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Santé de l'environnement et du milieu de travail

L’évaluation du risque à la santé humaine des substances d’intérêt prioritaire

3.0 Méthodes d’évaluation de la « toxicité » au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE — Substances uniques

3.1 Évaluation de l’exposition de la population

Il existe différentes voies d’exposition aux substances présentes dans l’environnement (inhalation, ingestion ou absorption cutanée par l’air, l’eau et le sol ou par l’utilisation de produits de consommation). L’estimation de la dose journalière totale (d’ordinaire exprimée en µg/kg poids corporel/jour) provenant de toutes les sources est essentielle à l’évaluation de la véritable ampleur du risque associé à l’exposition aux substances présentes dans l’environnement général. En permettant de déterminer l’ampleur relative de la contribution de chacune des voies d’exposition à la dose journalière totale, cette approche « multi-milieux » ouvre également la voie à l’élaboration ultérieure de mesures susceptibles de contribuer le plus efficacement possible à la protection de la santé humaine.

Des valeurs de référence normalisées concernant le poids corporel, le volume d’air respiré, les quantités d’aliments, d’eau et de sol ingérées, et, dans la mesure du possible, des renseignements relatifs aux profils comportementaux des populations exposées font partie intégrante de l’estimation de l’exposition provenant de toutes les sources. L’annexe A donne une description des valeurs de référence se rattachant aux paramètres utilisés aux fins de l’estimation de la dose journalière totale de substances d’intérêt prioritaire pour cinq groupes d’âge distincts de la population du Canada en général ainsi que les motifs justifiant le choix de ces valeurs.

Il importe de souligner que les valeurs de référence figurant à l’annexe A et les concentrations présentes dans les divers milieux environnementaux utilisées pour l’évaluation de l’exposition de la population sont représentatives du citoyen canadien moyen. Comme il existe de grandes disparités entre les concentrations moyennes de substances chimiques dans les milieux environnementaux mesurées à différents emplacements, les doses journalières estimées provenant de divers milieux pour chacun des groupes d’âge sont généralement représentées par un éventail de valeurs moyennes. L’exposition d’une proportion significatif de la population sera incorporée à cet éventail. On tient également compte de certains segments de la population davantage exposés aux substances chimiques comparativement à la population en général (c’est-à-dire les groupes soumis à une exposition à risques élevés) lorsque cela semble pertinent et que l’on dispose de données suffisantes. Par exemple, des personnes habitant aux environs d’une source ponctuelle (telles que les émissions industrielles) peuvent être exposées par une ou plusieurs voies d’exposition à des concentrations plus élevées de substances chimiques, selon la forme sous laquelle ces substances sont libérées et la façon dont elles sont ultérieurement véhiculées ou transformées dans l’environnement. Chez les chasseurs et les pêcheurs de subsistance, l’absorption de certaines substances peut être élevée en raison de l’accumulation de ces dernières dans les espèces de gibier qu’ils consomment. Soulignons que des données pertinentes concernant l’exposition en milieu de travail, l’exposition para-professionnelle (chez les amateurs de passe-temps, par exemple), la toxicomanie et les fumeurs sont parfois examinées et présentées au cours d’évaluations portant sur des substances d’intérêt prioritaire; ces mêmes données, qui sont hautement variables et souvent pas typiques d’une majorité de la population générale, ne sont toutefois pas prises en compte aux fins de l’évaluation de la dose journalière totale, car elles relèvent plus à juste titre de lois autres que la LCPE. Cependant, l’exposition attribuable à des produits de consommation est essentiellement prise en compte au cours de l’évaluation de la dose absorbée dans l’air intérieur.

On décide au cas par cas de procéder à la sélection de « sous-groupes soumis à une exposition à risques élevés » pour lesquels seront évaluées des doses journalières totales. En plus de la dose estimée pour divers sous-groupes, la taille de la population exposée est un important facteur de pondération lié à la détermination de la toxicité. Par exemple, quand on évalue l’exposition de la population en général, les concentrations élevées auxquelles peu de personnes sont exposées dans des endroits isolés à la suite de déversements ou de fuites qui surviennent de façon intermittente sont considérées non pertinentes. Les facteurs supplémentaires suivants sont pris en compte dans la sélection des « sous-groupes soumis à une exposition à risques élevés » : les profils d’utilisation, le découpage environnemental de la substance, les principales voies d’exposition, l’accès à des données quantitatives sur les concentrations dans des milieux pertinents et la consommation.

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Les renseignements relatifs à la toxicocinétique d’une substance d’intérêt prioritaire ne sont généralement pas intégrés à l’estimation des doses journalières totales, car les doses journalières admissibles ou les estimations quantitatives du pouvoir cancérogène sont fondées sur des doses nominales auxquelles des animaux ou des être humains sont exposés au cours d’études toxicologiques ou épidémiologiques fondamentales.

3.2 Évaluation des effets

Différentes approches ont été adoptées en vue d’évaluer la « toxicité » d’une substance au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE, selon que son effet critique a un seuil ou non (les « substances toxiques avec seuil » ou les « substances toxiques sans seuil », respectivement). (L’effet critique est défini comme étant un effet significatif sur le plan biologique que l’on s’attend à observer à la plus faible dose ou concentration.) Pour ce qui est de nombreux types d’effets toxiques (c’est-à-dire sur un organe en particulier, le système nerveux ou le comportement, le système immunitaire, la cancérogenèse épigénétique, la reproduction et la croissance), on considère généralement qu’il y a une dose ou une concentration en deçà (c’est-à-dire, un seuil) de laquelle des effets nocifs ne peuvent pas être observés. En ce qui concerne d’autres types d’effets toxiques, on suppose, sans en avoir la preuve, qu’une certaine possibilité de nocivité existe quel que soit le degré d’exposition (c’est-à-dire qu’il n’existe pas de seuil). À l’heure actuelle, cette dernière hypothèse n’est considérée comme étant admissible qu’en ce qui concerne la mutagenèse et la cancérogenèse génotoxique.

Les substances chimiques sont conséquemment classées selon leur pouvoir cancérogène et mutagène chez l’être humain à la suite d’un examen rigoureux de la quantité, de la qualité et de la nature des résultats obtenus à partir des études toxicologiques et épidémiologiques dont on dispose. Les annexes B et C présentent respectivement la classification des substances d’intérêt prioritaire selon l’appréciation des preuves à l’appui de leur cancérogénicité et de leur mutagénicité.

3.2.1 « Substances toxiques sans seuil »

En ce qui concerne les substances dont l’effet critique est supposément dépourvu de seuil (c’est-à-dire qu’à l’heure actuelle, cette hypothèse est réservée à la mutagenèse et à la cancérogenèse génotoxique), on présume qu’elles peuvent présenter un danger pour la santé humaine quel que soit le degré d’exposition; il ne convient donc pas de calculer une dose en deça de laquelle on ne prévoit pas observer d’effets nocifs.

Par conséquent, les substances classées dans les groupes I (« Cancérogènes pour l’être humain ») ou II (« Probablement cancérogènes pour l’être humain ») de l’annexe B sont considérées comme étant « toxiques » au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE.

Les substances classées dans les groupes I (« Mutagènes pour les cellules germinales humaines ») ou II (« Probablement mutagènes pour les cellules germinales humaines ») de l’annexe C, pour lesquelles les preuves de cancérogénicité sont peu convaincantes, sont considérées comme étant « toxiques » au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE.

On a souvent recours à des modèles mathématiques pour extrapoler les données sur la relation exposition-effet ou dose-effet obtenues à partir d’études expérimentales réalisées chez des espèces animales ou d’études épidémiologiques généralement menées chez des travailleurs exposés en vue d’évaluer l’effet cancérogène des concentrations auxquelles la population en général est exposée. Cette démarche comporte de nombreux éléments d’incertitude; elle suppose d’ordinaire une extrapolation linéaire des résultats de plusieurs ordres de grandeur, et ce, souvent en l’absence de données pertinentes sur les mécanismes d’induction des tumeurs ou sur les différences existant entre les espèces animales de laboratoire et l’être humain sur les plans de la cinétique et de la dynamique toxicologiques.

On ne considère pas opportun de déterminer, aux fins de l’évaluation de la « toxicité » des substances toxiques sans seuil au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE, une concentration ou une dose associée à un niveau de risque négligeable ou de minimis (risque de cancer pendant la durée d’une vie de 1 sur 1 million, par exemple) qui serait obtenue au moyen du calcul de faibles doses par extrapolation. On évite ainsi de faire entrer en ligne de compte des considérations autres que scientifiques à cette étape (c’est-à-dire, rendre un jugement sociétal sur le degré qui constitue un risque de minimis). Il n’existe pas de valeur unique « exacte » caractérisant adéquatement le risque de minimis associé à une concentration ou à une dose en deça de laquelle les risques sont acceptables et au-dessus de laquelle ils ne le sont pas; le risque associé à de faibles doses ou concentrations est plutôt considéré comme étant un continuum : une réduction de l’exposition entraîne une réduction par incrément du risque et une augmentation de l’exposition entraîne une augmentation par incrément du risque. En outre, étant donné la nature considérablement incertaine des procédures actuelles de calcul de faibles doses par extrapolation, on considère également qu’il n’est pas approprié de préciser les risques en termes d’incidence prévue ou le nombre de décès excédentaires par unité de population.

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On reconnaît cependant que, même s’ils sont difficiles à caractériser, les risques à croissance incrémentielle associés à une exposition à de faibles concentrations de telles substances sont parfois suffisamment faibles pour être essentiellement négligeables en comparaison d’autres risques auxquels sont exposés les membres de la société. Par conséquent, il est parfois injustifié de prendre des mesures réglementaires visant à réduire une exposition. Les décisions concernant la nécessité de prévoir ou d’élaborer des stratégies en matière de réglementation peuvent être prises uniquement lorsqu’un équilibre judicieux est établi entre les risques estimés, les coûts et la faisabilité des mesures réglementaires envisagées ou les avantages pour la société (c’est-à-dire aux étapes suivant la détermination de la « toxicité » au sens de la Loi où l’on procède à l’analyse des options stratégiques envisagées).

Afin de caractériser le risque et d’orienter la façon dont sera établi l’ordre de priorité concernant les mesures à prendre suivant la détermination de la « toxicité » au sens de la Loi, les estimations quantitatives du pouvoir cancérogène et mutagène des composés classés dans les groupes I et II figurant aux annexes B et C doivent être comparées, si c’est possible, à la dose journalière estimée de substances d’intérêt prioritaire chez la population du Canada en général (ou chez certains sous-groupes soumis à une exposition à risques élevés) ou aux concentrations présentes dans des milieux pertinents (rapport appelé l’indice exposition/potentiel ou IEP). Le potentiel s’exprime par la concentration ou la dose qui entraîne une augmentation de 5 % de l’incidence des tumeurs ou des mutations héréditaires considérées comme étant associées à l’exposition1 ou des décès qui en résultent. Ces tumeurs ou mutations héréditaires sont soit observées u cours d’études épidémiologiques réalisées (généralement) chez des populations humaines exposées en milieu de travail, soit évaluées au moyen de données pertinentes à l’être humain obtenues à partir d’essais biologiques réalisés chez des animaux de laboratoire. Les estimations du potentiel se limitent généralement aux effets pour lesquels on observe une augmentation statistiquement significative de l’incidence et une relation dose-effet; elles sont calculées au moyen de modèles mathématiques appropriés tels que le modèle multi-états.

Tout modèle bien adapté aux données empiriques paraît offrir une estimation raisonnable du potentiel; le choix d’un modèle n’est peut-être pas crucial puisque l’estimation se situe dans l’échelle des doses observées, et que, de ce fait, de nombreuses incertitudes associées au calcul par extrapolation d’une dose faible sont éliminées. La valeur de 5 % est arbitraire; le choix d’une autre valeur n’aurait pas d’incidence sur l’ordre de grandeur relatif des indices exposition/potentiel (IEP) établis pour chacun des composés d’une série. La suite des mesures
à prendre (c’est-à-dire, l’analyse des options visant à réduire l’exposition) est considérée comme étant de haute priorité pour les IEP de 2,0 × 10 -4 (approx.) ou plus, de priorité moyenne pour les IEP supérieurs ou égaux à 2,0 × 10 -6 (approx.) et inférieurs à 2,0 × 10 -4 (approx.) et de faible priorité pour les IEP inférieurs à 2,0 × 10 -6 (approx.). Donc, lorsque l’exposition estimée est une très faible proportion de la concentration ou de la dose qui provoque une augmentation de 5% du
nombre de tumeurs, la priorité pour analyser des options afin de réduire l’exposition est faible.

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Dans la mesure du possible et si on le juge approprié, les renseignements concernant la pharmacocinétique, le métabolisme et les mécanismes de la cancérogénicité et de la mutagénicité sont intégrés aux estimations quantitatives du potentiel, surtout lorsqu’ils sont obtenus à partir d’études réalisées chez les animaux (de manière à offrir une mesure pertinente du potentiel pour les populations humaines).

Le fait de ne pas établir un seul niveau de risque de minimis rend possible une évaluation de la « toxicité » des « substances toxiques sans seuil » fondée, lorsque c’est possible, sur des considérations scientifiques. Cette approche s’accorde également avec l’objectif de réduire autant que possible l’exposition aux « substances toxiques sans seuil ».

3.2.2« Substances toxiques avec seuil »

Pour l’évaluation de la « toxicité » des substances classées dans les groupes IV (« peu susceptibles d’être cancérogènes pour l’être humain »), V (« probablement non cancérogènes pour l’être humain ») ou VI (« substances inclassables en ce qui concerne le cancérogénicité chez l’être humain ») en vertu des critères énoncés à l’annexe B, on a fait appel à l’approche adoptée à l’égard des « substances toxiques avec seuil » comme le décrit la présente section. Les substances toxiques avec seuil sont les substances pour lesquelles on ne considère pas le cancer ou une mutation héréditaire comme étant l’effet critique. On reconnaît toutefois que, pour au moins une de ces catégories (le groupe VI), l’adoption d’une telle approche repose parfois davantage sur le manque de données relatives à la cancérogénicité que sur une certaine connaissance de l’effet critique. Même si cette façon de procéder peut sembler moins que prudente, la dose journalière admissible est calculée, pour les composés de ce groupe, en fonction de très importants facteurs d’incertitude (afin de rendre compte de l’insuffisance de la base de données), afin de garantir une certaine protection face à la cancérogénicité potentielle de tels composés.

On détermine, lorsque cela est possible, la dose (ou la concentration) d’une substance chimique qui n’engendre aucun effet (nocif) [soit « la dose sans effet (nocif) observé » (DSE(N)O)2] correspondant au point critique, généralement à partir d’études toxicologiques sur des animaux de laboratoire, mais quelquefois à partir d’études épidémiologiques sur les populations humaines. Lorsque l’on ne peut déterminer la valeur de la DSE(N)O, il convient d’établir une « dose minimale avec effet (nocif) observé » (DME(N)O). Il faut prendre en considération la nature et l’importance de l’effet critique (et, dans une certaine mesure, l’importance de la pente de la courbe dose-effet) dans la détermination de la DSE(N)O ou de la DME(N)O. Par exemple, la concentration ou la dose induisant une augmentation passagère du poids d’un organe non accompagnée d’effets de nature biochimique ou histopathologique est généralement considérée comme une DMEO. Si l’on observe des effets nocifs concomitants de nature histopathologique dans l’organe-cible, la concentration ou la dose à laquelle sont observés ces effets serait considérée comme une DMENO.

On applique un facteur d’incertitude à la DSE(N)O ou à la DME(N)O pour établir une dose ou une concentration journalière admissible (DJA ou CJA)3. Il s’agit de la dose ou de la concentration à laquelle on estime qu’une personne peut être exposée quotidiennement durant sa vie entière sans effet délétère.4 Idéalement, la DSE(N)O est établie à partir d’une étude portant sur une exposition à laquelle est soumise pendant une exposition chronique l’espèce la plus sensible ou la plus appropriée (ce choix est fondé, dans la mesure du possible, sur des différences entre espèces liées à des paramètres pharmacocinétiques ou à des mécanismes d’action). On peut également utiliser à cette fin des études menées sur les sous-populations les plus sensibles5(c’est-à-dire des embryons ou des foetus des études portant sur le développement) dans lesquelles la voie d’administration (lorsqu’il s’agit d’études sur des animaux de laboratoire) est analogue à la principale voie d’exposition des êtres humains. Il ne convient généralement pas d’établir les doses ou les concentrations journalières admissibles selon des données provenant d’études sur des états aigus ou d’études à court terme (à moins que l’on ne s’attende que des études à plus long terme donnent des résultats analogues). Il faut occasionnellement recourir à des données tirées d’études subchroniques pour établir les doses ou les concentrations admissibles, car les études sur la toxicité chronique conçues et menées de façon appropriée ne renferment pas toujours des données pertinentes, dans lequel cas il faut ajouter un facteur d’incertitude supplémentaire. Par exception, lorsque les études ne permettent pas d’établir une DSE(N)O ou une DME(N)O en fonction de la principale voie d’exposition chez l’être humain, on peut utiliser s’il y a lieu une DSE(N)O ou une DME(N)O déterminée à partir d’un essai biologique faisant appel à une autre voie d’exposition. Dans de tels cas, il convient d’ajouter au calcul les données pharmacocinétiques pertinentes.

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Le facteur d’incertitude est établi au cas par cas, surtout en fonction de la qualité de la base de données. Un facteur de 1 à 10 est d’ordinaire utilisé pour exprimer les variations intraspécifiques et interspécifiques6 . On fait appel à un facteur supplémentaire de 1 à 100 pour rendre compte des insuffisances de la base de données. Ces insuffisances englobent notamment le manque de données appropriées concernant la toxicité relative au développement, la toxicité chronique ou la toxicité relative à la reproduction, le recours à une DME(N)O plutôt qu’à une DSE(N)O, et les lacunes de l’étude déterminante, mais ne s’y limitent pas forcément. On peut intégrer un facteur d’incertitude supplémentaire s’échelonnant de 1 à 5 dans les cas où on dispose de renseignements suffisants pour montrer que la substance à l’étude a un potentiel d’interaction avec d’autres substances chimiques ordinairement présentes dans l’environnement général. Si la substance chimique est essentielle ou profitable à la santé humaine, il convient également de prendre en considération les besoins alimentaires dans l’établissement de la dose ou de la concentration journalière admissible. Exceptionnellement, lorsqu’on calcule la DJA ou la CJA pour des effets graves, (c’est-à-dire la teratogenicité), un facteur d’incertitude supplémentaire de 1 à 10 peut être incorporé. Les valeurs numériques du facteur d’incertitude s’étendent normalement de 1 à 10 000. Des facteurs d’incertitude supérieurs à 10 000 ne sont pas pertinents, car ils seraient associés à une base de données dont les limitations constitueraient en elles-mêmes un obstacle à la détermination d’une DJA ou d’une CJA fiables. Dans les cas où le facteur d’incertitude est inférieur à 10 000, mais où le protocole de l’étude déterminante comporte des limitations, une « DJA provisoire » ou une « CJA provisoire » peut être établie.

La valeur attribuée à la DJA, à la CJA, à la « DJA provisoire » ou à la « CJA provisoire » est comparée à la dose journalière totale estimée d’une substance chimique absorbée par les différents groupes d’âge de la population du Canada et, dans certains cas, par certains sous-groupes soumis à une exposition à risques élevés. On peut également comparer cette valeur aux concentrations présentes dans les milieux environnementaux pertinents.

Une substance dont la dose journalière totale estimée chez les différents groupes d’âge de la population du Canada (ou certains sous-groupes) ou dont les concentrations dans les milieux environnementaux pertinents dépassent ou pourraient dépasser la DJA, la CJA, la « DJA provisoire » ou la « CJA provisoire » est considérée comme étant « toxique » au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE; une substance dont la dose journalière totale estimée ou dont les concentrations dans les milieux environnementaux pertinents sont d’une valeur inférieure à la DJA, à la CJA, à la « DJA provisoire » ou à la « CJA provisoire » n’est pas considérée comme

En ce qui a trait aux « substances toxiques avec seuil » considérées comme étant « toxiques » au sens de l’alinéa 11c) de la LCPE, on compare la dose journalière totale estimée de la substance chez la population du Canada en général ou sa concentration dans les milieux environnementaux pertinents à la DSE(N)O ou à la DME(N)O, à partir desquelles est établie la DJA ou la CJA, en vue d’orienter l’établissement de l’ordre de priorité des mesures qui suivront la détermination de leur « toxicité » en vertu de la Loi.

Il est possible, lorsque les données le permettent, de recourir à une autre approche faisant appel à l’estimation de la « dose-repère », c’est-à-dire à l’estimation, à partir d’un modèle, d’un taux d’incidence particulier (5 %, par exemple) de l’effet critique. La dose-repère est plus précisément la dose effective (ou la limite inférieure de confiance de cette dernière) qui entraîne une certaine hausse de l’incidence supérieure à celle du groupe témoin. La dose-repère s’obtient par la modélisation des données d’observation et par la sélection du point sur la courbe (ou la limite supérieure de confiance de la courbe) qui correspond à une augmentation déterminée de l’incidence d’un effet. Tout modèle bien adapté aux données empiriques est susceptible de fournir une estimation raisonnable de la dose-repère, et le choix du modèle peut ne pas être critique puisque l’estimation se situe dans l’échelle des doses observées. La dose-repère a l’avantage de tenir compte de la pente de la courbe dose-effet, de la taille des groupes à l’étude ainsi que de la variabilité des données utilisées aux fins de l’établissement du seuil véritable.

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3.2.3« Substances toxiques susceptibles d’être sans seuil »

Les substances classées comme « susceptibles d’être cancérogènes pour l’être humain » (groupe III de l’annexe B) sont généralement évaluées selon une méthode semblable à celle qu’on utilise pour les « substances toxiques avec seuil »; la détermination de leur « toxicité » au sens de la LCPE s’effectue par comparaison de la dose journalière totale d’une substance chez les différents groupes d’âge de la population du Canada ou de sa concentration dans les milieux environnementaux pertinents à la valeur estimée pour la DJA ou la CJA selon les modalités décrites précédemment pour les groupes IV à VI. De façon exceptionnelle, on peut toutefois intégrer au calcul de la DJA ou de la CJA des substances classées comme « susceptibles d’être cancérogènes pour l’être humain » un facteur d’incertitude supplémentaire (d’une valeur allant de 1 à 10), afin de rendre compte de l’insuffisance de la preuve de leur cancérogénicité. Dans certains cas, lorsqu’on le juge approprié7 , on compare les estimations quantitatives du potentiel cancérogène de ces substances (ou de leur potentiel d’induction de mutations héréditaires) à la dose journalière estimée chez la population du Canada du général ou à la concentration dans les milieux environnementaux pertinents. Il est ainsi possible de caractériser le risque et d’orienter l’établissement de l’ordre de priorité des mesures qui suivront l’évaluation de la « toxicité » au sens de la Loi.


1.La DT 0,05 n’est pas fondée sur la limite de confiance, mais elle est plutôt calculée directement à partir de la courbe. Ce calcul est considéré comme approprié : les données expérimentales étant stables, elles évitent les hypothèses prudentes et inutiles. En outre, le recours à une estimation ponctuelle ou à une limite de confiance n’influe pas sur l’ordre de grandeur relatif des estimations de puissance établies à l’égard de différents composés.

2.Se reporter à l’annexe D pour les définitions.

3.Les DSE(N)O et les DME(N)O sont également modifiées par un facteur supplémentaire intervenant dans la conversion d’une exposition intermittente en une exposition continue aux fins du calcul des DJA.

4.Les valeurs de référence concernant la dose ou le poids corporel de différentes espèces utilisées aux fins du calcul de la DJA sont présentées à l’annexe E.

5.« Les populations sensibles » ne comprennent toutefois pas une faible proportion d’individus considérés comme hypersensibles pour lesquels il faut prendre des mesures réglementaires exceptionnelles.

6.Lorsque l’on dispose de données suffisantes, on subdivise les facteurs liés aux variations interspécifiques et intraspécifiques de façon à ce que soient traitées séparément les différences observées sur les plans cinétique et dynamique. En ce qui a trait aux variations intraspécifiques, on a notamment proposé l’adoption d’un facteur de 2,5 pour la dynamique et d’un facteur de 4 pour la cinétique; pour les variations interspécifiques, des facteurs respectifs de 3,2 et de 3,2 ont été proposés (Rapport du PISSC intitulé Discussions on Deriving Guidance Values for Health-Based Exposure Limits présenté dans le cadre du Programme international sur la sécurité des substances chimiques, Genève, 1992). Il en résulte que l’intégration de données liées à la toxicocinétique et à la toxicodynamique, lorsqu’il est possible d’y avoir accès, donne généralement lieu à une réduction des facteurs d’incertitude appliqués.

7.Il existe, par exemple, des données convaincantes en faveur du caractère génotoxique d’une substance ou des renseignements sur les mécanismes d’action indiquant que le composé est susceptible d’être cancérogène, mais les essais biologiques chroniques n’établissent pas une preuve suffisante de cancérogénicité en raison probablement des limitations des études.

Mise à jour : 2006-02-03 Haut de la page