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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Annexe 7

Historique de la Loi sur le tabac

Remarques préliminaires

Il est opportun de décrire les rôles et responsabilités des diverses instances qui ont eu à intervenir dans l'adoption de la Loi sur le tabac, car on ne doit pas confondre le ministère de la Santé, le gouverneur en conseil, la Chambre des communes et ses comités et la Chambre haute (le Sénat) et ses comités.

Ce qui est en cause dans le présent dossier, ce n'est pas la décision des fonctionnaires du ministère de la Santé, mais plutôt les travaux du législateur, soit le Parlement du Canada, composé de la Chambre des communes et de la Chambre haute appelée le Sénat :

Art. 17 de la Loi constitutionnelle de 1867 :

« IV POUVOIR LÉGISLATIF

Constitution du parlement du Canada

17. Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d'une chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes. »

Renvoi : compétence du Parlement relativement à la Chambre haute [1980] 1 R.C.S. 2, La Cour :

« Le Sénat a un rôle vital en tant qu'institution faisant partie du système fédéral créé par l'Acte. » (p. 66)

« Un but primordial de l'institution du Sénat, en tant que partie du système législatif fédéral, était donc d'assurer la protection des divers intérêts régionaux au Canada quant à l'adoption de la législation fédérale. » (p. 67)

« Le pouvoir d'édicter des lois fédérales a été donné à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes. Ainsi, on a voulu que l'organisme créé pour protéger les intérêts des régions et des provinces participe à ce processus législatif. » (p. 68)

Le rôle du ministère de la Santé

C'est en raison du problème de santé publique que pose le tabagisme que le ministère de la Santé a mis de l'avant plusieurs programmes pour protéger les Canadien(ne)s contre les méfaits du tabac.

Les pouvoirs et fonctions du ministre de la Santé sont énumérés à l'article 4 de la Loi sur le Ministère de la Santé - L.C. 1996, chap. 8 :

4. (1) Les pouvoirs et fonctions du ministre s'étendent d'une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement liés à la promotion et au maintien de la santé de la population ne ressortissant pas de droit à d'autres ministères ou organismes fédéraux.

Attributions

(2) Les attributions du ministre en matière de santé comprennent notamment :

a) l'exécution des lois et décrets ou règlements fédéraux ne ressortissant pas de droit à d'autres ministères fédéraux ou à l'un de leurs titulaires, et touchant de quelque manière que ce soit à la santé de la population;

a.1) la promotion et le maintien du bien-être physique, mental et social de la population;

b) la protection de la population contre la propagation de la maladie et les risques pour la santé;

c) les enquêtes et les recherches sur la santé publique, y compris le contrôle suivi des maladies;

d) l'établissement et le contrôle des normes de sécurité des produits de consommation ainsi que de l'information relative à la sécurité dont ceux-ci et les produits destinés à l'usage en milieu de travail doivent être accompagnés;

e) [...]

h) sous réserve de la Loi sur la statistique, la collecte, l'analyse, l'interprétation, la publication et la diffusion de l'information sur la santé publique;

i) la coopération avec les autorités provinciales en vue de coordonner les efforts visant à maintenir et à améliorer la santé publique.

[nous soulignons]

Information et éducation

Depuis la parution, en 1969, du Rapport du comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales sur l'usage du tabac et de la cigarette (RJR MacDonald, [1995] 3 R.C.S. 199, p. 249, 250, 278), le ministère de la Santé a mis de l'avant plusieurs programmes visant à informer les Canadien(ne)s des méfaits de la cigarette.

Comme le soulignaient les membres du comité permanent de la santé en 1969 :

« Bien qu'il soit évident que la vente de cigarettes ne peut pas être interdite en ce moment, il est également manifeste que la production, la distribution et la vente de ces produits ne peuvent plus être envisagées dans la même perspective que la production, la distribution et la vente d'autres produits. » (RJR MacDonald - 1995, p. 249)

Au fil des ans, le ministère de la Santé a présenté toute une gamme de programmes éducatifs :

  • 1983 - Canada, Santé et Bien-être social Canada. Initiatives canadiennes en matière de santé et de lutte contre l'usage du tabac.
  • ED-199 (RJR MacDonald - 1995, p. 250)

  • 1985 - Canada, Santé et Bien-être social Canada. Accord fédéral et provincial pour travailler à l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme national de lutte contre le tabagisme.
  • ED-198 (RJR MacDonald - 1995, p. 251)

  • 1987 - Canada, Santé et Bien-être social Canada. Document d'orientation du programme national de lutte contre le tabagisme au Canada. Programme national de lutte contre le tabagisme. Annexe du National Program to reduce tobacco use: Orientation Manuals & Historical perspective.
  • ED-198 (RJR MacDonald 1995, p. 25)

  • 1989 - National Program to reduce tobacco use: Orientation Manuals and Historical perspective.
  • ED-197
    ED-198 (RJR MacDonald 1995, p. 25)

  • 1995 - Santé Canada, Stratégie de réduction de la demande de tabac revue et mise à jour de l'an Un. Janvier 1995.
  • ED-191

  • 1995 - Santé Canada, La lutte contre le tabagisme - Plan directeur pour protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes.
  • ED-189

  • Ø 1998 - Santé Canada - Evaluation of the tobacco demand reduction strategy, Final report.
  • ED-162

  • 1999 - Nouvelles orientations pour le contrôle du tabac au Canada, une stratégie nationale.
  • ED-159

  • 1999 - Rapport sur la lutte contre le tabagisme - Santé Canada
  • ED-139

  • 2001 - La stratégie nationale : Aller de l'avant. Rapport d'étape fédéral, provincial, territorial 2001 sur la lutte contre le tabagisme.
  • ED-122

  • Annexe A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires » qui contient des extraits des pièces ED-52 à ED-103
  • ED-120

Le travail effectué par Santé Canada

Mme Ferguson a occupé le poste de Directrice générale des politiques de santé et de l'information à Santé Canada de 1991 à 1997 et a coordonné le développement de la politique antitabac. Elle a témoigné devant la Cour les 11 et 12 juin 2002 (volumes 35 et 36 des transcriptions) pour expliquer le travail effectué par Santé Canada quant à sa politique contre le tabagisme.

Lors de son témoignage, ont été produits, notamment, les documents suivants qui sont cités plus loin :

  • P-123 Notes personnelles de Mme Judy Ferguson en vue de l'audition
  • D-274 « La lutte contre le tabagisme - Un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens » (Tobacco Control: A Blueprint to Protect the Health of Canadians)
  • D-271 « Analyse d'options en matière de restrictions des activités de promotion du tabac » (Analysis of Options for Tobacco Product Promotion Activity Restrictions)

Le problème du tabagisme tel qu'il était envisagé par Santé Canada avant l'entrée en vigueur de la Loi sur le tabac (p. 4-5 de P-123)

La vision de Santé Canada quant au problème du tabagisme s'articule autour de trois points :

1. Le produit et ses émissions (Q20-25)

  • Le produit lui-même (le tabac) est toxique et crée de la dépendance; il contient plusieurs produits chimiques dangereux, y compris des carcinogènes connus.
  • Le tabagisme est la première cause d'une série de maladies qui pourraient être évitées, comme les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies respiratoires et le cancer.
  • Le tabagisme est la première cause de décès prématuré : de 40 000 à 45 000 Canadien(ne)s meurent chaque année des suites du tabagisme.
  • La fumée secondaire a plusieurs effets négatifs sur la santé; elle est notamment liée aux maladies du coeur, au syndrome de mort subite (chez les nouveaux-nés) et aux maladies respiratoires.
  • Les coûts reliés à la consommation de tabac sont estimés à 15 milliards de dollars par année en perte de productivité et à 3,5 milliards de dollars par année en soins de santé.
  • Les fumeurs commencent à fumer entre l'âge de 14 ans et demi et 15 ans en moyenne; 14% des enfants de 10 à 14 ans fument.
  • Environ 300 000 jeunes commencent à fumer chaque année. Ils croient qu'ils ne deviendront pas dépendants, mais ils auront passablement de difficulté à arrêter de fumer.
  • Environ la moitié des fumeurs dépendants vont mourir d'une maladie reliée au tabagisme.
  • 2. L'accès aux produits du tabac (Q25)

    Les produits du tabac sont vendus à grande échelle dans des milliers de points de vente, et les mineurs peuvent se les procurer assez facilement que ce soit par l'entremise d'amis plus âgés ou de détaillants qui ne respectent pas la loi.

    3. Les facteurs qui incitent à faire usage du tabac (Q25)

    Le prix peut être considéré comme un facteur d'incitation. Cela a été le cas avant 1994, pendant les années où sévissait la contrebande, alors que les consommateurs pouvaient se procurer à meilleur marché des cigarettes vendues illégalement à grande échelle.

    La publicité constitue aussi un puissant moyen d'encourager la consommation des produits du tabac :

    • La publicité est omniprésente et envahissante; on la retrouve sur les panneaux, sur les murs, dans les kiosques, sur les autobus, etc. ;
    • elle donne une image positive du tabagisme et transmet des messages qui attirent les jeunes;
    • elle renforce le comportement du fumeur et le décourage d'abandonner ses habitudes de consommation;
    • elle transmet l'impression que fumer est une activité agréable, socialement acceptable et plus répandue qu' elle ne l'est en réalité;
    • La publicité suggère que le fumeur peut tirer des avantages ou des bénéfices du tabagisme.

Dans la période qui a précédé l'entrée en vigueur de la Loi sur le tabac, on observait une quantité considérable de publicités de commandite.

Il faut garder à l'esprit que les jeunes sont particulièrement vulnérables à la publicité.

L'approche de Santé Canada en matière de lutte antitabac (p. 5 de P-123, Q26)

L'approche favorisée dans la lutte contre le tabagisme est une approche globale (comprehensive approach) parce que le tabagisme est influencé par plusieurs facteurs à la fois. Dans le cadre de cette approche globale, diverses mesures peuvent être mises en oeuvre simultanément : augmentation du taux de taxation sur les produits du tabac, campagnes d'éducation, de sensibilisation et de prévention, programmes pour aider les fumeurs à cesser de fumer, adoption d'une législation, etc. Appliquées individuellement toutes ces mesures sont inefficaces ce pourquoi il faut privilégier les solutions globales.

L'impact de la décision de la Cour suprême (p. 6 de P-123, Q27-30)

Cette décision est d'un intérêt considérable pour les raisons suivantes :

  • elle a créé un vide législatif qui permet aux compagnies de tabac de faire de la publicité sans restriction (avec pour conséquence de contrer les messages de santé et de provoquer une augmentation potentielle de la consommation, en particulier chez les jeunes);
  • elle a confirmé l'importance de l'objet de la LRPT, en l'occurrence protéger la santé des Canadien(ne)s, objet qui a été jugé suffisamment valable pour que la liberté d'expression des compagnies de tabac soit restreinte;
  • elle a prévu des solutions de rechange que la Cour pourrait considérer raisonnables, comme le fait d'interdire la publicité «de style de vie» et la publicité destinée aux jeunes tout en permettant la publicité «informative» ou «préférentielle de marque».

Le jugement de la Cour suprême a été rendu le 21 septembre 1995. La ministre de la Santé a décidé de consulter les Canadiens quant aux orientations législatives destinées à remplir le vide juridique créé par la décision de la Cour suprême. Les fonctionnaires de Santé Canada ont alors examiné les options législatives qui permettraient au ministère d'atteindre ses objectifs en matière de santé publique. (ED-274).

Le processus d'élaboration de la politique antitabac (p. 7 de P-123, Q31-32)

La politique antitabac s'est élaborée à partir des quatre points suivants :

  1. Le problème : le tabac pose problème tout comme la facilité avec laquelle on peut se le procurer. Sont également problématiques l'incitation à la consommation et le vide législatif créé par la décision de la Cour suprême.
  2. Les raisons justifiant une intervention : la santé des Canadien(ne)s et les coûts sociaux qu'engendre le tabagisme (taux de morbidité et de mortalité, perte de productivité, etc. ).
  3. Les solutions envisagées : réglementer le produit, limiter son accessibilité, réduire la demande, éduquer les citoyens et les informer des risques du tabagisme pour la santé.
  4. Les mesures retenues : les mesures retenues par la ministre furent la législation, la réglementation et l'application de la loi.

Le plan directeur (Blueprint : pièce D-274, p. 8-9 de P-123)

Santé Canada a décidé d'expliquer le processus d'élaboration de sa politique aux Canadien(ne)s et de les consulter par le biais d'un document public intitulé « La lutte contre le tabagisme - Un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens » (Tobacco Control: A Blueprint to Protect the Health of Canadians, pièce D-274).

Ce plan directeur informe les citoyens sur le problème que constitue le tabagisme, décrit les objectifs poursuivis Santé Canada en matière de santé et énonce les orientations législatives visées. (Q32-33)

On ne peut interdire le produit (il y a plus de 6 millions de fumeurs), donc on met l'accent sur la réduction de la demande (en réglementant le produit, la promotion de celui-ci et comment il est vendu). Il y a un besoin évident d'une approche globale pour s'attaquer à un ensemble de facteurs qui influencent le tabagisme (restreindre au maximum la publicité et contrer les messages positifs avec des avertissements de santé). (Q34)

La consultation fait partie intégrante du processus démocratique, comme l'a souligné la Cour suprême dans l'arrêt Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, à la page 256, 257, par. 68 :

« Enfin, nous devons souligner que le bon fonctionnement d'une démocratie exige un processus permanent de discussion. La Constitution instaure un gouvernement par des assemblées législatives démocratiquement élues et par un exécutif responsable devant elles, [TRADUCTION] « un gouvernement [qui] repose en définitive sur l'expression de l'opinion publique réalisée grâce à la discussion et au jeu des idées » (Saumur c. City of Quebec, précité, à la p. 330). Le besoin de constituer des majorités, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, par sa nature même, entraîne des compromis, des négociations et des délibérations. Nul n'a le monopole de la vérité et notre système repose sur la croyance que, sur le marché des idées, les meilleures solutions aux problèmes publics l'emporteront. Il y aura inévitablement des voix dissidentes. Un système démocratique de gouvernement est tenu de prendre en considération ces voix dissidentes, et de chercher à en tenir compte et à y répondre dans les lois que tous les membres de la collectivité doivent respecter. »

Les Canadien(ne)s veulent avoir leur mot à dire sur les sujets qui les concernent ou qui concernent le pays. Les consultations publiques sont utiles au gouvernement pour connaître les opinions des citoyens et pour voir s'il est sur la bonne voie. Ce processus lui permet également de récolter de nouvelles idées, de profiter d'une diversité d'opinions et d'obtenir une vision plus juste des valeurs et priorités des Canadien(ne)s. (Q33)

Le processus de consultation sur le tabac a duré plusieurs mois, et de nombreux répondants d'opinions divergentes y ont participé : gouvernements provinciaux, administrations municipales, manufacturiers de tabac, détaillants, organismes du domaine de la santé, associations artistiques et sportives, établissements d'enseignement, syndicats, etc. Santé Canada a reçu environ 3 000 réponses, dont près de 85 mémoires détaillés, et a tenu des consultations bilatérales avec une trentaine de groupes. (Q35)

(ED-188 : Liste des représentations déposées à la suite de la publication du Plan directeur - Blueprint submissions).

Comme l'a expliqué Mme Ferguson, la tâche des fonctionnaires de Santé Canada consistait à examiner les réponses et suggestions reçues de la part des citoyens, à réviser les études provenant d'organismes étrangers et à élaborer les différentes solutions législatives en tenant compte des indications de la Cour suprême et des objectifs législatifs poursuivis.

La recherche (p. 9-10 de P-123, Q36-38)

Les recherches scientifiques permettent d'en apprendre plus sur une multitude de facteurs liés au tabagisme. L'état des connaissances en cette matière repose sur une vaste gamme d'études internationales. Une douzaine d'études ont également été commandées par Santé Canada qui voulait connaître la situation qui prévaut au pays sur des questions comme le marketing et la promotion des produits du tabac, l'accès à ces produits, l'efficacité des codes volontaires, le contenu du produit, les facteurs qui incitent les gens à commencer à fumer et le tabagisme.

La recherche a confirmé la nécessité d'adopter une approche globale de lutte antitabac (les facteurs qui mènent à la consmmation de tabac sont complexes, multifactoriels, pluridimensionnels et interreliés). De plus, l'état des connaissances a fait évoluer la pensée de Santé Canada sur certains aspects de la réglementation des produits du tabac, sur le tabagisme et sur ses causes.

« Analyse d'options en matière de restrictions des activités de promotion du tabac » (Analysis of Options for Tobacco Product Promotion Activity Restrictions) (pièce D-271) (p. 10-15 de P-123)

Dans le document intitulé « Analyse d'options en matière de restrictions des activités de promotion du tabac » déposé comme pièce D-271 (Q39-44), Santé Canada traite des activités de promotion des produits du tabac (APPT) et des options qu'elle a considérées pour restreindre ces activités. Dans le jugement sur la LRPT, la Cour avait critiqué le gouvernement pour ne pas avoir documenté les options qu'il avait envisagées. Ce document décrit et énonce la position de Santé Canada (Q41).

Les objectifs de ce document sont les suivants : (s.1, p. 1 de D-271, p. 11 de P-123) :

  • expliquer l'approche de Santé Canada en ce qui a trait à la réglementation des activités de promotion et de marketing des produits du tabac;
  • documenter les options considérées.

L'Analyse d'options couvre plusieurs aspects du tabagisme (p. 11-12 de P-123), notamment ceux-ci :

L'information sur les produits du tabac et sur l'usage du tabac (s.1, p. 1 de D-271)

  • Malgré son incidence néfaste sur la santé publique, le tabac est un produit légal et très accessible;
  • La science n'a pas encore déterminé jusqu'à quel point l'être humain peut, sans risque, être exposé à la fumée du tabac;
  • Le tabac cause une très forte dépendance;
  • En général, les fumeurs commencent à fumer au cours de la pré-adolescence ou de l'adolescence;
  • La promotion du tabac est omniprésente;
  • Le tabac représente une source importante de revenus de taxation.

Les objectifs en matière de législation et de santé publique (p. 5 et 8 de D-271) :

Protéger la santé des Canadien(ne)s contre les méfaits du tabagisme :

  • Réduire la consommation du tabac;
  • Augmenter le taux de cessation;

Les principes applicables à l'élaboration des options (p. 9 de D-271) :

Analyse d'études et de rapports relevant des sciences sociales (s.3.1 de D-271)

  • Les limites des recherches dans le domaine des sciences sociales :
  • « Three principles apply to the analysis of available studies and reports. First, reliance on empirical findings is restricted by their limited availability and interpretability, in view of the methodological limitations of social science in a complex area like the measurement of the influence, impact and effectiveness of persuasive communications. Because scientific experiments are not possible (and would not be ethical) and empirical data are often not available, reason and logic must be relied upon to analyze the issues and to apply the guidance of the Supreme Court of Canada »

  • L'information reçue doit être analysée d'une manière conservatrice :
  • « Second, available information is conservatively assessed, to avoid going beyond what can reasonably be inferred from the available studies. The approach adopted is multifactorial and qualitative, not deterministic or quantitative. The consistency of available scientific studies is considered. »

  • Les sources consultées :
  • « The two major sources of relevant findings and studies are the existing public record at the time of writing, including the syntheses of social science findings provided by published reports from the United States (such as that of the Office of the Surgeon General, the National Research Council's Institute of Medicine and the Food & Drug Administration) and by the analytical topic reports prepared under contract for Health Canada, that have been made public. In addition, to the extent feasible, the results of some recent studies that appeared in the academic literature after the publication of the major policy syntheses, or which came to Health Canada's attention through the consultation process on the 1995 Blueprint, are also included. »

  • Le résultat de l'analyse est ainsi résumé :
  • « It follows, therefore, from the above considerations, that tailored legislation that allows sufficient latitude for informational or brand preference advertising for the purpose of communicating with consumers, but which prohibits lifestyle promotional activities, and limits the spillover impact of any permissable tobacco promotional activities on to children and adolescents (youth), can serve to reduce inducements to use tobacco products while allowing tobacco companies to communicate with consumers. » (p. 11)

Les options en matière de restriction de la promotion des produits du tabac (s.7, p. 77 de D-271, Q55-66) :

Option1 : un code volontaire d'emballage et de publicité

Avantages : Pas d'obligations ni de dépenses liées à son application.

Désavantages :

  • Ne s'applique qu'aux signataires (les 3 principaux manufacturiers de tabac); ceux-ci peuvent cesser d'adhérer au Code à tout moment (comme l'avait fait RBH en 1986-1987);
  • Ne contribue pas à atteindre les objectifs de santé (le Code n'empêche ni ne réduit significativement l'impact de la promotion des produits du tabac chez les jeunes);
  • L'objectif de l'industrie (vendre en plus grande quantité un produit nocif pour la santé) est fondamentalement incompatible avec celui du gouvernement (réduire la consommation de ce produit);
  • Le Code n'est pas exécutoire (aucune sanction n'est prévue en cas de transgression).

Il a été démontré, par le passé, que les codes volontaires servent bien l'industrie mais mal le public. En effet, il est arrivé très souvent que les codes volontaires ne soient pas respectés.

Option 2: Négocier un code volontaire avec l'industrie du tabac (p. 81 de D-271) (Q63)

Avantages : Les mêmes que pour l'option 1 ( aucune obligation de l'appliquer ou de le faire appliquer).

Désavantages : Les mêmes que pour l'option 1 (les objectifs de santé du gouvernement étant incompatibles avec les objectifs mercantiles de l'industrie du tabac).

Option 3 : Interdiction totale sur toutes les formes de promotion des produits du tabac (p. 82 de D-271) (Q64)

Avantages : En accord avec les objectifs de santé.

Désavantages : Contraire aux indications données par la Cour suprême.

Option 4 : Interdiction partielle (législation globale assortie d'interdictions circonscrites) (p. 83 de D-271) (Q65)

Dans ce cas, huit ou neuf options sont possibles.

Le document de Santé Canada propose aussi des options pour réglementer la promotion d'événements (publicité de commandite) :

  • Permettre seulement la publicité de commandite (p. 94 de D-271)
  • Interdire complètement les éléments reliés aux marques des produits du tabac dans la publicité de commandite (p. 95 de D-271)
  • Restreindre la publicité de commandite (exigences circonscrites) :
    • imposer des restrictions de proportionnalité quant aux éléments de marque sur les publicités de commandite (p. 96 de D-271)
    • imposer l'apposition de messages de santé obligatoires sur les publicités de commandite et autres articles promotionnels (p. 97 de D-271)
    • réglementer le marketing des événements commandités (p. 99 de D-271)
  • Envisager d'autres restrictions possibles (p. 101 de D-271) :
    • freiner la croissance du marketing d'événements commadités
    • restreindre le public cible visé par la publicité de commadite
    • faire du contre-marketing
    • abolir la politique et le financement (p. 102 de D-271)

L'option privilégiée est ainsi décrite (p. 104 de D-271) (p. 15 de P-123, Q66) :

« A legislative package to restrict TPPA by effectively reducing its appeal and extent of pervasiveness would have to be comprehensive in scope. This would respond to the emerging marketing and social science information which acknowledges that multi-dimensional marketing strategies have an aggregate impact. All the major means available for promoting tobacco products must be addressed by legislation, including advertising that depicts the product or package, advertising by means of tobacco-linked sponsorship promotions and other types of promotion which enhance the visibility, prominence and appeal of tobacco products, such as the use of expanded product displays at retail as a form of promotion. All regulations would be crafted, on the basis or research, to ensure that TPPA which is not limited to information or brand preference as distinct from lifestyle, or which is youth-oriented, is prohibited or restricted in venue. »

Le document de Santé Canada contient également des résumés de quelques expériences internationales (p. 111 de D-271) ainsi qu'une bibliographie de 115 références utilisées dans la préparation de l'analyse (p. 121 de D-271).

Outre Mme Ferguson, une équipe de 10 à 12 personnes a travaillé sur la politique antitabac de Santé Canada, et ce du début à la fin du processus (Q69).

Cette équipe a même poursuivi ses activités après le dépôt de la Loi en décembre 1996, car le ministre devait être prêt à témoigner devant le Comité permanent de la santé (Standing Committee on Health) et devant le comité sénatorial (Senate Committee). Il demeurait possible que des amendements soient apportés à la loi, ce pourquoi les options devaient être revues continuellement. (Q70).

Contre-interrogatoire de Mme Judy Ferguson (12 juin)

En contre-interrogatoire, Mme Ferguson a eu l'occasion de préciser les motifs de Santé Canada quant à certains choix.

Mme Ferguson a d'abord expliqué qu'à Santé Canada on tenait pour acquis que la Cour suprême avait confirmé l'existence d'un lien entre la publicité et la consommation, ce pourquoi on ne jugeait pas nécessaire d'établir ce lien de nouveau (Q523, p.7329).

Mme Ferguson a également expliqué pourquoi la formulation « publicité dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle pourrait être attrayante pour les jeunes » avait été utilisée plutôt que l'expression « publicité visant les jeunes ». Il s'agissait de tenir compte de la distinction entre l'intention (réelle ou apparente) de la publicité et son impact: beaucoup de gens qui ne sont pas visés par une publicité sont de toute façon exposés à celle-ci et influencés par elle. Ne viser que l'intention serait donc inefficace (Q265ss, p.7257ss et Q596, p.7357).

Mme Ferguson précise que, dans l'esprit de Santé Canada, les poursuites ne viennent qu'en dernier recours (Q546, p.7336).

Mme Ferguson ajoute que son équipe a examiné des centaines d'exemples de publicités qui sont «informatives» sans nécessairement contenir d'éléments de «style de vie» (Q357, p. 7283). Elle a aussi indiqué qu'elle ne pouvait pas s'imaginer, compte tenu de toute la recherche faite par les compagnies de tabac, compte tenu de l'admirable innovation dont elles font preuve et compte tenu des ressources financières dont elles disposent, que ces dernières ne seraient pas capable de produire de la publicité qui respecte la législation (Q548-551, p.7337-7339).

À propos de l'approbation préalable des publicités, Mme Ferguson a expliqué qu'à sa connaissance la proposition n'avait jamais été sérieusement soumise par l'industrie. D'ailleurs, vu que la loi était contestée quant à sa constitutionnalité, on était d'avis, à Santé Canada, que ce n'était pas au ministère mais à la Cour d'interpréter la loi (Q558, p. 7341). De toute façon, il subsiste une difficulté inhérente au processus d'approbation préalable en ce sens que la légalité d'une publicité dépend de plusieurs facteurs : l'endroit où elle est placée, comment elle est diffusée, quelle est la population de jeunes dans la région où elle est affichée, etc. (Q602, p. 7358).

Les demanderesses allèguent la mauvaise foi

Les demanderesses allèguent que les fonctionnaires de Santé Canada ont été de mauvaise foi. Or, il n'y a pas une once de preuve à ce sujet. Les fonctionnaires de Santé Canada ont divulgué toutes les études qui ont été faites ou consultées. Aucune étude n'a été occultée, et toutes les options législatives ont été énoncées.

Il est opportun de souligner que lors du premier dossier toutes les études que le gouvernement avait en sa possession avaient été remises aux demanderesses. Encore une fois, aucune étude n'est demeurée cachée.

D'ailleurs, l'honorable juge Chabot, dans le jugement qu'il a rendu dans le dossier Imperial tobacco ltd. c. Canada, 1991 R. J. Q. 2260 n'a jamais référé à une étude qui serait demeurée cachée, mais plutôt à une mystérieuse troisième option que les fonctionnaires recommandaient (voir p. 2311). Or, il ressort du document en question, soit RJR-53 maintenant coté P-158, que cette troisième option est révélée de façon limpide :

Relevant factors:

A third option would not actually ban tobacco advertising, but may have the effect of reducing tobacco advertising to very low levels.xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx

  1. Increase the required size of the health warning, from 20% to 50% of the total advertising space. For packages, increase the warning size from 20% to 50% of the largest display panel.
  2. The warning would not be attributed to the Minister of National Health and Welfare.
  3. The proposal for a compliance board would be dropped.
  4. Alter the required rotating health warning to a shorter but more effective list of warnings.

The following are suggested:

  1. ADDICTION: Tobacco is habit-forming.
  2. HARMS OTHERS: Tobacco smoke causes lung cancer and other diseases in nonsmokers.
  3. DEATH: Smoking kills.
  4. HEART DISEASE: Smoking causes heart disease.
  5. LUNG CANCER: Nine out of ten victims die within five years.
  6. POISONS: Tobacco smoke contains over 60 toxic chemicals.
  7. DEATH: Many smokers die young.
  8. SUDDEN DEATH: Smoking can cause heart attacks.
  9. FATAL DISEASES: Smoking causes cancer, heart disease, emphysema and stillbirths.
  10. HARMS CHILDREN: Tobacco smoke causes illness in children.
  11. FATAL LUNG DISEASES: Bronchitis, emphysema and lung cancer are caused by tobacco smoke.
  12. BLOOD CLOTS: Smoking is a major risk factor for blood vessel diseases.

Tobacco causes more death and illness than any other single product. Use of strong warnings taking up 50% of advertising on display space is a well-justified public health measure.

A recent Ontario Court of Appeal decision concerning contraceptive pills makes it clear that all manufacturers have a duty to warn consumers of the hazards of use of a product and to warn in such a way as to ensure that the message will be received and understood. Attribution of the warning to the manufacturer and not the Minister is consistent with current practice under the Food and Drugs Act and the Hazardous Products Act.

U.S. market research strongly supports the proposed shape of the health warning, while market research from several countries supports the use of a series of strong, simple, short warnings to be used in rotation. Market research from the United Kingdom specifically supports warning c. Warnings similarly worded to proposed warnings a, d, g, i and k are currently in use in the United States, the United Kingdom or the Republic of Ireland.

This proposal may effectively discourage tobacco companies from advertising, promotion and sponsorship for fear of depressing sales even more than they would by refraining from advertising. Health Protection and Promotion resources required for this option are the same as for the two options presented for banning advertising.

ADVANTAGES:

  1. There is no risk of the proposal being challenged as a violation of the Charter of Rights.
  2. No need for new resources for Customs inspections is foreseen.
  3. Consumers will receive strong, clear factual information about the hazards of tobacco products.
  4. Tobacco advertising for Canadian tobacco products will be greatly reduced, if not eliminated altogether.
  5. Complaints that the Minister has effectively banned tobacco advertising can be deflected by pointing out the Minister only required that packaging and advertising include strong, clear information about the hazards of tobacco products.

DISADVANTAGES:

  1. It is not known that tobacco companies will withdraw all advertisements under this proposal. It seems likely, however, that they will greatly reduce their advertising, and perhaps eliminate it altogether.
  2. Tobacco advertisements will continue to appear in foreign publications circulating in Canada.
  3. While this measure should receive widespread support, some health interests will likely continue to call for a total ban on tobacco advertising.

RECOMMENDED ACTION:

You may wish to indicate whether you would prefer to ban tobacco advertising as outlined in either Option 1 or Option 2 of the attached briefing note, or to proceed with the third option outlined here which would have the effect of greatly discouraging tobacco advertising. xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx xxxxxx xxxxxx xxx xxxxxx xx xxxxx xxxxxxx (les zones marquées xxxxxx représentent les ratures dues à l'exception de confidentialité)

On voit bien que la prétention des demanderesses voulant que que cette troisième option ait été cachée était sans fondement, puisque cette option avait été divulguée tant aux demanderesses qu'aux tribunaux. Qui plus est, elle n'avait même pas été soumise au ministre de la Santé.

Dans le premier dossier, les demanderesses se plaignaient que le Procureur général n'aurait pas divulgué toutes les options examinées. Or, dans le présent dossier les demanderesses reprochent au Procureur général d'avoir déposé devant cette Cour toutes les options législatives examinées par les fonctionnaires de Santé Canada, y compris toutes les ébauches de celles-ci (cotées D-271, D-272 et D-273 a) à g)). Cet argument est futile et sans fondement.

Les travaux parlementaires

Le processus de consultation démocratique mené auprès des Canadien(ne)s s'est poursuivi à la Chambre des communes et à la Chambre haute.

Voir :

  • Annexe A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires » qui contient des extraits des pièces ED-52 à ED-103
  • Pièces ED-80 et ED-81 : Listes des mémoires soumis aux comités du Sénat (33 mémoires) et à la Chambre des Communes (44 mémoires)
  • Annexe B : « Liste des témoins entendus par les divers comités parlementaires »

Il est important de rappeler que ce ne sont pas les fonctionnaires de Santé Canada qui ont pris la décision d'adopter la Loi sur le tabac, mais plutôt le Parlement du Canada. Pour ce faire, ce dernier a eu à prendre en compte des intérêts variés et opposés.

Les directives de la Cour suprême ont été suivies

Les demanderesses tentent de convaincre cette Cour, et ce, sans aucune preuve à l'appui, que le Parlement aurait poursuivi un but caché (colorable purpose) en adoptant la Loi sur le tabac, en l'occurrence celui de réintroduire une prohibition totale de la publicité, contournant par le fait même les directives de la Cour suprême.

Cet argument est sans aucun fondement puisque tout au long des travaux de la Chambre des communes et du Sénat, le Parlement a maintenu le jugement de la Cour suprême au coeur de ses préoccupations.

À de nombreuses reprises au cours des travaux, on a référé au jugement de la Cour suprême :

Le ministre de la Santé :

« Mr. Dingwall: [...] Great care has been taken to ensure the measures contained in this legislation reflect the guidance provided by the Supreme Court of Canada and respect the charter of rights and freedoms.
[...]

Contrary to what the tobacco industry may suggest, the Supreme Court of Canada recognized a link between certain forms of tobacco advertising and consumption. In particular the court stated that lifestyle advertising may as a matter of common sense be seen as having a tendency to discourage those who would otherwise cease tobacco use from doing so.

The court identifies options which would be a reasonable impairment of the right of free expression, namely: a partial ban on advertising which would allow product information and brand preference advertising; a ban on lifestyle advertising; measures to prohibit advertising aimed at children and adolescents; and attributed health messages on tobacco product packaging. These are precisely the measures that are incorporated in this bill. These clarifications are important because they set the context for the comprehensive and integrated set of measures that are contained in the legislation before us.

This legislation is a product of a deliberate and thoughtful process. We have taken the guidance of the Supreme Court of Canada. We have studied the results of the research conducted by and on behalf of Health Canada as well as the extensive body of international data on tobacco promotion and tobacco use. [...] » [nous soulignons]

ED-55, p. 7-8
(voir également ED-59, p. 4)

« Hon. David Dingwall (Minister of Health): [...] We also considered research undertaken by Health Canada and a significant and increasing international body of research. We consulted and worked closely through the drafting process with the Department of Justice to ensure our proposals reflect the decision of the Supreme Court of Canada. The justice minister has already expressed his confidence that Bill C-71 respects the Supreme Court ruling and the Charter of Rights and Freedoms.

[...]

« This responds to the decision of the Supreme Court, which recognized the validity and importance of the government's objective, but stated that tobacco companies should be allowed to communicate with consumers of their product.

[...]

In conclusion, Bill C-71 has been very carefully drafted, taking into account the decision of the Supreme Court of Canada. Its goal is to achieve all that a law favouring health could hope to achieve while preserving rights protected by the Charter of Rights and Freedoms. » [nous soulignons]

ED-56, p.4-5

« Mr. Dingwall: If I may, Mr. Chairman, to my colleague, they will be able to put their name on the product. If they weren't allowed that, we would be in violation both of trademark and of the Charter of Rights and Freedoms because the product is not deemed to be an illegal product. That's the balance here. »

ED-56, p. 10-11

Mme Judy Ferguson :

« Ms Ferguson : The Supreme Court set out some fairly clear directions, some parameters within which the government could act. We have looked at those provisions and we feel the legislation has been crafted - we've taken a lot of care to ensure it has been crafted - to respect the charter. The Supreme Court indicated that tobacco companies have a legal product, that they are entitled to communicate information to adult consumers about that product, and the bill is structured and crafted in such a way as to permit them to do that.

The court also indicated, accepting the evidence that there was a relationship between advertising and consumption and validating the federal government's wherewithal to regulate the promotion of tobacco products, that it would be a reasonable limit on freedom of expression if the promotion is targeted at youth or has a lifestyle connotation. We have taken those parameters and that is how we've crafted the bill, so that any promotion that appeals to youth or is associated with youth or has a lifestyle connotation is an area that is restricted. We feel we have taken a lot of care to reflect the guidance provided by the Supreme Court.

The Chairman: I'm sure the tobacco manufacturers will say before this committee what they've said to some of us in writing already: that the bill infringes upon rights affirmed by the Supreme Court to communicate product and brand preference messages by prohibiting brand signage at point of sale. What do you say to that?

Ms Ferguson: The court did allow certain alternative approaches. I understand that the tobacco companies have indicated or alleged that this would be a freedom of expression issue. But the court did mention options such as a partial ban on advertising, a ban on lifestyle advertising, measures to prohibit advertising aimed at children and adolescents, as well as health labelling requirements with attribution.

We have taken that advice and have structured the bill accordingly. I can only refer you again to the comment of the Attorney General, who indicated that he was confident that the bill respects the charter. We have worked with the Department of Justice to ensure that this is the case. » [nous soulignons]

ED-56, p. 47-48

« Hon. P. Derek Lewis [...] In a 1995 Supreme Court of Canada decision, key parts of the Tobacco Products Control Act were struck down. In rendering its decision, however, the court made some very helpful observations and rulings which provided guidance for acceptable legislation.

[...]

The government has taken great care to ensure that the legislative measures contained in Bill C-71 are consistent with the directions provided by the Supreme Court. In doing so, the government recognized that, in order to promote the health of Canadians, the tobacco control measures contained in Bill C-71 must be able to withstand court challenges as already threatened by the tobacco industry. The Supreme Court recognized that the detrimental health effects of tobacco consumption are both dramatic and substantial. The Supreme Court acknowledged that tobacco kills, and confirmed the right of the federal government to legislate controls on the advertising of tobacco products. As Justice LaForest wrote:

...the Parliament can validly employ the criminal law to prohibit tobacco manufacturers from inducing Canadians to consume these products, and to increase public awareness concerning the hazards of their use.

The Supreme Court also held that the purpose of the previous Tobacco Products Control Act, to reduce inducements to use tobacco in light of the health effects of tobacco consumption, is a valid and important legislative objective warranting limitations to the right of free expression.

In the majority judgment, Justice McLachlin wrote:

...even a small reduction in tobacco use may work a significant benefit to the health of Canadians and justify a properly proportioned limitation of free expression.

The government is firmly of the view that Bill C-71 accomplishes this in a reasonable and proportionate manner. » [nous soulignons]

ED-66, p.5

Déclarations du ministre Dingwall au Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, le 19 mars 1997 :

« Le gouvernement est conscient des questions de liberté d'expression que soulève la réglementation de la promotion du tabac. En rédigeant ce projet de loi, nous nous sommes fondés sur les indications données par la Cour suprême du Canada dans son jugement de 1995 sur la Loi réglementant les produits du tabac pour nous assurer que le projet de loi C-71 respecte la Charte des droits et libertés.

La Cour suprême du Canada a reconnu l'existence d'un lien entre la publicité du tabac et le tabagisme, et indiqué clairement que le gouvernement fédéral pouvait réglementer la publicité du tabac en vertu de sa compétence en matière de droit criminel. La cour a disposé que le Parlement pouvait :

...recourir valablement au droit criminel pour interdire aux fabricants de tabac d'inciter les Canadiens et les Canadiennes à consommer des produits du tabac, et pour renseigner davantage la population sur les dangers de l'usage de ces produits.

[...]

Il faut d'abord et avant tout se rappeler que publicité et consommation sont reliées. Comme je l'ai signalé plus tôt, la Cour suprême a reconnu l'existence de ce lien dans son jugement de 1995 sur la Loi réglementant les produits du tabac. Mais il faut aussi comprendre que ce lien ne peut être réduit à un simple rapport mathématique de cause à effet. Pour ceux et celles qui ont fait des recherches sur la question, il n'y a aucun doute que le processus entourant la décision de fumer est extrêmement complexe. Il n'y a pas de cause magique. Ce n'est pas un facteur à lui seul qui amène une personne à commencer ou à continuer à fumer. Il est clair, d'après le volume considérable de recherches faites au Canada et, bien sûr, dans le monde entier, qu'un ensemble de facteurs, dont la promotion de la commandite, concourt à la décision de fumer.

[...]

L'approche représentée par le projet de loi C-71 s'aligne sur la direction donnée par la Cour suprême du Canada. Selon cette dernière, restreindre la promotion des produits du tabac est, pour le gouvernement, un moyen légitime d'atteindre ses objectifs en matière de santé et une mesure appropriée face aux dangers du tabac pour la santé. Ces restrictions sont conformes aux exigences de la cour selon lesquelles il doit y avoir un lien causal entre les mesures législatives proposées et les avantages recherchés.

[...]

Les indications de la Cour suprême ont guidé le gouvernement dans sa rédaction du projet de loi C-71 ; j'espère que, de la même façon, le projet de loi apportera une aide aux parents. Les parents ne veulent pas que leurs enfants fument. Ils veulent que leurs enfants restent en bonne santé. Le gouvernement doit aider les mères et les pères à protéger leurs enfants de l'attrait du tabac. » [nous soulignons]

ED-68, p.6 à 10

Le Ministre Dingwall :

« Lorsque j'ai comparu devant vous précédemment, j'ai parlé de ce que la loi autoriserait et interdirait. J'ai expliqué qu'elle avait été soigneusement pensée pour respecter les avis de la Cour suprême. Le projet de loi prévoit une série de restrictions détaillées de la promotion du tabac - - pas une interdiction totale. Les compagnies de tabac vont communiquer des informations à leurs clients adultes, mais le recours à des éléments de style de vie et à des mesures visant les jeunes sera assujetti à des restrictions.

[...]

Chez nous, la Cour Suprême du Canada a déjà reconnu le lien entre la publicité et l'usage du tabac, et elle a clairement confirmé que le gouvernement fédéral a le droit de limiter la publicité de ce produit. Cette loi est importante, cela est incontestable. Mais comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas une panacée. » [nous soulignons]

ED-74, p.7 et 9

« Hon. Derek P. Lewis: [...] The health minister has told us that the drafters followed carefully the guidance provided by the Supreme Court of Canada in its 1995 ruling on the Tobacco Products Control Act to ensure that Bill C-71 respects the Charter of Rights and Freedoms. Constitutional experts who appeared before the committee clearly recognized that fact. For instance, Professor Lessard of the Faculty of Law at the University of Victoria said:

The drafters of Bill C-71 clearly took their directions from the court's decision and basically redesigned the act so that now we have partial bans and partial restrictions. So you have a direct response to what the Supreme Court of Canada said in RJR-MacDonald.

[...]

The tobacco industry argued repeatedly that the bill amounts to a de facto ban on advertising and event sponsorships. This is simply inaccurate. The argument does not stand up to scrutiny because the proposed legislation does not ban tobacco promotion. On the contrary, it allows product advertising; it allows the display of tobacco products at retail outlets; it allows tobacco companies to communicate information about their products to adult consumers; it allows the tobacco companies, with some restrictions, to continue to associate the brand names of tobacco products with sponsored events; and it allows the broadcasting of those events.

With respect to the manufacturers' third charge, independent legal expert witnesses who appeared before us confirmed the views of the government's own constitutional experts. The proposed legislation may be technically complex, but it is not vague [...] » [nous soulignons]

ED-76, p.40-41

« Hon. Wilbert J. Keon: [...] In many respects, the bill is weaker than the tobacco control blueprint released by the government on December 11, 1995. For example, the blueprint called for a total ban on advertising, to total ban on the use of trademarks on non-tobacco goods and a limit on point of sale package displays to one package per brand. None of these provisions are found in Bill C-71 as they were initially proposed by the government. »

ED-78, p. 25

Intérêts variés et opposés

En plus de tenir compte du jugement rendu par la Cour suprême, la Chambre des communes et le Sénat ont eu à arbitrer des questions d'intérêts variés et opposés, notamment :

  • L'importance de protéger la santé des Canadien(ne)s contre les méfaits du tabac ( 45 000 Canadien(ne)s meurent chaque année de maladies causées par la cigarette).
  • L'importance des dépenses engendrées par le tabagisme, dépenses que tous les Canadien(ne)s y compris les non-fumeurs supportent ( 15 milliards de dollars en frais médicaux, en perte de productivité, en absentéisme)
  • L'importance de protéger les jeunes contre le tabac car c'est à l'adolescence que l'on devient fumeur et souvent pour la vie, une vie qui sera écourtée en raison des maladies causées par la cigarette.
  • Le fait que la cigarette contient de la nicotine, une drogue comparable à l'héroïne.
  • Le fait que la cigarette serve à dispenser des doses de drogue (drug delivery device).
  • Le fait que la cigarette ne peut être interdite en raison du nombre de fumeurs (plus de 6 millions) .
  • Le fait que les demanderesses ont sciemment alimenté les réseaux de contrebande de cigarettes dans les années 1990.

Le Parlement et le Sénat ont eu à composer avec des groupes d'intérêts variés, notamment les détaillants (Conseil canadien de la distribution alimentaire, National association of tobacco and confectionnary distributors, Alimentation couche-tard inc., Fédération canadienne des épiciers indépendants), les agriculteurs qui cultivent le tabac (Ontario Flue-cured tobacco growers Marketing Board, l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec), les fabricants d'allumettes (Eddy Match company Ltd.), les propriétaires de machines distributrices (Regroupement des exploitants de distributrices automatiques de cigarettes (REDAC)), les manufacturiers de tabac, les organismes de santé et les nombreux organismes culturels et sportifs commandités par les trois grands manufacturiers de tabac ainsi que la Ville de Montréal, Montréal international, la Chambre de commerce du Grand Montréal.

(voir Annexe A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires » comportant plusieurs extraits des travaux de la Chambre et du Sénat)

La commandite

Il est apparu, lors des travaux de la Chambre et du Sénat, que l'article 24 portant sur la commandite soulevait de grandes inquiétudes chez les organismes culturels et sportifs, notamment chez les organisateurs du Grand Prix Player's du Canada et de la course Indy à Vancouver. Ces organismes ont affirmé que l'article 24 compromettait la tenue d'événements internationaux au Canada et avait des répercussions financières et sociales importantes. Le délai de transition de deux ans était, de l'avis de plusieurs organismes, insuffisant. (voir Annexe A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires »)

« Hon. Raymond J. Perrault: [...] Honourable senator, I will support the bill, but I believe it needs amendment. At meetings with the minister in the past two days, he has told us that he is working on alternative ideas which will make up for some of the revenue lost by deserving organizations. That is a move in the right direction.»

[...]

I believe the bill needs amendments, and I have said that. However, given the parliamentary schedule, it is obvious that the bill cannot be sent back to the other place with any reasonable hope it can be amended by Parliament.

Honourable senators, for these reasons, it is with some reluctance that I support the bill. I should like to see it in a more perfected form. I know we can do better. I also know that money is required to finance many good causes in our community.

Following vigorous representations from all parts of the country, the minister has stated - and I repeat it for the Leader of the Opposition - that other options will be pursued to make it possible for significant sports and cultural events to be sponsored by private and/or public sectors. I support this bill only with this assurance. I believe that, apart from commendable efforts to reduce tobacco and alcohol consumption, the arts in Canada and certain other events must be supported adequately. It is highly desirable that world-class events such as the Indy, worth millions of dollars to the western economy, should go ahead. The number of drama companies and symphonies across the country that are recipients of revenues from the private sector need and must have support, honourable senators. »

ED-78, p. 27-28

Le ministre de la Santé s'est donc engagé envers les sénateurs à revoir l'article 24, étant donné que les demanderesses n'étaient pas intéressées à continuer de dépenser plus de 60 millions de dollars par année en commandite dans le cadre permis par l'article 24 de la loi.

(voir Annexe A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires »)

« M. Rock : Quand j'ai été nommé ministre de la Santé, j'ai trouvé sur mon bureau copie d'une lettre que mon prédécesseur avait envoyée, le 27 avril 1997, à un destinataire dont le nom m'échappe. Dans cette lettre, il promettait de modifier la Loi sur le tabac de telle sorte que les sports automobiles internationaux pourraient continuer d'être commandités par des compagnies de tabac au Canada.

Cela présentait un défi, car cet engagement supposait une modification législative. Nous pensions au départ qu'une telle modification risquerait d'affaiblir la loi. C'est ce qui m'a fait dire en réponse à une question que, pour les besoins de la cause, nous allions modifier la loi, mais le moins possible, juste assez pour remplir l'engagement pris mais sans plus. J'ai même ajouté que nous comptions augmenter les taxes dans la mesure du possible et prendre tout règlement pouvant contribuer à l'atteinte de l'objectif que nous nous sommes fixé. »

ED-99, p.6-7

Sanction royale

La Loi sur le tabac (projet de loi C-71) a reçu la sanction royale le 25 avril 1997.

Changement du contexte social

Par la suite, le contexte social canadien a changé, notamment au Québec, après l'adoption, de la Loi sur le tabac par l'Assemblée Nationale le 17 décembre 1998. Cette loi interdit toute activité de commandite à compter du 1er octobre 2003 et prévoit la mise sur pied d'un fonds de transition. De plus, le contexte international a lui aussi évolué puisque la communauté économique européenne a adopté une directive interdisant la commandite d'événements sportifs et culturels (y compris pour la course automobile F-1) à compter de 2006. L'industrie américaine du tabac a conclu, en novembre 1998, un accord avec cinquante (50) États par lequel l'industrie accepte de restreindre ses activités de commandite.

Le 3 juin 1998, le ministre de la Santé, M. Allan Rock, a déposé, en première lecture, le projet de loi C-42 modifiant l'article 24 de la loi sur la publicité de commandite. Il donnait ainsi suite à l'engagement qui avait été pris envers le Sénat.

ED-82

Le projet de loi C-42, dans sa forme initiale (1re lecture ED-82), prévoyait une phase transitoire de cinq (5) ans quant aux activités de commandite des compagnies de tabac. Le projet de loi prévoyait deux (2) catégories d'événements :

  1. Les événements qui existaient et qui étaient commandités par des compagnies de tabac au 25 avril 1997. Ces événements bénéficiaient d'une première période de transition de deux ans. Par la suite, et ce pour une période de 3 ans, les activités de promotion étaient limitées au site et à la période de l'événement, le tout aux conditions énoncées à l'article 24 de la Loi sur le tabac de 1997.
  2. Les événements pour lesquels la promotion de commandite avait commencé le ou après le 25 avril 1997. Ces événements ne bénéficiaient pas de la période transitoire de 2 ans et étaient assujettis aux dispositions de l'article 24 de la Loi sur le tabac pour une période de 5 ans.

Au terme de la période totale de 5 ans, la publicité de commandite par l'industrie du tabac était complètement interdite.

ED-82

Lors de la présentation du projet de loi en première lecture, Lynn Myers a exposé ce qui suit :

« En raison des préoccupations manifestées par les organisateurs d'événements spéciaux, on a convenu que le gouvernement fédéral se pencherait de nouveau sur la question de la commandite par les compagnies de tabac dans les sports automobiles. Mais je m'empresse d'ajouter que tout cela n'aurait toutefois jamais dû être considéré comme une intention d'affaiblir notre engagement à réduire la consommation de tabac.

À ce moment-là, nous avons dit que nous respecterions la Charte des droits et libertés, les normes internationales ainsi que les obligations et les objectifs en matière de santé de la Loi sur le tabac. Au cours de nos consultations, nous avons entendu des organisateurs de ces événements spéciaux ainsi que des groupes du secteur de la santé qui se préoccupaient des répercussions que ces commandites pouvaient avoir sur les jeunes.

Tout au cours de ce processus, nous n'avons jamais cessé de vouloir renforcer la portée de cette loi. Nous avons fini par décider que nous ne pouvions pas et que nous ne voulions pas créer des règles différentes pour les sports automobiles. Nous sommes d'avis que nous avons traité tous les sports actuellement commandités de la même façon.

[...]

Cette interdiction va même plus loin que celle envisagée à l'origine dans la Loi sur le tabac. Cette loi aurait tout simplement introduit la règle des 10 p. 100.

Nous sommes allés un pas plus loin dans la protection de la santé des Canadiens et des Canadiennes en brisant toute association entre des activités attrayantes et saines et la consommation du tabac.

D'aucuns se demandent pourquoi nous avons fixé la période de transition à cinq ans. Une telle période de transition accordera aux organisateurs d'événements suffisamment de temps et d'occasions pour trouver d'autres commanditaires. Au cours des consultations que nous avons eues avec ces organisateurs, il a été dit très clairement que, si nous étions résolus à interdire la promotion de commandite par les compagnies de tabac, et nous le sommes, il leur faudrait le temps nécessaire pour prendre d'autres dispositions, et ils y parviendraient. Je sais que le processus s'est déjà mis en branle.

Ainsi, en tant que gouvernement, nous nous réjouissons de ce qu'Air Canada sera le premier commanditaire attitré du Grand prix canadien de formule 1 l'an prochain. Nous estimons que le délai de 5 ans permettra aux autres organisateurs d'événements de démontrer à d'autres commanditaires éventuels quels avantages ils pourraient retirer de telles activités.

Si nous nous en étions tenus là dans notre lutte contre le tabac, cela serait déjà digne de mention. Mais nous faisons bien davantage, et c'est pourquoi le Canada est reconnu comme un chef de file mondial en matière de lutte contre le tabagisme. Nous nous tenons au courant de ce que d'autres gouvernements font dans ce domaine. Je tiens à dire à nos collègues des deux côtés de la Chambre que notre approche est conforme aux plus récentes normes internationales. Voici quelques exemples à cet égard.

L'Union européenne a annoncé dernièrement qu'elle adoptait la même voie que nous. Elle se propose d'interdire la promotion de commandite par les compagnies de tabac d'ici l'an 2006. Elle entend faire précéder cette interdiction d'une période de transition.

La semaine dernière, l'Australie a annoncé qu'elle envisageait d'interdire la promotion de commandite par les compagnies de tabac d'ici l'an 2006 .

Les États-Unis envisagent des mesures qui restreindront l'exposition des enfants à la promotion du tabac par des moyens qui ne sont pas sans rappeler ceux que l'on trouve déjà dans notre Loi sur le tabac.

[...]

Au Québec, le gouvernement du Parti québécois a adopté une loi sévère qui, entre autres choses, interdit la vente de tabac aux mineurs et limite la promotion des produits du tabac. » [nous soulignons]

ED-87, p.54, 56-57

Comité permanent de la santé

Le projet de loi C-42 a été soumis au comité permanent de la santé le 8 octobre 1998.

ED-88

Les membres du comité ont examiné les propositions d'amendement, dont certaines ont été rejetées, alors que d'autres ont été retenues.

« Mme Elinor Caplan (secrétaire parlementaire du Ministre de la Santé) : C'est pour cela que la Société canadienne du cancer a fait connaître les amendements qu'elle aimerait que l'on apporte au projet de loi C-42. Lors du débat de deuxième lecture, de nombreux députés de l'opposition se sont prononcés en faveur de ces amendements. Beaucoup de ceux-ci savent, comme moi, qu'il y a de nombreux députés de la majorité qui appuient les amendements de la Société canadienne du cancer.

C'est pourquoi, lors de l'étude article par article en comité, nous avons annoncé que non seulement nous avions l'intention d'amender le projet de loi, mais nous allions proposer trois amendements particuliers favorables aux promotions de la Société canadienne du cancer qui ont l'appui de beaucoup de gens, tant à la Chambre qu'à l'extérieur.

Tout d'abord, nous avons proposé que le 1er octobre 1998 soit la date de début de la transition prévue par le projet de loi. Cela signifie que la période de transition de cinq ans au sujet des promotions de commandite a déjà commencé. Si cet amendement est adopté, comme il l'a été en comité, et si le projet de loi est adopté, le compte à rebours aura commencé depuis le 1er octobre dernier.

Deuxièmement, nous avons proposé que les seuls événements reconnus comme ayant des droits acquis seraient ceux qui font déjà l'objet d'une promotion au Canada. Nous n'avions jamais envisagé qu'il en soit autrement, mais cet amendement précisera qu'il n'est pas question de transférer un événement des États-Unis ou d'Australie en espérant qu'il soit traité comme s'il avait toujours été ici.

Troisièmement, nous avons proposé de n'accepter comme événements ayant des droits acquis que ceux qui se sont tenus au Canada durant les 15 mois précédant le 25 avril 1997. Une fois encore, nous n'avions jamais eu l'intention d'autoriser la résurrection d'événements en raison de leur valeur comme moyen de publicité pour les compagnies de tabac. Toutefois, cet amendement, que le comité a approuvé et qui est à l'étude à la Chambre sous la forme amendée de ce projet de loi, confirme l'objet de la mesure législative et précise de façon très claire son application.

Comme je l'ai mentionné au comité, la Société canadienne du cancer a proposé deux autres amendements. L'un visait à interdire la publicité aux points de vente et l'autre, à plafonner les sommes consacrées à la promotion de commandite. Nous avons étudié avec soin ces propositions et avons conclu qu'elles suscitaient des questions aux niveaux de la faisabilité et de l'application. Voilà pourquoi nous avons écouté attentivement ce que les témoins avaient à dire au comité. Aujourd'hui, nous proposons un projet de loi qui ne renferme aucune mesure qu'il nous semble impossible de réaliser ou d'appliquer. »

ED-93, p.32-33

Il est opportun de souligner que plusieurs organismes et individus ayant des intérêts opposés ont comparu devant le comité de la Chambre et déposé des mémoires, notamment :

  • ED-102, ED-90 et Annexe B : « Liste des témoins entendus par les divers comités parlementaires »
  • ED-103, ED-91
  • La compilation déposée par la Société canadienne du cancer : « Compilation of Selected Evidence Regarding the Impact of Tobacco Advertising and Promotion: A Submission to Parliamentarians for Use During Consideration of Bill C-42 », cotée ED-273.
  • Les déclarations du représentant du Conseil canadien des manufacturiers de tabac, Conseil formé des trois demanderesses. ED-90
  • Un représentant de Alliance forSponsorship Freedom, (regroupant 250 membres, comme le Benson and Hedges Symphony of Fire atOntario Place et même des hôtels) qui a demandé d'apporter au projet de loi C-42 les amendements suivants :
  • « Hence, the alliance recommends that the government's new five-year transition period should be just that - five complete years with no off-site restrictions before the total ban comes into force. This would give our valuable events a reasonable time period to find replacement sponsors. It would be consistent with the approach agreed upon by members of the European Union, where sponsorship bans will apply in the years 2003 and 2006. Basically, we're saying don't put all those of-site restrictions on in years three to five.

    If Canada's transition period is not harmonized with that of the European Community, then even the international motor sports events that are held in Canada run the risk of being dropped from the circuit entirely. Clearly, this would be in no one's best interest.

    Another possible amendment we know you're considering is for sponsorship funding to be capped during the transition period. We again would ask you not to consider that cap because of expenses. We're in the business of trying to make these events grow bigger. We want to make a bigger contribution to the Canadian economy and to entertain more people through our events, and we would like to continue to see those events grow.

    Some of the problems with caps would be things like prize money, and so forth. Du Maurier tennis would be a great example. To get big players in every year, they usually have to increase the amount of prizes they are giving, and a cap would certainly restrict that dramatically. »

ED-91, p. 8

(voir aussi ED-93, p. 31, 32, 33 et 34)

Le 25 novembre 1998, Mme Elinor Caplan (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé) est intervenue lors de la présentation, en troisième lecture, du projet de loi C-42. Elle a exposé ce qui suit :

« Permettez-moi de décrire brièvement la teneur du projet de loi C-42. Les députés se souviendront qu'un article de la Loi sur le tabac prévoit des restrictions quant à ce que peuvent faire les compagnies de tabac en matière de publicité et de promotion dans leur commandite financière d'événements comme la course automobile, les compétitions de saut à ski, des concerts, etc.

En gros, en vertu de cet article, les logos et noms de marques ne pouvaient occuper que 10 p. 100 des panneaux publicitaires, des pancartes, des réclames, etc. Cette restriction causa de vives réactions.

L'industrie du sport automobile, par exemple, craignait que la perte soudaine de commanditaires privés ne mette en danger la capacité du Canada à être l'hôte de courses internationales.

Le projet de loi C-42 répond à ces préoccupations. Il propose une approche progressive qui retardera de deux ans l'entrée en vigueur des dispositions de la Loi sur le tabac concernant les restrictions en matière de publicité. Pendant les trois prochaines années, les compagnies de tabac auront le droit de continuer à commanditer des manifestations. Toutefois, les messages publicitaires en dehors du site de la manifestation seront soumis à la limite de taille de 10 p. 100 stipulée dans la Loi sur le tabac.

Après cinq ans, soit en 2003, les commandites par des fabricants de cigarettes seront interdites. C'est ce qui me fait dire que le projet de loi C-42 renforce la Loi sur le tabac. Au lieu de restreindre les activités de promotion, le projet de loi les interdira carrément.

Ces modifications législatives mettront le Canada en tête des pays qui se soucient grandement de la santé de leurs citoyens. Nous progressons plus vite que l'Australie et l'Union européenne, qui prévoient de mettre en oeuvre un régime interdisant les commandites similaire au nôtre d'ici l'an 2006, soit trois ans après nous.

Il ne fait aucun doute que certains groupes culturels ou sportifs seront gênés financièrement lorsque les géants du tabac seront obligés d'arrêter de pomper des millions de dollars dans la promotion de commandite. Cependant, le fait est que les promoteurs de manifestations sportives et les organisateurs de manifestations artistiques nous ont dit et répété qu'ils avaient besoin de temps pour trouver d'autres sources de financement. En bref, tel est l'objet du projet de loi C-42.

Ces groupes nous ont affirmé qu'ils voulaient aussi être traités équitablement. Ainsi, en vertu des modifications proposées, tous les groupes, de l'Orchestre symphonique de Terre-Neuve au Festival international de jazz de Victoria, seront traités sur le même pied. Pas un plus que l'autre n'aura droit à l'argent de la commandite des cigarettes.

Il est également important de souligner qu'en proposant le projet de loi C-71, tout comme le projet de loi C-42 à l'étude aujourd'hui, le gouvernement a cherché à protéger la santé publique tout en tenant compte des préoccupations légitimes des organismes sportifs, culturels et de divertissements qui dépendent des commanditaires.

Nous en sommes arrivés à ce juste milieu à la suite de longues consultations auprès des groupes de la santé et des représentants des arts et de l'industrie du spectacle. J'aimerais d'ailleurs reconnaître l'importante contribution du Comité permanent de la santé qui a mené le processus de consultation et peaufiné le projet de loi à l'étude aujourd'hui. Le gouvernement a écouté les arguments présentés au cours des audiences du comité et a adopté certaines mesures en vue de donner plus de force au projet de loi C-42.

Tout d'abord, on a clairement établi le début de la période d'application progressive du projet de loi qui a été fixé au 1er octobre 1998. Cela signifie que si la mesure législative proposée était adoptée, la période de cinq ans serait déjà entamée.

Deuxièmement, la clause des droits acquis que l'on retrouve dans le projet de loi C-42 ne s'appliquerait qu'à des événements qui étaient déjà tenus au Canada. Autrement dit, les promoteurs ne pourraient pas décider de tenir au pays des événements qui avaient autrefois lieu aux États-Unis ou ailleurs simplement dans le but de tirer avantage des dispositions sur l'application progressive des restrictions relatives à la publicité de commandite.

Troisièmement, les nouveaux amendements n'exempteraient que les manifestations qui ont eu lieu au Canada au cours des 15 mois qui ont précédé le 25 avril 1997. Cela empêcherait les commanditaires de ressusciter d'anciens festivals uniquement en raison de leur importance comme moyen de promouvoir la vente de produits du tabac. Ces modifications apportées au projet de loi C-42 ont été proposées par le secteur de la santé, ont été adoptées par le gouvernement et sont conformes à notre approche en ce qui concerne la santé publique.

En terminant, nous avons tous entendu les faits alarmants. Le tabagisme est de loin la principale cause de décès et de maladies évitables au Canada. On estime que près d'un décès sur cinq peut être imputable à l'usage du tabac, ce qui représente un nombre plus élevé que celui des décès attribuables aux suicides, aux accidents de la route, au sida et aux meurtres, mis ensemble. Chaque année, 45 000 Canadiens meurent d'un cancer, d'une maladie cardiaque ou d'une maladie pulmonaire attribuables à l'usage du tabac. La qualité de vie d'un grand nombre d'autres Canadiens est compromise en raison de l'emphysème et d'autres insuffisances respiratoires.

Nous savons que beaucoup de gens commencent à fumer à l'adolescence et que les jeunes sont particulièrement vulnérables à l'influence de leurs camarades et aux messages, parfois subliminaux, qui les incitent à fumer. De toute évidence, en tant que société compatissante, nous avons une obligation morale d'agir. Nous avons une responsabilité à assumer envers les générations qui nous suivront et un devoir d'aider les jeunes, qui sont impressionnables, à résister à l'attrait de cette habitude mortelle.

Les groupes du secteur de la santé de tout le pays nous ont exhortés à mener la lutte contre le tabagisme. Nous ne les avons pas déçus. La Loi sur le tabac, dont nous proposons la modification, donnerait au gouvernement des armes utiles dans la bataille contre le tabagisme. Cette mesure législative nous donne, en tant que société, le pouvoir de refuser le cadeau qu'on nous offre. Nous aurons les moyens de dire aux fabricants de produits du tabac : « Non merci. Nous attachons trop d'importance à la santé de nos enfants pour accepter votre argent de commanditer des manifestations. »

ED-94, p. 56 à 58.

Voir aussi l'Annexe B : « Liste des témoins entendus par les divers comités parlementaires »

Troisième lecture puis sanction royale

Le 1er décembre 1998, le projet de loi C-42 a été adopté en troisième lecture.

ED-96

« Sénateur Lynch-Staunton : La commandite est une forme de communication, de même que la promotion. Lorsque le projet de loi C-71 a été adopté par le Parlement, l'équilibre établi était tel que, même si la communication autorisée était limitée, celle-ci était encore permise sous une certaine forme. Le projet de loi C-42 va plus loin et supprime ce genre de communication. Nous avons soigneusement étudié la question de savoir si, en agissant de la sorte, nous dépassions la ligne tracée par la Cour suprême du Canada.

Pour autant que nous puissions en juger, cette façon de faire se défend du point de vue constitutionnel, parce que même une fois que cette forme de communication sera supprimée, les autres formes autorisées en vertu du projet de loi C-71 continueront de pouvoir être utilisées. Il y a d'autres façons pour les fabricants et les fournisseurs de produits du tabac de communiquer à leurs clients des renseignements au sujet de leur produit, que ce soit dans des publications dont la diffusion est limitée, dans des lieux précis que seules des personnes d'un certain âge ont le droit de fréquenter, ou encore sur l'emballage comme tel.

Même s'il est vrai que le projet de loi C-42 modifie l'équilibre obtenu avec le projet de loi C-71 et restreint davantage la communication entre, d'une part, le fabricant et le fournisseur et, d'autre part, le client, il ne la supprime pas pour autant. Le projet de loi ne crée pas l'infraction qu'on trouvait dans l'ancienne loi, même s'il restreint davantage la nature de la communication. »

ED-99, p.10-11 (séance du soir)

Le 10 décembre 1998, le projet de loi C-42 a reçu la sanction royale.

Conclusion

Les débats parlementaires sont utiles en ce sens qu'ils permettent de cerner le contexte social, économique et politique dans lequel le Parlement a eu à faire des choix difficiles concernant le tabagisme, la promotion commerciale de la cigarette et les activités de commandite des demanderesses.

À la lecture des débats parlementaires, l'intention du Parlement apparaît claire et non équivoque. Le Parlement a été soucieux de respecter les directives de la Cour suprême.

L'exercice d'interprétation auquel la Cour doit se livrer ne saurait se limiter ni au Plan directeur (Blueprint, D-274) ni au travail des fonctionnaires de Santé Canada : il doit aussi tenir compte des documents déposés. La Chambre des communes et le Sénat ont rencontré de nombreux témoins, consulté plusieurs études canadiennes et internationales, compulsé de nombreux documents, dont ceux déposés par la Société canadienne du cancer.

Il est clair que le Parlement a permis la publicité «informative» et «préférentielle de marque», suivant en cela le jugement de la Cour suprême. Ultimement, c'est sur cette décision du Parlement que la présente Cour doit se pencher.

Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page