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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie II - L'ANALYSE CONTEXTUELLE

La Loi sur le tabac - Le travail de Santé Canada et du Parlement

  1. Il est opportun de décrire les rôles et responsabilités des diverses instances qui ont eu à intervenir dans l'adoption de la Loi sur le tabac, car on ne doit pas confondre, à la manière des demanderesses, le ministère de la Santé, le gouverneur en conseil, la Chambre des communes et ses comités et la Chambre haute (le Sénat) et ses comités.
  2. Ce qui est en cause dans le présent dossier, ce n'est pas la décision des fonctionnaires du ministère de la Santé, mais plutôt les travaux du législateur, soit le Parlement du Canada, composé de la Chambre des communes et de la Chambre haute appelée le Sénat.
  3. Depuis la parution, en 1969, du Rapport du comité permanent de la santé, du bien-être social et des affaires sociales sur l'usage du tabac et de la cigarette169, le ministère de la Santé a mis de l'avant plusieurs programmes visant à informer les Canadien(ne)s des méfaits de la cigarette.
  4. Comme le soulignaient les membres du comité permanent de la santé en 1969 :
  5. « Bien qu'il soit évident que la vente de cigarettes ne peut pas être interdite en ce moment, il est également manifeste que la production, la distribution et la vente de ces produits ne peuvent plus être envisagées dans la même perspective que la production, la distribution et la vente d'autres produits. » (RJR MacDonald - 1995, p. 249)

  6. Au fil des ans, le ministère de la Santé a présenté toute une gamme de programmes éducatifs170 visant notamment à sensibiliser la population aux méfaits du tabagisme:
  7. La vision de Santé Canada quant au problème du tabagisme s'est articulé autour de trois points :
  8. 1. Le produit et ses émissions

    • Le produit lui-même (le tabac) est toxique et crée de la dépendance; il contient plusieurs produits chimiques dangereux, y compris des carcinogènes connus.
    • Le tabagisme est la première cause d'une série de maladies qui pourraient être évitées, comme les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies respiratoires et le cancer.
    • Le tabagisme est la première cause de décès prématuré : de 40 000 à 45 000 Canadien(ne)s meurent chaque année des suites du tabagisme.
    • La fumée secondaire a plusieurs effets négatifs sur la santé; elle est notamment liée aux maladies du coeur, au syndrome de mort subite (chez les nouveaux-nés) et aux maladies respiratoires.
    • Les coûts reliés à la consommation de tabac sont estimés à 15 milliards de dollars par année en perte de productivité et à 3,5 milliards de dollars par année en soins de santé.
    • Les fumeurs commencent à fumer entre l'âge de 14 ans et demi et 15 ans en moyenne; 14% des enfants de 10 à 14 ans fument.
    • Environ 300 000 jeunes commencent à fumer chaque année. Ils croient qu'ils ne deviendront pas dépendants, mais ils auront passablement de difficulté à arrêter de fumer.
    • Environ la moitié des fumeurs dépendants vont mourir d'une maladie reliée au tabagisme.

    2. L'accès aux produits du tabac

    • Les produits du tabac sont vendus à grande échelle dans des milliers de points de vente, et les mineurs peuvent se les procurer assez facilement que ce soit par l'entremise d'amis plus âgés ou de détaillants qui ne respectent pas la loi.

    3. Les facteurs qui incitent à faire usage du tabac

    • Le prix peut être considéré comme un facteur d'incitation. Cela a été le cas avant 1994, pendant les années où sévissait la contrebande, alors que les consommateurs pouvaient se procurer à meilleur marché des cigarettes vendues illégalement à grande échelle.
    • La publicité constitue aussi un puissant moyen d'encourager la consommation des produits du tabac :
      • La publicité est omniprésente et envahissante; on la retrouve sur les panneaux, sur les murs, dans les kiosques, sur les autobus, etc. ;
      • elle donne une image positive du tabagisme et transmet des messages qui attirent les jeunes;
      • elle renforce le comportement du fumeur et le décourage d'abandonner sa consommation;
      • elle transmet l'impression que fumer est une activité agréable, socialement acceptable et plus répandue qu' elle ne l'est en réalité;
      • La publicité suggère que le fumeur peut tirer des avantages ou des bénéfices du tabagisme.

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  9. Santé Canada a favorisé une approche globale (comprehensive approach) parce que le tabagisme est influencé par plusieurs facteurs à la fois. Dans le cadre de cette approche globale, diverses mesures peuvent être mises en oeuvre simultanément : augmentation du taux de taxation sur les produits du tabac, campagnes d'éducation, de sensibilisation et de prévention, programmes pour aider les fumeurs à cesser de fumer, adoption d'une législation, etc. Appliquées individuellement et isolément toutes ces mesures risquent d'être inefficaces ce pourquoi les solutions globales furent privilégiées.
  10. La décision de la Cour suprême en 1995 a eu impact considérable:
    • elle a créé un vide législatif qui permet aux compagnies de tabac de faire de la publicité sans restriction (avec pour conséquence de contrer les messages de santé et de provoquer une augmentation potentielle de la consommation, en particulier chez les jeunes);
    • elle a confirmé l'importance de l'objet de la LRPT, en l'occurrence protéger la santé des Canadien(ne)s, objet qui a été jugé suffisamment valable pour que la liberté d'expression des compagnies de tabac soit restreinte;
    • elle a prévu des solutions de rechange que la Cour pourrait considérer raisonnables, comme le fait d'interdire la publicité «de style de vie» et la publicité destinée aux jeunes tout en permettant la publicité «informative» ou «préférentielle de marque».
  11. Santé Canada a décidé d'expliquer le processus d'élaboration de sa politique aux Canadien(ne)s et de les consulter par le biais d'un document public intitulé « La lutte contre le tabagisme - Un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens » (Tobacco Control: A Blueprint to Protect the Health of Canadians, pièce D-274).
  12. Ce plan directeur informait les citoyens sur le problème que constitue le tabagisme, décrivait les objectifs poursuivis par le gouvernement en matière de santé et énonçait les orientations législatives visées.
  13. La consultation fait partie intégrante du processus démocratique, comme l'a souligné la Cour suprême dans l'arrêt Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, à la page 256, 257, par. 68 :
  14. « Enfin, nous devons souligner que le bon fonctionnement d'une démocratie exige un processus permanent de discussion. La Constitution instaure un gouvernement par des assemblées législatives démocratiquement élues et par un exécutif responsable devant elles, [TRADUCTION] « un gouvernement [qui] repose en définitive sur l'expression de l'opinion publique réalisée grâce à la discussion et au jeu des idées » (Saumur c. City of Quebec, précité, à la p. 330). Le besoin de constituer des majorités, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, par sa nature même, entraîne des compromis, des négociations et des délibérations. Nul n'a le monopole de la vérité et notre système repose sur la croyance que, sur le marché des idées, les meilleures solutions aux problèmes publics l'emporteront. Il y aura inévitablement des voix dissidentes. Un système démocratique de gouvernement est tenu de prendre en considération ces voix dissidentes, et de chercher à en tenir compte et à y répondre dans les lois que tous les membres de la collectivité doivent respecter. »

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  15. Le processus de consultation sur le tabac a duré plusieurs mois, et de nombreux répondants d'opinions divergentes y ont participé : gouvernements provinciaux, administrations municipales, manufacturiers de tabac, détaillants, organismes du domaine de la santé, associations artistiques et sportives, établissements d'enseignement, syndicats, etc. Santé Canada a reçu environ 3 000 réponses, dont près de 85 mémoires détaillés, et a tenu des consultations bilatérales avec une trentaine de groupes171.
  16. La tâche des fonctionnaires de Santé Canada consistait à examiner les réponses et suggestions reçues de la part des citoyens, à réviser les études et recherches provenant d'organismes étrangers et à élaborer les différentes solutions législatives en tenant compte des directives de la Cour suprême et des objectifs législatifs poursuivis.
  17. Les recherches scientifiques permettent d'en apprendre plus sur une multitude de facteurs liés au tabagisme. L'état des connaissances en cette matière repose sur une vaste gamme d'études internationales. Une douzaine d'études ont également été commandées par Santé Canada qui voulait connaître la situation qui prévaut au pays sur des questions comme le marketing et la promotion des produits du tabac, l'accès à ces produits, l'efficacité des codes volontaires, le contenu du produit, les facteurs qui incitent les gens à commencer à fumer et le tabagisme.
  18. La recherche a confirmé la nécessité d'adopter une approche globale de lutte antitabac (les facteurs qui mènent à la consommation de tabac étant complexes, multifactoriels, pluridimensionnels et interreliés). De plus, l'état des connaissances a fait évoluer la pensée de Santé Canada sur certains aspects de la réglementation des produits du tabac, sur le tabagisme et sur ses causes.
  19. Le document « Analyse d'options en matière de restrictions des activités de promotion du tabac »172 traite des activités de promotion des produits du tabac et des options considérées par Santé Canada pour restreindre ces activités.
  20. Dans le jugement sur la LRPT, la Cour suprême avait critiqué le fait que les options législatives n'avaient pas été documentées. Ce document décrit la position de Santé Canada sur ce sujet.
  21. Les objectifs de ce document sont les suivants173 :
    • expliquer l'approche de Santé Canada en ce qui a trait à la réglementation des activités de promotion et de marketing des produits du tabac;
    • documenter les options considérées.
  22. Le document couvre plusieurs aspects du tabagisme, notamment :
    • L'information sur les produits du tabac et sur l'usage du tabac
    • Les objectifs en matière de législation et de santé publique174 :
    • Les principes applicables à l'élaboration des options175:
    • Un énoncé des options considérées en matière de restriction de la promotion des produits du tabac176 :
    • Option 1: Un code volontaire d'emballage et de publicité

      Option 2: Négocier un code volontaire avec l'industrie du tabac

      Option 3: Interdiction totale sur toutes les formes de promotion des produits du tabac177

      Option 4 : Interdiction partielle (législation globale assortie d'interdictions circonscrites178

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  23. L'option privilégiée est ainsi décrite179 ::
  24. « A legislative package to restrict TPPA by effectively reducing its appeal and extent of pervasiveness would have to be comprehensive in scope. This would respond to the emerging marketing and social science information which acknowledges that multi-dimensional marketing strategies have an aggregate impact. All the major means available for promoting tobacco products must be addressed by legislation, including advertising that depicts the product or package, advertising by means of tobacco-linked sponsorship promotions and other types of promotion which enhance the visibility, prominence and appeal of tobacco products, such as the use of expanded product displays at retail as a form of promotion. All regulations would be crafted, on the basis or research, to ensure that TPPA which is not limited to information or brand preference as distinct from lifestyle, or which is youth-oriented, is prohibited or restricted in venue. »

  25. Le document de Santé Canada résume l'expérience internationale (p. 111 de D-271) et contient une bibliographie de 115 références utilisées dans la préparation de l'analyse.
  26. Outre Mme Judy Ferguson, une équipe de 10 à 12 personnes a travaillé sur la politique antitabac de Santé Canada, et ce du début à la fin du processus.
  27. Cette équipe a même poursuivi ses activités après le dépôt de la Loi en décembre 1996, car le ministre devait être prêt à témoigner devant le Comité permanent de la santé (Standing Committee on Health) et devant le comité sénatorial (Senate Committee). Il demeurait possible que des amendements soient apportés à la loi, ce pourquoi les options devaient être revues continuellement.
  28. Santé Canada a tenu pour acquis que la Cour suprême avait confirmé l'existence d'un lien entre la publicité et la consommation et n'a pas jugé nécessaire d'établir ce lien de nouveau.
  29. L'expression « publicité dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle pourrait être attrayante pour les jeunes » avait été préférée à « publicité visant les jeunes »pour tenir compte de la distinction entre l'intention (réelle ou apparente) de la publicité et son impact: beaucoup de gens qui ne sont pas visés par une publicité sont de toute façon exposés à celle-ci et influencés par elle. Ne viser que l'intention serait donc inefficace.
  30. Les demanderesses allèguent que les fonctionnaires de Santé Canada ont été de mauvaise foi. Or, il n'y a pas une once de preuve à ce sujet. Les fonctionnaires de Santé Canada ont divulgué toutes les études qui ont été faites ou consultées. Aucune étude n'a été occultée, et toutes les options ont été énoncées.
  31. Il est opportun de souligner que lors du premier dossier toutes les études que le gouvernement avait en sa possession avaient été remises aux demanderesses. Encore une fois, aucune étude n'est demeurée cachée.
  32. D'ailleurs, l'honorable juge Chabot, dans le jugement qu'il a rendu dans le dossier Imperial Tobacco Ltd. c. Canada, 1991 R. J. Q. 2260 n'a jamais référé à une étude qui serait demeurée cachée, mais plutôt à une mystérieuse troisième option que les fonctionnaires recommandaient (voir p. 2311). Or, il ressort du document en question, soit RJR-53 maintenant coté P-158, que cette troisième option est révélée de façon limpide.
  33. Dans le premier dossier, les demanderesses se plaignaient que le Procureur général du Canada n'aurait pas divulgué toutes les options examinées. Or, dans le présent dossier les demanderesses reprochent au Procureur général du Canada d'avoir déposé devant cette Cour toutes les options législatives examinées par les fonctionnaires de Santé Canada, y compris toutes les ébauches de celles-ci (cotées D-271, D-272 et D-273 a) à g)). L'argument des demanderesses est futile et sans fondement.
  34. Le processus de consultation démocratique mené auprès des Canadien(ne)s s'est poursuivi à la Chambre des communes et à la Chambre haute170.
  35. Il est important de rappeler que ce ne sont pas les fonctionnaires de Santé Canada qui ont pris la décision d'adopter la Loi sur le tabac, mais plutôt le Parlement du Canada. Pour ce faire, ce dernier a eu à prendre en compte des intérêts variés et opposés.
  36. Les demanderesses tentent de convaincre cette Cour, et ce, sans aucune preuve à l'appui, que le Parlement aurait poursuivi un but caché (colorable purpose) en adoptant la Loi sur le tabac, en l'occurrence celui de réintroduire une prohibition totale de la publicité, contournant par le fait même les directives de la Cour suprême.
  37. Cet argument est sans aucun fondement puisque tout au long des travaux de la Chambre des communes et du Sénat, le Parlement a maintenu le jugement de la Cour suprême au coeur de ses préoccupations.
  38. À de nombreuses reprises au cours des travaux, on a référé au jugement de la Cour suprême :
  39. Le ministre de la Santé :

    « Mr. Dingwall: [...] Great care has been taken to ensure the measures contained in this legislation reflect the guidance provided by the Supreme Court of Canada and respect the charter of rights and freedoms171

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  40. En plus de tenir compte du jugement rendu par la Cour suprême, la Chambre des communes et le Sénat ont eu à composer avec des groupes d'intérêts variés, notamment:
    • les détaillants (Conseil canadien de la distribution alimentaire, National association of tobacco and confectionnary distributors, Alimentation couche-tard inc., Fédération canadienne des épiciers indépendants) ;
    • les agriculteurs qui cultivent le tabac (Ontario Flue-cured tobacco growers Marketing Board, l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec) ;
    • les fabricants d'allumettes (Eddy Match company Ltd.);
    • les propriétaires de machines distributrices (Regroupement des exploitants de distributrices automatiques de cigarettes (REDAC)) ;
    • les manufacturiers de tabac, les organismes de santé ;
    • les nombreux organismes culturels et sportifs commandités par les trois grands manufacturiers de tabac ;
    • la Ville de Montréal, Montréal International et la Chambre de commerce du Grand Montréal172.
  41. Il est apparu, lors des travaux de la Chambre et du Sénat, que l'article 24 portant sur la commandite soulevait de grandes inquiétudes chez les organismes culturels et sportifs, notamment chez les organisateurs du Grand Prix Player's du Canada et de la course Indy à Vancouver. Ces organismes ont affirmé que l'article 24 compromettait la tenue d'événements internationaux au Canada et avait des répercussions financières et sociales importantes. Le délai de transition de deux ans était, de l'avis de plusieurs organismes, insuffisant173.
  42. Le ministre de la Santé s'est donc engagé envers les sénateurs à revoir l'article 24, étant donné que les demanderesses n'étaient pas intéressées à continuer de dépenser plus de 60 millions de dollars par année en commandite dans le cadre permis par l'article 24 de la loi.
  43. La Loi sur le tabac (projet de loi C-71) a reçu la sanction royale le 25 avril 1997.
  44. Par la suite, le contexte social canadien a changé, notamment au Québec, après l'adoption, de la Loi sur le tabac par l'Assemblée Nationale le 17 décembre 1998. Cette loi interdit toute activité de commandite à compter du 1er octobre 2003 et prévoit la mise sur pied d'un fonds de transition.
  45. Le contexte international a lui aussi évolué puisque la communauté économique européenne a adopté une directive interdisant la commandite d'événements sportifs et culturels (y compris pour la course automobile F-1) à compter de 2006.
  46. L'industrie américaine du tabac a conclu, en novembre 1998, un accord avec cinquante (50) États par lequel l'industrie accepte de restreindre ses activités de commandite.
  47. Le 3 juin 1998, le ministre de la Santé, M. Allan Rock, a déposé, en première lecture, le projet de loi C-42 modifiant l'article 24 de la loi sur la publicité de commandite. Il donnait ainsi suite à l'engagement qui avait été pris envers le Sénat.
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  49. Lors de la présentation du projet de loi en première lecture, Lynn Myers a exposé ce qui suit 174 :
  50. « En raison des préoccupations manifestées par les organisateurs d'événements spéciaux, on a convenu que le gouvernement fédéral se pencherait de nouveau sur la question de la commandite par les compagnies de tabac dans les sports automobiles. Mais je m'empresse d'ajouter que tout cela n'aurait toutefois jamais dû être considéré comme une intention d'affaiblir notre engagement à réduire la consommation de tabac.

    À ce moment-là, nous avons dit que nous respecterions la Charte des droits et libertés, les normes internationales ainsi que les obligations et les objectifs en matière de santé de la Loi sur le tabac. Au cours de nos consultations, nous avons entendu des organisateurs de ces événements spéciaux ainsi que des groupes du secteur de la santé qui se préoccupaient des répercussions que ces commandites pouvaient avoir sur les jeunes.

    Tout au cours de ce processus, nous n'avons jamais cessé de vouloir renforcer la portée de cette loi. Nous avons fini par décider que nous ne pouvions pas et que nous ne voulions pas créer des règles différentes pour les sports automobiles. Nous sommes d'avis que nous avons traité tous les sports actuellement commandités de la même façon.

    [...]

    Cette interdiction va même plus loin que celle envisagée à l'origine dans la Loi sur le tabac. Cette loi aurait tout simplement introduit la règle des 10 p. 100.

    Nous sommes allés un pas plus loin dans la protection de la santé des Canadiens et des Canadiennes en brisant toute association entre des activités attrayantes et saines et la consommation du tabac.

    D'aucuns se demandent pourquoi nous avons fixé la période de transition à cinq ans. Une telle période de transition accordera aux organisateurs d'événements suffisamment de temps et d'occasions pour trouver d'autres commanditaires. Au cours des consultations que nous avons eues avec ces organisateurs, il a été dit très clairement que, si nous étions résolus à interdire la promotion de commandite par les compagnies de tabac, et nous le sommes, il leur faudrait le temps nécessaire pour prendre d'autres dispositions, et ils y parviendraient. Je sais que le processus s'est déjà mis en branle.

    Ainsi, en tant que gouvernement, nous nous réjouissons de ce qu'Air Canada sera le premier commanditaire attitré du Grand prix canadien de formule 1 l'an prochain. Nous estimons que le délai de 5 ans permettra aux autres organisateurs d'événements de démontrer à d'autres commanditaires éventuels quels avantages ils pourraient retirer de telles activités.

    Si nous nous en étions tenus là dans notre lutte contre le tabac, cela serait déjà digne de mention. Mais nous faisons bien davantage, et c'est pourquoi le Canada est reconnu comme un chef de file mondial en matière de lutte contre le tabagisme. Nous nous tenons au courant de ce que d'autres gouvernements font dans ce domaine. Je tiens à dire à nos collègues des deux côtés de la Chambre que notre approche est conforme aux plus récentes normes internationales. Voici quelques exemples à cet égard.

    L'Union européenne a annoncé dernièrement qu'elle adoptait la même voie que nous. Elle se propose d'interdire la promotion de commandite par les compagnies de tabac d'ici l'an 2006. Elle entend faire précéder cette interdiction d'une période de transition.

    La semaine dernière, l'Australie a annoncé qu'elle envisageait d'interdire la promotion de commandite par les compagnies de tabac d'ici l'an 2006 .

    Les États-Unis envisagent des mesures qui restreindront l'exposition des enfants à la promotion du tabac par des moyens qui ne sont pas sans rappeler ceux que l'on trouve déjà dans notre Loi sur le tabac.

    [...]

    Au Québec, le gouvernement du Parti québécois a adopté une loi sévère qui, entre autres choses, interdit la vente de tabac aux mineurs et limite la promotion des produits du tabac. » [nous soulignons]

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  51. Le projet de loi C-42 a été soumis au comité permanent de la santé le 8 octobre 1998.
  52. Il est opportun de souligner que plusieurs organismes et individus ayant des intérêts opposés ont comparu devant le comité de la Chambre et déposé des mémoires175.Le 25 novembre 1998, Mme Elinor Caplan (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé) est intervenue lors de la présentation, en troisième lecture, du projet de loi C-42. Elle a exposé ce qui suit176 :
  53. « Après cinq ans, soit en 2003, les commandites par des fabricants de cigarettes seront interdites. C'est ce qui me fait dire que le projet de loi C-42 renforce la Loi sur le tabac. Au lieu de restreindre les activités de promotion, le projet de loi les interdira carrément.

    Ces modifications législatives mettront le Canada en tête des pays qui se soucient grandement de la santé de leurs citoyens. Nous progressons plus vite que l'Australie et l'Union européenne, qui prévoient de mettre en oeuvre un régime interdisant les commandites similaire au nôtre d'ici l'an 2006, soit trois ans après nous.»

  54. Le 1er décembre 1998, le projet de loi C-42 a été adopté en troisième lecture :
  55. « Sénateur Lynch-Staunton : La commandite est une forme de communication, de même que la promotion. Lorsque le projet de loi C-71 a été adopté par le Parlement, l'équilibre établi était tel que, même si la communication autorisée était limitée, celle-ci était encore permise sous une certaine forme. Le projet de loi C-42 va plus loin et supprime ce genre de communication. Nous avons soigneusement étudié la question de savoir si, en agissant de la sorte, nous dépassions la ligne tracée par la Cour suprême du Canada.

    Pour autant que nous puissions en juger, cette façon de faire se défend du point de vue constitutionnel, parce que même une fois que cette forme de communication sera supprimée, les autres formes autorisées en vertu du projet de loi C-71 continueront de pouvoir être utilisées. Il y a d'autres façons pour les fabricants et les fournisseurs de produits du tabac de communiquer à leurs clients des renseignements au sujet de leur produit, que ce soit dans des publications dont la diffusion est limitée, dans des lieux précis que seules des personnes d'un certain âge ont le droit de fréquenter, ou encore sur l'emballage comme tel.177 »

  56. Le 10 décembre 1998, le projet de loi C-42 a reçu la sanction royale.
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    Conclusion

  58. Les débats parlementaires sont utiles en ce sens qu'ils permettent de cerner le contexte social, économique et politique dans lequel le Parlement a eu à faire des choix difficiles concernant le tabagisme, la promotion commerciale de la cigarette et les activités de commandite des demanderesses.
  59. À la lecture des débats parlementaires, l'intention du Parlement apparaît claire et non équivoque. Le Parlement a été soucieux de respecter les directives de la Cour suprême.
  60. L'exercice d'interprétation auquel la Cour doit se livrer ne saurait se limiter ni au Plan directeur (Blueprint, D-274) ni au travail des fonctionnaires de Santé Canada : il doit aussi tenir compte des documents déposés. La Chambre des communes et le Sénat ont rencontré de nombreux témoins, consulté plusieurs études canadiennes et internationales, compulsé de nombreux documents, dont ceux déposés par la Société canadienne du cancer.
  61. Il est clair que le Parlement a permis la publicité «informative» et «préférentielle de marque», suivant en cela le jugement de la Cour suprême. Ultimement, c'est sur cette décision du Parlement que la présente Cour doit se pencher.

169   RJR MacDonald, [1995] 3 R.C.S. 199, p. 249, 250, 278

170  ED-199 (1983) - Canada, Santé et Bien-être social Canada. Initiatives canadiennes en matière de santé et de lutte contre l'usage du tabac

ED-198 (1985) - Canada, Santé et Bien-être social Canada. Accord fédéral et provincial pour travailler à l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme national de lutte contre le tabagisme

ED-198 (1987) - Canada, Santé et Bien-être social Canada. Document d'orientation du programme national de lutte contre le tabagisme au Canada. Programme national de lutte contre le tabagisme. Annexe du National Program to reduce tobacco use: Orientation Manuals & Historical perspective.

ED-197 (1989) - National Program to reduce tobacco use: Orientation Manuals and Historical perspective.

ED-191 (1995) - Santé Canada, Stratégie de réduction de la demande de tabac revue et mise à jour de l'an Un. Janvier 1995.

ED-189 (1995) - Santé Canada, La lutte contre le tabagisme - Plan directeur pour protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes.

ED-162 (1998) - Santé Canada - Evaluation of the tobacco demand reduction strategy, Final report.

ED-159 (1999) - Nouvelles orientations pour le contrôle du tabac au Canada, une stratégie nationale.

ED-139 (1999) - Rapport sur la lutte contre le tabagisme - Santé Canada

ED-122 (2001) - La stratégie nationale : Aller de l'avant. Rapport d'étape fédéral, provincial, territorial 2001 sur la lutte contre le tabagisme.

ED-120 (2001) - Communiqué de presse : le gouvernement annonce une stratégie détaillée visant à décourager l'usage du tabac.

171  ED-188 : Liste des représentations déposées à la suite de la publication du Plan directeur - Blueprint submissions

172  D-271

173  D-271 s.1, p. 1

174  D-271 p. 5 et 8

175  D-271 p. 9

176  D-271 s.7, p. 77

177  D-271 p. 82

178  D-271 p. 83

179  D-271 p. 104

180  Annexe 7A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires » qui contient des extraits des pièces ED-52 à ED-103

Pièces ED-80 et ED-81 : Listes des mémoires soumis aux comités du Sénat (33 mémoires) et à la Chambre des Communes (44 mémoires)

Annexe 7B : « Liste des témoins entendus par les divers comités parlementaires »

181  ED-55, p. 7-8

182  Voir Annexe 7A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires » comportant plusieurs extraits des travaux de la Chambre et du Sénat

183  Voir Annexe 7A : « Extraits chronologiques des travaux parlementaires »

184  ED-87, p.54, 56-57

185  ED-102, ED-90 et Annexe 7B : « Liste des témoins entendus par les divers comités parlementaires »

ED-103, ED-91

La compilation déposée par la Société canadienne du cancer : « Compilation of Selected Evidence Regarding the Impact of Tobacco Advertising and Promotion: A Submission to Parliamentarians for Use During Consideration of Bill C-42 », cotée ED-273.

Les déclarations du représentant du Conseil canadien des manufacturiers de tabac, Conseil formé des trois demanderesses. ED-90

186  ED-94, p. 56 à 58

187  ED-99, p.10-11 (séance du soir)


Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page