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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie I - Introduction

L'approche contextuelle

  1. Dans R. c. Big M. Drug Mart Ltd.2, M. le juge Dickson énonçait les règles générales relatives à l'interprétation de la Charte. Il soulignait que la Charte n'avait pas été adoptée en l'absence de tout contexte et que par conséquent: » (p. 344):
  2. « [...] elle doit être située dans ses contextes linguistique, philosophique et historique appropriés

  3. La Cour suprême a réitéré ce principe à maintes reprises ajoutant que le sens et la teneur des garanties constitutionnelles offertes par la Charte varieront selon le contexte.3
  4. De nombreux autres arrêts de la Cour suprême sont au même effet.4
  5. Comme l'écrivait le juge Bastarache, parlant au nom de la majorité dans Thomson Newspapers Co. c. Canada (P.G.)5 au par. 87 :
  6. L'analyse fondée sur l'article premier doit être réalisée en accordant une grande attention au contexte. Cette démarche est incontournable car le critère élaboré dans R. c. Oakes [1986] 1 R.C.S. 103, exige du tribunal qu'il dégage l'objectif de la disposition contestée, ce qu'il ne peut faire que par un examen approfondi de la nature du problème social en cause. De même, la proportionnalité des moyens utilisés pour réaliser l'objectif urgent et réel visé ne peut être évaluée qu'en s'attachant étroitement au détail et au contexte factuel. Essentiellement, le contexte est l'indispensable support qui permet de bien qualifier l'objectif de la disposition attaquée, de décider si cet objectif est justifié et d'appr&eac; ute;cier si les moyens utilisés ont un lien suffisant avec l'objectif valide pour justifier une atteinte à un droit garanti par la Charte.»

  7. Les tribunaux saisis d'un litige impliquant une atteinte à la Charte doivent ainsi déterminer la nature et la portée de cette atteinte à la lumière du contexte :
  8. R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, Madame le juge McLachlin :

    « Par. 32 :

    Quoique le ministère public admette que le par. 163.1(4) limite la liberté d'expression, cela n'écarte pas la nécessité d'examiner la nature et la portée de l'atteinte afin de décider si elle est justifiée. Pour déterminer si une disposition a une portée trop large, il faut savoir ce à quoi elle s'applique. » 6

    (...)

    « Un examen du contexte factuel et social dans lequel a lieu l'atteinte à ce droit permet au tribunal d'évaluer ce qui est véritablement en jeu dans une affaire donnée ... Par conséquent, les déterminations fondées sur l'article premier ne doivent pas se faire en vase clos et ne doivent pas non plus porter exclusivement sur le droit ou la liberté auxquels il est porté atteinte.

    a) Plus récemment, notre Cour a souligné la nécessité d'accorder une grande attention au contexte factuel et social de la disposition contestée, à chaque étape de l'analyse fondée sur l'article premier. » 7

  9. La Cour doit ainsi apprécier et évaluer l'ensemble du contexte factuel et social entourant le tabagisme et le comportement de l'industrie du tabac avant de se prononcer sur les fondements et la justification de l'atteinte.
  10. L'interprétation de la Loi sur le tabac et sa réglementation doit se faire en tenant compte des termes de la Loi, de son contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, ses objets et l'intention du législateur : voir : R. c. Sharpe, par. 33 :
  11. « On a beaucoup écrit sur l'interprétation des lois (voir, par exemple, Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), p. 131; Pierre-André Côté, Interprétation des lois (3e éd. 1999)). Toutefois, dans Construction of Statutes (2e éd. 1983), Elmer Driedger illustre le mieux la démarche que je préfère adopter. Il reconnaît que l'interprétation d'une loi ne peut pas être fondée uniquement sur le libellé de la loi en question. Il dit ce qui suit, à la p. 87: [TRADUCTION] "Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global et en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur." Ce passage a été cité et approuvé récemment, entre autres, dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au par. 21; R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213, au par. 144; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411, au par. 30; Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 2 R.C.S. 550, au par. 22; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au par. 10. Cette démarche est complétée par la présomption que le législateur a voulu adopter des dispositions conformes à la Charte: voir Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, op. cit., aux pp. 322 à 327. Lorsqu'une disposition législative peut être jugée inconstitutionnelle selon une interprétation et constitutionnelle selon une autre, cette dernière doit être retenue: voir Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, à la p. 1078; R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933, à la p. 1010; R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, à la p. 660; R. c. Lucas, [1998] 1 R.C.S. 439, au par. 66. »

2  R. c. Big M. Drug Mart Ltd . [1985] 1 R.C.S. 295

3  Michaud c. Québec (P.G.) [1996] 3 R.C.S. 3, M. le juge en chef Lamer, par. 49

4  Voir par exemple:

  • Edmonton Journal c. Alberta (P.G.) [1989] 2 R.C.S. 1326 aux pages 1355 et 1356, le juge Wilson
  • R. c. Wholesale Travel Group inc. [1991] 3 R.C.S. 154, aux pages 224 et 225, le juge Cory
  • R. c. Seaboyer [1991] 2 R.C.S. 577, à la page 647, le juge L'Heureux-Dubé
  • R. c. Laba [1994] 3 R.C.S. 965, aux pages 1000 et 1001, le juge Sopinka
  • R. c. Keegstra [1990] 3 R.C.S. 697, à la page 734 et 247
  • Comité pour la République du Canada c. Canada [1991] 1 R.C.S. 139, aux pages 192 et 193, le juge L'Heureux-Dubé et aux pages 245 et 246, le juge McLachlin
  • Young c. Young [1993] 4 R.C.S. 3, aux pages 98, le juge L'Heureux-Dubé et 124, le juge McLachlin
  • RJR-MacDonald Inc. c. Canada (P.G.) [1995] 3 R.C.S. 199, à la page 330, le juge McLachlin

5   Thomson Newspapers Co. C. Canada (P.G.) [1998] 1 R.C.S. 877

6  R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, Madame le juge McLachlin, par. 32

7  R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, Madame le juge L'Heureux-Dubé, par. 154 et 155


Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page