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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie I - Introduction

Irrecevabilité du recours sous les articles 7, 8 et 11 de la Charte

  1. Les demanderesses allèguent que les articles 7, 17, 30, 32, 33, 35, 36, 39, 40, 41, 43, 49, 53, 58, 59 c et 59 f de la Loi sur le tabac contreviennent aux articles 7, 8 et 11 de la Charte sans toutefois offrir à la Cour quelque fondement factuel au soutien de leur contestation.
  2. Cette Cour devrait refuser de se prononcer sur cette question, tout comme la Cour suprême a refusé de le faire dans les arrêts Danson et MacKay :
  3. MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357

    p. 361 :

    « Les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées. La présentation des faits n'est pas, comme l'a dit l'intimé, une simple formalité; au contraire, elle est essentielle à un bon examen des questions relatives à la Charte. Un intimé ne peut pas, en consentant simplement à ce que l'on se passe de contexte factuel, attendre ni exiger d'un tribunal qu'il examine une question comme celle-ci dans un vide factuel. Les décisions relatives à la Charte ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses non étayées qui ont été formulées par des avocats enthousiastes. »

    Danson c. Ontario (P.G.), [1990] 2 R.C.S. 1086

    p. 1099 :

    « La nécessité de faits

    Notre Cour a toujours veillé soigneusement à ce qu'un contexte factuel adéquat existe avant d'examiner une loi en regard des dispositions de la Charte, surtout lorsque le litige porte sur les effets de la loi contestée. Par exemple, dans l'arrêt R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713, aux pp. 767 et 768, notre Cour a refusé de conclure que la Loi sur les jours fériés dans le commerce de détail, L.R.O. 1980, ch. 453, violait les droits des hindous et des musulmans reconnus à l'al. 2a) de la Charte en l'absence de preuve concernant les détails de leur observance religieuse respective. De même, dans l'arrêt Rio Hotel Ltd. c. Nouveau-Brunswick (Commission des licences et permis d'alcool), [1987] 2 R.C.S. 59, à la p. 83, notre Cour a refusé d'examiner la contestation, fondée sur l'al. 2b) de la Charte, de certaines dispositions de la Loi sur la réglementation des alcools, L.R.N.-B. 1973, ch. L-10, en l'absence de preuve relative à la nature de la conduite que l'on prétendait constituer une «expression» au sens de l'al. 2b). »

    pp. 1101-1102 :

    « On ne peut donc distinguer le présent litige de l'affaire MacKay, et, avec égards, je ferais miennes et j'appliquerais les remarques du juge Cory dans cet arrêt. L'appelant veut contester les règles en raison des effets qu'elles auraient sur la profession juridique en Ontario. À mon avis, il serait difficile sinon impossible au juge saisi de la motion d'apprécier le bien-fondé de la requête de l'appelant selon la règle 14.05(3)h) sans preuve de ces effets par l'apport de faits en litige (c'est-à-dire des cas réels d'utilisation ou de menaces d'utilisation des règles contestées) et de faits législatifs (c'est-à-dire l'objet et l'historique des règles contestées ainsi que la perception qu'en ont les membres de la profession).

    Nous avons constaté par un moyen détourné que l'appelant dispose des faits nécessaires pour obtenir par requête, s'il le veut, une conclusion sur le bien-fondé de sa contestation. Cependant, compte tenu de la formulation actuelle de la requête, il ne peut procéder sans contexte factuel. Il n'est pas nécessaire que l'appelant établisse que les règles contestées ont été appliquées dans son cas personnel (la qualité pour agir n'étant pas en litige); mais il doit présenter des éléments de preuve recevables montrant que les effets des règles contestées violent les dispositions de la Charte. »

    Voir également Baron c. Canada [1993] 1 R.C.S. 416, J. Sopinka, p. 452-453 :

    « Finalement, le par. 231.3(5) est contesté parce qu'il permet le même genre de perquisitions et de saisies générales sans l'autorisation préalable qui, sous le régime de la disposition législative précédente, a été jugée contraire à l'art. 8 de la Charte.

    (...)

    Le problème que soulève cette question est qu'elle se pose dans l'abstrait car il n'y a aucune indication que des documents ont été saisis sur le fondement de cette disposition. Nous n'aimons jamais trancher des questions constitutionnelles en l'absence de fondement factuel: Danson c. Ontario (Procureur général) [1990] 2 R.C.S. 1086; Mackay c. Manitoba [1989] 2 R.C.S. 357 aux pp. 361 et 366; R. c. Edwards Books and Art. Ltd. [1986] 2 R.C.S. 713, aux pp. 762, 767, 768. Je crois que la question devrait être tranchée lorsque notre Cour aura à se prononcer sur une situation dans laquelle on se sera fondé sur la disposition pour saisir des documents. »

  4. Le Procureur général du Canada soutient que cette Cour devrait refuser de se prononcer quant à la contestation des demanderesses à l'endroit des articles 7, 17, 30, 32, 33, 35, 36, 39, 40, 41, 43, 49, 53, 58, 59 c et 59 f.
  5. Quant aux articles 7 et 17 et le Règlement sur les rapports, il n'y a aucune preuve factuelle au dossier étayant l'allégation selon laquelle les informations demandées constituent une perquisition ou saisie abusive suivant l'article 8 de la Charte.
  6. Quant aux articles 30 et 33 f et g, les demanderesses n'ont pas intérêt, ni qualité pour contester ces dispositions qui ne concernent que les détaillants. En sus, il n'y a aucun fondement factuel au soutien de la contestation des demanderesses.
  7. Quant aux articles 35 (visite des inspecteurs), 36 (mandat pour un local d'habitation), 39 (saisie), 40 (demande de restitution), 41 (confiscation), 53 (preuve d'exemption), 59 c (ordonnance du tribunal pour publication de la condamnation) et 59 f (ordonnance du tribunal imposant le versement d'une somme d'argent destinée à permettre les recherches sur les produits du tabac), le Procureur général soutient qu'il n'y a aucun fondement factuel étayant les allégations des demanderesses qui ne sont fondées que sur des suppositions, des conjectures ou des conséquences purement hypothétiques. D'où il s'ensuit que le tribunal devrait refuser de rendre jugement dans l'abstrait, notamment pour les motifs énoncés au jugement rendu le 16 août 2002, par l'honorable juge Michel Côté, dans le dossier 500-05-065031-013, Henderson c. Procureur général du Québec :
  8. « 60. Il en va de même quant à ce volet qui identifie une situation susceptible d'entraîner le tribunal à émettre une opinion dans l'abstrait, ce qu'il n'y a pas lieu de faire. À cet égard, le Procureur général du Québec fait valoir :

    "La requête des requérants est irrecevable car elle n'est fondée sur aucune difficulté réelle et immédiate, mais qu'elle constitue une demande d'opinion juridique fondée sur des hypothèses et des conjectures.

    En effet, aucune application concrète de la Loi 99 n'est contestée en l'espèce, mais uniquement une situation hypothétique d'application de cette loi qui n'a aucun fondement factuel." »

    « 61. Au soutien de quoi, il cite nombre d'autorités, dont le tribunal ne retiendra que quelques-unes, à titre d'exemples :

    D. GRENIER. La requête en jugement déclaratoire en droit public québécois. Cowansville, Y. Blais, 2e éd., 1999, p. 97-98 et p. 106:

    "... en l'absence d'une difficulté réelle conduit les tribunaux à nier à la partie requérante l'intérêt requis pour intenter un recours en vertu de l'article 453 C.p.c. Les tribunaux n'ayant pas pour fonction de donner de simples consultations juridiques, hypothèses, conjectures et situations académiques entraîneront un rejet de la requête en jugement déclaratoire. En effet, les situations purement hypothétiques ne font pas apparaître une difficulté réelle au sens de l'article 453 C.p.c. (ce sont les soulignés du plaideur)

    ... même si les termes d'un contrat son ambigus, cette ambiguïté peut fort bien ne causer aucune difficulté aux parties contractantes. Il en est de même d'un texte de loi. Ainsi, par exemple, l'Office de la protection du consommateur peut donner à sa loi constitutive une interprétation qui n'est pas partagée par un ou plusieurs consommateurs. Cette interprétation, erronée ou non, ne crée aucune difficulté en soi. Si par contre cette interprétation aboutit à une application quelconque, alors là et seulement là, une difficulté réelle vient de naître."

    Donderi c. A.G. of Quebec, C.S. Montréal, no 500-05-038492-987, 26 juin 1998, j. Maughan, p. 6, 7 et 8 :

    "The jurisprudence has consistently held that no one has the right to invoke the jurisdiction of a competent court to obtain a ruling on the interpretation or application of legislation or on its constitutionality when that person is not either directly affected by the legislation or is not threatened by sanctions for a violation of the legislation. As distasteful as the legislation may be to the individual wishing to bring the matter to Court for a ruling, that is not a reason by itself to seek the Court's assistance.

    Therefore, in exercising its discretion as to whether a petitioner has the right to have a genuine problem resolved by way of a declaratory judgment pursuant to Article 453 C.P.C., the Court is of the opinion that the controversy must be of a litigious nature. Article 453 is not to be used to resolve problems which are mainly political in nature. (...)

    As a general rule, courts do not issue opinions on hypothetical questions. They render judgments on real disputes. It is the opinion of this Court that as matters now stand Mr. Donderi's interest in the dispute involving his billboard is hypothetical, at best."

    Opération Dismantle c. R. [1985] 1 R.C.S. 441, p. 447, 454, 455, 457:

    "J'en suis venu à la conclusion que le lien causal entre les actes du gouvernement canadien et la violation alléguée des droits des appelants aux termes de la Charte est simplement trop incertain, trop conjectural et trop hypothétique pour étayer une cause d'action.

    Cet examen n'a pas pour but de chercher querelle aux appelants quant à leurs allégations concernant les résultats des essais du missile de croisière. Ils ont, bien entendu, droit à leur opinion et à leur conviction. Je désire souligner plutôt que des faits.

    (...)

    La règle selon laquelle les faits matériels d'une déclaration doivent être considérés comme vrais, lorsqu'il s'agit de déterminer si elle révèle une cause raisonnable d'action, n'oblige pas à considérer comme vraies les allégations fondées sur des suppositions et des conjectures. (...)

    ... la fonction préventive du jugement déclaratoire doit être fondée sur une autre chose que des conséquences purement hypothétiques ... (ce sont les soulignés du plaideur) "

    Opération Dismantle c. R. [1985] 1 R.C.S. 441, p. 481, 482 et 486 (j. Wilson):

    "... comme le font remarquer les intimés, un jugement déclaratoire n'est discrétionnaire qu'en ce sens que le tribunal eut le refuser, même si on a apporté une preuve le justifiant ... Donc la Cour saisie d'une requête en radiation qui invoque que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action n'usurpe en rien le pouvoir discrétionnaire du tribunal de première instance ... (ce sont les soulignés du plaideur)." »

Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page