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Vie saine

Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes : Rapport technique

Renoncement au tabagisme

Jennifer L. O'Loughlin, PhD
Département d'épidémiologie, de biostatistique et d'hygiène au travail
Université McGill
Institut national de santé publique du Québec

Paul W. McDonald, PhD
Département des études sur la santé et de gérontologie
Groupe d'étude sur les comportements en matière de santé
Université de Waterloo

Murray J. Kaiserman, PhD
Programme de la lutte au tabagisme
Santé Canada

Sarah Viehbeck, MSc
Département des études sur la santé et de gérontologie
Université de Waterloo

Remerciements : Les auteurs remercient Caroline Murphy (Université de la Colombie-Britannique) et Cathy Backinger (Institut national du cancer) qui ont révisé une version antérieure de ce chapitre et fait des commentaires constructifs.

Points saillants

  • Sur environ 247 100 élèves de la 5e à la 9e  année dans tout le Canada qui ont pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens ou qui étaient des fumeurs quotidiens en 2002, 39 % avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer. Un tiers des 210 300 élèves qui ont pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens avaient pensé à arrêter, par rapport aux trois quarts des 36 800 fumeurs quotidiens;
  • Parmi 92 100 élèves qui ont pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens ou qui étaient des fumeurs quotidiens et qui ont sérieusement pensé à cesser de fumer, 68 % avaient fait une ou deux tentatives d'abandon du tabac au cours de leur vie. Le nombre moyen de ces tentatives était de 3,2 en 2002 par rapport à 3,4 en 1994;
  • Parmi 62 100 élèves qui ont pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens ou qui étaient des fumeurs quotidiens et qui avaient déjà sérieusement pensé à cesser de fumer et essayé de le faire, 72 % avaient fait au moins une tentative récente d'abandon (dans les six mois précédant l'enquête);
  • La proportion des jeunes ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens ou qui étaient des fumeurs quotidiens et avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et fait une tentative récente d'abandon (dans les six moins précédant l'enquête) était de l'ordre de 65 % au Manitoba et de 87 % en Alberta;
  • Parmi les jeunes qui ont essayé de cesser de fumer, ceux qui ont pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens ont été en mesure de s'abstenir plus longtemps que les fumeurs quotidiens. En effet, 51 % sont restés abstinents pendant plus d'un mois, par rapport à 17 % chez les fumeurs quotidiens.

Méthodes

Cette section aborde les définitions et les questions liées à l'échantillonnage propres au présent chapitre. Pour obtenir des précisions sur les méthodes utilisées dans l'ensemble de l'Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes, veuillez consulter le chapitre 2.

Définitions

Comportement en matière de tabagisme

Le présent chapitre ne concerne que les répondants qui ont déclaré qu'ils fumaient et pour lesquels les comportements face à l'abandon du tabac sont pertinents. Il s'agit surtout de la catégorie des jeunes ayant fumé plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens et de celle des fumeurs quotidiens. Ceux qui avaient essayé de fumer, ne serait-ce que quelques bouffées, mais qui n'avaient jamais fumé une cigarette au complet ont été exclus de ce chapitre. Étant donné qu'ils avaient fumé si peu, ces comportements ne seraient sans doute pas pertinents. Les fumeurs ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens comprennent les répondants qui avaient fumé une cigarette au complet, mais qui n'avaient pas fumé tous les jours au cours de la semaine précédant la collecte de données. La catégorie fumeur quotidien comprend ceux qui ont déclaré avoir fumé des cigarettes quotidiennement au cours des sept jours précédant la collecte de données. Dans l'ensemble du chapitre, l'expression « fumeur débutant » qualifie collectivement les fumeurs ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens et les fumeurs quotidiens. Le mot « débutant » précise que, par rapport aux adolescents plus âgés et aux jeunes adultes qui ont fumé pendant de nombreux mois ou années, ces jeunes ont moins d'expérience en cette matière et des habitudes de tabagisme moins ancrées.

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Comportement face à l'abandon du tabac

Les éléments du questionnaire concernant le renoncement au tabagisme comprenaient des questions visant à déterminer si le répondant avait sérieusement pensé à cesser de fumer (Y_Q32), le nombre de fois où il avait essayé de cesser de fumer dans sa vie (tentatives au cours de sa vie) (Y_Q33), l'âge auquel le participant avait essayé d'arrêter de fumer pour la première fois (Y_Q34), s'il avait essayé d'arrêter de fumer au cours des six mois précédant l'enquête (Y_Q35) et enfin, la plus longue période pendant laquelle le participant n'avait pas fumé (Y_Q36). Les données relatives aux tentatives d'abandon au cours de la vie des fumeurs n'ont été codées que pour les répondants qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer. De même, les données sur les tentatives d'abandon au cours des six derniers mois n'ont été codées que pour les répondants qui avaient déjà essayé d'arrêter de fumer. Ainsi, les données ne permettent pas de repérer les répondants qui avaient fait une tentative fructueuse et qui étaient demeurés non-fumeurs.

Autres variables d'intérêt

Afin de cerner les facteurs autres que le sexe, le niveau d'études et la catégorie de tabagisme qui pourraient être susceptibles d'êtres liés aux comportements en matière d'abandon du tabac, nous avons examiné le lien entre le fait que le participant a essayé ou non de cesser de fumer au cours des six mois précédant l'enquête et (i) certains facteurs démographiques (GPP_Q14a; GPP_Q17; Y_Q03 et Y_QDVABORIG); (ii) certaines opinions sur le tabagisme (Y_Q46a, Y_Q46e et Y_Q46j); (iii) la présence de certains éléments facilitateurs et d'obstacles dans les milieux social et physique (Y_Q25; Y_Q29; Y_Q37a; Y_Q39a; Y_Q42; Y_Q44; Y_Q53; Y_Q55 et Y_Q58); (iv) d'autres indicateurs de comportements à risque (Y_Q05a; Y_Q05b; Y_Q05g; Y_Q06; Y_Q08; Y_Q66a; Y_Qdvpdg et Y_Qdvnpg); et enfin, (v) d'autres corrélats éventuels (Y_Q54 et Y_Q62). Nous avons considéré les tentatives récentes en vue d'arrêter de fumer comme les résultats d'intérêt pour ces analyses parce qu'elles sont moins susceptibles d'être entachées par un biais de rappel que les tentatives portant sur toute la vie. Cette série d'analyses est pertinente parce qu'elle pourrait permettre de dégager des hypothèses pour d'autres analyses à partir de la base de données de l'ETJ, de même que pour les futures recherches sur le tabagisme chez les jeunes.  

Échantillon et taux de réponse

Un total pondéré de 247 100 jeunes Canadiens avaient fumé au cours des 30 jours précédant la collecte de données, dont 210 300 fumeurs ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens et 36 800 fumeurs quotidiens. Parmi ceux-ci, 92 100 avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer, 62 100 avaient fait une ou plusieurs tentatives d'abandon du tabac dans leur vie (tentative d'abandon au cours de la vie) et 38 900 avaient essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois. La catégorisation des répondants selon le sexe, le niveau d'études ou la catégorie de tabagisme a donné lieu à des échantillons de petite taille au sein desquels la possibilité de détecter des écarts entre les sous-groupes était faible. À titre d'exemple, étant donné le nombre si restreint de répondants dans les 5e et 6e  années ayant répondu positivement aux questions relatives au comportement face à l'abandon du tabac, nous n'avons pas été en mesure d'enquêter sur la variabilité liée au niveau d'études dans les résultats d'intérêt selon le sexe. Afin de corriger cette situation, une série élargie de données comprenant tous les répondants qui avaient fumé (et non seulement ceux qui avaient fumé dans les 30 derniers jours) a été utilisée dans le présent chapitre, ce qui le distingue de tous les autres chapitres contenant des conclusions. Ces données avaient pour but de mieux saisir les comportements face à l'abandon du tabac chez les fumeurs débutants. Seules les comparaisons statistiquement significatives au seuil de p ≤ 0,05 ont été publiées et analysées. Afin d'interpréter les écarts entre les proportions qui ne sont pas traités dans le présent chapitre, le lecteur est prié de se reporter au chapitre 2, tableaux 2-1a, 2-1b et 2-1c, qui fournissent un guide sur les écarts entre les proportions correspondant à un seuil de signification statistique de 0,05.

Les données manquantes sur chacune des principales variables étudiées dans le présent chapitre représentaient moins de 10 % de l'ensemble des réponses. Par conséquent, les données présentées sont fondées sur les répondants pour lesquels des données complètes étaient disponibles pour les variables à l'étude.

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Résultats

Prévalence des comportements face à l'abandon du tabac

Connaissances sur l'abandon

Parmi tous les répondants de la 5e à la 9e  année qui ont pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens ou qui étaient des fumeurs quotidiens, 39 % avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer (tableau 4-A). Cette proportion n'était pas différente selon le sexe ou le niveau d'études. Cependant, environ un tiers (33 %) des fumeurs ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens avait sérieusement pensé à arrêter de fumer, par rapport à environ trois quarts (76 %) des fumeurs quotidiens.

Ayant essayé d'arrêter

Parmi les répondants qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer, 68 % avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac dans leur vie (tableau 4-B). On n'a constaté aucune différence statistiquement significative dans cette proportion selon le sexe, le niveau d'études ou la catégorie de tabagisme. Parmi les répondants qui avaient fait au moins une tentative d'abandon, le nombre moyen de tentatives durant la vie était de 3,2 et de 3,4 en 2002 et en 1994 respectivement (tableau 4-1 présenté à la fin du chapitre). Tant les données de 2002 que celles de 1994 corroborent les constatations ci-dessus, c.-à-d. que les fumeurs quotidiens avaient fait un plus grand nombre de tentatives d'abandon que ceux ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens (3,7 tentatives par rapport à 3,0 en moyenne en 2002, et 3,9 par rapport à 3,1 en 1994).

Le tableau 4-2 démontre qu'il n'existe qu'un faible écart selon le sexe quant à la plus longue durée pendant laquelle les répondants avaient réussi à s'abstenir de fumer. Cependant, 51 % de ceux ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens s'étaient abstenus pendant plus d'un mois, comparativement à seulement 17 % des fumeurs quotidiens, un écart statistiquement significatif.

Tableau 4-A - Jeunes qui ont sérieusement pensé à arrêter de fumer, selon la catégorie de tabagisme, le niveau d'études et le sexe, Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

 

Est. de la pop.
(en milliers)

Ayant sérieusement pensé à arrêter de fumer
(%)

Total

247,1

39,3

Catégorie de tabagisme

 

 

Ayant pris plus que quelques bouffées (c)

210,3

32,9

Fumeur quotidien

36,8

75,9

Niveau d'études

 

 

5-6

25,8

38,1

7

44,5

42,0

8

74,1

37,8

9

102,8

39,4

Sexe

 

 

Garçons

120,3

37,2

Filles

126,9

41,2

(c)Jeune ayant pris plus que quelques bouffées sans être un fumeur quotidien

Tableau 4-B - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer, selon la catégorie de tabagisme, le niveau d'études et le sexe, Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

 

Est. de la pop.
(en milliers)

Ayant essayé d'arrêter de fumer
(%)

Total

92,1

68,2

Catégorie de tabagisme

 

 

Ayant pris plus que quelques bouffées (c)

64,2

64,6

Fumeur quotidien

27,9

76,6

Niveau d'études

 

 

5-6

8,9

76,2

7

17,2

68,8

8

26,4

64,2

9

39,6

68,9

Sexe

 

 

Garçons

42,4

68,6

Filles

49,7

67,9

(c) Jeune ayant pris plus que quelques bouffées sans être un fumeur quotidien

Tentatives récentes d'abandon du tabac

Parmi les répondants qui avaient déjà essayé d'arrêter de fumer, 72 % avaient fait au moins une tentative récente d'abandon du tabac, c'est-à-dire dans les six mois précédant l'enquête (tableau 4-C). Cette proportion ne différait pas selon le sexe ou la catégorie de tabagisme, mais la proportion d'élèves qui avaient fait une tentative d'abandon récente augmentait de façon marquée de la 5e et 6e  années (48 %) à la 7e  année (80 %).

Les proportions de répondants ayant fait une tentative récente d'abandon du tabac tant en 2002 qu'en 1994 ne différaient pas selon la quantité de cigarettes fumées quotidiennement (tableau 4-D).

Tableau 4-C - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois, selon la catégorie de tabagisme, la scolarité et le sexe (chez les élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

 

Est. de la pop.
(en milliers)

Ayant essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois
(%)

Total

62,1

72,1

Catégorie de tabagisme

Ayant pris plus que quelques bouffées (c)

40,9

71,2

Fumeur quotidien

21,2

73,7

Niveau d'études

5-6

6,6

48,1 *

7

11,8

79,5

8

16,5

69,0

9

27,1

76,5

Sexe

Garçons

28,4

70,4

Filles

33,7

73,5

(c) Jeune ayant pris plus que quelques bouffées sans être un fumeur quotidien
* Variabilité d'échantillonnage modérée; interpréter avec prudence

Tableau 4-D - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois, selon le nombre de cigarettes fumées par jour et le sexe (chez les élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes et Enquête de 1994 sur le tabagisme chez les jeunes

 

2002

1994

Nombre de cigarettes fumées par jour

Est. de la pop.
(en milliers)

Ayant essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois
(%)

Est. de la pop.
(en milliers)

Ayant essayé d'arrêter de fumer u cours des six derniers mois
(%)

Total

38,9

75,6

142,4

79,1

0-5

26,0

77,2

74,1

83,4

6-10

6,1

69,9

28,6

73,1

>10

6,7

75,0

39,7

75,4

Tentatives récentes d'abandon du tabac selon la province

Les distributions selon la province de la proportion de jeunes de la 5e à la 9e  année qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac au cours des six derniers mois ne présentaient pas de différences statistiquement significatives (tableau 4-E).

Tableau 4-E - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois selon la province (chez les élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

Province

Est. de la pop.
(en milliers)

Ayant essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois
(%)

Total, Canada

62,1

72,1

T.-N.

1,7

75,3

Î.-P.-É.

0,2

65,3 *

N.-É.

2,1

72,3

N.-B.

1,8

79,6

Qc

33,1

70,2

Ont.

9,9

71,1

Man.

2,3

65,1

Sask.

1,1

67,3 *

Alb.

5,6

86,7

C.-B.

4,5

70,2

*Variabilité d'échantillonnage modérée; interpréter avec prudence

Liens entre les tentatives récentes d'abandon du tabac et d'autres variables

Les données présentées dans les tableaux 4-3 et 4-7 (à la fin du présent chapitre) explorent les liens entre les tentatives récentes d'abandon du tabac au cours des six derniers mois et une diversité de variables socio-démographiques, d'opinions sur le tabagisme, d'indicateurs des milieux social et physique, de comportements à risque autres que le tabagisme, et d'autres variables diverses. Il n'existait aucune différence statistiquement significative dans la proportion des répondants qui ont signalé des tentatives récentes d'abandon du tabac dans toutes les catégories, pour l'une ou l'autre des variables étudiées. Cependant, les tentatives récentes d'abandon du tabac ont révélé un écart d'au moins 10 % entre deux catégories ou plus pour les variables suivantes : revenu du ménage, façon dont les jeunes obtiennent des cigarettes, père fumeur, amis fumeurs, pratique de sports avec un entraîneur au cours des douze derniers mois, poids désiré, utilisation de médicaments sans ordonnance comme drogues et non à des fins médicales et perception de la réussite scolaire. Ces associations justifient une enquête plus poussée.

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Discussion

Le présent chapitre poursuit deux objectifs : décrire la prévalence des comportements face à l'abandon du tabac chez les fumeurs débutants et établir des corrélats possibles pour ces comportements, ce qui nous permettra de mieux comprendre comment les jeunes réussissent à arrêter de fumer et nous guidera dans l'élaboration d'interventions fondées sur des résultats.

Le fait de songer à arrêter de fumer peut représenter un premier pas important vers l'abandon du tabac. Environ 40 % des fumeurs débutants de l'ETJ de 2002 avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer, faisant preuve d'un intérêt modéré à arrêter dans les premiers temps où ils fumaient. Cependant, cette proportion était étroitement liée à l'usage du tabac; un tiers seulement de ceux ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens avait sérieusement songé à arrêter de fumer par rapport aux trois quarts des fumeurs quotidiens. Il existe trois explications possibles à cet écart. Premièrement, la différence pourrait refléter la conscience de soi ou l'auto-identification comme fumeur. Les jeunes ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens, et plus particulièrement les plus jeunes, pourraient ne pas commencer à songer à arrêter de fumer avant d'avoir acquis une certaine expérience du tabagisme et de se percevoir vraiment comme des fumeurs. Deuxièmement, la différence observée pourrait refléter une opinion chez les jeunes prenant plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens selon laquelle ils gèrent adéquatement les risques liés au tabagisme sans avoir à arrêter de fumer. Ces jeunes peuvent croire (à tort) que leurs habitudes de tabagisme leur permettent d'équilibrer les risques perçus et les avantages de fumer, tandis que les fumeurs quotidiens peuvent se sentir plus vulnérables aux aspects négatifs du tabagisme. Troisièmement, la différence pourrait tenir à une exposition accrue au fil du temps à l'éducation anti-tabac qui encourage l'abandon. On pourrait supposer que les jeunes ont été si bien informés des effets négatifs du tabac que l'initiation au tabagisme et l'essai de celui-ci pourraient engendrer une dissonance cognitive ou des sentiments négatifs menant à un désir de cesser de fumer. Bien que cette explication ne soit qu'une hypothèse, il sera important de déterminer si les fumeurs débutants qui ont sérieusement songé à arrêter de fumer pourraient bénéficier d'interventions pour stimuler leur engagement et leur confiance en soi face à l'abandon du tabac.

Environ 60 % des « fumeurs débutants » n'ont jamais pensé à arrêter de fumer. Il pourrait être utile d'intervenir auprès de ces jeunes afin qu'ils réalisent davantage qu'ils sont des fumeurs malgré leur faible consommation de cigarettes et qu'ils soient plus au courant des dangers de l'exposition aux cigarettes, si faible soit-elle, ainsi que des difficultés croissantes d'arrêter de fumer une fois que l'habitude est prise.

Les données appuient l'idée suivant laquelle le fait de penser sérieusement à arrêter de fumer mène à des tentatives d'abandon. En effet, deux tiers (68 %) des « fumeurs débutants » qui avaient sérieusement pensé à cesser de fumer avaient fait au moins une tentative d'abandon, et la majorité (72 %) avait essayé récemment (c.-à-d. au cours des six mois précédant l'enquête). Cependant, le plan en coupe utilisé dans la collecte de ces données fait en sorte qu'il est difficile de déterminer l'orientation de l'association. Par conséquent, il est possible, du moins théoriquement, qu'une récente tentative spontanée d'abandon du tabac puisse aussi amener le jeune à penser plus sérieusement à arrêter de fumer dans l'avenir. Les récentes tentatives d'abandon du tabac n'étaient pas différentes selon l'âge, le sexe et le nombre de cigarettes fumées par jour. Cependant, la proportion de « fumeurs débutants » qui avait fait une tentative d'abandon récente passait de 48 % en 5e et 6e  années à 80 % en 7e  année. Les différences selon le niveau d'études peuvent être simplement attribuables au temps qui s'est écoulé depuis l'initiation au tabagisme, les jeunes ayant fumé depuis plus longtemps étant plus susceptibles d'essayer d'arrêter. En tenant compte du temps qui s'est écoulé depuis l'initiation au tabagisme, on pourrait plus facilement résoudre ce problème. Par ailleurs, ce phénomène pourrait être attribuable à une exposition accrue aux programmes de lutte contre le tabagisme parmi les élèves du secondaire.

On a constaté des différences marquées entre les fumeurs quotidiens et ceux ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens au chapitre de la plus longue période d'abstinence. Ces derniers ont été capables de ne pas fumer pendant de plus longues périodes que les fumeurs quotidiens. Cette situation pourrait tenir à un besoin croissant d'exposition à la cigarette étant donné que les symptômes de dépendance à la nicotine commencent à se manifester chez les fumeurs quotidiens en même temps que le désir d'éviter les symptômes désagréables du sevrage. Cette différence pourrait aussi traduire des écarts dans la puissance des signaux ou des stimuli incitant à fumer (c.-à-d. que les fumeurs quotidiens peuvent recevoir plus fréquemment un renforcement positif ou négatif de leur environnement).

Bien que les différences à l'échelle provinciale ne soient pas statistiquement significatives, elles sont d'un intérêt considérable parce qu'elles pourraient refléter des écarts entre les provinces dans les programmes et les politiques de lutte au tabagisme qui influent sur le renoncement au tabac. À titre d'exemple, on constate des différences dans le niveau de taxation du tabac et le pourcentage de la population touchée par un ensemble complet de lois et règlements interdisant de fumer. En outre, les initiatives de lutte contre le tabagisme dans plusieurs provinces telles que l'Ontario et le Québec ont été mises sur pied il y a plusieurs années et pourraient avoir subi une certaine « usure » ou être moins efficaces, particulièrement si elles ont été lancées avant que les jeunes fumeurs étudiés dans la présente base de données aient commencé à fumer. Quelles que soient les raisons, les « expériences naturelles » qui sont mises de l'avant lorsque de nouveaux programmes et politiques sont lancés dans certaines provinces et non dans d'autres justifient une enquête visant à évaluer leurs répercussions sur le renoncement au tabac chez les jeunes.

Tant les études transversales que les études longitudinales ont mis en évidence une variété de déterminants d'abandon fructueux chez les jeunes. Les chances de réussite semblent liées à plusieurs caractéristiques psychosociales, dont les opinions1 et les attitudes2 anti-tabac, les intentions de ne pas fumer à l'avenir 3,4, l'auto-efficacité2, le rendement scolaire5, un sentiment d'espoir devant la vie1, une famille nucléaire intacte3 et l'absence de symptômes de dépression6. Il est clair qu'une grande consommation de cigarettes est liée à une moins bonne réussite d'abandon du tabac. Les fumeurs occasionnels sont plus susceptibles de cesser de fumer que les fumeurs réguliers4,6. Dans une étude longitudinale de quatre ans6, les tentatives antérieures d'abandon du tabac ayant duré plus de deux semaines étaient un facteur prédicteur de l'abandon du tabac, tout comme l'absence de telles tentatives. Le milieu semble aussi jouer un rôle dans le processus de renoncement : les adolescents sont plus susceptibles de réussir à cesser de fumer s'ils ont un moins grand nombre d'amis ou de membres de leur famille qui fument1,3,7. Certaines études1 ont également révélé que la perception d'une moins grande approbation de la part des parents est aussi un facteur prédicteur. Enfin, le recours à des politiques telles que l'augmentation des prix et l'interdiction de fumer au travail s'est révélé un moyen efficace de réduire les risques de tabagisme chez les jeunes8. Cependant, il n'est toujours pas clair9 si les baisses de la prévalence du tabagisme chez les jeunes sont attribuables à une diminution de l'initiation au tabagisme ou à un plus grand taux de cessation. Quoi qu'il en soit, un programme de lutte au tabagisme complet doit s'attaquer au contexte plus large dans lequel les jeunes vivent, par le biais d'initiatives stratégiques. En plus des analyses des comportements face à l'abandon du tabagisme selon le niveau d'études, le sexe, la catégorie de tabagisme et la province, on a tenté de formuler des hypothèses quant aux déterminants éventuels du renoncement au tabac chez les jeunes. En raison probablement de la petite taille des échantillons, aucune de ces associations ne s'est révélée statistiquement significative, bien que plusieurs variables (revenu du ménage, façon dont les jeunes obtiennent des cigarettes, père fumeur, amis fumeurs, pratique de sports avec un entraîneur au cours des douze derniers mois, poids désiré, utilisation de médicaments sans ordonnance comme drogues et non à des fins médicales et perception de la réussite scolaire) justifient une enquête plus poussée.

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Limites

L'une des difficultés importantes liées à cette base de données est la suivante : étant donné que les questions relatives à l'abandon du tabac n'ont été posées qu'aux répondants qui avaient fumé au cours des 30 derniers jours, ceux qui avaient fait une tentative fructueuse d'abandon du tabac et qui n'avaient pas fumé depuis n'ont pas été comptabilisés. Par conséquent, la fréquence et les déterminants de l'abandon « réel » chez les jeunes n'ont pas pu être étudiés. Bien que nous ayons été en mesure d'étudier les tentatives d'abandon, le fait d'essayer de cesser et de réussir à cesser de fumer peut représenter un phénomène très différent, assorti de fréquences et de profils de déterminants très différents.

Une deuxième limite a trait à la mesure des comportements face à l'abandon du tabac. Les différences dans les comportements observés dans le présent chapitre entre les jeunes ayant fumé plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens et les fumeurs quotidiens peuvent tenir davantage au fait que ces deux groupes ont une conception différente de renoncement au tabac plutôt qu'à une différence réelle. Les jeunes ayant fumé plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens et les fumeurs quotidiens peuvent attribuer un sens différent à la notion de tentatives d'abandon et à l'abandon réel. À titre d'exemple, les fumeurs quotidiens peuvent avoir une conception distincte (plus développée) de ce qu'est réellement une tentative d'abandon parce qu'ils ont une plus grande expérience du tabagisme. Il se pourrait également qu'ils aient été plus nombreux que les jeunes ayant fumé plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens à confondre l'abandon du tabac (qui signifie une abstinence pendant toute une vie) avec le fait de cesser de fumer (c.-à-d. une abstinence indéfinie).

Une troisième limite a trait à la taille relativement petite de l'échantillon des jeunes fumeurs, ce qui a empêché une analyse de sous-groupes et la détection de variables éventuellement liées au renoncement au tabac chez les jeunes.

Incidence sur les futurs programmes de surveillance et de recherche

En général, la documentation sur les tentatives d'abandon du tabac, les taux de réussite et les déterminants du renoncement au tabac chez les jeunes est entachée par un manque de mesures normalisées concernant les cas d'abandon réussi. Par conséquent, il est impérieux d'élaborer des questions valides et fiables pour identifier les jeunes fumeurs capables de réussir à arrêter de fumer. Grâce à une recherche qualitative visant à explorer l'interprétation et la signification d'éléments éventuels liés à l'abandon chez les jeunes, on sera mieux en mesure d'aborder cette question, et l'élaboration d'une série d'éléments normalisés liés à l'abandon du tabac à l'intention des jeunes facilitera les efforts de surveillance et permettra des comparaisons pertinentes entre les différentes études par observation dans diverses populations.

Il existe peu de rapports qui documentent l'histoire naturelle du début du tabagisme chez les jeunes, laquelle inclut les tentatives d'abandon du tabac et les cas d'abandon réussi. Il sera particulièrement important d'établir une distinction entre les périodes au cours desquelles les fumeurs débutants cessent de fumer temporairement dans le cadre de la trajectoire du début du tabagisme, les tentatives réelles d'abandon qui reflètent une intention délibérée et planifiée d'arrêter de fumer complètement et pour toujours et les tentatives d'abandon réussies après lesquelles le jeune continue à être non-fumeur pendant une période prolongée. Une compréhension accrue de l'histoire naturelle du début du tabagisme et de l'abandon du tabac chez les fumeurs débutants facilitera l'élaboration d'éléments d'enquête sur l'abandon du tabac concernant expressément les jeunes, aux différentes étapes du début du tabagisme.

En attendant que nous comprenions mieux le processus d'abandon du tabac, les enquêtes futures pourraient se pencher sur une gamme plus vaste de déterminants possibles du renoncement au tabac. Ceux-ci pourraient comprendre des variables comme les symptômes de sevrage, les symptômes de dépendance à la nicotine, le stress, la dépression, la recherche de la nouveauté, l'esprit de rébellion, la difficulté à renoncer au tabac, la connaissance de la thérapie de remplacement de la nicotine, la connaissance d'autres ressources pour aider les jeunes à cesser de fumer et les tentatives de recherche d'aide à ce chapitre. On doit étudier en particulier le rôle de la dépendance à la nicotine dans le renoncement autodéterminé, par rapport à d'autres prédicteurs de la cessation de l'usage du tabac chez les jeunes. La dépendance explique vraisemblablement pourquoi les fumeurs quotidiens sont moins nombreux à ne pas recommencer à fumer que ceux ayant pris plus que quelques bouffées sans être des fumeurs quotidiens. La vérification de ces hypothèses à l'aide d'études longitudinales dotées d'un bon degré de puissance et conçues spécifiquement dans le but de déceler les déterminants, de même qu'une compréhension améliorée de l'histoire naturelle du début du tabagisme et du renoncement chez les jeunes, augmenteront notre compréhension du comportement face à l'abandon du tabac chez ceux-ci. Nous serons ainsi mieux en mesure de repérer les sous-populations nécessitant une intervention et d'orienter nos efforts vers l'élaboration d'interventions efficaces et pertinentes.

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Renvois

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Tableau 4-1 - Moyenne, médiane et plage du nombre de tentatives d'abandon du tabac au cours de la vie, selon la catégorie de tabagisme et le sexe (chez les élèves ayant sérieusement pensé à arrêter de fumer et ayant fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes et Enquête de 1994 sur le tabagisme chez les jeunes

Tableau 4-2 - Plus longue période d'abstinence (jours), selon la catégorie de tabagisme et le sexe (chez les élèves ayant sérieusement pensé à arrêter de fumer et ayant fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

Tableau 4-3 - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois, selon certains facteurs socio-démographiques (chez les élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

Tableau 4-4 - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois, selon certaines opinions sur le tabagisme et selon le sexe (chez les élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

Tableau 4-5 - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois, selon certains indicateurs liés aux milieux social et physique (chez les élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

Tableau 4-6 - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois, selon d'autres indicateurs de comportements (chez les élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

Tableau 4-7 - Jeunes qui ont essayé d'arrêter de fumer au cours des six derniers mois, selon d'autres corrélats potentiels (chez des élèves qui avaient sérieusement pensé à arrêter de fumer et qui avaient fait au moins une tentative d'abandon du tabac), Canada, Enquête de 2002 sur le tabagisme chez les jeunes

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