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Les influences à niveaux multiples qui s'exercent sur le comportement des enfants canadiens - Mai 2001

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2.1 Introduction

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Les recherches sociologiques sur le crime et la délinquance se sont limitées aux formes prédatrices directes de l'agression physique chez les adolescents et les adultes. La recherche psychologique, quant à elle (Lagerspetz, Bjorkqvist et Peltonen, 1988; Pepler et Sedighdeilami, 1998; Tremblay, 1991, 1999; Tremblay et coll., 1996), a examiné certaines distinctions dans les formes que revêt l'agression chez les enfants, différenciant l'agression physique directe (p. ex., frapper, donner des coups de pied, mordre) de l'agression indirecte non physique (p. ex., exclusion intentionnelle de certains enfants du jeu, rumeurs et commérage). Entre-temps, divers travaux sociologiques ont montré qu'il était nécessaire de faire des recherches sur la variabilité des résultats au niveau individuel par rapport à une gamme plus vaste de facteurs mesurés au niveau de la famille ou du voisinage. La présente communication a pour objet d'intégrer la perspective psychologique et la perspective sociologique pour examiner comment des facteurs de risque à niveaux multiples, y compris les effets individuels et les effets de la famille et du voisinage, influencent l'agression physique et l'agression indirecte chez les enfants.

S'inspirant d'une recherche précédente qui a réparti la variance de l'agression physique et de l'agression indirecte chez les enfants en variabilité entre familles et variabilité parmi les enfants (Tremblay et coll., 1996), notre recherche déterminera si la variance au chapitre de l'agression peut s'expliquer également par une variabilité entre les voisinages. L'intégration des caractéristiques du voisinage permettra d'élargir l'examen des facteurs de risque structurels de l'agression indirecte et de l'agression physique directe. Nous intégrons des caractéristiques « objectives » (p. ex., les caractéristiques tirées du recensement) et « subjectives » (p. ex., les problèmes perçus) du voisinage pour évaluer les influences contextuelles sur l'agression chez les enfants (voir Upchurch, Aneshensel, Sucoff et Levy-Storms, 1999). Notre étude examine également de quelle façon, ou selon quel mécanisme, les caractéristiques du voisinage se répercutent sur l'agression.

Notre recherche vient s'ajouter à un corpus croissant de travaux examinant les répercussions du voisinage sur le bien-être des enfants. Comme certaines études canadiennes ont relevé des tendances à une défavorisation croissante dans certains voisinages (Hajnal, 1995; Hatfield, 1997; Myles, Picot et Pyper, 2000), il y a lieu d'examiner plus à fond les répercussions des caractéristiques du voisinage sur les enfants au Canada (voir également Boyle et Lipman, 1998; Kohen, Hertzman et Brooks-Gunn, 1998). Certaines des répercussions que les résultats de nos recherches relatives à la défavorisation des voisinages et des familles sur les enfants auront sur les politiques sont également examinées.

En sociologie, les travaux d'ordre structurel s'intéressent aux répercussions des inégalités sociales sur les êtres humains. Diverses théories et recherches en criminologie examinent et expliquent les tendances du crime et de la délinquance selon l'âge, le sexe, la race/l'origine ethnique, la composition de la famille et la classe sociale (Hagan et coll., 1989; Hagan et Peterson, 1995). Dans la recherche en santé mentale, ces facteurs sociodémographiques servent à opérationnaliser les iniquités structurelles, donnant des niveaux différentiels d'exposition au stress et de ressources d'adaptation, qui se combinent pour se répercuter sur certains symptômes des troubles psychiatriques et de la détresse psychologique (Aneshensel, 1992; Avison et Gotlib, 1995; Horwitz et Scheid, 1999; Mirowsky et Ross, 1989; Pearlin, Menaghan, Lieberamn et Mullan, 1981; Turner, Wheaton et Lloyd, 1995). Les recherches dans ces deux champs sociologiques montrent que la probabilité que se manifestent des problèmes, notamment une diminution du bien-être et une augmentation des comportements déviants, s'accroît en proportion de la défavorisation dans la vie des êtres humains. D'où la nécessité d'examiner de façon plus approfondie l'influence du voisinage comme source d'inégalité sociale sur les résultats développementaux des enfants (Avison, 1999b; Cohen, Slomkowski et Robins, 1999; McLeod et Nonnemaker, 1999; Pearlin, 1999; Sampson, 1997). Dans le cadre de notre recherche, nous mettons en corrélation ces perspectives sociologiques et des approches de la psychologie du développement pour examiner plus à fond comment les inégalités structurelles se répercutent sur les jeunes enfants (voir également McLeod et Shanahan, 1993; Menaghan, 1999; Pepler et Sedighdeilami, 1998; Tremblay et coll., 1996).

2.1.1 Résultats développementaux selon le sexe

Aneshensel et coll. (1991) se sont intéressés à l'intégration de multiples résultats développementaux dans différents domaines en matière de recherche en santé mentale. Ils ont comparé un modèle examinant les effets structurels sur la toxicomanie/la dépendance (qui sont plus fréquentes chez les hommes) et les résultats d'un second modèle examinant les troubles affectifs ou l'anxiété (qui sont plus fréquents chez les femmes). Ils ont ainsi montré que le fait d'appartenir au sexe féminin avait pour effet d'accroître les troubles affectifs ou l'anxiété, mais de diminuer la toxicomanie/dépendance. Ils en concluent (p. 174) que les hommes et les femmes semblent être influencés de la même façon par les circonstances et les événements stressants examinés ici, mais que ces effets se manifestent par des troubles différents. Nous sommes convaincus qu'un examen plus vaste des manifestations comportementales selon le sexe pourrait rehausser la signification de ce cadre. On pourrait ainsi déterminer si les effets structurels sociaux aux différents niveaux d'analyse sont les mêmes chez les hommes et chez les femmes ou s'ils se manifestent différemment selon le sexe. Même si la recherche sociologique sur le bien-être des enfants et des jeunes a examiné comment certaines caractéristiques environnementales peuvent se répercuter sur des résultats plus généraux (p. ex., les problèmes comportementaux d'extériorisation et d'intériorisation) ou des résultats plus particuliers comme la délinquance prédatrice, les distinctions qualitatives au chapitre de l'agression n'ont généralement pas été examinées.

L'un des champs de recherche qui s'intéresse aux répercussions des inégalités structurelles examine les circonstances qui produisent des résultats différents selon le sexe, par le biais de différences dans l'exposition ou la vulnérabilité à des stresseurs sociaux (c.-à-d. dans l'optique des « tensions structurelles »; voir Aneshensel, 1992; Kessler et McLeod, 1984; Mirowsky et Ross, 1995; Turner et Avison, 1989; Turner et coll., 1995). La recherche révèle une tendance systématique à des niveaux de détresse psychologique plus élevés chez les femmes que chez les hommes. Des analyses plus poussées ont tenté de déterminer si cette différence entre les sexes pourrait en fait être attribuable à deux hypothèses opposées, celles des théories de la « réaction selon le sexe » et du « biais de réponse » (Mirowsky et Ross, 1995). La théorie des réactions selon le sexe prédit que les hommes et les femmes pourront afficher des réactions affectives différentes; par conséquent, les hommes peuvent être aussi susceptibles de connaître la détresse que les femmes, mais ils la manifesteront par la colère, plutôt que par des symptômes de dépression. À l'inverse, la recherche empirique a constaté que le fait d'appartenir au sexe féminin accroît à la fois la symptomatologie dépressive (p. ex., la tristesse) et la colère. Selon chacune des six mesures évaluées, les femmes éprouvent plus de détresse que les hommes (Mirowsky et Ross, 1995, p. 463). Une deuxième explication possible de l'écart entre les sexes au chapitre de la détresse postule la présence de biais de réponse à diverses questions d'enquête, les femmes exprimant peut-être davantage leurs émotions que les hommes. Dans cette optique, les différences entre les niveaux de détresse des hommes et des femmes sont artificielles et attribuables aux styles de réponse. Cependant, l'écart observé entre les sexes au chapitre de la détresse mesurée par la détresse à proprement parler ou par la colère demeure, net des différences dans la façon de l'exprimer (Mirowsky et Ross, 1995).

Dans un sommaire des difficultés d'interprétation des différences dans les résultats selon le sexe, Mirowsky et Ross examinent comment (p. 465) les désordres peuvent revêtir des formes comportementales aussi bien que des formes affectives (Mirowsky et Ross, 1995). Même si les manifestations comportementales de l'alcoolisme, de l'abus des drogues et des comportements antisociaux peuvent être plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes, ces résultats développementaux en soi ne sont pas nécessairement des signes de détresse psychologique/affective, selon ce point de vue (voir Mirowsky et Ross, 1995). Il se peut qu'ils indiquent plutôt des différences dans les réactions comportementales des hommes et des femmes aux tensions sociétales.

Au sein de structures sociales inégales, les réactions comportementales peuvent être considérées comme des mécanismes d'adaptation aux contraintes et aux possibilités de l'environnement (Patillo-McCoy, 1999; Suttles, 1968). La socialisation des hommes et des femmes a lieu au sein de la structure sociale, et comme Heimer (1995) le fait valoir dans sa recherche sur la violence, (p. 143), la forme spécifique que revêtent ces actes varie selon la position au sein de la hiérarchie des rapports de force. Plutôt que de se concentrer sur une gamme de troubles dans le cadre d'une recherche sur la santé mentale à proprement parler (voir Aneshensel et coll., 1991; Rosenfield, 1999), sur les hommes, les femmes et les comportements violents et délinquants plus expressément (Heimer et DeCoster, 1999), ou sur les cooccurrences de problèmes multiples (Kessler et coll., 1994; Loeber, Farrington, Stouthamer-Lober et Van Kammen, 1997), notre recherche examine les distinctions à l'intérieur d'une forme particulière de comportement chez les jeunes enfants, à savoir l'agression.

Notre rapport examine comment la situation du voisinage et de la famille influence les manifestations comportementales qui peuvent être propres aux garçons ou aux filles, et qui revêtent la forme de l'agression indirecte ou de l'agression physique. En nous concentrant sur une seule de ces formes d'agression qui peut être plus sensible aux comportements des garçons ou à ceux des filles, nous risquerions d'occulter certains constats relatifs aux influences contextuelles. On pourra clarifier les répercussions que peuvent avoir sur les politiques certains résultats des recherches sur les effets du voisinage en y intégrant les deux formes d'agression. De plus, il se peut que la recherche ne saisisse pas pleinement les effets de la localisation des structures sociales sur les enfants et les jeunes si elle se concentre seulement sur des comportements sociologiques plus courants, comme l'agression physique.

2.1.2 L'agression chez les enfants

Selon Loeber et Hay (1997), l'agression physique (p. 371) appartient à une catégorie de comportements qui occasionnent ou menacent d'occasionner un préjudice physique à autrui. Parmi les caractéristiques courantes des gestes d'agression, il faut compter le potentiel de préjudice, le fait qu'il s'agisse d'actes intentionnels et qu'ils doivent être aversifs à la victime (Coie et Dodge, 1998, p. 783-784). Conformément à la définition de l'agression physique, l'agression indirecte suppose colère et préjudice réel ou possible, par exemple le fait de ternir une réputation ou d'endommager une relation, et préjudice psychologique (voir Buss, 1961; Coie et Dodge, 1998, p. 791; Crick, Bigbee et Howes, 1996; Feshbach, 1969; Lagerspetz et coll., 1988; Rutter, Giller et Hagel, 1998, p. 148). Les définitions antérieures de l'agression indirecte comprenaient des comportements manifestes, mais des recherches plus récentes se sont intéressées à une série de comportements cachés qui englobent des différences subtiles entre l'agression indirecte, l'agression sociale et l'agression relationnelle. Ces comportements supposent communément une manipulation de la structure sociale, l'objectif étant d'exercer un contrôle sur autrui et de provoquer un préjudice (voir également Rys et Bear, 1997; Verlaan, 1995; Xie, Swift, Cairns et Cairns, 2000).

Aux États-Unis, la recherche tend à montrer que si les ouvrages publiés sur la question observent des niveaux plus élevés d'agression chez les garçons que chez les filles, c'est peut-être parce qu'ils s'intéressent uniquement à l'agression physique (voir Crick et Grotpeter, 1995). Si on n'observe « aucune » agression chez les filles, ce phénomène risque d'occulter des comportements qui peuvent se révéler nuisibles et que les filles sont plus susceptibles de manifester que les garçons et dont elles sont plus susceptibles d'être les victimes (Crick et Grotpeter, 1995, p. 710). On considère que les garçons sont plus susceptibles de valoriser l'instrumentalité et la domination physique, tandis que les filles seront plus susceptibles de valoriser des enjeux relationnels, notamment l'établissement de contacts intimes avec autrui (Crick et Grotpeter, 1995; Taylor, Gilligan et Sullivan, 1995). Les stratégies des enfants seront peut-être choisies selon les possibilités qu'elles représentent d'infliger un préjudice (ou d'être un moyen d'agression) en empêchant de réaliser des objectifs valorisés (Crick et coll., 1996). Par conséquent, les filles seraient plus susceptibles que les garçons de se livrer à des actes pouvant perturber les relations interpersonnelles, tandis que les garçons adopteraient des stratégies plus ouvertes. De surcroît, il se peut que les pratiques de socialisation des enfants aient un effet de renforcement différentiel sur des formes d'agression différentes selon le sexe (voir Cairns et Kroll, 1994; Rosenfield, 1999).

Des différences entre les sexes au chapitre de l'agression relationnelle et de l'agression indirecte signalées par les pairs ont été observées aux États-Unis par Crick et coll. et en Finlande par Lagerspetz et coll. (1988) ainsi que Bjorkqvist, Lagerspetz et Kaukiainen (1992). Cette recherche a montré que pendant la phase intermédiaire de l'enfance et au début de l'adolescence, les filles affichent des niveaux plus élevés d'agression relationnelle ou agression indirecte que les garçons. Toutefois, les garçons affichent des niveaux plus élevés d'agression physique et d'agression manifeste. Au Canada, Tremblay et coll. (1996) ont récemment examiné les cotes de l'agression indirecte attribuées par la personne qui connaît le mieux l'enfant. À tous les âges, les filles affichaient des niveaux plus élevés d'agression indirecte que les garçons, et les garçons des niveaux plus élevés d'agression physique que les filles, ce qui est conforme aux résultats signalés par les pairs. Même si un éventail d'effets structurels sur l'agression physique et d'autres comportements d'extériorisation ont été examinés, la corrélation entre l'environnement et l'agression indirecte est moins prononcée. Deux études canadiennes reposant sur les données de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes ont intégré les effets de la structure sociale et des processus sur les deux formes d'agression, notamment le statut socioéconomique de la famille et les effets des pratiques parentales (Pepler et Sedighdeilami, 1998; Tremblay et coll., 1996). Dans cette recherche, la structure sociale est élargie aux aspects du contexte social dans lequel vivent les enfants, notamment les caractéristiques du voisinage et d'autres caractéristiques de la famille.

2.1.3 Facteurs de risque à niveaux multiples

Les répercussions de l'environnement contextuel sur les êtres humains ont été examinées dans de nombreuses recherches interdisciplinaires (Aaronsen, 1997; Anderson, 1990, 1997, 1999; Aneshensel et Sucoff, 1996a; Boyle et Lipman, 1998; Brooks-Gunn, Duncan, Klebanov et Sealand, 1993; Brooks-Gunn, Duncan et Aber, 1997a, b; Elliott et coll., 1996; Garbarino, Dubrow, Kostelny et Pardo, 1992; Garner et Raudenbush, 1991; Gephart, 1997; Jencks et Mayer, 1990; Kohen et coll., 1998; Kowaleski-Jones, 2000; Leventhal et Brooks-Gunn, 2000; McLeod et Nonnemaker, 2000; Peeples et Loeber, 1994; Ross, 2000; Sampson, 1992, 1997; Sampson, Raudenbush et Earls, 1997; Sucoff et Upchurch, 1998; Upchurch et coll., 1999; Willms, 1986; Wilson, 1987). Même si les chercheurs se sont intéressés au rôle du contexte en matière d'agression physique, ce n'est que récemment que le rapport plus subtil entre le contexte et l'agression indirecte a été mis en lumière par certains travaux qualitatifs (Anderson, 1997).

Des recherches ethnographiques sur la défavorisation des voisinages nous éclairent sur la façon dont les maillages entre le « code de la rue » et la nécessité de recourir à l'agression pour protéger sa réputation comme exigence des négociations quotidiennes au sein de l'environnement se manifestent chez les hommes et chez les femmes. Chez les hommes, ils se manifestent par l'agression physique. Chez les femmes toutefois, ces négociations peuvent faire appel à des moyens plus indirects. Comme Anderson (1997, p. 26) l'a fait remarquer, le commérage est l'une des grandes causes de conflit entre filles. Cette pratique commence dès les premières années d'école et se poursuit tout au long du secondaire. Elle se produit lorsque « les gens », particulièrement les filles, parlent des autres et colportent ainsi des ragots. Habituellement, une fille décriera un autre membre du groupe, le plus souvent derrière son dos. Les remarques seront ensuite rapportées à celle qui est visée. Celle-ci pourra riposter ou alors ses amies se sentiront obligées de prendre sa part. Essentiellement, c'est une forme de commérage collectif suivant laquelle les êtres humains sont évalués négativement. Comme dans le cas de la plupart des commérages, il peut s'agir de médisances ou de calomnies, mais il reste qu'ils peuvent ternir la réputation de celle qui en est l'objet. Cette dernière doit alors se défendre, ce qui peut donner lieu à des disputes et des bagarres, souvent pour des riens. Il s'agit encore là d'un problème de faible estime de soi, qui fait que les jeunes sont très susceptibles à la moindre offense, et le seul moyen de se venger est habituellement une bagarre.

Anderson voit donc un lien entre le sexe et la situation dans le voisinage. Le contexte est assimilé aux conditions culturelles qui vont promouvoir des codes culturels renforçant le « respect » dans la rue, et qui passent par des moyens physiques chez les garçons et par la réputation, les relations interpersonnelles et, à l'occasion, des moyens physiques chez les filles. Il y aurait donc lieu d'élargir les recherches sociologiques actuelles sur les comportements des enfants et des adolescents pour y intégrer des mesures plus sensibles de l'agression qui permettront peut-être de mieux déterminer comment ce comportement se manifeste selon le sexe. L'agression relationnelle et l'agression physique peuvent toutes deux être considérées comme des stratégies d'autodéfense dans les contextes défavorisés, ou comme des mécanismes d'adaptation à des circonstances structurelles (voir également Suttles, 1968). Lorsqu'il s'agit de prévenir la violence physique grave, il pourrait être également avantageux de considérer l'agression indirecte comme un précurseur et donc comme une cible d'intervention.

2.1.4 Effets du voisinage

Les recherches ont montré qu'il est important d'examiner de quelle façon les voisinages influencent les enfants et les adolescents (Aneshensel et Sucoff, 1996a, b; Boyle et Lipman, 1998; Brooks-Gunn et coll., 1997a, b; Burton et Jarrett, 2000; Cook, Shagle et Degirmencioglu, 1997; Duncan et Aber, 1997; Furstenberg, Cook, Eccles, Elder et Sameroff, 1999; Kupersmidt, Griesler, DeRosier, Patterson et Davis, 1995; Leventhal et Brooks-Gunn, 2000; McLeod et Edwards, 1995; Sucoff et Upchurch, 1998). Les ouvrages publiés sur la question ont décrit divers modèles théoriques permettant de cerner les influences du voisinage sur les comportements des enfants et des adolescents, et ils sont énumérés dans la figure 2.1. Comme les articles et les recensions dont il a été question ci-dessus font un examen exhaustif des résultats empiriques des travaux relatifs aux effets du voisinage sur les enfants et les adolescents, nous n'en donnerons qu'un bref sommaire ici. Foster (2000) fait également une recension de diverses études selon le type de modèle testé.

Figure 2.1 Modèles théoriques des effets du voisinage sur l'agression chez les enfants
Facteurs structurels Facteurs de médiation Facteurs écologiques Risque global
  • SSE du voisinage
  • Facteurs de médiation familiaux Environnement familial
  • Facteurs de protection
  • Score composite des risques, y compris l'état du voisinage
  • Socialisation collective
  • Facteurs de médiation communautaires Normes/efficacité collective
  • Autres
 
  • Ressources institutionnelles
 
  • Facteurs de potentialisation
 
  • Épidémie/contagion privation relative
 
  • Adéquation personne-environnement
 
  • Compétition
     
  • Autres aspects du voisinage
     

Les modèles envisagés dans cette recherche s'inspirent à la fois de la tradition structurelle qui met l'accent sur les effets principaux (voir Sucoff et Upchurch, 1998) et des modèles des facteurs de médiation indirects (voir Kowaleski-Jones, 2000; McLeod et Nonnemaker, 2000). Selon la tradition structurelle, les facteurs de risque dans le voisinage exercent des effets négatifs « uniformes » sur les jeunes. Les modèles structurels mettent l'accent sur les effets comparatifs de différents facteurs du voisinage, ou sur l'effet de facteurs combinés mesurés selon des indices composites tirés des données du recensement (par exemple, la défavorisation du voisinage). Les approches varient lorsqu'il s'agit de définir le modèle comme englobant une série de conditions générales de risque qui influencent un éventail de résultats en matière d'adaptation, ou certains facteurs de risque dans le voisinage ayant été choisis parce qu'on pense qu'ils influencent un résultat particulier (par exemple, des problèmes comportementaux). Les modèles théoriques, qui se concentraient d'abord sur le statut socioéconomique du voisinage, ont évolué pour inclure un éventail plus vaste de caractéristiques du voisinage (voir également Duncan et Aber, 1997).

La colonne un de la figure 2.1 présente les cinq modèles de Jencks et Mayer (1990) qui ont été testés dans la littérature pour examiner les effets du niveau de revenu dans le voisinage sur les résultats développementaux des enfants et des adolescents (Boyle et Lipman, 1998; Brooks-Gunn et coll., 1997a, b; Kohen et coll., 1998). Les modèles précisent quels mécanismes de l'environnement du voisinage se répercutent sur les enfants. Les modèles « épidémiques » mettent l'accent sur les pairs comme agents de socialisation; la socialisation par les adultes de la collectivité est un élément central des modèles de « socialisation collective »; et les modèles « institutionnels » intègrent les influences exercées par d'autres adultes de l'extérieur de la collectivité. Cette série de modèles prédit que la présence de voisins à l'aise favorisera le développement de l'enfant. Par ailleurs, les modèles de la « privation relative » et de la « compétition » mettent l'accent sur des comparaisons sociales et l'accès à des ressources limitées. Ils prédisent que les voisins à l'aise auront un effet négatif sur les enfants défavorisés. Enfin, un autre modèle « sans effet » prédit que les voisins à l'aise n'auront pas d'influence sur les résultats développementaux des enfants (Mayer et Jencks, 1989).

Les modèles de la socialisation collective et des ressources institutionnelles ont été élargis pour inclure le niveau de chômage chez les hommes dans la collectivité et la diversité ethnique. Les modèles de la compétition intègrent également la concentration des familles dans l'environnement. Parmi d'autres caractéristiques structurelles importantes des voisinages, on retrouve la stabilité résidentielle, la concentration des immigrants, le ratio adulte/enfants, la densité de la population et la composition des familles (Boyle et Lipman, 1998; Sampson, Morenoff et Earls, 1999).

Certains constats viennent confirmer les théories de la socialisation collective et des ressources du voisinage pour expliquer les effets du voisinage chez les jeunes enfants, en plus de confirmer les théories de la compétition chez les jeunes enfants d'âge scolaire. Une récente recension exhaustive de la littérature relative aux effets du voisinage sur les enfants et les adolescents conclut que : a) pour tous les résultats développementaux, c'est le SSE qui semble compter le plus, bien que l'indicateur particulier du SSE qui comptait le plus variait selon le résultat développemental. Les preuves les plus solides ont été recueillies au sujet de l'influence des voisinages dont le SSE est élevé sur les réalisations des enfants et des adolescents. Les voisinages dont le SSE était faible et la stabilité résidentielle comptaient le plus pour la délinquance juvénile chez les adolescents. Il semblait également y avoir une relation entre les voisinages à faible SSE et des problèmes d'extériorisation chez les jeunes enfants (Leventhal et Brooks-Gunn, 2000, p. 328).

Les modèles des effets structurels évalués dans ce rapport ont pour objet de répondre aux questions suivantes : 1) quelles caractéristiques du voisinage influencent l'agression physique et l'agression indirecte chez les enfants? 2) L'environnement objectif et l'environnement subjectif influencent-ils tous deux l'agression chez les enfants? Les modèles des facteurs de médiation élargissent ensuite l'approche des effets structurels en examinant les processus par l'entremise desquels les voisinages exercent leur influence sur les résidents. L'intégration de variables des processus opérationnalise les mécanismes d'intervention explicatifs (Cook et coll., 1997; Leventhal et Brooks-Gunn, 2000, p. 321). Les études qui ont testé les modèles des facteurs de médiation dans les ouvrages publiés sur les effets du voisinage reposaient sur quatre démarches : 1) médiateurs des processus agrégés des effets structurels du voisinage sur les résultats comportementaux globaux; 2) recherches à niveaux multiples avec médiateurs des processus agrégés et résultats développementaux individuels; 3) perceptions individuelles subjectives relatives au voisinage et résultats développementaux individuels; et 4) processus de médiation au niveau de la famille et résultats développementaux individuels. Ces modèles varient selon le niveau d'analyse des médiateurs et des résultats développementaux, et les techniques analytiques pour tester les modèles. Les variables de médiation fluctuent également selon l'âge des sujets de référence et l'orientation théorique de la recherche. Dans la recherche sur les enfants, les perspectives théoriques ont été élargies pour comprendre le rôle de médiation des mécanismes familiaux (Klebanov, Brooks-Gunn, Chase-Lansdale et Gordon, 1997, p. 121-122; Klebanov, Brooks-Gunn et Duncan, 1994, p. 443; Furstenberg et coll., 1999; Sampson, 1992, 1997). Dans leur récente recension, Leventhal et Brooks-Gunn (2000, p. 322) reformulent les principales prédictions des modèles de Jencks et Mayer (1990) en y intégrant trois grands mécanismes par lesquels les voisinages peuvent influencer les enfants et les adolescents, c'est-à-dire 1) les ressources institutionnelles; 2) les relations; 3) les normes/l'efficacité collective. Les auteurs pensent que ces deux derniers mécanismes revêtent une importance particulière pour la délinquance.

Divers modèles de médiation ont été considérés, et à chaque fois, on a postulé que la médiation se faisait par des processus différents. Une série de modèles intègre les processus collectifs subjectifs du voisinage, agrégés en indices de niveau communautaire, comme facteurs de médiation des effets des caractéristiques structurelles sur les résultats développementaux au niveau communautaire et au niveau individuel (Sampson et coll., 1997). Au niveau individuel, certaines recherches examinent de quelle façon les dimensions subjectives des voisinages peuvent servir de facteurs de médiation par rapport aux effets des conditions antécédentes sur toute une gamme de résultats. Certains pensent également que ces médiateurs des effets structurels du voisinage sont eux-mêmes une autre forme de l'influence qu'exerce le voisinage sur les résultats développementaux des jeunes (Furstenberg et coll., 1999).

D'autres recherches récentes sur les jeunes ont intégré des processus de médiation comme les mécanismes familiaux qui transmettent les effets du voisinage (Sampson, 1997). Ces médiateurs familiaux peuvent être divisés en processus à l'intérieur du foyer et processus hors de la famille (Furstenberg et coll., 1999). Cependant, pour les jeunes enfants, les médiateurs les plus communs et les plus importants comprennent les médiateurs à l'intérieur du foyer, y compris le comportement parental et le milieu familial (Leventhal et Brooks-Gunn, 2000, p. 324). Diverses raisons ont été avancées pour expliquer pourquoi les mécanismes de médiation au sein de la famille n'ont pas fait l'objet de recherches (Cook et coll., 1997), notamment le fait que traditionnellement, les études des effets des voisinages se sont concentrées sur les adolescents (Klebanov et coll., 1997, p. 120).

Parmi les grandes questions qui servent à examiner les modèles des facteurs de médiation, on retrouve les suivantes : 1) Est-ce que l'environnement perçu explique les effets de l'environnement structurel sur l'agression? 2) L'effet des caractéristiques du voisinage sur les deux formes d'agression chez les enfants est-il limité par certains indicateurs de l'environnement familial?

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Mise à jour : 2005-01-12 haut Avis importants