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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie VI - L'ARTICLE 8 DE LA CHARTE ET LA PARTIE V DE LA LOI SUR LE TABAC

L'arrêt Hunter

  1. Dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, la Cour suprême a jugé que la garantie prévue à l'art. 8 de la Charte ne vise qu'une attente raisonnable en matière de vie privée et qu'elle a pour but de protéger les particuliers contre les intrusions injustifiées de l'État . Le juge Dickson (plus tard juge en chef) affirme au nom de la Cour (pp.159-160) :
  2. « La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives ne visent qu'une attente raisonnable. Cette limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit exprimée sous la forme négative, c'est-à-dire comme une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies «abusives», ou sous la forme positive comme le droit de s'attendre «raisonnablement» à la protection de la vie privée, indique qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi.» [Souligné dans l'original]

  3. Plus loin, il précise (p.160) :
  4. «Comme je l'ai déjà dit, cet article a pour but de protéger les particuliers contre les intrusions injustifiées de l'État dans leur vie privée.»

  5. Toujours dans l'arrêt Hunter, Le juge Dickson a énoncé certains critères que doit respecter une perquisition pour être raisonnable et non abusive. Le juge Wilson les résume, aux pages 642 et 643 de l'arrêt R. c. McKinlay Transport Ltd., précité:
  6. «a) une procédure d'autorisation préalable par un arbitre tout à fait neutre et impartial qui est en mesure d'agir de façon judiciaire en conciliant les intérêts de l'État et ceux de l'individu;

    b) une exigence que l'arbitre impartial s'assure que la personne qui demande l'autorisation a des motifs raisonnables, établis sous serment, de croire qu'une infraction a été commise;

    c) une exigence que l'arbitre impartial s'assure que la personne qui demande l'autorisation a des motifs raisonnables de croire que l'on découvrira quelque chose qui fournira une preuve que l'infraction précise faisant l'objet de l'enquête a été commise;

    et

    d) une exigence que les seuls documents dont la saisie est autorisée soient ceux se rapportant strictement à l'infraction faisant l'objet de l'enquête.»

  7. Le juge Wilson a cependant pris soin de préciser le contexte particulier (criminel ou quasi-criminel) dans lequel ces critères ont été énoncés (McKinlay, p. 643). Elle insista sur (p.647) « [...] la nécessité d'une interprétation qui soit souple et fondée sur l'objet visé », pour ensuite ajouter :
  8. «J'estime qu'il est conforme à cette interprétation de faire une distinction entre, d'une part, les saisies en matière criminelle ou quasi criminelle auxquelles s'appliquent dans toute leur rigueur les critères énoncés dans l'arrêt Hunter et, d'autre part, les saisies en matière administrative et de réglementation, auxquelles peuvent s'appliquer des normes moins strictes selon le texte législatif examiné.

  9. Dans la même veine, dans l'affaire British Columbia Securities Commission c. Branch, précitée, relative à la validité des pouvoirs d'une commission de valeurs mobilières de contraindre une personne à témoigner et de produire des documents, les juges Sopinka et Iacobucci écrivent au nom de la Cour, p. 35, que:
  10. Cependant, il importe de signaler que ces critères [de l'arrêt Southam] ont été formulés dans le contexte d'un pourvoi concernant la validité d'une disposition essentiellement de nature criminelle ou quasi-criminelle. Il est clair qu'il faut examiner le contexte dans lequel aurait eu lieu la violation reprochée, car c'est lui qui détermine les attentes légitimes en matière de vie privée. Les commentaires suivants que le juge Wilson fait, dans l'arrêt R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, a la p. 645, sont intéressants:

    Puisque les attentes des gens en matière de protection de leur vie privée varient selon les circonstances et les différents genres de renseignements et de documents exigés, il s'ensuit que la norme d'examen de ce qui est «raisonnable» dans un contexte donné doit être souple si on veut qu'elle soit réaliste et ait du sens.

    En conséquence, il est clair que la norme du caractère raisonnable applicable dans le cas des fouilles, perquisitions et saisies effectuées dans le cadre de la mise en application du droit criminel ne sera généralement pas appropriée pour déterminer le caractère raisonnable dans un contexte administratif ou réglementaire: le juge La Forest, dans l'arrêt Thomson Newspapers. Plus l'on s'éloignera du domaine du droit criminel, plus la façon d'aborder la norme du caractère raisonnable sera souple. Le recours a une façon moins rigide d'aborder les fouilles, perquisitions et saisies dans le contexte administratif ou réglementaire est conforme à une interprétation fondée sur l'objet de l'art. 8: Thomson Newspapers.

  11. Les demanderesses plaident essentiellement qu'étant donné que les pouvoirs d'inspection prévus à la Partie V (Contrôle d'application) de la Loi sur le tabac ne respectent pas rigoureusement toutes les exigences de l'arrêt Hunter, ils violent par conséquent l'art. 8 de la Charte. Cette prétention est erronée, car elle repose sur une interprétation de la Charte qui ne tient pas compte du contexte pertinent, c'est-à-dire de la nature essentiellement réglementaire de la Loi et, en particulier, des attentes très réduites en matière de vie privée en l'espèce.
Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page