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Vie saine

Le tabagisme chez les francophones du Canada Les leçons à retenir de la Stratégie de lutte contre le tabagisme 1994-1997

2.1 Leçon I - Les francophones demeurent un groupe à risque très élevé.

Mise en contexte

La Stratégie de réduction de la demande de tabac (SRDT) a été lancée en février 1994 par le gouvernement fédéral dans la foulée de la baisse des taxes sur les cigarettes, une mesure visant à mettre un terme au problème de la contrebande de cigarettes. Avec l'interdiction de vente de cigarettes aux mineurs promulguée le même jour, la SRDT se présentait comme l'arme qui permettrait de faire échec à la consommation tabagique, particulièrement chez les jeunes. Pendant une période de trois ans, la SRDT a donc servi à financer un grand nombre de projets aux chapitres de la prévention et de l'abandon du tabac, ainsi que d'importants travaux de recherche.

De précieuses leçons se sont dégagées des diverses expériences vécues à travers le Canada au chapitre de la lutte pour le contrôle du tabac en milieu francophone. Les leçons apprises nous fournissent aujourd'hui d'importantes pistes stratégiques.

2.1.1 En termes de nombre, les francophones constituent un groupe important

Rappelons que 35 p. cent des francophones de 15 ans et plus et provenant de toutes les régions du pays fument, contre 26 p. cent des anglophones . La très grande majorité de la population québécoise est francophone et l'on retrouve un nombre important de francophones dans toutes les autres provinces et les territoires. Au Nouveau-Brunswick, ceux-ci forment plus du tiers de la population. En Ontario et au Manitoba, leur nombre est considérable aussi : 480 650 et 45 565 respectivement.

À l'heure actuelle, nous ne disposons que de deux études qualitatives et de statistiques comme celles présentées ci-dessus pour expliquer les attitudes et les comportements des Franco-Canadiens sur le plan de la santé, ainsi que les facteurs qui les incitent à fumer (18). Par conséquent, ces derniers, à l'exception des francophones vivant en Ontario et au Québec, demeurent des inconnus à bien des égards.

Dans le cas particulier de l'Ontario, un seul sondage provincial portant sur la santé et la promotion de la santé, incluant le tabagisme, a été mené auprès de la population franco-ontarienne. Les données sur cette population ne sont pas exhaustives. Le sondage est un instrument de recherche qui se limite à nous fournir une radiographie des attitudes et comportements sur le plan de la santé. Par ailleurs, l'information quantitative recueillie au sujet des Québécois francophones en matière d'attitudes et de comportements remonte à une dizaine d'années.

2.1.2 La prévalence de consommation de tabac est plus élevée chez les francophones que dans l'ensemble de la population.

Comme on l'a vu dans la première section de ce document, le taux le plus élevé de tabagisme est observé au Québec avec 38 p. cent, suivi de très près des francophones de l'Ontario (37,6 p. cent) et des Acadiens du Nouveau-Brunswick (28,7 p. cent). Alors que, depuis 1981, on constatait une diminution de la prévalence de consommation de tabac dans les provinces, la proportion de fumeurs francophones au Québec a en fait augmenté de 33 à 38 p. cent.

Pourquoi les francophones fuments-ils plus que d'autres groupes au Canada? Pourtant, nombreux sont ceux qui disent vouloir arrêter de fumer. Dans les diverses études qualitatives, plusieurs hypothèses ont été avancées en vue d'expliquer ce phénomène : 

  • une culture plus permissive;
  • une moins grande connaissance des dangers du tabac;
  • une moins grande préoccupation pour la santé;
    fumer est vu comme un choix personnel et un droit individuel.

Selon un document de Santé Canada intitulé La stratégie de réduction de la demande de tabac : en bref , les programmes lancés dans le cadre de la Stratégie nationale auraient surtout influencé les fumeurs moins accrochés, c'est-à-dire ceux qui sont les moins enclins à prendre des risques, donc les plus susceptibles d'arrêter de fumer.

2.1.3 Il demeure prioritaire de prévenir le tabagisme auprès des francophones les plus vulnérables.

On sait que le tabagisme tend à se déplacer au fil des ans des couches favorisées de la population en général vers les couches défavorisées. Ce phénomène est observé dans l'ensemble des pays développés. Les jeunes, les femmes, les cols bleus et les sans-emploi sont particulièrement vulnérables au tabagisme; la consommation de tabac chez ces derniers est sensiblement plus élévée. Ils constituent donc des groupes cibles de la première importance au sein de la population francophone.

2.1.4 Les jeunes francophones sont sans contredit un groupe cible de la première importance.

Le tabagisme chez les jeunes Canadiens est la source d'une vive préoccupation à l'heure actuelle et pour bonne raison. On se souviendra que, parmi les jeunes Canadiens âgés de 10 à 19 ans, les francophones sont ceux qui affichent les pourcentages de fumeurs les plus élevés au pays (20 p. cent) (20).

Selon l'Enquête de 1994 (21)sur le tabagisme chez les jeunes , la période de 13 à 14 ans dans la vie des jeunes est critique pour ce qui est de commencer à fumer. En effet, le pourcentage de fumeurs chez les jeunes francophones âgés de 10 à 12 ans (4 p. cent) monte drastiquement à 25 p. cent dans le groupe des 13 et 14 ans. On sait aussi que les jeunes francophones commencent plus tôt à fumer que la moyenne nationale et qu'ils ont des croyances et des attitudes particulières en ce qui a trait aux risques tabagiques.

Cette même enquête nous révèle, par ailleurs, que la plupart des jeunes fumeurs tentent de cesser de fumer moins de deux ans après leur première cigarette. Un fort pourcentage de fumeurs âgés de 10 à 19 ans auraient déjà envisagé sérieusement d'arrêter; la plupart l'aurait tenté au moins une fois. Toutefois, les jeunes ne connaissent pas beaucoup de succès dans leurs tentatives d'abandon. Des recherches additionnelles s'imposent pour comprendre pourquoi ces tentatives mènent à l'échec et ce qui peut être fait pour aider les jeunes qui veulent vaincre l'habitude.

D'autre part, avant la mise en application de la SRDT, les jeunes francophones avaient accès à un nombre moindre de programmes de prévention que les jeunes anglophones. Par exemple, une enquête nationale effectuée en milieu scolaire a révélé que seulement 29,4 p. cent des écoles primaires au Québec offraient des activités de prévention du tabagisme, contre 84,7 p. cent dans les écoles à l'échelle nationale (22). Selon l'Enquête de 1994 (23), les jeunes Québécois auraient reçu moins d'éducation préventive en matière de tabagisme. Il est difficile de confirmer si ce même type d'éducation fait défaut en milieu franco-canadien. Chose certaine, on aurait intérêt à accentuer les efforts de prévention auprès des jeunes, les efforts en matière de cessation ayant été beaucoup plus nombreux.

La Stratégie de trois ans visant à réduire la demande de tabac a servi de tremplin au lancement d'une série d'initiatives-jeunesse en matière de prévention et de cessation telles que Maximiser l'impact et le Journal d'une jeune fumeuse. Ces initiatives ont mené à l'identification d'importantes pistes stratégiques en ce qui a trait au développement et à la mise en oeuvre de programmes efficaces de prévention et de cessation à l'intention des jeunes francophones.

Dans le cadre d'une évaluation formative, par exemple, du projet de La gang allumée pour une vie sans fumée, les pistes suivantes ont été identifiées :

  • Donner la place aux jeunes, c'est-à-dire laisser une marge de manoeuvre aux jeunes dans le cadre d'un projet; valoriser l'autonomie, la prise de décision par les jeunes, la confiance et l'auto-responsabilisation.
  • Répondre aux besoins particuliers des jeunes, c'est-à-dire laisser une grande liberté de choix aux écoles et respecter leur sous-culture ainsi que les besoins particuliers de sous-groupes.
  • Inciter la responsabilité sociale, c'est-à-dire encourager les jeunes à poser un geste social de sensibilisation qui mousse la fierté de soi et la fierté d'être engagé envers sa communauté.
  • Offrir un message positif, c'est-à-dire promouvoir la tolérance et le respect mutuel tout en s'assurant d'inclure les différents groupes, y compris des fumeurs, des non-fumeurs et des ex-fumeurs.
  • Embarquer des partenaires internes et externes, c'est-à-dire aller chercher une participation aussi large que possible dans l'école même et au sein de la communauté pour une action collective, positive et la multiplication des bienfaits du projet.
  • Adopter une approche-santé holistique, c'est-à-dire positionner la question du tabagisme dans le cadre plus large de la santé et de la qualité de vie (le concept de la promotion de la santé et de la prévention de la maladie).
  • Y mettre du visuel, c'est-à-dire adopter plutôt une approche visuelle pour sensibiliser et avoir un plus grand impact auprès des jeunes.
  • Éliminer les obstacles à la participation, c'est-à-dire simplifier au maximum les démarches que doivent faire les jeunes pour participer au projet. Le plus simple ce sera, plus ils seront nombreux à vouloir participer.

2.1.5 Les femmes francophones sont également un groupe cible de la première importance.

Le tabagisme est la principale cause de décès prématuré chez les Canadiennes. L'Enquête de 1994 sur le tabagisme au Canada (24) nous révèle que le taux de prévalence du tabagisme est plus élevé chez les Québécoises francophones (38 p. cent), les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans (38 p. cent) et les jeunes femmes à faible revenu (47 p. cent). Le taux de prévalence global n'a guère changé depuis 1991.

À l'heure actuelle, on peut difficilement brosser un portrait adéquat de la situation tabagique chez les femmes francophones des différentes régions du pays. Les données sont très limitées et l'insuffisance de renseignements ne permet pas d'établir des comparaisons entre les différents groupes de femmes francophones en matière de tabagisme et de dégager les facteurs qui influencent leurs attitudes et comportements (25).

Cependant, une étude qualitative réalisée en 1993 auprès de Franco-Ontariens dans Ottawa-Carleton (26)nous révèle que les femmes francophones s'estiment dépendantes et esclaves de la cigarette. La majorité d'entre elles aimeraient se défaire de cette habitude, mais celles-ci voient leur dépendance comme une maladie au même titre que d'autres dépendances. L'intolérance de la société face à leur comportement les inciterait davantage à fumer qu'à abandonner la cigarette. Une constatation similaire a été faite auprès de femmes enceintes francophones issues d'un milieu défavorisé et habitant Montréal. (27)

D'une part, il est clair que les programmes à l'intention des francophones doivent tenir compte de la plus grande tolérance de ces derniers à l'égard du tabagisme et du fait qu'ils accordent plus d'importance au libre choix du style de vie qu'aux questions de santé. Autre fait pouvant contribuer à cette tolérance accrue : les médias francophones ont moins tendance que les médias anglophones à condamner le tabagisme. (28)

D'autre part, la documentation existante portant sur les femmes et le tabagisme indique que les sentiments de confiance, de maîtrise et d'estime de soi jouent un grand rôle à la fois dans les tentatives des femmes cherchant à cesser de fumer et dans le succès des changements. Cela s'avérerait encore plus vrai chez les femmes défavorisées. Lorsque les femmes décident qu'elles peuvent prendre leur vie en main en cessant de fumer, mais n'y parviennent pas, leurs échecs peuvent influer négativement sur l'image qu'elles ont d'elles-mêmes. Pour parvenir à changer leurs habitudes tabagiques, les femmes auraient donc besoin d'avoir confiance qu'elles peuvent réussir tout en ayant le sentiment qu'elles contrôlent la situation.

L'évaluation de la version française du programme Vers une vie sans fumer, mis sur pied au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba, nous offre plusieurs pistes quant à l'approche qu'il serait préférable de prendre en milieu francophone pour venir en aide aux femmes qui veulent se prendre en main et arrêter de fumer.

  • Refléter les besoins linguistiques et culturels - On s'est aperçu que la version traduite du programme devait être adaptée sur le plan culturel pour mieux tenir compte des cordes sensibles de la clientèle visée. On a également présenté des suggestions en vue d'améliorer les modules et certaines activités.
  • Trouver des moyens novateurs pour recruter la clientèle - Dans certains endroits, le nombre de participantes était très faible. Dans une région, le programme n'a pu être terminé par manque de participantes. Cela indique, entre autres, la nécessité de sortir des réseaux habituels pour trouver la clientèle et de réseauter davantage avec les principaux contacts de la communauté pour assurer une participation plus nombreuse.
  • Mettre l'accent sur les étapes de changement - Plutôt que de mettre l'accent sur le renoncement, il serait peut-être préférable de miser sur les étapes de changement comme indicateurs de succès. Parmi les femmes qui n'avaient pas encore arrêté de fumer, le taux d'attrition était particulièrement élevé au "point tournant", c'est-à-dire au moment dans le programme où on est sensé arrêter de fumer. Les animatrices ont signalé que les femmes qui avaient abandonné ce jour-là l'ont fait parce qu'elles ne s'estimaient pas à la hauteur ou craignaient de décevoir les animatrices. Cela indique peut-être la nécessité de revoir le degré d'importance accordé à l'abandon du tabac, à la réduction de la consommation tabagique et à l'acquisition d'autres techniques pour parvenir à se prendre en main.
  • Adopter une perspective globable et outiller les femmes - Plus de la moitié des participantes ayant terminé le programme ont déclaré s'être senties valorisées et davantage en mesure de se prendre en main. Elles avaient acquis de nouvelles techniques au chapitre de l'abandon (ex. : gestion du stress) et avaient grandement bénéficié du soutien moral qui les avait aidé à cesser de fumer ou à réduire.

Il est important de noter que le taux de rétention obtenu de 75 p. cent était plus élevé que prévu pour la version française de ce programme. Plus de 80 p. cent des participantes francophones ont arrêté de fumer ou réduit leur consommation de tabac pendant au moins six mois. Parmi les 23 femmes francophones ayant terminé la phase de suivi du programme, 33 p. cent avaient cesser de fumer et 52 p. cent avaient réduit leur consommation de tabac.

Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page