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Vie saine

Le tabagisme au travail : tendances, enjeux et stratégies

Tabagisme au travail : enjeux et tendances - Fréquence du tabagisme dans la population active

Variations selon les régions

Sur les 12,6 millions de Canadiens faisant partie de la population active (c.-à-d. qui travaillaient ou étaient en chômage et en quête de travail) en août 1994, 4,13 millions ou 32,8 % fumaient à ce moment-là (quotidiennement ou non), soit un peu plus que la moyenne nationale de 30 % dégagée par l'Enquête sur le tabagisme au Canada d'août 1994. Avec des données tirées de cette enquête, la figure 1 présente la fréquence actuelle du tabagisme chez les personnes occupées et les chômeurs selon les régions et le sexe. L'Ontario se situe bien au-dessous de la moyenne nationale en ce qui concerne la fréquence du tabagisme professionnel (27,3 %). La Colombie-Britannique est aussi un peu au-dessous avec 31 %. Le Québec est la seule région où la fréquence du tabagisme chez les travailleurs (41,6 %) dépasse nettement la moyenne nationale.

Figure 1. Fumers actuels dans la population active selon des régions et le sexe, août 1994

On relève, dans les régions, des différences marquées selon le sexe. Tant en Ontario que dans les provinces des Prairies, moins de 25 % des travailleuses fument. Dans un tableau très contrasté, la fréquence du tabagisme dans la main-d'œuvre masculine ontarienne le cède d'environ 4 points à la moyenne nationale; le contraire se produit dans la région des Prairies. Toutefois, le groupe le plus remarquable est la main-d'œuvre féminine québécoise qui fume dans une proportion de 46,2 %. C'est là l'écart le plus grand entre les sexes (7,5 points), et au rebours même de la constatation à l'échelle nationale d'une plus grande tendance au tabagisme chez les hommes que chez les femmes. De tous les groupes socio-démographiques, c'est celui des chômeurs en quête de travail qui fume actuellement le plus avec une proportion globale de 45,6 % et une proportion féminine de 51,7 % (données de quartier 2 de l'Enquête sur le tabagisme au Canada, totalisations spéciales). La figure 1 indique que l'ensemble de la main-d'œuvre féminine québécoise approche de ce niveau de tabagisme.

Variations professionnelles et industrielles

Dans les figures 2 et 3, on décrit la répartition professionnelle et industrielle des fumeurs actuels à l'aide des données de l'Enquête nationale sur la santé de la population 1994-1995. À la figure 2 d'abord, on peut voir que quatre catégories professionnelles - celles des sciences naturelles, de l'enseignement, de la médecine et de la santé, et des sciences sociales et de la religion - présentent un taux de tabagisme inférieur à l'objectif de 24 % fixé par la SNLT pour l'an 2000. Avec une fréquence de 27,4 %, les professions de la gestion et de l'administration se situent au-dessous de la moyenne nationale actuelle.

Figure 2. Fumeurs actuels selon les professions, Canada, 1994-95

À l'opposé, parmi les professions où la fréquence du tabagisme est supérieure à la moyenne, quatre professions de cols bleus dominées par les hommes se détachent. Dans les professions des pêches, des forêts et des mines, plus de la moitié (55,4 %) des travailleurs fument actuellement, ce qui représente presque le double de la moyenne nationale. Dans les professions des transports et de la construction, la proportion est d'environ 45 %. Dans deux autres professions de cols bleus à prédominance masculine (usinage et transformation), on relève aussi un taux de tabagisme de plus de 40 %.

On constate toutefois que les professions du secteur des services ne sont pas loin derrière avec un taux de 37,2 %. Cette catégorie professionnelle présente des caractéristiques qui la distinguent d'autres professions où le tabagisme est fréquent. Premièrement, on y trouve beaucoup d'emplois de cols blancs dans des domaines comme les services de restauration, la coiffure, la garde d'enfants, le tourisme, les hôtels et les motels, ainsi que les services de protection (services de police, d'incendie, de sécurité). Deuxièmement, plus de la moitié des travailleurs de ces professions sont des femmes; elles forment près de 17 % de toute la main-d'œuvre féminine (Krahn et Lowe, 1993:74,163). Les services représentent le deuxième secteur professionnel d'importance après les employés de bureau qui comptent plus de 13 % de toute la population active. Troisièmement, les travailleurs des services sont généralement plus jeunes que ceux des professions de cols bleus. En 1991, 29 % des employés de 15 à 19 ans travaillaient dans le secteur des services et représentaient 14 % de tous les travailleurs de ce secteur (Lindsay, Devereaux et Bergob, 1994:25). Quatrièmement, il y a plus de fumeurs dans les services (848 871) que dans les secteurs confondus de la construction, des transports, et des pêches, des forêts et des mines (743 794). De fait, les professions du secteur des services regroupent plus de fumeurs que toute autre profession mentionnée à la figure 2. Fait intéressant, les professions du travail de bureau se classent au deuxième rang pour le nombre de fumeurs.

La figure 3 analyse la fréquence du tabagisme selon les industries. Pour interpréter les figures 2 et 3, il est bon de se rappeler que la profession désigne la nature du travail exécuté et l'industrie, la nature de ce qui est produit. Précisons toutefois que les classifications employées par Statistique Canada pour les professions et les industries se chevauchent dans certains secteurs (agriculture, transports, construction, etc). Ces distinctions d'ordre conceptuel devraient aider à reconnaître des branches d'activité ou des groupes professionnels précis comme cibles dans l'adoption de politiques de lutte contre la FTA.

Figure 3. Fumeurs actuels selon les industries, Canada, 1994-95

C'est dans les services socio-culturels (éducation, santé et bien-être social) que le tabagisme est le moins fréquent (24,5 %). C'est la seule branche d'activité qui atteint presque l'objectif global de 24 % fixé pour l'an 2000 par la SNLT. À l'exception de l'agriculture, les secteurs industriels, où le taux de tabagisme ne dépasse pas le taux national, appartiennent au secteur des services; il s'agit de l'administration publique et des finances. Le tabagisme est le plus fréquent dans les secteurs de la construction et des ressources (mines, énergie, forêts, etc.) avec des taux supérieurs à 45 %. Dans ces secteurs, on travaille surtout en plein air et la réglementation anti-tabagisme est difficile à appliquer et à faire respecter. Les catégories qui suivent pour la fréquence du tabagisme sont celles des transports et des services personnels.

Là encore, il importe de noter le nombre absolu de fumeurs (609 478) dans les services personnels, chiffre supérieur aux taux confondus de l'industrie primaire (c.-à-d. la pêche et le piégeage, l'exploitation forestière, les mines, les carrières et les puits de pétrole) et du secteur de la construction. Ce chiffre montre la prédominance des industries de services dans l'économie et explique l'apparent paradoxe de la figure 3 où les services socio-culturels ont le plus grand nombre de fumeurs, tout en présentant la plus petite fréquence du tabagisme.

En ce qui concerne les trois caractéristiques de l'emploi indiquées à la figure 4, on constate que les fumeurs sont beaucoup plus susceptibles que les non-fumeurs de travailler régulièrement en fin de semaine, le soir ou la nuit ou encore dans de petites entreprises (comptant moins de 20 employés). Ce sont des conditions de travail caractéristiques des activités de rang inférieur dans le secteur des services.

Figure 4. Fumeurs actuels selon certaines caractéristiques professionnelles, Canada, 1990

Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre la FTA

Il faut soigneusement cibler des stratégies sur les divers profils démographiques et conditions de travail des fumeurs dans des professions et des secteurs d'activité où la fréquence du tabagisme est élevée. À cette fin, les campagnes de réduction du tabagisme et d'interdiction de l'usage du tabac au travail visant les camionneurs et les mineurs nécessiteront des tactiques et un contenu différents de celles qui visent les travailleurs de la restauration ou les commis. L'utilisation de catégories confondues de secteurs d'activité et de professions dans cette analyse ne peut cependant révéler que de larges tendances. Des ventilations plus détaillées, ainsi que des études de cas de professions ou de secteurs d'activité en particulier (p. ex., O'Connor et Harrison, 1992), permettraient aux décideurs de viser des groupes de travailleurs en particulier.

Bien que les études spécialisées distinguent les cols bleus comme groupe hautement prioritaire à des fins de recherche et de réglementation, cette généralisation repose sur des hypothèses déjà presque désuètes au sujet de la composition de la population active. Il faut voir que plus de 70 % de la main-d'œuvre canadienne se trouve aujourd'hui dans le secteur des services et que 44 % de tous les travailleurs sont des femmes. Lors de l'élaboration d'une politique à l'avenir, il faut tenir compte du fait que le palier inférieur du secteur des services affiche une fréquence du tabagisme très élevée et compte le plus grand nombre de fumeurs - et par conséquent, le nombre le plus élevé de non-fumeurs exposés à la FTA. Les employés qui ont le moins de règlements contre la FTA dans le secteur des services travaillent dans les restaurants, les bars, les salons, les hôtels et les motels, les casinos et d'autres établissements connexes.

De plus, les emplois chez les cols bleus diminuent constamment et augmentent constamment chez les cols blancs. Les lieux de travail dans la fabrication peuvent actuellement poser un risque moindre pour la santé en ce qui a trait à l'exposition à la FTA que les bureaux où une proportion plus grande de la main-d'œuvre est employée. Dans une récente étude, on a utilisé des moyens de surveillance passifs afin de prélever des échantillons de concentration hebdomadaire de FTA dans 25 lieux de travail et ils ont révélé que dans les lieux de travail sans restriction de l'usage du tabac, un pourcentage plus élevé de travailleurs dans les bureaux que dans le secteur de la fabrication étaient exposés à la FTA à des degrés posant un risque particulier pour la santé (Hammond, Sorensen, Youngstrom et Ockene, 1995:958).

Dans le secteur de l'accueil, les employés sont aussi exposés à des degrés élevés de FTA. Le degré de FTA dans les restaurants est de 1,6 à 2 fois plus élevé que dans les bureaux et 1,5 fois plus élevé que dans les résidences comptant au moins un fumeur (Siegel, 1993, voir aussi Jarvis, Foulds et Feyerabend, 1992). Les degrés dans les bars sont de 3,9 à 6,1 fois plus élevés que dans les bureaux et de 4,4 à 4,5 fois plus élevés que dans les résidences comptant des fumeurs. Il peut y avoir une augmentation de 50 % du risque du cancer du poumon chez les employés du secteur des services de la restauration qui peut être attribué en partie à l'exposition à la FTA, comparativement au risque dans la population en général (Siegel, 1993). Compte tenu de ce genre d'information épidémiologique probante, le secteur de l'accueil qui connaît une croissance rapide est devenu la cible de récentes lois sur le contrôle du tabagisme au Canada et en particulier aux États-Unis - et il deviendra sans doute le champ de bataille contre l'industrie du tabac si l'on peut réaliser des progrès afin d'éliminer l'exposition à la FTA.

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