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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie VI - L'ARTICLE 8 DE LA CHARTE ET LA PARTIE V DE LA LOI SUR LE TABAC

Remarques préliminaires

  1. En abordant la question de l'interprétation qu'il convient de donner à l'art. 8 de la Charte, il importe de rappeler ce que le juge en chef Lamer disait dans l'arrêt Michaud c. Québec (P.G.), [1996] 3 R.C.S. 3 (par. 49) : « Comme notre Cour l'a souligné à maintes reprises, le sens et la teneur des garanties constitutionnelles offerte par la Charte varieront selon le contexte pertinent. »
  2. En outre, la Cour suprême a régulièrement adopté l'approche contextuelle pour déterminer la portée d'un droit garanti par la Charte, afin de tenir compte de « la nature réglementaire de l'infraction et de sa présence au sein d'un régime plus global de dispositions visant à assurer le bien-être public » (R. c.Wholesale Travel Group Inc, [1991] 3 R.C.S.154, juge Cory, p.226; soulignons notamment Thomson Newspapers Ltd, précité; R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627 ; Comité paritaire c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406; R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154; R. c. Del Zotto, [1999] 1 R.C.S. 3, la Cour suprême acceptait unanimement et sans réserve l'opinion dissidente du juge Strayer de la Cour d'appel fédérale, rapportée à [1997] 3 C.F. 40; 14371 Can. Inc. c. Québec (P.G), [1994] 2 R.C.S. 339; British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3.
  3. On peut dégager de cette série de décisions une règle d'interprétation claire et constante: les droits et libertés garantis par la Charte - particulièrement la protection prévue à l'art. 8 - n'ont pas, dans un cadre réglementaire, nécessairement la même portée qu'en matière criminelle. Leur application doit être « modulée » en fonction du rôle fondamental des lois de nature réglementaire dans la société canadienne.
  4. Or, la Loi sur le tabac est de toute évidence une loi de type réglementaire. Son objet est clairement défini à l'art. 4. Le fait que celle-ci ait été adoptée en vertu de la compétence du Parlement en matière de droit criminel n'altère par sa nature fondamentalement réglementaire. En effet, les considérations pertinentes à l'interprétation d'une loi en fonction du partage des compétences sont très peu utiles - et surtout non déterminantes - pour identifier la nature et l'objet d'un régime législatif en vue d'une interprétation contextuelle fondée sur la Charte (voir notamment les remarques du juge La Forest dans Thomson Newspapers, aux pp.508 à 516).
  5. Rappelons à ce sujet que dans l'arrêt R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S.213, le juge La Forest (pour la majorité) affirme au sujet de cette compétence du Parlement (p.291) :
  6. «Le Parlement a été investi du plein pouvoir d'adopter des règles de droit criminel au sens le plus large du terme ».

  7. En définitive, la compétence en matière de droit criminel ne se limite pas à l'adoption de « crimes proprement dits » au sens traditionnel du terme, mais s'étend aussi à l'adoption de lois de nature réglementaire. Ainsi, dans Hydro-Québec, le juge La Forest réfère à l'arrêt R. c. Wholesale Travel Group inc (précité) et précise à ce sujet (p.302) :
  8. « Cette affaire concernait des infractions à la Loi sur la concurrence (auparavant Loi relative aux enquêtes sur les coalitions) jugée depuis longtemps constitutionnellement justifiable en vertu de la compétence du Parlement en matière de droit criminel. Le juge Cory a soigneusement établi une distinction entre le genre d'infractions dont il était question dans cette affaire, qu'il a qualifiées d'infractions réglementaires, et des "crimes proprement dits" comme le meurtre. »

  9. Rappelons aussi que dans l'arrêt R. c. Del Zotto, [1999] 1 R.C.S. 3, la Cour suprême acceptait unanimement et sans réserve l'opinion dissidente du juge Strayer de la Cour d'appel fédérale ( rapportée à [1997] 3 C.F. 40), qui disait à propos des infractions et des peines prévues à la Loi de l'impôt sur le revenu (qui prévoit une peine maximale de cinq ans de prison par voie de mise en accusation), à la p. 59 :
  10. « Il ne s'agit pas d'une règle de droit criminel ordinaire, mais d'une règle de droit conçue pour garantir le respect des exigences d'auto-déclaration de la Loi de l'impôt sur le revenu, que le juge La Forest a qualifiée d'élément de ce qui est, en réalité, un régime de réglementation dans le passage de l'arrêt Thomson précité. Comme celui-ci l'a dit en parlant de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, pareille conduite. est rendue criminelle pour des raisons strictement pratiques. »

  11. Soulignons que les infractions prévues à la Partie VI de la Loi sur le tabac sont assorties d'une peine d'amende et, pour certaines d'entre elles seulement, d'une peine de prison dont le maximum est de six mois à deux ans, selon l'infraction en cause.
Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page