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Vie saine

Le tabagisme au travail : tendances, enjeux et stratégies

Restrictions de l'usage du tabac en milieu de travail - Réglementation de la FTA par les lois sur la santé et la sécurité au travail

Les mesures récentes de l'EPA et de l'OSHA aux États-Unis ont attiré l'attention des responsables des politiques au Canada sur les possibilités des régimes de SST et d'indemnisation des accidentés du travail comme moyen d'éliminer la FTA dans les lieux de travail. Contrairement aux États-Unis où les règlements de l'OSHA sur le tabagisme au travail peuvent avoir préséance sur les ordonnances locales moins rigoureuses, il n'y a aucune entité administrative fédérale au Canada ayant des pouvoirs nationaux en la matière. Certaines provinces cependant, en particulier la Saskatchewan, commencent à adopter des mesures contre la FTA par l'intermédiaire de la SST.

La FTA est maintenant une priorité de santé et de sécurité au travail aux États-Unis

L'OSHA des É.-U., qui est chargée de veiller sur la santé et la sécurité au travail, a entrepris de s'attaquer aux risques de l'exposition à la FTA en milieu de travail. Avant que l'EPA ne présente son rapport, elle ne considérait pas la FTA comme prioritaire. Aujourd'hui, les spécialistes soutiennent que la loi américaine sur la santé et la sécurité au travail pourrait constituer la principale arme dans l'arsenal des mesures législatives anti-tabagisme (Short, 1992:68). L'OSHA coordonne ses efforts d'éducation du public avec ceux du Département de la santé et des services humains et les « Centres for Disease Control » ont lancé des directives d'élimination du tabac en milieu de travail, proposant de bannir carrément le tabagisme à l'intérieur des lieux de travail. La Building Owners' and Managers' Association est d'accord et a demandé que l'on impose de telles restrictions en 1993, invoquant le fait que le tabac est la principale cause des incendies d'immeubles de bureaux (Municipalité de Vancouver, 1994).

Défis d'une stratégie de SST

La conception de stratégies appropriées dans le domaine de la santé au travail pose de grands problèmes pour les responsables des politiques au Canada. Premièrement, pourrait-on facilement modifier les lois provinciales de SST et le Code canadien du travail pour qu'ils tiennent expressément compte de la FTA comme danger professionnel pour la santé? Deuxièmement, quelles faiblesses des lois sur la SST existantes pourrait-on devoir corriger pour qu'elles soient plus capables de lutter contre la FTA? Troisièmement, comment de telles dispositions pourraient-elles efficacement s'appliquer dans les divers lieux de travail de manière à dépasser les réductions de l'exposition à la FTA déjà réalisées par les lois et les politiques antitabac actuelles? Quatrièmement, comment les différences provinciales actuelles des régimes de SST dans des questions primordiales comme celles du droit de refuser un travail dangereux et des exigences portant sur la création de comités paritaires de santé et de sécurité dans les établissements influeront-elles sur la capacité d'établir des objectifs et des normes de réduction uniformes de la FTA au Canada? La réponse à ces questions aidera à orienter les discussions de politique sur la façon de cheminer sur ce nouveau terrain de réglementation.

Dans un atelier sur la FTA organisé plus tôt cette année par Santé Canada, on a recommandé de se servir des lois sur la SST existantes pour réglementer la FTA (Santé Canada, 1995a), car ces lois exigent des employeurs qu'ils créent un milieu de travail sans danger. Il serait possible aux travailleurs d'en invoquer les dispositions pour forcer le respect des restrictions antitabagisme. En principe, ils devraient avoir le droit de refuser de travailler dans un milieu où la FTA abonde. Le législateur devrait fixer des seuils d'exposition à la FTA et habiliter les travailleurs à surveiller les concentrations de FTA. Comme bien des lieux de travail n'appliquent pas d'interdiction totale du tabac, il est essentiel d'établir une « norme de qualité de l'air applicable » pour la FTA afin de permettre aux responsables de la surveillance et de l'application des restrictions de mesurer les concentrations de fumée en milieu de travail (Repace et Lowery, 1993:464). Avec cet objectif, il serait aussi nécessaire de définir avec plus de précision la fréquence de l'exposition à la FTA pour des groupes précis de personnes dans un lieu de travail (Burns, Axelrad, Bal et al. 1992:S15). C'est peut-être là un des grands défis que devra relever le législateur s'il veut faire tomber la FTA sous le coup des lois sur la SST.

Précédents judiciaires

Il y a en Ontario ainsi qu'en Grande-Bretagne et aux États-Unis des précédents judiciaires qui établissent que le devoir de l'employeur de maintenir un milieu de travail sans danger peut être une raison pour exiger que l'on restreigne l'exposition à la FTA (Conseil anti-tabagisme de l'Ontario, 1995:24). Parmi les autres aspects du régime canadien de SST qui pourraient avoir directement à voir avec la FTA, mentionnons la réglementation des substances que renferme la fumée de tabac (peut-être dans le cadre du Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail ou SIMDUT) et les exigences de création de comités paritaires de santé et sécurité. Ainsi, le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, qui relève du Code canadien du travail, fixe des valeurs limites (seuils) et des indices d'exposition biologique pour le monoxyde et le bioxyde de carbone et énumère en outre diverses substances cancérigènes pour les humains. Toutefois, certains juristes jugent que ces dispositions générales ne permettent pas de lutter efficacement contre la FTA, les tribunaux préférant des dispositions plus précises (Grossman et Price, 1992:6-19).

Aux États-Unis, les travailleurs cherchant à faire éliminer le tabac de leur milieu de travail en s'appuyant sur les dispositions de la loi américaine sur la santé et la sécurité au travail n'ont pas eu de succès dans leurs démarches en justice contre les employeurs. Cette loi ne confère pas aux travailleurs le droit de poursuivre les employeurs, lequel aurait pu servir de base à des plaintes des salariés concernant la FTA (Bowers, 1992:42). Bien que la loi exige des employeurs privés qu'ils créent un milieu de travail exempt des dangers reconnus qui causent ou sont susceptibles de causer la mort ou un grave tort physique à un travailleur, encore en 1990 les tribunaux n'avaient pas dit que cette exigence appelait une interdiction du tabagisme (Vaughn, 1992:125). Et pourtant, comme nous l'avons indiqué plus haut, ce cadre de réglementation pourrait changer si l'OSHA en vient à tenir compte de la FTA dans sa réglementation.

Recours au régime d'indemnisation des accidentés du travail contre la FTA

La Colombie-Britannique s'engage dans une voie à peu près semblable, celle du régime d'indemnisation des accidentés du travail. La commission des accidents du travail de cette province a conçu une réglementation de la qualité de l'air intérieur (air des immeubles) où la FTA est considérée comme un danger professionnel pour la santé et elle recommande de créer des zones désignées pour les fumeurs (Workers' Compensation Board of British of Columbia, 1994:77-78). Dans un rapport, le sous-comité de l'hygiène du travail de cet organisme dit que les non-fumeurs devraient pouvoir travailler dans un milieu sans tabac. Il recommande de confier la responsabilité des interdictions aux employeurs ou celle d'aménager des zones désignées pour fumeurs qui soient fermées, à ventilation distincte et conformes aux normes de l'American Society of Heating, Refrigeration and Air-Conditioning Engineers (ASHRAE). Il propose en outre d'appliquer les normes de l'ASHRAE à l'approvisionnement en air frais dans les restaurants, les boîtes de nuit et les salles de jeux, ainsi qu'à l'utilisation d'appareils d'élimination de la fumée.

Recours à la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l'Ontario contre la FTA

L'analyse que fait Cunningham (1995) de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l'Ontario indique 11 possibilités de mettre cette loi au service de l'élimination de la FTA en milieu de travail :

  1. obligation pour les employeurs de faire connaître les risques aux travailleurs et de prendre « toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour assurer la protection du travailleur »,
  2. obligation semblable pour les cadres,
  3. interdiction faite aux travailleurs de ne pas travailler d'une manière sécuritaire pour eux-mêmes ou les autres travailleurs,
  4. règlement sur les établissements industriels interdisant l'usage du tabac là où se trouvent des substances toxiques,
  5. règlement interdisant un degré supérieur aux normes d'exposition à certains agents que contient la FTA,
  6. (autre possibilité) règlement interdisant toute exposition,
  7. droit de refuser de travailler quand les conditions matérielles dans un lieu de travail pourraient menacer les travailleurs,
  8. ordre donné par deux membres agréés du comité paritaire de mettre fin aux circonstances dangereuses,
  9. ordre donné par le directeur à l'employeur d'interdire ou de restreindre l'usage d'agents susceptibles de constituer un danger pour la santé des travailleurs,
  10. habilitation d'un comité paritaire à faire des recommandations à l'employeur, et
  11. exploitation des pouvoirs conférés par la loi pour que le gouvernement restreigne ou élimine l'usage du tabac en milieu de travail.

Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre la FTA

Avant que les responsables des politiques de santé publique n'optent pour une de ces stratégies, ils doivent être bien conscients des limites propres à la réglementation sur la SST. La plupart des lois sur la SST au Canada reposent sur le principe du « régime de responsabilité interne » (RRI) qui, s'inspirant de modèles européens, pose que les travailleurs directement exposés à des risques ou dangers sont les mieux placés pour trouver des solutions appropriées à leur milieu particulier de travail. La pierre angulaire de ce régime est le droit du travailleur de connaître les dangers de son lieu de travail (à l'aide des données du SIMDUT), d'être consulté par la direction sur les questions de santé et de sécurité et de refuser un travail dangereux (Krahn et Lowe, 1993:281-283). Toutefois, la recherche fait voir la difficulté pour les travailleurs de mettre en pratique ces droits et ces responsabilités. Ils ignorent fréquemment leurs droits et, souvent, n'ont pas les connaissances voulues pour s'attaquer à des problèmes complexes de santé et de sécurité (Sass, 1986, Walters et Haynes, 1988). Nul doute qu'ils connaissent beaucoup mieux les dangers sanitaires du tabagisme. Il reste cependant que ces questions de base sont autant d'obstacles possibles à l'élimination de la FTA par la réglementation de la SST.

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