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Science et recherche

3e conférence annuelle Amyot - « Science et gouvernance »

Présentée par le Dr Kevin Keough, expert scientifique en chef, Santé Canada.

La conférence fut donnée présentée deux fois :

Le mercredi 17 octobre 2001
17 h 30
Au Théâtre du Musée canadien des civilisations
100, rue Laurier, Hull (Québec)

Le jeudi 18 octobre 2001
10 h 00
Immeuble Sir Frederick G. Banting
Pré Tunney
Ottawa (Ontario)


Notes pour une allocution de Ian C. Green

Sous-ministre de la Santé
à l'occasion de la 3e Conférence annuelle Amyot

le 17 octobre 2001
Hull (Québec)

Version définitive

Introduction

Bonsoir mesdames et messieurs, Merci d'être venus.

Je suis ravi de vous souhaiter la bienvenue à la troisième conférence annuelle Amyot. C'est l'occasion d'entendre les plus grands penseurs et chercheurs en santé du Canada, des gens qui consacrent leur vie non seulement à la recherche et à l'approfondissement des connaissances, mais aussi à l'amélioration de la condition humaine.

C'est en quoi consiste, essentiellement, ces conférences annuelles.

Cette série de conférences est présentée en mémoire de mon illustre prédécesseur, le docteur J.A. Amyot, qui est devenu sous-ministre de la Santé lors de la création du ministère il y a 82 ans. Elle sert à mettre en évidence les réalisations importantes dans le domaine de la santé publique en reconnaissant l'excellence et en favorisant l'innovation et le débat sur les enjeux de la politique de santé.

C'est la première fois que mon collègue, Munir Sheikh, le nouveau sous-ministre adjoint principal de la Santé, et moi-même avons l'occasion d'assister à la conférence Amyot. Nous sommes tous les deux ravis d'y participer.

Dans quelques instants je vais céder ma place au ministre de la Santé, Allan Rock, qui vous présentera le docteur Kevin Keough, notre invité d'honneur et conférencier cette année.

Mais, si vous me le permettez, j'aimerais d'abord vous dire quelques mots.

Comme la conférence d'aujourd'hui a pour thème La science et l'exercice du pouvoir, il me semble à propos que nous réunissions ici, au Musée des civilisations.

De toute évidence, la science et l'exercice du pouvoir sont les marques d'une société civilisée.

Dans un climat d'incertitude comme celui dans lequel nous vivons depuis cinq semaines, les gens cherchent des explications auprès de leurs gouvernements et des chercheurs. Ils comptent sur eux pour les protéger, les rassurer et assurer un leadership.

Mais, même en temps ordinaire, la relation entre la science et l'exercice du pouvoir est le fondement même de la civilisation.Haut de la page

Comme le Dr Keough promet de nous l'expliquer dans son exposé, la recherche scientifique a, de tout temps, appuyé l'obligation du gouvernement de voir au bien public.

L'acquisition du savoir est importante en soi. Mais c'est la mise en pratique de ce savoir qui peut aider à redéfinir les politiques, règlements et pratiques du gouvernement.

De nos jours, par exemple, les gouvernements utilisent la science pour protéger le public en faisant appel aux meilleures données scientifiques pour gérer les risques pour la santé et la sécurité, pour l'environnement ou, encore, pour la sécurité publique.

C'est son Conseil consultatif des sciences qui a recommandé au ministre de créer un Bureau de l'expert scientifique en chef. C'était une façon d'améliorer la direction, la cohérence et l'expertise dans l'orientation stratégique globale des responsabilités scientifiques de Santé Canada.

Le Ministre était d'accord et nous avons nommé un expert scientifique en chef en janvier de cette année.

Le Bureau de l'expert scientifique en chef se fera le champion de la science au sein de Santé Canada et à l'extérieur du Ministère. Le Dr Keough tissera des réseaux entre les chercheurs de Santé Canada, du pays et du monde entier pour s'assurer que le Ministère poursuit des recherches de grande qualité en sciences de la santé.

Votre présence ici, aujourd'hui, est un appui sans équivoque à l'approche globale qu'adopte Santé Canada dans le domaine du développement du savoir, une approche qui repose sur le postulat que le système de santé appartient au Canadiens et que tous les secteurs ont intérêt à en assurer la viabilité.

J'espère que vous continuerez à soutenir Santé Canada, à assister à nos conférences, à remettre nos politiques en question - à l'occasion du moins - et à nous faire part de vos points de vue et de votre expertise de façon constante.

Sans plus tarder, je cède ma place au ministre Allan Rock.

Merci.Haut de la page


Notes pour une allocution d'Allan Rock

Ministre de la Santé du Canada à l'occasion
de la Troisième conférence annuelle Amyot

Le 18 octobre 2001
Hull (Québec)

Version définitive

Merci Ian.

Distingués invités, mesdames et messieurs. Bienvenue à la Troisième conférence annuelle Amyot, une série qui a débuté il y a deux ans avec la présentation inaugurale de notre cher Docteur Bob McMurtry. Ce fut un tour de force fort impressionnant.

L'année suivante, l'exposé du Docteur David Naylor avait pour sujet la médecine fondée sur l'expérience clinique. Cet exposé a eu un retentissement inoubliable, surtout pour ceux d'entre nous qui oeuvrons dans le système de santé.

Le prestige et l'éclat de cette série de conférences, qui en est à ses premiers pas, prennent de l'importance en raison surtout de la qualité des exposés qu'on y présente. Nous sommes convaincus que ce soir, le docteur Kevin Keough sera à la hauteur de la norme d'excellence déjà établie.

Je suis particulièrement ravi d'accueillir parmi nous l'honorable David Dingwall qui a occupé le poste de ministre de la Santé et s'est acquitté avec brio de ses fonctions, qui a su relever les défis avec sa détermination et son courage habituels.

C'est un plaisir de vous revoir David. Merci de vous être joint à nous.

Je suis aussi très heureux que ma collègue et mon amie Julie Bettney, ministre de la Santé de Terre-Neuve et du Labrador, soit ici.

Julie animait récemment la réunion annuelle de tous les ministres canadiens de la Santé. Julie fut une hôtesse merveilleuse. Nous avons passé trois journées fort agréables à St. John's. Je suis ravi que vous soyez ici parmi nous ce soir. Merci d'être là.

Le thème « science et gouvernance » recoupe deux concepts qui me sont devenus familiers au cours des dernières années. Car, voyez-vous, voilà déjà huit ans que je suis ici à Ottawa, dans la vie publique. J'ai passé les quatre premières années dans un milieu différent. Comme procureur général et ministre de la Justice, je fréquentais des milliers d'avocats. Je m'y sentais tout à fait à l'aise. Le droit, c'était ma vie.

Depuis quatre ans, je passe beaucoup de temps avec des scientifiques qui se sont montré, je l'avoue, des plus tolérants à mon égard. S'il est une chose que j'ai appris à leur contact, c'est qu'ils nous perçoivent, nous les partisans de la gouvernance - à tout le moins les politiciens - un peu comme des extraterrestres.

Chaque fois que j'en ai l'occasion, je m'efforce de les détromper de cette notion, de leur signaler et de leur expliquer les liens qui existent entre nos deux mondes car il y a, bien entendu, des similarités.

Les scientifiques s'appuient sur le processus d'examen par les pairs, un processus auquel les politiciens n'échappent pas puisque, à tous les quatre ans, ils doivent se soumettre à l'examen par les pairs le plus rigoureux qui soit.

Les scientifiques se targuent de poser les questions qui provoquent, d'évoquer les sujets délicats, de favoriser la controverse afin de susciter la découverte. Nous, adeptes de la gouvernance - du moins les politiciens - cernons les sujets délicats, les questions qui provoquent, puis, sans faire de bruit, nous les renvoyons en comité.

En haut de la page


Même si la science repousse les frontières du savoir, le gouvernement doit être en mesure de comprendre les progrès et s'assurer que les Canadiens tirent avantage des meilleures idées, tout en les protégeant des pires. La tâche n'est pas facile, car il ne suffit pas de savoir ce qui se passe dans le monde scientifique. Nous devons comprendre et être capables de réagir de façon rationnelle, au moment opportun.

L'exposé de Monsieur Keough, ce soir, fera valoir pourquoi il est si important de maintenir les liens fructueux entre les sciences et l'exercice du pouvoir.

Le premier ministre s'est fait l'ardent défenseur du renforcement de la capacité scientifique de notre pays avec la création de la Fondation canadienne pour l'innovation ; l'augmentation des revenus des conseils subventionnaires ; le financement du projet sur le GÉNOME ; la création des chaires d'excellence et l'intention de doubler, d'ici dix ans, l'investissement du gouvernement dans la recherche. Le premier ministre souligne ainsi que la science et notre capacité scientifique sont des éléments essentiels de notre avenir économique et social.

À titre de ministre de la Santé, je suis particulièrement fier du leadership du premier ministre, car c'est son gouvernement qui a créé les Instituts de recherche en santé du Canada. Je constate avec plaisir la présence du Docteur Alan Bernstein parmi les gens venus entendre Monsieur Keough.

Merci Allan de vous être joint à nous ce soir.

Les Instituts de recherche en santé du Canada, qui se sont déjà acquis une réputation mondiale, constituent un exemple éloquent de notre engagement. Ils sont maintenant 13 instituts qui travaillent dans tous les domaines, de la biologie moléculaire à la génétique, en passant par le système de santé et le bien-être de la population.

Chaque institut se compose d'un réseau complexe de partenaires des quatre coins du Canada, des secteurs public et privé et, cela est essentiel, de toutes disciplines.

Notre conférencier invité ce soir - pour cette troisième conférence Amyot - est l'un des pionniers des IRSC. À titre de vice-président de la recherche et des relations internationales à l'Université Memorial de Terre-Neuve, il travaille sans relâche à peaufiner le concept des instituts puis, ce qui n'est pas évident, à convaincre le gouvernement de les appuyer.

Monsieur Keough détient un doctorat en biochimie de l'Université de Toronto. Il s'est acquitté avec distinction de ses fonctions de professeur à cette institution. Tout au long de sa carrière, un élément de vie publique a toujours teinté ses projets.

Il est vice-président d'un comité consultatif national de l'extérieur qui conseille le gouvernement canadien dans les domaines de la science et de la technologie. Ancien membre exécutif du Conseil de recherches médicales, il est également membre fondateur du conseil d'administration de GÉNOME CANADA.

Il est évident que Monsieur Keough s'est mérité, tout au long de sa carrière, le respect et la confiance de ses pairs. Il a occupé des postes de direction au sein d'une variété d'organismes professionnels d'envergure nationale dans son champ d'expertise.

C'est pourquoi nous sommes privilégiés de pouvoir compter sur Monsieur Keough comme expert scientifique en chef à Santé Canada.

Monsieur Keough, vous nous gardez sur le qui-vive. Vous nous aidez à renforcer notre capacité scientifique, à adapter notre processus à l'avantage de tous les Canadiens.

Dans quelques minutes, vous vous demanderez sûrement pourquoi je ne reste pas pour écouter la conférence si c'est vraiment ce que je pense.

En haut de la page


J'ai une bonne raison. Je suis tenu de participer à une réunion du Comité du Cabinet à six heures, où non seulement je compte parmi les personnes qui doivent être présentes, mais où je dois de surcroît présenter un exposé. J'ai soupesé toutes les raisons possibles de ne pas m'y rendre, de venir ici plutôt, et j'en suis arrivé à la conclusion que je ne pouvais pas le faire sans me mettre dans le pétrin.

Je devrai donc me contenter de lire la transcription de son exposé, ce que je ferai avec empressement et intérêt.

Permettez-moi d'ajouter, avant de passer la parole à Monsieur Keough, qu'au cours des derniers mois, à titre de premier employé du Bureau de l'expert scientifique en chef de Santé Canada, Monsieur Keough a fait la preuve que ses compétences allaient au-delà du domaine scientifique, qu'il pouvait inventer un bureau où on l'a nommé sans définition précise. Il a su relever le défi et se mériter la confiance du Ministère et, je l'avoue, la gratitude du ministre.

Je vous invite donc à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à notre conférencier Amyot 2001, Monsieur Kevin Keough.


Notes pour une allocution du Dr Kevin Keough

Chercheur principal à Santé Canada
à l'occasion de la 3e conférence annuelle Amyot

Le 17 octobre 2001
Hull (Québec)

Version définitive

Je suis très honoré d'avoir été invité à présenter la troisième conférence Amyot. J'ai l'immense plaisir de pouvoir vous parler d'un sujet qui est, à mon avis, essentiel à une bonne gouvernance, soit la façon dont la science peut contribuer aux décisions du gouvernement. Ce sujet est mis en évidence par la façon dont le Dr Amyot abordait son travail au service de la santé publique de ce pays.

Le Dr Amyot était un médecin et un chirurgien, un praticien et un maître de conférence éminent. Il a également servi le pays avec distinction dans nos services médicaux à l'étranger durant la Première Guerre mondiale. Mais, avant tout, le Dr Amyot s'est consacré, presque fanatiquement si l'on ose dire, à la santé publique des Canadiennes et des Canadiens. Lors de la première conférence sur les services médicaux, en 1925, il déclarait : « Depuis 1900, j'ai passé chacune des vingt-quatre heures de la journée à penser à la santé publique. » Sa promotion de la filtration et de la chloration de l'eau et de la pasteurisation du lait a sauvé d'innombrables vies.

Le Dr Amyot fondait son désir ardent d'une meilleure santé publique sur des principes scientifiques objectifs et il était fier de sa contribution personnelle à cette science. à cette même conférence, il notait ceci : « La santé publique, cette branche de la médecine qui se préoccupe de la prévention de la maladie, a fait d'immenses progrès ces dernières années, depuis que nous disposons de certains faits scientifiques sur lesquels nous pouvons fonder notre action. » Les vues et les décisions du Dr Amyot s'appuyaient sur des principes scientifiques objectifs, d'où la pertinence du sujet que j'ai choisi de traiter ce soir.

Pendant des millénaires, les dirigeants et les gouvernements ont invité des hommes sages qui comprenaient (ou étaient censés comprendre) la dynamique du monde naturel et ses répercussions sociales, afin de les conseiller pour créer des politiques et des lois et prendre des décisions d'importance nationale. Dans certains cas, ces conseillers n'étaient guère plus que des voyants, dont les conseils se basaient davantage sur la superstition que sur la science. Dans d'autres cas, les conseillers étaient des personnes qui faisaient preuve de rigueur dans leur analyse et leur logique. Je pense ici à Aristote, qui était le conseiller scientifique d'Alexandre le Grand. Je crois comprendre que si Alexandre appréciait les conseils d'Aristote sur l'histoire naturelle, il n'était pas aussi sûr de la pertinence des conseils politiques d'Aristote. Manifestement, les conseils scientifiques ont une longue tradition dans la gouvernance.Haut de la page

à mesure que s'accélérait le rythme des découvertes scientifiques, s'accéléraient aussi les effets de la science sur les états et sur leurs habitants. L'amélioration continue de la mesure du temps, la découverte de la poudre à canon, la découverte des lois de la mécanique, l'invention de la machine à vapeur et la découverte de la cause des maladies infectieuses - ces progrès ont changé la vie des gens et les règles qui les régissaient.

Au XVe siècle, les universités sont devenues une importante source de conseils scientifiques pour les gouvernements. Par exemple, Isabelle d'Espagne se fiait largement au corps professoral de l'université de Salamanque pour obtenir des conseils sur des questions scientifiques. Isabelle consultait la faculté à propos de la proposition de Christophe Colomb voulant atteindre l'Orient en faisant voile vers l'ouest. La position du corps professoral était que, tout en sachant que la Terre était ronde, Christophe Colomb ne pourrait jamais voguer aussi loin et il « conseilla » à Isabelle de ne pas financer le voyage. Voilà peut-être l'origine de la réponse « c'est impossible de vous y rendre à partir d'ici ». Selon ce que des collègues m'ont dit à Salamanque, c'est un courtisan commerçant qui a convaincu lsabelle de financer le voyage, lui disant qu'elle n'avait pas grand chose à perdre. Si Christophe Colomb disparaissait, elle ne perdrait qu'un petit enjeu financier, alors que s'il gagnait l'Orient, il y aurait de grandes possibilités commerciales. Vous pouvez avoir une excuse de penser « tant de bruit pour ce conseil scientifique ou si peu de choses » ... mais comme vous le savez, le corps professoral avait raison. Christophe Colomb n'a jamais gagné l'Orient.

Dès le XVIIe siècle, des gouvernements parrainaient des travaux scientifiques. Charles II a créé l'Observatoire de Greenwich et le poste d'astronome royal pour effectuer des travaux scientifiques. Malheureusement, dans ce cas, les responsabilités n'allaient pas jusqu'à donner des conseils scientifiques - et on dissuadait l'astronome royal de donner son opinion.

Mais au XVIIe siècle, les gouvernements pouvaient profiter d'une nouvelle source de conseils scientifique judicieux indépendants, avec la création des sociétés savantes, comme la Royal Society en Angleterre (1660) et l'Académie des sciences en France (1666). D'autres pays suivirent l'exemple - le plus important étant les états-Unis, où Lincoln créait la National Academy of Science en 1863. Dès leurs débuts, ces entités furent une source de conseils scientifiques pour les gouvernements, bien que seule l'Academy of Sciences des états-Unis ait été créée spécifiquement dans ce but. Ces académies continuent de jouer un rôle important en tant que promoteurs de la science dans leur pays et en tant que conseillers scientifiques externes des gouvernements pour des questions essentielles d'intérêt public.

Jusqu'au XXe siècle, les conseils scientifiques prodigués aux gouvernements venaient principalement de l'extérieur de la fonction publique. La Seconde Guerre mondiale a changé cette situation de manière irrévocable. Les gouvernements se sont rendu compte qu'ils avaient besoin de participer activement au développement de la science et de la technologie nécessaires pour atteindre des objectifs nationaux. Le succès des grands projets scientifiques entrepris au profit de l'effort de guerre a pavé la voie à l'édification d'une capacité scientifique gouvernementale dans la dernière moitié du XXe siècle. Cette capacité a permis à nombre de gouvernements nationaux de devenir d'importants participants au développement scientifique et aux scientifiques gouvernementaux de jouer un rôle important, sinon prédominant, en donnant des conseils scientifiques servant à guider les autorités responsables de la gouvernance.

Les progrès en science et en technologie depuis la Seconde Guerre mondiale ont complètement réorganisé les structures sociales et économiques, ont entraîné les gouvernements dans une économie et une société mondiales, axées sur le savoir. Les progrès scientifiques et les nouvelles technologies envahissent nos vies et influencent de plus en plus la santé et la sécurité des citoyens et les milieux dans lesquels ils vivent. Ils ont redéfini notre compréhension des processus physiques, biologiques et sociaux qui ont un effet sur la santé humaine et l'environnement. Alors que le XXe siècle a été l'époque de la physique et de la chimie, le XXIe siècle sera sans aucun doute l'époque de la biologie, au cours de laquelle la compréhension du fonctionnement des molécules, des organismes vivants et des écosystèmes, et l'application des technologies qui s'y rattachent, changeront nos vies incommensurablement. La biotechnologie nous permettra d'utiliser des cellules animales et des bactéries pour produire de nouvelles molécules à des fins thérapeutiques. Elle pourrait permettre la production d'organismes sur mesure, dont l'utilisation pourrait être bonne ou mauvaise - s'agit-il là d'une panacée ou d'une boîte de Pandore? Appliquer la technologie de l'information à notre compréhension améliorée des biosystèmes influencera profondément des activités aussi diverses que la pharmacologie et la gestion des cheptels piscioles. En outre, la science et les technologies ont contribué à un système de transport moderne qui offre des avantages et des défis - il nous permet de transporter les agents thérapeutiques pour ceux qui en ont besoin beaucoup plus rapidement que par le passé, mais en même temps, il permet aussi à des personnes qui peuvent être porteuses d'une infection de se déplacer rapidement, et consciemment ou inconsciemment, de répandre une maladie.Haut de la page

Mais la science n'est pas seulement fondamentale pour la santé humaine et celle des écosystèmes, elle est au coeur de notre système national d'innovation. Elle est essentielle à la concurrence que nous livrons dans l'économie mondiale, où les idées et les connaissances sont la monnaie courante. L'application rigoureuse de la démarche scientifique est synonyme d'une économie en santé. Les pays ayant des processus consultatifs transparents, fondés sur des principes scientifiques objectifs, sont mieux placés dans les négociations commerciales internationales, en particulier dans les cas où la science est au centre de questions commerciales non tarifaires. Et le « sceau de la qualité » gouvernementale deviendra probablement de plus en plus importante pour le succès commercial de nouveaux produits à forte composante technologique. Les consommateurs s'attendent de plus en plus à ce que les organismes de réglementation du gouvernement aient recours à la science lorsqu'ils prennent des décision liées à l'innocuité des produits. Au XXIe siècle, les gouvernements s'efforcent de réaliser un équilibre délicat entre leurs responsabilités de gérance et leurs buts novateurs. En plus d'utiliser la science pour assurer la santé et la sécurité des citoyens et de leur environnement, les gouvernements doivent aussi s'assurer que la science sert à stimuler le développement commercial à l'avantage de la société. Les gouvernements qui peuvent réaliser cet équilibre susciteront la confiance du public et un environnement commercial vivant et dynamique.

Les progrès de la science et la nécessité pour les gouvernements et les particuliers de s'y adapter continueront de s'accélérer. Très peu de domaines relativement aux politiques et aux prises de décision des gouvernements ne sont pas touchés par la science. Le besoin de pouvoir compter sur des conseils scientifiques judicieux pour assurer une bonne gouvernance n'a jamais été aussi grand. En tant qu'introducteurs au XXIe siècle de la révolution biologique, les gouvernements doivent pouvoir, plus que jamais, répondre de manière informée et rapide aux questions d'intérêt national. Cela veut dire qu'ils doivent pouvoir développer et exploiter la science en vue du bien public. Dans l'effervescence de la biotechnologie, de la nanotechnologie et du changement climatique, l'application rigoureuse de la démarche scientifique sera essentielle pour assurer l'efficacité des gouvernements. Mais la science à elle seule ne peut fournir les solutions nécessaires à la gouvernance.

La science n'est que l'une des nombreuses et importantes voix à écouter. Elle est de plus en plus cruciale pour une bonne gouvernance, mais cela suffit rarement. Les décideurs du gouvernement doivent envisager un éventail de contributions et consulter des conseillers compétents dans bien des aspects de la politique d'intérêt public. Les facteurs économiques, les considérations sociales et politiques et l'activisme public devraient influencer et influencent certainement les décisions touchant la politique et la réglementation, et parfois, prennent le pas sur les conseils scientifiques. Les décideurs doivent exercer leur rôle légitime en soupesant ces contributions et en faisant des choix. On a demandé une fois à Einstein pourquoi on pouvait découvrir les atomes mais pas les moyens de les contrôler. Il a répondu : « C'est simple, mon ami, c'est parce que la politique est plus difficile que la physique. »

Dans notre ferveur à relever les défis et à capitaliser sur les possibilités offertes par les progrès scientifiques, nous ne devons pas perdre de vue la valeur, nécessaire à une bonne gouvernance, de la diversité des contributions et des conseillers.

Le gouvernement du Canada a reconnu que la science est l'un des outils les plus puissants à sa disposition pour prendre des décisions judicieuses dans un monde de plus en plus complexe. D'après les recommandations du Conseil d'experts en sciences et en technologie, un groupe consultatif indépendant, le gouvernement a adopté un Cadre applicable aux avis en matière de sciences et de technologie. Il donne une série de six principes et lignes directrices opérationnelles pour une utilisation efficace des avis relatifs aux sciences et à la technologie dans le processus décisionnel du gouvernement.

  • Repérage rapide - prévoir le plus tôt possible les questions découlant des progrès des connaissances.

  • Inclusion - s'assurer que des avis proviennent de diverses sources et disciplines pour saisir toute la diversité des défis et des possibilités, et des réflexions et opinions scientifiques. Pour être efficace, ce processus doit faire appel à une gamme suffisante de compétences, sans égard au fait qu'elles se trouvent au gouvernement, dans les universités ou dans les industries canadiennes, ou sur le plan international.

  • Principes et avis scientifiques objectifs - appliquer une diligence raisonnable pour assurer la qualité, l'intégrité et l'objectivité des principes et des avis scientifiques utilisés.

  • Incertitude et risques - une reconnaissance et une communication explicites de l'incertitude scientifique et du risque sont nécessaires.

  • Transparence et ouverture - une discussion ouverte des problèmes scientifiques et des opinions des experts, et un accès transparent et facile au processus de consultation et aux avis scientifiques.

  • Examen - revoir les décisions s'appuyant sur des arguments scientifiques pour s'assurer qu'elles traduisent les connaissances les plus récentes.

Un rapport récent de l'Institut d'études prospectives (IEP) de la Commission européenne faisait référence à ces principes comme aux « six commandements du CEST », parce qu'ils donnent une orientation opérationnelle formelle et explicite sur la façon dont il faudrait rechercher et appliquer les avis scientifiques pour assurer une bonne gouvernance.Haut de la page

Permettez-moi de partager avec vous ma définition de la science. Pour moi, la science inclut toute la gamme des activités - à partir de la production de nouvelles connaissances pour ses nombreuses applications. Elle inclut l'examen systématique des éléments naturels et sociaux de notre monde et la transposition des connaissances acquises au-delà des limites de la science elle-même. En retour, ma compréhension de la gouvernance englobe toutes les activités du gouvernement, qui auront un effet sur la société, comme l'élaboration de politiques et de règlements, l'élaboration d'avis pour les citoyens et l'adoption des lois.

Le but des gouvernements et des scientifiques devrait être d'intégrer des principes scientifiques objectifs et une gouvernance judicieuse. Il faut utiliser la science d'une manière responsable, transparente, approfondie, impartiale et crédible, ce qui permettra de centrer le débat d'orientation sur le fond des questions. Cela comporte de donner une information de qualité, présentée de manière pratique, à propos de ce que nous connaissons, de ce que nous ne connaissons pas et de la portée des incertitudes et des risques associés aux diverses solutions.

Il est important d'introduire très tôt dans le processus d'élaboration des politiques les principes et les avis scientifiques. Comme le disait le mathématicien français Poincaré : « La science est édifiée sur des faits comme une maison est construite avec des pierres. Mais une collection de faits n'est pas plus de la science qu'un tas de pierres n'est une maison. ».

Pour construire une maison à partir d'un tas de pierres, vous avez besoin d'un artisan - un tailleur de pierre. Celui-ci saura comment assembler les pierres pour que la maison résiste aux épreuves imposées par diverses forces. On peut en dire autant de l'accumulation des faits scientifiques - il faut un artisan, dans ce cas, un scientifique, pour interpréter et trier les faits, afin de créer une structure scientifique qui résistera à un examen scientifique et public minutieux. Les conseillers scientifiques doivent participer à l'identification et à l'évaluation des options stratégiques (dans une perspective scientifique) pour préserver l'intégrité des avis scientifiques tout au long de l'élaboration de la politique.

Le gouvernement a besoin de la science :

  • pour soutenir le processus décisionnel, l'élaboration de politiques et les règlements;
  • pour élaborer et gérer des normes;
  • pour appuyer les besoins de la santé publique, de la sécurité, de l'environnement et de la défense;
  • pour permettre le développement économique et social.

Mais où l'obtient-il?

Une bonne gouvernance demande des scientifiques ayant des titres et la capacité de réaliser des découvertes scientifiques et de les transposer dans des avis scientifiques judicieux. Dans certains cas, ces scientifiques seront des employés du gouvernement, dans d'autres cas, ils ne le seront pas.

Le gouvernement n'est plus le principal acteur de la recherche et du développement au Canada (actuellement, le gouvernement effectue 13 p. 100 de la recherche et du développement au Canada - ce qui est comparable aux moyennes des États-Unis. et de l'OCDE). Au cours des deux dernières décennies, les universités et l'industrie ont développé de solides capacités de recherche - environ 62 p. 100 de l'ensemble de la recherche et du développement est effectué par le secteur privé, et les universités quant à elles en effectuent 25 p. 100. Pour une bonne partie de la science et de la technologie requises par le gouvernement, les décideurs peuvent financer des travaux dans les universités, conclure des contrats avec l'industrie et, de plus en plus, accéder aux connaissances produites dans les instituts de recherche, au Canada et à l'étranger.Haut de la page

Alors que le coût, la complexité et le rythme des progrès scientifiques augmentent rapidement, les organisations n'ont plus les ressources ni les compétences pour travailler seules. Nous devons trouver de nouveaux moyens de conclure des partenariats - de regrouper des équipes multidisciplinaires de scientifiques provenant de l'ensemble du système d'innovation pour combiner leurs ressources intellectuelles, financières et matérielles, en effectuant les travaux scientifiques nécessaires pour mieux comprendre le monde complexe et hautement interconnecté dans lequel nous vivons.

Les scientifiques du gouvernement doivent être aussi rigoureux et informés que leurs collègues externes, pour former ces partenariats et y contribuer. Pour sa part, le gouvernement doit avoir la capacité interne requise pour assimiler, interpréter et extrapoler les connaissances acquises par l'entremise de ces partenariats dans le cadre de la gouvernance. Au départ, il faut améliorer les partenariats et la « capacité assimilation de la science » du gouvernement. Je pense que le gouvernement devrait favoriser l'échange de scientifiques entre le gouvernement, les universités et le secteur privé. Une libre circulation de scientifiques améliorera la qualité des avis scientifiques donnés au gouvernement, maximisera la contribution des scientifiques canadiens au système national d'innovation et renouvellera la vocation scientifique dans tous les secteurs.

Il est aussi important de regarder au-delà de nos frontières nationales - les processus de la science sont internationaux. Permettez-moi de revenir à l'université de Salamanque. En tant que l'une des plus anciennes universités d'Europe, l'université de Salamanque est apparue après les graves restrictions intellectuelles qui prévalurent pendant l'âge des ténèbres. Avec la reprise de la vie intellectuelle et de l'activité scientifique dans les universités européennes, comme à l'université de Salamanque, il y avait beaucoup de rattrapage à faire. Les universités le firent en faisant appel aux progrès qui s'étaient poursuivis dans d'autres parties du monde, en particulier ceux réalisés par les érudits et les scientifiques musulmans aux cours des XIe et XIIe siècles. Nous devons continuer de regarder à l'extérieur et adopter une approche inclusive en regard des principes et des avis scientifiques. Actuellement, bien des questions scientifiques qui apparaissent dans la gouvernance soulèvent les mêmes préoccupations dans les pays du monde entier. Tous les gouvernements doivent se tourner davantage vers des partenariats internationaux pour acquérir de nouvelles connaissances. La recherche conjointe est réalisable et rentable. Manifestement, l'analyse, l'interprétation et l'application de cette recherche devront être guidées par nos perspectives et nos valeurs nationales.

Mais, le gouvernement ne peut obtenir de sources extérieures toute la science, et les avis scientifiques en particulier, dont il a besoin au moment opportun. Les universités, le secteur privé et les organisations non gouvernementales, qui peuvent donner des avis externes, ont des principes, des mandats, des visions et des priorités qui ne sont pas toujours compatibles avec les programmes et les besoins du gouvernement en matière scientifique. Et il y a des moments où le gouvernement doit effectuer et diriger des travaux scientifiques qui sont d'une importance stratégique nationale. Lorsque la science et les technologies ne peuvent être obtenues efficacement à l'extérieur du gouvernement, celui-ci a besoin d'une capacité stratégique interne pour réaliser des travaux scientifiques de qualité. Le Conseil d'experts en sciences et en technologie a fait valoir également ce point de vue.

La clé est d'assurer la qualité, l'intégrité et l'objectivité des principes et des avis scientifiques sans égard à leur source. La science et les technologies produites et utilisées par le gouvernement doivent être excellentes. Pour que la science soit excellente et pour la présenter de façon concise dans des avis excellents, le gouvernement doit maintenir un principe en matière d'excellence scientifique. Cela inclut des scientifiques dynamiques et bien informés, un équipement et des installations scientifiques capables d'appuyer une science d'avant-garde, des ressources financières prévisibles et permanentes ainsi qu'un milieu de travail qui donne la possibilité de relever les défis de la science et de travailler avec les meilleurs scientifiques au monde. Et, si vous pensez que le coût d'une application rigoureuse de la démarche scientifique est élevé, pensez au coût de ne pas le faire. Mais, pour assurer l'excellence, les scientifiques, les décideurs et le public demandent que l'on assure que les données et les analyses sont de première qualité. Cela peut se faire au mieux à l'aide d'un examen par les pairs et les personnes ayant un intérêt direct pour la science.Haut de la page

L'innovation est la pierre de touche du progrès en science. Cela signifie que nous devons être ouverts aux moyens nouveaux, ainsi que traditionnels, d'interpréter nos observations. Notre méthode scientifique assure que le progrès réalisé dans la pensée scientifique est délibéré et mûrement réfléchi. Cela est essentiel à notre développement d'un ensemble cohérent et crédible de connaissances scientifiques. Les révolutions scientifiques se produisent souvent par le biais de changements radicaux, comme le changement de paradigme qui est survenu avec la compréhension de la structure de l'ADN. D'une manière ou d'une autre, nous avons à équilibrer un processus scientifique stable de vérifications et de contrôles avec un système qui encourage ces révolutions scientifiques et leur est réceptif. L'examen par les pairs - le test pour convaincre les pairs que votre point de vue devrait prévaloir - nous a bien servis au fil des ans et nous a souvent empêchés de nous engager dans des voies infructueuses. Mais, si le conservatisme entraîne des préjugés ou un manque d'ouverture aux nouvelles idées, la valeur centrale de l'innovation qui est le moteur du progrès de la science peut se perdre.

Nous devons reconnaître qu'il y a rarement des certitudes absolues en science. La plupart d'entre se souviennent peut-être d'expériences scientifiques faites à l'école secondaire, pour lesquelles vous établissiez un objectif et effectuiez l'expérience pour « prouver » que votre hypothèse était exacte. Habituellement, cela fonctionnait si vous l'effectuiez correctement et aviez la certitude que votre hypothèse était correcte. Mais la science en pratique ne fonctionne pas de cette manière. Le processus scientifique comporte une remise en question continue de la « vérité » assumée. Plus une explication résiste à des faits nouveaux et plus les scientifiques se convainquent de la validité de cette explication. Tout de même, les scientifiques doivent faire valoir le doute en science. Nous devons reconnaître que dans la science, il peut y avoir plus d'un ensemble légitime de conclusions tirées des mêmes faits - tout comme dans l'analogie de la maison, où l'on peut construire différentes maisons à partir d'un même tas de pierres. En science, toutefois, le nombre d'options devient habituellement plus limité à mesure que de nouveaux renseignements sont disponibles. Les scientifiques doivent donc expliquer clairement aux décideurs si d'autres explications des faits observés existent ou s'il n'y a pas d'accord scientifique. S'ils expriment leur préférence pour une certaine interprétation, ils devraient préciser que ce n'est pas la seule. Sinon, ils n'ont pas donné le meilleur avis scientifique. En retour, les décideurs doivent tenir compte de ces facteurs en prenant des décisions.

Lorsque l'on a seulement un fait, on n'a d'autre choix que de fonder l'interprétation sur ce fait. Lorsque l'on dispose de plusieurs faits, on doit les intégrer pour obtenir la meilleure explication d'un phénomène. Les avis scientifiques doivent être formulés d'une manière qui non seulement tient compte des nouveaux faits et s'y adapte, mais qui les prévoit et leur est favorable également.

Des opinions disparates peuvent exister et persister. On peut parfois les rapprocher, ou on peut obtenir un point de vue consensuel en recherchant un avis scientifique plus large. Les groupes d'experts, les comités consultatifs et d'autres mécanismes, comme des conférences consensuelles, peuvent apporter cet avis. Malheureusement, le gouvernement doit parfois prendre des décisions au beau milieu d'une crise publique, qui ne donne pas le temps nécessaire pour rechercher un consensus scientifique et des intervenants. Parfois, nous ne pouvons attendre ce que Périclès appelait le plus sage de tous les conseillers - le temps - aussi nous utilisons ce que nous avons de mieux. Mais je pense que nous devrions revoir nos décisions. L'incertitude qui prévaut dans la science et, de ce fait, l'incertitude des avis devraient nous alerter de la nécessité d'un examen.

Nous avons la malencontreuse tendance à chercher un coupable lorsqu'un avis et les mesures basées sur celui-ci se révèlent faux après coup. Si ces mesures proviennent d'une négligence, ce peut alors être une réaction convenable. Bien souvent, toutefois, le blâme n'est pas justifié et la perspective que l'avis peut être révisé à quelque moment dans l'avenir peut entraver la prestation du meilleur avis disponible aujourd'hui. D'où l'importance de communiquer ce que la science peut et ne peut pas nous dire au sujet des questions. Une approche prudente relativement aux avis scientifiques et aux prises de décision est certainement essentielle, surtout lorsque l'avis scientifique est donné dans l'intérêt public. Mais la précaution ne doit pas se traduire par la paralysie.

Cela souligne l'importance des relations entre les scientifiques et les décideurs. Pendant trop longtemps, ces deux collectivités ont représenté des solitudes séparées, à l'aise avec les traditions, les perspectives et les processus rattachés à leurs professions. Ce n'est pas un nouveau défi.

Dans les années 1860, le chimiste français Louis Pasteur inventait la pasteurisation. Parce que ses idées étaient révolutionnaires, elles furent adoptées lentement. L'idée de la pasteurisation du lait n'est arrivée en Amérique du Nord que dans les années 1880 - et même alors, il a fallu plus de 30 ans pour qu'elle trouve sa place dans une politique.Haut de la page

L'acceptation de cette idée aux é.-U. s'est produite en grande partie grâce aux efforts de Nathan Strauss, copropriétaire du grand magasin Macy's. N. Strauss avait été séduit par les avantages théoriques que présentait la pasteurisation. Il a vaincu la résistance des hommes et des femmes politiques, des producteurs laitiers et du public en montrant que le procédé de pasteurisation réduisait de façon importante les maladies et les décès qui résultaient de la consommation de lait cru. Il accomplit ce fait en procurant du lait subventionné et gratuit aux gens de New York. Au Canada, c'est notre John Andrew Amyot qui a pris la tête de l'introduction de la pasteurisation du lait. C'est une histoire intéressante, parce que c'est un cas où les scientifiques et les décideurs ne parvenaient à atteindre le résultat escompté, lorsqu'ils travaillaient séparément, mais réussissaient, lorsque la science et la politique travaillaient de concert.

Aujourd'hui, presque toutes les questions de politique affectent la science et les technologies ou sont affectées par celles-ci. Il est plus important que jamais pour les gouvernements d'assurer un lien fort et productif entre la science et la politique. Nos efforts dans ce domaine seront récompensés par de meilleures politiques et une confiance politique et publique accrue à cet égard. Permettez-moi de parler des défis :

  • la science ne peut pas toujours produire les faits et les réponses en respectant les délais nécessaires aux décideurs;

  • les personnes qui participent à l'élaboration des politiques et à la prise de décisions recherchent souvent la précision et la certitude - même si la science bien établie peut parfois tendre vers la précision, elle ne peut jamais assurer la certitude;

  • le développement scientifique et la validation s'obtiennent habituellement au moyen d'une large diffusion et par le défi des pairs, alors que la politique, au moins historiquement dans notre modèle de gouvernement de Westminster, a tendance à s'élaborer à partir de sources internes;

  • les scientifiques deviennent souvent frustrés lorsque les politiques et les décisions du gouvernement ne sont pas compatibles avec les principes et les avis scientifiques, alors que les décideurs sont aux prises avec la manière d'équilibrer la diversité des contributions et des avis.

Ce n'est que par un dialogue permanent que l'on pourra surmonter ces difficultés - les scientifiques et les décideurs doivent mieux comprendre leurs rôles respectifs ainsi que les processus et les outils qu'ils utilisent pour les tenir.

Il faut également se souvenir de certaines choses importantes. Les scientifiques doivent donner leur meilleur jugement et avis scientifiques, même lorsqu'une incertitude et une controverse importantes existent. Ils doivent aussi distinguer clairement le fait scientifique de leur jugement et de leur avis. En retour, les décideurs doivent s'assurer que les scientifiques participent à l'élaboration des politiques, tout au cours du processus, pour maintenir l'intégrité de l'avis scientifique.

La communication entre les scientifiques et les décideurs est primordiale. Non seulement devons-nous nous exprimer clairement, nous sommes aussi tenus d'écouter attentivement. Non seulement devons-nous réfléchir à ce que nous communiquons, mais aussi à ce que les autres entendent.Haut de la page

Le gouvernement doit compter sur les ressources nécessaires pour s'assurer qu'il obtient et utilise les meilleurs avis scientifiques. Il devrait encourager des scientifiques de haut niveau, à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement, à participer à ce processus. Il devrait soumettre ses principes et ses avis scientifiques à l'examen minutieux par les pairs et aux commentaires des intervenants. La rigueur et les avis scientifiques sont essentiels à la capacité du gouvernement à faire face aux possibilités et aux défis liés à la science, qui dominent notre économie et notre société. Il continuera d'y avoir des controverses, mais une application étendue de principes comme l'inclusion, l'ouverture et la transparence, l'excellence et l'examen, contribueront à accroître la confiance des décideurs du gouvernement et du public, à l'égard de ce que la science meilleure sert à orienter les décisions du gouvernement.

Je terminerai avec une autre citation du Dr Amyot qui, bien entendu, concerne la santé publique, mais qui peut s'appliquer à tous les domaines de la science et de la gouvernance. « Le public a exigé des hommes qui en savent plus et qui pourraient consacrer plus de temps à la santé publique comme cela ne s'est jamais fait auparavant. » Il en sera toujours ainsi. Nous devons agir.

Je vous remercie.


Notes pour une allocution de Munir A. Sheikh

Sous-ministre délégué de Santé Canada
à l'occasion de la 3e Conférence Amyot

Les 17 et 18 octobre 2001
Hull (Québec)

Version définitive

Comme l'a mentionné Ian Green, c'est la première conférence Amyot à laquelle j'assiste, tout comme lui d'ailleurs.

J'apporte à Santé Canada mon expérience en économie et en fiscalité. Mais, ce soir, je me suis senti comme un étudiant, qui écoute son professeur de science. Avant même que le Dr Keough ne se lève, je me suis demandé si j'allais comprendre ce qu'il allait dire.

Après son exposé, j'ai conclu que j'avais tout compris. Je dois préciser que, de nos jours, la qualité du dialogue entre les chercheurs et les autres responsables de l'élaboration des politiques est définitivement meilleure qu'il y a deux mille ans.

J'ai vraiment apprécié ce discours, et je dois dire que j'ai appris beaucoup de choses.

Merci Dr Keough de nous avoir parlé de l'importance de la science de façon aussi claire, directe et dynamique.

Je suis certain que vous êtes d'accord pour dire que le Dr Keough nous a présenté de nombreuses idées. J'aimerais discuter brièvement de trois des ses principaux messages.

Premièrement, le Dr Keough a souligné que la science était indispensable à l'évolution de l'espèce humaine. J'ajouterais même que c'est ce qui nous a fait sortir de l'âge de pierre. Où serions-nous sans la science?Haut de la page

Ce microphone sans fil en est un parfait exemple.

Deuxièmement, le Dr Keough a mentionné que la santé de la science était nécessaire à la santé de l'économie. Cela ne fait aucun doute. En tant qu'économiste, j'ajouterais, toutefois, que l'inverse est aussi vrai : la santé de l'économie est nécessaire à la santé de la science.

Par exemple, les économistes ont toujours affirmé que le marché ne permet pas toujours d'atteindre le niveau approprié de production scientifique. C'est pourquoi les gouvernements de tous les pays offrent un soutien considérable afin d'améliorer la compréhension du secteur scientifique.

Ayant oeuvré dans les secteurs de l'économie et de la fiscalité, je sais que c'est pour cette raison que le gouvernement du Canada est, parmi tous les pays du G-7, celui qui accorde la plus grande aide fiscale à la recherche scientifique et au développement expérimental.

Troisièmement, afin d'élaborer une politique sans faille qui contribue au bien-être des Canadiens et des Canadiennes, nous devons examiner l'interdépendance entre de solides preuves scientifiques et d'autres aspects de la politique.

Le Dr Keough a raison de dire que c'est là un rôle primordial pour le gouvernement.

Pour le Dr Keough, deux notions sont très importantes : la science est essentielle au développement humain et le gouvernement a un rôle essentiel à jouer dans le domaine scientifique.

Encore une fois, merci d'avoir partagé ces idées avec nous. J'en profite également pour vous dire à quel point je vous suis reconnaissant de m'avoir initié à ce type de conférences scientifiques.

J'aimerais maintenant vous remettre, en témoignage de notre appréciation, un petit cadeau de la part du ministre et du ministère de la Santé.

Merci.

Mise à jour : 2005-12-19 Haut de la page