Psychiatric Hospital dans
l'État de l'Iowa, aux États-Unis.
Sujets : Les sujets étaient 138 enfants (âgés
de moins de 12 ans au moment du congé) qui ont reçu des
soins psychiatriques à titre de patients hospitalisés
entre 1970 et 1982. Les personnes atteintes d'arriération mentale,
c'est-à-dire (dans le cas présent) celles ayant un QI
inférieur à 70, ont été exclues de l'étude
en raison des difficultés que pose l'obtention du consentement
éclairé de ce groupe.
Mesures : Les catégories de diagnostic de la CIM-9
ont été utilisées pour placer chaque enfant dans
un seul groupe de diagnostic principal : troubles organiques (trouble
mental organique, autisme infantile et retard du développement),
déficit de la capacité d'attention, troubles émotifs
(trouble affectif, trouble névrotique, dépression névrotique,
trouble de la nutrition et trouble de la personnalité), et troubles
de l'adaptation. Un groupe a aussi été formé pour
des troubles divers. Les données permettant d'établir
la présence ou l'absence d'antécédents carcéraux
à l'âge adulte ont été obtenues du Iowa
Department of Corrections et utilisées comme principal
résultat d'intérêt. Les facteurs de risque de l'enfance
comprenaient le comportement violent (exclusion faite de ce qui peut
être jugé normal sur le plan du développement comme
des altercations avec les pairs ou les frères et soeurs qui n'ont
pas inquiété le prestateur de soins ou le parent), la
criminalité chez un parent biologique, une maladie psychiatrique
chez un parent biologique, la consommation de médicaments psychotropes
au moment du congé (devant servir de données substitutives
pour la gravité du trouble), la situation relative à l'adoption
et la réaction au traitement, des facteurs qui sont tous établis
par un examen détaillé des dossiers.
Principaux résultats : Aucune catégorie
de diagnostic n'a été reliée sur le plan statistique
à l'incarcération à l'âge adulte, pas plus
que la présence de diagnostics psychiatriques multiples, la situation
relative à l'adoption, l'âge à l'hospitalisation
de référence, le QI, un écart supérieur
à 15 points dans le rendement verbal au test QI, la durée
du séjour, les admissions multiples, ou une maladie psychiatrique
chez un parent. Le comportement violent au cours de l'enfance était
associé à un risque 5 fois plus élevé (IC
de 95 p. 100, 1,8 à 13,8), la criminalité chez un parent
(à un risque 4,6 fois plus élevé, IC de 95 p. 100,
1,43 à 16,41). La race a aussi été jugée
un prédicteur important dans un sous-échantillon de 74
sujets pour lesquels ces renseignements étaient connus.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que le fait que
le diagnostic ne permette pas de prédire les résultats
est conforme à des études antérieures. Ils mettent
en relief l'importance du comportement violent au cours de l'enfance,
en l'absence d'un diagnostic de trouble du comportement, ainsi que la
criminalité chez un parent en tant que prédicteurs les
plus importants d'un résultat négatif.
Critique de la méthode : Une des difficultés
mineures de l'étude tient au fait que les petites cellules engendrent
d'importants intervalles de confiance pour certaines comparaisons et
des estimations moins précises que souhaité dans des conditions
idéales.
Causalité : Étant donné que tous
les sujets avaient fait l'objet d'interventions psychiatriques, les
résultats ne peuvent être utilisés pour en
arriver à une explication causale générale concernant
la relation entre la maladie mentale et la violence. Aucune comparaison
n'a été faite avec des sujets non atteints de troubles
psychiatriques. Néanmoins, il demeure intéressant qu'aucune
des catégories de diagnostic, pas même les troubles de
comportement, ne permettait de prédire la criminalité
à l'âge adulte.
Lurigio, A.J. et Lewis, D.A. (1987). The criminal mental patient: A descriptive
analyses and suggestions for future research, Criminal Justice and
Behaviour, vol. 14, no 2, p. 268-287.
Objectif : L'étude a été
conçue de façon que des résultats obtenus antérieurement
puissent y être intégrés. Les auteurs s'étaient
donné pour but de dresser un tableau détaillé et
prospectif du mouvement de la population des malades mentaux au sein du
système de justice pénale et du système de santé
mentale et d'un système à l'autre, en concentrant leur attention
sur la criminalité et la dangerosité des patients.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs n'aient
pas indiqué leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'un
suivi longitudinal d'une série de cas. Les auteurs ont recueilli
des données sur les arrestations et les hospitalisations en cours
ainsi que sur les antécédents criminels et psychiatriques.
Lieu : Des établissements psychiatriques publics
de la région de Chicago, aux États-Unis.
Sujets : Un échantillon aléatoire composé
d'environ 320 malades mentaux âgés de 18 à 65 ans
a été prélevé au sein d'une population de
malades des établissements psychiatriques publics de la région
de Chicago. Les chercheurs ont eu recours à un échantillonnage
stratifié en fonction de l'âge, du sexe, de la race et
des admissions antérieures et ont prélevé leur
échantillon par étapes, chaque semaine, au cours d'une
période de trois mois.
Mesures : Les auteurs ont utilisé quatre sources
de renseignements se rapportant à la criminalité, à
la dangerosité et à la victimisation des malades mentaux.
Ils ont d'abord consulté les dossiers du bureau des enquêtes
du service de police de Chicago pour s'assurer que les sujets avaient
été arrêtés au cours des six derniers mois.
Puis, ils ont consulté les rapports de police officiels pour
déterminer dans quelle mesure les circonstances entourant les
arrestations avaient été caractérisées par
des actes de violence ou des actes dangereux. Ils ont ensuite consulté
des documents officiels pour connaître les antécédents
criminels, mais seulement dans le cas des patients qui avaient été
arrêtés par des policiers du service de police de Chicago.
Enfin, ils ont évalué, dans le cadre d'une interview,
les déclarations faites par les malades mentaux eux-mêmes
au sujet de leurs comportements violents. Ils ont recueilli les données
relatives aux hospitalisations en cours et aux antécédents
psychiatriques en consultant les dossiers médicaux. Ils ont aussi
évalué pendant combien de temps le sujet avait été
«à risque».
Principaux résultats : Selon les casiers judiciaires,
10 p. 100 des sujets faisant partie de l'échantillon aléatoire
avaient été arrêtés dans les six mois précédant
leur hospitalisation Les patients avaient été impliqués,
en tout, dans 58 contacts avec la police. Un taux significativement
plus élevé d'arrestations (60 p. 100) a été
enregistré dans la période suivant l'hospitalisation,
plutôt que dans la période précédant l'admission
à l'hôpital. Selon les rapports d'arrestation, 50 p. 100
des 58 contacts entre citoyens et policiers avaient été
caractérisés par un conflit interpersonnel ou une altercation.
Les personnes arrêtées ont été comparées
aux malades mentaux faisant partie de l'échantillon général
en fonction d'un certain nombre de variables démographiques.
Les données indiquent que les sujets de race noire âgés
de 18 à 34 ans étaient surreprésentés dans
le groupe des personnes arrêtées, compte tenu du pourcentage
qu'ils représentaient dans l'échantillon général.
Le nombre d'hospitalisations antérieures était significativement
plus élevé chez les personnes arrêtées que
pour l'ensemble de l'échantillon. Parmi les personnes arrêtées,
85 p. 100 avaient des antécédents criminels, et le nombre
d'arrestations antérieures variait entre 1 et 30. Au cours de
la période de six mois à l'étude, les personnes
arrêtées ont été admises à l'hôpital
en 119 occasions différentes, ce qui représentait en moyenne
environ 4 hospitalisations par personne. Le nombre d'hospitalisations
était significativement plus élevé chez les personnes
qui avaient été arrêtées que chez les autres
sujets de l'échantillon général.
Conclusions : Les auteurs ont conclu qu'un pourcentage
relativement faible des malades mentaux qui quittent l'hôpital
sont impliqués dans des activités illégales autres
que des activités inoffensives ou des activités comme
la «nuisance». Les patients qui étaient susceptibles
d'entrer en contact avec le système de justice pénale
au cours de la brève période de six mois à l'étude
étaient des malades chroniques qui fréquentaient régulièrement
les établissements psychiatriques de l'État.
Critique de la méthode : Dans cette étude,
l'utilisation des données sur les arrestations peut avoir entraîné
une sous-estimation de la fréquence de la criminalité
chez les patients ayant quitté l'hôpital lorsque ceux-ci
ont été transférés par la police du système
de justice pénale vers un centre de psychiatrie.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
McNeil, E. et Binder, R.L. (1994). The relationship between acute psychiatric
symptoms, diagnosis, and short-term risk of violence, Hospital and
Community Psychiatry, vol. 45, no 2, p. 133-137.
Objectif : Examiner la relation entre des épisodes
aigus de diverses maladies mentales et le risque de violence à
court terme chez des patients en phase aiguë qui venaient d'être
hospitalisés. Les chercheurs voulaient aussi savoir si les symptômes
associés au risque de violence à court terme variaient selon
le diagnostic établi.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué
leur méthode de recherche, mais il semble qu'il s'agissait d'une
étude cas-témoins.
Lieu : L'étude a été réalisée
dans un hôpital universitaire, dans une unité de psychiatrie
de courts séjours fermée à clé, où
la durée moyenne des séjours était de 18 jours.
Sujets : L'échantillon était composé
de 127 patients admis dans cette unité en 1988 et 1989 et de
203 patients admis en 1989 et 1990. L'échantillon comprenait
au total 330 sujets, dont 54 p. 100 d'hommes.
Mesures : Les chercheurs ont utilisé l'échelle
OAS (Overt Agression Scale) pour évaluer les comportements
violents chez les patients hospitalisés. Cette échelle
est largement utilisée; sa fiabilité et sa validité
ont été démontrées pour mesurer les comportements
agressifs chez des malades mentaux hospitalisés. Elle consiste
en une liste de vérification des comportements que le personnel
infirmier remplit à la fin de chaque quart de travail de huit
heures pour indiquer si les patients se sont livrés à
une agression physique contre une autre personne, contre des objets
ou contre eux-mêmes ou ont manifesté de la violence verbale.
L'échelle d'évaluation psychiatrique BPRS (Brief Psychiatric
Rating Scale), qui est un instrument de mesure largement
utilisé en psychopathologie et dont le coefficient d'objectivité
est bon, a été utilisée pour évaluer chaque
patient au moment de l'admission.
Principaux résultats : Selon les résultats
obtenus sur l'échelle OAS, 23 p. 100 des patients s'étaient
livrés à une agression physique contre une autre personne
durant leur séjour à l'hôpital. Les patients agressifs
étaient surreprésentés parmi les sujets chez qui
on avait diagnostiqué la schizophrénie, la manie ou un
état psychotique organique. Comparativement aux patients non
agressifs, les patients qui avaient manifesté un comportement
agressif étaient, au moment de leur admission, dans un état
caractérisé par des niveaux plus élevés
de troubles de la pensée, de méfiance hostile, d'agitation
et d'excitation.
Conclusions : Cette étude a révélé
une association entre des troubles tels que la schizophrénie,
la manie ou un état psychotique organique et le risque imminent
de comportement agressif dans un échantillon de patients en phase
aiguë venant d'être hospitalisés.
Critique de la méthode : On peut se demander si
le personnel infirmier n'aurait pas davantage tendance à consigner
les incidents de violence dans le cas des patients qui semblent très
agités et sujets à des troubles de la pensée. Par
conséquent, on ne peut déterminer dans quelle mesure la
sous-déclaration de la violence dans le cas de certains groupes
de malades pourrait expliquer en partie les résultats obtenus.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Modestin, J. et Ammann, R. (1995). Mental disorders and criminal behaviour,
British Journal of Psychiatry, vol. 166, p. 667-675.
Objectif : Déterminer si la criminalité
était plus élevée chez les malades psychiatriques
ayant obtenu leur congé d'un établissement ou chez la population
générale.
Méthode de recherche : Même si les auteurs
ont omis de préciser leur méthode de recherche, il semble
qu'il ait eu recours à une étude de cas-témoins
appariés où les cas étaient des malades psychiatriques
hospitalisés et les témoins étaient des membres
de la collectivité assortis aux sujets exposés en fonction
du sexe, de l'âge (à deux ans près), de la taille
de la collectivité, de l'état civil et de la profession.
La prévalence sur toute la vie de toutes les infractions menant
à une incarcération et toutes les infractions des trois
dernières années ayant mené à des amendes
ou à des peines d'emprisonnement a été comparée
dans l'ensemble des groupes.
Lieu : L'étude a été réalisée
à la Psychiatric University Hospital de Berne, en Suisse,
qui offre des soins primaires pour hospitalisés à tous
les résidents de l'aire de recrutement.
Sujets : Tous les patients psychiatriques hospitalisés
en 1987 ont été inclus dans l'étude s'ils avaient
entre 18 à 78 ans. Quarante-six sujets n'ont pu être assortis
à des sujets témoins du fait que leur dossier ne contenait
pas suffisamment de données sur les variables d'appariement.
C'est donc dire que l'étude portait sur 1 265 patients. Le groupe
témoin a été choisi dans la population générale
de l'aire de recrutement et, en raison de l'appariement, comprenait
1 265 sujets.
Mesures : La présence d'une maladie mentale (et
la situation cas/témoins) a été déterminée
en fonction d'une hospitalisation dans un établissement psychiatrique
au cours de 1987. Cependant, il est probable que certaines des personnes
incluses dans le groupe témoin (choisies parmi la population
générale) ont été mal classées du
fait qu'elles pourraient avoir aussi des antécédents de
maladie mentale ou des antécédents d'hospitalisation dans
un établissement psychiatrique. Les données sur les condamnations
au criminel ont été obtenues du Central Criminal Record
Department où sont tenues les données sur l'ensemble
du pays.
Principaux résultats : Dans toutes les catégories
de diagnostic, les patients de sexe masculin présentaient des
estimations ponctuelles du risque relatif qui laissaient supposer qu'ils
étaient plus susceptibles d'avoir des antécédents
de crimes avec violence. Toutefois, exception faite de l'alcoolisme
et des toxicomanies, d'importants intervalles de confiance (lesquels
comprenaient la valeur de 1) donnent à penser que ces différences
tenaient peut-être du hasard. Le risque d'avoir commis des crimes
avec violence était de trois à huit fois plus élevé
chez les sujets de sexe masculin souffrant d'alcoolisme et de toxicomanies.
Aucune différence digne de mention n'a été constatée
chez les sujets de sexe féminin d'aucun des groupes en ce qui
concerne les crimes avec violence. Cependant, la petite taille des cellules
chez certains groupes a entraîné des intervalles fort importants
et, partant, des estimations imprécises. Les sujets masculins
et les sujets féminins souffrant d'alcoolisme et de toxicomanies
étaient tous plus susceptibles d'avoir commis des crimes, peu
importe leur nature.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que, de façon
générale, il y avait une plus forte criminalité
chez les malades mentaux visés par l'étude. Il a été
constaté, cependant, que les personnes atteintes de schizophrénie
n'étaient pas considérablement plus violentes.
Critique de la méthode : Les auteurs ont choisi
les cas témoins dans la population générale et
les ont appariés en fonction de caractéristiques sociodémographiques.
Toutefois, il est possible que certains membres de la cohorte témoin
avaient des antécédents de maladie mentale et des antécédents
d'hospitalisations antérieures dans un établissement psychiatrique,
ce qui aurait pour effet de supprimer les différences entre les
groupes. De même, même si les auteurs ont eu recours à
l'appariement pour contrôler les facteurs de confusion, ils ont
omis d'utiliser des tests statistiques convenant à une analyse
de sujets appariés. C'est donc dire qu'ils ont peut-être
sous-estimé l'importance des différences entre les groupes
à l'étude et les groupes témoins. Ces difficultés
d'ordre méthodologique, combinées à la petite taille
des cellules de plusieurs des groupes témoins, mettent en question
la conclusion voulant qu'il n'y ait pas de différences ou que
des différences marginales entre les personnes souffrant de maladies
mentales «vraies» (lesquelles sont définies par les
auteurs comme étant la schizophrénie et les troubles affectifs)
et les personnes présentant des problèmes d'abus de l'alcool
et des drogues.
Causalité: Étant donné que les cas
ont été choisis parmi des personnes souffrant de maladies
mentales graves qui ont été hospitalisées, il est
impossible d'en arriver à une déclaration générale
de causalité à partir de ces résultats. De plus,
compte tenu des problèmes d'ordre méthodologique et statistique
liés à ces travaux, il est impossible d'exclure l'imprécision
statistique et le biais de classification erronée comme explications
plausibles des résultats selon lesquels il n'y aurait aucune
différence ou que des différences marginales enregistrées
chez certains groupes.
Newhill, CE., Mulvey, EP. et Lidz, CW. (1995). Characteristics of violence
in the community by female patients seen in a psychiatric emergency
service. Psychiatric Services, vol. 46, no 8, p. 785-789.
Objectif : Examiner les facteurs associés
à la violence envers autrui chez les patientes et les patients
dans la collectivité.
Méthode de recherche : Suivi longitudinal d'une
série de cas.
Lieu : Les patients ont été recrutés
au sein d'un programme psychiatrique d'urgence d'un important hôpital
universitaire dans une aire de recrutement urbaine.
Sujets : Au total, 1 871 patients (85 p. 100) ont consenti
à participer à l'étude, et ce, sur un total de
2 293 patients invités à le faire au cours d'une période
de deux ans. Des sujets ayant consenti à participer, 862 ont
été choisis soit à titre de sujets pertinents en
raison d'un potentiel de violence, soit à titre de sujets témoins.
Le rapport repose sur un échantillon final de 812 patients (317
sujets féminins ou 39 p. 100 et 495 sujets masculins ou 61 p.
100).
Mesures : La violence a été définie
comme étant l'imposition des mains sur une autre personne de
façon menaçante, ou le fait de menacer une autre personne
avec une arme. La violence a été mesurée en ayant
recours à une autodéclaration d'incidents de violence,
à des informateurs collatéraux ou à des dossiers
officiels ou encore à une combinaison de ces éléments.
Principaux résultats - Au cours de la période
de suivi, 369 patients (213 hommes et 156 femmes) s'étaient livrés
à de la violence.
Conclusions : Les sujets masculins et les sujets féminins
ne différaient pas considérablement sur le plan de la
fréquence ou de la gravité de la violence, mais ils présentaient
des différences quant aux cocombattants et à l'endroit
où l'incident s'était produit. Le sexe n'a pas été
jugé un important prédicteur de la violence parmi les
patients psychiatriques.
Critique de la méthode : Il n'est pas clair quels
paramètres ont été utilisés pour n'inclure
qu'une portion (862) du nombre total de sujets consentants. Un biais
de sélection a pu se produire si les sujets les plus susceptibles
de se livrer à de la violence ont été inclus dans
l'étude. En raison de l'absence d'un groupe témoin de
patients non psychiatriques ou d'un échantillon communautaire,
il est impossible de préciser si la prévalence relevée
dans l'échantillon visé par l'étude était
plus élevée ou plus basse que prévu.
Causalité : Du fait que les auteurs n'ont pas
comparé l'incidence de la violence entre le groupe à l'étude
et le groupe témoin de sujets non psychiatriques, aucune déclaration
générale de causalité ne peut être faite
concernant le lien entre la maladie mentale et la violence.
Noble, P. et Rodger, S. (1989). Violence by psychiatrie inpatients, British
Journal of Psychiatry, vol. 155, p. 384-390.
Objectif : Déterminer si les agressions
et les voies de fait chez les malades mentaux hospitalisés étaient
en hausse.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs aient
omis de préciser leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
étude cas-témoins, car on a utilisé le registre
des incidents de violence pour trouver les 137 patients qui avaient
commis une agression en 1982.
Lieu : Les données ont été recueillies
à deux endroits, au Bethlam Royal Hospital et au Maudsley Hospital,
à Londres, en Angleterre. Il s'agit de deux hôpitaux universitaires
qui comportent de nombreuses unités spéciales.
Sujets : En 1982, il y a eu 1 529 admissions dans ces
hôpitaux et 568 patients venaient de la zone de recrutement. Parmi
les patients admis à l'hôpital, 730 étaient des
hommes et 799 étaient des femmes. Les sujets du groupe à
l'étude ont été comparés avec les sujets
d'un groupe témoin ayant des caractéristiques semblables
pour ce qui est de l'âge, du sexe et de la section de l'hôpital
où ils avaient été placés.
Mesures : Les chercheurs ont consulté un registre
des incidents de violence pour obtenir des données sur les agressions.
Cette base de données comprenait une formule détaillée
qui était remplie après chaque agression ou comportement
menaçant. La formule contenait des renseignements sur l'agresseur,
la victime, les circonstances entourant l'agression et la nature des
blessures subies, le cas échéant. Le degré de gravité
de l'agression était évalué sur une échelle
de trois points. Le niveau 1 correspondait aux cas où il n'y
avait aucune blessure décelable. Le niveau II correspondait à
ceux où la victime avait subi des blessures mineures, et le niveau
III, aux cas où la victime avait subi des blessures graves. Les
notes du personnel soignant à l'égard des sujets du groupe
à l'étude et des sujets du groupe témoin étaient
évaluées en fonction de 85 caractéristiques cliniques
et démographiques.
Principaux résultats : Les données du registre
ont révélé que 137 sujets avaient commis 470 agressions.
En ce qui concerne le degré de gravité de ces agressions,
81 agressions (59 p. 100) étaient du type I, 53 (39 p. 100) étaient
du type Il et 3 (2 p. 100) étaient du type Ill. Les patients
violents étaient plus susceptibles d'avoir fait l'objet d'un
diagnostic primaire de schizophrénie et de souffrir d'hallucinations
et de délire et d'avoir fait l'objet d'un internement involontaire.
Le nombre d'admissions antérieures était significativement
plus élevé chez les patients violents par rapport aux
sujets du groupe témoin.
Conclusions : Le registre des incidents de violence indiquait
que la violence chez les patients hospitalisés avait augmenté
progressivement de 1976 à 1984, puis avait légèrement
diminué de 1984 à 1987. Les patients violents se distinguaient
des patients non violents de façon significative à l'égard
d'un certain nombre de caractéristiques. Ce sont les caractéristiques
du comportement évaluées au moment de l'admission qui
permettaient le mieux de distinguer les sujets violents, qui avaient
un score beaucoup plus élevé à l'égard des
dommages matériels, de la violence verbale et des comportements
menaçants.
Critique de la méthode : Vu le nombre élevé
de caractéristiques démographiques (85) en fonction desquelles
les sujets étaient comparés, il y avait plus de chances
de trouver au moins une différence statistique attribuable uniquement
au hasard. En outre, les différences entre les groupes sont difficiles
à interpréter, étant donné qu'une forte
proportion des patients violents avaient fait l'objet d'un internement
involontaire, peut-être parce quels avaient été
jugés dangereux pour les autres.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Patel, V. et Hope, R.A. (1992). Aggressive behaviour in elderly psychiatrie
inpatients. Acta psychiatrica Scandinavica, vol. 85, p. 131-135.
Objectif : Décrire les types de comportements
agressifs chez des patients psychiatriques âgés et hospitalisés.
Méthode de recherche : Il s'agit d'une enquête
transversale descriptive.
Lieu : L'étude a été entreprise
au Warneford Hospital et au Littlemore Hospital à Oxford, en
Angleterre.
Sujets : Les sujets étaient 90 patients psychogériatriques
hospitalisés dans cinq unités de traitement à long
terme et une unité d'évaluation. Ces patients représentent
tous les résidents psychogériatriques des deux hôpitaux
visés par l'étude.
Mesures : L'échelle d'évaluation du comportement
agressif chez les personnes âgées (RAGE) a été
utilisée. Les données ont été recueillies
au cours de l'étude des propriétés psychométriques
de cet outil. Les infirmières se sont servies de la RAGE pour
évaluer le comportement au cours d'une période d'étude
de trois jours. Les auteurs ont aussi recueilli des données sur
le moment de la journée où s'est produit le comportement
agressif, sur le comportement à l'étude et sur le degré
de dépendance du patient à l'égard des soins infirmiers.
Principaux résultats : Six pour cent des sujets
avaient infligé une blessure à une autre personne au cours
de la période de trois jours. D'ordinaire, il s'agissait de blessures
mineures (égratignures), mais dans un cas, il y a eu ecchymose.
Le manque de collaboration ou la résistance à l'aide offerte
se produisait le plus souvent (58,5 p. 100), suivi d'un comportement
verbal violent comme le fait de crier, de hurler ou de beugler (46,0
p. 100). Une importante proportion (17,8 p. 100) des sujets ont tenté
de frapper d'autres personnes et 12,3 p. 1 00 ont effectivement poussé
ou bousculé quelqu'un. Il n'y avait aucune relation entre l'heure
du jour et le comportement agressif, ni entre l'âge ou le sexe
du patient et le comportement agressif. La plupart des comportements
étaient dirigés vers le personnel du service. Les patients
atteints de démence présentaient un comportement plus
agressif que ceux chez qui d'autres diagnostics avaient été
posés.
Conclusions : Près de la moitié de l'échantillon
(45 p. 100) a été jugée au moins légèrement
agressive au cours de la période de trois jours, y compris 15
p. 100 des patients qui étaient modérément ou fortement
agressifs.
Critique de la méthode : L'absence d'un groupe
témoin dans cette étude fait qu'il est impossible de juger
si le degré d'agressivité physique chez cette population
de malades est plus important ou plus faible que chez les malades psychiatriques
en général ou que chez les sujets témoins non psychiatriques.
Causalité: L'étude ne permet pas de faire
une déclaration causale quant à la relation entre la maladie
mentale et la violence en général. Cependant, chez les
patients psychogériatriques, les résultats donnent à
penser que le comportement agressif est peut-être associé
à un diagnostic de démence.
Sosowsky, L. (1980). Explaining the increased arrest rate among mental
patients : A cautionary note, American Journal of Psychiatry, vol.
137, no 12, p. 1602-1605.
Voir aussi (pour une description antérieure de cette
étude) : Sosowsky, L. (1978). Crime and violence among mental
patients reconsidered in view of the new legal relationship between
the state and the mentally ill, American Journal of Psychiatry, vol.
135, no 1, p. 33-42.
Objectif : Comparer les taux d'arrestation chez les anciens
patients psychiatriques avec ceux enregistrés dans la population
générale.
Méthode de recherche : L'auteur n'a pas indiqué
la méthode de recherche, mais la méthode de collecte des
données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude
historique de cohortes comportant une période de suivi variable
ne dépassant pas six ans et demi.
Lieu : La région de San Mateo en Californie, aux
États-Unis.
Sujets : Les sujets étaient des malades mentaux
qui avaient reçu leur congé du Napa State Hospital entre
1972 et 1975.
Mesures : Les données sur la criminalité
dans la région de San Mateo constituent les données se
rapportant à la population témoin. Comme il s'agit d'un
des comtés desservis par l'hôpital, cette région
ne représente pas l'ensemble de la population au sein de laquelle
les données de l'échantillon ont été recueillies.
Il pourrait donc y avoir des différences sociodémographiques
importantes entre la région de San Mateo et la population totale
desservie par le Napa State Hospital qui pourraient constituer des facteurs
de confusion dans les comparaisons.
Principaux résultats : Pour que ses résultats
soient comparables à ceux obtenus par Steadman, Cocozza et Melick
(1978) (voir plus bas), l'auteur les a stratifiés en fonction
des arrestations antérieures. Par rapport au groupe. témoin
du comté, les anciens patients étaient 5,3 fois plus susceptibles
d'être arrêtés pour un crime avec violence durant
la période de suivi. Les anciens patients ayant été
arrêtés une fois par le passé étaient 12,4
fois plus susceptibles d'être arrêtés pour un crime
avec violence et ceux qui avaient été arrêtés
deux fois ou plus antérieurement étaient 14,1 fois plus
susceptibles d'être arrêtés à nouveau.
Conclusions : Sosowsky a conclu qu'il y a un lien de
causalité entre l'état mental et le taux d'arrestation.
Critique de la méthode : Il s'agit du seul rapport
publié jusqu'à maintenant qui indique que le risque de
commettre un crime avec violence est plus élevé chez les
anciens patients n'ayant jamais été arrêtés
dans le passé que dans la population témoin. Cependant,
l'auteur n'a pas contrôlé les différences démographiques
pouvant exister entre le groupe à l'étude et la population
témoin. Les résultats pourraient aussi s'expliquer par
un taux d'arrestation inférieur dans la population utilisée
à des fins de comparaison. L'auteur aurait pu éviter ce
problème en utilisant la population de l'État comme population
témoin, plutôt que celle d'un seul comté peu peuplé.
Étant donné que les anciens patients à l'étude
ne représentaient pas toutes les personnes souffrant d'une maladie
mentale, il était prématuré de conclure à
un lien de «causalité» entre l'état mental
et le taux d'arrestation. L'auteur n'a pas interprété
les résultats correctement, compte tenu du biais de sélection
pouvant exister dans un échantillon composé de personnes
ayant été hospitalisées.
À la suite de la publication de cette étude, plusieurs
lecteurs ont écrit au chef de la rédaction de la revue
pour signaler un certain nombre de problèmes méthodologiques
pouvant expliquer la fréquence plus élevée des
arrestations enregistrées dans la cohorte composée de
patients. Par exemple, Diamond [(1981), American Journal of Psychiatry,
vol. 138, no 6, p. 857] a souligné que les patients
du Napa State Hospital constituaient un groupe de sujets qui étaient
plus enclins à la violence, car il s'agissait de patients ayant
déjà été arrêtés ou de sujets
qui avaient été envoyés à cet hôpital
parce que des données cliniques indiquaient qu'ils avaient une
propension à la violence ou à la criminalité. Les
patients non violents étaient plus susceptibles de recevoir un
traitement dans leur comté de résidence. De même,
Adams (1981) a affirmé qu'il y avait un biais de sélection
dans ces études, car l'admission d'une personne dans un hôpital
public est fondée sur l'avis d'un psychiatre qui estime que le
patient est dangereux. Par conséquent, l'association plus nette
constatée entre les arrestations et les hospitalisations peut
indiquer que les psychiatres ont bien évalué le degré
de dangerosité, et non qu'il y a une association en soi entre
la maladie mentale et la criminalité.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Steadman, H.J., Cocozza, J.J. et Melick, M.E. (1978). Explaining the
increased arrest rate among mental patients : The changing clientèle
of state hospitals, American journal of Psychiatry, vol. 135, no
7, p. 816-820.
Voir aussi (pour une description analogue) : Cocozza, J.J., Melick,
M.E. et Steadman, H.J. (1978), Trends in violent crime among ex-mental
patients, Criminology, vol. 16, no 3, p. 317-334, et Melick,
M.E., Steadman, H.J. et Cocozza, J.J. (1979), The medicalization of criminal
behaviour among mental patients, Journal of Health and Social Behaviour,
vol. 20, p. 228-237.
Objectif : Comparer les taux d'arrestation enregistrés
dans deux groupes de patients avec les taux d'arrestation de la population
générale. Un groupe de patients a servi à étudier
la période précédant la désinstitutionnalisation
et l'autre, la période suivant la désinstitutionnalisation.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué
leur méthode de recherche, mais la méthode de collecte
des données permet de croire qu'il s'agissait d'une étude
historique de cohortes.
Lieu : État de New York, États-Unis.
Sujets : Le premier groupe de malades était composé
de 1920 personnes ayant reçu leur congé de l'hôpital
entre le 1er avril 1967 et le 31 mars 1968. Le second groupe
comprenait 1938 patients ayant reçu leur congé d'un centre
psychiatrique de l'État de New York entre le 1er avril
1974 et le 31 mars 1975. Les sujets des deux groupes ont été
choisis par échantillonnage systématique, c'est-à-dire
le 14e nom et le 18e nom, respectivement, figurant
dans le registre des malades ayant reçu leur congé. Les
sujets ont été suivis, en moyenne, pendant dix-neuf mois
après leur sortie de l'hôpital.
Mesures : Les chercheurs ont examiné les antécédents
d'hospitalisation pour obtenir des renseignements sociodémographiques
et cliniques. Ils ont consulté les casiers judiciaires pour déterminer
les types de crimes pour lesquels les sujets avaient été
arrêtés avant et après l'hospitalisation. Ils ont
utilisé les données sur la criminalité de la même
période dans l'ensemble de l'État pour calculer les taux
de criminalité au sein de la population générale.
Les crimes avec violence qui ont été considérés
étaient le meurtre, l'homicide involontaire coupable et les voies
de fait.
Principaux résultats : Les sujets à l'étude
ont été rarement arrêtés après leur
départ de l'hôpital. La proportion des sujets arrêtés
au cours de la période de suivi est passée de 6,9 p. 100
pour le groupe de 1968 à 9A p. 100 pour le groupe de 1975. La
proportion des sujets arrêtés pour des crimes avec violence
est passée de 0,0 p. 100 à 1,7 p. 100. Les comparaisons
de ces taux d'arrestation avec ceux enregistrés dans la population
générale de l'État de New York ont révélé
que le groupe de patients de 1968 avait un taux d'arrestation supérieur
dans chaque catégorie de crimes, sauf dans celle des crimes sexuels.
Dans le cas des crimes avec violence, on comptait 5,58 arrestations
pour 1 000 personnes dans le groupe de 1968, comparativement à
2,29 pour la population générale. Des comparaisons semblables
établies pour le groupe de sujets de 1975 ont indiqué
un taux d'arrestation supérieur dans chaque catégorie
de crimes. Par exemple, dans le cas des crimes avec violence, on comptait
12,03 arrestations pour 1 000 anciens patients, comparativement à
3,62 pour la population générale. Les chercheurs ont établi
que trois facteurs permettaient de prévoir les arrestations chez
les anciens patients : le nombre total d'arrestations antérieures,
l'âge et le trouble diagnostiqué au moment de l'admission
(toxicomanie et trouble de la personnalité). Chez les patients
qui n'avaient jamais été arrêtés auparavant,
les taux d'arrestation étaient inférieurs à ceux
de la population générale dans toutes les catégories
de crime (à l'exception des infractions contre les biens) : 22,1
pour 1 000 arrestations comparativement à 32,5, respectivement.
En ce qui concerne les crimes avec violence, dans le cas des anciens
patients n'ayant jamais été arrêtés antérieurement,
on a enregistré un taux d'arrestation de 2,2 pour 1 000 au cours
de la période de suivi, comparativement à 3,6 pour 1 000
dans la population générale. En moyenne, les patients
ayant été arrêtés une fois auparavant étaient
4,2 fois plus susceptibles d'être arrêtés au cours
de la période de suivi, et ceux ayant été arrêtés
plus d'une fois auparavant étaient 12,7 fois plus susceptibles
d'être arrêtés, comparativement aux taux établis
pour la population générale.
Conclusions : Bien que les taux d'arrestation chez les
anciens patients psychiatriques aient augmenté au fil des années,
il y a un sous-groupe bien défini d'individus qui font l'objet
de la plupart des arrestations, c'est-à-dire ceux qui ont déjà
été arrêtés. Étant donné qu'un
plus grand nombre de personnes admises dans les établissements
psychiatriques de l'État avaient été arrêtées
plusieurs fois par le passé, le taux de criminalité générale
chez les anciens patients psychiatriques semble avoir augmenté.
Critique de la méthode : Les résultats
qui indiquent que le risque de commettre un crime est plus élevé
chez les anciens patients psychiatriques qui ont déjà
été arrêtés plusieurs fois dans le passé
et que ce risque est moins élevé chez ceux qui n'ont jamais
été arrêtés, comparativement à la
population générale, ont des conséquences importantes
pour le choix des cohortes et les contrôles statistiques. Les
arrestations antérieures devraient être considérées
comme un facteur de confusion qui doit être contrôlé
soit au moment de l'élaboration de la méthode de recherche,
soit au cours de l'analyse statistique.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Steadman, H.J. et Felson, R.B. (1984). Self-reports of violence: Ex-mental
patients, ex-offenders, and the general population, Criminology, vol. 22,
no 3, p. 321-342.
Objectif : Comparer les renseignements sur les
agressions et la violence fournis par d'anciens patients psychiatriques
avec ceux fournis par d'ex-détenus et des données correspondantes
recueillies sur la population générale.
Méthode de recherche : Étude transversale.
Lieu : Le comté d'Albany dans l'Étatde
New York, aux États-Unis.
Sujets : Les chercheurs ont utilisé trois échantillons
: a) un échantillon probabiliste de la population générale,
b) un échantillon non probabiliste composé d'anciens patients
psychiatriques d'un hôpital public vivant dans la collectivité
depuis au moins un an et fréquentant des amicales du comté
d'Albany pour anciens patients psychiatriques et c) un échantillon
non probabiliste composé d'ex-détenus vivant dans la collectivité
depuis au moins six mois. Ce dernier groupe comprenait des libérés
conditionnels et d'anciens détenus de la prison du comté.
Les auteurs ont souligné que ni l'échantillon des anciens
patients psychiatriques, ni celui des ex-détenus n'étaient
représentatifs d'une population bien définie de malades
mentaux ou de criminels de la collectivité. Ces échantillons
n'ont pas été «épurés» pour
les besoins de l'étude. Les chercheurs ont estimé qu'il
pouvait y avoir jusqu'à 10 p. cent de chevauchement entre les
deux échantillons, c'est-à-dire que 10 p. 100 des ex-détenus
pouvaient aussi être d'anciens patients, et vice versa. De même,
une certaine proportion de la population témoin pouvait être
constituée d'anciens patients psychiatriques ou d'ex-détenus.
Les chercheurs ont considéré que ce chevauchement avait
pour effet de réduire les effets observés et que les résultats
de leur étude fournissaient une estimation prudente de la relation
entre la maladie mentale et la violence.
Mesures : Les questions posées pour obtenir les
données autodéclarées avaient pour but de mesurer
les comportements agressifs et les comportements violents de différents
degrés d'intensité manifestés par les sujets au
cours des douze derniers mois.
Principaux résultats : Les anciens patients étaient
aussi susceptibles que les sujets de la population témoin de
se livrer à des agressions mineures telles que de la violence
verbale, des gifles, des tapes ou des poussées. Es étaient
plus susceptibles que les sujets du groupe témoin d'être
impliqués dans des querelles où les antagonistes étaient
armés et plus susceptibles de se livrer à une agression
physique au cours de ces incidents. Les différences observées
entre ces deux groupes étaient cependant faibles et il est apparu
clairement que les anciens patients n'étaient pas aussi violents
que les ex-détenus. Les chercheurs ont constaté que l'âge,
le sexe et le niveau d'instruction étaient des variables prédictives
de la violence, l'âge venant au premier rang.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que les données
autodéclarées concordaient avec les résultats d'autres
études portant sur les arrestations, qui semblaient indiquer
que les différences entre les groupes ne pouvaient s'expliquer
par un traitement différent que la police aurait réservé
à certains des sujets des échantillons de personnes arrêtées.
Les ex-détenus qui manifestaient des comportements agressifs
de différentes intensités étaient plus susceptibles
de causer des blessures. Les anciens patients étaient plus susceptibles
que les sujets du groupe témoin d'utiliser des armes et d'être
impliqués dans des querelles où des coups étaient
portés. Aucune différence n'a été constatée
entre le groupe des anciens patients et le groupe témoin pour
ce qui est de la tendance à causer des blessures à l'adversaire.
Les chercheurs ont donc conclu que les anciens patients sont généralement
seulement un peu plus susceptibles que les autres individus de se livrer
à des actes de violence graves.
Critique de la méthode : Étant donné
que le groupe des anciens patients aussi bien que celui des ex-détenus
constituaient des échantillons non représentatifs prélevés
dans des populations de personnes qui avaient été placées
en établissement auparavant, il n'est pas possible d'interpréter
ces résultats d'un point de vue étiologique. En outre,
les chercheurs n'ont pas établi l'ordre temporel des facteurs,
c'est-à-dire si la maladie mentale est apparue avant l'expression
de la violence, ou vice versa.
Causalité: Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Tardiff, K. et Koenigsberg, H.W. (1985). Assaultive behaviour among psychiatric
outpatients, American Journal of Psychiatry, vol. 142, no 8,
p. 960-963.
Objectif : Évaluer les taux et les types
de comportements agressifs dans un grand groupe de patients qui fréquentaient
les cliniques externes de deux hôpitaux psychiatriques privés.
Méthode de recherche : Bien que les auteurs aient
omis de mentionner leur méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
étude rétrospective de cohortes. La maladie mentale diagnostiquée
était le critère d'inclusion dans l'échantillon.
Lieu : Deux grands hôpitaux universitaires rattachés
au Cornell University Medical College, soit la Payne Whitney Clinic
et la division Westchester du New York Hospital, aux États-Unis.
Sujets : L'étude a porté sur tous les patients
examinés par les résidents en psychiatrie au cours d'une
période d'un an et demi à la Payne Whitney Clinic et à
la division Westchester du New York Hospital. Durant la période
à l'étude, 2 916 patients ont consulté un médecin
dans une des cliniques externes.
Mesures : Dans chacun des hôpitaux, un adjoint
de recherche a examiné le dossier de chaque patient en consultation
externe évalué par un résident en psychiatrie au
cours de la période à l'étude. Les données
ont été consignées sur une feuille de travail qui
avait été conçue de façon à permettre
l'évaluation des expériences cliniques des résidents
responsables des patients dans ces cliniques. Les patients étaient
répartis entre deux groupes selon qu'ils avaient eu ou non un
comportement agressif envers une autre personne. L'automutilation, les
dommages matériels et les menaces verbales étaient exclus
de la définition de «comportement agressif». Les
diagnostics ont été établis selon les critères
du DSM-III.
Principaux résultats : Environ 5 p. 100 des
patients avaient agressé physiquement une personne quelques jours
avant leur évaluation par un résident. Dans plus de la
moitié des cas, la victime de l'agression était un membre
de la famille du patient. L'agressivité était associée
au fait d'être un homme, d'avoir 20 ans ou moins, d'avoir fait
l'objet d'un diagnostic de trouble mental durant l'enfance ou l'adolescence
et de souffrir d'un retard mental.
Conclusions : Le taux d'agression chez les patients en
consultation externe était inférieur à celui enregistré
chez les patients hospitalisés. Le risque d'agression était
plus élevé chez les hommes que chez les femmes et plus
élevé chez les jeunes que chez les patients plus âgés.
Critique de la méthode : La définition
étroite donnée au terme «agression» explique
peut-être le taux peu élevé enregistré par
les auteurs de cette étude concernant la fréquence de
la violence, comparativement à celui enregistré dans des
études portant sur des patients hospitalisés. Par contre,
si la dangerosité est un critère d'hospitalisation, on
devrait s'attendre que le taux de violence soit moins élevé
chez les patients en consultation externe. De plus, le fait que les
chercheurs aient inclus dans l'échantillon les patients souffrant
de retard mental limite la généralisation des résultats.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Volavka J., Mohammad Y., Vitrai J., Connolly M., Stefanovic M.
et Ford M. (1995). Characteristics of state hospital patients arrested
for offenses committed during hospitalization. Psychiatric Services,
vol. 46, no 8, p. 796-800.
Objectif : Étudier des patients qui ont
été appréhendés pour des infractions au criminel
commises alors qu'ils séjournaient dans un hôpital psychiatrique.
Méthode de recherche : Même si les auteurs
ont omis de préciser la méthode de recherche, la méthode
de collecte des données permet de croire qu'il s'agissait d'une
étude cas-témoins.
Lieu : Le Manhattan Psychiatric Centre et le Rockland
Psychiatric Center, deux hôpitaux de l'État de New York,
aux États-Unis.
Sujets : Les sujets à l'étude étaient
73 patients hospitalisés appréhendés au cours d'une
période de 30 mois, comparativement à 1 438 patients hospitalisés
non appréhendés. Les 73 patients avaient été
appréhendés en raison d'un incident survenu alors qu'ils
étaient hospitalisés au cours d'une période de
30 mois. Onze patients avaient été arrêtés
plus d'une fois. Les données sont fournies relativement à
l'incident le plus grave. Les témoins étaient tous des
patients (N= 1 731) hospitalisés aux deux hôpitaux le 15
mars 1992.
Mesures : Les dossiers des services de sécurité
ont été examinés pour obtenir des renseignements
sur les arrestations résultant d'incidents survenus chez des
patients entre le 1er janvier 1991 et le 30 juin 1993. Les
données suivantes ont été extraites des dossiers
: données démographiques, traitement psychopharmacologique
au moment du traitement, diagnostic psychiatrique, durée de la
maladie, nombre d'hospitalisations antérieures et nombre d'arrestations
antérieures. En consultant les données tirées des
dossiers des tribunaux, les auteurs ont pu relever l'infraction visée,
le nombre d'audiences judiciaires suivant l'arrestation, le nombre de
transferts de patients entre hôpital et prison, les dispositions
du tribunal et les peines d'emprisonnement.
Principaux résultats : Au total, 58 des 73 arrestations
résultaient d'incidents violents mettant en cause des agressions
physiques et sexuelles, des vols et un meurtre. Les arrestations non
violentes étaient reliées à des infractions liées
aux drogues, au cambriolage et à un incendie criminel. Le nombre
d'arrestations augmentait considérablement au fur et à
mesure que se déroulait l'étude, alors que le nombre d'incidents
criminels semblait baisser. Les circonstances décrites dans les
dossiers ne donnaient généralement pas à penser
que la violence résultait d'une psychose, bien que ce point n'ait
pas été étudié de façon détaillée.
Les personnes appréhendées étaient plus susceptibles
d'être jeunes, de race noire et d'avoir séjourné
à l'hôpital moins longtemps. Les diagnostics ne permettaient
pas d'établir des différences entre les deux groupes,
et 90 p. 100 des sujets avaient un diagnostic de toxicomanie, de troubles
de la personnalité, ou de ces deux affections.
Conclusions : Les arrestations chez les patients psychiatriques
hospitalisés ont augmenté au cours de l'étude en
dépit du nombre fléchissant de malades hospitalisés
et d'incidents. De plus, le nombre d'incidents violents fléchissait
au fur et à mesure qu'augmentait le nombre d'arrestations.
Critique de la méthode : L'étude n'était
pas spécifiquement axée sur la relation entre les crimes
avec violence et la maladie mentale, même si une importante proportion
des arrestations intéressaient des incidents violents.
Causalité: Aucune déclaration ne peut être
faite relativement à l'existence d'un lien de causalité
entre la maladie mentale et la violence.
Wessely, S.C., Castle, D., Douglas, A.J. et Taylor, P.J. (1994). The
criminal careers of incident cases of schizophrenia, Psychological Medicine,
vol. 24, p. 483-502.
Objectif : Vérifier les hypothèses
selon lesquelles la schizophrénie, comparée aux autres troubles
mentaux, serait associée à un risque accru de condamnation
et à un taux supérieur de condamnation.
Méthode de recherche : Étude longitudinale
comportant un suivi qui a duré dans certains cas jusqu'à
20 ans. Les sujets du groupe à l'étude et ceux du groupe
témoin ont été choisis en fonction de leur âge
(écart de moins de cinq ans), de leur sexe et de la date de leur
admission dans un centre psychiatrique.
Lieu : Camberwell, London Borough, Angleterre.
Sujets : Les sujets du groupe à l'étude
(N=538) ont été choisis dans un registre de malades mentaux;
il s'agissait de nouveaux cas de schizophrénie. Les sujets du
groupe témoin (N=538) ont été choisis dans le même
registre, en prenant le nom inscrit dans le registre immédiatement
après celui d'un sujet retenu pour le premier groupe et chez
qui on avait diagnostiqué une maladie autre que la schizophrénie;
cette personne devait être du même sexe et à peu
près du même âge (écart de moins de cinq ans)
que le sujet du groupe à l'étude. Les auteurs n'ont pas
décrit la méthode qu'ils ont appliquée pour n'avoir
que des nouveaux cas dans le groupe témoin, mais ont indiqué
que les sujets du groupe témoin ne différaient de ceux
du groupe à l'étude que par le fait qu'ils ne souffraient
pas d'une psychose.
Mesures : Les données sur le diagnostic psychiatrique
et les condamnations au criminel ont été obtenues en consultant
des archives. La schizophrénie a été définie
selon les codes de la CIM-9 qui se rapportent aux psychoses schizophréniques.
Les données sur les condamnations au criminel ont été
obtenues auprès du Criminal Records Office, où sont consignées
90 p. 100 de toutes les condamnations au criminel au Royaume-Uni. Les
données comprenaient également un petit nombre de condamnations
déclarées par les répondants eux-mêmes, qui
ne figuraient pas dans les registres officiels.
Principaux résultats : Les données ont
révélé que la schizophrénie contribuait
dans une faible mesure, et indépendamment des autres variables,
au risque d'avoir un casier judiciaire, mais que l'effet de cette variable
était éclipsé par les effets beaucoup plus importants
des variables sexe, toxicomanie, appartenance ethnique et âge
au début de la maladie. Les antécédents criminels
constituaient la variable qui permettait le mieux de prévoir
les condamnations.
Conclusions : Bien que cette étude démontre
que le risque de condamnation au criminel est légèrement
plus élevé chez les personnes souffrant de schizophrénie,
comparativement aux personnes souffrant d'un autre trouble mental, les
variables prédictives les plus importantes à l'égard
des condamnations sont des facteurs non reliés à la maladie.
Critique de la méthode : Comme les auteurs n'ont
pas utilisé de groupe témoin composé de sujets
«normaux», les résultats ne peuvent être utilisés
que pour déterminer si le fait de souffrir de schizophrénie
accroît le risque de condamnation ultérieure chez les malades
mentaux qui ont suivi un traitement. Tant les sujets du groupe à
l'étude que ceux du groupe témoin auraient pu avoir des
taux de condamnation inférieurs à ceux enregistrés
pour la population générale. Les auteurs ont indiqué
que la seule différence entre les sujets du groupe à l'étude
et ceux du groupe témoin était la présence d'un
trouble psychotique. Cependant', il est probable que le groupe témoin
comprenait des individus ayant d'autres troubles psychotiques, car la
méthode de sélection ne prévoyait pas explicitement
l'exclusion de tels individus. Comme les résultats étaient
fondés sur les condamnations au criminel, la criminalité
a été sous-estimée tant chez les sujets du groupe
à l'étude que chez les sujets du groupe témoin,
et les résultats ne permettent pas de conclure que les individus
souffrant d'un trouble schizophrénique sont plus susceptibles
d'être condamnés.
Causalité : Étant donné que les
sujets du groupe à l'étude et les sujets du groupe témoin
ont été choisis parmi des personnes soumises à
un traitement et que les chercheurs n'ont pas utilisé un groupe
témoin composé de sujets normaux, les résultats
de l'étude ne permettent pas de déterminer si les personnes
souffrant d'une maladie mentale présentent un risque de violence
plus élevé.
Études basées sur des échantillons de détenus
Les études résumées ci-après visaient des
échantillons de détenus. Comme elles portent uniquement
sur certaines populations de détenus, elles ne peuvent être
utilisées pour établir des liens de nature étiologique
entre la maladie mentale et la violence. Elles ne sont donc pas utiles
pour formuler des explications étiologiques sur cette question.
Abram, K.M. et Teplin, L.A. (1990). Drug disorder, mental illness
and violence. NIDA Research Monograph, (REA 228).
Objectif : Examiner si les personnes présentant
un diagnostic mixte (abus de drogue et trouble mental) commettent plus
de crimes avec violence que les personnes qui font un abus de drogue,
mais qui ne souffrent pas d'un trouble mental. Un certain nombre de combinaisons
de consommation de drogue et de psychopathologie ont aussi été
examinées afin de déterminer si les sujets présentaient
une propension au crime avec violence.
Méthode de recherche : Une étude de cohortes
de trois ans.
Lieu : Le Department of Corrections du comté de
Cook, Chicago, Illinois, États-Unis.
Sujets : Les données ont été recueillies
entre novembre 1983 et novembre 1994 suite à une sélection
aléatoire de sujets de sexe masculin détenus avant le
procès et de délinquants condamnés à moins
d'un an de prison pour délit. Les résultats portant sur
728 sujets sont présentés.
Mesures : Les renseignements sur l'abus de drogue et
les troubles mentaux ont été recueillis à l'aide
du Diagnostic Interview Schedule (DIS). Les données sur
les arrestations et les condamnations subséquentes ont été
obtenues auprès du Service de police de Chicago, du FBI, et du
Illinois Bureau of Investigation.
Principaux résultats : Les auteurs ont préparé
des modèles statistiques pour prédire a) le comportement
violent antérieur et b), le comportement violent futur. En ce
qui concerne le comportement violent antérieur, aucun des troubles
liés à la drogue (marijuana seulement, opiacés
seulement et polytoxicomanie) n'a été jugé comme
ayant un effet important sur les arrestations antérieures pour
crimes avec violence. Les arrestations pour crimes avec violence étaient
associées à l'âge (étant donné la
période à risque plus longue), au faible niveau de scolarité
et à la présence d'un trouble de personnalité antisociale.
Les consommateurs d'opiacés qui étaient déprimés
étaient les moins susceptibles d'avoir des antécédents
de crimes avec violence. Pour ce qui est des arrestations futures pour
crimes avec violence, les facteurs qui suivent étaient des prédicteurs
: arrestations antérieures pour crimes avec violence, nombre
de jours en liberté (plus grand le nombre, plus grande l'occasion
de commettre des crimes avec violence) et les troubles liés à
la consommation d'opiacés (ce qui réduit la probabilité
d'arrestations futures pour crimes avec violence). Aucun autre facteur
n'était significatif.
Conclusions : Les troubles mentaux (schizophrénie,
dépression, troubles liés à l'alcool) ne permettaient
pas de prédire les arrestations pour crimes avec violence, une
fois que les auteurs eurent contrôlé les variables (comme
l'âge ou la scolarité) qui sont reconnues comme correlant
avec le crime et la maladie mentale. Par contraste, le trouble de la
personnalité antisociale était fortement prédicteur
d'arrestations antérieures, même après avoir éliminé
les arrestations et les condamnations dans le DIS pour poser
ce diagnostic, mais il n'était pas prédicteur d'arrestations
futures. Les troubles liés à la drogue, et non associés
à d'autres troubles, présentaient une relation inverse
aux crimes avec violence. Cependant, il importe de souligner que les
données ont été recueillies avant l'épidémie
de cocaïne. (D'aucuns estiment qu'il y a un lien entre la cocaïne
et la criminalité violente.) Les auteurs concluent que ce sont
les jeunes détenus mal instruits, antisociaux et ayant des antécédents
de violence qui sont le plus susceptibles d'être impliqués
dans des crimes avec violence futurs.
Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude
bien structurée et bien exécutée. Les techniques
de collecte de données ont visé un important échantillon
représentatif de sujets.
Causalité : L'étude est axée sur
des sous-groupes de détenus définis en fonction des troubles
mentaux et de l'abus de drogue ou d'alcool. Même si l'étude
ne permet pas de tirer des conclusions quant au lien de causalité
dans certaines populations non sélectives, les résultats
sont conformes à l'hypothèse selon laquelle il n'existe
aucune association entre les troubles mentaux et la violence.
Allodi, F. et Montgomery, R. (1975). Mentally abnormal offenders in a
Toronto jail, Revue canadienne de criminologie, vol. 17, p. 277-283.
Objectif : Décrire, à partir des
dossiers médicaux et des dossiers généraux de la
prison, 1) toutes les personnes à l'égard desquelles un
tribunal avait ordonné une évaluation dans l'unité
de psychiatrie de la prison, 2) un sous-échantillon prélevé
dans l'échantillon initial et composé d'individus internés
et 3) les individus qui, selon les dossiers de la prison, avaient été
hospitalisés dans un établissement psychiatrique au cours
des cinq dernières années.
Méthode de recherche : Un examen rétrospectif
de dossiers.
Lieu : Une grande prison de Toronto (Ontario) Canada.
Sujets : Tous les détenus (106) à l'égard
desquels un tribunal avait ordonné une évaluation à
l'unité de psychiatrie de la prison au cours d'une période
de trois mois.
Mesures : Il ne s'agissait pas d'un examen uniformisé
des dossiers, et aucune mesure particulière n'a été
utilisée.
Principaux résultats : Bien que les auteurs ne
l'aient pas indiqué clairement, il semble qu'un diagnostic psychiatrique
ait été établi chez toutes les personnes ayant
fait l'objet d'une évaluation. L'échantillon comprenait
25 p. 100 de personnes atteintes de schizophrénie et 45 p. 100
de personnes atteintes d'un trouble de la personnalité (25 p.
100 de tous les sujets avaient une personnalité psychopathe).
Soixante-deux pour cent des sujets avaient été hospitalisés
dans un établissement psychiatrique antérieurement et
65 p. 100 avaient déjà été condamnés.
Les détenus ayant été hospitalisés antérieurement
dans un établissement psychiatrique représentaient 40
à 47 p. 100 de l'ensemble de la population carcérale,
selon les années, au cours de la période de cinq ans à
l'étude (1969-1973).
Conclusions : Une grande partie des détenus de
cette prison avaient un problème psychiatrique au moment de leur
admission ou avaient déjà été hospitalisés
dans un établissement psychiatrique avant leur incarcération.
Critique de la méthode : Cette étude comporte
de nombreuses lacunes. Tout d'abord, il s'agissait d'un échantillon
très sélectif puisque les chercheurs ont étudié
des détenus à l'égard desquels un tribunal avait
ordonné une évaluation dans l'unité de psychiatrie
de la prison. L'échantillon était composé des dossiers
de tous les détenus qui devaient faire l'objet d'une évaluation
psychiatrique ou qui avaient été admis en prison antérieurement
pour des périodes déterminées, de sorte que ces
sujets n'étaient peut-être pas représentatifs de
l'ensemble de la population carcérale. Bien que cette étude
appuie la thèse selon laquelle la prévalence de la maladie
mentale est élevée au sein des populations carcérales,
on ne peut s'appuyer sur les résultats obtenus pour établir
un lien causal entre la maladie mentale et la criminalité ou
la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Arboleda-Flórez, J. (1994). An epidemiological study of mental
illness in a remanded population and the relationship between mental
illness and criminality, thèse de doctorat en épidémiologie,
University of Calgary, Calgary.
Objectif : Estimer la prévalence de la
maladie mentale (prévalence à vie et au cours d'une période
d'un mois) ainsi que la comorbidité et étudier la relation
entre la maladie mentale et la criminalité au sein d'une population
carcérale.
Méthode de recherche : Enquête transversale
et analyse de données secondaires recueillies dans tous les dossiers
pertinents.
Lieu : Un centre de détention provisoire de Calgary
(Alberta) Canada.
Sujets : L'échantillon aléatoire, représentatif
et stratifié en fonction du sexe, était composé
de 1 200 détenus admis au Calgary Remand Centre et choisis parmi
les 4 770 détenus qui avaient été admis à
ce centre au cours de la période à l'étude, c'est-à-dire
4,5 mois consécutifs (du 27 juillet au 10 décembre 1992).
Les sujets ont été examinés dans les vingt-quatre
heures suivant leur admission, avant que la cour rende un jugement à
leur endroit. La taille de l'échantillon permettait d'estimer
la maladie mentale avec un degré de précision de 1 p.
100.
Mesures : Quatre psychiatres légistes ont évalué
les sujets à l'aide du questionnaire DIS (Diagnostic Interview
Schedule) et le coefficient d'objectivité était bon.
Les chercheurs ont utilisé deux autres instruments de mesure
: la liste de vérification des symptômes de psychopathologie
de Hare (Hare Psychopathology Checklist) et le questionnaire
SCID (Structured Clinical Interview for DSM Disorders). Les diagnostics
ont été classés dans un ordre hiérarchique.
Principaux résultats : Un diagnostic de l'axe
I ou Il a été établi dans le cas de 728 détenus
(60,7 p. 100). Chez les femmes, le diagnostic le plus fréquent
était la dépendance à l'alcool. Les cas de dépression
majeure représentaient 26,1 p. 100 de l'échantillon féminin.
Il n'y avait pas de cas de schizophrénie chez les femmes. Chez
les hommes, le diagnostic le plus fréquent était aussi
la dépendance à l'alcool (31,7 p. 100). Les cas de schizophrénie
représentaient 1,2 p. 100 et la dépression majeure, 3,3
p. 100. Seulement 5,5 p. 100 des sujets souffraient d'un trouble de
la personnalité. Dans les cas de comorbidité, les deux
troubles présents étaient le plus souvent la personnalité
antisociale et la toxicomanie (4,5 p. 100). Il n'y avait pas de différences
significatives entre les sujets qui souffraient d'une maladie mentale
et les autres sujets quant au type d'accusation portée (infraction
contre la personne, infraction contre les biens ou autre infraction).
Conclusions : Le taux de prévalence de
la maladie mentale était élevé dans cet échantillon,
mais il s'agissait le plus souvent d'une dépendance à
l'égard de l'alcool ou de la drogue. Les facteurs sociodémographiques
(âge, niveau d'instruction et appartenance ethnique) et criminologiques
(incarcérations antérieures, évaluations médico-légales
antérieures) étaient reliés à un risque
plus élevé d'être atteint d'une maladie mentale
et de commettre un acte criminel.
Critique de la méthode : Cette étude est
basée sur un échantillon représentatif composé
de personnes admises dans un centre de détention provisoire,
donc de sujets étudiés au tout début du processus
judiciaire. Elle apporte des preuves solides à l'appui de la
thèse selon laquelle une proportion importante des personnes
incarcérées souffrent d'un état de dépendance
à l'alcool ou à la drogue ou d'une maladie mentale grave.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Ashford, J.B. (1989). Offense comparisons between mentally disordered
and non-mentally disordered inmates, Revue canadienne de criminologie,
janvier, p. 35-48.
Objectif : Comparer des détenus atteints
de troubles mentaux avec des détenus n'ayant pas de troubles mentaux
par rapport au type d'infraction commise, aux antécédents
de violence et aux antécédents criminels, à l'aide
d'un échantillon de sujets condamnés à une peine
d'emprisonnement.
Méthode de recherche : Étude cas-témoins
basée sur un examen rétrospectif des dossiers.
Lieu : Établissements carcéraux du comté
de Maricopa, en Arizona, aux États-Unis.
Sujets : Deux échantillons indépendants
ont été formés à partir de deux types de
documents. Le premier échantillon a été prélevé
à partir d'une liste de délinquants atteints de troubles
mentaux admis au service de santé ou à l'unité
de psychiatrie de l'établissement (N=294). Ces détenus
ont été répartis en deux groupes : ceux qui souffraient
d'un «trouble mental grave» (chez qui on avait diagnostiqué
une maladie mentale chronique, N=82) et ceux souffrant d'un «trouble
mental» (chez qui on avait diagnostiqué un trouble mental
au moment de l'incarcération, N=212). Les sujets du groupe témoin
(N=372) ont été choisis en consultant les dossiers des
détenus qui n'avaient pas été admis au service
de santé ou à l'unité de psychiatrie et qu'on a
considérés comme des sujets non atteints de troubles mentaux.
Mesures : L'auteur n'a pas décrit les mesures
utilisées. Les dossiers ont été examinés,
mais l'auteur n'a pas indiqué comment le diagnostic inscrit avait
été établi.
Principaux résultats : Le taux de violence récente
chez les sujets atteints d'un «trouble mental grave»
était de 36 p. 100, par rapport à 31 p. 100 chez les sujets
atteints d'un «trouble mental» et à 22 p. 100
chez les sujets du groupe témoin. En ce qui concerne la violence
antérieure, les taux étaient de 14 p. 100, 10 p. 100 et
7 p. 100, respectivement.
Conclusions : Les deux sous-groupes de détenus
atteints de troubles mentaux différaient significativement des
sujets du groupe témoin du point de vue des antécédents
de violence. L'auteur a donc considéré que les détenus
souffrant de troubles mentaux étaient plus violents.
Critique de la méthode : Les forces de cette étude
cas-témoins résident, en premier lieu, dans le fait que
l'auteur a comparé des délinquants atteints de troubles
mentaux à des délinquants «normaux»
par rapport à trois variables précises, à savoir
le type d'infraction immédiate, les antécédents
de violence et les antécédents criminels, et, en second
lieu, dans le fait qu'il a cherché à différencier
les «cas chroniques» et les «cas récents»
de troubles mentaux.
Toutefois, cette étude comporte aussi de nombreuses faiblesses.
L'échantillon n'était pas représentatif. Les sujets
du groupe à l'étude ont été choisis au hasard
parmi les détenus ayant des antécédents psychiatriques.
Les sujets du groupe témoin ont été choisis
au hasard à partir de dossiers de détenus qui n'étaient
pas classés dans la catégorie des malades mentaux. Il
est très possible que de nombreux détenus faisant partie
du groupe témoin aient souffert d'une maladie mentale, mais qu'ils
n'aient pas été classés comme tels. Le genre de
trouble a été déterminé à partir
des dossiers médicaux, sans aucune standardisation des diagnostics,
sans évaluateurs, etc. Les différences entre les cas chroniques
et les cas récents ne sont pas expliquées et il est possible
que ces deux catégories se chevauchent. L'auteur n'a pas défini
la violence, mais a distingué la violence récente de la
violence antérieure. De plus, la mesure de la violence reposait
dans une large mesure sur les renseignements figurant dans les dossiers
au chapitre des antécédents de violence, renseignements
fournis par les détenus eux-mêmes. Aucune explication n'a
été donnée pour justifier la taille des échantillons.
Bien que les résultats confirment dans une certaine mesure l'hypothèse
d'une relation entre la violence et la maladie mentale chez les détenus,
encore que l'étude comporte de nombreuses lacunes, ces résultats
ne peuvent être utilisés pour conclure à une relation
étiologique entre la maladie mentale et la violence hors du cadre
carcéral.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Barton, W.I. (1982). Drug histories and criminalité of inmates
of local jails in the United States (1978) : Implications for treatment
and réhabilitation of the drug abuser in a jail setting, The
International Journal of the Addictions, vol. 17, no 3, p. 417-444.
Objectif : Établir un profil des détenus
qui serait utile pour l'élaboration de modèles de classification
et la planification en fonction des besoins des prisons.
Méthode de recherche : Enquête transversale.
Lieu : Trois mille sept cents établissements situés
aux États-Unis.
Sujets : À partir d'une base d'échantillonnage
comprenant 165 000 détenus, les chercheurs ont prélevé
un échantillon pondéré, non représentatif,
composé de 6 300 détenus pouvant faire l'objet de l'étude.
L'échantillon final comprenait 5 300 détenus.
Mesures : L'auteur n'a pas précisé les
mesures utilisées, mais il semble qu'un questionnaire ait été
conçu spécialement pour réaliser cette enquête.
Principaux résultats : Environ 68 p. 100 des sujets
avaient des antécédents de consommation de drogue, et
environ 40 p. 100 avaient consommé de la drogue quotidiennement.
La plupart des détenus qui avaient consommé de la drogue
avaient été accusés d'une infraction contre les
biens.
Conclusions : Un nombre important de détenus avaient
consommé de la drogue à un moment ou à un autre
de leur vie. Seulement 24 p. 100 d'entre eux avaient participé
à un programme de lutte contre la toxicomanie. L'auteur du rapport
a recommandé que les autorités pénitentiaires fournissent
des services à cette population, en collaboration avec des organismes
spécialisés de l'extérieur.
Critique de la méthode : Cette étude était
de grande envergure. Pourtant, l'auteur aurait pu être plus explicite
quant au type d'échantillonnage utilisé. Il aurait pu
indiquer s'il s'agissait d'un échantillon stratifié et
s'il avait utilisé des coefficients de pondération dans
l'analyse des données. Par ailleurs, l'analyse est très
superficielle compte tenu de l'envergure de l'enquête ainsi que
des ressources et des efforts qui y ont été consacrés.
Bien que les résultats puissent être utiles aux fins de
la planification des programmes, ils ne permettent pas d'affirmer qu'il
existe un lien de causalité entre la consommation de drogue et
la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Beaudoin, M.N., Hodgins, S. et Lavoie, F. (1993). Homicide, schizophrenia
and substance abuse or dependency, Revue canadienne de psychiatrie, vol.
38, p. 541-546..
Objectif : L'étude avait trois principaux
buts : 1) recueillir des renseignements sur la relation entre la consommation
d'alcool ou de drogue et les comportements agressifs chez trois groupes
de délinquants, soit des délinquants atteints de schizophrénies
ayant été accusés d'homicide et acquittés
pour cause d'aliénation mentale, des délinquants atteints
de schizophrénie reconnus coupables d'homicide et des délinquants
ne souffrant pas de troubles mentaux reconnus coupables d'homicide; 2)
comparer les antécédents de violence des délinquants
atteints de schizophrénie avec ceux des délinquants ne souffrant
pas de troubles mentaux; 3) étudier la relation entre l'évolution
de la schizophrénie et les comportements agressifs chez les délinquants
des deux premières catégories, c'est-à-dire les délinquants
schizophrènes ayant commis un homicide.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas décrit
la méthode de recherche, mais il s'agissait d'une étude
transversale basée sur un échantillon de commodité
composé de personnes acquittées pour cause d'aliénation
mentale et, dans le cas des délinquants schizophrènes
déclarés coupables d'homicide, un échantillon prélevé
à partir d'une «liste de sujets cibles», qui semble
avoir été dressée par les auteurs. Enfin, les délinquants
du troisième groupe ont été choisis dans différents
établissements.
Lieu : Le plus important hôpital pénitentiaire
et trois établissements à sécurité moyenne
et maximale de Québec (Canada).
Sujets : Quatorze des 17 patients acquittés pour
cause d'aliénation mentale après août 1990 (83 p.
100), 12 des 14 délinquants atteints de schizophrénie
et déclarés coupables d'homicide (86 p. 100) et 15 des
56 sujets ne souffrant pas de troubles mentaux (21 p. 100) ont accepté
de participer à l'étude.
Mesures : Les sujets du deuxième groupe, c'est-à-dire
les «sujets cibles», ont été soumis au test
SCID (Structured Clinical Interview for DSM Disorders). Le questionnaire
DIS (Diagnostic Interview Schedule) a été utilisé
pour établir un diagnostic de toxicomanie fondé sur les
antécédents de consommation de drogue ou d'alcool. La
Grille d'histoire d'agression physique contre la personne
(GHAP) a été utilisée pour mesurer les aspects
qualitatifs et quantitatifs des agressions contre la personne (ce type
d'agression était défini comme un acte comportant Lin
contact traumatique entre deux personnes, soit directement, soit au
moyen d'un objet). Les antécédents criminels ont été
déterminée à l'aide des casiers judiciaires de
la GRC. Les dossiers médicaux ont été utilisés
pour vérifier si les sujets avaient bien été acquittés
pour cause d'aliénation mentale et pour confirmer les diagnostics
de schizophrénie. Tous les sujets devaient avoir un Q.I. supérieur
à 70 sur l'échelle WAIS-R (Wide Range Achievement Tests).
Principaux résultats : Fait important, 60 p. 100
des délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux qui avaient
commis un homicide avaient des antécédents de toxicomanie
(dépendance à l'égard de la drogue ou de l'alcool),
comparativement à 36 p. 100 des délinquants acquittés
pour cause d'aliénation mentale. Une plus grande proportion des
deux groupes de délinquants déclarés coupables
d'homicide étaient susceptibles d'avoir commis ce crime sous
l'influence de l'alcool. ou de la drogue., comparativement au groupe
des délinquants acquittés pour cause d'aliénation
mentale. Aucune différence significative n'a été
constatée entre les groupes pour ce qui est du nombre moyen de
cas d'agression. Les auteurs ont constaté que les délinquants
acquittés pour cause d'aliénation mentale étaient
plus agressifs durant une phase aiguë de leur maladie que les délinquants
schizophrènes qui avaient été déclarés
coupables. Le nombre d'hospitalisations était le même pour
les deux groupes de délinquants reconnus coupables. mais les
délinquants chez qui on avait diagnostiqué, une schizophrénie
avaient été hospitalisés plus souvent après
le crime.
Conclusions : Le groupe des délinquants schizophrènes
déclarés coupables d'homicide était très
semblable au groupe des délinquants qui ne souffraient d'aucun
trouble mental majeur à l'égard de plusieurs variables,
dont l'âge au moment de la première condamnation, la consommation
de drogue ou d'alcool ou l'identification de la victime. Il était
semblable au groupe des délinquants acquittés pour cause
d'aliénation mentale à l'égard du Q.I., du diagnostic
de toxicomanie, du nombre d'hospitalisations, de l'âge ou la schizophrénie
était apparue et du choix de la victime. Ainsi, l'âge au
moment de la perpétration du premier acte criminel semblait être
le seul facteur qui permettait de distinguer les délinquants
reconnus coupables de ceux qui avaient été acquittés.
On a également constaté, que les personnes atteintes de
schizophrénie avaient commis plus jeunes des actes criminels
que celles acquittées pour cause d'aliénation mentale.
On peut donc envisager qu'à cause de cette criminalité
précoce, les schizophrènes ont été classifiés
comme criminels plutôt que comme malades mentaux.
Critique de la méthode : Les forces de cette étude
sont, notamment, l'évaluation des deux groupes de malades mentaux,
qui a été aussi approfondie qu'elle pouvait l'être.
Malheureusement, les auteurs ont commis un grand nombre d'erreurs méthodologiques.
Premièrement, il s'agissait d'une étude transversale et
l'échantillon était, de toute évidence, très
sélectif, car il était composé d'individus qui
étaient déjà considérés comme des
malades mentaux violents (dans le cas des deux groupes de schizophrènes).
Deuxièmement, les auteurs n'ont pas précisé comment
les délinquants acquittés pour cause d'aliénation
mentale avaient été sélectionnés. De plus,
le taux de participation des délinquants ne souffrant pas de
troubles mentaux était très faible. Les propriétés
psychométriques de la GHAP ne sont pas indiquées. Les
auteurs n'ont pas indique pourquoi ils ont utilisé le questionnaire
DIS pour établir le diagnostic plutôt que la section du
questionnaire SCID qui porte sur l'abus d'alcool et de drogue ou la
dépendance à l'égard de l'alcool ou de la drogue.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Bland, R.C., Newman, S.C., Dyck, R.J. et Orn, H. (1990). Prevalence of
psychiatric disorders and suicide attempts in a prison population,
Revue canadienne de psychiatric, vol. 35, p. 407-413.
Objectif : Estimer la prévalence de la
maladie mentale dans une population carcérale.
Méthode de recherche : Enquête transversale.
Lieu : Un centre de détention provisoire et un
établissement provincial (détenus purgeant une peine de
deux ans moins un jour) situés à Edmonton (Alberta) Canada.
Sujets : Un échantillon systématique composé
de 180 hommes.
Mesures : Le questionnaire DIS (Diagnostic Interview
Schedule).
Principaux résultats : La prévalence à
vie des troubles mentaux a été estimée à
92 p. 100. La toxicomanie, y compris l'alcoolisme, représentait
la majeure partie des cas (87 p. 100), la personnalité antisociale
représentait 57 p. 100 des cas et les troubles affectifs, 23
p. 100 des cas. La prévalence de la schizophrénie a été
estimée à 2 p. 100.
Conclusions : Il y avait un grand nombre de délinquants
atteints de troubles mentaux dans les prisons à l'étude,
mais la toxicomanie et les troubles de la personnalité représentaient
la majeure partie de ces troubles.
Critique de la méthode : Les forces de cette étude,
que très peu d'autres études dans le domaine possèdent,
reposent sur le choix d'un échantillon représentatif et
sur le fait que les auteurs ont pris soin de faire des comparaisons
appropriées par rapport à des données standardisées
relatives au sexe, à l'âge et aux estimations de la prévalence
de la maladie mentale au sein de la population générale
de la ville d'Edmonton. Malheureusement, les auteurs ont mêlé
deux types de population carcérale, c'est-à-dire celle
des centres de détention provisoire et celle des prisons, ce
qui peut avoir entraîné une surreprésentation des
cas de toxicomanie et de personnalité antisociale. En outre,
ils ont utilisé les critères diagnostiques du DIS (le
DIS est basé sur le DSM-III). L'utilisation de ces critères
a non seulement pour effet de surreprésenter les cas de personnalité
antisociale (trouble défini en fonction de la criminalité)
au sein des populations carcérales, mais aussi de sous-représenter
les autres troubles mentaux qui. sont plus fréquents au sein
de ce genre de population (troubles mentaux non inclus dans le DIS).
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Brownstone, D.Y et Swaminath, R.S. (1989). Violent behaviour and psychiatric
diagnosis in female offenders, Revue canadienne de psychiatric, vol. 34,
no 3, p. 190-194.
Objectif : Cette étude avait pour but
de vérifier les hypothèses selon lesquelles 1) les crimes
avec violence seraient associés à certains troubles mentaux,
2) l'âge au moment de l'admission serait associé au genre
de crime commis et l'âge au moment de l'admission serait associé
au trouble mental diagnostiqué, 3) les crimes commis par de jeunes
délinquantes comporteraient plus de violence que les crimes commis
par des délinquantes plus âgées et 4) le trouble diagnostiqué
serait relié à l'âge au moment de la première
admission dans un établissement psychiatrique ou du premier crime
commis.
Méthode de recherche : Examen rétrospectif
de dossiers médicaux.
Lieu : Le centre médico-légal d'un hôpital
psychiatrique de l'Ontario, Canada, qui est le seul centre pour les
délinquantes atteintes de troubles mentaux dans cette province.
Sujets : Toutes les femmes (91) placées dans ce
centre au cours d'une période de cinq ans, de janvier 1981 à
décembre 1985, pour l'une des raisons suivantes : évaluations
psychiatriques (47), acquittées pour cause d'aliénation
mentale ou déclarées inaptes à subir leur procès
(30), ordonnances de probation (5) ou transfèrements à
partir d'une prison à cause d'une maladie mentale (9).
Mesures : Les chercheurs ont utilisé une formule
spécialement conçue pour l'extraction des données.
Les diagnostics établis selon la CIM-9 ont été
vérifiés durant des réunions où des membres
d'équipes pluridisciplinaires en sont arrivés à
un consensus.
Principaux résultats : Dans 41,9 p. 100 des cas,
les sujets avaient des antécédents criminels consignés.
L'âge moyen au moment de la première condamnation était
de 21,5 ans. Des crimes avec violence avaient été commis
par 53,8 p. 100 des sujets. La majorité des sujets (72,6 p. 100)
avaient déjà été hospitalisés dans
un établissement psychiatrique et la moyenne d'âge au moment
de la première admission était de 24 ans. Un diagnostic
de psychose, le plus souvent la paranoïa, avait été
établi chez près de la moitié des sujets (42,9
p. 100). Un trouble de la personnalité, avait été
diagnostiqué chez 35 sujets (38,5 p. 100).
Conclusions : Les diagnostics de troubles de la personnalité
étaient plus fréquents chez les sujets âgés
de moins de 30 ans, alors que les diagnostics de psychose étaient
plus fréquents chez les sujets de plus de 30 ans. Il n'y avait
pas de lien entre l'âge et le fait que le crime ait été
commis avec ou sans violence. Il n'y avait pas de lien entre un type
de trouble et les crimes avec violence, et le genre de crime commis
n'était pas relié à l'âge au moment de la
perpétration du premier crime ni à l'âge au moment
de l'admission.
Critique de la méthode : La principale force de
cette étude réside dans le fait que c'est l'une des seules
études qui portent uniquement sur les femmes. Malheureusement,
comme les sujets ont été choisis dans un seul établissement,
les résultats ne peuvent être dits représentatifs
de l'ensemble des délinquantes. De plus, l'échantillon
était composé de délinquantes n'ayant pas toutes
le même «statut juridique». Ainsi, les personnes en
détention provisoire avant leur procès sont, par définition,
présumées innocentes. Celles qui sont acquittées
pour cause d'aliénation mentale ainsi que celles qui sont inaptes
à subir leur procès peuvent aussi être innocentes.
Par contre, les personnes à qui une peine a été
infligée, qui sont en probation ou en prison, ont été
reconnues coupables. Différents mécanismes de sélection
sont en place à chacun de ces niveaux pour déjudiciariser
certaines délinquantes, ce qui rend les résultats très
difficiles à interpréter.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Coid, B., Lewis, S.W. et Reveley, A.M. (1993). A twin study of psychoses
and criminality, British Journal of Psychiatry, vol. 162, p. 87-92.
Objectif : L'étude avait pour but de vérifier
quatre hypothèses : 1) si les taux de, criminalité sont
plus élevés chez les probants schizophrènes que chez
leurs jumeaux non atteints de schizophrénie, 2) si les taux de
criminalité sont plus élevés chez les jumeaux schizophrènes
que chez les jumeaux souffrant de psychose affective, 3) si les jumeaux
schizophrènes ont des habitudes criminelles caractéristiques
comparativement aux délinquants non atteints de schizophrénie
et 4) si la schizophrénie précède la criminalité.
Méthode de recherche : Une étude de suivi
rétrospective basée sur l'examen des dossiers médicaux
d'une série consécutive d'individus reconnus comme étant
des jumeaux (probants) et de leurs cojumeaux (frères ou soeurs
jumeaux) ayant pour but de vérifier les antécédents
criminels et psychiatriques.
Lieu : Un hôpital important de réputation
internationale situé dans le centre-ville de Londres, en Angleterre,
dans le cas des probants et pour le suivi dans la collectivité
des cojumeaux.
Sujets : La première analyse a visé 280
probants et la seconde (analyse de pairs), 220 couples de jumeaux. L'échantillon
total comptait 490 sujets. [(Les différences mathémathiques
sont dues à l'existence de doubles probants (jumeaux ayant tous
les deux un casier judiciaire)].
Mesures : La zygosité a été établie
par la comparaison sérologique ou par un questionnaire sur la
ressemblance physique. Les sujets ont été examinés
à l'aide du questionnaire SADS-L (Schedule for Affective Disorders
and Schizophrenia) et un diagnostic a été établi
suivant les critères du DSM et les critères diagnostiques
de recherche.
Principaux résultats : Selon les diagnostics établis,
dans le groupe des probants, 57,5 p. 100 des sujets souffraient d'un
trouble bipolaire, 35 p. 100 souffraient de schizophrénie, 2,5
p. 100 souffraient d'un trouble schizophréniforme, 2,5 p. 100
souffraient de paranoïa et 2,5 p. 100 étaient atteints d'une
psychose organique. Par contre. 50.4 p. 100 des cojumeaux ne souffraient
pas de troubles mentaux. Environ 33 p. 100 des cojumeaux souffraient
d'un trouble bipolaire et 9,7 p. 100 étaient atteints de schizophrénie
ou d'un trouble schizophréniforme. Parmi les 490 sujets faisant
partie de l'échantillon total, 16,9 p. 100 avaient été
condamnés au moins une fois au criminel et, dans le groupe des
probants, 21 p. 100 des sujets avaient un casier judiciaire. La proportion
de probants condamnés au criminel (25,7 p. 100) dépassait
considérablement la proportion correspondante chez leurs cojumeaux
respectifs (J 4 p. 100).
Conclusions : L'étude indique qu'il n'y a pas
de lien entre la zygosité et la criminalité. Chez les
sujets malades, il y avait une association significative entre le trouble
diagnostiqué et la criminalité. Une proportion plus élevée
d'hommes étaient criminels et schizophrènes, et une plus
grande proportion de schizophrènes étaient criminels.
Dans le groupe des probants, une plus grande proportion des schizophrènes
que des sujets souffrant d'un trouble bipolaire avaient un casier judiciaire.
et étaient plus violents. La maladie avait précédé
la criminalité dans 57,6 p. 100 des cas. Les auteurs ont conclu
que les condamnations au criminel étaient en augmentation chez
les psychotiques.
Critique de la méthode : Cette étude est
l'une des rares études où l'on a comparé la maladie
mentale et la criminalité chez des jumeaux. Les auteurs ont fait
de leur mieux pour trouver les antécédents de naissance
gémellaire chez les probants, pour trouver des cojumeaux, pour
vérifier la zygosité et pour vérifier les diagnostics
établis chez des cojumeaux. Les principales lacunes de cette
étude sont reliées à la longueur de la période
de suivi et à la difficulté de standardiser les méthodes
diagnostiques appliquées au cours de cette longue période
(40 ans). Elles sont reliées également à la surreprésentation
des hommes dans le groupe des schizophrènes. De plus, le fait
de ne pas posséder de données sur les antécédents
criminels a rendu difficile la comparaison des deux groupes. Les auteurs
ont conclu que les condamnations au criminel étaient en hausse
chez les psychotiques alors qu'ils n'avaient pas de groupe témoin
approprié.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Côté, G. et Hodgins, S. (1992). The prevalence of major
mental disorders among homicide offenders, International Journal
of Law and Psychiatry, vol. 15, p. 89-99.
Objectif : Estimer la prévalence à
vie des troubles mentaux majeurs chez les détenus d'un pénitencier
ayant été reconnus coupables d'homicide.
Méthode de recherche : Enquête transversale
basée sur un échantillon représentatif de sujets
et comparaison de délinquants ayant commis un homicide avec des
délinquants n'ayant pas commis d'homicide.
Lieu : Pénitenciers sis au Québec, Canada.
Sujets : Un échantillon représentatif composé
de 650 détenus, dont 460 (70,8 p. 100) ont été
interrogés, 87 de ces 460 détenus avaient été
reconnus coupables d'homicide.
Mesures : Version III-A du questionnaire DIS (Diagnostic
Interview Schedule). Soixante-neuf sujets ont été
interrogés à nouveau par un intervieweur différent
cinq semaines après le premier interview et la mesure kappa a
été établie à 0,78 pour le coefficient d'objectivité,
ce qui reflète une bonne uniformité entre les intervieweurs.
Principaux résultats : En tout, 109 sujets souffraient
d'un trouble mental majeur. En appliquant les critères d'exclusion
du DSM-III pour n'obtenir qu'un diagnostic majeur par sujet, les chercheurs
ont constaté qu'une plus grande proportion des sujets qui avaient
commis un homicide (35 p. 100) souffraient d'un trouble mental majeur,
généralement la schizophrénie, car ce taux était
de 21 p. 100 chez les sujets n'ayant pas commis d'homicide. Lorsque
les critères d'exclusion du DSM-III ont été assouplis,
la dépression majeure à répétition caractérisait
davantage les délinquants ayant commis un homicide. Dans 82 p.
100 des cas de schizophrénie et 83 p. 100 des cas de dépression
majeure, l'apparition du trouble mental avait précédé
l'homicide.
Conclusions : La prévalence à vie des troubles
mentaux est plus élevée chez les délinquants de
sexe masculin reconnus coupables d'homicide que chez les autres types
de délinquants. Dans la majorité des cas, l'apparition
du trouble mental avait précédé le crime.
Critique de la méthode : La principale force de
cette étude réside dans le fait que les chercheurs
ont utilisé un échantillon représentatif Malheureusement,
les sujets ont été choisis surtout dans une population
d'individus qui avaient déjà été reconnus
coupables d'une infraction, de sorte que les résultats ne reflètent
pas les manifestations plus générales de la violence.
L'utilisation du DSM-III et du questionnaire DIS présente des
problèmes à cause des relations de dépendance entre
la définition de la maladie mentale et celle de la violence.
Bien que l'ordre temporel des facteurs ait pu être établi,
les résultats ne peuvent être appliqués à
l'ensemble des individus violents.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Feder, L. (1991). A comparison of the community adjustment of mentally
ill offenders with those from the general prison population, Law
and Human Behaviour, vol. 15, no 5, p. 477-493.
Objectif : Comparer la réinsertion sociale
de délinquants atteints de troubles mentaux avec la réinsertion
sociale de délinquants normaux faisant partie d'une groupe témoin
et de déterminer dans quelle mesure les différences constatées
entre les groupes étaient attribuables à la maladie mentale.
Méthode de recherche : Étude longitudinale
prospective comportant une période de suivi de 18 mois après
la mise en liberté des délinquants.
Lieu : New York, États-Unis.
Sujets : Les sujets à l'étude étaient
400 délinquants ne souffrant pas de troubles mentaux et 147 délinquants
atteints de troubles mentaux qui avaient été mis en liberté
entre le 30 juillet 1982 et le , 1er septembre 1983.
Mesures : Selon les définitions adoptées
par les chercheurs, les délinquants atteints de troubles mentaux
étaient ceux qui avaient dû être hospitalisés
dans un établissement psychiatrique durant leur incarcération.
L'auteur ne donne pas de précisions sur les critères diagnostiques.
Les délinquants non atteints de troubles mentaux étaient
ceux qui n'avaient pas eu besoin de ce genre d'hospitalisation. Comme
l'auteur l'a souligné' certains sujets du groupe témoin
pouvaient avoir souffert d'une maladie mentale qui n'était pas
évidente aux yeux du personnel de la prison ou qui n'a pas nécessité
d'hospitalisation.
Principaux résultats : La proportion des délinquants
arrêtés pour un crime avec violence était plus élevée
chez les délinquants atteints de troubles mentaux que chez les
autres délinquants. De plus, certaines différences ont
été relevées entre les deux groupes à l'égard
des variables démographiques et des antécédents.
Au cours de la période de suivi, 64 p. 100 des délinquants
atteints de troubles mentaux et 60 p. 100 des autres délinquants
se sont fait arrêter à nouveau au moins une fois. En ce
qui concerne les crimes avec violence, les taux de nouvelle arrestation
sont de 19 p. 100 chez les délinquants atteints de troubles mentaux
et 15 p. 1 00 chez les autres délinquants. Ces différences
n'étaient toutefois pas statistiquement significatives. La proportion
des délinquants arrêtés à nouveau pour des
infractions liées à la drogue était significativement
moins élevée chez les délinquants atteints de troubles
mentaux que chez les autres délinquants.
Des différences ont été constatées entre
les deux groupes pour ce qui est de l'issue des arrestations dans les
cas de crime sans violence; les délinquants atteints de troubles
mentaux étaient moins souvent emprisonnés et plus souvent
dirigés vers le système de santé mentale. Aucune
différence de ce genre n'a été observée
dans le cas des crimes avec violence, ce qui indique que les représentants
du système de justice pénale ont un pouvoir discrétionnaire
moins grand lorsqu'il s'agit d'infractions graves. Lorsque (les techniques
statistiques ont été appliquées pour contrôler
la variable «antécédents criminels», les seuls
facteurs permettant d'établir des différences significatives
entre les groupes à l'égard des arrestations ultérieures
étaient l'âge et les arrestations antérieures. Il
n'y avait pas de différence significative par rapport
à l'état mental.
Conclusions : À l'exception des infractions liées
à la drogue, qui étaient moins fréquentes chez
les délinquants atteints de troubles mentaux, l'état mental
ne permettait pas d'expliquer les variations dans le nombre d'arrestations
ultérieures pour des crimes avec violence oui d'autres types
de crime. Les principales variables explicatives étaient le jeune
âge et les arrestations antérieures. Cependant, ces deux
variables réunies n'expliquaient que 8 p. 100 de la variation
totale, ce qui indique qu'il y a de nombreux fauteurs autres que ceux
étudiés ici qui ont une influence sur la réinsertion
sociale.
Critique de la méthode : Le fait que les chercheurs
aient utilisé le critère d'hospitalisation en milieu psychiatrique
pour répartir les sujets en deux groupes et la possibilité
conséquente que certains des sujets du groupe témoin aient
souffert d'une maladie mentale sans avoir été hospitalisés
expliquent peut-être le peu de différences observées
entre les groupes à l'égard de la réinsertion sociale.
Le problème serait d'autant plus grave s'il y avait une forte
proportion de sujets du groupe témoin qui avaient un problème
de toxicomanie qui n'était pas de nature à justifier une
hospitalisation dans un établissement psychiatrique, mais qui
a été associé dans d'autres études à
un taux de criminalité plus élevé après
la mise en liberté.
Causalité : Étant donné que les
échantillons ont été prélevés dans
des populations carcérales, les résultats de cette étude
ne peuvent être utilisés pour établir un lien causal.
Gingell, C.R. (1991). The criminalization of the mentally ill : An examination
of the hypothèses, thèse de doctorat, Simon Fraser
University, Burnaby (Colombie-Britannique).
Objectif : Établir des estimations de la
prévalence de la maladie mentale et examiner la valeur de l'hypothèse
de la criminalisation.
Méthode de recherche : Étude transversale.
Lieu : Une prison locale de Vancouver (Colombie-Britannique)
Canada.
Sujets : Un échantillon non représentatif
composé de 317 sujets admis consécutivement à la
prison, dans lequel on a prélevé un sous-groupe de sujets
considérés comme «très susceptibles d'être
atteints d'une maladie mentale» et qui ont fait l'objet d'une
étude plus approfondie. Un second groupe de 107 détenus
formant un échantillon aléatoire stratifié a été
prélevé dans la population carcérale générale.
Mesures : L'échelle d'évaluation psychiatrique
BPRS (Brief Psychiatric Rating Scale) et le questionnaire DIS
(Diagnostic Interview Schedule) ont été appliqués
à un sous-groupe de détenus sélectionnés.
Principaux résultats : La prévalence de
la schizophrénie était élevée dans les deux
groupes, soit respectivement 8 et 13 p. 100.
Conclusions : L'auteur a conclu que les résultats
obtenus confirmaient l'hypothèse de la criminalisation. De nombreux
malades mentaux, surtout ceux qui souffrent d'un trouble mental grave,
se retrouvent en prison.
Critique de la méthode : Le questionnaire DIS
est considéré comme inapproprié pour ce genre de
population, étant donné la relation de dépendance
pouvant exister entre les symptômes et les infractions criminelles,
car certains symptômes entraînent des actes de violence.
Par ailleurs, cette étude présente des problèmes
sur le plan méthodologique, eu égard à la stratégie
d'échantillonnage utilisée et au mode de sélection
particulier des sujets, qui ont été choisis à partir
d'un premier groupe. Ainsi, en plus du biais de sélection, il
est possible qu'il y ait eu un biais d'origine «subjective»
relié à l'intervention du chercheur.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Grunberg, F., Klinger, B.1. et Grumet, B. (1977). Homicide and deinstitutionalization
of the mentally ill, American Journal of Psychiatry, vol. 134, no
6, p. 685-687.
Objectif : Déterminer s'il y a eu une augmentation
disproportionnée des crimes commis par des malades mentaux et si
cette augmentation est attribuable à la désinstitutionnalisation.
Méthode de recherche : Examen rétrospectif
de dossiers.
Lieu : Un petit comté de l'État de New
York, aux États-Unis.
Sujets : Les 48 cas d'homicide, dont les auteurs ont
été condamnés ou acquittés pour cause d'aliénation
mentale, ont été choisis dans les dossiers du procureur
du comté au cours de la période allant du 1er
janvier 1963 au 31 décembre 1975.
Mesures : Les sujets ont été répartis
en quatre groupes : les sujets déclarés coupables et ayant
déjà été hospitalisés dans un établissement
psychiatrique, ceux déclarés coupables et n'ayant jamais
été hospitalisés dans un établissement psychiatrique,
ceux acquittés pour cause d'aliénation mentale ayant déjà
été hospitalisés dans un établissement psychiatrique
et ceux acquittés pour la même raison et n'ayant jamais
été hospitalisés dans un établissement psychiatrique.
Les données recueillies se rapportaient à deux périodes
: avant 1969, l'année où le centre psychiatrique communautaire
du comté a ouvert ses portes, et a près 1969.
Principaux résultats : La proportion des sujets
déclarés coupables et n'ayant jamais souffert de troubles
mentaux est demeurée stable au cours des deux périodes,
alors que le nombre des sujets acquittés pour cause d'aliénation
mentale et ayant déjà été hospitalisés
était six fois plus élevé au cours de la deuxième
période.
Conclusions : Il est possible qu'il y ait un lien entre
la maladie mentale et la violence (homicide) et que ce lien soit attribuable
aux politiques de désinstitutionnalisation.
Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude
intéressante, étant donné la façon dont
les chercheurs ont opérationnalisé leurs concepts. Cependant,
l'étroitesse de l'échantillon est problématique.
De plus, la maladie mentale a été définie en des
termes très généraux (les sujets acquittés
pour cause d'aliénation mentale ou ceux ayant déjà
été hospitalisés dans un établissement psychiatrique)
tandis que la criminalité a été définie
uniquement en fonction de l'homicide. Les chercheurs n'ont pas pris
en considération les autres facteurs qui auraient pu avoir un
lien avec les homicides.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Guze, S.B., Goodwin, D.W. et Crane, J.B. (1969). Criminality and psychiatric
disorders, Archives of General Psychiatry, vol. 20, p. 583-591.
Objectif : Déterminer la prévalence
des troubles mentaux et mesurer les associations entre la maladie mentale
et la criminalité.
Méthode de recherche : Étude de suivi longitudinale.
Lieu : Les sujets ont fait l'objet d'un suivi au cours
d'une période de huit à neuf ans, dans diverses collectivités
des États-Unis.
Sujets : L'échantillon comprenait 223 criminels
en liberté conditionnelle, dont 94 p. 100 ont fait l'objet d'un
suivi, les autres n'ayant pu être trouvés.
Mesures : Les données ont été recueillies
dans le cadre d'interviews structurées avec les sujets (questionnaire
conçu pour l'établissement d'un diagnostic) et d'interviews
avec les membres de la famille. La criminalité a été
mesurée en fonction des condamnations pour crime.
Principaux résultats : La sociopathie, la dépendance
à l'égard de la drogue et l'alcoolisme étaient
les trois facteurs les plus souvent associés à la criminalité.
La schizophrénie, les troubles affectifs et le syndrome cérébral
organique n'étaient pas plus fréquents chez les sujets
que dans la population générale.
Conclusions : Le risque de commettre un crime est plus
élevé chez les personnes souffrant de sociopathie ou d'une
dépendance à l'égard de l'alcool ou de la drogue.
Critique de la méthode : En dépit des efforts
fort considérables déployés par les chercheurs,
les principales lacunes de cette étude résident dans les
catégories diagnostiques utilisées, le genre d'instruments
utilisés et l'absence de contrôle statistique à
l'égard des autres facteurs qui pouvaient avoir un lien avec
la criminalité. Comme l'échantillon était composé
de sujets criminels, on peut présumer que les chercheurs avaient
plus de chances de trouver des associations positives. L'ordre temporel
des facteurs n'a pas été clairement établi, de
sorte qu'il est possible que la maladie mentale soit apparue après
le crime dans certains cas.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Hodgins, S. et Côté, G. (1993). The criminality of mentally
disordered offenders, Criminal Justice and Behaviour, vol. 20, no
2, p. 115-129.
Objectif :, Vérifier deux hypothèses
: 1) si les détenus atteints de troubles mentaux, comparés
aux autres détenus, ont été condamnés plus
souvent et, notamment, plus souvent pour des infractions avec violence
et 2) si, chez les détenus atteints de troubles mentaux, ceux qui
ont une personnalité antisociale en plus d'un autre trouble ont
été condamnés plus souvent pour diverses infractions
et plus souvent également pour des infractions avec violence.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué
leur méthode de recherche, mais la méthode de collecte
des données permet de croire qu'ils ont utilisé un échantillon
transversal qu'ils ont divisé en deux groupes à des fins
de comparaison, C'est-à-dire les détenus atteints de troubles
mentaux et ceux qui ne l'étaient pas.
Lieu : Un important pénitencier fédéral
canadien situé au Québec (établissement carcéral
pour les détenus purgeant une peine de plus de deux ans).
Sujets : Un échantillon représentatif (461
sujets) choisi parmi tous les détenus de sexe masculin (2 972)
se trouvant au pénitencier à la date de l'enquête
(13 avril 1988). En tout, 107 sujets étaient atteints de troubles
mentaux et 349 ne l'étaient pas.
Mesures : La version III-A du DIS (Diagnostic Interview
Schedule) a été utilisée pour évaluer
tous les sujets. Les détenus d'un sous-échantillon ont
été examinés à nouveau avec le même
instrument, par un intervieweur différent, cinq semaines plus
tard, et le coefficient d'objectivité s'est avéré
bon (kappa=0,78).
Principaux résultats : Les détenus atteints
de troubles mentaux n'avaient pas été condamnés
plus souvent, ni pour des crimes divers ni pour des crimes avec violence,
que les détenus ne souffrant pas de troubles mentaux. Chez les
détenus atteints de troubles mentaux chez qui on avait constaté
une comorbidité (un trouble mental grave en plus du trouble de
la personnalité antisociale), le nombre de condamnations était
plus élevé, mais il n'y avait pas de différence
pour ce qui est des condamnations pour des infractions avec violence.
Critique de la méthode : Les résultats
de cette étude donnent à penser que les délinquants
atteints de troubles mentaux ne seraient pas traités différemment
des autres délinquants au sein du système de justice pénale.
Cependant, on ne sait si cette conclusion pourrait s'appliquer à
des sujets non placés en établissement.
Causalité: Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Hodgins, S. et Hébert J. (1984). Une étude de relance auprès
de malades mentaux ayant commis des actes criminels, Revue canadienne
de psychiatric, vol. 29, no 8, p. 669-675.
Objectif : Exercer un suivi auprès de délinquants
déclarés inaptes à subir un procès ou acquittés
pour cause d'aliénation mentale et comparer ceux qui ont été
placés dans un hôpital psychiatrique à sécurité
maximale avec ceux qui ont été placés dans un autre
hôpital psychiatrique ou une unité de psychiatrie d'un hôpital
général.
Méthode de recherche : Une étude historique
de cohortes et une période de suivi de sept à neuf ans.
Lieu : Un hôpital psychiatrique à sécurité
maximale, six autres hôpitaux psychiatriques et les unités
de psychiatrie de treize hôpitaux généraux de la
province de Québec, au Canada.
Sujets : Deux cent vingt-cinq sujets, c'est-à-dire
a) toutes les personnes ayant été déclarées
inaptes à subir un procès et b) toutes celles acquittées
pour cause d'aliénation mentale au cours d'une période
de trois ans (1973 à 1975).
Mesures : Les données ont été recueillies
dans les dossiers médicaux, dans les dossiers de la Gendarmerie
royale du Canada (GRC) ou auprès de la Commission d'examen du
Québec.
Principaux résultats : Le fait d'être socialement
défavorisé était un dénominateur commun
aux groupes à l'étude. À l'exception de l'endroit
où le crime avait été commis, il n'y avait pas
de différences entre les groupes à l'égard des
variables importantes (comme la destination du sujet après l'hospitalisation,
la durée de son traitement en clinique externe et sa profession).
Trente pour cent des sujets avaient été soignés
à l'hôpital à sécurité maximale. La
majorité des sujets violents, en général des hommes,
avaient été admis à cet hôpital.
Conclusions : La majorité des sujets qui avaient
été acquittés pour cause d'aliénation mentale
souffraient de schizophrénie. Durant la période de suivi,
27,5 p. 100 des sujets ont commis un crime, plus précisément
25,9 p. 100 de ceux admis à l'hôpital psychiatrique à
sécurité maximale et 33,9 p. 100 de ceux admis aux autres
établissements. En général, ces patients n'ont
pas bénéficié d'un suivi médical approprié
dans la collectivité, et peu de moyens ont été
mis à leur portée pour favoriser leur réinsertion
sociale.
Critique de la méthode : Les résultats
de cette étude illustrent très bien les problèmes
que pose la réinsertion sociale des patients qui sortent des
hôpitaux psychiatriques. Cependant, l'étude comporte des
lacunes qui sont courantes dans les études de suivi rétrospectives,
notamment le fait de devoir s'appuyer sur des données rassemblées
par de nombreux codeurs, des diagnostics établis par un grand
nombre de cliniciens inconnus et des renseignements fournis par de nombreuses
personnes. Par ailleurs, on ne sait pas très bien sur quelle
hypothèse de départ les chercheurs se sont appuyés
pour choisir les deux groupes à l'étude, et les objectifs
de l'étude ont été formulés de façon
très générale.
Causalité: L'étude avait pour but d'examiner
comment les deux groupes de malades mentaux à l'étude
s'étaient comportés après leur sortie de l'hôpital,
et non de vérifier des associations entre des variables. Par
conséquent, aucune conclusion ne peut être tirée
au sujet d'une relation présumée entre la maladie mentale
et la violence.
Lamb, H.R. et Grant, R.W. (1982). The mentally ill in an urban county
jail, Archives of General Psychiatry, vol. 39, p. 17-22.
Objectif : Examiner les manifestations de la maladie
mentale et le type d'infractions criminelles commises pour vérifier
la théorie de la «criminalisation».
Méthode de recherche : Étude transversale.
Lieu : Une prison de comté pour hommes dans une
grande agglomération urbaine des États-Unis.
Sujets : Un échantillon aléatoire (102)
prélevé parmi tous les détenus qui ont été
dirigés vers l'unité médico-légale de la
prison pour une évaluation psychiatrique.
Mesures : Les auteurs n'ont pas mentionné les
mesures qu'ils ont utilisées, mais ils ont examiné les
sujets à l'aide du DSM-III.
Principaux résultats : Quatre-vingt-dix pour cent
des sujets avaient été hospitalisés dans des établissements
psychiatriques antérieurement et 92 p. 100 avaient déjà
été arrêtés. Plus de la moitié des
sujets étaient accusés d'un crime et 39 p. 100 de ce nombre
étaient accusés d'un crime avec violence. Une forte proportion
des sujets (78 p. 100) avaient des antécédents de violence
physique grave. L'hospitalisation dans un établissement psychiatrique
avait été recommandée dans 76 p. 100 des cas.
Conclusions : Cette population était caractérisée
par des contacts fréquents avec le système de justice
et le système de santé mentale, des troubles mentaux graves
aigus ou chroniques et des problèmes de fonctionnement social.
Critique de la méthode : Il est difficile de comprendre
comment les résultats de cette étude, qui sont basés
sur un échantillon très sélectif composé
de détenus dirigés vers une unité spéciale
aux fins d'une évaluation médico-légale, pourraient
être utilisés pour vérifier la thèse de la
criminalisation.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Lamb, H.R., Weinberger, L.E. et Gross, B.H. (1988). Court-mandated communityoutpatient
treatment for persons found not guilty by reason of insanity : A five yearfollow-up,
American Journal of Psychiatry, vol. 145, no 4, p. 450-456.
Objectif : Étudier la réinsertion
sociale des personnes acquittées pour cause d'aliénation
mentale et inscrites à un programme pour les patients en consultation
externe.
Méthode de recherche : Étude de suivi longitudinale
et prospective portant sur une période de cinq ans se terminant
le 31 décembre 1985.
Lieu : Programme de mise en liberté sous condition
du Département de la santé, de Los Angeles, Californie,
États-Unis.
Sujets : Soixante-dix-neuf sujets acquittés pour
cause d'aliénation mentale entre le , 1er juillet
1979 et le 31 décembre 1980, qui ont été inscrits
à un programme de surveillance et de traitement dans la collectivité.
Mesures : La réinsertion sociale a été
mesurée en fonction des taux d'arrestation, d'hospitalisation
et de révocation.
Principaux résultats : Au cours de la période
de suivi, 32 p. 100 des sujets ont été arrêtés
à nouveau (72 p. 100 pour des crimes avec violence) et 47 p.
100 ont été hospitalisés. De plus, la liberté
conditionnelle a été révoquée dans le cas
de 48 p. 100 des sujets libérés en vertu de ce régime.
Conclusions : Cette population a besoin d'être
surveillée et de recevoir un traitement à long terme dans
la collectivité.
Critique de la méthode : Bien que les auteurs
aient été prudents dans l'analyse du paramètre
général de leur étude de suivi, l'échantillon
était de toute évidence très sélectif, tant
du point de vue de la criminalité, dans ce cas-ci des crimes
graves avec violence, que du point de vue de la maladie mentale. Les
auteurs indiquent qu'une forte proportion des sujets ont été
arrêtés à nouveau pour des crimes avec violence
durant la période de suivi, mais ils n'indiquent pas les motifs
des autres arrestations et des révocations, de sorte qu'on ne
sait pas dans quelle proportion des cas il s'agissait d'un crime mineur.
Causalité : Compte tenu des biais de sélection
et de l'absence de contrôle statistique à l'égard
des facteurs de confusion possibles, on ne peut se baser sur les résultats
de cette étude pour tirer des conclusions sur la question du
lien de causalité entre la maladie mentale et la criminalité.
Larkin, E., Murtagh S. et Jones, S. (1988). A preliminary study of violent
incidents in a Special Hospital (Rampton), British Journal of Psychiatry,
vol. 153, p. 226-231.
Objectif : Étudier la nature, le type,
le lieu, le nombre, la gravité et l'objet de tous les incidents
de violence qui se sont produits dans les sections d'une unité
à sécurité maximale d'un établissement du
Royaume-Uni et comparer les résultats obtenus avec les données
recueillies dans le cadre d'études semblables menées dans
des hôpitaux généraux.
Méthode de recherche : Une étude prospective
d'une durée de six mois portant sur tous les incidents de violence.
Lieu : Une unité à sécurité
maximale prévue aux termes de la loi pour les patients soumis
à la détention et ayant besoin d'un traitement dans des
conditions de sécurité spéciales compte tenu du
danger qu'ils présentent ou de leur propension à la violence
ou à la criminalité.
Sujets : L'étude a porté principalement
sur tous les incidents de violence (N=l 144) qui se sont produits au
cours de la période de six mois à l'étude (plutôt
que sur les individus violents).
Mesures : Les données ont été recueillies
à l'aide d'un questionnaire spécialement conçu
à cette fin. La violence a été définie comme
tout acte ayant causé des blessures ou des dommages matériels.
Principaux résultats : Les chercheurs ont étudié
1 144 incidents de violence (taux de déclaration de 60 p. 100
dans les unités pour femmes et de 80 p. 100 dans les unités
pour hommes). Les femmes représentaient 25 p. 100 de la population
totale, mais étaient à l'origine de 75 p. 100 du nombre
total d'incidents. Le personnel infirmier était trois fois plus
souvent la cible des agressions.
Conclusions : Comme on pouvait s'y attendre, les incidents
de violence étaient plus fréquents dans l'unité
à sécurité maximale et il s'agissait d'actes de
violence plus graves, qui causaient des blessures plus graves.
Critique de la méthode : Il s'agit d'une bonne
étude prospective sur la violence chez les patients hospitalisés,
dans le présent cas des patients d'une unité à
sécurité maximale. Cependant, par définition, ces
unités accueillent les malades mentaux les plus gravement atteints
et les plus violents et ceux qui ont été reconnus coupables
d'un acte criminel. Il s'agissait donc d'un échantillon très
sélectif, car il était composé d'individus qui
étaient à la fois criminels et atteints de troubles mentaux.
Bien que l'étude fût prospective, les auteurs n'ont fait
aucune affirmation sur la relation entre le diagnostic établi
et la violence, ou sur la corrélation entre la maladie mentale
et le type de violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Lindqvist, P. (1986). Criminal homicide in Northern Sweden 1970-1981
: Alcohol intoxication, alcohol abuse and mental illness, International
Journal of Law and Psychiatry, vol. 8, p. 19-37.
Objectif : Examiner les cas d'homicide, déterminer
la fréquence de l'intoxication alcoolique et de la maladie mentale
chez les meurtriers et comparer les homicides commis sous l'effet de l'alcool
avec ceux commis par des individus sobres.
Méthode de recherche : Examen de dossiers.
Lieu : Une petite région peu peuplée de
la Suède.
Sujets : Tous les délinquants ayant commis un
homicide dans la région au cours de la période à
l'étude (64 délinquants et 71 victimes), c'est-à-dire
du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1980.
Mesures : Les données ont été recueillies
dans des dossiers.
Principaux résultats : Le taux d'homicide a été
estimé à 0,17 p. 100. Dans 44 p. 100 des cas, la victime
et le meurtrier étaient en état d'ivresse. Dans la majeure
partie des cas, la victime avait un lien de parenté avec le délinquant.
Soixante-trois pour cent des délinquants avaient déjà
reçu des soins psychiatriques dans le passé. Une proportion
importante des sujets (30 p. 1 00) avaient un problème d'abus
d'alcool, et une proportion additionnelle (27 p. 100) étaient
atteints d'une maladie mentale. Dix-neuf sujets étaient sobres
lorsqu'ils ont commis leur homicide et n'avaient pas d'antécédents
criminels.
Conclusions : L'alcool est un facteur important dans
les homicides.
Critique de la méthode : Le principal problème
que présente cette étude est la méthode qui a été
appliquée pour vérifier si les sujets étaient ivres
au moment du crime. Dans certains cas, ce renseignement a été
obtenu auprès d'un tiers plutôt qu'en consultant des rapports
indiquant le taux d'alcoolémie (concentration d'alcool dans le
sang). L'auteur n'a pas fait état de la qualité des renseignements
contenus dans les dossiers, de sorte qu'on ignore dans quelle mesure
il y a eu sous-déclaration dans les cas d'alcoolisme ou de maladie
mentale. En outre, comme on ne sait pas combien de temps s'est écoulé
entre le crime et l'arrestation, il est impossible de confirmer l'association
entre la consommation d'alcool et le crime.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Martell, D.A. et Dietz, P.E. (1992). Mentally disordered offenders who
push or attempt to push victims onto the subway tracks in New York
City, Archives of General Psychiatry, vol. 49, p. 472-475.
Objectif: Cerner les caractéristiques des
individus qui poussent leurs victimes sur les rails du métro.
Méthode de recherche : Examen descriptif d'une
série de cas à partir des dossiers.
Lieu : Le New York State Office of Mental Health, situé
dans la ville de New York, aux États-Unis.
Sujets : Des données ont pu être obtenues
sur 20 sujets (sur un total de 26).
Mesures : Les données ont été recueillies
dans des dossiers selon un protocole structuré.
Principaux résultats : Dix-neuf des 20 sujets
(95 p. 100) étaient atteints d'un trouble mental au moment
du crime et avaient déjà été admis dans
un hôpital psychiatrique (71 p. 100 de cas de schizophrénie).
Soixante-cinq pour cent des sujets étaient des sans-abri.
Conclusions : Le fait d'être un sans-abri et la
maladie mentale semblent être des facteurs importants dans ce
genre de crime.
Critique de la méthode : Cette étude est
intéressante, mais l'échantillon était très
petit et très sélectif et il n'y avait pas de groupe témoin.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
McKnight, C.K., Mohr, J.W., Quinsey, R.E. et Erochko, J. (1966). Mental
illness and homicide, Revue de l'Association des psychiatres du Canada,
vol. 11, no 3, p. 91-98.
Objectif : Étudier les caractéristiques
démographiques, criminologiques et cliniques des délinquants
ayant commis un homicide.
Méthode de recherche : Examen rétrospective
de dossiers.
Lieu : Un hôpital à sécurité
maximale de la province de l'Ontario, au Canada.
Sujets : Cent délinquants ayant commis un homicide
et ayant été placés dans cet hôpital par
ordonnance d'une cour durant une période s'étalant sur
trente ans.
Mesures : Les renseignements ont été recueillis
dans les dossiers médicaux.
Principaux résultats : La majorité des
sujets (81 p. 100) avaient été accusés de
meurtre plutôt que d'homicide involontaire coupable. Vingt-sept
pour cent d'entre eux ont été acquittés pour cause
d'aliénation mentale. Un diagnostic de schizophrénie a
été établi chez 57 p. 100 des sujets et, de ce
nombre, 40 p. 100 étaient atteints de schizophrénie
paranoïde. En ce qui concerne l'âge au moment de l'infraction,
la plus forte proportion des sujets avait de 30 à 35 ans.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que le crime le
plus grave, le meurtre, semblait être plus souvent commis par
des patients atteints de schizophrénie.
Critique de la méthode : Cette étude ne
présente pas d'intérêt particulier. Elle consistait
en un examen de dossiers au cours d'une longue période et portait
sur une population d'individus qui, par définition, étaient
à la fois des criminels et des malades mentaux, et ce au niveau
le plus grave tant pour la maladie mentale que pour la criminalité.
L'échantillon était très sélectif, les instruments
de mesure utilisés n'étaient pas standardisés et
les auteurs n'ont pas fait d'observations sur la qualité des
données, qui était généralement fort médiocre
dans les anciens dossiers. Les auteurs ont tiré des conclusions
qui dépassaient de beaucoup la portée des données
recueillies dans le cadre de cette étude très descriptive.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
McMain, S., Webster, C.D. et Menzies, R.J. (1989). The post-assessment
careers of mentally disordered offenders, International Journal of
Law and Psychiatry, vol. 12, p. 189-201.
Objectif : Mener une étude préliminaire
visant à recueillir des données sur les antécédents
psychiatriques et le fonctionnement des délinquants atteints de
troubles mentaux dans la collectivité au cours d'une longue période.
Méthode de recherche : Étude prospective
de cohortes comprenant le suivi de délinquants ayant reçu
leur congé de l'hôpital après une évaluation
médico-légale.
Lieu : Suivi, dans la collectivité, de patients
ayant reçu leur congé d'un des hôpitaux psychiatriques
de Toronto (Ontario) Canada.
Sujets : Deux cents patients ayant fait l'objet d'une
évaluation médico-légale en 1979, à Toronto,
ont fait l'objet d'un suivi au cours d'une période de six ans.
Mesures : Les renseignements ont été recueillis
dans les dossiers des hôpitaux psychiatriques et des Services
correctionnels.
Principaux résultats : Quatre-vingt-douze pour
cent des sujets ont été incarcérés ou hospitalisés
au moins une fois au cours de la période de suivi et la majorité
ont fait plusieurs séjours en établissement, séjours
dont la fréquence a diminué à mesure que la période
de suivi avançait. Seulement 8 p. 100 des sujets ont pu éviter
l'hospitalisation et la réincarcération.
Conclusions : Il est possible qu'il y ait un lien entre
le fait qu'un sujet fasse l'objet d'une évaluation médico-légale
et qu'il fasse plusieurs séjours en établissement au cours
des années qui suivent.
Critique de la méthode : Il s'agit d'un rapport
préliminaire portant sur la réinsertion sociale de malades
mentaux ayant fait l'objet d'une évaluation médico-légale.
Étant donné qu'il n'y avait pas de groupe témoin
composé de personnes n'ayant pas fait l'objet d'une évaluation
médico-légale, les conclusions qu'a tirées l'auteur
dépassent la portée des résultats de l'étude.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Menzies, R.J. et Webster, C.D. (1987). Where they go and what they do:
The longitudinal careers of forensic patients in the medicolegal
complexe Revue canadienne de criminologie, vol. 29, p. 275-293.
Objectif : Retracer le cheminement des malades
mentaux ayant fait l'objet d'une évaluation médico-légale,
après cette évaluation.
Méthode de recherche : Étude de cohortes
longitudinale et prospective comportant une période de suivi
de deux ans.
Lieu : La collectivité et des hôpitaux psychiatriques
de la région métropolitaine de Toronto, au Canada.
Sujets : Le groupe à l'étude était
composé de 571 sujets ayant reçu leur congé
d'une unité médico-légale de Toronto en 1978.
Mesures : Les données ont été recueillies
dans les dossiers des hôpitaux et des organismes correctionnels.
Principaux résultats : Au cours de la période
de suivi, le quart des sujets ont été réincarcérés
ou réadmis à l'hôpital plusieurs fois, 36 p. 100
ont été réincarcérés, mais n'ont
pas été hospitalisés à nouveau, et 25 p.
100 ont été réadmis à l'hôpital, mais
n'ont pas été réincarcérés. Près
du quart des sujets (24,4 p. 100) ont fait l'objet de plusieurs évaluations
médico-légales. Le tiers des sujets ont manifesté
un comportement agressif au cours de cette période, et plus de
la moitié d'entre eux ont manifesté ces comportements
dans la collectivité.
Conclusions : Les détentions provisoires aux fins
d'une évaluation médico-légale constituent un problème
systémique pouvant être relié au caractère
cyclique de ces détentions et des placements en établissement.
Critique de la méthode : L'une des forces de cette
étude réside dans le suivi prospectif du groupe de patients
à l'étude. Cependant, il n'y avait pas de groupe témoin.
Par conséquent, les auteurs ne peuvent offrir de preuves à
l'appui de l'affirmation selon laquelle il y aurait un problème
systémique qui favoriserait la répétition des détentions
provisoires et des placements en établissement. Les auteurs n'ont
pas examiné une autre hypothèse, c'est-à-dire que
les placements répétitifs en établissement seraient
dus à des problèmes de santé mentale récurrents.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Nestor, P.G. (1992). Neuropsychological and clinical correlates of murder
and other forms of extreme violence in a forensic psychiatric population,
The Journal of Nervous and Mental Disease, vol. 180, no
7, p. 418-423.
Objectif : Examiner la relation entre les troubles
neuropsychologiques et la violence grave.
Méthode de recherche : Examen rétrospectif
de dossiers.
Lieu : Un hôpital psychiatrique à sécurité
maximale dont l'emplacement géographique n'a pas été
précisé.
Sujets : Quarante patients soumis à une évaluation
neuropsychologique entre 1987 et 1989. Les sujets ont été
répartis en deux groupes selon leur âge : les sujets du
premier groupe (N=22) avaient moins de 25 ans (19,3 ans en moyenne)
et ceux du second groupe (N= 18) avaient plus de 25 ans (41,4 ans en
moyenne).
Mesures : Le diagnostic établi selon le DSM-III-R
a été consigné pour chaque sujet. Chaque sujet
a aussi subi le WAIS -R (Wechsler Adult Intelligence Scale -Revised)
qui mesure divers aspects de l'intelligence, les WRAT (Wide Range
Achievement Tests) pour évaluer les capacités en lecture,
en écriture et en arithmétique et le Trail Making
Test - Part B. Les casiers judiciaires ont été
consultés.
Principaux résultats : Il n'y avait pas de différences
significatives entre les deux groupes à l'égard des antécédents
de toxicomanie. Les diagnostics de psychose étaient plus fréquents
chez les sujets plus âgés et ces derniers avaient été
hospitalisés plus souvent. Les difficultés d'apprentissage
étaient plus fréquentes chez les sujets plus jeunes et
ces derniers avaient été plus souvent traduits en justice.
Conclusions : Les deux groupes avaient des profils neuropsychologiques
et cliniques différents, mais les sujets des deux groupes avaient
des antécédents de toxicomanie. Les délinquants
plus âgés avaient, dans une plus forte proportion, commis
leur crime seuls, et la victime était plus souvent un membre
de la famille.
Critique de la méthode : Cette étude était
un examen de dossiers, et la qualité des diagnostics n'a pas
été décrite. De plus, l'examen neuropsychologique
semble superficiel. Par ailleurs, il s'agissait de toute évidence
d'un échantillon très sélectif, et les facteurs
de confusion tels que le statut socioéconomique n'ont pas été
pris en considération.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Nicol, A.R., Gunn, J.C., Gristwood, J., Foggitt, R.H. et Watson, J.P.
(1973). The relationship of alcoholism to violent behaviour resulting
in long term imprisonment, British Journal of Psychiatry, vol. 123,
p. 47-51.
Objectif : Étudier la relation entre les
comportements violents graves et l'alcoolisme.
Méthode de recherche : Étude de corrélation
transversale.
Lieu : Une prison pour détenus purgeant une peine
de longue durée dans le sud-est du Royaume-Uni.
Sujets : Les sujets étaient 90 récidivistes
de sexe masculin (sur un total de 98) condamnés à une
peine de longue durée. Ces sujets ont été répartis
en deux groupes aux fins de l'analyse, soit le groupe des sujets violents
et celui des sujets non violents, et en deux groupes d'âge, selon
qu'ils avaient plus ou moins de 30 ans.
Mesures : Des interviews, des rapports versés
aux dossiers, des évaluations neropsychologiques (matrices progressives
de Raven) et une grille spéciale ayant pour but de mesurer les
réactions à des situations sociales particulières.
Principaux résultats : Le taux de violence était
significativement plus élevé chez les sujets chez qui
on avait diagnostiqué l'alcoolisme, peu importe leur âge,
alors que les hommes plus jeunes, alcooliques ou non, étaient
plus violents. Les hommes violents étaient généralement
moins intelligents. Aucune différence significative n'a été
constatée entre les sujets violents et les sujets non violents
pour ce qui est des caractéristiques psychiatriques, des antécédents
matrimoniaux et de la classe sociale.
Conclusions : Cette étude a révélé
l'association suivante : les criminels qui avaient commis les actes
de violence les plus graves étaient aussi ceux qui avaient le
plus grave problème d'alcoolisme.
Critique de la méthode : Cette étude de
corrélation transversale portait sur un échantillon très
sélectif. Les sujets étaient à la fois alcooliques
et criminels au moment de l'évaluation. Les variables de confusion
possibles n'ont pas été contrôlées. Les auteurs
n'ont pas indiqué comment les diagnostics psychiatriques avaient
été obtenus et ils n'ont pas donné de détails
concernant les qualités d'un instrument de mesure important,
notamment la grille d'évaluation des réactions aux situations
sociales, où il semble que les sujets n'avaient pas la possibilité
de choisir des réactions appropriées sur le plan social.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Pasewark, R.A., Bieber, S., Bosten, K.J., Kiser, M. et Steadman, H.J.
(1982). Criminal recidivism among insanity acquittées, International
Journal of Law and Psychiatry, vol. 5, p. 365-374.
Objectif : Examiner les cas où des personnes
acquittées pour cause d'aliénation mentale ont été
arrêtées après leur hospitalisation.
Méthode de recherche : Étude prospective
portant sur une période maximale de dix ans.
Lieu : Suivi dans la collectivité, dans l'État
de New York, aux États-Unis.
Sujets : L'échantillon était composé
de 148 personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale
dans l'État de New York entre 1971 et 1976. À des fins
de comparaison, le groupe a été divisé en deux
sous-groupes, celui des sujets «libérés» (N=133)
el-, celui des sujets s'étant «enfuis» (N=15).
Mesures : Le rapport n'indique pas comment ni où
les données ont été obtenues. On peut présumer
que les renseignements ont été fournis par des hôpitaux
psychiatriques et des organismes correctionnels.
Principaux résultats : Trente pour cent des hommes
et 36 p. 100 des femmes du groupe des sujets ayant reçu leur
congé de l'hôpital ont été réadmis
à l'hôpital, et 32 p. 100 des hommes et 14 p. 100
des femmes de ce groupe ont été arrêtés à
nouveau au cours de la période de suivi. Parmi les sujets qui
s'étaient enfuis de l'hôpital, seulement 7 p. 100 ont été
réadmis à l'hôpital et 20 p. 100 ont été
arrêtés à nouveau.
Conclusions : Après leur séjour à
l'hôpital, une proportion importante des personnes acquittées
pour cause d'aliénation mentale ont commis des actes criminels.
Si ces actes étaient dus à un comportement antisocial
bien défini, le traitement psychiatrique ne semble pas avoir
été efficace.
Critique de la méthode : Il s'agit d'une des rares
études de suivi dans la collectivité portant sur des sujets
acquittés pour cause d'aliénation mentale. Étant
donné que les deux groupes comparés se composaient de
personnes acquittées, on ne peut conclure que la réadaptation
est meilleure ou pire chez les personnes acquittées pour cause
d'aliénation mentale que chez les personnes reconnues coupables.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Phillips, M.R., Wolf, A.S. et Coons, D.J. (1988). Psychiatry and the
criminal justice system : Testing the myths, American Journal of
Psychiatry, vol. 145, no 5, p. 605-610.
Objectif : Vérifier le fondement de certaines
opinions répandues au sujet des délinquants atteints de
troubles mentaux par une description des pratiques en usage dans le domaine
de la psychiatrie légale.
Méthode de recherche : Couplage de données
à partir des casiers judiciaires, des rapports judiciaires et
des dossiers médicaux.
Lieu : L'Alaska Psychiatric Institute, des cliniques
de santé mentale et des organismes du système judiciaire
et du système correctionnel.
Sujets : Les chercheurs ont utilisé trois différentes
unités d'analyse : l'individu, l'affaire criminelle et le renvoi.
Les sujets à l'étude étaient 1 816 individus qui
avaient fait l'objet d'un renvoi du système de justice pénale
au système de santé mentale entre 1977 et 198 1. Ces individus
avaient été arrêtés une à douze fois.
Mesures : Les données ont été recueillies
dans des dossiers.
Principaux résultats : Les crimes avec violence
contre la personne représentaient 12 p. 100 de toutes les arrestations.
Vingt-huit pour cent des patients atteints de schizophrénie avaient
été arrêtés pour des crimes avec violence,
comparativement à 51 p. 100 des patients souffrant d'alcoolisme.
Seulement 0,2 à 2 p. 100 de toutes les personnes atteintes de
schizophrénie dans la collectivité avaient été
arrêtées pour des crimes avec violence par année,
et ces cas ne représentaient que 1, 1 à 2,3 p. 100 de
toutes les arrestations pour des crimes avec violence.
Conclusions : L'application des lois et des programmes
dans le domaine de la psychiatrie légale devrait être évaluée
de façon plus approfondie et plus systématique.
Critique de la méthode : Il s'agissait d'un projet
ambitieux qui, malheureusement, reposait dans une très grande
mesure sur des données dont la qualité ne pouvait être
évaluée. En dépit des moyens technologiques mis
en œuvre pour le couplage des dossiers, les chercheurs n'ont pas utilisé
de groupe témoin.
Causalité: Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Raine, A. (1993). Features of borderline personality and violence, Journal
of Clinical Pathology, vol. 49, no 2, p. 278-281.
Objectif : Vérifier l'hypothèse
selon laquelle la personnalité limite serait une caractéristique
des sujets extrêmement violents.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué
leur méthode de recherche, mais il semble qu'il s'agissait d'une
étude d'une série de cas.
Lieu : Une prison à sécurité maximale
en Angleterre.
Sujets : Les 37 prisonniers qui ont accepté de
participer à l'étude ont été divisés
en trois groupes : celui des meurtriers, celui des délinquants
violents et celui des délinquants non violents.
Mesures : Les critères diagnostiques de la personnalité
limite et de la personnalité de type schizophrénique du
DSM-III et le questionnaire DIB (Diagnostic Interview for Borderlines)
ont été utilisés.
Principaux résultats : Les données ont
révélé une relation linéaire entre la personnalité
limite et la violence extrême, c'est-à-dire que plus le
score était élevé sur l'échelle d'évaluation
de la personnalité limite, plus les actes de violence commis
étaient graves, et ce dans les trois groupes.
Conclusions : Il est possible que la personnalité,
limite prédispose les sujets qui en sont atteints à commettre
des actes de violence extrême.
Critique de la méthode : La valeur de cette étude
réside, notamment, dans le fait que les auteurs ont cherché
à contrôler plusieurs facteurs tels que l'âge, la
classe sociale, le Q.I. et les peines d'emprisonnement en milieu surveillé
antérieures. L'échantillon était composé
d'un très petit nombre de prisonniers qui avaient accepté
de participer à l'étude et qui avaient été
reconnus coupables de crimes graves. Malgré ce qu'en a dit l'auteur,
le diagnostic de la personnalité limite est relié au critère
de la «colère intense», de sorte qu'il y avait un
risque de confondre les deux variables. Par ailleurs, on ignore s'il
y avait chevauchement entre le groupe des délinquants violents
et celui des meurtriers.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Rice, M.E. et Harris, G.T., (1995). Psychopathy, schizophrenia, alcool
abuse, and violent recidivism, International Journal of Law and Psychiatry,
vol. 18, no 3, p. 333-342.
Objectif : Examiner la relation entre la schizophrénie,
la psychopathie, l'abus de l'alcool et la récidive violente chez
un groupe de détenus de sexe masculin ayant commis des infractions
graves.
Méthode de recherche : Les données provenant
de deux études de cohortes appariées ont été
combinées afin d'aborder l'objet de l'étude. Dans chaque
étude, deux groupes ont été suivis : des détenus
souffrant de troubles mentaux d'un établissement à sécurité
maximale et des délinquants ayant été condamnés,
appariés selon l'infraction de référence, l'âge
à l'infraction de référence et les antécédents
criminels. Les sujets ont été suivis jusqu'en avril 1988,
soit en moyenne pendant 97,1 mois.
Lieu : Établissement psychiatrique à sécurité
maximale à Penetanguishene, en Ontario, au Canada.
Sujets : L'étude portait sur 685 personnes devant
faire l'objet d'une évaluation psychiatrique médico-légale
sommaire pour évaluer leur aptitude à subir un procès
ainsi que leur traitabilité ou la possibilité d'une excuse
d'aliénation. Les sujets n'étaient pas représentatifs
de l'ensemble des détenus. La prévalence de troubles mentaux
était forte parmi les sujets dont plus de 80 p. 100 avaient commis
au moins un crime avec violence.
Mesures : La récidive de violence, la psychopathie,
la schizophrénie et l'abus de l'alcool constituaient les principales
variables d'intérêt. La liste de contrôle de la psychopathie
en 20 points a été utilisée pour évaluer
la psychopathie. La présence d'une schizophrénie et d'un
abus d'alcool a été établie à partir d'examens
des dossiers. La récidive violente a été définie
comme étant une accusation au criminel pour une infraction contre
une autre personne ou tout retour dans un établissement à
sécurité maximale imposé en raison d'un tel acte.
Les données sur la récidive ont été recueillies
à partir des dossiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC),
du Service correctionnel du Canada et du Conseil du révision
du lieutenant-gouverneur.
Principaux résultats : La récidive violente
est survenue chez 31 p. 100 des sujets. Les psychopathes étaient
plus susceptibles d'avoir un problème d'abus d'alcool et cette
combinaison présentait un lien positif avec la récidive
violente. L'alcool en soi était aussi relié à la
récidive violente. Les personnes souffrant de schizophrénie
étaient moins susceptibles de récidiver.
Conclusions : Chez les personnes présentant un
risque élevé de récidive violente, les psychopathes
sont particulièrement susceptibles, suivis des alcooliques. Les
personnes souffrant de schizophrénie présentent le risque
le moins élevé.
Critique de la méthode : Il y a un chevauchement
de 23 p. 100 entre les deux groupes qui, une fois ceux-ci combinés,
a été compensé par l'inclusion unique de chaque
personne. L'échantillon était fortement sélectif
et non représentatif de l'ensemble des détenus. Qui plus
est, les auteurs n'ont pas contrôlé la violence antérieure,
un facteur de risque connu pour la violence subséquente.
Causalité : Étant donné que l'échantillon
était fortement sélectif, aucune déclaration générale
ne peut être formulée relativement à un lien de
causalité entre la maladie mentale et la violence. Cependant,
la relation inverse entre la schizophrénie et la récidive
violente est intéressante.
Siomopoulos, V. (1978). Psychiatric diagnosis and criminality, Psychological
Reports, vol. 42, p. 559-562.
Objectif : Examiner la répartition de diverses
infractions par rapport à la prévalence de divers troubles
mentaux.
Méthode de recherche : Étude d'une série
de cas à partir d'un échantillon de commodité.
Lieu : L'unité médico-légale à
sécurité maximale d'un hôpital public d'une grande
ville des États-Unis.
Sujets : Les sujets étaient des individus qui
faisaient face à des poursuites au criminel pour des infractions
graves et qui avaient été jugés inaptes à
subir leur procès. Ils ont été examinés
de façon indépendante par deux psychiatres. Lorsque les
évaluations des deux psychiatres ne concordaient pas, les sujets
étaient examinés à nouveau par les psychiatres
pour arriver à un consensus. Des données sociodémographiques,
des données sur les diagnostics et des données sur le
genre d'infraction ont été recueillies.
Mesures : L'auteur n'a pas mentionné les mesures
utilisées, mais les diagnostics ont été établis
fort probablement au moyen d'une entrevue ordinaire avec un psychiatre.
Principaux résultats : La schizophrénie
était le diagnostic le plus fréquent dans la population
totale et chez les sujets de chaque catégorie d'infraction, sauf
dans le cas de l'incendie criminel, qui était plus fréquent
chez les sujets chez qui on avait diagnostiqué une psychose maniaco-dépressive.
Lorsqu'il y avait comorbidité, la toxicomanie était l'un
des troubles diagnostiqués.
Conclusions : Les données ont révélé
que la schizophrénie est fréquente chez les criminels.
Critique de la méthode : Cette étude comporte
plusieurs faiblesses. D'abord, elle visait un échantillon non
probabiliste très sélectif, tant du point de vue des troubles
mentaux que du point de vue de la gravité des infractions. De
plus, le chercheur a utilisé des instruments de mesure non standardisés
et les effets de la toxicomanie, qui représentaient une variable
de confusion, n'ont pas été contrôlés.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Strick, S.E. (1989). A demographic study of 100 admissions to a female
forensic center : Incidence of multiple charges and multiple diagnoses,
The Journal of Psychiatry and the Law, automne, p. 435-448.
Objectif : Décrire les caractéristiques
des femmes admises dans un centre médico-légal pour femmes.
Méthode de recherche : Examen descriptif d'une
série de cas à partir des dossiers.
Lieu : Un centre médico-légal pour femmes
dans un hôpital public des États-Unis.
Sujets : Les sujets étaient les 100 premières
femmes admises dans ce centre. Elles venaient de différentes
régions de l'État.
Mesures : La CIM-9 et les critères du DSM-III
ont été utilisés pour établir les diagnostics.
Principaux résultats : Un diagnostic de psychose
a été établi chez 79 p. 100 des sujets à
leur admission, et il s'agissait de schizophrénie dans la plupart
des cas. Les infractions contre la personne constituaient la principale
catégorie d'infractions commises.
Conclusions : Une forte proportion des sujets souffraient
d'une maladie mentale grave.
Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude
descriptive simple où on n'a pas cherché à étudier
la corrélation entre les différentes variables. Les résultats
de cette étude ne peuvent donc être utilisés pour
tirer des conclusions sur la question de la causalité. Cependant,
les résultats ont révélé une forte prévalence
des troubles mentaux, ce qui concorde avec les résultats obtenus
dans d'autres études plus contrôlées.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Taylor, P.J. (1986). Psychiatric disorders in London's life-sentenced
offenders, British Journal of Criminology, vol. 26, no 1,
p. 63-78.
Objectif : Évaluer la réinsertion
sociale des personnes condamnées à l'emprisonnement à
perpétuité durant la période de surveillance dans
la collectivité.
Méthode de recherche : Enquête transversale.
Lieu : Service de probation situé dans le centre-ville
de Londres, en Angleterre.
Sujets : Les agents de probation devaient remplir un
questionnaire sur les personnes qui purgent une peine d'emprisonnement
à perpétuité dans un cadre communautaire surveillé.
Mesures : Un questionnaire conçu par l'auteur
et composé de 49 questions a été remis aux agents
de probation. Les questions portaient sur des données démographiques,
les symptômes psychiatriques, les diagnostics établis et
le rôle de l'alcool ou des symptômes de maladie mentale
dans les crimes commis par les condamnés à perpétuité.
Principaux résultats : Un diagnostic a été
établi pour les deux tiers des condamnés à perpétuité
(la schizophrénie dans 9 p. 100 des cas, la dépression
dans 13 p. 100 des cas, l'alcoolisme dans 33 p. 100 des cas et un trouble
de la personnalité dans 33 p. 100 des cas). Trente-trois pour
cent des sujets ont été retirés de leurs placements
dans la collectivité pour avoir enfreint les conditions de la
mise en probation.
Conclusions : La répartition des types de troubles
mentaux chez les condamnés à perpétuité
qui avaient commis un meurtre était en grande partie semblable
à celle observée chez ceux qui avaient commis un autre
type de crime. Les cas de récidive violente étaient rares.
Critique de la méthode : On ignore comment les
agents de probation ont pu poser ou infirmer les diagnostics psychiatriques.
Causalité : Comme il s'agissait d'une étude
transversale portant sur un échantillon sélectif et qu'il
n'y avait pas de groupe témoin, aucune conclusion ne peut être
tirée concernant un lien de causalité possible entre la
maladie mentale et la violence.
Taylor, P.J. et Gunn, J. (1984). Violence and psychoses, British Medical
Journal, vol. 288, p. 1945-1949.
Objectif : Examiner la prévalence de la
violence et de la maladie mentale et la relation entre les deux.
Méthode de recherche : Enquête transversale
basée sur l'examen de dossiers (prévalence).
Lieu : La plus grande prison d'Europe située dans
le sud de Londres, en Angleterre.
Sujets : Les auteurs n'ont pas précisé
la méthode d'échantillonage. Cependant, ils ont étudié
deux groupes d'hommes, des délinquants violents et d'autres délinquants
détenus à l'hôpital de la prison. Tous les sujets
ont été admis durant les mois de juin, septembre et décembre
1979 et en mars 1980. L'échantillon comprenait en tout 1 241
hommes.
Mesures : Une liste de contrôle a été
conçue spécialement pour recueillir des données
dans les dossiers. Les diagnostics ont été établis
selon la CIM.
Principaux résultats : La prévalence des
symptômes psychiatriques au moment de l'admission à la
prison était de 9 p. 100 et la prévalence de symptômes
de manque à l'égard de l'alcool ou de la drogue était
de 8,6 p. 100. Les crimes graves avec violence contre la personne (constituant
une menace à la vie) avaient été commis plus souvent
par des prisonniers normaux, alors que les incendies criminels et les
crimes contre les biens avaient été commis plus souvent
par des sujets atteints de maladie mentale. Une forte proportion des
délinquants violents étaient schizophrènes (11
p. 100 des schizophrènes avaient commis un homicide et 30 p.
100 avaient allumé un incendie criminel), comparativement au
taux enregistré au sein de la population générale
du Grand Londres (0, 1 à 0,4 p. 1 00).
Conclusions : La prévalence de la maladie mentale
au sein de la prison était élevée. Les infractions
les plus courantes étaient des infractions contre les biens,
mais les délinquants atteints de schizophrénie étaient
surreprésentés dans la catégorie des auteurs de
crimes avec violence.
Critique de la méthode : Il s'agissait d'une enquête
transversale basée sur l'examen de dossiers. Les auteurs n'ont
pas précisé comment ils ont choisi leur échantillon,
de sorte qu'on ne sait pas si les résultats sont représentatifs
de tous les délinquants. L'échantillon était très
sélectif, tant du point de vue de la criminalité que de
celui de la maladie mentale, car la catégorie des délinquants
violents et celle des délinquants hospitalisés se chevauchaient.
Cela pourrait expliquer les résultats trop élevés
obtenus à l'égard. de la maladie mentale et de la violence.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Teplin, L.A. (1990). Detecting disorder : The treatment of mental illness
among jail detainees, Journal of Consulting and Clinical Psychology, vol.
58, no 2, p. 233-236.
Objectif : Déterminer dans quelle mesure
les délinquants atteints de troubles mentaux sont soignés
lorsqu'ils sont incarcérés.
Méthode de recherche : Enquête transversale.
Lieu : Une prison située dans une grande région
métropolitaine des États-Unis.
Sujets : Les sujets ont été choisis au
hasard parmi tous les individus en détention après la
mise en accusation, sans tenir compte des antécédents
psychiatriques, des antécédents de toxicomanie, du degré
d'intoxication, du risque de violence ou de l'inaptitude à subir
un procès; l'échantillon a été stratifié
en fonction du genre d'accusation portée (délit ou crime).
Mesures : Les chercheurs ont utilisé le questionnaire
DIS (Diagnostic Interview Schedule) pour établir
les diagnostics selon le DSM et ainsi distinguer les «vrais»
cas de maladie mentale et de déterminer les besoins en traitement.
En ce qui concerne la criminalité, deux variables ont été
étudiées : la gravité de l'infraction (délit
ou crime) et sa nature (avec ou sans violence). Des variables reliées
au statut social (âge, niveau d'instruction, situation professionnelle,
race et revenu) ont aussi été étudiées.
Le dépistage de la maladie mentale par le personnel de la prison
a été effectué indépendamment de l'évaluation
des chercheurs.
Principaux résultats : Les variables suivantes,
énumérées par ordre décroissant d'importance,
avaient une influence significative dans un modèle logit log-linéaire
sur la probabilité de dépister la maladie mentale et,
par conséquent, de donner un traitement les traitements reçus
antérieurement (91,7 p. 100, donc la variable prédictive
la plus importante), les problèmes reliés au comportement
manifeste, la nature de l'arrestation, les symptômes de dépression
et la schizophrénie.
Conclusions : Le taux global de dépistage de la
maladie mentale par le personnel de la prison était très
faible (32,5 p. 100), ce qui indique que les détenus atteints
de troubles mentaux ne bénéficient pas souvent d'un traitement.
Critique de la méthode : L'une des principales
forces de cette étude réside dans le fait que les chercheurs
ont utilisé un échantillon représentatif de tous
les cas ayant fait l'objet d'une mise en accusation. Cependant, l'échantillon
comportait par le fait même un biais de sélection, car
tous les sujets avaient des problèmes graves, tant sur le plan
clinique que sur le plan criminel. L'auteur n'a pas mentionné
le nombre d'intervieweurs et il n'a pas fait de commentaires sur le
coefficient d'objectivité.
Causalité: Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Teplin, L.A., Abram, K.M. et McClelland, G.M. (1994). Does psychiatric
disorder predict violent crime among released jail detainees?, American
Psychologist, vol. 49, no 4, P. 335-342.
Objectif : Déterminer s'il y a un lien
entre les troubles mentaux et les taux d'arrestation pour les crimes avec
violence chez les délinquants mis en liberté.
Méthode de recherche : Une étude de suivi
d'une durée de six ans portant sur des personnes arrêtées
et détenues entre novembre 1983 et novembre 1984.
Lieu : Cook County, Chicago, Illinois, États-Unis.
Sujets : L'échantillon aléatoire stratifié
était composé de 728 hommes qui avaient été
arrêtés et étaient détenus en attendant de
subir leur procès. Les chercheurs ont stratifié l'échantillon
pour s'assurer qu'un nombre suffisant d'individus accusés d'un
crime grave seraient étudiés. L'analyse a porté
sur 644 sujets. Les individus atteints de déficience cognitive,
ceux qui sont décédés au cours de la période
de suivi et ceux pour lesquels on n'a pu obtenir le rapport d'arrestation
ont été exclus.
Mesures : Selon les définitions adoptées,
les troubles mentaux graves comprenaient la schizophrénie et
les troubles affectifs graves. Les sujets ayant un problème de
toxicomanie et ceux ayant des symptômes de psychose ont aussi
été inclus dans l'étude. Les données relatives
aux diagnostics ont été obtenues dans le cadre d'interviews
directes et à l'aide du questionnaire DIS (Diagnostic Interview
Schedule) dans le cas des troubles visés par le DSM. Les
données relatives aux arrestations ont été recueillies
dans les casiers judiciaires et associées aux sujets à
l'aide du numéro d'identification attribué par le Département
des services correctionnels aux individus arrêtés. Ces
renseignements comprenaient les accusations portées à
l'extérieur du comté. Les crimes avec violence comprenaient
les voies de fait, les voies de fait graves, les coups et blessures,
les coups et blessures graves, le meurtre, la tentative de meurtre,
l'homicide involontaire coupable, le vol qualifié, la séquestration,
la violence sous la contrainte d'une arme, la cruauté envers
des enfants, l'agression sexuelle criminelle, le viol, l'agression sexuelle
comportant un comportement déviant, l'agression sexuelle criminelle
grave et l'enlèvement.
Principaux résultats : Les personnes ne souffrant
pas de troubles mentaux avaient une probabilité de 0,48 d'être
arrêtées pour un crime avec violence au cours de la période
de suivi de six ans, comparativement à 0,43 dans le cas des personnes
atteintes d'une maladie mentale grave et de 0,46 dans le cas des personnes
ayant un problème de toxicomanie. Ces différences n'étaient
pas significatives. De même, aucune différence significative
n'a été constatée dans le cas des crimes majeurs
avec violence. Si en considère le nombre d'arrestations, aucune
différence n'a été constatée entre les groupes
pour ce qui est des crimes avec violence et des crimes majeurs avec
violence. Quel que soit le diagnostic établi, les individus ayant
commis antérieurement des crimes avec violence étaient
environ deux fois plus susceptibles d'être arrêtés
à nouveau au cours de la période de suivi. Lorsque la
variable «antécédents criminels» était
contrôlée, il n'y avait pas de différences entre
les personnes faisant partie des divers groupes d'individus souffrant
de troubles mentaux et ceux faisant partie du groupe des sujets non
atteints de troubles mentaux. Il en était de même lorsque
la variable «âge» était contrôlée.
Les personnes souffrant d'hallucinations ou de délire n'étaient
pas plus susceptibles de se faire arrêter que les autres après
leur mise en liberté. Cependant, le nombre d'arrestations pour
crime avec violence était légèrement plus élevé
chez les personnes souffrant à la fois d'hallucinations et de
délire, mais la différence n'était pas significative.
Conclusions : Le taux de récidive était
très élevé chez les sujets étudiés,
car près de la moitié ont été arrêtés
pour un crime avec violence au cours de la période de suivi.
Les individus atteints de troubles mentaux n'étaient pas plus
susceptibles que les autres d'être arrêtés pour un
crime avec violence. Les personnes souffrant à la fois de délire
et d'hallucinations étaient un peu plus susceptibles que les
autres d'être arrêtées pour des crimes avec violence,
mais la différence n'était pas significative. La variable
prédictive la plus importante à l'égard des crimes
ultérieurs avec violence était les antécédents
criminels de violence.
Critique de la méthode : Il s'agit d'une étude
qui a été réalisée avec soin et qui a été
bien décrite. L'une des principales forces de cette étude
est que les chercheurs ont tenu compte du temps pendant lequel les délinquants
étaient susceptibles de commettre des crimes avec violence (c.-à-d.
le temps passé dans la collectivité). Les probabilités
d'être arrêté à nouveau ont été
établies avec des intervalles de confiance de 95 p. 100, de sorte
qu'il est possible de déterminer les limites supérieure
et inférieure plausibles pour chaque estimation donnée.
Causalité: Comme les auteurs l'ont souligné,
étant donné que l'étude portait sur un groupe choisi
de délinquants, les résultats ne peuvent être utilisés
pour déterminer si la maladie mentale entraîne des comportements
violents dans la population générale.
Toch, H. et Adams, K. (1989). The disturbed violent offender, Yale University
Press, NewHaven.
Objectif : Examiner la relation entre la maladie
mentale et la criminalité, en particulier les infractions avec
violence.
Méthode de recherche : Étude de couplage
de dossiers.
Lieu : Département des services correctionnels
de l'État de New York et Services de santé mentale de
l'État de New York, aux États-Unis.
Sujets : Les dossiers informatisés de 8 379 détenus
qui relèvent du Département des services correctionnels
ont été appariés à leurs dossiers aux Services
de santé mentale. Cette comparaison a été échelonnée
sur plusieurs années.
Mesures : Les chercheurs ont recueilli des données
sur les variables démographiques et criminologiques et sur la
maladie mentale en consultant les dossiers informatisés des deux
organismes.
Principaux résultats : De tous les détenus
étudiés, 13,8 p. 100 de ceux qui n'avaient pas d'antécédents
psychiatriques ou d'antécédents de toxicomanie avaient
des antécédents de violence récente (survenue dans
les 3 dernières années) et de violence lointaine (survenue
depuis plus de 3 ans), alors que ce taux était de 17 p. 100 chez
les sujets qui avaient des antécédents psychiatriques
ou des antécédents de toxicomanie. En ce qui concerne
la violence lointaine considérée séparément,
les pourcentages enregistrés pour ces deux groupes étaient
de 30,9 p. 100 et de 51, 1 p. 1 00, respectivement. Par ailleurs,
5,8 p. 100 des détenus ayant à la fois des antécédents
psychiatriques et des antécédents de toxicomanie avaient
commis des actes de violence gratuits, comparativement à seulement
1,2 p. 100 des détenus qui n'avaient pas d'antécédents
psychiatriques, ni d'antécédents de toxicomanie.
Conclusions : Le risque d'avoir commis un acte de violence
récent, éloigné ou gratuit est plus élevé
chez les détenus ayant des antécédents psychiatriques
ou des antécédents de toxicomanie que chez les détenus
n'ayant pas ce genre d'antécédents.
Critique de la méthode : Il s'agit là d'une
des meilleures études qui portent sur l'examen de dossiers, non
seulement à cause de la taille importante de l'échantillon,
mais aussi à cause du soin avec lequel les chercheurs ont recueilli
et analysé les données. Cependant, cette étude
comporte plusieurs lacunes qui sont courantes dans les études
qui portent sur l'analyse de données secondaires recueillies
dans des dossiers au cours d'une longue période. Les autres faiblesses
de l'étude sont les évaluateurs multiples, le fait que
les données aient été recueillies pour des raisons
tout à fait différentes, dans des organisations et des
établissements différents et dans des organismes sociaux
ayant des fonctions et des buts différents. La valeur des résultats
est réduite du fait de la qualité inégale des dossiers.
En outre, les auteurs n'ont pas toujours indiqué les principales
hypothèses à partir desquelles ils ont travaillé,
ni décrit la nature du diagnostic Lies malades mentaux qu'ils
ont étudiés. Lorsque des renseignements étaient
donnés au sujet des diagnostics, les auteurs n'ont pas précisé
la qualité des données cliniques recueillies par les différents
cliniciens des nombreux établissements et organismes en cause.
Enfin, comme les renseignements ont été recueillis uniquement
dans des dossiers de l'État de New York, il est possible qu'un
grand nombre des sujets aient été admis dans un établissement
correctionnel ou un hôpital psychiatrique d'un autre État.
Causalité : Étant donné que les
auteurs ont étudié un échantillon sélectif
de détenus, les résultats de cette étude ne peuvent
être utilisés pour tirer quelque conclusion que ce soit
au sujet du lien de causalité pouvant exister entre la maladie
mentale et la violence.
Valdiserri, E.V., Carroll, K.R. et Hartl, A.J. (1986). A study of offenses
committed by inmates in a county jail, Hospital and Community Psychiatry,
vol. 37, no 2, p. 163-166.
Objectif : Étudier les types d'infractions
commises par les malades mentaux incarcérés.
Méthode de recherche : Examen de dossiers au cours
d'une période d'un an, du le' février 1982 au 31 janvier
1983.
Lieu : Clinique de psychiatrie d'une prison située
en Pennsylvanie, aux États-Unis.
Sujets : Les chercheurs ont examiné tous les dossiers
des détenus dirigés vers la clinique de psychiatrie (769
sujets et 853 demandes de consultation). Ces détenus représentaient
30,1 p. 100 de tous les détenus admis à la prison durant
la période à l'étude. Les sujets ont été
répartis en deux groupes, celui des détenus psychotiques
(132 sujets et 156 admissions distinctes) et les détenus non
psychotiques (639 détenus et 697 admissions).
Mesures : Les données ont été extraites
des dossiers de la prison.
Principaux résultats : Le taux de morbidité
générale (prévalence) correspondait à 5,51
p. 100 de tous les détenus admis à la prison durant la
période à l'étude. Aucune différence de
nature démographique n'a été constatée entre
les deux groupes. Les accusations pour des infractions mineures étaient
quatre fois plus fréquentes chez les détenus psychotiques
et il n'y avait aucune différence entre les deux groupes concernant
le nombre d'infractions avec violence.
Conclusions : Les délinquants psychotiques constituent
une population d'individus gravement malades. Les résultats relatifs
aux infractions mineures militent en faveur de l'hypothèse de
la «criminalisation».
Critique de la méthode : L'étude reposait
sur un examen des dossiers médicaux d'individus faisant partie
d'un échantillon très sélectif. Les données
provenaient de nombreux cliniciens d'une prison où le personnel
était très occupé. Les auteurs n'ont pas donné
de détails sur la manière dont les données relatives
aux diagnostics ont été obtenues, et il semble que tous
les détenus atteints de troubles mentaux aient été
mis dans une même catégorie, celle des «psychotiques»,
sans aucune distinction quant à l'état mental des sujets.
Les auteurs n'ont pas établi de relation causale, et il est impossible
d'établir une telle relation à partir des résultats
de cette étude.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Yarvis, R.M. (1990). Axis I and Axis II diagnostic parameters of homicide,
Bulletin of the American Academy of Psychiatry and the Law, vol. 18, no
3, p. 249-268.
Objectif : Étudier les manifestations générales
des troubles mentaux.
Méthode de recherche : Étude d'une série
de cas.
Lieu : Pratique privée, spécialisée
dans les évaluations médico-légales.
Sujets : Cent sujets accusés d'homicide sur un
total de 219 individus dirigés vers le cabinet de l'auteur entre
le 1er janvier 1980 et le 31 décembre 1988.
Mesures : Des entrevues psychiatriques approfondies suivant
les critères du DSM-III et un examen des dossiers.
Principaux résultats : La toxicomanie (35 p. 100)
et les troubles psychotiques (la schizophrénie, 21 p. 100 et
les troubles affectifs, 8 p. 100) représentaient la majeure partie
des diagnostiques de l'axe I, alors que la personnalité antisociale
représentait 40 p. 100 des diagnostiques de l'axe II.
Conclusions : L'auteur a constaté que les meurtriers
constituaient une population hétérogène présentant
différents types de troubles, selon une combinaison de facteurs
tels que le sexe, l'âge, les antécédents criminels
et la relation avec la victime.
Critique de la méthode : Il s'agissait d'un échantillon
très sélectif, car les sujets avaient été
dirigés chez le clinicien parce qu'on présumait qu'ils
étaient atteints de troubles mentaux. Il ne s'agissait donc pas
d'un échantillon représentatif. De plus, on ignore quel
était le dénominateur commun à tous les individus
qui ont dû se présenter devant la cour durant la période
à l'étude. L'auteur n'a pas mentionné avoir utilisé
des instruments standardisés.
Causalité : Ces résultats ne permettent
pas de conclure qu'il y a un lien de causalité entre la maladie
mentale et la violence.
Autres études empiriques présentant de l'intérêt
Les études empiriques résumées ci-dessous mettent
en lumière certains aspects importants de la méthodologie
dont il faut tenir compte lorsqu'on envisage d'établir des relations
causales. Ces questions sont abordées dans la rubrique «Observations»,
à la fin de chaque résumé.
Cirincione, C., Steadman, H.J., Robbins, P.C. et Monahan, J. (1994).
Mental illness as a factor in criminalité : A study of prisoners
and mental patients, Criminal Behaviour and Mental Health, vol. 4, p.
33-47.
Objectif : Comparer les manifestations de la criminalité
à long terme chez des délinquants souffrant de troubles
mentaux avec celles observées chez des détenus. La principale
hypothèse à l'étude était que les variables
criminologiques constituent les meilleures variables prédictives
de la criminalité ultérieure.
Méthode de recherche : La recherche présentée
ici est fondée sur des sujets ayant fait l'objet d'une étude
qui a été publiée en 1984. Il s'agissait d'une
étude historique de cohortes comportant une période de
suivi de 11 ans.
Lieu : État de New York, États-Unis.
Sujets : Les sujets ont été choisis à
partir de registres d'admission; il s'agissait d'hommes âgés
de moins de 65 ans admis dans des établissements psychiatriques
et des prisons de l'État de New York en 1968 et 1978. Les sujets
ont été répartis en quatre groupes ou cohortes
: les prisonniers n'ayant pas d'antécédents psychiatriques,
les prisonniers ayant des antécédents psychiatriques,
les patients ayant déjà été arrêtés
par la police et les patients n'ayant jamais été arrêtés.
Mesures : Les chercheurs ont consulté des archives
pour recueillir des données sur les arrestations et les hospitalisations
ultérieures.
Principaux résultats : En général,
les taux d'arrestation étaient plus élevés dans
les groupes de 1978 que dans ceux de 1968. En ce qui concerne les arrestations
ultérieures, à chaque époque, les prisonniers n'ayant
pas d'antécédents psychiatriques étaient ceux qui
étaient le plus susceptibles d'être arrêtés
à nouveau, alors que les patients n'ayant jamais été
arrêtés étaient ceux qui étaient le moins
susceptibles d'être arrêtés. Les deux groupes hybrides
avaient des niveaux d'arrestation semblables et intermédiaires,
c'est-à-dire qui se situaient entre ceux des deux autres groupes.
Des tendances semblables ont été observées dans
le cas des crimes avec violence. Chez les malades mentaux n'ayant jamais
été arrêtés, le risque d'arrestation était
généralement moins élevé que dans la population
générale.
Conclusions : Les arrestations antérieures constituent
une meilleure variable prédictive de la criminalité que
le fait d'avoir été hospitalisé dans un établissement
psychiatrique public. Les prisonniers n'ayant pas d'antécédents
psychiatriques sont ceux qui présentent le plus grand risque
de violence et de criminalité après leur mise en liberté.
Observations : Cette étude confirme l'importance
de contrôler la variable «arrestations antérieures»
lorsqu'on évalue la relation entre les hospitalisations dans
un établissement psychiatrique et la criminalité, ce que
peu de chercheurs ont fait jusqu'ici.
Harry, B. (1985). Violence and Official Diagnostic Nomenclature, Bulletin
of the American Academy of Psychiatry and the Law, vol. 13, no
4, p. 385-388.
Objectif : Évaluer dans quelle mesure l'idée
d'une association positive entre la maladie mentale et la violence a été
acceptée.
Méthode de recherche : Analyse du contenu de la
nomenclature psychiatrique du DSM qui a été utilisée
de 1952 à 1980.
Mesures : La proportion des troubles dont la description
contenait des mots ou des critères diagnostiques se rapportant
à la violence dans les différentes versions de la nomenclature
psychiatrique officielle (DSM-I, DSM-II et DSM-III). La définition
de la violence comprenait aussi bien la violence contre soi-même
que la violence contre les autres.
Principaux résultats : Moins de 3 p. 100 des troubles
répertoriés dans le DSM-I et le DSM-II comprennent des
mots ou des critères indiquant un comportement violent. Cette
proportion atteint 46,6 p. 100 dans le DSM-III. Si on considère
uniquement les critères diagnostiques, 26,2 p. 100 des troubles
répertoriés dans le DSM-III sont définis à
l'aide de mots se rapportant à la violence. Les catégories
diagnostiques comportant le plus grand nombre de troubles définis
en fonction de la violence sont, notamment, les toxicomanies, les troubles
mentaux organiques, les troubles affectifs et les troubles apparaissant
durant l'enfance.
Conclusions : Le pourcentage des troubles mentaux décrits
ou définis officiellement en fonction des actes de violence a
augmenté. La frontière entre la maladie mentale et la
violence s'est estompée, d'où la confusion qui s'ensuit
lorsque les chercheurs tentent d'établir une relation entre les
deux phénomènes.
Observations : Cette étude est importante sur
le plan méthodologique, vu le nombre croissant apparent d'études
qui ont montré une association entre la maladie mentale et la
violence au cours des quinze dernières années - association
qui n'avait pas été observée auparavant. De plus,
cette étude soulève des doutes quant à la capacité
des chercheurs de définir la maladie mentale indépendamment
de la violence aux fins de la recherche, en particulier lorsqu'ils utilisent
le système de classification nosologique du DSM-III (ou d'une
version ultérieure de ce manuel).
Harry, B. et Steadman, H.J. (1988). Arrest rates of patients treated
at a community mental health center, Hospital and Community Psychiatry,
vol. 39, no 8, p. 862-866.
Objectif : L'étude avait pour but : a)
de vérifier les taux d'arrestation enregistrés chez les
malades mentaux hospitalisés, les malades mentaux en consultation
externe et les malades mentaux des services d'urgence après leur
première consultation comme dans un centre de santé mentale
communautaire et b) de déterminer si les variables prédictives
des arrestations chez les malades mentaux hospitalisés dans des
établissements publics, selon les études publiées
sur cette question, sont les mêmes dans le cas des malades qui fréquentent
les centres de santé mentale communautaires.
Méthode de recherche : Une étude historique
de cohortes comportant une période de suivi variant selon la
date où les sujets ont été inclus dans l'échantillon.
Les sujets ont été suivis jusqu'en octobre 1984, ce qui
représentait en moyenne un suivi de neuf ans dans le cas du groupe
de 1975 et d'un an dans le cas du groupe de 1983.
Lieu : Un centre de santé mentale communautaire
offrant divers types de services psychiatriques, situé dans une
petite ville du Missouri, aux États-Unis.
Sujets : Les sujets ont été choisis au
hasard à partir d'un examen des dossiers de tous les patients
adultes admis au centre en 1975 et en 1983, qui recevaient pour la première
fois des soins de santé mentale, selon les renseignements fournis
par les patients eux-mêmes et selon les dossiers que les chercheurs
ont consultés pour savoir si les patients avaient été
soignés auparavant dans un centre de santé mentale de
l'État ou d'un autre État. En 1983 seulement, il y avait
200 patients hospitalisés, 181 patients en consultation externe
et 186 patients au service d'urgence qui recevaient pour la première
fois des soins psychiatriques. Les chercheurs se sont basés sur
les données du recensement pour calculer les valeurs de la population
dans les dix zones de recrutement locales du comté.
Mesures : Les données sur les facteurs sociaux
et cliniques ont été recueillies dans les dossiers médicaux.
Les diagnostics ont été établis selon la terminologie
du DSM-III. Les rapports d'arrestation sur les actes criminels commis
à l'âge adulte dans l'ensemble de l'État ont été
obtenus pour la période se terminant en octobre 1984. Les crimes
avec violence étaient, dans le cadre de l'étude, l'homicide,
les voies de fait et la violence physique grave contre un enfant. Les
crimes comportant un potentiel de violence étaient le vol qualifié
et les infractions commises à l'aide d'une arme. Les crimes sexuels
étaient le viol, la sodomie et l'agression sexuelle.
Principaux résultats : Les résultats exposés
dans cet article comportaient des erreurs. Les auteurs ont signalé
ces erreurs par la suite dans une lettre envoyée au chef de la
direction de la revue [Harry, 1989, Hospital and Community Psychiatry,
vol. 40,no12, p. 1303]. Les résultat fois que
corrigés sont présentés ci-dessous. Soulignons
toutefois que les conclusions fondamentales de l'article sont demeurées
les mêmes.
Les taux d'arrestation enregistrés sur une période d'un
an pour le groupe de sujets de 1983 ont révélé
que les patients hospitalisés étaient ceux qui avaient
été arrêtés le plus souvent (78/1 000), suivis
des patients admis en urgence (53,5/1 000) et des patients en consultation
externe (36,6/1 000). De même, dans le groupe de 1975, ce sont
les patients hospitalisés qui ont été arrêtés
le plus souvent, c'est-à-dire dans une proportion de 41/1 000,
comparativement à 40/1 000 pour les patients en consultation
externe. Les données relatives aux patients admis en urgence
n'ont pu être obtenues pour cette année-là. Les
chercheurs ont constaté que les facteurs qui permettaient le
mieux de prévoir les arrestations étaient le diagnostic
de personnalité antisociale, le nombre d'arrestations antérieures
et le jeune âge; cependant, ces variables n'expliquaient à
elles trois que 5 p. 100 de la variation totale. La plupart des arrestations
avaient trait à des infractions sans violence.
Conclusions : Les auteurs ont constaté que les
taux d'arrestation enregistrés chez les patients des centres
de santé mentale communautaires étaient bien inférieurs
aux taux indiqués par les autres chercheurs à l'égard
des patients des hôpitaux psychiatriques publics. Comme l'analyse
des taux d'arrestation a porté sur des malades mentaux traités
dans des établissements de santé mentale de divers types,
l'écart observé entre les taux d'arrestation enregistrés
dans les échantillons de patients et ceux enregistrés
dans la population générale s'est avéré
moins élevé.
Observations : Dans la majeure partie des études
comportant une période de suivi, les groupes de sujets étaient
composés de patients hospitalisés. Par conséquent,
cette étude apporte une dimension nouvelle dans cette sphère
de connaissances, en particulier du fait que l'accent a été
mis sur les soins de santé mentale offerts dans des centres communautaires.
De plus, les auteurs ont quantifié le biais de sélection
auquel on peut s'attendre lorsque les sujets à l'étude
sont choisis dans différentes populations de malades mentaux.
Cette étude fait ressortir l'importance de former des groupes
de sujets représentatifs de toutes les personnes atteintes d'une
maladie mentale.
Lagos, J.M., Perlmutter, K. et Saexinger, H. (1977). Fear of the mentally
ill : Empirical support for the common man's response, American Journal
of Psychiatry, vol. 134, no 10, p. 1134-1137.
Objectif : Les auteurs ont examiné les
dossiers médicaux de patients psychiatriques afin de déterminer
la fréquence des comportements violents lorsqu'une maladie mentale
apparaît.
Méthode de recherche : Enquête transversale
basée sur des dossiers médicaux.
Lieu : New Jersey, aux États-Unis.
Sujets : Les chercheurs ont choisi au hasard 400 patients
admis dans quatre établissements psychiatriques du New Jersey
en 1974, à raison de 100 patients par établissement.
Mesures : Les chercheurs ont pris connaissance des notes
rédigées au moment de l'admission des patients pour trouver
des descriptions des comportements violents récents qui avaient
justifié en partie l'admission du patient. Les comportements
violents comprenaient la violence physique contre une personne ou des
objets, les menaces proférées à l'endroit d'une
personne, la violence verbale contre une personne, la violence «ambiguë»
(lorsque les descriptions étaient imprécises) et la perte
du contrôle des impulsions.
Principaux résultats : En examinant les dossiers
des 400 patients, les auteurs ont constaté que 37,7 p. 100 d'entre
eux avaient manifesté une forme ou une autre de comportement
violent et de ceux-là, 20 p. 100 avaient manifesté de
la violence physique contre une personne ou des objets. La proportion
des individus qui avaient agressé une autre personne variait
considérablement d'un hôpital à un autre : entre
21,6 p. 100 et 4,4 p. 100. Seulement trois des 115 malades mentaux dont
le dossier faisait état d'un comportement violent avaient été
arrêtés.
Conclusions : Les auteurs ont conclu qu'un très
grand nombre de comportements violents peuvent être associés
à des troubles mentaux. Il aurait été plus précis
de dire qu'un très grand nombre de comportements violents peuvent
être associés aux hospitalisations pour une maladie mentale.
Observations : Nous avons choisi d'inclure cette étude
pour les raisons suivantes : a) elle montre qu'une proportion élevée
de malades mentaux sont admis à l'hôpital parce qu'ils
sont violents et b) la proportion des patients qui sont violents varie
considérablement selon les hôpitaux. Cette étude
montre bien les biais inhérents à l'utilisation d'échantillons
composés de malades mentaux hospitalisés. Le fait que
seulement 3 des 115 malades mentaux violents aient été
arrêtés met en évidence le risque d'erreur relié
à une mauvaise classification lorsqu'on cherche à déterminer
si le lien entre la maladie mentale et la violence est de nature causale
à partir de données consignées dans les
registres d'admission des hôpitaux et les rapports d'arrestation.
Les actes de violence n'entraînent pas toujours une arrestation.
Steadman, H.J., Venderwyst, D. et Ribner, S. (1978). Comparing arrest
rates of mental patients and criminal offenders, American Journal
of Psychiatry, vol. 135, no 10, p. 1218-1220.
Objectif: Comparer les taux d'arrestation enregistrés
chez d'anciens patients psychiatriques et des criminels avec ceux enregistrés
dans la population générale afin de déterminer si
les antécédents criminels, plutôt que la maladie mentale,
constituent la cause profonde des différences observées.
Méthode de recherche : Les auteurs n'ont pas indiqué
la méthode de recherche, mais la présentation des données
permet de croire qu'il s'agissait d'une étude de suivi portant
sur une période maximale d'un an (les personnes ayant quitté
la prison ou l'hôpital durant la dernière partie de l'année
étaient moins susceptibles de se faire arrêter que celles
qui l'avaient quitté pendant la première partie de l'année).
Lieu : Le comté d'Albany, dans l'État de
New York, aux États-Unis.
Sujets : Les auteurs ont choisi deux groupes de malades
mentaux et deux groupes de criminels. Ces groupes étaient composés
de toutes les personnes ayant reçu leur congé d'un centre
psychiatrique (N=307) ou étant sorties de prison (N=419) en 1968
et 1975.
Mesures : Les arrestations ultérieures constituaient
la principale mesure de la criminalité. Les crimes avec violence
n'ont pas fait l'objet d'une analyse distincte.
Principaux résultats : Les comparaisons générales
ont révélé que les taux d'arrestation étaient
plus élevés chez les anciens patients que dans la population
générale et qu'ils étaient aussi plus élevés
chez les criminels que chez les anciens patients. Cependant, lorsque
les chercheurs ont tenu compte des antécédents criminels,
ils ont observé des tendances différentes chez les anciens
patients. Les taux d'arrestation étaient plus élevés
chez les anciens patients qui avaient déjà été
arrêtés avant leur hospitalisation que dans la population
générale. Par contre, dans le cas des anciens patients
n'ayant jamais été arrêtés, les taux d'arrestation
étaient à peu près égaux ou inférieurs
à ceux de la population générale.
Conclusions : Les auteurs ont conclu que les taux d'arrestation
enregistrés dans les échantillons de patients ont augmenté
parce que la population des hôpitaux psychiatriques publics comprend
maintenant un plus grand nombre de personnes ayant déjà
fait l'objet d'une arrestation au criminel. Cependant, dans le cas des
patients n'ayant jamais été arrêtés (presque
75 p. 100 de l'échantillon), les taux d'arrestation étaient
à peu près égaux ou inférieurs à
ceux de la population générale. Ce sont les patients qui
ont été arrêtés plusieurs fois par le passé
qui sont le plus souvent arrêtés à nouveau après
un séjour dans un hôpital psychiatrique.
Observations : En dépit du risque de sous-estimation
des taux d'arrestation dans le groupe des anciens patients et dans celui
des délinquants, cette étude est importante du point de
vue méthodologique car elle fait ressortir le fait que ce sont
les antécédents criminels, et non la maladie mentale en
soi, qui expliquent les taux d'arrestation plus élevés
au cours de la période de suivi. Par conséquent, les chercheurs
devraient, à l'avenir : a) constituer des cohortes composées
de sujets qui présentent un risque de violence ou de criminalité
sans y inclure les individus qui ont des antécédents de
violence ou des antécédents criminels, ou b) contrôler
la variable «antécédents criminels ou de violence»
au cours de l'analyse statistique.
Straznickas, K.A., McNiel, D.E. et Binder, R.L. (1993). Violence toward
family caregivers by mentally ill relatives, Hospital and Community
Psychiatry, vol. 44, no 4, p. 385-387.
Objectif : Étudier les caractéristiques
des relations familiales qui sont associées à la violence
familiale dont sont responsables des malades mentaux qui ont été
hospitalisés.
Méthode de recherche : Examen rétrospectif
d'une série de cas.
Lieu : Une unité de soins psychiatriques de courte
durée fermée à clé, rattachée à
une université américaine. L'endroit n'est pas précisé,
mais étant donné les affiliations des auteurs, l'unité
pourrait être située à San Francisco.
Sujets : Le groupe à l'étude était
composé de 581 patients admis à l'unité entre 1983
et 1990.
Mesures : Les renseignements relatifs aux diagnostics
ont été recueillis dans les dossiers de l'hôpital;
les diagnostics définitifs avaient été établis
selon la CIM-9-MC. Les données relatives aux agressions physiques
contre une autre personne étaient fondées sur des mentions
précises (p. ex. le fait que le sujet ait frappé, poussé
ou étranglé une personne) au cours des deux semaines précédant
l'admission. Des données sociodémographiques, des données
sur les relations interpersonnelles et des données cliniques
ont aussi été recueillies dans les dossiers.
Principaux résultats : Dix-neuf pour cent des
patients (N=l13) avaient physiquement agressé une personne dans
les deux semaines précédant leur admission, et 36 p. 100
des patients qui avaient commis ce genre d'agression (N=31) avaient
agressé plus d'une personne. Des 113 patients qui avaient agressé
une personne, 50 avaient agressé une personne à l'extérieur
de leur milieu familial, 10 avaient agressé un membre de leur
famille et une personne à l'extérieur du milieu familial
et 53 avaient agressé un membre de leur famille.
Observations : En plus de faire ressortir le biais de
sélection que comportent les échantillons composés
de personnes hospitalisées, cette étude met en évidence
le fait que, lorsque des personnes hospitalisées pour une maladie
mentale ont été violentes avant leur hospitalisation,
ce sont le plus souvent les membres de leur famille qui ont été
les victimes de cette violence. Cependant, comme cette étude
ne comportait pas de groupe témoin approprié, on ne peut
en déduire que les membres de la famille des malades mentaux
sont plus susceptibles d'être victimes de violence familiale que
les membres de la famille des personnes non atteintes d'une maladie
mentale. Les résultats de cette étude soulignent néanmoins
l'utilité des programmes d'éducation sur les relations
familiales qui montrent comment déceler les signes avant-coureurs
de la décompensation et comment réagir à une escalade
de violence de façon à réduire le risque et à
permettre une meilleure adaptation à la situation.
Rapports de synthèse et exposés de position
Les articles résumés ci-après comprennent un examen
de la littérature sur la question qui nous intéresse ou
encore des idées novatrices concernant l'interprétation
des résultats des études. Un grand nombre de ces articles
sont largement cités dans les revues scientifiques. D'autres
sont moins souvent cités, mais comportent néanmoins des
idées ou des points de vue intéressants, par exemple ceux
dont les auteurs ont cherché à déterminer si les
résultats pouvaient s'appliquer à la situation canadienne.
Les auteurs de ces articles n'ont pas toujours examiné les aspects
méthodologiques et cliniques des études qu'ils ont examinées.
Ils ont parfois accepté des résultats discutables avec
peu de scepticisme. En dépit de ces problèmes, ces articles
fournissent une liste exhaustive des publications pertinentes sur la
question de la relation entre la maladie mentale et la violence, ainsi
que des références complètes dans ce domaine. Comme
il ne s'agit pas d'études empiriques, nous ne les avons pas résumées
selon un mode de présentation structuré et uniforme. Nous
avons souligné les points fondamentaux qui sont pertinents dans
le cadre de notre examen critique et, lorsque nous l'avons jugé
approprié, nous avons formulé des observations.
American Psychiatric Association (1994), FACT sheet -violence and mental
illness.
Ce document est une mise au point vulgarisée sur l'état
de la question de la relation entre la maladie mentale et la violence
publiée par la APA. La feuille de renseignements précise
que la recherche récente donne à penser que certaines maladies
mentales augmentent le risque de violence, particulièrement chez
les patients souffrant de troubles neurologiques et de psychoses, mais
que les milieux familiaux chaotiques et violents où la consommation
d'alcool ou de substances est commune, les conflits continuels entre les
membres de la famille et une atmosphère d'emprise sont associés
à de la violence chez des personnes souffrant de troubles mentaux.
Le feuillet précise aussi que les membres de la famille sont plus
susceptibles d'être victimisés par leurs parents qui sont
atteints de troubles mentaux que ne l'est le grand public, et qu'il n'existe
aucun lien bien précis entre la violence sociétale et l'apparition
de troubles mentaux particuliers.
Borzecki, M. et Wormith, J.S. (1985). The criminalization of psychiatrically
ill people: A review with a Canadian perspective, Revue de psychiatrie de
l'Université d'Ottawa, vol. 10, no 4, p. 241-247.
Les auteurs examinent les différents raisonnements et
les diverses études empiriques présentés au Canada
et ailleurs à l'appui de la thèse selon laquelle les malades
mentaux seraient de plus en plus criminalisés, c'est-à-dire
pris en charge par le système de justice pénale. Fait à
souligner, ils présentent des données statistiques recueillies
au Canada qui illustrent bien le phénomène de la désinstitutionnalisation
des malades mentaux entre 1962 et 1981. Les dépenses gouvernementales
consacrées aux programmes psychiatriques ont augmenté au
cours de cette période et, selon les auteurs, il est probable que
la plus grande partie de ces fonds a été consacrée
aux soins psychiatriques de courte durée en milieu hospitalier.
Selon eux, ces données indiquent que la désinstitutionnalisation
des malades mentaux ne constitue peut-être pas, au Canada, un échec
aussi grand qu'elle ne semble l'avoir été aux États-Unis.
Ils soulignent que le Canada a probablement des établissements
de santé communautaires supérieurs et que les services y
sont probablement plus accessibles, en raison du principe de l'accès
universel aux soins de santé en milieu hospitalier et en clinique
externe. Il faut donc faire preuve de prudence lorsqu'on généralise
les résultats d'études américaines en les appliquant
au contexte canadien.
Bradford, J. (1994). Violence and mood disorder : Forensic issues and
liability concerns. The Canadian Review of Affective Disorders, vol. 5,
no 2, p. 1-7.
Cet examen de la question de la violence et de la maladie mentale
fait allusion aux études épidémiologiques sur les
aires de recrutement des États-Unis, plus particulièrement
à l'analyse des données par Swanson et ses collaborateurs
(1990), en ce qui concerne le rôle indépendant que joue la
psychose comme déclencheur du comportement violent. Bradson mentionne
aussi certaines des études sur la TEP, ainsi que les études
mettant en cause les faibles concentrations de sérotonine dans
la violence. Bradford fait ensuite une digression pour traiter de questions
médico-légales plus spécifiques concernant les aspects
cliniques de la violence dans la dépression, des préoccupations
liées à la prise en charge, des responsabilités légales,
particulièrement de la prédiction et du devoir de prévenir.
Cohen, C.I. (1980). Crime among mental patients - A critical analysis,
Psychiatric Quarterly, vol. 52, no 2, p. 100-107.
Cohen fait une excellente critique de la littérature
sur le plan méthodologique; il montre à quel point les recherches
antérieures portant sur la criminalité chez d'anciens patients
psychiatriques ont été caractérisées par des
erreurs méthodologiques, de sorte que nous n'avons toujours pas
résolu une question fondamentale, à savoir si les anciens
patients psychiatriques sont plus dangereux que les autres individus.
Parmi les difficultés d'ordre méthodologique qu'il a relevées,
il mentionne : a) le manque de comparabilité des résultats
des études pour ce qui est du temps, du lieu et de la géographie,
b) l'absence de contrôles appliqués pour éliminer
les effets des facteurs de confusion pertinents, comme les variables démographiques
et les antécédents criminels, c) la taille de certains échantillons,
qui sont trop petits pour permettre de déceler de façon
sûre des événements rares tels que la violence, d)
le fait de ne pas différencier suffisamment les catégories
diagnostiques, e) le fait de s'appuyer dans une trop grande mesure sur
les rapports d'arrestation pour mesurer la criminalité, sans tenir
compte des crimes commis ou des condamnations réelles. Il conclut
que, en l'absence d'études plus soigneusement contrôlées,
nous devons examiner avec prudence la thèse selon laquelle les
anciens patients psychiatriques seraient responsables de nombreux crimes.
Davis, S. (1991). An overview : Are mentally ill people really more dangerous?
Social Work, vol. 36, no 2, p. 174-180.
Davis fait un excellent examen de la littérature d'un
point de vue méthodologique, mettant en lumière les faiblesses
des études antérieures qui sont de nature à fausser
les conclusions. Il soutient qu'une étude objective et systématique
de la question de la relation entre la maladie mentale et la dangerosité
est fondamentale pour l'établissement de politiques appropriées
et efficaces sur la prestation de services communautaires en santé
mentale. B souligne qu'il est maintenant «de bon ton» de laisser
entendre que les malades mentaux sont en quelque sorte plus dangereux
que les personnes ne souffrant pas d'une maladie mentale. Les défenseurs
des malades mentaux ont souligné que les médias avaient
exagéré les taux de criminalité chez les malades
mentaux et avaient renforcé ce stéréotype en choisissant
de diffuser certains reportages plutôt que d'autres. Bien que des
études objectives contribueront dans une large mesure à
résoudre ce problème, les recherches menées jusqu'ici
dans ce domaine comportent de nombreux problèmes méthodologiques.
Par exemple, la plupart des études portent sur des échantillons
biaisés composés de sujets placés en établissement,
qui ont généralement plus de déficiences que les
malades mentaux en général et qui ont davantage tendance
à «passer à l'acte». Il est possible que ces
études comportent une surestimation de la relation entre la maladie
mentale et la violence. De même, le fait d'étudier des patients
qui ont reçu leur congé d'un établissement psychiatrique
peut avoir pour effet de sous-estimer le risque de violence, car seuls
les patients qui présentent les meilleurs pronostics sont autorisés
à quitter l'hôpital. Par ailleurs, la définition et
la mesure Cie la dangerosité ont aussi présenté des
problèmes. Dans la plupart des études, les chercheurs se
sont fondés sur les taux d'arrestation, alors que certaines études
semblent indiquer que les malades mentaux seraient plus susceptibles de
se faire arrêter que les personnes non atteintes de troubles mentaux.
Il est donc possible que la criminalité chez les malades mentaux
ait été surestimée dans ces études. Un troisième
problème tient au fait que les facteurs qui permettent de prévoir
la criminalité dans la population générale (p. ex.
l'âge et le sexe), qui constituent dans ces études des facteurs
de confusion, ne sont pas toujours contrôlés. Lorsque les
chercheurs tiennent compte de ces facteurs de façon appropriée,
la plus grande partie de l'écart entre les groupes de malades mentaux
et les groupes témoins disparaît. Par ailleurs, il est possible
qu'un petit sous-groupe de criminels qui ont, à tort, «fait
l'objet d'une psychiatrisation» soient responsables de la plupart
des crimes commis. Davis conclut que, dans l'état actuel des connaissances,
la question de la relation entre la maladie mentale et la violence demeure
non résolue.
Davis, S. (1991). Violence by psychiatric inpatients : A review, Hospital
and Community Psychiatry, vol. 42, no 6, p. 585-590.
Davis commence son examen de la littérature sur la violence
chez les malades mentaux hospitalisés par une analyse de l'incidence
et de la prévalence de la violence chez ces personnes et des taux
variables qui ont été enregistrés. Il classe ensuite
les facteurs ayant une influence sur ces taux en trois catégories
: 1) les facteurs individuels, 2) les facteurs conjoncturels et
3) les facteurs structurels. En ce qui concerne l'incidence et la prévalence
de la violence chez les malades hospitalisés, Davis conclut que
compte tenu des différentes méthodes utilisées, il
est difficile de déterminer l'ampleur de la violence dans les établissements
psychiatriques. Il explique qu'il est difficile de comparer les résultats
des diverses études portant sur la violence chez les malades hospitalisés
parce que les chercheurs définissent la violence de différentes
manières et que les études ont eu lieu dans différents
types d'établissements, par exemple des hôpitaux généraux,
des hôpitaux psychiatriques ou des unités médico-légales.
En général, la fréquence des agressions commises
par des malades hospitalisés varie entre 2,54 agressions par lit
par année et 7 à 10 p. 100 des patients qui seraient impliqués
dans des agressions au cours d'une période d'observation d'un à
trois mois. En général, les agressions majeures sont rares.
Plusieurs chercheurs ont constaté qu'une minorité de patients
sont responsables de la majorité des incidents.
Des comparaisons entre différents pays indiquent que les taux
de violence ont tendance à être plus élevés
aux États-Unis que dans d'autres pays. Par exemple, une étude
a révélé que le nombre total d'incidents de violence
survenus en une année dans les 28 établissements psychiatriques
de l'État de New York s'élevait à 2 000, comparativement
à seulement 311 agressions physiques dans tous les établissements
comparables du Royaume-Uni au cours d'une période de trois ans
et demi. Selon Davis, des études ont révélé
que plusieurs facteurs peuvent constituer des variables prédictives
de la violence chez les malades mentaux hospitalisés, notamment
la présence d'une psychose et la phase de la maladie. Si on le
compare à l'âge et aux antécédents de violence,
le sexe ne semble pas être une variable discriminante très
utile. Dans les établissements psychiatriques, où certains
patients font l'objet d'un placement involontaire et refusent le traitement
proposé, une certaine quantité d'actes de violence est
probablement inévitable. D'autres facteurs peuvent aussi avoir
une influence sur la violence, notamment le surpeuplement, la provocation
de la part des membres du personnel ou des autres patients, les attentes
et le manque d'expérience du personnel ainsi que la mauvaise
gestion. Des facteurs d'ordre structurel peuvent aussi avoir une incidence
sur la fréquence de cette violence, par exemple un manque de
lits et de ressources communautaires.
Davis conclut, en se fondant sur les données recueillies jusqu'ici,
que la violence résulte de facteurs multiples en interaction.
Il expose un modèle général de la violence comportant
des facteurs individuels, des facteurs conjoncturels et des facteurs
structurels.
Davis, S. (1992). Assessing the «criminalization» of the
mentally ill in Canada, Revue canadienne de psychiatrie, vol. 37,
p. 532-538.
Davis indique qu'aucune des études menées au Canada
jusqu'ici n'a porté sur la criminalisation des malades mentaux
et il met en garde contre la tendance de généraliser les
résultats obtenus aux États-Unis en les appliquant au contexte
canadien. Il analyse les facteurs qui ont contribué aux résultats
obtenus par les chercheurs américains et indique de façon
détaillée dans quelle mesure ces facteurs peuvent intervenir
au Canada. Par exemple, il est généralement reconnu que
la désinstitutionnalisation, conjuguée à l'absence
de réseaux de soutien communautaires, est un facteur important
qui explique qu'un plus grand nombre de patients sont susceptibles de
commettre des actes de violence dans la collectivité. Au Canada,
en 1955, la proportion des malades mentaux hospitalisés était
de 4,24 pour 1 000, alors qu'elle a chuté à 0,7 au début
des années 1980. Cependant, en raison de l'accès universel
aux soins de santé au Canada, les malades ont davantage accès
à des services dans la collectivité qu'aux États-Unis.
Davis a aussi examiné le rôle de la police, qui est chargée
de diriger les malades mentaux vers des services d'urgence, et il indique
que la thèse de la «psychiatrisation des criminels»
peut expliquer la prévalence plus élevée de la maladie
mentale dans les populations carcérales. De façon générale,
peu de chercheurs ont étudié ces questions au Canada. Les
chercheurs canadiens devront s'intéresser à ces questions
dans l'avenir pour bien mesurer l'ampleur de ces tendances.
Garza-Trevifio, E. (1994). Neurological factors in aggressive behaviour.
Hospital and Community Psychiatry, vol. 45, no 7, p. 690-699.
Il s'agit d'un examen de la littérature sur la recherche
en neurosciences et en psychiatrie clinique portant sur les facteurs biologiques
dans les syndromes neuropsychiatriques. L'auteur a effectué une
recherche informatisée sur les publications portant sur les composantes
neurobiologiques de l'agression parues au cours des 25 dernières
années (1977-1993). Il divise les études en quatre groupes
: 1) les études sur les modèles animaux d'agression ayant
recours aux tracés d'EEG produits au cours de la stimulation chimique
et électrique de certaines régions du cerveau; 2) les études
des tracés d'EEG produits chez des humains lors d'états
normaux et pathologiques; 3) les études de neuropathologie et de
neuroimagerie utilisant la IRM, la TDM et la TEP pour déceler les
anomalies morphologiques dans le cerveau de sujets présentant une
agressivité anormale; et 4) des études neuropsychologiques
de la prévalence des troubles psychologiques chez des malades psychiatriques
présentant une violence récurrente.
L'auteur conclut que le comportement agressif accompagnant des états
psychopathologiques est déterminé de plusieurs façons.
Exception faite des influences psychosociales ou économiques,
les causes possibles d'une telle agression comprennent les lésions
des centres inhibiteurs du cerveau, la stimulation chimique des centres
de la rage par des médicaments ou des crises, l'endommagement
moléculaire subtil des récepteurs qui peut être
héréditaire ou acquis ou un dysfonctionnement des réseaux
de neuronnes. Les études donnent à penser 1) que le comportement
agressif est associé à un endommagement des centres du
cerveau situés dans les structures limbiques, les lobes temporaux
et les lobes frontaux, mis à part l'endommagement possible des
connexions entre le complexe amygdalien et l'hypothalamus et entre le
cortex hippocampique et les lobes frontaux; 2) l'insuffisance ou le
dérèglement de la sérotonine, le syndrome de basse
sérotonine et possiblement d'autres neurotransmetteurs comme
la norépinéphrine, la dopamine et le glucose; et 3) les
effets des crises, des médicaments et de l'alcool semblent être
reliés à l'altération des mécanismes inhibiteurs
et à l'apparition subséquente de modèles de comportement
préexistants par le truchement d'un processus d'embrasement.
Gunn, J. (1977). Criminal behaviour and mental disorder, British Journal
of Psychiatry, vol. 130, p. 317-329.
Comme Mesnikoff et Lauterbach (1976) (voir ci-dessous), Gunn
fait un résumé détaillé des résultats
des études antérieures, mais n'a pas procédé
à une véritable critique de l'approche méthodologique
adoptée par les chercheurs. Cependant, il a souligné les
problèmes reliés à la définition de la violence
et de la criminalité, ainsi que le problème du prélèvement
des échantillons dans des populations en établissement,
qui entraîne une exclusion systématique de la majorité
des malades mentaux et des criminels. Il conclut qu'il est sans doute
préférable d'éviter les généralisations
sur les troubles mentaux et la criminalité et qu'il faut se concentrer
plutôt sur les problèmes de comportement associés
spécifiquement à certains troubles mentaux.
Haller, R.M. et Deluty, R.H. (1988). Assaults on staff by psychiatrib
inpatients : A critical Review, British journal of Psychiatry, vol.
152, p. 174-179.
Les auteurs examinent la littérature portant sur les
agressions commises par des malades mentaux durant leur séjour
à l'hôpital, en tenant compte du contexte et des caractéristiques
des patients ayant commis ces agressions. Ils concluent qu'un risque plus
élevé de commettre des agressions était attribuable
à divers facteurs : 1) le manque de personnel dans les unités
de psychiatrie, 2) la désinstitutionnalisation, 3) l'augmentation
du nombre des réadmissions et des admissions involontaires, 4)
le droit des patients de refuser des médicaments - ce qui entraîne
souvent une augmentation des affrontements entre les patients et les membres
du personnel, 5) le groupement de patients ayant des problèmes
de nature variée et 6) le fait que les patients soient plus jeunes
que par le passé et plus difficiles à «gérer»
. Même si les agressions contre les membres du personnel semblent
s'être multipliées au cours des dernières années,
un certain nombre d'études indiquent que la grande majorité
des patients psychiatriques ne commettent pas d'agression. Il semble qu'il
y ait une faible minorité de patients, généralement
7 à 10 p. 100 de la population totale, qui manifestent un comportement
agressif suffisamment dangereux pour que le personnel infirmier juge nécessaire
d'en faire état dans ses rapports, ou suffisamment grave pour causer
des blessures et donner lieu à la production d'un rapport portant
sur une agression ayant causé des blessures.
Hodgins, S. (1994). Editorial : Schizophrenia and violence : Are new
mental health policies needed? Journal of Forensic Psychiatry, vol.
5, no 3, p. 473-477.
Hodgins constate que de plus en plus de résultats d'études
indiquent que les patients atteints de schizophrénie sont susceptibles
d'avoir un comportement agressif envers les autres lorsqu'ils vivent dans
la collectivité et elle résume les résultats de plusieurs
études qui confirment cette thèse. Elle soutient que le
mouvement de désinstitutionnalisation des malades mentaux, qui
a conduit à la fermeture d'hôpitaux psychiatriques et au
traitement dans la collectivité de malades souffrant de troubles
mentaux majeurs, peut être considéré comme un échec.
Elle souligne l'importance d'établir des politiques régissant
le traitement des personnes atteintes de schizophrénie en tenant
compte du droit du public à la sécurité, mais elle
ne précise pas en quoi devraient consister ces politiques.
Link, B.G. et Stueve, A. (1995). Evidence bearing on mental illness as
a possible cause of violent behaviour, Epidemiological Reviews, vol.
17, no 1, p. 172-181.
Il s'agit d'un excellent examen à jour de la littérature
sur le sujet. Les auteurs soulignent qu'il y a trois raisons pour lesquelles
il est important de déterminer s'il y a ou non une relation entre
la maladie mentale et la violence : la sécurité publique,
la qualité de vie et le bien-être des malades mentaux, de
même que les conséquences que doivent subir les personnes
qui commettent des actes violents (poursuites judiciaires, emprisonnement,
opprobre, etc.).
Les auteurs indiquent que plusieurs types d'études font ressortir
l'existence d'un lien. Voici la liste de ces études, de même
que les observations des auteurs.
1)
2)
3)
4)
5) |
Les études sur les taux d'arrestation chez les malades
psychiatriques ayant obtenu leur congé. Les critiques
relatives à ces études se rangent dans trois catégories
: la «criminalisation de la maladie mentale» où
les taux d'arrestation en disent plus long sur le processus d'arrestation
que sur l'existence d'une association entre la maladie mentale et
la criminalité, la «psychiatrisation du comportement
violent» qui tient à la tendance de compter comme maladie
mentale aiguillable vers la psychiatrie les comportements qui étaient
auparavant considérés comme étant surtout antisociaux
et criminels, et les questions de «conception» où
ces études ont tendance à comparer les patients psychiatriques
des établissements publics (c'est-à-dire hautement
sélectifs) aux taux enregistrés dans la population
générale.
Les études des taux de condamnation chez des cohortes
de naissance basées sur les registres de cas (comme
les études menées dans les pays scandinaves). Ces
études ont montré qu'il y a un risque plus élevé
de criminalité chez les sujets souffrant de troubles mentaux.
Link et Stueve font remarquer que même si les études
de cohortes de naissance permettent une plus grande généralisation
des études des taux d'arrestation, elles n'éclairent
toutefois pas l'ordre temporel des facteurs (qu'est-ce qui est
survenu en premier, la criminalité ou la maladie mentale?)
et, partant, ne peuvent être utilisées pour inférer
un lien de causalité.
Les études des taux d'arrestation basées sur
une étude de la prévalence de la maladie
mentale (comme certaines des études menées dans
le cadre des études épidémiologiques des
aires de recrutement). Ce type d'étude observe les répondants
habitant dans la collectivité et tente de déterminer
si les personnes ayant des antécédents de maladie
mentale sont plus susceptibles d'avoir des antécédents
d'arrestations. Ces études évitent les biais de
sélection et permettent l'examen de facteurs de confusion
multiples. L'établissement de l'ordre temporel des facteurs,
la criminalité non spécifiée (par opposition
à un simple comportement violent) et les mesures sur toute
une vie de certains troubles mentaux sont considérés
comme des faiblesses de ce type d'étude.
Les études qui font état d'un comportement violent
autodéclaré tout en utilisant des témoins
de la collectivité (comme certaines des études menées
dans le cadre des études épidémiologiques
des aires de recrutement). À l'opposé des trois
premiers types d'études qui reposent sur les taux d'arrestation,
les études sur la violence autodéclarée ne
comprennent pas nécessairement les arrestations et sont
donc plus complètes. Selon les auteurs, les différences
entre le comportement violent observé chez des patients
et celui constaté chez des sujets normaux, comme il est
précisé dans les études, ne sont pas «artéfactuels,
mais réels». Cependant, les auteurs indiquent que
ces études accusent aussi des faiblesses méthodologiques
et comportent un ordre temporel des facteurs qui n'est pas clair.
Les études sur les symptômes de «menaces
ou de neutralisation des mécanismes de contrôle».
Il s'agit d'études guidées par une théorie
présentée comme démontrant une association
entre la maladie mentale et la violence lorsqu'il y a une perception
de menaces ou de neutralisation des mécanismes de contrôle
personnel. Les auteurs soutiennent que ce type d'étude
contrôle les facteurs comme la désirabilité
sociale et le lien de causalité inverse et, partant, permet
d'appuyer fortement une association entre la maladie mentale et
la violence. |
Les auteurs terminent leur examen en indiquant qu'il y a quatre perspectives
relatives à l'association : a) il n'y a pas d'association, surtout
causale, et ceci est réfuté par la preuve contraire croissante;
b) il y a une association, mais elle est illusoire en raison des limites
d'ordre méthodologique et l'uniformité des résultats
d'une étude à l'autre contrebalance ce phénomène
de sorte que les limites de certaines sont contrôlées par
les forces d'autres, et vice versa; c) l'association est causale et
cette affirmation est confirmée par l'uniformité des résultats
des différentes approches méthodologiques et par l'échec
d'une hypothèse concurrente de rechange, et d) il y a une association,
mais des facteurs sociaux multiples s'y rattachant constituent des variables
intermédiaires. Les auteurs indiquent que cette perspective pourrait
fort bien fournir l'explication nécessaire pour établir
une association et qu' «il est possible que la maladie mentale
ne mène à un comportement violent que dans certaines conditions».
Ils en arrivent à la conclusion que ce contexte «gagnerait
à être examiné de plus près et bien délimité».
Finalement, les auteurs recommandent d'entreprendre des études
épidémiologiques prévoyant de meilleures mesures
et des modèles adéquats. De façon plus précise,
ils recommandent un modèle épidémiologique de cohortes
qui a) précise les troubles mentaux visés; b) prévoit
le suivi d'échantillons représentatifs de sujets n'ayant
pas d'antécédents de maladie mentale, et c) compare la
participation subséquente des groupes à des actes violents.
Mesnikoff, A.M. et Lauterbach, C.G. (1976). The association of violent
dangerous behaviour with psychiatrie disorders : A review of the
research literature, journal of Psychiatry and the Law, vol. 3, p.
415-445.
Les auteurs font un résumé détaillé
des recherches portant sur les quatre questions suivantes : a) les troubles
mentaux chez les criminels, b) la violence chez les anciens patients des
hôpitaux psychiatriques, c) la violence reliée à un
dysfonctionnement cérébral organique et d) la prévision
de la violence chez les patients psychiatriques. Fait intéressant,
ils observent que les études réalisées avant 1960
indiquaient que la fréquence des comportements criminels violents
chez les anciens patients n'était pas supérieure ou inférieure
à celle enregistrée dans la population générale.
Cependant, les études menées ultérieurement indiquent
que les anciens patients des hôpitaux psychiatriques qui vivent
dans la collectivité commettent autant de crimes avec violence
que les autres citoyens et que, dans certains groupes, les taux sont plus
élevés que dans la population générale. Malheureusement,
les auteurs n'ont pas procédé à un examen critique
des méthodes appliquées par ces chercheurs. Ils ne proposent
aucune explication concernant l'écart constaté dans les
résultats de ces deux séries d'études.
Monahan, J. (1984). The prédiction of violent behaviour : Toward
a second generation of theory and policy, American Journal of Psychiatry,
vol. 141, no1, p. 10-15.
Dans cet article, Monahan brosse un tableau des travaux de recherche
publiés au cours des dernières décennies qui avaient
pour but de déterminer les variables prédictives de la violence
chez les malades mentaux. Les études de la première génération,
qui ont été réalisées dans les années
1970, démontrent que les dispensateurs de soins en santé
mentale n'ont pas réussi à déterminer avec précision
les facteurs permettant de prévoir la violence ou la dangerosité
chez les malades mentaux. Même dans des circonstances idéales
où ils ont pu procéder à des évaluations détaillées,
leurs conclusions se sont révélées deux fois plus
souvent erronées que justes. Un grand nombre de personnes s'appuient
sur cette recherche pour affirmer qu'il faudrait modifier le critère
de la dangerosité sur lequel reposent la plupart des lois en matière
d'internement civil. Au sein du système de justice pénale,
cette recherche a soulevé des questions importantes concernant
la possibilité d'infliger des peines d'emprisonnement d'une durée
indéterminée à certains types de délinquants
dangereux. Les auteurs des études de la deuxième génération
ont reconnu que, s'il n'est pas possible de prévoir la violence
en général, il est néanmoins possible de prévoir
la violence avec un degré de précision acceptable dans certaines
circonstances. Ainsi, les chercheurs de la deuxième génération
font preuve d'un optimisme prudent et croient que certaines améliorations
sont possibles dans le domaine des prévisions cliniques. Monahan
soutient que les chercheurs devront s'intéresser à l'avenir
aux prévisions actuarielles, qui permettent de prendre en considération
les variables cliniques et les variables conjoncturelles pertinentes,
et aux prévisions de la violence à court terme dans les
échantillons prélevés dans la collectivité.
Monahan, J. (1992). Mental disorder and violent behaviour, American Psychologist,
vol. 47, no 4, p. 511-521.
Dans un article publié en 1983 (voir ci-dessous), Monahan
et Steadman avaient entrepris de démontrer qu'il n'y a pas de relation
entre la maladie mentale et la violence. Or, dans l'article présenté
ici, Monahan expose le point de vue contraire. Il présente les
résultats et les conclusions sur lesquels il s'est appuyé
pour réviser son opinion sur la question. Il commence par examiner
la façon dont la maladie mentale et la violence ont été
perçues à différentes époques et dans différentes
cultures et fait remarquer qu'un lien entre ces deux phénomènes
a persisté à travers les générations et de
nombreux milieux sociaux différents. Il indique que les conceptions
modernes de la maladie mentale et de la violence sont peut-être
façonnées par la télévision, car on a constaté
que 17 p. 100 des émissions dramatiques diffusées à
la télévision américaine durant les heures de grande
écoute présentent un personnage atteint de maladie mentale
et que, dans 73 p. 100 des cas, ce personnage est violent, alors que seulement
40 p. 100 des personnages non atteints de troubles mentaux sont violents.
Vingt-trois pour cent des personnages atteints de troubles mentaux commettent
un homicide, comparativement à 10 p. 100 des personnages ne souffrant
pas d'une maladie mentale. En ce qui concerne les opinions des professionnels
sur cette question, Monahan indique qu'il y a seulement deux groupes de
professionnels qui sont d'avis que les malades mentaux ne sont pas plus
violents que les autres individus : les groupes de défense des
malades mentaux et les scientifiques de l'école behavioriste.
Il résume ensuite des résultats d'études publiées
dans un certain nombre de domaines, en s'intéressant en particulier
aux résultats suivants : a) la fréquence des comportements
violents chez les personnes atteintes de troubles mentaux dans des échantillons
de patients et des échantillons prélevés dans la
collectivité et b) la prévalence des troubles mentaux
chez les personnes qui commettent des actes de violence dans des échantillons
de criminels et des échantillons prélevés dans
la collectivité. Comme les études réalisées
sur chacun de ces phénomènes démontrent qu'il y
a une relation entre la maladie mentale et la violence, Monahan conclut
que la maladie mentale peut, effectivement, être associée
à la violence.
Monahan, J. et Steadman, H.J. (1983). Crime and mental disorder : An
epidemiological approach. In M. Tonry et N. Morris (éd.),
Review of Research, vol. 4, p. 145-189, University of Chicago Press,
Chicago.
Voir aussi : Monahan, J. (1992). Mental disorder and violent
behaviour, American Psychologist, vol. 47, no 4, p.
511-521 (voir l'étude ci-dessus).
Voir aussi (pour un examen de la même question) : Monahan,
J. (1993). Mental Disorder and Violence: Another Look. In Hodgins, S.
(éd.), Mental Disorder and Crime (p. 287-302), Newbury Park,
Sage Publications.
Cette étude est, encore aujourd'hui, celle qui est considérée
comme la plus importante parmi toutes celles qui appuient la thèse
selon laquelle il n'y aurait pas de relation entre la maladie mentale
et la criminalité. Les auteurs ont adopté ce qu'ils ont
décrit comme un cadre analytique propre à l'épidémiologie
pour tenter de mieux comprendre la relation entre la maladie mentale
et la criminalité. Ils attirent l'attention des lecteurs sur
une distinction importante en épidémiologie : la différence
entre la fréquence réelle de la maladie mentale et de
la criminalité (c'est-à-dire le taux vrai) et la fréquence
avec laquelle on attire l'attention du public sur ces deux phénomènes
(c.-à-d. le taux «traité»). Les auteurs parlent
de la difficulté de formuler des définitions appropriées
ou de trouver des indicateurs de la fréquence réelle de
la criminalité et de la maladie mentale aux fins de l'établissement
des politiques et des procédures. Ils estiment que les arrestations
constituent un indice des comportements criminels réels, mais
reconnaissent que (Je nombreux actes criminels sont commis par des personnes
qui ne se font jamais arrêter. Au moment où les auteurs
ont rédigé cet article, il y avait très peu de
résultats indiquant que la proportion des personnes atteintes
d'un trouble mental grave était plus élevée chez
les personnes arrêtées que dans la population générale.
De plus, jusque-là, aucun chercheur n'avait tenté de déterminer
la prévalence réelle de la maladie mentale et la fréquence
réelle de la criminalité dans la population générale.
Les auteurs ont donc conclu qu'il n'y avait pas de preuves consistantes
permettant d'affirmer que la fréquence réelle des comportements
criminels chez les anciens patients psychiatriques était supérieure
à la fréquence réelle de la criminalité
dans la population générale. De même, ils n'ont
pas trouvé de preuves consistantes appuyant l'hypothèse
que la prévalence réelle des troubles psychotiques chez
les détenus serait supérieure à la prévalence
de ces troubles dans la population générale, lorsque la
variable «statut socioéconomique» était contrôlée.
En ce qui concerne les troubles non psychotiques, ils ont conclu, avec
prudence toutefois, que la prévalence réelle de ces troubles
dans les populations carcérales était plus élevée
que dans les groupes témoins ayant des caractéristiques
démographiques semblables. Ils n'ont pu tirer de conclusion analogue
concernant les taux d'hospitalisation psychiatrique chez les détenus,
car il n'y avait pas de données correspondantes pour la population
témoin. Certains résultats indiquaient que les taux de
condamnation et d'incarcération étaient plus élevés
chez les personnes qui avaient été hospitalisées
pour un trouble mental que dans la population générale.
mais les auteurs ont estimé que cet écart pouvait être
associé à des variables démographiques constituant
des facteurs de confusion. Un écart important a été
constaté entre les taux d'arrestation ultérieure de différents
types de délinquants atteints de troubles mentaux, mais cet écart
pouvait s'expliquer en grande partie par les antécédents
criminels et les caractéristiques démographiques. Les
auteurs ont conclu que, lorsque les facteurs démographiques et
les autres facteurs de confusion sont pris en considération,
il n'y a pas de relation entre les taux réels de criminalité
et la maladie mentale.
Morissette, Louis (1986). Criminalité et violence chez les
malades mentaux traités dans la communauté : Prévention
possible? L'Union médicale du Canada, vol. 115, p. 690-744.
L'auteur a entrepris un examen de la littérature afin d'élucider
les tendances indicatives d'une association entre la maladie mentale
et la criminalité, de fournir un aperçu des stratégies
de prévention et de formuler des observations sur les mesures
législatives pertinentes au Québec concernant le traitement
des malades mentaux. L'auteur a divisé la littérature
en deux périodes, avant et après 1965. Le point de démarcation
est justifié car c'est en 1965 qu'a été publié
le premier document dans lequel il était avancé que les
malades mentaux traités dans la collectivité étaient
plus susceptibles d'être incarcérés que la population
générale, et ce tant pour crimes contre les biens que
pour crimes contre la personne. Auparavant, la sagesse dictait de penser
que les malades mentaux ne représentaient pas un risque de criminalité
supérieur et que leur criminalité n'était pas grave.
À compter de 1965, les intervenants ont estimé que le
taux de criminalité et de dangerosité étaient plus
élevés chez les malades mentaux traités dans la
collectivité que chez la population générale. Même
si l'admission dans un établissement psychiatrique ne constituait
pas en soi un prédicteur d'une plus forte criminalité,
l'augmentation des taux d'arrestation chez les malades mentaux tenait
surtout à des criminels psychiatrisés, c'est-à-dire
à des malades mentaux ayant des antécédents criminels.
Les malades psychiatriques souffrant de troubles de la personnalité
et de toxicomanies avaient un profil criminel semblable à celui
des criminels communs, de même qu'un taux de récidive similaire.
Ces patients partageaient des caractéristiques communes, à
savoir qu'il s'agissait habituellement de jeunes célibataires
de sexe masculin, sans emploi, mal instruits et issus d'un foyer défavorisé
et désordonné. Le nombre de patients de ce type avait
augmenté au cours des dernières années et pouvait
expliquer le taux d'arrestation supérieur des malades mentaux.
L'auteur indique que, même si le taux de criminalité semble
être le même chez les patients psychotiques et dans la population
générale, il n'en demeure pas moins qu'il est impossible
de nier que les patients psychotiques commettent effectivement des crimes
violents graves.
L'auteur termine son exposé en présentant des directives
cliniques pratiques pour prévenir le comportement violent chez
les patients psychotiques et propose des modifications à apporter
à la législation sur la santé mentale qui pourraient
faciliter la prévention de la victimisation par le truchement
de contrôles juridiques plus appropriés.
Morrissey, J.P. et Goldman, H.H. (1981). The Enduring Asylum, International
Journal of Law and Psychiatry, vol. 4, p. 13-34.
Les auteurs ont fait l'historique du Worcester State Hospital
du Massachusetts d'un point de vue social afin d'illustrer les réformes
cycliques qui ont eu lieu au cours des 150 dernières années
dans le domaine des soins offerts aux malades mentaux, plus précisément
les mouvements de désinstitutionnalisation et d'institutionnalisation.
L'histoire d'un hôpital représente un microcosme des tendances
plus générales dans le domaine des soins de santé
mentale et sert de toile de fond pour l'étude de différents
problèmes reliés à la prestation des services dans
ce domaine. Par exemple, le Worcester State Hospital a été
fondé dans un contexte de réforme sociale en réponse
aux critiques formulées à l'égard du traitement inhumain
réservé aux malades mentaux dans les asiles et les prisons.
Il est devenu le prototype des hôpitaux psychiatriques publics en
Amérique. Cependant, en 1850, l'accent était mis sur la
répression sociale, et l'hospitalisation était devenue l'un
des principaux mécanismes de contrôle social, car les hôpitaux
psychiatriques accueillaient le plus grand nombre de patients possible
au moindre coût. En 1896, l'hôpital a subi les effets d'une
seconde vague de réformes, avec la nomination du Dr
Adolf Meyer, qui a transformé l'établissement en un important
centre d'enseignement et de recherche, modifiant ainsi complètement
l'idée qu'on se faisait alors d'un hôpital psychiatrique.
Par la suite, des vagues successives de réformes ont fait sentir
leurs effets : mouvement vers les services communautaires en santé,
mentale, désinstitutionnalisation, démédicalisation
et décentralisation. Les auteurs lancent une mise en garde aux
décideurs : sans un financement constant des services communautaires,
l'hôpital psychiatrique public continuera probablement à
servir de «dépôt» pour les indésirables.
Mulvey, E.P. (1994). Assessing the evidence of a link between mental
illness and violence, Hospital and Community Psychiatry, vol. 45,
no 7, p. 663-668.
Mulvey souligne que la question des preuves relatives à
l'existence d'une relation entre la maladie mentale et la violence constitue
une question fondamentale dans le débat entourant le recours à
l'hospitalisation involontaire et à l'établissement de services
communautaires permettant de lutter contre la violence chez les malades
mentaux. Bien que des rapports cliniques démontrent que certaines
personnes manifestent un comportement violent sous l'influence d'idées
irrationnelles, l'interprétation des résultats d'études
antérieures a conduit un bon nombre de personnes à penser
qu'il n'existe pas de preuves consistantes et convaincantes permettant
d'établir un lien entre la maladie mentale et la violence dans
la collectivité. Cependant, les résultats de certaines études,
par exemple celles qui ont porté sur des sujets des zones de recrutement
des épidémiologistes aux États-Unis (voir Swanson
et coll., 1990, p. 49 de ce rapport), ont ranimé le débat
sur cette question. Étant donné l'importance de cette question
dans le contexte des services communautaires offerts aux malades mentaux,
Mulvey soutient qu'il faut procéder à un examen très
minutieux des études réalisées dans ce domaine. Il
résume les résultats de plusieurs études empiriques
montrant des associations entre la maladie mentale et la violence dans
un certain nombre de milieux. Il souligne cependant qu'il n'y a pas de
résultats indiquant clairement l'existence d'un lien causal entre
les deux phénomènes. Il précise qu'il faudra mener
des études différentes de celles qui ont été
réalisées jusqu'ici pour distinguer les variables causales.
Il formule, à ce sujet, les recommandations suivantes : accorder
une plus grande attention aux problèmes statistiques reliés
à l'établissement d'associations pertinentes sur le plan
clinique, recourir à des groupes témoins appropriés,
c'est-à-dire composés de personnes vivant dans la collectivité
qui ne souffrent pas d'une maladie mentale et qui ont des caractéristiques
démographiques semblables au groupe à l'étude, accorder
plus d'importance aux autres variables pouvant être associées
à la violence ou à la criminalité, opérationnaliser
les concepts (comme celui de la violence) avec plus de soin et élaborer
des théories plausibles sur la relation entre la maladie mentale
et la violence. Il conclut que la thèse selon laquelle il y aurait
un lien entre la violence et la maladie mentale dans la collectivité
ne semble plus être plausible, mais que les connaissances scientifiques
acquises jusqu'à ce jour sont guère utiles pour tirer des
conclusions définitives au sujet de cette relation.
Mulvey, E.P., Blumstein, A. et Cohen, J. (1986). Reframing the research
question of mental patient criminality, International Journal of Law and
Psychiatry, vol. 9, p. 57-65.
L'intérêt manifesté à l'égard
de la relation entre la maladie mentale et la criminalité est motivé
par la nécessité de comprendre les conséquences sociales
des politiques de désinstitutionnalisation et par la nécessité,
sur le plan clinique, d'établir des lignes directrices pour la
prévision de la dangerosité. Les premiers chercheurs qui
se sont intéressés à cette question (avant le début
des années 1960) ont toujours fait état d'un faible risque
de criminalité chez les malades mentaux, qu'ils estimaient à
un quinzième du taux enregistré dans la population générale.
Ces résultats s'expliquent probablement par le critère de
sélection suivant lequel seuls les individus qui présentaient
peu de risque étaient autorisés à quitter l'hôpital
et par le fait que ces malades faisaient l'objet d'une surveillance étroite
dans la collectivité. Les chercheurs qui se sont intéressés
à la question après les années 1960 ont constaté
en général un risque plus élevé de criminalité
chez les malades mentaux. Cependant, il semble que les taux d'arrestation
chez les malades mentaux ont augmenté et les arrestations antérieures
semblent être un facteur ayant une influence considérable
sur la probabilité qu'une personne souffrant d'un trouble mental
soit arrêtée à nouveau après un séjour
à l'hôpital. La plupart des études démontrent
que les taux d'arrestation chez les anciens patients qui n'ont jamais
été arrêtés par le passé sont inférieurs
à ceux enregistrés dans la population générale.
Des résultats récents indiquent que les personnes qui ont
été arrêtées à plusieurs reprises dans
le passé sont beaucoup plus susceptibles d'être arrêtées
à nouveau que celles qui n'ont été arrêtées
qu'une fois auparavant. Ces résultats donnent à penser que
les crimes commis par un petit nombre de délinquants atteints de
troubles mentaux permettent d'expliquer les taux d'arrestation généralement
supérieurs enregistrés dans cette population. Les auteurs
soutiennent qu'il est essentiel d'acquérir une meilleure connaissance
de ce groupe de délinquants pour être en mesure d'établir
des politiques appropriées. Ils sont d'avis que les études
longitudinales ayant pour but de suivre l'évolution des carrières
criminelles constituent le moyen le plus efficace d'obtenir des renseignements
sur la relation entre la maladie mentale et la criminalité, renseignements
qui permettront d'interpréter les résultats dans un contexte
individuel, plutôt qu'à l'échelle du groupe.
Rabkin, J.G. (1979). Criminal behaviour of discharged mental patients:
A critical appraisal of the research, Psychological Bulletin, vol. 86, no
1, p. 1-27.
Les attitudes négatives et les craintes des citoyens
à l'égard des malades mentaux. constituent, selon l'auteur,
un obstacle persistant à la réalisation des objectifs de
traitement dans la collectivité. L'opposition des citoyens au traitement
des malades mentaux dans la collectivité découle principalement
de l'idée qu'ils se font des malades mentaux, qu'ils voient comme
des êtres imprévisibles et dangereux. L'auteur a examiné
la littérature portant sur les arrestations chez d'anciens patients
d'hôpitaux psychiatriques en accordant une attention particulière
aux études prospectives d'envergure. Selon lui, les études
rétrospectives ne peuvent guère nous éclairer sur
ces questions, car les malades mentaux sont traités différemment
des autres délinquants au sein du système de justice pénale.
Rabkin souligne que les données sur les arrestations et les condamnations
entraînent une sous-estimation de l'ampleur des crimes commis et,
partant, une sous-estimation de la fréquence de la violence. Une
autre source d'erreur tient au fait que les malades mentaux peuvent être
déjudiciarisés (s'ils sont hospitalisés ou acquittés
pour cause d'aliénation mentale) même s'ils ont commis un
crime. En outre, il arrive que l'accusation soit réduite. Ainsi,
il peut y avoir une diminution des taux d'arrestation en général
chez les malades mentaux ainsi qu'une réduction de la gravité
des infractions, surtout dans le cas des malades qui ne sont pas des toxicomanes.
Les études sur les contacts entre policiers et citoyens permettent
d'éliminer une partie de ces difficultés, mais elles sous-estiment
effectivement l'ampleur de la criminalité. Un autre problème
important, sur le plan méthodologique, est la non-équivalence
des échantillons de malades mentaux avec les échantillons
de la population générale sous l'angle des facteurs sociaux
et démographiques. Peu de chercheurs comparent les groupes de patients
avec des groupes semblables sur le plan sociodémographique. Rabkin
conclut, en tenant compte de ces problèmes méthodologiques
et en s'appuyant sur les données recueillies, que les anciens patients
psychiatriques ne sont pas beaucoup plus susceptibles que les autres de
manifester des comportements dangereux ou illicites, mais qu'il n'y a
pas de preuves indiquant qu'ils présentent plus de risque en raison
de leur état mental.
Schellenberg, E.G., Wasylenki, D., Webster, C.D. et Goering, P. (1992).
A review of arrests among psychiatric patients, International Journal
of Law and Psychiatry, vol. 15, p. 251-264.
Après avoir pris connaissance des articles sur les arrestations
chez les patients psychiatriques qui ont été publiés
depuis 1980, les auteurs concluent que selon les recherches menées
jusqu'à ce jour, entre le tiers et la moitié des anciens
patients psychiatriques ont été arrêtés au
moins une fois. Ils expliquent que les résultats des études
faisant état de pourcentages élevés de patients ayant
déjà été arrêtés ne précisent
pas les motifs d'arrestation. En s'appuyant sur leur examen de la littérature,
ils avancent que les taux d'arrestation peuvent être surestimés
ou sous-estimés. Il est possible que les autorités aient
recours à l'arrestation pour placer les malades mentaux dans des
établissements où ils pourront recevoir des soins. Si c'est
le cas, il se peut alors que les malades mentaux soient arrêtés
pour des crimes qui passent souvent inaperçus lorsqu'ils sont commis
par d'autres citoyens. Ainsi, il se peut que le pourcentage des malades
ayant été arrêtés soit en quelque sorte gonflé.
D'un autre côté, il est probable que la maladie mentale protège
les personnes qui en sont atteintes contre les arrestations. Il est donc
possible également que le pourcentage des malades mentaux qui sont
arrêtés soit sous-estimé dans une plus grande mesure
que le pourcentage comparable dans la population générale.
Si on examine les données sur les arrestations à la suite
d'une hospitalisation, on constate qu'environ un malade mental sur treize
par année fait face à une arrestation après un séjour
dans un établissement psychiatrique. Moins du cinquième
de ces arrestations se rapportent à des crimes avec violence.
Les auteurs ont examiné un certain nombre de facteurs et ont
constaté que certains de ceux qui permettent de prévoir
les arrestations dans la population générale permettent
également de prévoir les arrestations chez les anciens
patients psychiatriques. Les malades mentaux qui ont déjà
été arrêtés, qui sont jeunes, de sexe masculin,
de couleur et sans abri sont plus susceptibles d'être arrêtés
que les autres malades mentaux. En ce qui concerne la nature des troubles
mentaux, les résultats permettent de croire que les toxicomanes
sont plus susceptibles de se faire arrêter que les autres malades
mentaux.
Shah, A.K., Fineberg, N.A. et James, D.V. (1991). Violence among psychiatrie
inpatients. Acta Psychiatrica Scandinavica, vol. 84, p. 305-309.
Les auteurs ont passé en revue la littérature
traitant de la violence chez les malades psychiatriques hospitalisés
et discutent des associations possibles et des lacunes d'ordre méthodologique.
La première question soulevée porte sur l'absence d'une
définition commune de la violence. Les sujets abordés varient
de la violence verbale ou du comportement menaçant aux blessures
autoinfligées à la violence grave contre autrui. Le manque
de comparabilité entre les études est exacerbé par
l'emploi de populations différentes et de méthodes différentes
de collecte des données. Par exemple, les patients ont été
étudiés dans une vaste gamme de milieux, y compris les vieux
quartiers pauvres, les régions semi-rurales, les grands asiles,
les petites unités, les unités médico-légales,
les établissements pour les déficients mentaux, les unités
de psychogériatrie, etc. Les données ont été
recueillies à l'aide des rapports d'incidents, de la documentation
habituelle des services et d'échelles conçues à cette
fin. Nombre des études n'ont pas prévu de groupe témoin,
ce qui fait qu'il est difficile de déterminer si les niveaux de
violence observés sont plus élevés ou plus bas que
prévu.
En dépit de ces difficultés, il est possible de tirer
un certain nombre de conclusions provisoires. Les patients plus jeunes
semblent être plus violents que les patients plus âgés.
La violence avant l'admission est associée à la violence
après l'admission., et les patients chez qui la schizophrénie
a été diagnostiquée, particulièrement ceux
qui affichent une pensée désorganisée ou des idées
délirantes, sont plus susceptibles d'être violents au cours
de leur admission. La dépression semble être associée
de façon négative à la violence envers autrui.
Parmi les sujets psychogériatriques, la violence est associée
aux sujets de sexe masculin, à l'âge croissant, à
la durée de séjour croissante, à un, diagnostic
de démence, à la sévérité du trouble
cognitif, et à l'atrophie du lobe temporal. Chez les déficients
mentaux, la violence a été associée à des
tracés d'électroencéphalogrammes anormaux. Pour
ce qui est des variables relatives aux services, la violence est plus
courante dans les unités de soins psychiatriques intensifs et
survient souvent au cours de la matinée. Il se produit moins
de violence les fins de semaine ou la nuit. Le surpeuplement des malades
ou l'absence d'un personnel spécialisé peut provoquer
de la violence.
Siever, L. et Trestinan, RL. (1993). The serotonin system and agressive
personality disorder. International Clinical Psychopharmacology, vol. 8
(suppl.), no 2, p. 33-39.
Dans cet article, les auteurs passent en revue les preuves à
l'appui d'une association entre des modèles de comportement pathologiques
bien précis et un trouble spécifique des neurotransmetteurs.
Ils concluent que la sérotonine est peut-être en cause dans
l'impulsivité et l'agression (p. ex. agression planifiée)
alors que la noradréaline est incriminée dans l'impulsivité
et les réactions environnementales (p. ex. réaction de fuite
ou d'agression), mais que toutes deux sont associées aux états
dépressifs. De façon plus précise, les auteurs passent
en revue les preuves fournies par les études portant sur la
réaction de la prolactine à la fenfluramine chez les patients
souffrant d'une grande dépression (30) et chez des patients atteints
de troubles de la personnalité (20), particulièrement les
troubles de la personnalité limite. Les deux groupes de patients
présentaient une réponse émoussée lorsqu'on
les comparait à des groupes témoins normaux. L'émoussement
de la réponse était plus prononcé chez les sujets
ayant fait des tentatives de suicide. Selon la conclusion à laquelle
en sont arrivés les auteurs de ces études, l'impulsivité
et l'agressivité sont fortement et inversement corrélées
à la réaction de la prolactine à la fenfluramine
et un trouble dysénergique est important dans les troubles de la
personnalité limite. Toujours selon ces auteurs, ces constatations
ont un important retentissement sur l'élaboration de médicaments,
particulièrement en ce qui concerne la capacité des inhibiteurs
de la réasorption de la sérotonine d'atténuer les
comportements impulsifs et agressifs chez certains patients souffrant
de troubles de la personnalité.
Steadman, H.J. (1981). Critically reassessing the accuracy of public
perceptions of the dangerousness of the mentally ill. Journal of
Health and Social Behaviour, vol. 22, p. 310-316.
Steadman soutient que la recherche récente sur les populations
contemporaines d'ex-patients mentaux appuie les craintes du public quant
à la dangerosité; des malades mentaux. Les attitudes du
public sont largement façonnées par le comportement perturbé,
souvent relaté dans la presse, de personnes qui ont auparavant
été définies comme étant des malades mentaux,
plutôt que par un contact avec de tels patients. Il faut donc se
demander comment les comportements adoptés effectivement par d'ex-patients
mentaux ou les malades mentaux en général se comparent aux
comportements dépeints dans une présentation spectaculaire
dans les médias. Selon la réponse populaire donnée
par les professionnels de la santé, il y a un écart fort
important. Cependant, de récentes données sur les taux d'arrestation
d'ex-patients mentaux laissent supposer que cet écart est peut-être
en train de diminuer. Des études effectuées plus tôt,
soit entre 1922 et 1954, et portant sur les taux d'arrestation chez d'ex-patients
mentaux suivant leur congé de l'hôpital ont fait état,
de façon consistante, de taux d'arrestation inférieurs à
ceux de la population générale. Des données encore
plus récentes font état d'un taux d'arrestation supérieur
chez les ex-patients mentaux, particulièrement chez ceux qui ont
été appréhendés avant leur hospitalisation.
De plus, de récentes études montrent que la proportion de
personnes dans les populations de malades mentaux ayant des antécédents
d'arrestations augmente et que cette augmentation constitue peut-être
l'une des explications des constatations plus récentes concernant
une criminalité accrue chez les ex-patients mentaux. Bien qu'il
s'agisse sans conteste d'un facteur atténuant dans la compréhension
de la relation entre la maladie mentale et la criminalité, le public
perçoit quiconque obtient son congé d'un établissement
psychiatrique comme un ex-patient mental et ne tiendra guère compte
des antécédents criminels.
Une seconde explication de la criminalité croissante apparente
chez d'ex-patients mentaux réside peut-être dans le fait
qu'avant la ésinstitutionnalisation, ces personnes ont
été détenues à l'hôpital au cours
des périodes où elles étaient les plus susceptibles
de commettre des crimes. Cette explication est étayée
de données démontrant que l'âge moyen des patients
mentaux ayant obtenu leur congé a baissé pour se situer
à moins de 40 ans - l'âge auquel l'activité criminelle
est la plus prononcée. Il se peut que les ex-patients mentaux
soient plus susceptibles d'être appréhendés que
les sujets n'ayant pas d'antécédents d'hospitalisations
dans un établissement psychiatrique et ce phénomène
peut exagérer l'incidence de leur comportement criminel. Il est
toutefois guère probable que ce phénomène explique
les différences de triple portée dans les taux d'arrestation
entre les ex-patients mentaux et la population générale.
Steadman conclut qu'il ne semble plus soutenable de garantir aux associations
communautaires que les ex-patients mentaux sont moins dangereux, du
point de vue statistique, que leurs voisins. Étant donné
leur propension statistique accrue à la criminalité, ils
représentent effectivement un certain risque pour la collectivité.
Les craintes du public sont justifiées. Pour améliorer
cette situation, il faut aborder sans tarder les croyances de base quant
au caractère imprévisible des malades mentaux, particulièrement
le caractère imprévisible de la dangerosité. Les
professionnels de la santé mentale doivent reconnaître
la mesure dans laquelle les ex-patients mentaux peuvent menacer la sécurité
publique et exposer le public à un contact plus direct (plutôt
qu'indirect) avec les malades mentaux.
Teplin, L.A. (1983). The criminalization of the mentally ill : Speculation
in search of data, Psychological Bulletin, vol. 94, no 1, p.
54-67.
Teplin fait une excellente évaluation critique des arguments
invoqués pour affirmer que les malades mentaux sont criminalisés.
Elle fait remarquer que les études empiriques portant sur cette
question présentent de nombreux problèmes. Elle a constaté,
et ce point présente un intérêt particulier dans le
cadre de notre examen, que les études où les taux d'arrestation
chez d'anciens patients psychiatriques ont été comparés
aux taux d'arrestation dans la population générale, et qui
avaient pour but d'évaluer le degré relatif de dangerosité
des anciens patients psychiatriques, nous éclairent sur la question
de la criminalisation. Plus précisément, elle soutient qu'on
devrait observer des taux d'arrestation plus élevés chez
les malades mentaux que chez les autres citoyens si les malades mentaux
sont effectivement criminalisés. Dans ce cas, la relation entre
la maladie mentale et la criminalité serait le résultat
de facteurs administratifs et de facteurs reliés aux programmes,
et il ne s'agirait pas d'une relation étiologique. Selon elle,
les taux d'arrestation apparemment élevés chez les malades
mentaux ayant déjà été hospitalisés
peuvent s'expliquer par la proportion élevée de personnes
ayant des casiers judiciaires qui séjournent dans les hôpitaux
psychiatriques. Chez les anciens patients psychiatriques qui n'ont pas
de casier judiciaire, les taux d'arrestation sont comparables à
ceux enregistrés dans la population générale. En
outre, les résultats des études qui avaient pour but de
déterminer dans quelle mesure les malades mentaux n'ayant jamais
été hospitalisés font face au système de justice
pénale ne sont pas concluants.
Teplin affirme également qu'il est important de comprendre l'usage
que font les policiers de leur pouvoir discrétionnaire auprès
des malades mentaux. Bien que les chercheurs qui ont examiné
cette question ne soient pas tous arrivés aux mêmes résultats,
elle est d'avis que les interventions des policiers ont pour effet de
criminaliser les malades mentaux. Quant aux études qui portent
sur la prévalence de la maladie mentale dans les prisons, comme
elles comportent des erreurs méthodologiques, elles ne fournissent
pas de preuves convaincantes à l'appui de l'hypothèse
de la criminalisation. Elle conclut (lue les études empiriques
réalisées jusqu'à ce jour ne permettent pas de
tirer des conclusions définitives sur l'hypothèse de la
criminalisation.
Torrey, E.F. (1994). Violent behaviour by individuels with serions mental
illness, Hospital and Community Psychiatry, vol. 45, p. 653-662.
Torrey a examiné des études scientifiques et des
reportages portant sur la relation entre la maladie mental e et la violence.
Elle a classé les articles scientifiques en cinq catégories
selon la population à l'étude : 1) les personnes qui ont
été arrêtées, 2) les malades mentaux hospitalisés,
3) les malades mentaux en consultation externe, 4) les familles dont un
membre est atteint d'une maladie mentale grave et 5) les personnes atteintes
d'une maladie mentale grave, et que des sondages dans la population générale
ont permis de découvrir. Les résultats des études
portant sur des personnes qui ont été arrêtées
indiquent que, dans les études antérieures à la désinstitutionnalisation,
les taux d'arrestation chez ces personnes étaient moins élevés
que prévu et que, dans les études ultérieures, ils
étaient plus élevés que prévu. Torrey souligne
cependant que les taux d'arrestation seuls ne constituent pas une mesure
valable de la violence, car la majeure partie des arrestations ont trait
à des crimes sans violence, et que cela est particulièrement
vrai dans le cas des personnes atteintes d'une maladie mentale, qui risquent
d'être «criminalisées» pour des délits
reliés à une inconduite. Comme les actes de violence sont
un des principaux critères suivant lesquels on décide d'hospitaliser
un malade mental, les études portant sur des malades mentaux hospitalisés
présentent des problèmes importants. Les études qui
portent sur des malades mentaux qui ont reçu leur congé
d'un hôpital psychiatrique peuvent comporter une sous-estimation
de la violence parce que seuls les patients qui ne présentent pas
de risque de violence sont autorisés à quitter l'hôpital.
Les études portant sur des patients en consultation externe montrent
une association entre un risque supérieur de violence et des symptômes
de psychose.
Par ailleurs, il est possible que les membres des familles des malades
mentaux courent un plus grand risque d'être victimes de violence,
question sur laquelle s'est penchée en 1990 la National Alliance
for the Mentally Ill. Les chercheurs ont estimé que, dans 10,6
p. 100 des familles où une personne était atteinte d'une
maladie mentale grave, un des membres de la famille avait été
blessé et que, dans 12,2 p. 100 des familles, il y avait eu des
menaces de blessures.
Les enquêtes transversales menées dans la population générale
montrent une relation entre la violence et la maladie mentale. Torrey
conclut que même si la grande majorité des malades mentaux
ne sont pas plus violents que les autres individus, mais qu'il existe
un sous-groupe de malades mentaux violents. Dans le cas des personnes
atteintes d'une maladie mentale grave, des antécédents
de violence conjugués à un problème de toxicomanie
et à l'inobservation des prescriptions médicales sont
des facteurs qui semblent accroître le risque. Face à ces
résultats, Torrey recommande un certain nombre de mesures restrictives
: que le critère de l'internement involontaire tienne compte
de ces variables prédictives de la violence, que le droit de
traiter un patient avec des médicaments sans son consentement
soit inclus d'office dans le droit de procéder à une hospitalisation
involontaire, qu'on envisage d'exiger des patients en consultation externe
qu'ils s'engagent à se soumettre à un traitement et à
une surveillance dans la collectivité, que les personnes ayant
des antécédents de violence ne soient pas autorisées
à vivre dans la collectivité et que des mécanismes
soient mis en place pour s'assurer que les malades mentaux qui vivent
dans la collectivité prennent les médicaments qui leur
ont été prescrits.
Whitmer, G.E. (1980). From hospitals to jails : The fate of California's
deinstitutionalized mentally ill, American Journal of Orthopsychiatry, vol.
50, no1, p. 65-75.
Cet article, qui est devenu classique, décrit ce qu'on
croit être les conséquences des réformes en santé
mentale qui ont conduit à la désinstitutionnalisation. La
principale thèse défendue dans cet article est que la Short
Act of 1968 de la Californie (Lanterman, Petris ) (la première
loi ayant remplacé le critère de l'internement involontaire
par le critère de la dangerosité) a entraîné
la «criminalisation des malades mentaux». Whitmer décrit
le processus par lequel des malades mentaux se retrouvent devant une cour
de justice, accusés de crimes qui sont symptomatiques de leur maladie.
Il décrit une foule de facteurs, certains reliés aux programmes
(soins inappropriés ou inefficaces offerts dans la collectivité),
certains de nature clinique (hésitation à entreprendre un
traitement, inobservation des prescriptions médicales, résistance
au traitement) et d'autres de nature juridique (critère de la dangerosité),
qui ont entraîné la déchéance d'un grand nombre
de personnes souffrant d'une maladie mentale chronique, et leur criminalisation
subséquente. Il qualifie ces patients de «laissés
pour compte par les soins de santé mentale».
Appendice B :
glossaire
Le glossaire qui suit vise à aider les lecteurs à comprendre
la terminologie scientifique et technique utilisée dans le présent
document. À moins d'indications contraires, les définitions
sont adaptées de Last (1988), A Dictionary of Epidemiology
(2e édition), Toronto, Oxford University Press,
et de Rothman (1986), Modern Epidemiology, Boston, Little, Brown
and Company.
Ajustement statistique : un mécanisme utilisé
pour réduire les différences dans la composition de deux
groupes de sorte que ceux-ci puissent être comparés équitablement
en ce qui concerne un résultat d'intérêt. Les comparaisons
non ajustées peuvent mener à des conclusions biaisées.
Biais : une erreur dans la conception de l'étude,
dans la collecte des données ou dans l'interprétation,
laquelle peut mener à des conclusions fautives. Le biais peut
être le résultat de la mauvaise classification des sujets
à l'étude pour ce qui est de soit l'exposition, soit des
facteurs influant sur les résultats, ou encore, tenir au fait
que l'on a étudié des groupes sélectifs de sujets
comme des patients mentaux ou des détenus. Les facteurs de confusion
(décrits ci-dessous) constituent une troisième source
de biais qui doit être contrôlée pour en arriver
à une inférence causale.
Biais de sélection : une erreur attribuable à
des différences systématiques des caractéristiques
des sujets choisis pour l'étude (p. ex. les malades mentaux ou
les détenus) et de la population dans laquelle ils ont été
choisis (tous les malades mentaux ou toutes les personnes qui sont violentes).
Enquêtes transversales : enquêtes qui recueillent
simultanément des données sur l'exposition (p. ex. la
maladie mentale) et sur le résultat (p. ex. la violence) auprès
d'un échantillon représentatif de sujets. Elles excluent
forcément l'ordre temporel des facteurs. Les études transversales
sont jugées idéales pour la formulation d'une hypothèse
et ne sont jamais utilisées comme fondement à l'inférence
de la causalité.
Épidémiologie : étude de l'incidence
des maladies et des problèmes de santé dans les populations
humaines ainsi que de leurs relations avec des facteurs conjoints de
«risque» et de «protection» afin de déduire
des explications causales pouvant servir à endiguer les maladies
dominantes dans la population. Aux États-Unis, les tribunaux
ont déterminé que les déclarations de causalité
dans les populations humaines ont le plus de poids si elles sont formulées
à partir d'études ayant recours à la caractéristique
logique causale des études épidémiologiques.
Études cas-témoins : études où
les sujets sont choisis en fonction du résultat d'intérêt
(p. ex. violent par opposition à non violent), les sujets étant
ensuite interrogés pour obtenir des renseignements sur l'exposition
(p. ex. les antécédents de maladies mentales). L'établissement
de l'ordre temporel des facteurs peut constituer un problème
dans les études cas-témoins du fait que les enquêteurs
doivent s'en remettre à la mémoire du sujet pour réunir
des renseignements sur l'exposition. De plus, il est possible que les
cas (ceux qui sont violents) se rappelleront des événements
passés différemment des témoins, ce qui entraîne
une erreur de mémoire. C'est donc dire que des inférences
causales ne sont habituellement pas formulées en fonction d'études
cas-témoins sans posséder de preuves à l'appui
provenant d'enquêtes sur des cohortes.
Études de cohortes : études qui suivent,
dans le temps, au moins deux groupes qui diffèrent en ce qui
concerne un présumé facteur causal quelconque (désigné
l'«exposition») et qui comparent ces groupes en regard de
leurs résultats. Le fait que tous les groupes soient libres du
résultat d'intérêt (c'est-à-dire la violence
dans le cas présent) au début de l'étude constitue
un élément essentiel de l'étude de cohortes. Les
études de ce genre rendent possible l'établissement de
l'ordre temporel des facteurs à l'étude, un élément
crucial de la formulation d'interprétations causales. Elles sont
donc considérées comme les plus fondées pour la
formulation de telles interprétations.
Facteurs de confusion : il y a facteur de confusion lorsque
les effets d'au moins deux facteurs sont confondus dans une série
de données, rendant ainsi difficile la constatation de leurs
effets distincts. Les facteurs de confusion sont reliés au résultat
de l'étude. S'ils sont aussi répartis de façon
différentielle dans l'ensemble des groupes à l'étude,
ils peuvent déformer les résultats de l'étude.
Un ajustement statistique peut réduire ou. contrôler les
effets des facteurs de confusion. Les facteurs qui peuvent confondre
la relation entre la maladie mentale et la violence comprennent l'âge,
le sexe et les antécédents de violence.
Nosologie du DSM (publiée par la American Psychiatric
Association) : ce manuel constitue la norme acceptée pour
les diagnostics psychiatriques en Amérique de Nord depuis de
nombreuses décennies. La version la plus récente est le
DSM-IV (publiée en 1994), mais les auteurs de la plupart des
études citées dans la littérature utilisent le
DSM-III (version révisée). La DSM présente l'évaluation
selon cinq axes, chacun renvoyant à un domaine d'information
distinct. L'axe 1 est celui des troubles cliniques et des autres affections
qui peuvent faire l'objet d'une intervention clinique. L'axe II est
celui des troubles de la personnalité et de l'arriération
mentale; l'axe III sert au codage des affections médicales. L'axe
IV décrit les facteurs de stress psychosocial et les problèmes
environnementaux et l'axe V permet d'établir une appréciation
générale de la capacité sociale et fonctionnelle
du patient.
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