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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie VI - L'ARTICLE 8 DE LA CHARTE ET LA PARTIE V DE LA LOI SUR LE TABAC

La norme du caractère «raisonnable» dans un contexte réglementaire

  1. Dans plusieurs arrêts postérieurs à l'arrêt Hunter, la Cour suprême a nuancé la rigueur des exigences énoncées dans cette affaire pour adopter des normes beaucoup plus souples, en raison des attentes généralement moins élevées, voire même «considérablement réduites» (Potash, précité, p.420) en matière de vie privée dans un contexte réglementaire.
  2. Il est incontestable que les attentes des citoyens en matière de vie privée varient énormément selon les circonstances et le genre de renseignements exigés. C'est pourquoi Madame le juge Wilson concluait dans l'affaire McKinlay (précité, p.645) que «la norme d'examen de ce qui est «raisonnable» dans un contexte donné doit être souple si on veut qu'elle soit réaliste et ait du sens.» Ainsi, dans un contexte où des activités sont réglementées, les attentes en matière de vie privée sont considérablement réduites à l'égard des lieux où s'exerce cette activité et des documents dont la tenue est spécifiquement exigée par la loi. Comme le souligne le juge La Forest dans l'affaire Thomson Newspapers (précité), les demandes de l'État relativement à ces activités sont (p.518) «choses courantes et prévisibles» et ne concernent généralement pas des aspects de l'identité ou du mode de vie de l'individu que le droit à la vie privée cherche particulièrement à protéger. Dans l'affaire Potash (précité, pp. 420-421), il affirme :
  3. «Dans un contexte où leurs occupations sont largement réglementées par l'État, les attentes raisonnables que les employeurs peuvent entretenir en matière de vie privée, à l'égard de documents dont la tenue est spécifiquement envisagée par la loi ou de lieux où s'exerce une activité assujettie à des normes particulières, sont considérablement réduites. J'ai fait valoir ce point dans l'arrêt Thomson Newspapers, précité, où j'écrivais (à la p. 507):

    < p class="indent40">Il s'ensuit que les attentes des particuliers ne peuvent être très élevées quant au respect de leur droit à la vie privée dans le cas de lieux ou de documents utilisés ou produits dans l'exercice d'activités qui, bien que légales, sont normalement réglementées par l'État. Dans une société où l'on reconnaît le besoin de réglementer efficacement certains domaines d'activités privées et où l'on y donne suite, l'inspection de lieux et de documents par l'État est un aspect routinier auquel les particuliers s'attendent en exerçant cette activité.»

  4. Il importe de préciser que les attentes en matière de vie privée en relation avec les « documents commerciaux » ont souvent fait l'objet d'un examen par la Cour suprême en regard de la protection offerte par l'art. 8 de la Charte. La Cour a répété à maintes reprises que les attentes en matières de vie privée relativement à ce type de documents sont plutôt faibles. Dans l'arrêt 14371 Can. Inc. c. Québec (P.G) (précité), le juge Cory affirme (p. 377) :
  5. «Il y a un certain nombre de concessions qui doivent être faites au départ. Les documents saisis en l'espèce sont de nature commerciale. Le droit à la vie privée relativement à ces documents ne saurait donc être identique à celui qui se rattache aux documents personnels. L'attente en matière de respect de la vie privée relativement aux documents commerciaux est nécessairement faible. Ceux-ci ne contiennent généralement pas le genre d'information personnelle qui est au coeur de la protection constitutionnelle du droit à la vie privée. De plus, il faut admettre que l'État doit avoir le pouvoir de réglementer le commerce, tant pour des raisons économiques que pour protéger l'individu vulnérable contre un pouvoir de nature privée. C'est ce que le juge La Forest a si éloquemment exprimé dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, aux pp. 517 et 518. Aussi, puisqu'en l'espèce la perquisition a été effectuée en application d'une loi de nature réglementaire dans le domaine fort réglementé de la restauration et de l'hôtellerie, l'attente en matière de respect de la vie privée doit nécessairement être réduite. »

  6. Dans l'arrêt R. c. Fitzpatrick, précité, le juge La Forest (pour la Cour) rappelle à ce sujet (p.181) :
  7. «En donnant à l'art. 8 une interprétation fondée sur le contexte, notre Cour a, à maintes reprises, souligné que les fouilles, les perquisitions et les saisies de documents se rapportant à une activité que l'on sait réglementée par l'État ne sont pas assujetties à la norme élevée qui s'applique à celles effectuées dans le contexte criminel. Il en est ainsi parce que l'attente en matière de vie privée est moins grande relativement à des dossiers qui sont préparés dans le cours normal des affaires; voir, en particulier, mes motifs tant dans l'arrêt Thomson Newspapers, précité, aux pp. 506 à 508, que dans l'arrêt Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406, aux pp. 420, 421 et 424, de même que les motifs du juge Wilson dans l'arrêt R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, aux pp. 645 à 647, ceux du juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Comité paritaire, aux pp. 443 et 444, et ceux du juge Sopinka dans l'arrêt R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281, aux pp. 291 à 296. À mon avis, une norme semblable devrait s'appliquer à l'utilisation, dans des poursuites pour infraction à la réglementation, de dossiers requis par la loi comme condition de participation au domaine d'activité réglementé. Une faible attente en matière de vie privée peut se rattacher à ces documents, étant donné qu'ils sont préparés précisément pour être lus et utilisés par les fonctionnaires de l'État.»

Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page