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Vie saine

Remise en question des idées préconçues sur l'accès au tabac par les jeunes : Redéfinition des interventions sur l'accès des jeunes

Partie II : Considérations principales

Les interventions sur la demande comparées aux interventions sur l'offre

Il existe deux types d'interventions pour limiter ou éliminer l'usage de produits nocifs ou à accoutumance. Les interventions qui agissent sur l'offre sont des mesures qui visent à empêcher que les consommateurs, actifs ou potentiels, puissent se procurer des produits de ce genre. Ainsi, on repère et on arrête les vendeurs de cocaïne ou d'héroïne, ou on interdit la vente d'alcool pendant certaines heures. Les interventions qui agissent sur la demande sont des mesures qui visent à réduire le désir des consommateurs (ou les consommateurs potentiels) de se procurer le produit ciblé. Elles englobent une vaste gamme d'interventions, comme des programmes de réadaptation pour les toxicomanes, des initiatives qui visent à sensibiliser les adolescents aux effets néfastes sur la santé d'un produit particulier, les prix élevés ou l'imposition de restrictions quant à la publicité, dans le but de rendre le produit moins attrayant ou désirable.

On souligne volontiers qu'une approche globale nécessite des interventions qui touchent à la fois la demande et l'offre de tabac. Certaines mesures qui concernent l'offre (par exemple : contrôler la contrebande) sont manifestement nécessaires pour garantir l'efficacité des interventions sur la demande (par exemple : l'occurrence, la taxation).

Cependant, les coûts élevés, l'efficacité limitée et les conséquences secondaires de la « guerre contre les drogues ( illicites) » portent à croire que nous devons faire attention de ne pas consacrer une partie excessive de nos ressources en matière de lutte antitabac aux mesures qui agissent sur l'offre, notamment celles qui visent à modifier le comportement individuel des joueurs se situant au bas de la chaîne d'approvisionnement. ( Les mesures qui visent à agir sur l'offre en influant sur le comportement des fabricants -- telles que les mesures réglementaires ou fiscales qui pénaliseraient les compagnies lorsque leurs produits sont vendus aux enfants -- n'ont pas encore été explorées de façon détaillée.) En effet, la recherche montre que les deux interventions les plus efficaces pour réduire le taux d'utilisation du tabac sont : 1) l'augmentation des taxes sur le tabac et 2) les restrictions du tabagisme dans les lieux publics et les milieux de travail. Ces deux mesures servent à réduire la demande de tabac.

Durant certaines années, les ressources humaines et financières de Santé Canada destinées à réduire l'offre de tabac auprès des jeunes, par le biais de l'application des lois sur la vente aux mineurs, étaient hors de proportion comparativement aux ressources octroyées aux interventions sur la demande. Par exemple, en 1997, plus de la moitié du budget fédéral lié à la lutte contre le tabagisme ( 5 à 7 millions $ sur 10 millions) était consacré aux mesures d'application qui visent à restreindre l'accès des jeunes aux produits du tabac. Cependant, depuis 2001, le budget global de lutte au tabagisme a été augmenté de façon considérable : on y consacre maintenant en moyenne 96 millions $ par année. Le montant dépensé actuellement pour l'application des dispositions concernant l'accès des jeunes au tabac représente environ 16 % de l'ensemble des fonds destinés aux initiatives de lutte contre le tabagisme ( autres que les initiatives de communication de masse et de lutte contre la contrebande). Santé Canada prévoit augmenter le nombre de vérifications en matière de conformité et, par conséquent, elle consacrera davantage de ressources humaines et financières aux mesures d'application sur l'accès des jeunes au tabac.

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Les solutions proposées

Un examen exhaustif des conclusions de la recherche ( voir Une analyse critique sur les lois liées à la vente aux mineurs de la Société canadienne du cancer) amène le Comité ministériel à affirmer que les efforts actuels qui visent à influer sur le tabagisme juvénile par le biais d'interventions sur l'offre de tabac -- notamment les efforts pour faire respecter les lois sur la vente aux mineurs -- sont voués à l'échec dans l'état, que ce soit aux niveaux d'investissements actuels ou aux niveaux projetés.

La plupart des chercheurs et des intervenants s'accordent pour dire que même si le Canada atteignait un taux de conformité des détaillants de 80 % ( l'objectif fixé dans la stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme), cela ne serait pas suffisant pour qu'il y ait un impact mesurable sur le tabagisme juvénile. Cet objectif, que s'était fixé Santé Canada pour les dix prochaines années, doit donc être abandonné. Comme solutions de rechange, deux possibilités sont plausibles :

Approche A : établir un objectif de conformité plus élevé ( 90%) et, pour y parvenir, trouver les ressources nécessaires pour mettre en application une bonne partie des recommandations formulées par différents chercheurs et organismes pour augmenter les taux de conformité.

Approche B :repenser les interventions sur l'accès des jeunes afin de maximiser leurs effets potentiels sur la demande.

Tant que nous ne disposerons pas de recherches concluantes qui démontrent que les interventions qui agissent sur l'offre ont un impact réel sur la prévalence du tabagisme juvénile, le Comité ministériel croit que la deuxième approche est la plus prometteuse. Le Comité ministériel est d'avis que les principales retombées positives des lois sur la vente aux mineurs découlent de l'impact de ces dernières sur la demande de tabac -- en d'autres mots, du rôle que ces lois jouent dans la communication d'informations sur les risques du tabac -- et non d'une quelconque réduction de l'offre de tabac auprès des jeunes. En reconnaissant que les effets sur la demande constituent la principale retombée positive sur la santé qu'on peut espérer des interventions sur l'accès des jeunes au tabac, on pourra élaborer un programme qui permettra d'utiliser plus efficacement des ressources limitées.

Dans la partie III du présent rapport, le Comité ministériel offre des recommandations précises pour modifier le programme du gouvernement fédéral dans ce domaine afin de maximiser les impacts potentiels sur la demande des interventions relatives à la vente aux mineurs. Les chercheurs spécialisés dans le contrôle du tabagisme n'ont pas étudié en profondeur l'impact de ces interventions sur la demande. Une fois que cette approche sera bien mise en place, le sous-comité recommande qu'elle fasse l'objet d'une évaluation rigoureuse.

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Les lois et les interventions sur l'accès sont des formes de communication préventive des risques

Comme il a été mentionné précédemment, le Comité ministériel croit que la valeur des lois sur les ventes aux mineurs dépasse largement le cadre de l'impact qu'elles pourraient avoir sur l'offre de tabac auprès des jeunes. Utilisées de manière appropriée, des lois de ce genre peuvent véhiculer de l'information sur les risques, en complément aux mesures de sensibilisation telles que les mises en garde sur les paquets et les campagnes médiatiques.

Comme l'a montré la recherche sur la perception des risques, les repères contextuels jouent un rôle significatif dans la perception de l'ampleur des dangers. Dans le cas de produits particulièrement dangereux, il est important que les renseignements détaillés sur les risques correspondent aux repères contextuels. Par exemple, dans un laboratoire ou dans une industrie où l'on utilise des produits chimiques particulièrement dangereux, les employés sont censés recevoir de l'information détaillée sur le niveau et le type de risques associés à chaque produit. Dans les laboratoires bien gérés, ce moyen de prévention est renforcé par l'entreposage des produits chimiques particulièrement dangereux dans des endroits séparés et fermés à clef. Le but premier n'est pas d'éviter que les employés aient accès aux produits, mais bien de souligner ( par l'entremise de repères contextuels) l'importance de l'information sur les dangers et de veiller à ce qu'il n'y ait pas de confusion entre les produits très dangereux et les produits moins dangereux.

Actuellement, il y a une importante inadéquation entre les renseignements sur les risques que fournit le gouvernement au sujet des produits du tabac ( par exemple, les mises en garde) et les repères contextuels entourant leur vente. Ces produits sont bien en vue dans les petits commerces et il y a peu d'éléments qui les distinguent d'autres produits de consommation, comme la gomme à mâcher ou les appareils-photos jetables. Aucune formation ni compétence particulière n'est requise pour vendre des produits du tabac ; aucune information n'est fournie au sujet des risques d'effets secondaires ( comme c'est le cas lorsqu'un pharmacien prépare une ordonnance, par exemple) ; la seule restriction est liée à l'âge de l'acheteur et il y a peu de conséquences immédiates sur les détaillants lorsque cette restriction minime n'est pas respectée. Bref, les repères contextuels dans les points de vente indiquent que les produits du tabac sont d'usage courant et banalisé.

Ainsi n'est-il pas surprenant que les jeunes sous-estiment considérablement les risques de développer une dépendance aux produits du tabac s'ils en font l'essai ; leur perception des risques pour leur santé est largement en deçà de la réalité. Bon nombre d'adultes considèrent qu'il est malheureux mais en grande partie inévitable que des jeunes fassent usage du tabac. L'interdiction de la vente aux mineurs est, dans une large mesure, perçue comme un règlement technique, du même ordre que les règlements de stationnement. Par conséquent, il est difficile d'obtenir l'appui de la collectivité et des tribunaux pour appliquer des mesures efficaces et dissuasives. Finalement, fournir des cigarettes à un adolescent ( par exemple, un parent fumeur qui donne un paquet à son jeune de 17 ans) est souvent perçu comme un geste banal.

Les interventions concernant l'accès des jeunes au tabac peuvent être une façon de changer les repères contextuels qui voilent la perception de la collectivité sur les dangers de la dépendance. Pénaliser les détaillants pour la vente de tabac à des mineurs peut servir à envoyer un message normatif aux détaillants contrevenants et à l'ensemble de la collectivité au sujet de l'importance de prévenir la dépendance avant qu'elle ne débute -- en autant qu'on rappelle à tout le monde le rôle déterminant de l'initiation des jeunes au tabac dans la propagation de l'épidémie : la grande majorité des personnes commencent à fumer avant 18 ans. Par conséquent, la loi sur la vente aux mineurs, conjointement avec des formes plus directes de communication des risques, peut avoir un impact non négligeable sur la demande.

Cependant, le Comité ministériel estime que les efforts de Santé Canada pour combattre l'accès au tabac perdent de leur efficacité du fait de la priorité donnée à un indicateur inadéquat, le taux de conformité à la loi. Une approche intégrée est nécessaire pour faire face au vaste problème de la dépendance des jeunes aux produits du tabac. La partie III du présent rapport contient des recommandations précises pour élaborer une stratégie plus complète permettant d'aborder les problèmes d'accès au tabac chez les jeunes.

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La priorité accordée à l'application de la loi freine le progrès sur d'autres fronts

Le comité ministériel a une autre raison importante pour s'inquiéter de l'utilisation exclusive du taux de conformité comme indicateur de succès des interventions. Indépendamment du fait que les ressources qui y sont consacrées pourraient servir à des initiatives qui auraient plus de chances de réduire l'usage du tabac, les niveaux actuels des dépenses pour faire respecter les lois sur la vente aux mineurs envoient un message erroné au public canadien. Les lois visant à interdire la vente de tabac aux mineurs sont très prisées par le public et les politiciens. Les initiatives des autorités sanitaires destinées à faire respecter ces lois peuvent faire croire à la collectivité et aux responsables politiques que le problème du tabagisme juvénile est en voie d'être réglé et que la « solution » consiste à faire obstacle aux jeunes qui tentent d'acheter des cigarettes auprès des détaillants.

Cette illusion est renforcée par la campagne très visible de l'industrie du tabac, intitulée « Opération Carte d'identité », qui sollicite le soutien de dirigeants communautaires pour promouvoir le message que l'éducation des détaillants sur l'interdiction de la vente aux mineurs est le plus sûr moyen de vaincre la consommation de cigarettes chez les jeunes.

Il est à noter que cette campagne sert à d'autres fins pour l'industrie, dont l'une est de masquer la réalité que la survie de l'industrie, à long terme, dépend de l'initiation des jeunes au tabagisme. En fait, le succès de toute entreprise de cigarettes dépend de l'efficacité de ses stratégies de marketing pour rendre le produit attrayant pour les adolescents. Grâce à leurs importantes activités de relations publiques, fondées sur la campagne de l'Opération Carte d'identité, les fabricants de cigarettes masquent leurs propres intérêts en soulignant la difficulté du commis de magasin à refuser une vente ( le commis a prétendument besoin d'être bien formé pour comprendre comment obéir à une loi qui est somme toute assez simple). Ironiquement, les fabricants de cigarettes, contrairement aux gouvernements, seraient en mesure d'agir efficacement sur l'offre de tabac auprès des jeunes. En effet, alors que les gouvernements ne disposent qu'une poignée d'inspecteurs, les manufacturiers de cigarettes disposent de plusieurs milliers de représentants qui se rendent régulièrement chez chaque détaillant. Ces manufacturiers pourraient donc aisément repérer les contrevenants -- et ainsi disposer d'un moyen simple et efficace pour imposer la discipline, c'est-à-dire le refus de leur fournir des cigarettes.

Les campagnes comme Opération carte d'identité ont comme autre objectif d'éloigner les autorités politiques des lois, règlements et mesures fiscales qui limiteraient ou empêcheraient le recrutement de nouveaux consommateurs par les fabricants de cigarettes.

Pour ces raisons, Santé Canada doit s'efforcer de ne pas contribuer aux efforts de relations publiques de l'industrie du tabac qui offrent des « solutions » faciles et attrayantes mais, en fin de compte, inefficaces pour régler ce grave problème de santé publique.

Mise à jour : 2005-05-01 Haut de la page