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Les influences à niveaux multiples qui s'exercent sur le comportement des enfants canadiens - Mai 2001

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L'étude des comportements des enfants a récemment été étendue aux répercussions de variables contextuelles comme le voisinage dans lequel vivent les enfants. Dans un ouvrage influent intitulé « The Truly Disadvantaged », William J. Wilson (1987) s'est intéressé à l'incidence des voisinages sur la vie des enfants dans l'optique des sciences sociales. Il a fait valoir que l'accroissement de la pauvreté concentrée a donné lieu à une « nouvelle pauvreté urbaine » telle qu'aujourd'hui, les enfants pauvres sont de plus en plus exposés à des milieux caractérisés par un certain désespoir économique, le désordre communautaire et la violence — des réalités qui ont d'importantes conséquences sur le développement des enfants (Wilson, 1997). Grâce à des progrès au chapitre de la méthodologie (p. ex., Bryk et Raudenbush, 1992; Goldstein, 1995) et à de meilleures sources de données, une nouvelle génération de chercheurs a pu étudier l'influence du voisinage sur les enfants. Le consensus qui en ressort, c'est que les voisinages « comptent » effectivement pour les enfants; cependant, on ne sait pas encore clairement dans quelle mesure et pourquoi (c.-à-d. « comment » les voisinages comptent) (on trouvera une recension récente dans Gephart, 1997).

Jusqu'à maintenant, la majorité des études ont été réalisées aux États-Unis, mais la recherche montre que le phénomène de la pauvreté concentrée dans la collectivité prend de plus en plus d'ampleur dans les grandes villes du Canada (Hajnal, 1995; Hatfield, 1997). Ces études américaines posent toutefois un problème, à savoir que beaucoup d'entre elles s'inspirent d'échantillons de portée restreinte, soit une seule région métropolitaine ou une seule population défavorisée. Au Canada, l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) est une source de données unique en son genre qui permet d'examiner l'influence du voisinage sur les enfants de partout au pays. En utilisant les données du Recensement de 1996 pour définir les caractéristiques démographiques et économiques des voisinages, parallèlement aux cotes attribuées aux voisinages par les parents et les intervieweurs, nous avons pu évaluer certaines caractéristiques particulières des voisinages dont on pense qu'elles influencent le comportement des enfants. Nous avons également pu déterminer l'incidence relative des caractéristiques du voisinage et de la famille et des caractéristiques individuelles, tout en cernant les caractéristiques familiales qui permettent le mieux de prédire l'agression chez les enfants. Pour la première étude, les voisinages ont été définis géographiquement en fonction des secteurs de recensement du Recensement mené en 1996 par Statistique Canada. Pour assurer une fiabilité adéquate à notre étude des problèmes dans les voisinages et des mesures de l'efficacité collective, nous avons éliminé les secteurs de recensement comptant moins de 15 ménages. Notre échantillon se composait donc de 96 secteurs de recensement englobant 1 982 familles et 2 745 enfants de 2 à 11 ans. La seconde étude a utilisé les secteurs de recensement et les secteurs de dénombrement qui ont été analysés en grappes pour donner huit types de voisinage reflétant diverses combinaisons de classe sociale, de statut d'immigration et de composition de la famille.

Le rapport est présenté en deux parties, dont la première est un examen général de l'influence qu'exercent le voisinage et la famille sur l'agression physique chez les enfants, l'hyperactivité/inattention, l'anxiété/les problèmes affectifs et les comportements prosociaux. Nous étions convaincus qu'il fallait envisager un vaste éventail de comportements, puisque des études précédentes avaient observé que les voisinages exerçaient une influence différente sur les résultats affectifs par rapport aux résultats comportementaux, et sur les résultats antisociaux par rapport aux résultats prosociaux. Nous avons d'abord estimé le degré de variation dans ces résultats comportementaux selon les voisinages, les familles et les enfants à titre individuel. Nous avons ensuite examiné les influences relatives qu'exercent des variables liées au voisinage, à la famille et à l'enfant sur ces variations. Nos principaux constats sont que pour les quatre résultats comportementaux, les variations les plus grandes se manifestent entre les enfants à titre individuel; les variations entre les familles sont modérées et entre les secteurs de recensement, limitées. Ces constatations confirment les tendances générales qui se dégagent d'études semblables (voir Brooks-Gunn, Duncan et Aber, 1997a, b). La seconde partie du rapport s'intéresse également à l'agression, mais elle fait une distinction entre l'agression physique, qui est plus fréquente chez les garçons, et les formes indirectes de l'agression (p. ex., le commérage, l'exclusion sociale), qu'on retrouve plus généralement chez les filles. De plus, nous avons testé l'existence d'influences directes et indirectes exercées par des caractéristiques objectives et subjectives des voisinages sur ces formes d'agression.

Effets du voisinage

Qu'est-ce que ces deux études nous révèlent au sujet de l'influence du voisinage et de la famille sur les comportements des enfants au Canada? Les deux études, dont chacune a été réalisée dans une optique légèrement différente, ont constaté que les caractéristiques du voisinage ont beaucoup moins d'influence sur le comportement des enfants que les caractéristiques individuelles et familiales. Une constatation systématique en ressort, à savoir que dans les voisinages qui affichent des niveaux plus élevés de problèmes (p. ex., criminalité, désordre), les parents étaient sensiblement plus susceptibles de considérer que leurs enfants manifestaient de l'agression physique et de l'agression indirecte. Une autre constatation fréquente est que les voisinages pauvres du Canada n'étaient pas nécessairement plus susceptibles de produire des enfants agressifs. La première étude a constaté une corrélation négative entre le pourcentage des familles vivant sous le seuil de la pauvreté et l'agression physique, compte tenu du Statut socioéconomique (SSE) de la famille et d'autres variables de la famille et du voisinage. La seconde étude, qui a eu recours à la méthode de la répartition en grappes (plutôt qu'à des variables continues), a constaté que les voisinages affichant un SSE élevé tout comme les voisinages affichant un SSE faible avaient des taux d'agression physique moins élevés que les voisinages de la classe moyenne. Dans le cas de l'agression indirecte, la seconde étude a constaté qu'elle était la plus élevée dans les secteurs de dénombrement affichant des pourcentages plus élevés de familles monoparentales et d'immigrants. Ainsi, l'effet du SSE du voisinage sur l'agression chez les enfants est complexe et peut varier selon le genre d'agression qui est mesuré.

Ni la taille de la population, ni la cohésion perçue dans le voisinage n'étaient corrélées de façon significative à l'agression physique. Toutefois, il semble prématuré de conclure qu'il n'y a pas de relation entre la cohésion au sein du voisinage et les comportements des enfants. C'est la nature transversale des études qui a peut-être donné lieu à ce résultat; plus précisément, il se peut que la cohésion sociale à un moment donné ait été la manifestation de la réaction des voisins à la violence et au désordre existants, ce qui aurait annulé les effets de protection qu'on aurait pu en attendre. Il est également possible que la cohésion sociale n'ait un effet significatif que lorsqu'elle est combinée à d'autres caractéristiques du voisinage comme le SSE ou la présence de violence ou de désordre. Par ailleurs, l'effet protecteur de la cohésion sociale peut se révéler plus important chez les enfants plus âgés qui ont davantage de contacts directs avec le voisinage. Les données recueillies dans le cadre des prochains cycles de l'ELNEJ nous permettront d'apporter une réponse plus définitive à ces questions.

S'agissant de certains comportements de l'enfance autres que l'agression (p. ex., l'hyperactivité/inattention, l'anxiété/les problèmes affectifs, les comportements prosociaux), le seul effet signalé pour le voisinage dans la première étude est celui de la taille de la population. Plus particulièrement, les enfants vivant dans des régions rurales étaient moins susceptibles d'afficher de l'anxiété/des problèmes affectifs que les enfants dans les grandes villes. Cependant, il faut tenir compte de divers éléments avant de conclure que les voisinages ont peu d'influence sur les comportements des enfants. Premièrement, les problèmes découlant de la nature transversale de l'étude s'appliquent également ici. Deuxièmement, des analyses des effets aléatoires ont montré qu'il y avait plus de variations entre les voisinages au chapitre de ces comportements qu'à celui de l'agression physique. Près de 10 p. 100 de la variation aléatoire dans les comportements prosociaux se manifeste entre les voisinages, par rapport à seulement 4 p. 100 pour ce qui est de l'agression physique. Même s'il y a parfois une corrélation entre l'agression et les comportements prosociaux, il peut également s'agir en théorie de phénomènes indépendants qui appellent des variables explicatives différentes pour le voisinage. Les recherches sur les effets du voisinage devront également distinguer les effets empiriques des processus de sélection. Des effets de sélection peuvent se manifester lorsque les familles choisissent l'endroit où elles vivront, compte tenu de certaines contraintes. Si les facteurs latents qui influencent le lieu de résidence ont également une incidence sur les résultats développementaux des enfants, l'omission de ces facteurs latents dans les modèles peut donner lieu à des estimations biaisées, c'est-à-dire soit une surestimation, soit une sous-estimation des effets du voisinage sur le comportement des enfants.

Effets individuels et familiaux

On a constaté une forte corrélation entre les comportements des enfants et diverses variables individuelles et familiales. Comme on pouvait s'y attendre, il a été signalé des garçons qu'ils affichaient davantage d'agression physique et d'hyperactivité/inattention et moins de comportements prosociaux que les filles. Les résultats comportementaux variaient également selon l'âge; plus précisément, on a signalé que les enfants plus âgés affichaient davantage d'anxiété/de problèmes affectifs ainsi que de comportements prosociaux, et moins de problèmes d'hyperactivité/inattention.

La composition de la famille influençait les résultats comportementaux, en ce sens que les enfants provenant de familles monoparentales manifestaient davantage d'agression physique, d'hyperactivité/inattention et d'anxiété/de problèmes affectifs que les enfants vivant avec leurs deux parents biologiques. Les indicateurs du SSE de la famille avaient peu d'effets sur les comportements des enfants, une fois prises en considération les caractéristiques de la famille et du voisinage et les caractéristiques individuelles. À première vue, cette constatation peut aller à l'encontre de nos recherches précédentes démontrant une forte variation de l'agression physique en fonction du SSE (Tremblay et coll., 1996). Nous sommes convaincus que si le SSE de la famille n'exerce pas d'influence marquée, cela s'explique en partie par les effets très prononcés et systématiques des variables des processus sociaux des parents et des familles, qui sont significativement corrélées au SSE de la famille. Par exemple, le bien-être psychologique des mères exerçait une solide influence sur les comportements de leurs enfants signalés par elles. Des interactions positives ou hostiles entre les parents et les enfants exerçaient également une influence importante sur les comportements des enfants, les interactions positives étant corrélées à des comportements prosociaux et les interactions hostiles à tous les comportements négatifs. De la même façon, les stratégies parentales étaient des covariables systématiquement significatives : le style parental punitif avait des effets négatifs et le style parental constant des effets protecteurs. Ainsi, dans une optique proximale, les caractéristiques des parents et de la famille influencent vraisemblablement la relation entre le SSE de la famille et les comportements des enfants; par ailleurs, dans une perspective intergénérationnelle, les caractéristiques des parents expliquent probablement à la fois le SSE de la famille et ses caractéristiques (Nagin et Tremblay, 2001; Zoccolillo, 2000). De toute évidence, il nous faut des données intergénérationnelles pour tester ces hypothèses. Notre mesure limitée du SSE de la famille à un moment donné pose également problème, en ce sens qu'elle ne saisit pas l'apparition, la durée ni la chronicité, pas plus que leur interaction avec l'âge des enfants.

Répercussions pour les politiques et les services et orientations des recherches futures

Les décideurs et les fournisseurs de services chargés des politiques et des services de prévention des problèmes comportementaux devraient considérer que la présente étude confirme les résultats d'autres études ayant démontré qu'avant l'âge de 12 ans, les caractéristiques individuelles et familiales sont plus fortement corrélées aux problèmes comportementaux des enfants que les caractéristiques du voisinage. D'après nos analyses du premier cycle des données de l'ELNEJ, les enfants qui semblent présenter les plus grands risques d'afficher des problèmes comportementaux sont les jeunes garçons vivant dans une famille dysfonctionnelle, dont la mère est jeune et dépressive et dont le père est absent. Toutefois, les décideurs et les fournisseurs de services doivent se rappeler que cette étude est de nature transversale, et que les corrélats ne sont pas des causes. Pour mieux comprendre les mécanismes en jeu dans l'apparition de ces problèmes coûteux, nous avons besoin de données provenant de cycles beaucoup plus nombreux de l'ELNEJ. Dans la plupart des cas, les causes des problèmes comportementaux sont complexes et semblent s'accumuler sur de longues périodes. Il nous faut des données longitudinales et expérimentales pour comprendre ces mécanismes. Au fil du temps, les données recueillies dans le cadre de différents cycles de l'ELNEJ nous permettront également de tester plus rigoureusement ces mécanismes. Des points de données multiples sont particulièrement importants pour la modélisation de relations plus complexes, comme les effets indirects et les effets interactifs. Les données longitudinales nous permettront en outre de conceptualiser plus adéquatement l'adaptation comportementale des enfants comme processus développemental qui évolue au fil du temps.

Comme la présente étude et de nombreuses autres études longitudinales donnent lieu de croire que les problèmes comportementaux se transmettent d'une génération à l'autre, le meilleur conseil qu'on puisse donner aux décideurs et aux fournisseurs de services pour la prévention des problèmes de comportement est d'adopter une perspective à long terme. Pour éviter les problèmes de comportement, il faut probablement faire des investissements à long terme dans le développement de la petite enfance par le biais de mesures de soutien destinées aux adolescents et aux jeunes adultes qui sont et qui deviendront la prochaine génération de parents de jeunes enfants. Dans cette optique, même si les hommes affichent les niveaux les plus élevés de problèmes, il serait peut-être plus avisé d'intervenir à long terme auprès des femmes qui ont des problèmes, même s'ils sont en apparence moins graves, puisque les femmes jouent un rôle plus important lorsqu'il s'agit de créer l'environnement (prénatal et postnatal) dans lequel vivront les jeunes enfants et qui semble revêtir une importance cruciale pour la maturation du cerveau qui permettra d'assurer le contrôle des comportements.

Dans quelle mesure les facteurs liés au voisinage comptent-ils? Très peu d'études se sont concentrées sur les interactions entre les caractéristiques individuelles et familiales et les caractéristiques de voisinage au moyen de méthodologies adéquates. Notre seconde étude fait ressortir un certain nombre de relations « écologiques » intéressantes entre les caractéristiques du voisinage et les caractéristiques individuelles. À notre avis, il s'agit d'une question importante qu'il faudra explorer plus à fond. Par exemple, selon des études antérieures, on peut penser que les femmes sont moins susceptibles d'être influencées par le voisinage que les hommes. Il faut considérer les répercussions de ce phénomène s'il s'avère également que les femmes jouent le rôle le plus important dans le développement de la petite enfance. On pourra peut-être examiner certaines de ces questions à partir des données des prochains cycles de l'ELNEJ. Toutefois, l'utilisation de l'ELNEJ pour examiner les effets du voisinage comportera toujours des limites importantes, parce qu'il y a généralement trop peu de familles par voisinage. Ce problème augmentera vraisemblablement avec le temps, puisque de nombreuses familles déménageront dans un autre voisinage.

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Mise à jour : 2005-01-12 haut Avis importants