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Histoires vécues : Les Canadiens en prison à
l'étranger
Honte. Colère.
Dépression. Culpabilité. Souffrance. Ces
cinq mots reviennent très souvent dans les témoignages
que vous êtes sur le point de lire. Six Canadiens qui ont été
incarcérés à l'étranger pour des délits
touchant la drogue ont accepté de partager leurs réflexions
et leurs impressions à propos de leur arrestation et de leur
incarcération. Leurs histoires sont vraies.
Vous remarquerez
que, dans les six histoires qui suivent, on trouve des éléments
communs : Henry, Lucie, Peter, Marie-France, Beatrice et Nancy ont reçu
une leçon cinglante. Se faire prendre à l'étranger
alors que l'on est en possession de stupéfiants ou que l'on essaie
de franchir une frontière avec des stupéfiants est passible
d'une lourde amende, d'une longue peine de prison, de travaux forcés
ou même de la peine capitale peu importe le pays. N'acceptez
jamais, quelles que soient les circonstances, de passer pour quelqu'un
d'autre un colis, un cadeau ou une valise.
Ne cédez
pas non plus à la tentation de gagner facilement de l'argent
en faisant passer clandestinement des stupéfiants. Vous vous
ferez probablement arrêter. Et le passeur la « mule
» est presque toujours perdant. Si vous êtes arrêté
alors que vous achetez, que vous vendez ou que vous passez de la drogue
dans un pays étranger, le fait d'être canadien ne vous
donnera droit à aucun traitement particulier.
Histoire
vécue : Henry
-
25 ans
- Au chômage, mais électricien de formation
- Casier judiciaire vierge avant les événements
- Arrêté pour importation et possession d'huile
de haschich
- A passé six mois dans une prison d'Orlando, en
Floride
J'avais
cherché du travail pendant des mois, sans résultat.
J'arrivais au bout de mes indemnités de chômage
et je voulais gagner un peu plus d'argent. J'avais entendu
dire qu'il était très facile de gagner de
l'argent en faisant passer de la drogue. J'ai pensé
que je ne serais pas pris. Après tout, je n'essaierais
quand même pas de ramener toute une cargaison...
J'ai
acheté un billet pour la Jamaïque, mais sans
parler de mes projets à personne. J'ai dit à
mes parents et à mes amis que j'allais passer une
semaine en Floride pour me détendre après
toutes mes recherches de travail. En arrivant en Jamaïque,
je ne connaissais personne, mais je me suis baladé
dans les rues et assez vite j'ai trouvé quelqu'un
qui me proposait de me vendre de la drogue. J'ai acheté
pour à peu près 2 800 $ un kilo d'huile
de hasch, que je comptais pouvoir revendre pour environ
20 000 $ à la maison. J'ai caché la drogue
dans ma chambre d'hôtel et j'ai passé le
reste de la semaine soit sur la plage, soit dans ma chambre
à préparer l'huile pour le retour. Je l'ai
divisée en petites gélules?? enveloppées
dans une pellicule plastique que j'ai scellée avec
une flamme. Le jour de mon retour, j'ai avalé les
gélules.
Je
croyais pouvoir garder mon sang-froid pendant l'escale
à Orlando, mais j'avais probablement l'air nerveux.
Les agents d'immigration m'ont immédiatement demandé
de les suivre. Je crois qu'ils m'ont soupçonné
parce que j'étais seul et que j'avais l'air agité.
Je n'ai rien voulu leur dire, et ils m'ont envoyé
à l'hôpital pour passer une radio. Là,
on m'a immédiatement arrêté, et la
caution pour ma libération a été
fixée à 15 000 $, une somme que je ne pouvais
évidemment pas payer. On ne m'a pas permis de téléphoner
à ma famille ou à qui que ce soit. J'ai
finalement pu écrire à mes parents et leur
raconter ce qui était arrivé, et ils ont
reçu ma lettre un mois après la date à
laquelle je devais rentrer. Malgré leur colère,
ils ont été soulagés. Ils s'attendaient
au pire et ils ont été heureux de me savoir
vivant.
La
vie en prison n'a pas été facile : la nourriture
était infecte et il y avait beaucoup de tension
entre les détenus. Trois mois et demi après
mon arrestation, mon cas a été porté
devant un juge, et j'ai été condamné
à 120 jours de prison. Il me restait donc trois
semaines de détention. J'ai alors appris que les
services d'immigration devaient d'abord autoriser ma sortie.
Je commençais à paniquer. Tout ce que je
voulais, c'était partir. Lorsque j'ai enfin été
libéré, ma famille m'attendait à
l'aéroport. J'étais vraiment heureux d'être
de retour chez moi.
Je
dois dire que j'ai beaucoup appris de cette expérience.
J'ai carrément perdu six mois de ma vie et, quand
on est jeune, c'est long. C'est une erreur que je ne referai
jamais plus. Maintenant, je cherche de nouveau du travail.
Je sais que ce sera difficile, mais je vais faire de mon
mieux. Je ne veux jamais revivre ça.
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Histoire
vécue : Lucie
-
34 ans
- Infirmière
- Casier judiciaire vierge avant les événements
- Arrêtée pour trafic de cocaïne
- Incarcérée 60 jours dans une prison de
Miami
Une
vague connaissance nous a proposé, à mon
amie et à moi, de faire un voyage gratuit en Colombie
et de gagner 2 000 $ chacune si nous rapportions un peu
de cocaïne. Nous ne pensions pas pensé que
ce serait bien compliqué et nous avons accepté.
Je ne voulais pas en parler à mon ami ou à
ma famille et nous avons décidé de garder
le secret. Nous avons pris un vol pour Cartagena et, le
dernier jour des vacances, nous avons rencontré
notre contact. Il a fallu avaler chacune un kilo de cocaïne,
divisé en paquets de la taille de mon pouce. Je
dois reconnaître que nous étions très
inquiètes.
Nous
avons fait escale à Miami et, dès notre
arrivée, les agents d'immigration nous ont mises
en détention et interrogées. Je ne sais
toujours pas ce qui leur a mis la puce à l'oreille.
Nous n'avons pas été autorisées à
contacter qui que ce soit, et on nous a emmenées
à l'hôpital où on nous a forcées
à prendre un laxatif et à subir une analyse
de sang, pour voir si nous avions absorbé des stupéfiants
ou si nous étions enceintes. Comme mon amie était
enceinte, elle n'a pas été radiographiée.
Deux jours plus tard, nous avons évacué
la drogue.
La
première fois que j'ai comparu devant le tribunal,
le juge a décidé que je serais détenue
sans caution jusqu'à l'audience. J'ai pu téléphoner
à ma mère. Elle n'arrivait pas à
croire ce qui était arrivé et ce que j'avais
fait. Il a fallu qu'elle téléphone à
mon patron pour lui raconter ce qui s'était passé
et l'informer que je ne pourrais pas me présenter
à mon travail.
La
vie en prison a été un enfer. Nous étions
environ 25 détenues dans une grande cellule divisée
en quatre et nous dormions en groupes de cinq ou six.
Nous devions partager une seule cuvette de WC et une douche.
La nourriture était exécrable et les personnes
que je côtoyais encore pires. On a désigné
un avocat pour s'occuper de mon cas, mais je n'avais aucune
confiance en lui. J'étais vraiment déprimée.
La
semaine avant ma libération, j'ai eu des migraines
et des maux d'oreille épouvantables et je ne pouvais
pas dormir. On a attendu cinq jours pour me soigner. J'ai
souffert le martyre. Finalement, la date de ma sortie
de prison est arrivée. On m'a déposée
au centre-ville de Miami, sans mes papiers d'identité
ni mes bagages. Je suis allée directement au consulat
du Canada puis je suis rentrée à Montréal.
Cette
aventure a coûté presque 3 000 $ à
ma famille en frais d'interurbain et de transport. Mais
il n'y a pas que l'argent ce que j'ai fait les
a beaucoup peinés. Mon ami a décidé
de rester avec moi. Il avait du mal à croire que
j'aie pu prendre des risques aussi insensés pour
un petit peu d'argent et une semaine au soleil. J'ai aussi
repris mon travail; j'ai eu de la chance.
Je
ne fréquente plus cette amie. Je veux tourner la
page. Je sais que j'ai agi bêtement et j'ai honte
de ce que j'ai fait. J'espère seulement que d'autres
ne seront pas aussi naïfs que moi.
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Histoire
vécue : Peter
-
35 ans
- A perdu son travail à cause des stupéfiants
- Casier judiciaire vierge avant les événements
- Arrêté pour importation de marijuana
- Condamné à 15 ans de réclusion
dans une prison cubaine
J'ai
commencé très jeune à me droguer.
Je pensais que ce n'était pas bien grave
j'étais capable de tenir un emploi et je faisais
partie d'une équipe de hockey. Le haschich et l'herbe
étaient mes drogues préférées.
J'avais essayé des drogues plus dures, mais j'étais
assez intelligent à l'époque pour me rendre
compte qu'elles pourraient vraiment chambouler ma vie.
Je vivais chez mes parents, parce qu'ils étaient
tous deux en chaise roulante et qu'ils avaient besoin
de moi. J'avais moi aussi besoin d'eux nous menions
tous les trois une vie très agréable et
nous nous entendions très bien. J'étais
particulièrement proche de mon père.
Lorsqu'il
est mort, mes problèmes ont commencé. Je
me suis mis à prendre de la cocaïne. Je crois
que ma famille et mes amis se sont vite rendu compte des
effets que la drogue avait sur moi, mais à ce moment-là
je n'en avais pas conscience. Mon comportement m'a valu
mon renvoi de l'équipe de hockey. J'ai cessé
de faire de l'exercice. J'ai perdu ma voiture neuve parce
que je ne pouvais pas payer les mensualités. J'ai
perdu mon travail. Le pire a été de perdre
la maison où j'habitais avec ma mère et
d'être forcé de déménager dans
un appartement. Lorsque mes indemnités de chômage
ont cessé, j'ai cru avoir touché le fond.
Les chèques d'invalidité de ma mère
n'étaient pas suffisants pour nous faire vivre.
Je me détestais. J'avais perdu ma dignité
et j'étais prêt à tout.
J'ai
rencontré quelqu'un qui m'a dit que je pourrais
facilement gagner de l'argent en passant des drogues en
contrebande. Je n'étais pas très chaud à
l'idée, mais j'avais besoin d'argent. En décembre
1996, je suis allé à Cuba avec un autre
type qui avait effectué un voyage de contrebande
deux semaines auparavant. Je n'ai pas songé une
seule fois à le questionner sur les circonstances
de son dernier voyage.
Il
avait organisé un voyage de deux jours en Jamaïque,
où nous devions ramasser le stock. Nous avons été
arrêtés en rentrant à Cuba. Il a immédiatement
nié toute participation et m'a accusé. Nous
avions mis 10 kilos de marijuana dans ma valise, car elle
fermait à clé. Ce type m'a remis aux policiers
sur un plateau d'argent. C'est incroyable comme il a pu
faire volte-face et me dénoncer. J'ai admis que
j'avais fait passer la drogue. Mon père m'avait
appris à assumer mes responsabilités et
mes erreurs c'est comme ça qu'un homme doit
agir.
On
m'a mis dans une cellule qui sentait l'urine, et pire
encore. J'entendais les rats courir à toute vitesse.
J'avais si peur que je pouvais à peine bouger,
et encore moins de dormir. Je pensais toujours à
ma mère, à mes frères et surs
et à la peine qu'ils auraient en apprenant ce qui
s'était passé. Le lendemain matin, les gardes
sont venus me chercher et ils ont de nouveau fouillé
ma valise devant moi. Un tas d'objets personnels manquaient,
mais je savais qu'il ne servirait à rien d'en discuter.
On m'a emmené dans une cellule où se trouvaient
trois autres prisonniers. Ils ne parlaient pas l'anglais,
et moi pas l'espagnol, et nous ne pouvions donc pas communiquer.
Je me sentais terriblement seul.
La
nourriture est infecte en prison. Les deux premiers jours,
nous avons eu du pain et de l'eau. L'eau était
trouble et j'ai été très malade.
Lorsque nous avons finalement eu de la viande, je n'ai
pas pu la manger elle grouillait de vers et d'insectes.
J'ai beaucoup maigri le premier mois seulement,
j'ai perdu à peu près 15 livres.
Je
ne me suis toujours pas habitué aux insectes et
aux rats qui ont envahi ma cellule. La nuit, ils me passent
sur le corps quand je dors. C'est une sensation atroce,
j'ai l'impression d'être dans un film d'horreur.
Il
a fallu attendre près de six mois avant mon procès.
Ce jour-là, on m'a fait monter avec d'autres détenus
dans une fourgonnette sans fenêtres. Le voyage devait
prendre une demi-heure, mais la fourgonnette est tombée
en panne et nous avons en fait passé presque trois
heures enfermés dans une chaleur étouffante,
car les gardes ont refusé de nous laisser sortir.
Lorsque nous sommes arrivés au tribunal, j'étais
une épave. J'ai encore attendu six semaines avant
de connaître ma sentence. Tout le monde a été
surpris d'apprendre que j'avais écopé de
15 ans. Personne ne pensait que la peine serait aussi
longue moi le premier.
Je
ne peux pas décrire l'horreur de ma situation.
Ma famille a souffert, moi aussi. J'ai le cur brisé.
Je voudrais pouvoir revenir en arrière et ne pas
refaire la même chose. Il n'y a pas une somme sur
terre qui vaille cette horreur.
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Histoire vécue : Marie-France
-
25 ans
- Chômeuse, mère d'un fils de trois ans
- Casier judiciaire vierge avant les événements
- Arrêtée pour trafic de haschich
- A passé un an en prison au Maroc
Je
croyais avoir réussi : j'avais trouvé un
emploi formidable, acheté une voiture et j'habitais
seule dans un appartement. Je croyais avoir ma vie bien
en main. Puis j'ai rencontré Michel. Il ne plaisait
pas à mes parents et je savais pourquoi : il n'était
pas simplement amoureux de moi, mais aussi de la cocaïne.
C'est une drogue que j'avais essayée quelques fois
à l'école secondaire, mais quand Michel
a emménagé avec moi m'a semblé tout
naturel de partager quelques lignes avec lui. Je suis
devenue toxicomane comme lui. Un an après notre
rencontre, notre fils Maxime est né. À ce
moment-là, Michel se shootait à la cocaïne.
Ça le rendait fou. Il ne s'occupait pas du bébé,
m'abusait souvent verbalement et même me frappait.
Pourtant je l'aimais toujours. La cocaïne nous rapprochait.
J'ai même quitté mon emploi pour qu'on puisse
passer plus de temps ensemble.
La
coke coûte cher et, comme j'étais sans travail,
il nous fallait trouver de l'argent pour acheter de la
drogue. Une connaissance a eu vent de nos ennuis et nous
a dit que nous pourrions gagner de l'argent très
facilement en allant au Maroc chercher du haschich que
nous ramènerions clandestinement au Canada; il
nous donnerait 2,00 $ par gramme. Mais l'affaire n'a pas
marché et, à la place, il nous a offert
1,50 $ par gramme. Nous n'étions pas enchantés
nous pensions que l'affaire était trop risquée.
Nous avons tous les deux essayé de refuser, mais
il ne voulait pas renoncer. Il nous a menacés et
nous avons pensé que nous n'avions pas d'autre
choix que d'accepter.
Nous
sommes partis tous les trois pour Rabat, au Maroc. Je
ne voulais pas laisser Maxime au Canada et Michel pensait
qu'il nous servirait de couverture. Nous avons rencontré
notre contact à l'aéroport, mais le fournisseur
ne s'est jamais présenté. Le type rencontré
à l'aéroport nous a offert un tarif fixe
de 6 000 $ pour faire passer le hasch à Montréal.
Nous avons sauté sur l'occasion. Nous avons passé
la semaine à la plage et, le dernier jour, nous
avons rencontré de nouveau notre contact, qui nous
a aidés à nous coller plus de deux kilos
de hasch sur le corps avec du ruban adhésif : nous
en avions partout, sur le ventre, sur le dos, les cuisses
et partout où la drogue passerait inaperçue.
À l'aéroport, Michel, qui portait Maxime,
a été arrêté par les douaniers.
J'avais déjà passé les contrôles
sans problème, mais je n'allais certainement pas
laisser mon fils. Je suis revenue en arrière et
Michel et moi avons tous les deux été arrêtés.
À ce moment-là, j'avais vraiment peur et
Maxime aussi, même s'il ne comprenait pas ce qui
se passait. Les gens des services sociaux me l'ont pris
et je n'ai même pas pu lui dire au revoir. Je ne
me suis jamais sentie aussi mal de ma vie.
J'ai
pu appeler ma mère à la maison. Elle était
totalement bouleversée, mais elle a aussitôt
pris l'avion pour venir chercher Maxime. Avant l'audience,
j'ai passé 21 jours en prison et j'ai eu le temps
de réfléchir à ma vie, à ma
relation avec Michel et à mes responsabilités
de mère. J'avais l'impression d'avoir raté
ma vie. Au procès, j'ai été condamnée
à 10 mois de prison. C'était terrible. Les
gardes et les autres prisonnières me traitaient
comme moins que rien. Je n'avais rien en commun avec elles,
je me sentais complètement isolée. Les conditions
n'avaient rien d'extraordinaire non plus; il y avait des
cafards dans ma cellule et j'ai souvent été
obligée de dormir par terre. À la fin de
ma sentence, j'étais folle de joie. J'avais tellement
hâte de sortir. C'est alors qu'on m'a dit qu'il
faudrait attendre 45 jours de plus à cause d'un
problème dans les formalités d'immigration.
J'étais complètement déprimée
et je ne voyais pas comment je pourrais supporter un autre
jour de détention.
Quand
j'ai finalement été relâchée,
j'ai rompu avec Michel. J'ai emménagé chez
mes parents avec Maxime. Je vois encore Michel de temps
en temps, mais uniquement parce que c'est le père
de mon fils. J'ai essayé d'arrêter de me
droguer, mais j'ai eu une rechute. Je dois commencer une
thérapie pour toxicomanes et cette fois je jure
que je vais m'en sortir. Je le dois à moi et à
mon enfant.
J'aimerais
vraiment pouvoir revenir en arrière et recommencer.
La seule bonne chose qui soit sortie de tout ça
est mon fils, qui est adorable. Mon séjour en prison
a été le pire moment de ma vie. Je peux
seulement mettre en garde ceux qui voudraient faire passer
de la drogue et leur dire de ne pas le faire. Ça
ne vaut pas l'argent qu'on y gagne. Ça ne vaut
pas la peine de risquer sa liberté. Et certainement
pas de perdre son amour-propre.
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Histoire vécue : Beatrice
-
26 ans
- Mère de deux enfants
- Casier judiciaire vierge avant les événements,
mais a eu une vie difficile
- Arrêtée pour trafic d'héroïne
- Incarcérée à Bangkok, en Thaïlande;
purge une peine de trois ans
J'avais
vraiment besoin d'argent. Je venais juste d'acheter de
nouveaux meubles et des jouets pour les enfants avec mon
salaire, mais il me fallait plus d'argent. J'ai appelé
un dealer qui était un ami et je lui ai proposé
de passer de la drogue en contrebande. Je pensais pouvoir
boucler l'affaire en une semaine et empocher 5 000 $.
Le soir avant mon départ pour la Thaïlande,
ma fille s'est réveillée et m'a appelée.
Je suis allée la consoler et elle s'est jetée
à mon cou en me demandant de ne pas partir parce
qu'elle avait peur que je ne revienne pas. Je l'ai gardée
dans mes bras... J'étais loin de penser qu'elle
avait raison.
Quand
je suis arrivée en Thaïlande, j'avais chaud,
j'étais fatiguée et inquiète. J'ai
cherché mon contact. Je ne savais pas du tout à
quoi il ressemblait, et je devais donner un code à
quiconque m'aborderait. Après environ une heure,
mon contact est venu me parler. Quand nous sommes arrivés
à notre destination, j'étais épuisée
mentalement et physiquement.
Le
matin de mon retour, le contact est venu m'apporter la
drogue de l'héroïne à
l'hôtel. La drogue était emballée
dans un cylindre, que j'ai introduit dans mon vagin. J'étais
affreusement mal à l'aise et je me demandais comment
je pourrais supporter le voyage. En arrivant à
l'aéroport, j'ai eu l'impression de vivre un cauchemar.
Je suis passée au contrôle de sécurité
et au moment où j'allais franchir les portes vitrées
pour la salle d'embarquement, j'ai entendu une voix qui
me disait : « Pardon, madame. » Je me suis
retournée et un homme a demandé à
me parler. Il m'a emmenée près d'une table
où mon sac a été fouillé et
où on m'a posé un tas de questions. Je ne
sais pas comment je suis parvenue à garder mon
calme. On m'a alors emmenée dans une pièce
où j'ai été interrogée par
plusieurs personnes. Finalement, on m'a dit que j'étais
soupçonnée de trafic de stupéfiants
et on m'a donné le choix de dire la vérité
et de subir une fouille corporelle. J'ai tout de suite
avoué, mais il a quand même fallu m'envoyer
à l'hôpital pour retirer le cylindre. Pour
y aller, on m'a passé les menottes, attaché
les jambes avec du ruban adhésif et fait traverser
l'aéroport dans cette tenue. Tout le monde me regardait
je n'ai jamais eu aussi honte de ma vie.
Après
avoir attendu quelques heures dans une cellule, on m'a
emmenée dans des toilettes pour une fouille, puis
on a pris mes empreintes digitales et ma photo. Finalement,
on m'a permis de donner un coup de téléphone;
j'ai appelé le père de mon fils et lui ai
raconté ce qui s'était passé. Je
lui ai demandé de s'occuper des enfants jusqu'à
mon retour. On m'a alors escortée dans une autre
prison, où j'ai été incarcérée
dans une cellule avec 20 autres femmes. Il n'y avait que
deux bancs pour s'asseoir. Il fallait que nous utilisions
la même cuvette de WC, qui était à
la vue de tout le monde. C'était absolument dégoûtant.
Le lendemain matin, toutes les femmes ont été
menottées ensemble et emmenées au tribunal.
Pendant
les cinq mois qui ont précédé ma
condamnation, j'ai sombré dans la dépression
la plus noire que j'aie jamais connue. Je me dénigrais
jour après jour, à toute heure du jour et
de la nuit. J'étais tellement stressée que
mes cheveux sont devenus cassants et ont commencé
à tomber. J'ai eu de l'acné et j'ai maigri.
Le bruit dans la prison me rendait folle. Le père
de mon fils a cessé de m'écrire et j'étais
morte d'inquiétude à propos de mes enfants.
J'ai appris qu'il se droguait de nouveau et qu'un jour,
il avait déposé les enfants chez leurs grands-parents
et n'était jamais revenu les chercher. Je me sentais
affreusement mal pour mes enfants.
Après
ma sentence, j'ai essayé de changer. J'ai commencé
à faire de l'exercice et à m'occuper de
moi. J'étais devenue un peu hypocondriaque parce
qu'on m'avait dit que j'avais la tuberculose. On m'a mis
en isolement jusqu'à ce qu'on puisse me mener à
l'hôpital pour une radio des poumons. Finalement,
je n'étais pas malade. Je me suis inscrite à
un programme de traitement de la toxicomanie. Ça
m'a sauvé la vie. J'ai décidé de
faire quelque chose de positif de ma vie prendre
des cours et trouver un bon emploi. J'ai étudié
pour passer un test d'équivalence du secondaire
et je suis arrivée première de ma classe.
J'ai commencé à écrire de la poésie.
J'ai
beaucoup souffert et je me suis sentie coupable d'avoir
abandonné mes enfants. Ils me manquent, ma maison
me manque, mon pays me manque. Quand je rentrerai, j'essaierai
de regagner petit à petit la confiance de mes enfants.
Je ne veux pas les faire déménager de nouveau.
Lorsque nous serons finalement installés, je veux
aller à l'université et étudier en
psychologie, peut-être même décrocher
une maîtrise. J'en ai fini avec la drogue et je
veux travailler dans un domaine où je pourrai aider
les autres. Mais surtout, je veux une vie stable pour
moi et pour mes enfants. Ils le méritent et moi
aussi.
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Histoire vécue : Nancy
-
30 ans
- Secrétaire juridique
- Célibataire, deux fils
- Arrêtée pour trafic de cocaïne
- A passé un an en prison en Jamaïque
Ce
n'était pas la première fois que je passais
de la drogue à la frontière. La même
année, Sarah, une femme plus âgée
que j'avais rencontrée, m'avait offert 5 000 livres
sterling c'est-à-dire à peu près
12 000 $ Canadiens pour transporter de la cocaïne
de la Jamaïque au Royaume-Uni. Je n'étais
pas très à l'aise de faire ça, mais
parce que j'étais célibataire et mère
de deux petits garçons et que j'avais des difficultés
d'argent, il me semblait que je n'avais pas le choix.
Nous
étions allés Sarah, moi et ses deux
enfants profiter du soleil pendant deux semaines
en Jamaïque, avant de revenir en Angleterre avec
de la drogue plein nos chaussures. Nous avions franchi
la douane sans éveiller le moindre soupçon.
C'était le salaire le plus facilement gagné
que j'aie jamais touché. J'étais rentrée
retrouver mes enfants avec des milliers de dollars en
poche et sans regret.
La
deuxième fois que Sarah m'a appelée, mon
fils aîné habitait chez mes parents, alors
que le plus jeune était chez son père. Je
traversais une période difficile et j'avais besoin
de me remettre sur pied financièrement et émotivement.
La perspective de gagner facilement une somme rondelette
avec des vacances en prime arrivait juste à point.
Sarah
m'a dit que cette fois je ne voyagerais pas avec elle,
mais avec son amie Lauren. J'étais inquiète
car je ne connaissais pas Lauren est-ce que je
pouvais lui faire confiance? Saurait-elle avoir le comportement
voulu? En fait, je n'avais pas pleinement conscience des
conséquences des risques que je prenais, mais j'en
savais suffisamment pour savoir que n'importe quelle erreur
pourrait m'attirer des ennuis. J'ai décidé
de prendre le risque. Sarah était une amie et elle
ne me mettrait pas dans une situation dangereuse.
Elle
m'assura que tout se passerait exactement comme la dernière
fois. En Jamaïque, nous ferions la transaction avec
les mêmes contacts. C'était un peu rassurant
je les connaissais et je pensais qu'ils protégeraient
leur investissement. Les gens avec lesquels j'ai traité
en Jamaïque ne prennent pas leurs affaires à
la légère. Avant de nous remettre des chaussures
bourrées avec le kilo de coke que nous devions
transporter en Angleterre, ils nous ont fait faire des
prières et des rituels censés nous éviter
des ennuis. J'ai fait tout ce qu'on me demandait, tout
ce que je voulais, c'était d'en finir au plus vite
et de retrouver mes enfants.
Pour
notre départ, l'aéroport était désert,
je me souviens même que presque tous les comptoirs
d'enregistrement étaient fermés. À
mesure que je traversais l'aéroport, j'étais
de plus en plus mal à l'aise. Lauren a commencé
à se disputer avec le préposé aux
billets, j'ai oublié pourquoi, mais je me rappelle
de mon malaise à l'idée que nous étions
en train d'attirer l'attention dans un aéroport
déjà vide.
Après
avoir franchi le contrôle de sécurité,
nous sommes entrées dans l'aire d'embarquement.
J'ai eu à peine le temps de me rendre compte que
nous avions réussi la première étape
du voyage sans problème quand une policière
nous a abordées. Elle nous a demandé de
nous asseoir et d'enlever nos chaussures. J'ai su alors
que tout était fini. Lauren a perdu les pédales
: elle s'est mise à pleurer et à chercher
des excuses; elle a même essayé de soudoyer
la policière. Je suis restée sans rien dire
alors que je réalisais la gravité de la
situation.
Nous
avons été emmenées dans une cellule
de détention provisoire au commissariat qui se
trouve derrière l'aéroport. Nous étions
loin de nous douter ce soir-là que nous allions
y rester presque trois mois. J'ai pu téléphoner
à mes parents, qui ne savaient même pas que
j'étais à l'étranger! Ils avaient
été extraordinaires et s'occupaient de mon
fils aîné pendant que je reprenais ma vie
en main. Et maintenant, j'étais en état
d'arrestation pour exportation de cocaïne.
Ma
famille est arrivée en Jamaïque peu de temps
après et, bien que j'aie apprécié
leur visite, j'étais désespérée.
Mon fils a vu sa mère en prison. Le fait qu'il
me voie dans cette situation, alors que j'étais
au plus bas, a été la pire expérience
de ma vie. Mes parents me soutenaient de leur mieux, mais
ils avaient peur. Après tout, c'était un
délit lié à la drogue, et ils avaient
même peur de séjourner à Montego Bay
où j'étais détenue. Ils ont engagé
un avocat et j'ai comparu assez rapidement devant le tribunal.
Pendant
ces trois mois, j'ai comparu plus de 14 fois j'ai
essayé d'obtenir une libération sous caution,
présenté des motifs de défense douteux
et contesté des points de procédure
tout ça pour essayer d'éviter l'inévitable.
Quand le jour de mon procès est finalement arrivé,
j'ai écopé d'une amende de 6 000 $ et de
huit mois de prison. Si mon incarcération jusque-là
avait été éprouvante, je n'étais
absolument pas préparée à la vie
en pénitencier.
J'ai
été emmenée à la prison pour
femmes de Fort Augusta, en compagnie de six autres détenues,
debout dans des cellules improvisées à l'arrière
d'un camion. Le voyage a duré à peu près
trois heures avec un seul arrêt. En arrivant à
la prison, nous avons été amenées
dans un dortoir de réception. On nous a pris en
photo et les femmes qui avaient des tresses, des boucles
ou les cheveux longs ont dû se les faire couper.
On nous a donné des robes d'uniforme en polyester
rouge écossais qu'il fallait porter jour après
jour, dans la chaleur. La prison n'avait pas l'eau courante
chaque semaine, il fallait remplir son seau dans
un camion qui livrait l'eau. Je me souviens d'avoir supplié
d'autres prisonnières de me donner de l'eau pour
me laver. La nourriture était épouvantable
: nous avions le même repas tous les jours
du maquereau en conserve et des boulettes de pâte.
De temps en temps, il y avait du gruau, et une tranche
de pain était considérée comme un
luxe. J'ai perdu 15 kilos et je n'ai pas encore retrouvé
mon état normal.
Il
y avait beaucoup de violence dans la prison, et les détenues
condamnées pour des délits relativement
mineurs devaient côtoyer des criminelles endurcies
condamnées à perpétuité. Parce
que j'étais une étrangère, j'étais
isolée et les détenues étaient toujours
en train de chercher à se chicaner avec moi. J'étais
à bout de nerfs, j'avais la peau brûlée
par le soleil, j'ai commencé à perdre mes
cheveux et je mangeais de moins en moins. Je trouvais
mon seul réconfort dans l'écriture; j'ai
écrit à propos de mes expériences,
j'ai écrit de la poésie et des lettres,
beaucoup de lettres, à mes parents et à
mes enfants. Il y avait un niveau d'analphabétisme
effrayant dans la prison, et j'ai commencé à
écrire des lettres pour les autres détenues
à leurs familles. Ça a rendu ma détention
un peu plus supportable et je me suis fait quelques amies.
Quand
je suis enfin sortie, après que mes parents ont
payé l'amende et que j'ai purgé ma peine,
j'étais épuisée émotivement
et physiquement. Arriver au Canada a été
le moment le plus heureux dont je me souvienne. C'était
quelques mois avant Noël et j'ai consacré
toute mon énergie à réparer les relations
que j'avais mises en péril en me lançant
dans le trafic de drogues. Mon fils aîné
allait dans un centre de counselling spécial parce
que des problèmes de comportement s'étaient
manifestés pendant mon absence. Le plus jeune était
chez son père, qui reste un ami mais qui m'a quittée
à cause de ce que j'ai fait. Mes actions ont bouleversé
la vie des gens que j'aime le plus, et j'ai une dette
envers eux pour ne pas s'être détournés
de moi. Je ne crois pas jamais pouvoir leur rendre. Après
mon retour, j'ai pris des cours et maintenant je travaille
de nouveau. Mes fils ne vivent pas avec moi je
sais que je ne suis pas prête à être
la mère dont ils ont besoin, mais j'espère
que bientôt, cela changera. Une des choses qui m'aident
à faire face à ce que j'ai fait et aux conséquences
est de raconter mon histoire. J'espère que personne
ne sera jamais tenté de prendre les risques que
j'ai pris. Le genre de crime que j'ai commis ne résout
rien. Ma vie ne sera plus jamais la même. Je ne
souhaite ça à personne.
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