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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie V - LA CONTESTATION RELATIVE À L'ARTICLE 7 DE LA CHARTE

L'absence de défense de diligence raisonnable et les articles 19, 20, 22, 24 et 27

  1. Les demanderesses JTI et RBH prétendent que les articles 19, 20, 22, 24 et 27 de la Loi sur le tabac violent l'article 7 de la Charte parce qu'ils ne prévoient pas de défense de diligence raisonnable. Quant à Imperial Tobacco, elle prétend que les articles 19, 20, 21, 22, 23, 26, 27 et 31 portent atteinte à l'article 7.
  2. Le Procureur général du Canada soutient que ces articles ne portent pas atteinte à l'article 7.
  3. Depuis R. c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, il existe une règle de droit selon laquelle les infractions contre le bien-être public et les infractions de nature réglementaire (comme c'est le cas en l'espèce), sont des infractions de responsabilité stricte auxquelles on peut opposer les défenses de common law de diligence raisonnable et d'erreur de fait raisonnable.
  4. Cette présomption ne peut être écartée que si le législateur indique expressément qu'il entend en faire une infraction de responsabilité absolue.
  5. Même si une infraction semble, à première vue, présenter les caractéristiques d'une infraction de responsabilité absolue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, elle doit être interprétée comme une infraction de responsabilité stricte, ceci afin d'éviter un conflit avec la Charte :
  6. R. c. Rube, [1992] 3 R.C.S. 159:

    « Nous sommes d'accord avec la Cour d'appel de la Colombie-Britannique pour dire que le texte des articles [le par. 5(1) et l'art. 29 de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, ch. F-27] laisse place à l'interprétation et qu'il n'exclut pas explicitement le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Nous convenons que, compte tenu des peines qui s'y rattachent, ce n'est pas une infraction qui pourrait, sans contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés, être de responsabilité absolue.

    En tenant pour acquis que le Parlement veut que ses lois respectent les exigences de la Charte, nous sommes d'avis que l'article [le par. 5(1) de la Loi] crée une infraction de responsabilité stricte et que l'accusé peut invoquer la diligence raisonnable comme moyen de défense. »

  7. En réponse aux demanderesses qui prétendent que l'article 54 est le seul qui prévoit expressément une défense de diligence raisonnable, le Procureur général du Canada rappelle que dans l'arrêt précité de R. c. Martin, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que la disposition contestée crée une infraction de responsabilité stricte sans égard au fait qu'une autre disposition prévoit expressément la défense de diligence raisonnable.
  8. Dans R. c. Martin, [1992] 1 R.C.S. 838, la Cour suprême a confirmé la Cour d'appel de l'Ontario (1991) 2 O.R. (3d) 16, qui avait statué que bien qu'une infraction puisse présenter toutes les caractéristiques d'une infraction de responsabilité absolue, elle doit l'interpréter comme une infraction de responsabilité stricte afin d'éviter un conflit avec la Charte.
  9. La Loi sur le tabac vise le bien-être public et est de nature réglementaire. Les infractions qui y sont prévues sont de responsabilité stricte.
  10. Ces infractions respectent le principe fondamental énoncé par la Commission de réforme du droit du Canada245 et adopté par le juge La Forest dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada(Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, en p. 511 :
  11. « Dans le cas de l'infraction de nature réglementaire, il ne s'agit pas cette fois de respecter les valeurs, mais d'obtenir des résultats. Bien que les « valeurs » soient nécessairement à la base de toute prescription d'ordre juridique, c'est à l'occasion des infractions réglementaires que se développe l'optique suivant laquelle il est pratique pour la protection de la société et l'utilisation et le partage ordonné de ses ressources, que les gens agissent d'une certaine manière dans des situations déterminées... Le but est d'inciter la population à se conformer aux règlements pour le bien général de la société. »

  12. Rien dans la Loi sur le tabac n'indique l'intention, de la part du Parlement, de considérer les dispositions contestées comme des infractions de responsabilité absolue.
  13. Certaines infractions semblables ont été qualifiées d'infractions de responsabilité stricte.246
  14. À l'appui de leurs prétentions, les demanderesses allèguent que l'article 54 est le seul à prévoir expressément une défense de diligence raisonnable.
  15. Cet argument est contraire à R. c. Martin, précité,où, confirmée par la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que la disposition contestée créait une infraction de responsabilité stricte malgré l'existence d'une autre disposition prévoyant expressément la défense de diligence raisonnable.
  16. Au nom de la Cour d'appel, le juge Griffith a conclu, en appliquant les présomptions établies dans l'arrêt Sault Ste-Marie, que la mention expresse de la défense de diligence raisonnable dans un article ne traduisait pas l'intention du législateur d'écarter cette défense dans un autre article.
  17. Les dispositions contestées par les demanderesses créent des infractions de responsabilité stricte qui ne portent pas atteinte à l'article 7 de la Charte.

245  Responsabilité pénale et conduite collective, Document de travail no 16, 1976, p. 12

246  Strasser c. Roberge, [1979] 2 R.C.S. 953;

Allard (Ghislain) and Ville de Montreal, [1982] 2 Can. L.R.B.R. 8.


Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page