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Vie saine

Argumentation écrite du procureur général du Canada devant la Cour supérieure du Canada

Partie VI - L'ARTICLE 8 DE LA CHARTE ET LA PARTIE V DE LA LOI SUR LE TABAC

L'atténuation des critères de l'arrêt Hunter en matière réglementaire

  1. Étant donné la nature variable de la norme du caractère raisonnable en raison des attentes réduites en matière de vie privée dans un contexte réglementaire, la Cour suprême a considérablement assoupli la rigueur des critères de l'arrêt Hunter.
  2. Ainsi, dans l'affaire Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash, précitée, la Cour a décidé que les critères de l'arrêt Hunter, exigeant un système d'autorisation préalable basée sur l'existence de motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise, ne s'appliquent pas dans le cadre d'inspections administratives et réglementaires, comme celles visées par la Loi sur le tabac. Cet arrêt portait sur des inspections faites en vertu de la Loi sur les décrets de conventions collectives. Le juge La Forest écrit au nom de la majorité des juges, p. 421, que:
  3. «On ne saurait donc appliquer, sans aucune qualification, les garanties strictes énoncées dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., précité, qui ont été élaborées dans un contexte fort différent. L'inspection a pour objectif fondamental la vérification du respect d'une loi réglementaire; elle s'accompagne souvent d'une dimension informative destinée à promouvoir les intérêts des personnes en faveur desquelles la loi a été édictée. L'exercice des pouvoirs d'inspection n'entraîne pas les stigmates qui sont normalement associés aux enquêtes de nature criminelle et leurs conséquences sont moins draconiennes. Si les lois réglementaires sont accessoirement assorties d'infractions, elles sont principalement édictées dans le but d'en inciter le respect. Il se peut que dans le cadre de leur inspection, les personnes chargées de l'application d'une loi découvrent des indices qui en laissent soupçonner la violation. Mais cette éventualité n'altère pas l'intention fondamentale qui anime l'exercice des pouvoirs d'inspection. Il en est ainsi lorsque leur mise en oeuvre est motivée par une plainte. Une telle hypothèse détonne certes avec l'aspect routinier qui caractérise l'inspection. Toutefois, un système de plaintes est souvent envisagé par le législateur lui-même, car il constitue un moyen pragmatique non seulement de vérifier les manquements à la loi, mais également d'en dissuader la survenance.»

  4. Plus loin, il ajoute (p.422) :
  5. «Compte tenu de l'importance de l'objectif des lois réglementaires, de la nécessité des pouvoirs d'inspection et des attentes réduites en matière de vie privée, l'équilibrage des intérêts sociaux et des droits des particuliers ne commande pas l'imposition d'un système d'autorisation préalable en sus de l'aval législatif.»

  6. Le juge La Forest a également signalé que le fait que des visites puissent se dérouler au domicile d'un employeur ne rend pas déraisonnables les inspections au sens de l'article 8 de la Charte. Il écrit, p. 424:
  7. «Le deuxième alinéa du par. 22e) de la Loi n'identifie pas spécifiquement l'endroit ou la visite peut être effectuée, si ce n'est qu'elle doit avoir lieu a une heure raisonnable. L'alinéa mentionne simplement que les pouvoirs peuvent être exercés même au lieu de travail des salariés. Selon la nature de l'industrie, il est possible que certaines inspections se déroulent au domicile de l'employeur ou des salariés, lorsqu'il coïncide avec leur lieu de travail. Cette éventualité ne diminue cependant pas le caractère raisonnable des pouvoirs d'inspection.»

  8. Quant au juge L'Heureux-Dubé, qui a l'appui des juges Sopinka, Gonthier, McLachlin et Major, elle ajoute aux pages 452-453 que:
  9. «L'obtention par les inspecteurs d'un mandat comme s'il s'agissait d'une matière criminelle exigerait qu'ils aient des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction à l'encontre de la LDCC a été commise. Or, c'est précisément pour vérifier si une infraction se commet que les inspecteurs possèdent les pouvoirs d'inspection. En suivant les principes établis par l'arrêt Hunter c. Southam Inc., un mandat ne pourrait jamais être émis dans ces circonstances. On constate donc que, sur le plan de la réalité pragmatique, les critères de l'arrêt Hunter c. Southam Inc. doivent nécessairement être inapplicables dans le contexte des inspections administratives dans un secteur réglementé de l'industrie, comme celles faisant l'objet du présent pourvoi. Ils constituent tout simplement ici une "norme trop élevée" (Thomson Newspapers, précité, à la p. 595 (le juge L'Heureux-Dubé).»

Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page