Les médecins et l'intervention clinique contre le tabagisme : Guide d'évaluation et de planification
Tendances en matière de tabagisme
Selon la récente Enquête de surveillance de l'usage
du tabac au Canada **(étape 1 : février à juin
1999, étape 2 : juillet à décembre 1999), environ
25 p. 100 des Canadiens de 15 ans et plus - un peu plus de
six millions de personnes - fumaient en 1999. La prévalence
du tabagisme a diminué depuis 1990, époque à
laquelle 30 p. 100 des Canadiens fumaient. La diminution est plus
marquée chez les aînés canadiens, lesquels ont
probablement mieux réussi à renoncer au tabagisme.
Malheureusement, les tendances en matière de tabagisme chez
les jeunes ne suivent pas ce modèle. Le tabagisme chez les
jeunes, en particulier chez les adolescents, a augmenté depuis
1990 - 28 p. 100 des adolescents canadiens âgés entre
15 et 19 ans fument, comparativement à 21 p. 100 en 1990.
Le taux de tabagisme chez les adolescents a très peu changé depuis 1994.
En général, les Canadiens de 15 ans et plus sont
plus susceptibles de fumer que les Canadiennes (27 p. 100 contre
23 p. 100). Les taux de tabagisme sont nettement supérieurs
chez les hommes au début de l'âge adulte et, de
façon moins considérable, au milieu de l'âge
adulte. Les hommes de 20 à 24 ans montrent les taux de tabagisme
les plus élevés de tous les groupes d'âge/sexe
au Canada (39 p. 100).
De nos jours, les taux de tabagisme chez les femmes (29 p. 100)
sont presque les mêmes que chez les hommes (28 p. 100). Les
adolescentes qui fument quotidiennement consomment en moyenne le
même nombre de cigarettes que les adolescents. Étant
donné que les femmes, peu importe le groupe d'âge,
ont toujours fumé moins que les hommes, cette nouvelle tendance
chez les adolescentes mérite une étroite surveillance.
On remarque aussi que les filles commencent aujourd'hui à
fumer plus tôt que les garçons. Environ 41 p. 100 des
filles âgées entre 15 et 17 ans qui fument mentionnent
qu'elles ont consommé leur première cigarette
avant l'âge de 13 ans, compara- tivement à 29
p. 100 des garçons.
La prévalence du tabagisme chez les personnes de 15 ans
et plus varie grandement au Canada, d'un taux de 20 p. 100
des fumeurs actuels en Colombie-Britannique à 29 p. 100 en
Nouvelle-Écosse. Le tabagisme chez les adolescents varie
aussi grandement au Canada, de 24 p. 100 en Colombie-Britannique
à 36 p. 100 au Québec. Le pourcentage des adolescents
qui fument au Québec, en Saskatchewan et au Manitoba est
nettement supérieur à celui des adultes de ces provinces.
Calculer les taux de renoncement (la proportion des personnes qui
ont réussi à s'affranchir du tabac parmi tous
ceux qui ont déjà fumé - fumeurs actuels et
anciens fumeurs) est une façon de vérifier la réussite
des Canadiens à renoncer au tabagisme. Au moins la moitié
(51 p. 100) de tous les Canadiens de 15 ans et plus fument actuellement
ou ont déjà fumé. De tous les gens qui ont
déjà fumé, près de la moitié
(46 p. 100) ne fument plus ou n'ont pas fumé depuis
au moins un an. Les taux de renoncement sont beaucoup moins élevés
chez les jeunes que chez les personnes plus âgées;
seulement 8 p. 100 des jeunes de 15 à 19 ans qui ont déjà
fumé ont réussi à renoncer au tabac, omparativement
à 68 p. 100 des personnes de 45 ans et plus qui ont déjà
fumé.
Accès aux programmes
Il est évident que les interventions de renoncement au tabagisme
doivent être accessibles à tous les segments de la
population canadienne. Bien que ce chapitre traite essentiellement
de personnaliser les interventions pour répondre aux besoins
de groupes particuliers, la plupart des idées présentées
s'appliquent aussi aux programmes conçus pour la population
en général.
Au fur et à mesure que nos connaissances en matière
de comportement de tabagisme évoluent, notre compréhension
des interventions les plus efficaces pour aider les gens à
renoncer de façon permanente au tabagisme augmentent aussi.
Autrefois, les préoccupations concernant l'accès
aux programmes de renoncement au tabagisme étaient généralement
concentrées sur les coûts, la langue, l'endroit,
les procédures d'inscription et la sensibilisation de
la collectivité aux ressources disponibles.
Aujourd'hui, les questions d'accessibilité vont
plus loin et comprennent le niveau d'alphabétisation,
le ton, la pertinence culturelle et personnelle, les besoins spéciaux
de groupes particuliers, l'inclusion des personnes chères,
la prestation des soins aux enfants ou autres soutiens de participation
et les stratégies ciblées de recrutement.
Les facteurs qui influent sur l'accès aux programmes
de renoncement au tabagisme ne peuvent pas être regardés
individuellement. Les obstacles à l'accès aux
programmes sont souvent reliés entre eux et, par conséquent,
doivent être considérés ensemble lors de l'élaboration
d'interventions de promotion de la santé.
Le niveau d'alphabétisation
Selon le deuxième rapport (1997) de l'Enquête
internationale sur l'alphabétisation des adultes, les
Canadiens à faible niveau d'alphabétisation sont
peut-être incapables de comprendre et d'interpréter
les renseignements de santé et se fient sur les autres pour
les aider dans les tâches élémentaires de lecture
de tous les jours. Le rapport de Statistique Canada intitulé
Lire l'avenirUn portrait de la littératie au Canada
(1996) précise qu'au moins 45 p. 100 des Canadiens adultes
ont un faible niveau d'alphabétisation et, par conséquent,
ne savent pas suffisamment lire pour répondre à la
plupart des besoins de tous les jours qui font appel à la
lecture. Toutefois, un peu plus de la moitié (22 p. 100)
de ces adultes sont capables de travailler avec du matériel
écrit simplement, disposé avec clarté et dont
le texte n'exige pas de tâches compliquées.
L'enquête a aussi démontré qu'on
a tendance à trouver un faible niveau d'alphabétisation
chez des gens qui sont moins scolarisés, qui ont un statut
socio-économique plus faible, qui vivent en milieu rural
ou qui sont plus âgés. Le fait que l'enquête
ait laissé de côté les Territoires, les réserves
autochtones et les établissements correctionnels accroît
encore les conséquences de ces constatations importantes
pour l'élaboration de programmes.
L'incidence sur l'établissement de programmes
de la présence d'un grand nombre d'adultes canadiens
possédant un faible niveau d'alphabétisation
est particulièrement importante pour les interventions en
vue du renoncement au tabagisme. C'est dans ces mêmes
groupes peu alphabétisés dans l'ensemble de la
population que l'on retrouve la plupart du temps les taux de
tabagisme les plus élevés. De plus, ces gens qui ont
de la difficulté à lire ont moins de chances de bien
connaître les conséquences du tabagisme pour la santé ou les avantages du renoncement.
Les manuels remplis de textes et les activités comportant
des instructions écrites sont habituellement des éléments
clefs des programmes de renoncement au tabagisme destinés
aux groupes ou à l'orientation des efforts individuels.
Les personnes incapables de lire suffisamment pour répondre
aux besoins de tous les jours sont également incapables de
participer à ces programmes ou d'utiliser ces ressources.
En plus de cette difficulté pratique, les personnes peu alphabétisées
se trouvent en face d'obstacles d'ordre émotif
ou social qui les empêchent de demander de l'aide pour
cesser de fumer. Dans une société où l'on
s'attend à ce que tout le monde sache lire, les gens
peu alphabétisés risquent d'avoir peu d'estime
de soi et de confiance en eux-mêmes. Il est possible qu'ils
cherchent à cacher leur difficulté à lire et
qu'ils soient de ce fait moins susceptibles de chercher de
l'aide pour améliorer leur santé.
Si on veut surmonter ces obstacles, il est donc fondamental de
tenir compte du niveau d'alphabétisation au moment de
l'élaboration de programmes et de matériel, et
non seulement pour les éléments écrits de ces
programmes. Il est important de faire aussi attention aux éléments
oraux, qui doivent à la fois être élaborés
à un niveau d'alphabétisation approprié et offrir un contexte significatif permettant de les comprendre
suffisamment.
On doit tenir compte d'un certain nombre d'autres facteurs
au moment de la conception de programmes de renoncement au tabagisme
:
- Le niveau d'alphabétisation est affecté par
la mise en page et les caractères utilisés dans
le matériel imprimé et visuel, de même que
par l'organisation et la suite des idées.
- L'information parlée aussi bien qu'écrite
est renforcée quand on y combine des tâches interactives
comme des questionnaires, des jeux de rôles, ou lorsqu'on
invite les participants à décrire comment l'information
s'applique à leur propre situation.
- On a établi des formules de lisibilité qui aident
à déterminer le niveau de scolarité nécessaire
pour lire un texte, fondées sur des indices comme le nombre
moyen de mots par phrase et le nombre moyen de syllabes par mot.
Mais ces formules à elles seules sont insuffisantes pour
garantir la compréhension du matériel. Par exemple,
le nombre moyen de syllabes par mot ne signifie rien si le participant
ne connaît pas le vocabulaire utilisé ou si la disposition
du matériel le rend difficile à comprendre.
- Des formes de communication n'exigeant pas que le participant
sache lire ou écrire sont des éléments importants
des interventions en matière de renoncement conçues
pour les gens peu alphabétisés. Par exemple, des
images et des affiches avec peu ou même pas de texte, des
vidéos ou des bandes magnétiques, le recours aux
moyens de communications de masse, le théâtre, les
récits, les jeux et les discussions. Les progrès
de la technologie offrent également de nouvelles possibilités.
Dans les milieux où l'encadrement nécessaire
est disponible, on peut utiliser des ordinateurs à écran
tactile pour transmettre l'information au moyen du son et
de l'image. Communiquer de cette façon peut aider
à expliquer l'information écrite et réduire
l'importance du matériel écrit, ou même
le remplacer. Dans tous les cas, les communications non écrites
doivent respecter le principe fondamental de l'alphabétisation,
qui est de transmettre un message clair, facile à comprendre
et à interpréter.
- Les concepts et le matériel du programme devraient toujours
être élaborés en consultation avec les utilisateurs
prévus. Il est également capital de faire un essai
préliminaire des programmes et des ressources avec des
participants qui sont réellement représentatifs
du groupe cible du programme.
Afin d'améliorer l'accès aux interventions
en matière de renoncement au tabagisme pour les gens peu
alphabétisés, les créateurs de programmes dans
le domaine de la promotion de la santé ont besoin de collaborer
avec des groupes d'alphabétisation et d'utiliser
les lignes directrices que ces groupes peuvent offrir. Voici une
ressource qui sera utile pour l'élaboration de nouveaux
programmes ou l'adaptation de matériel existant :
- Vive les mots clairs! - une trousse de formation
en communication de la santé, comprenant un guide de formation,
un vidéo face à face, une version CD-ROM et un outil
de travail pour les aînés qui ont un faible niveau
d'alphabétisation. L'ensemble complet est disponible
en anglais et en français au coût de 79,95 $ (plus
frais de port et manutention) en s'adressant au Programme
national sur l'alphabétisation et la santé,
Association canadienne de santé publique, 400 - 1565, avenue
Carling, Ottawa (Ontario) K1R 8R1, Téléphone : (613)
725-3769, télécopieur : (613) 725-9826, courriel
: hrc@cpha.ca.
** Ces tendances en matière de tabagisme sont le fruit d'une
année de collecte de données réalisées
dans le cadre de l'Enquête de surveillance de l'usage
du tabac au Canada (ESUTC), une nouvelle enquête permanente
de Santé Canada, conçue pour fournir des prévisions
transversales périodiques nationales et provinciales sur
l'usage du tabac.
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