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Les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en milieu institutionnel : Document de travail rédigé à partir de documentation en langue anglaise

Le présent rapport a été rédigé dans le cadre d'un contrat par

Charmaine Spencer
Gerontology Research Centre
Simon Fraser University
Harbour Centre

pour la

Division de la santé mentale
Direction des services de santé
Santé Canada
Juin 1994

Notre mission est d'aider les Canadiens et les Canadiennes à maintenir et à améliorer leur état de santé.

Santé Canada

La reproduction non commerciale du présent document à des fins éducatives ou cliniques est autorisée. Prière toutefois de citer la source.

Les opinions exprimées dans le présent document sont celles de l'auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Santé Canada.

Publié par la Direction générale des programmes et des services de la santé, Santé Canada

Also available in English under the title

Abuse and Neglect of Older Adults in Institutional Settings: A Discussion Paper Building from English Language Resources.

© Ministère des Approvisionnements et Services Canada

No de cat.: H72-21/133-2-1995F

ISBN 0-662-80001

Table des matières

Avant-propos

Résumé

Chapitre 1 Introduction

La notion de milieu institutionnel

Le rôle particulier des établissements

But du document de travail

Portée de la discussion

Terminologie

Principes directeurs

Chapitre 2 Élaboration des définitions

Le milieu humain

Point de vue des pensionnaires sur les soins et les milieux humains
Le concept de la négligence et de la violence en milieu institutionnel
Continuum d'actes de violence et de négligence

Comparaison de la violence et de la négligence à l'égard des

personnes âgées en milieu institutionnel et dans la collectivité

Risque de violence ou de négligence

La violence et la négligence en milieu institutionnel peuvent être des crimes

Définitions divergentes

Violence et négligence systémiques

La question de l'intention

Chapitre 3 Comprendre le problème

Fréquence des cas de violence et de négligence

Dans la collectivité

Dans les établissements

Pourquoi se produit-il des cas de violence et de négligence en milieu institutionnel?

Chapitre 4 Le milieu institutionnel

Caractéristiques des établissements

Vie en groupe

Normalisation des services

Les pensionnaires considérés comme une population homogène

Normes officielles en matière de qualité des soins

Obligation de rendre des comptes

Structure hiérarchique

Structure du pouvoir

Relations professionnelles ou de travail

Dualité des établissements en tant que résidence de la personne et établissement de soins

Modèle de soins médicaux ou de soins en milieu surveillé

Séparation par rapport à la collectivité

Caractéristiques du personnel

Caractéristiques des pensionnaires

Sexe et état civil

Bien-être physique

Bien-être mental

Dépression

Troubles cognitifs

Différences linguistiques et culturelles

Chapitre 5 Repérage, signalement et enquête

La nécessité d'un système de repérage

Signes révélateurs : Quels sont-ils'!

Signes révélateurs lies au comportement, à l'état psychologique et au milieu

Problèmes de repérage particuliers au milieu institutionnel

Le signalement
Principes

Démarche

Soutien au signalement

L'enquête
Poser «la question»

Documentation

Preuve

Issue

Les obstacles au signalement et à l'enquête
Obstacles pour les pensionnaires

Obstacles pour le personnel

Surmonter les obstacles au signalement des problèmes

Autres raisons de signaler un incident ou d'effectuer une enquête
Plaintes non fondées

Plaintes délictueuses

Plaintes sans importance

Considérations morales liées à la constatation et au signalement des incidents
Caractère confidentiel

Dénonciation

L'éthique, la loi et le signalement

Lois sur le signalement des cas de violence et de négligence en établissement

Chapitre 6 Interventions

Lignes directrices concernant les interventions

Évaluer la gravité du cas

Soutenir la personne violentée ou négligée

Ne pas porter de jugement

Éviter d'agir en «sauveteur»

Éviter la victimisation de la personne violentée ou négligée

Autres épineux aspects des interventions
Rôle des syndicats et des associations professionnelles

Le renvoi par rapport à d'autres options

Cas d'arbitrage du travail

Protection juridique concernant le signalement de cas et l'intervention

Chapitre 7 Prévention

Stratégies de prévention à l'interne

Stratégies administratives

Stratégies axées sur les pensionnaires

Stratégies axées sur le personnel

Stratégies de prévention au sein de la collectivité

Rôle de la collectivité

Sensibilisation des bénévoles et des familles

Supervision des établissements

Protecteur des citoyens

Chapitre 8 Conclusion

Annexes

A Principes des Nations Unies pour les personnes âgées

B Exemples de violence et de négligence en milieu institutionnel

C Indicateurs communs de la violence et de la négligence en milieu institutionnel

D Protocole type relatif à la gestion de la violence et de la négligence1

E Tenue d'entrevues dans les cas de violence et de négligence soupçonnés et fondés6

F La loi en rapport à la violence et à la négligence en milieu institutionnel7

G Membres des groupes de consultation et de planification6

Avant-propos

Depuis le début de 1992, la Division de la santé mentale travaille en collaboration avec des associations professionnelles, des éducateurs, des associations bénévoles et d'autres organismes afin d'élaborer des ressources documentaires sur la violence et la négligence a l'égard des personnes âgées et de compléter les ressources existantes. Alors que les travaux initiaux ont porté sur les collectivités, les travaux subséquents ont considérablement traité des milieux institutionnels.

Ce travail s'inscrit dans le cadre de l'Initiative fédérale sur la violence familiale en vertu de laquelle la Direction des services de la santé bénéficie d'un soutien financier pendant quatre ans, soit d'avril 1991 à mars 1995. Le mandat de la Direction est de sensibiliser davantage les professionnelles et professionnels de la santé à la question de la violence familiale et de promouvoir l'élaboration de ressources et de matériel de formation en vue d'accroître la capacité des dispensateurs de soins de santé de s'attaquer efficacement à ce problème.

A cet égard, on s'est surtout concentré sur du matériel de formation, des lignes directrices à l'intention des collectivités, des approches pédagogiques et des documents pratiques. La prévention et l'intervention précoce sont des aspects importants de tout le travail, tout comme une attention particulière aux besoins des personnes touchées par la violence au cours de leur vie.

Notre documentation affirme les droits des personnes âgées à l'autodétermination, au respect et à la dignité. Jusqu'à maintenant, la Division de la santé mentale a publié les documents suivants sur la violence et la négligence à l'égard des personnes âgées :

  • Sensibilisation et réaction de la collectivité : Violence et négligence à l'égard des aînés, document publié par Santé Canada en mars 1993;
  • Trousse de formation et ressources ù l'intention des fournisseurs de services Mauvais traitements et négligence envers les personnes âgées, en cours d'impression.
Cette série sur la violence et la négligence à l'égard des personnes âgées dans les milieux .institutionnels comprend les publications suivantes :
  • Les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en milieu institutionnel : Document de travail rédigé à partir de documentation en, langue anglaise;
  • Les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en milieu institutionnel : Document de travail rédigé à partir (le documentation en langue française;
  • Les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en milieu, institutionnel : Bibliographie commentée;
Le présent document Les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en milieu institutionnel : Document (le travail rédigé à partir de documentation en langue anglaise fait état des ressources documentaires en langue anglaise sur la question et met l'accent sur les répercussions liées à l'élaboration des programmes et des politiques.

Le document Les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en milieu institutionnel : Document de travail rédigé à partir de documentation en langue française qui paraîtra au début de 1995, invite une réflexion sur les politiques et les pratiques à partir de la documentation en langue française.

La Bibliographie commentée fournit une vue d'ensemble de ressources documentaires choisies, parus en français et en anglais au Canada et en Amérique du Nord. Des documents non publiés sont également répertoriés, et on peut les consulter à la bibliothèque et au centre de documentation appropriés.

Le Centre national d'information sur la violence dans la famille, qui relève de Santé Canada, assure la distribution de tous les documents de cette série. Tél. :(613) 957-2938 (Ottawa-Hull) ou sans frais au, 1-800-267-1291 Télécopieur : (613) 941-8930 ATME: (613) 952-6396 (Ottawa-Hull) ou ATME sans frais au 1-800-561-5643

Les travaux relatifs aux ressources documentaires traitant de la violence et de la négligence à l'égard des personnes âgées en milieu institutionnel ont été amorcés en décembre 1992 par un groupe de planification national qui a examiné les besoins prioritaires et les mesures qui pourraient être prises pour y répondre.

Ces documents sont le résultat du travail du groupe de planification initial et de l'orientation précise dictée en juin 1993 par un groupe consultatif national qui a assuré jusqu'en juin 1994 la supervision de l'élaboration du contenu des premiers documents (la liste des membres des groupes de planification et de consultation est annexée en G).

Charmaine Spencer, du centre de recherche gérontologique de l'université Simon Fraser, au Harbour Centre, a entrepris la collecte et la révision de tous les documents en langue anglaise pour la bibliographie commentée, ainsi que la préparation d'un document de travail. Marie Beaulieu, de l'Université du Québec à Rimouski, a entrepris quant à elle la collecte et la révision des ressources documentaires en français pour la bibliographie commentée, et la préparation de l'autre document de travail.

Des collègues réviseurs de toutes les régions du Canada ont revu les ébauches du premier document de travail au printemps de 1994 et ont formulé des commentaires constructifs pour la rédaction du texte final. Teresa Lukawiecki a collaboré à la collecte préliminaire des ressources documentaires, à la coordination de la rédaction et à la préparation des documents finals aux fins de publication. Ma collègue Pauline Chartrand, de la Division des systèmes de services de santé, a travaillé en collaboration avec la Division de la santé mentale à toutes les étapes de la conception et la mise en oeuvre de ce projet.

Le travail accompli a grandement bénéficié de la compétence, de la contribution et de l'engagement des deux groupes consultatifs, des auteurs et de nombreux collègues réviseurs d'un peu partout au Canada qui ont collaboré à la rédaction du texte final. Nous les remercions de l'attention qu'ils ont accordée à ce domaine important et des points de vue et de l'expérience dont ils nous ont fait profiter.

Joan E. Simpson Coordonnatrice, Programme de prévention de la violence familiale Division de la santé mentale, Direction des services de la santé Direction générale des programmes et des services de la santé Santé Canada

Septembre 1994

Résumé

Les personnes âgées représentent la plus grande partie de la population vivant dans des établissements et, tout comme d'autres groupes institutionnalisés, elles sont particulièrement vulnérables à la violence ou à la négligence. Pourtant, la sensibilisation à la violence et à la négligence en milieu institutionnel ne s'est pas accrue au sein de la population et parmi les professionnelles et professionnels autant que pour la violence et la négligence dans la société en général.

Le présent document de travail fait un survol général des concepts et des questions concernant la violence et la négligence en milieu institutionnel. Les principaux objectifs sont d'accroître la sensibilisation à ce sujet tout en stimulant la discussion et l'intervention à ce chapitre. L'accent est essentiellement mis sur la création d'un milieu dans lequel le respect, la dignité et la protection contre les mauvais traitements infligés aux pensionnaires sont la norme. Plus particulièrement, le document vise à aider les personnes qui travaillent en établissement, personnel et cadres, à comprendre les questions relatives à la violence et à la négligence en ce qu'elles touchent leurs programmes et leurs établissements. Le document peut également s'avérer utile pour les pensionnaires et leurs familles.

Résumé des chapitres

Le chapitre 1 décrit la violence et la négligence dans les établissements, énonce la terminologie et expose les principes directeurs visant la création de relations positives au sein des établissements. Le terme «établissements» couvre l'éventail des installations qui dispensent des soins aux personnes âgées, depuis les hôpitaux de soins actifs jusqu'aux centres de soins infirmiers, en passant par les grands établissements qui abritent des centaines de pensionnaires et les foyers d'accueil ou les foyers de groupe accueillant un faible nombre de pensionnaires, les établissements syndiqués ou non syndiqués, ceux financés par le gouvernement ou exploités par le secteur privé, et ceux qui sont administrés par des groupes ethniques particuliers ou des oeuvres de bienfaisance. Tout en soulignant qu'il n'y a pas deux établissements identiques, l'introduction tente de décrire les problèmes communs qui ont trait à la violence et à la négligence en milieu institutionnel.

Le chapitre 2 présente une description générale d'un milieu humain dans lequel le personnel et la direction prodiguent des soins aux pensionnaires et se préoccupent d'eux. On y laisse les pensionnaires exprimer ce que constitue un milieu humain. Le document cerne certaines difficultés inhérentes à la création d'un milieu humain et explique comment la violence et la négligence peuvent survenir en l'absence d'un tel milieu.

La définition de la violence ou mauvais traitements et de la négligence en établissement est la suivante : «tout acte ou omission à l'égard d'un ou d'une pensionnaire qui cause un préjudice à la personne ou la prive indûment de son autonomie». Cette définition fait ressortir les conséquences ou les répercussions des actes posés envers les pensionnaires et met en veilleuse les intentions sous-jacentes. La dernière partie du chapitre fait ressortir des situations dans lesquelles l'intention devient pertinente.

Il est aussi question des similitudes et des différences entre la violence et la négligence au sein de la collectivité et en milieu institutionnel. On y donne des définitions de la négligence (active et passive), des violations de droits et de la violence d'ordre physique, psychologique, sexuel, financier et médical. L'expression «violence ou mauvais traitements et négligence» comprend également les problèmes systémiques qui existent dans les établissements comme les procédures et les procédés qui semblent neutres, mais qui ont un effet négatif sur le bien-être des pensionnaires.

Des exemples de mauvais traitements, de violence et de négligence, y compris la violence systémique, sont fournis à l'annexe B.

Le chapitre 3 explore ce que l'on sait actuelle ment de la violence et de la négligence en milieu institutionnel, avec une attention particulière sur la fréquence et les causes. Alors que certaines explications portent sur des traits de caractère, d'autres envisagent les causes liées au milieu, comme la façon dont les gens interagissent en établissement et le mode de répartition des ressources. Plusieurs études indiquent que les mauvais traitements infligés aux pensionnaires ne sont pas des cas rares et isolés.

Le chapitre 4 décrit les particularités de la vie en établissement qui peuvent entraîner la violence ou la négligence, telles que la normalisation des services, la structure hiérarchique et la séparation des établissements par rapport aux collectivités. On aborde également les caractéristiques des personnes âgées qui vivent en établissement qui peuvent les rendre vulnérables, y compris le sexe, les difficultés de communication et les problèmes de santé mentale ou physique. Les caractéristiques diversifiées et changeantes de la population pensionnaire et du personnel complètent le chapitre.

Le chapitre 5 décrit la façon de déterminer, de signaler et de documenter les cas de violence et de négligence en établissement ainsi que les méthodes d'enquête. Il y est question des indicateurs de violence et de négligence ainsi que des questions morales comme la confidentialité, la dénonciation et le signalement obligatoire. On y décrit également les nombreux obstacles aux signalements et aux enquêtes sur les cas de violence et de négligence. Une liste détaillée de ces indicateurs est annexée en C.

Le chapitre 6 traite du moment opportun d'agir et de la façon de s'y prendre, tout en reconnaissant les problèmes d'intervention particuliers au milieu institutionnel. Ce chapitre met l'accent sur la nécessité d'examiner chaque situation de façon indépendante et objective, d'évaluer la gravité du cas de violence, d'éviter la victimisation de la personne maltraitée et de soutenir à toutes les étapes de la démarche la ou le pensionnaire touché. Un guide d'entretien avec les personnes en cause dans des cas de violence ou de négligence est fourni à l'annexe E.

Le chapitre 7 souligne l'importance de la prévention et met l'accent sur deux principaux types de stratégies visant à prévenir la violence et la négligence. La reconnaissance que le problème existe, l'amélioration de la qualité des soins ainsi que l'élaboration et l'utilisation de protocoles et de méthodes comptent parmi les stratégies internes particulières destinées aux administrateurs, aux pensionnaires et au personnel. Un protocole type se trouve à l'annexe D.

Les stratégies de prévention destinées aux pensionnaires comprennent des stratégies de défense, des conseils de pensionnaires et des conseils de famille. Les principales mesures de prévention destinées au personnel comprennent l'amélioration de la formation ainsi que la création et la promotion de conseils de pensionnaires et de conseils de famille. Les stratégies externes soulignent l'importance d'une intervention accrue de la collectivité dans les établissements comme moyen de résoudre le problème.

Un certain nombre de points de discussion ont été soulevés tout au long du document afin d'inviter les personnes à réfléchir à des questions générales et particulières, notamment

  • Jusqu'à quel point devrait-on élargir ou limiter les définitions de mauvais traitements et de négligence en établissement?
  • Quelle devrait-être la portée de la responsabilité d'un établissement envers ses pensionnaires?
On demande également aux lectrices et lecteurs de tenir compte des similitudes et des différences entre la violence et la négligence en établissement et dans la collectivité.

Deux autres annexes sont fournies comme ressources documentaires, soit la déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes âgées et un survol des lois ayant trait à la violence et à la négligence en milieu institutionnel. La liste des membres du groupe consultatif chargé de la conception de la série de documents sur les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en établissement est annexée en G.

Chapitre 1 Introduction

Au cours des 15 dernières années, la population du Canada a commencé à se rendre compte que la violence et la négligence à l'égard des personnes âgées sont un problème social grave. En général, les décideurs, les fournisseurs de services, les chercheurs et la population ont mis l'accent sur les actes de violence et de négligence commis au sein de la collectivité, au détriment des cas de violence et de négligence en milieu institutionnel. Cependant, depuis peu, cette question revient plus souvent dans les tribunes publiques 1.

Plusieurs raisons expliquent ce retard; en voici quelques-unes.

  • Les actes de violence et de négligence en milieu institutionnel sont souvent traités comme des incidents isolés.
  • Il n'existe parfois pas de mesures de détection de la violence et de la négligence. Dès lors, les mauvais traitements peuvent passer inaperçus, n'être pas signalés ou ne pas faire l'objet de mesures correctives.
  • Les normes régissant les soins en établissement n'ont pas été évaluées du point de vue de la qualité de vie. Des situations qui pourraient être considérées comme étant inacceptables dans la collectivité peuvent se produire sans que personne ne s'y oppose en milieu institutionnel. C'est le cas, par exemple, lorsqu'il y a fouille des objets personnels d'un pensionnaire, imposition de restrictions ou administration de doses excessives de médicaments.

La notion de milieu institutionnel

Le milieu institutionnel, dans le sens général du terme, est un endroit où les personnes âgées sont logées et nourries et où elles reçoivent certains soins. En revanche, la nature, la durée et la portée des services offerts varient considérablement. Ainsi, on groupe sous l'appellation «établissement» les hôpitaux de soins actifs, les foyers de groupe, les foyers d'accueil pour personnes âgées, les établissements à grande surface et les établissements de soins prolongés. Dans le présent document, le terme «établissement» désigne donc une vaste gamme de milieux institutionnels, allant des établissements où un personnel syndiqué dispense des soins à des centaines de personnes aux établissements de petite taille et non agréés, qui tiennent davantage de pensions.

On désigne aussi comme établissements les installations financées par les secteurs privé et public et celles qui sont gérées par un groupe ethnique ou religieux particulier ou encore par une oeuvre de bienfaisance. Les établissements peuvent être administrés de façon très structurée ou sans formalités. Les services offerts varient grandement et peuvent souvent être limités par les fonds disponibles.

Le rôle particulier des établissements

Malgré une forte pression sociale qui encourage maintenant les personnes âgées à vieillir à la maison, ou qui préconise la disponibilité de soins près du domicile, il y aura toujours des cas où les besoins d'une personne vulnérable sur le plan physique ou mental ne pourront être satisfaits qu'en milieu institutionnel2. Lorsqu'une personne est admise dans un établissement, on s'attend que le personnel puisse répondre à ses besoins selon certaines normes, dans un milieu où l'on se souciera de cette personne en plus de prendre soin d'elle.

Il peut être très exigeant de fournir constamment des soins de bonne qualité à chacun des pensionnaires d'un établissement, particulièrement lorsque les ressources sont limitées. Admettre que les conditions prévalant en milieu institutionnel peuvent inciter à la violence et à la négligence, c'est franchir le premier pas vers la résolution du problème et le maintien ou le rétablissement d'un milieu sain. Dans le module de formation du personnel du Saskatchewan Institutional Abuse Project, on fait remarquer que :

.les préoccupations quant à l'éventualité de mauvais traitements dans les établissements de soins prolongés et dans les foyers privés non familiaux ne signifient pas que les personnes qui dispensent des soins dans ces établissements sont mauvaises, incompétentes ou violentes. Elles reflètent plutôt la sensibilisation grandissante à l'égard de la complexité et de la charge physique et émotive liées à la prestation de soins...3

But du document de travail

Le présent document donne un aperçu général des questions et des concepts relatifs à la violence et à la négligence en milieu institutionnel. Il vise principalement la sensibilisation, tout en stimulant les discussions et l'action. L'intérêt fondamental est de créer un milieu qui favorise le respect, la dignité et la protection des personnes âgées.

Ce document est destiné aux personnes qui travaillent dans les établissements, autant le personnel que les cadres, afin qu'elles comprennent les questions relatives à la violence et à la négligence en ce qu'elles touchent leurs programmes et leurs établissements. Ce document de travail peut être utile aux pensionnaires et aux membres de leurs familles ainsi qu'à une grande partie de la population, y compris les personnes âgées, les organismes pour les personnes âgées, les groupes de défense des intérêts, les groupes communautaires, les associations professionnelles et les syndicats.

Portée de la discussion

Ce document de travail ne recense pas tous les cas de violence ou de négligence qui peuvent se produir e dans un établissement. La violence est parfois accidentelle ou perpétrée par des personnes n'ayant aucun lien avec l'établissement (p. ex. un cambrioleur). D'autres cas de mauvais traitements, comme les personnes qui se négligent ou qui refusent les traitements, peuvent résulter d'un choix conscient des pensionnaires et ne sont pas abordés dans la discussion.

Bien que le propos ici soit la violence et la négligence infligées aux personnes âgées, bon nombre des questions abordées touchent également les adultes plus jeunes. En fait, on peut en apprendre très long sur ses propres croyances et préjugés relativement aux personnes âgées en se demandant constamment si l'on traiterait une jeune personne de la même façon.

Le document de travail fait une large place à la violence et à la négligence à l'égard des pensionnaires. Bien que certains passages portent principalement sur la nature interactive de la violence et de la négligence entre personnel et pensionnaires, le présent document ne vise pas à examiner tous les cas de négligence imputés au personnel. Prenons le cas d'un membre du personnel qui frappe une ou un pensionnaire après que celui-ci l'ait frappé : voilà un exemple de la nature interactive de la violence et de la négligence entre le personnel et les pensionnaires. Dans le contexte d'une relation entre dispensateur et bénéficiaire de soins, bien que le premier ait à se protéger des coups, il est à la fois non professionnel et inacceptable de réagir au comportement de la ou du pensionnaire en le brutalisant physiquement ou verbalement.

On fait mention des éléments communs des cas de violence et de négligence à l'égard des personnes âgées. En outre, on donne certains conseils pratiques pour limiter les incidents et les régler. Bien que les types d'intervention puissent varier, selon la nature et la taille de l'établissement, la majorité des solutions proposées sont réalisables avec des ressources limitées. Il n'existe pas de solutions miracles. Les solutions pour atténuer la violence et la négligence devront être conçues par les personnes qui assurent le fonctionnement des établissements.

Terminologie

On préfère l'expression «mauvais traitements et négligence envers les personnes âgées» à celle de «violence à l'égard des aînés» parce que cette dernière expression peut entraîner une stigmatisation et éventuellement attirer l'attention uniquement sur les personnes les plus âgées, alors que tout le groupe des membres les plus âgés de la société est touché. De surcroît, le terme «aîné» peut prendre une signification plus précise chez les membres de collectivités autochtones ou ethniques ou de communautés religieuses.

Le terme «établissement» désigne une grande variété de milieux résidentiels, communautaires et familiaux, dans lesquels des soins et des services sont dispensés par des personnes rémunérées. Les termes «installations» et «établissement» sont employés comme synonymes et désignent tous les milieux institutionnels.

Le terme «pensionnaire» désigne les personnes qui reçoivent des soins en établissement (patients, clients et pensionnaires). L'usage de cette terminologie met l'accent sur l'aspect humain de la relation et non sur la connotation associée au terme proprement dit.

On utilise l'expression «violence et négligence en milieu institutionnel» dans son sens général afin de décrire les divers types de comportements de violence ou de négligence qui se produisent en milieu institutionnel.

Principes directeurs4

Les principes directeurs suivants peuvent aider à définir ce qui constitue ou non un mauvais traitement ou un acte de négligence. Ils peuvent en outre guider le déroulement des enquêtes et des interventions.

Principe du citoyen à part entière

Les personnes âgées, qu'elles vivent dans la collectivité ou dans un établissement, méritent d'être traitées comme des citoyens à part entière qui jouissent comme tous de certains droits fondamentaux à la vie : gîte, couvert, vêtements, soins médicaux et relations sociales. Ce principe est implicitement reconnu dans la Charte canadienne des droits et libertés et est admis à l'échelle internationale par les Nations Unies (voir à l'annexe A les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées).

Principe du milieu humain

Tous les pensionnaires ont droit à un milieu où l'on répond à leurs besoins, tant sur le plan technique que physique, ainsi qu'aux autres besoins (émotif, social, racial, culturel, intellectuel, spirituel et sécuritaire). Ce principe reconnaît qu'un des principaux buts de la prévention, du dépistage ou de l'intervention en matière de violence et de négligence est de rétablir le caractère humain du milieu. Toutes les personnes travaillant au sein d'un établissement ont le même droit à un milieu humain et positif, qu'il s'agisse de bénévoles ou de membres des familles, du personnel soignant ou du personnel administratif. Lorsqu'un conflit survient entre les droits et les besoins, les droits des pensionnaires ont la priorité, alors qu'il faudra peser le pour et le contre en ce qui concerne les intérêts divergents.

Principe de la dignité et du respect de tous

Personne, qu'il s'agisse des pensionnaires ou du personnel, ne doit faire l'objet de violence ou de négligence. Les cas de violence ou de négligence touchent tout le monde, dans une certaine mesure.

Principe de la qualité de vie

Tout le monde a la responsabilité de veiller à ce que tous les pensionnaires soient traités de manière à optimiser leur sentiment de bien-être et de satisfaction.

Principe du respect de l'autonomie des pensionnaires

Les pensionnaires ont le droit de prendre des décisions les concernant, dans la mesure du possible, et ils ont le droit de recevoir le soutien nécessaire pour les mettre en oeuvre. Le respect de l'autonomie des personnes exige l'engagement de mettre en place des conditions qui créent des choix et encouragent les personnes à prendre des décisions.

Principe de la compétence

Tous les pensionnaires ont le droit d'être présumés aptes à prendre des décisions en leur propre nom, à moins de preuve du contraire. Au besoin, tous les pensionnaires ont droit au soutien et à l'aide nécessaires pour comprendre la situation et prendre des décisions éclairées

Principe du soutien

En cas d'incapacité d'action indépendante, tous les pensionnaires ont le droit de recevoir la forme d'aide, de soutien ou de protection la plus efficace tout en étant la moins contraignante ou stigmatisante. Ce principe vaut plus particulièrement lorsque la personne risque de faire l'objet de violence ou de négligence. Le principe du soutien reconnaît que, dans bon nombre de cas, l'autonomie n'est pas automatique. Les gens doivent affirmer leur droit à une liberté ou à un avantage particulier. Pour les pensionnaires, il peut être extrêmement difficile, voire pratiquement impossible, de défendre ce droit de leur propre chef. Par conséquent, les personnes âgées peuvent avoir besoin du soutien de leur entourage pour que le principe de l'autonomie soit respecté.

Principe de l'accessibilité

Les personnes âgées ont besoin de recevoir de l'information, du soutien et de l'aide, fournis d'une façon qu'ils peuvent comprendre, afin qu'ils puissent bien connaître leurs droits et les faire valoir. Les explications qu'on leur donne doivent être faciles à lire, en différentes langues et offertes sous diverses formes pour ceux et celles qui auraient un handicap ou des problèmes d'alphabétisation. Les mesures de soutien doivent tenir compte des besoins particuliers de chaque personne.

Notes en fin de chapitre 1

1 .Greene, B. et E. Anderson, Rompre le silence sur les mauvais traitements infligés aux Canadiens âgés : la responsabilité de tous, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1993. Ce rapport souligne entre autres le besoin d'effectuer des recherches sur la violence et la négligence en milieu institutionnel.

2. Lightman, E., A Community of Interests: The Report of the Commission of Inquity into Unregulated Residential Accomodation, Toronto, Publications Ontario, 1992, p. 45. «Aging in place» rend compte de la tendance à créer des services communautaires afin que les gens puissent demeurer dans leur maison le plus longtemps possible.

3. Sous-comité du comité directeur de l'Institutional Abuse Project (1993), «Section 1: Understanding Abuse in Care Facilities», Training Module, Regina (Saskatchewan) (publication à venir), p. 2.

4. Comité de travail mixte (Interministry Committee on Issues Affecting Dependent Adults and Project to Review Adult Guardianship), How Can We Help? A New Look at Self Determination, Interdependence, Substitute Decisionmuking and Guardianship in B.C., Vancouver, Interministry Committee on Issues Affecting Dependent Adults and Project to Review Adult Guardianship, 1992.

Chapitre 2 Elaboration des définitions

Le milieu humain

La négligence et la violence en milieu institutionnel se comprennent le plus aisément quand elles sont replacées dans le contexte des moyens les plus appropriés de traiter les pensionnaires et, plus particulièrement, des normes de «qualité des soins». Pour les pensionnaires, la qualité des soins et des services est l'élément qui influe sur la qualité de vie et le «milieu humain» dans les établissements1.

On peut considérer les soins dispensés en milieu institutionnel comme une constante qui varie selon la quantité, le type et la durée des soins et des services fournis. Certains établissements offrent de nombreux services, ou d'autres n'offrent que quelques services spécialisés. Le type de services peut être offert dans des foyers d'accueil ou des foyers de groupe qui fournissent un soutien et des service limités selon les besoins de pensionnaires n'ayant qu'un ou deux problèmes de santé mineurs ou par des établissements de soins de longue durée pour des pensionnaires à besoins multiples qui nécessitent une surveillance ou des traitements continus. La durée des services peut également varier selon qu'il s'agit d'hôpitaux de soins actifs qui répondent à des situations médicales critiques ou d'établissements pour malades chroniques où l'on soigne les personnes jusqu'à leur décès.

Dans certains établissements les services plus intensifs représentent un complément des services auparavant fournis à la personne (p. ex. un ou une pensionnaire peut avoir fréquenté un centre de soins de jour pour adultes situé dans un établissement voisin avant d'être admis dans l'établissement présent lorsque ses besoins se sont compliqués). Les établissements varient également du fait que certains visent la réintégration des personnes dans la collectivité alors que d'autres ne le font pas. Les personnes âgées réintègrent généralement la collectivité à la suite d'un traitement à l'hôpital, mais rarement après leur admission dans un foyer de soins infirmiers.

Au sens le plus élémentaire, un établissement est un organisme officiel où des personnes travaillent dans un but commun et partagent les mêmes responsabilités, soit de fournir des soins de qualité aux pensionnaires. La notion de soins, dans ce contexte, comprend non seulement l'acte de dispenser des soins aux personnes, mais aussi le fait de se préoccuper d'elles.

On distingue deux aspects des soins : les soins d'ordre technique et ceux d'ordre interpersonnel2. D'une part, les soins techniques se rapportent à la façon dont la science et la technologie sont mises en application à l'égard d'un problème de santé dont une personne est atteinte (p. ex. la médication, l'intervention chirurgicale, la nutrition, l'hygiène et l'orientation des soins physiques). D'autre part, les soins interpersonnels font référence aux interactions sociales et psychologiques entre le et la pensionnaire et l'ensemble (les membres du personnel qui sont en relation avec la personne, y compris le personnel responsable de l'entretien et les diététistes. Les soins interpersonnels visent également les aspects plus intimes du milieu dans lequel les soins sont prodigués (p. ex. le confort, la courtoisie, l'acceptation, la rapidité du service et le respect de l'intimité).

Les jugements sur la qualité des soins ne visent souvent pas les soins de santé en soi, mais indirectement les personnes qui fournissent les soins, de même que les milieux et les systèmes dans lesquels les soins sont dispensés3.

Bien que le concept de «bons soins» (ou l'expression «qualité des soins» souvent utilisée dans le domaine des soins de santé) semble simple, il est difficile de formuler des mesures observables ou quantifiables relativement aux bons soins. Pour les soins techniques, la qualité des soins signifie que l'on atteint l'équilibre le plus favorable entre les risques et les avantages en rapport aux besoins du pensionnaire. La qualité appliquée aux soins interpersonnels se définit à la lumière de valeurs et de normes sociales établies qui régissent la façon dont les personnes interagissent.

Ces normes sont renforcées en partie par le code de déontologie des professions de la santé et les attentes de chaque pensionnaire. Dans une certaine mesure, la qualité est évalué en fonction du respect de ces valeurs, normes et attentes4.

Le principal objectif des soins en milieu institutionnel devrait être d'aider les pensionnaires à vivre et à surmonter des handicaps ou des déficiences d'une façon qui reconnaît ce qu'ils peuvent faire, tout en les encourageant à exercer un certain degre d'autonomie dans leur vie, dans la mesure du possible. Pour les personnes âgées vivant en établissement, la vie doit suivre un modèle de vie normale, ce qui suppose la mise en place de lignes de conduite souples qui se prêtent à ce que les personnes âgées exercent un degré d'autonomie élevé qui s'inscrit dans la foulée du modèle de vie qu'elles suivaient avant d'être admises en établissement5.

Point de vue des pensionnaires sur les soins et les milieux humains

Dans les établissements, les pensionnaires attachent souvent de l'importance à des mesures personnelles des soins. Une étude nationale sur les foyers de soins infirmiers révèle que les pensionnaires attachent surtout de l'importance à la qualité du personnel6. Notamment, on prime particulièrement les bonnes relations avec les aides-soignantes et soignants car ce sont eux qui prodiguent généralement aux pensionnaires les soins les plus intimes que ceux-ci reçoivent, les aidant à s'habiller, à soigner leur personne, à se baigner, à se nourrir et à se soulager7.

Les pensionnaires attachent plus de valeur à l'attitude du personnel qu'à une bonne formation, aux aptitudes, aux connaissances ou au caractère approprié de la dotation en personnel. Du point de vue des pensionnaires, des soins de bonne qualité signifient que le personnel est serviable, poli, de bonne humeur, courtois, respectueux, patient, attentionné et sympathique. Des soins de bonne qualité signifient également un personnel qui aide promptement et sans se plaindre, qui prend le temps d'écouter, qui témoigne de compassion sans faire preuve de condescendance et qui démontre du respect à l'égard de la fragilité et de la dignité des personnes âgées8.

Nombre de ces critères de qualité dépassent les pouvoirs des membres du personnel. Par exemple, ceux-ci ne peuvent rien contre le manque d'employés qui peut les contraindre à expédier leurs tâches ou les empêcher d'interagir avec les pensionnaires, faute de temps.

Le concept de la négligence et de la violence en milieu institutionnel

On entend par mauvais traitements et négligence tout acte ou omission à l'égard d'une ou d'un pensionnaire d'un établissement qui lui cause un préjudice ou le prive indûment de son autonomie.

Les actes de violence et de négligence peuvent être commis par un membre du personnel ou par une autre personne jouissant de la confiance de la personne âgée, comme un membre de sa famille, pendant que la ou le pensionnaire reçoit des soins en établissement. Un préjudice causé par d'autres pensionnaires peut également être considéré comme une forme de violence lorsque l'établissement n'a pas protégé adéquatement la victime. Des types de violence et de négligence qui se produisent en milieu institutionnel (voir aussi l'annexe B)9 sont énumères ci-après.

Négligence : fait de ne pas répondre aux besoins d'une ou d'un pensionnaire qui ne peut pas combler lui-même ses besoins. On distingue deux formes de négligence.

  • La négligence active : intentionnellement omettre de veiller aux besoins fondamentaux ou aux soins physiques ou mentaux. Les besoins fondamentaux comprennent les vêtements, la nourriture, l'eau, la chaleur, le logement, le traitement médical, les médicaments ainsi que le matériel ou les aides nécessaires.
  • La négligence passive : ne pas fournir les services et les soins de base, sans intention délibérée de causer un préjudice. La négligence passive prend notamment les formes suivantes :
  • le refus de dispenser des services en raison d'un manque d'expérience, d'information ou d'aptitudes;
  • le manque d'hygiène orale quotidienne;
  • l'abandon.
Violence physique : tout acte de violence ou mauvais traitements, qu'il en résulte ou non des blessures physiques. Elle comprend les actes suivants :
  • frapper ou gifler;
  • forcer les pensionnaires à faire des mouvements, particulièrement les pensionnaires qui souffrent d'arthrite;
  • utiliser des moyens de contrainte chimiques ou physiques sans autorisation ni supervision.
Violence psychologique : tout acte susceptible de porter atteinte à la dignité et à l'estime de soi d'une personne âgée. Elle comprend les actes suivants :
  • le confinement,
  • l'isolement;
  • l'agression verbale;
  • l'humiliation;
  • l'infantilisation.
Exploitation sexuelle : tout comportement sexuel à l'endroit d'une personne âgée sans son consentement entier et informé. Ce comportement comprend les actes suivants
  • l'agression sexuelle;
  • le harcèlement sexuel,
  • tout acte qui vise à utiliser la personne âgée en vue de la gratification sexuelle de l'agresseur.
Exploitation financière : toute conduite non appropriée, avec ou sans le consentement informé de la personne âgée, qui entraîne un gain financier ou personnel pour l'agresseur ou une perte financière ou personnelle pour la personne âgée. Les exemples d'exploitation financière comprennent les actes suivants :
  • l'usurpation des ressources financières d'autrui par la ruse ou le vol;
  • l'appropriation ou l'usage indu de l'argent ou des biens d'autrui; le fait de contraindre une personne à vendre sa maison ou ses biens; le fait de contraindre une personne à modifier son testament; l'exercice d'une influence, de coercition ou de pressions indues sur une personne âgée en vue de lui faire céder son argent ou ses biens; l'emploi à mauvais escient d'un mandat de fiduciaire, d'un compte bancaire conjoint, d'une procuration ou d'une tutelle.
Violation des droits civils et des droits de la personne : non-respect des droits fondamentaux d'une personne âgée (tel qu'ils sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés, la déclaration des droits de l'homme des Nations Unies et à la déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes âgées). Les exemples comprennent les actes suivants :
  • la non-divulgation de renseignements;
  • le non-respect du droit à l'intimité, des droits de visite et du culte religieux;
  • la restriction de la liberté;
  • le confinement d'une personne à l'hôpital ou à un établissement;
  • lire le courrier d'autrui sans permission;
  • le fait de ne pas informer une personne de ses droits.
Usage préjudiciable de soins médicaux : toute intervention ou traitement médical qui est administré sans la permission de la personne âgée ou de son mandataire légal. On fait également référence ici aux actes qui sont exclus des pratiques médicales reconnues. Parmi les exemples, citons les suivants
  • l'usage de médicaments, de prescriptions ou de traitements sans le consentement de la personne;
  • le fait de ne pas administrer des médicaments prescrits ou de donner à la personne une dose excessive de médicaments (moyens de contrainte chimiques);
  • l'administration de force d'un traitement;
  • l'administration d'un traitement expérimental sans le consentement informé de la personne,
  • l'exécution d'actes médicaux non nécessaires;
  • le refus de laisser un pensionnaire consulter son propre médecin,
  • l'administration des traitements par groupes, y compris au moment de la distribution des médicaments;
  • l'usage de traitements sans ordonnance ou qui dépassent le cadre de l'ordonnance du médecin.
Certains actes peuvent entrer dans plus d'une catégorie de violence ou de négligence. Certaines personnes peuvent caractériser un comportement de «violence physique» tandis que d'autres le qualifieront de «violence psychologique» ou de «négligence». À titre d'exemple, si un pensionnaire incontinent demande de l'aide pour aller à la salle de bains et qu'on lui répond : « Vous portez des couches de toute façon, faites-y donc vos besoins», on peut définir cet acte comme étant de la négligence (fait de ne pas fournir des soins adéquats) ou comme une violence psychologique (refus du droit à la dignité et au respect). Dans des cas extrêmes, si l'acte s'est produit de façon répétitive et a causé des troubles physiques chez le pensionnaire, on peut le qualifier de violence physique.

La violence et la négligence en milieu institutionnel peuvent prendre diverses formes, par exemple :

  • un acte isolé qui va totalement à l'encontre de la notion de conduite appropriée telle qu'elle est entendue dans la société (p. ex. donner des coups de poing à un pensionnaire);
  • la répétition de n'importe quel type de violence ou de négligence (particulièrement la violence psychologique ou la violation des droits);
  • une série d'actes, dont chacun en soi peut ne pas être suffisant pour constituer de la violence ou de la négligence, mais pris dans l'ensemble, causent un préjudice à la personne ou minent sa dignité, son estime de soi et son autonomie. Par exemple, le fait de ne pas parler à un ou une pensionnaire pendant qu'on lui prodigue des soins, de ne pas fermer le rideau pour préserver l'intimité d'une ou d'un pensionnaire qui s'habille, d'isoler socialement un ou une pensionnaire en le laissant dans son lit sont tous des actes potentiels de violence psychologique.
Discussion :
  • Quels types de préjudices devraient-être compris dans la définition de la violence et de la négligence en milieu institutionnel?
  • En quoi le fait d'inclure la violence ou la négligence à l'égard d'un ou d'une pensionnaire par un conjoint ou un autre membre de sa famille influe-t-il sur le problème?
  • Quelles répercussions sur les pensionnaires ou le milieu humain aurait l'exclusion de ces autres catégories des lignes de conduite ou des protocoles?
  • Quelle devrait être la part de responsabilité d'un établissement quant à la protection des pensionnaires contre les préjudices que pourraient leur infliger des membres de leur famille, des bénévoles ou d'autres pensionnaires?
Continuum d'actes de violence et de négligence

Les mauvais traitements et la négligence en milieu institutionnel peuvent aller d'incidents mineurs à des cas très graves, formant un continuum d'actes de violence et de négligence. Le fait qu'un comportement entre dans ce continuum dépend, en grande partie, du degré de préjudice causé au pensionnaire. On doit évaluer le comportement dans l'optique d'un milieu humain. On doit également le considérer du point de vue d'une personne qui ne peut pas se retirer de la situation. Bien que les perspectives des personnes et des établissements varient considérablement quant au classement des actes de violence ou de négligence dans le continuum, la plupart des personnes s'entendent sur les actes qui correspondent à la définition juridique de violence et de négligence extrême, comme l'agression.
 
bonne qualité de vie 
qualité de vie décroissante 
mauvais traitements et négligence 
violence et négligence définies en termes juridiques dans le Code criminel et par les organismes de réglementation professionnelle 

Comparaison de la violence et de la négligence à l'égard des personnes âgées en milieu institutionnel et dans la collectivité

Tant dans les milieux institutionnels qu'au sein des collectivités, les mauvais traitements et la négligence font état d'un abus de pouvoir et de la violation d'une relation de confiance 10. Toutefois, dans les établissements, il s'agit de types particuliers de relations. Le pouvoir ou la position de confiance peuvent être conférés par la loi ou en vertu d'une entente contractuelle, d'un code professionnel, d'une description de poste ou de la nature de la relation.

Bien que la violence et la négligence en milieu institutionnel soient typiquement associées à des dispensateurs de soins professionnels, elles peuvent aussi mettre en cause des bénévoles, des visiteurs, des membres de la famille, d'autres pensionnaires et des professionnelles et professionnels qui rendent visite aux pensionnaires. Certains cas sont qualifiés de violence ou de négligence, non pas parce que les cadres ou les membres du personnel de l'établissement ont fait quelque chose, mais plutôt parce qu'ils n'ont pas pris les mesures nécessaires pour protéger la ou le pensionnaire contre l'agresseur.

Parmi l'ensemble des pensionnaires, il peut se trouver des personnes âgées qui ont été maltraitées ou qui ont été agresseurs avant de venir à l'établissement. Parfois, la violence qui se produisait dans la collectivité peut continuer en milieu institutionnel, par exemple lorsqu'une personne violente demeure dans le même établissement que son conjoint ou qu'un ou une pensionnaire est maltraité par un membre de la famille lorsque celui-ci lui rend visite.

Dans les collectivités, on s'efforce d'en arriver à un consensus sur ce qui constitue de la négligence. Bien que le concept de négligence soit lié à un devoir ou à une responsabilité envers l'adulte, la part de responsabilité de la famille dans la prestation de soins ou de soutien aux personnes âgées n'est pas clairement établie. En général, on ne qualifie une situation de cas de négligence que lorsqu'une personne a accepté la responsabilité, soit générale ou particulière, de dispenser des soins à autrui. En revanche, si la personne n'assume pas cette responsabilité de prime abord, elle est moins susceptible de se faire taxer de négligence.

Dès qu'une personne âgée entre en établissement, on cerne l'obligation de l'établissement touchant la prestation de soins. La négligence peut être fonction du degré et de la qualité des soins et des services fournis ou de la manière dont ceux-ci sont dispensés. Les questions liées aux normes de prestation des soins comprennent les circonstances suivantes

  • · l'établissement peut ne pas être régi par des règlements et ne suivre que quelques normes officielles;
  • les normes peuvent ne pas être actualisées en rapport aux valeurs, aux normes et aux priorités de la collectivité;
  • les normes peuvent être mises en application de façon arbitraire, en fonction de critères internes qui n'ont rien à voir avec les normes générales de la collectivité;
  • les normes ne tiennent compte que des besoins élémentaires en matière de nourriture, de logement et d'hygiène, plutôt que de l'objectif plus général qui est d'optimiser le bien-être des pensionnaires.
Risque de violence ou de négligence

Un établissement consiste en un ensemble de personnes et de ressources régies par une série de règles établies visant l'objectif commun qui consiste à fournir des soins. Les établissements existent parce que, en tant qu'organismes collectifs, ils peuvent accomplir davantage qu'une personne seule. De même, sur le plan de la prestation des services, ils peuvent s'avérer plus efficaces et rentables.

Le caractère collectif des établissements signifie que les possibilités de violence ou de négligence peuvent être accrues. La nature des établissements crée des écarts marqués entre le pouvoir conféré aux cadres, au personnel, aux pensionnaires et aux familles. Comme l'a observé le ministère du Procureur général de l'Ontario, l'institutionnalisation engendre en soi une vulnérabilité11. Les pensionnaires peuvent être plus vulnérables sur le plan physique et psychologique ou il peut leur être difficile d'éviter le contact avec un agresseur, particulièrement si l'établissement est leur milieu de vie permanent. En outre, comme il y a davantage d'interactions et de personnes dispensant des soins, les possibilités de mauvais traitements peuvent s'accroître à mesure que l'obligation de rendre des comptes diminue. En revanche, comme il y a un nombre plus élevé de personnes pour être témoins des problèmes, on dénote des possibilités plus grandes de déceler les cas de violence et de négligence.

Comme Alice a une mauvaise vue, elle a besoin d'aide la nuit pour aller à la salle de bains parce qu'elle est désorientée. De plus, avec ses problèmes d'arthrite, il lui est difficile de sortir de son lit.

Certaines nuits, l'aide-soignante essaie de presser Alice pour pouvoir terminer toutes ses tâches et répondre aux besoins des 30 autres pensionnaires. Parfois, l'aide-soignante fait la sourde oreille aux appels d'Alice, ce qui laisse cette dernière dans un état de grand malaise physique, car elle doit retenir sa vessie pendant de longues périodes. De fait, une infection de la vessie a résulté de ce problème. Durant d'autres quarts de travail, quand des membres du personnel temporaire viennent remplacer le personnel permanent, il arrive qu'Alice souffre parce qu'ils ne savent pas l'aider de façon appropriée.

Récemment, les membres du personnel ont décidé de mettre des couches à Alice, car elle a mouillé son lit à plusieurs reprises. Pour Alice, cela représente la forme ultime d'abaissement. Puis, un jour, son fils découvre qu'on lui a posé une sonde sans permission ni explication.

La violence et la négligence en milieu institutionnel peuvent être des crimes

De nombreux actes de violence ou de négligence sont plus que des pratiques répréhensibles : ils peuvent être aussi des crimes. Le Guide to Legal Issues in Elder Abuse Prevention dresse la liste des situations suivantes, où la violence et la négligence représentent des actes criminels :

  • le fait de frapper une personne constitue une voie de fait;
  • la personne, y compris le conjoint, qui a une relation sexuelle avec une personne âgée sans sa connaissance ou son consentement commet une agression sexuelle;
  • le fait de s'approprier des biens ou de l'argent du compte d'une personne âgée, ou
  • encore de s'approprier un chèque ou d'autres documents sans sa connaissance ou son consentement, constitue un vol;
  • le fait de modifier des documents, de signer au nom d'une autre personne ou de la tromper pour lui faire signer un document constitue un usage de faux;
  • le fait de ne pas fournir les «nécessités de la vie» (nourriture, logement, vêtements, assistance médicale) à quiconque sous sa garde qui, en raison de son âge, de la maladie ou d'une autre faiblesse, ne peut pas subvenir à ses besoins ni mettre fin à la garde dont elle fait l'objet constitue une négligence criminelle12.

Définitions divergentes

Un débat important a été amorcé sur la portée souhaitable de la définition de mauvais traitements et de négligence. Les termes «mauvais traitements» et «négligence» sont utilisés à des fins particulières et dans des contextes précis. Dans certains cas, ces termes dénotent une désapprobation sociale à l'endroit de certains actes, tandis que dans d'autres cas, ils légitiment l'intervention dans des situations autrement considérées comme privées.

Les définitions de ces termes varient en fonction des professions. Les travailleuses et travailleurs sociaux, les médecins, la police et les avocates et avocats de l'aide juridique ont des mandats et des domaines de compétence précis et ils sont donc susceptibles d'interpréter les notions de mauvais traitements et de négligence dans l'optique de leur propre mandat. Ils se demandent alors : «Quelle aide puis-je apporter?».

Les valeurs et les croyances personnelles ont également une incidence sur les définitions de la violence et de la négligence. Les personnes ont des degrés de tolérance variés pour la violence et peuvent avoir des perceptions négatives à l'égard des personnes âgées. Une étude a démontré que 20 p. 100 des praticiennes et praticiens qui travaillent auprès de personnes âgées estiment que les personnes âgées maltraités sont, dans une certaine mesure, responsables de la négligence ou de la violence dont ils font l'objet. Les personnes consultées ont déclaré que certaines personnes âgées ont des personnalités ou des habitudes personnelles difficiles ou des degrés de dépendance qui contribuent au fait qu'ils sont maltraités 13. On a dit des pensionnaires qu'ils sont «maussades», «déraisonnables », «exigeants» ou «apitoyés sur leur sort»14. Pour ces raisons, il est crucial que tous soient conscients de leurs valeurs personnelles à l'endroit de la vieillesse et de la violence et qu'ils amorcent une réflexion concernant la façon dont ces valeurs influent sur leur manière de prodiguer des services.

Des facteurs culturels peuvent également avoir une incidence sur le fait qu'un cas particulier peut être qualifié ou non d'acte de violence ou de négligence. Comme les personnes se parlent et interagissent différemment au sein de collectivités ethnoculturelles différentes, des comportements considérés comme étant violents sur le plan psychologique pour quelqu'un d'un milieu ethnoculturel donné peuvent ne pas être perçus comme tels par une personne provenant d'un autre rnilieu15. Toutefois, on ne doit pas considérer que ces valeurs minimisent l'effet des actes de violence et de négligence envers les personnes âgées. Il est important de souligner que, bien que les différences d'ordre personnel, culturel ou social aident à expliquer pourquoi certaines personnes âgées peuvent ne pas considérer un acte comme violent ou préjudiciable, ces différences ne constituent pas une justification ni une excuse pour l'agresseur. La question à laquelle on doit répondre est en fait la suivante : «Quelles normes devraient prévaloir?»16.

Violence et négligence systémiques

On perçoit souvent la violence et la négligence comme des actes isolés qu'une personne inflige à une autre; cette perception met l'accent sur la responsabilité individuelle. Toutefois, les établissements ne sont pas des ensembles de personnes qui agissent indépendamment les

unes des autres. Par leur nature intrinsèque, les établissements sont des systèmes formés de personnes qui ont des responsabilités et des rôles autorisés par l'établissement. Collectivement et individuellement, leurs actes peuvent renforcer et soutenir des conditions favorables ou défavorables à la perpétration d'actes de violence et de négligence. Pour cette raison, il faut regarder le fonctionnement du système institutionnel et examiner la manière dont il influe sur la vie des pensionnaires âgés. Dans certains cas, le mode de fonctionnement de l'établissement crée, facilite ou engendre de la violence ou de la négligence.

La violence et la négligence systémiques sont des situations préjudiciables créées, tolérées ou facilitées par des procédés et des démarches employés dans les établissements.

La violence et la négligence systémiques comprennent toutes les situations qui favorisent ou permettent n'importe laquelle des formes générales de violence et de négligence précitées. Elles comprennent également le fait de ne pas prévoir des mesures de sûreté suffisantes pour les pensionnaires et le personnel, ni de mécanismes de recours une fois qu'il y a préjudice.

En général, les situations préjudiciables découlent de procédés et de démarches qui, à première vue, semblent avoir été mis en place en vue de fournir des soins. Souvent, les procédés véhiculent un sentiment de légitimité qui est faussement rassurant, et d'où la difficulté de remettre en question leur bien-fondé. Par exemple, un établissement peut avoir adopté une politique qui autorise les membres du personnel à regarder dans les tables de nuit des pensionnaires en tout temps pour vérifier si elles ne contiennent pas d'alcool ni de médicaments, dans l'intention de protéger les pensionnaires atteints de troubles cognitifs.

Edmond est constamment en conflit avec les membres du personnel du matin parce que ceux-ci commencent à réveiller les pensionnaires à 6 h, sinon plus tôt. Le personnel a reçu la directive de faire habiller tous les pensionnaires pour qu'ils soient prêts à 7 h parce que les règlements stipulent que l'intervalle séparant les repas ne doit pas dépasser 14 heures. (Le souper est servi à 17 h.) Edmond affirme verbalement que cette pratique va à l'encontre des habitudes d'alimentation et de sommeil qu'il a eues toute sa vie, ainsi que de celles de plusieurs autres pensionnaires. Les membres du personnel lui répondent: «Ce n'est pas nous qui décidons des règlements; nous ne faisons que les suivre».

La négligence systémique comprend des situations où l'établissement (ou le système qui le régit directement) ne fournit ou ne structure pas ses ressources d'une manière qui permette la conformité à une norme reconnue de soins. Par exemple, on a attribué certaines formes de négligence en milieu institutionnel au déséquilibre du rapport personnel-pensionnaires; pourtant, les pénuries de personnel sont courantes dans les centres de soins infirmiers 17.

Les pénuries de personnel sont causées par divers facteurs, y compris les budgets attribués par les gouvernements, les priorités établies par le conseil d'administration de l'établissement, l'horaire élaboré par les chefs de service et les décisions prises par chaque membre du personnel de se présenter ou non au travail. La négligence d'un membre du personnel à l'égard d'une ou d'un pensionnaire au cours d'une nuit pourrait être considérée comme ayant été causée par l'employé ou comme attribuable à des décisions, des priorités et des affectations budgétaires imputables à d'autres personnes. Pour remédier à la négligence dans cette situation, il faudrait modifier le comportement de la personne ainsi que les conditions institutionnelles qui ont influé sur son comportement. Le traitement des cas de violence et de négligence devient alors une responsabilité commune de l'ensemble de l'établissement, des organismes extérieurs qui touchent et façonnent son mode de fonctionnement ainsi que de la collectivité.

Le centre Bonne Entente est un nouveau foyer d'accueil abritant des personnes atteintes de troubles cognitifs et d'autres pensionnaires. Fait particulier à noter, le centre possède des demi-portes verrouillées. Bien que ces portes ne soient pas en conformité avec les règlements provinciaux en matière de protection contre les incendies, on considère que leur usage est avantageux parce qu'il faut moins d'employés pour veiller à ce que les pensionnaires atteints de troubles cognitifs n'errent pas dans les couloirs. L'installation de ces portes a été un critère important, car un autre établissement a été poursuivi en justice après qu'un pensionnaire errant eut été blessé. Un effet secondaire de l'existence de ces demi-portes verrouillées est que les autres pensionnaires doivent demander la permission ou de l'aide pour quitter leur chambre.

La question de l'intention

Devrait-on inclure la notion d'intention de causer un préjudice dans les définitions de la violence et de la négligence? Cette question a fait couler beaucoup d'encre et a suscité de vives discussions au sein des collectivités. La question de l'intention est soulevée selon au moins deux points de vue.
  • Lorsque les conséquences sont les mêmes, devrait-on traiter un préjudice non intentionnel de la même façon qu'un acte délibéré?
  • Quelles sont les diverses conséquences sur le plan du signalement? À certains endroits où sont en vigueur des mesures législatives en matière de protection des personnes âgées, les intervenants doivent signaler les cas de violence ou de négligence lorsque le préjudice est intentionnel. Si le préjudice n'est pas intentionnel, il n'y a pas d'obligation de dénonciation18.
Tenant compte de toutes les formes de violence et de négligence et considérant qu'elles peuvent être causées par diverses personnes (membres du conseil d'administration, cadres, aides-soignantes et soignants, personnel infirmier et médecins), est-il possible de déterminer si le préjudice est intentionnel? Le conseil d'administration et les cadres voulaient peut-être respecter les budgets; le personnel était peut-être pressé par le temps. Étant donné qu'en général il incombe aux établissements de dispenser des soins appropriés aux pensionnaires, l'incidence d'un acte ou d'une omission devient la question prépondérante, et non pas le fait de déterminer si le préjudice était intentionnel.

Plutôt que de mettre l'accent sur l'intention, il est plus important de considérer la façon dont l'acte ou l'approche d'une personne affecte le bien-être mental et physique d'une ou d'un pensionnaire. La priorité absolue consiste à remédier au préjudice et non pas à mettre l'accent sur la culpabilité de l'agresseur. En outre, l'imposition d'un critère d'intention en milieu institutionnel peut créer un climat d'opposition et une attitude défensive entre les personnes, plutôt qu'un esprit de soutien et de sensibilisation.

On doit tenir compte de l'intention lorsque l'on traite avec une personne qui a commis un acte de violence ou de négligence, particulièrement si l'on décide de démettre la personne de son poste19. Même dans les compétences où le signalement des cas de violence et de négligence est obligatoire, la présence ou l'absence d'intention ne serait pertinente que pour la décision de signaler ou non le cas à des organismes extérieurs, sans limiter les mesures à l'interne que peuvent prendre les cadres ou le personnel pour régler le problème.

Notes en fin de chapitre 2

1. Riemen, D.J., «Noncaring and caring in the clinical setting», Topics in Clinical Nursing, vol. 8, no 2, (1986), p. 30-36.

2. Les sources suivantes contiennent des descriptions intéressantes des notions de «qualité de vie» et de «qualité des soins»: Fleishman, R. et R. Ronen, «Quality care and maltreatment in Israel's institutions for the elderly» dans Wolf, R.S. et S. Bergman (éd.), Stress Conflict and Abuse of the Elderly, Jérusalem, JDC-Brookdale Institute of Gerontology and Adult Human Development, 1989, p. 33-49; Glass, A.P., «Improving quality of care and life in nursing homes», Journal of Gerontology, vol. 7, no 3, 1988, p. 406-419.

3. Wierucka, A., B. Barnett, E. Boutscha, D. Goodridge, B. Hack, E. McKean et L. Wolf, Institutional Abuse Report, document inédit du Winnipeg Municipal Hospital, maintenant appelé le Riverview Health Centre, 1992.

4. Wierucka, A., B. Barnett, E. Boutscha, D. Goodridge, B. Hack, E. McKean et L. Wolf, Institutional Abuse Report, (document inédit du Winnipeg Municipal Hospital, le 27 novembre 1992, p. 2. L'hôpital est maintenant appelé le Riverview Health Centre.

5. Wierucka et coll.

6. Tellis-Nayak, V. et M. Tellis-Nayak, «Quality of care and the burden of two cultures: when the world of the nurses' aides enters the world of the nursing home», Gerontologist, vol. 29, no 3, 1989, p. 307.

7. Tellis-Nayak et Tellis-Nayak, p. 307.

8. Tellis-Nayak et Tellis-Nayak, p. 307.

9. Adaptation inspirée des sources suivantes : British Columbia InterMinistry Committee on Elder Abuse and Continuing Care Division, Ministry of Health et Ministry Responsible for Seniors, Principles, Procedures, and Protocolsfor Elder Abuse, Victoria, Ministry of Health et Ministry Responsible for Seniors, février 1992; le Manitoba Interdepartmental Working Group on Elder Abuse et le Manitoba Seniors Directorate, Abuse of the Elderly: A Guidefor the Development of Protocols, Winnipeg, Manitoba Seniors Directorate, février 1993; Hudson, B., B. Soffer et D. Menio, Ensuring an Abuse Free Environment, Philadelphie, CARIE, 1991.

10. Division de la santé mentale, Sensibilisation et réaction : Violence et négligence à l'égard des aînés, Ottawa, Direction générale des services et de la promotion de la santé, Santé et Bien-être social Canada, 1993; M. Stones, tel que noté dans Greene, B. et E. Anderson, Rompre le silence sur les mauvais traitements infligés aux Canadiens âgés : la responsabilité de tous, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1993, p. 11.

11. Ministère du Procureur général de l'Ontario, Vous n'êtes pas seul : examen des mesures d'intervention en Ontario, Rapport de la Commission d'examen du système de défense des adultes vulnérables, Toronto, Imprimeur de la Reine, 1987, p. 56.

12. McKenzie, P, Guide to Legal Issues in Elder Abuse Prevention, North Vancouver, North Shore Community Services, 1990, p. 6-3.

13. Douglass, R.L., I Hickey et C. Noel, Study of the Maltreatment of the Elderly and Other Vulnerable Adults, Ann Arbour, University of Michigan, 1980.

14. Shell, D., Protection of the Elderly: A Study ofElder Abuse, Winnipeg, Conseil manitobain sur le vieillissement, 1982. S.K. Tomita a rédigé un excellent article portant sur les descriptions négatives des personnes victimes de mauvais traitements dans l'optique des techniques de neutralisation: «The denial of elder mistreatment by victims and abusers: the application of neutralization therapy», Violence and Victims, vol. 5, no 3, 1990, p. 171-184.

15. Gordon, R. et S. Verdun-Jones, Adult Guardianship in Canada, Toronto, Carswell, 1992, p. 2-3.

16. Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, Vieillir.... en toute liberté : Rapport du Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 1990, p. 18. Ce rapport indique qu'il paraît «important de ne pas restreindre la notion d'abus au système de valeurs des personnes appelées à cerner le problème, mais également de tenir compte de la subjectivité des victimes d'abus. La perception qu'a une personne d'un acte posé à son endroit doit pouvoir être prise en compte par une telle notion».

17. Chemin, S. tel que mentionné par la Corporation canadienne des retraités concernés, «Reaching Out to the Neglected, Vuhierable & Abused Elderly» dans What's Going on Here? Different Aspects of Abuse of the Elderly, Toronto, The Association, 199 1, p. 15. Atelier tenu le 14 janvier 1991 à Toronto (Ontario).

18. Toutefois, la loi de la province de Terre-Neuve, soit la Neglected Adults Welfare Act, est habituellement interprétée comme une loi visant les «actes de violence ou de négligence bénins».

19. Pillemer, K.,«Maltreatment of patients in nursing homes: overview and research agenda», Journal of Health and Social Behaviour, no 29, septembre 1988, p. 227-238.

Chapitre 3 Comprendre le problème

Fréquence des cas de violence et de négligence

A quel point les actes de violence et de négligence sont-ils courants dans le milieu institutionnel? Les chiffres précis sont encore assez élémentaires et on a recueilli des renseignements, de façon officielle ou non, auprès du personnel, des familles ou des amis, notamment en discutant des situations que ceux-ci avaient personnellement vécues ou dont ils étaient informés1. D'autres sources de renseignements, comme les enquêtes ou les rapports gouvernementaux et les rapports du vérificateur général, rendent également compte des problèmes qui se produisent dans les établissements2.

Dans la collectivité

Une grande partie des données que l'on possède sur la violence et la négligence à l'égard des personnes âgées canadiennes dans la collectivité provient de l'enquête nationale sur le mauvais traitement des personnes âgées au Canada, l'étude Ryerson. Quatre pour cent des 2 000 personnes âgées vivant dans des habitations privées qui ont été consultées dans le cadre de ce sondage téléphonique ont déclaré avoir été victimes d'actes de violence ou de négligence3. Les personnes âgées vivant en milieu institutionnel n'ont pas été consultées. Bien que ce sondage soit considéré comme une évaluation prudente, il indique que si l'échantillon est représentatif, environ 126 800 personnes âgées auraient fait l'objet d'actes de violence ou de négligence au Canada4.

L'étude Ryerson a en outre révélé que l'état de santé général des personnes âgées et l'existence de problèmes de santé limitant les activités quotidiennes sont d'importants facteurs de risque de violence et de négligence5. L'état de santé est d'ailleurs un facteur prépondérant dans les cas de négligence puisque toutes les personnes âgées visées ont déclaré qu'elles souffrent de troubles de santé qui restreignent leurs activités. Comme les problèmes de santé et les difficultés à vaquer aux activités quotidiennes sont deux raisons qui poussent couramment les personnes âgées à aller vivre en milieu institutionnel, les personnes âgées qui vivent en établissement peuvent donc constituer un groupe qui court un risque élevé d'être victimes d'actes de violence et de négligence.

Dans les établissements

Trois études fournissent des données de base sur les mauvais traitements en milieu institutionnel. Aucune d'elles ne porte sur la négligence.

Une étude menée au Québec auprès de 140 professionnelles et professionnels portait sur cinq formes de violence dont ces spécialistes avaient été témoins ou dont ils étaient informés, que ce soit en milieu institutionnel ou en milieu familial. En tout, ces personnes ont signalé 974 cas de violence dont 35,5 p. 100 avaient été observés dans des foyers, des hôpitaux, etc., et 28,4 p. 100 étaient survenus dans des foyers non subventionnés, des établissements privés bénéficiant d'une aide gouvernementale ou au sein de familles d'accueil. Plus de 57 p. 100 des actes de violence rapportés avaient été commis par des membres du personnel dans les établissements ou par d'autres personnes chargées des personnes âgées6.

Dans le cadre d'une enquête récente menée au nom de l'Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario, on a interrogé 804 infirmières et infirmiers autorisés et 804 infirmières et infirmiers auxiliaires autorisés concernant les actes de violence commis par des membres du personnel à l'égard de clients de tout âge7. Près de la moitié des répondants a déclaré avoir été témoin d'un ou de plusieurs actes de violence commis par le personnel infirmier. Toutefois, comme les responsables de l'Ordre l'indiquent, la période d'étalement des incidents n'a pas été précisée ce qui signifie que ceux-ci ont pu survenir à n'importe quel moment de la carrière des personnes interrogées. La répartition des incidents est la suivante : 85 p. 100 dans les hôpitaux, 29 p. 100 dans les foyers de soins infirmiers et 7 p. 100 dans les foyers pour personnes âgées.

Bien que l'étude ontarienne porte sur les cas de violence en établissement sans distinction fondée sur l'âge, dans 63 p. 100 des incidents signalés, la victime était âgée de 65 ans ou plus. Dans 83 p. 100 des cas, l'agresseur avait déjà travaillé avec le client et le connaissait «très bien ou assez bien». Selon les répondants, ces actes s'expliqueraient de la façon suivante : manque de coopération du client (64 p. 100), client injurieux (5 p. 100), membre du personnel infirmier surmené (56 p. 100), manque de connaissances ou de compétence du membre du personnel infirmier (31 p. 100) ou problèmes personnels du membre du personnel infirmier (25 p. 100).

De plus, 75 p. 100 des personnes consultées ont indiqué que l'agresseur n'avait pas été réprimandé par le client, ce qui peut refléter le caractère anodin de l'incident, le rapport de force inégal entre le client et la personne qui dispense les soins, ou encore la passivité du client ou son ignorance quant à l'inadmissibilité des mauvais traitements infligés par le personnel. Les personnes interrogées ont ajouté que les mesures de suivi incombant aux responsables de la gestion des soins infirmiers ou aux autres membres du personnel infirmier n'avaient été prises que dans 42 p. 100 des cas signalés. Si de tels résultats peuvent traduire l'occurrence d'incidents mineurs seulement, ils peuvent aussi refléter des pratiques institutionnelles qui laissent les cas de violence non résolus.

La troisième étude, menée aux États-Unis, consistait en des entrevues téléphoniques avec 577 infirmiers, infirmières, aides-infirmiers et aides-infirmières dans 32 foyers de soins infirmiers8. On a demandé à ces personnes si elles avaient vu d'autres membres du personnel poser des gestes violents, sur les plans physique ou psychologique, à l'égard des pensionnaires au cours de la dernière année, si elles mêmes avaient déjà commis ce genre d'actes et à quelle fréquence survenaient les conflits avec les pensionnaires. Au cours de l'année précédente, 36 p. 100 des personnes interrogées avaient été témoin d'au moins un incident de violence physique et 81 p. 100 avaient observé au moins un incident de violence psychologique. Ces personnes ont en outre reconnu avoir elles-mêmes posé des gestes violents à l'égard des pensionnaires, mais dans une proportion beaucoup moins importante qu'elles ne signalent le même comportement chez d'autres employés.

Selon cette étude, les conflits entre le personnel et les pensionnaires ainsi que le surmenage sont les deux principaux facteurs conduisant à la violence physique. On associe également l'agressivité de certains pensionnaires à la violence physique, mais dans une proportion moindre9. Le surmenage et l'agressivité de certains pensionnaires étaient considérés comme des indicateurs prévisionnels valables de la violence psychologique. Deux caractéristiques du personnel qui faisaient particulièrement croître les risques de violence psychologique étaient la jeunesse et une attitude négative envers les pensionnaires.

L'étude portait aussi sur les conflits entre le personnel et les pensionnaires. On a constaté une prédominance de conflits interpersonnels entre le personnel et les pensionnaires au sujet de la toilette et de l'hygiène personnelle de ces derniers ou encore de leur réticence à s'alimenter ou à s'habiller. Les chercheurs ont formulé les observations suivantes :

Il est devenu évident au cours du projet que le personnel ne reçoit pratiquement aucune formation sur l'aspect interpersonnel des soins fournis aux pensionnaires. Bien que les employés reçoivent une formation sur les aspects techniques des soins, les points comme la résolution de conflits avec les patients et la façon de gérer les relations personnelles avec ces derniers ne sont pas abordés 10 .

Les chercheurs indiquent que les facteurs qui conduisent le plus souvent à des mauvais traitements sont les plus faciles à changer. Les données font ressortir la nécessité impérieuse de former le personnel, car on ne peut pas partir du principe que celui-ci apprendra «sur le tas» à gérer les aspects interpersonnels de son travail 11. Dans le cas où le personnel a bénéficié par la suite un programme de formation, les chercheurs ont constaté une baisse de l'incidence des actes violents et de 1 , agressivité des pensionnaires envers le personneI12.
 
Etude Actes violents les plus souvent constatés Autres constatations
Bélanger (Québec)
  • observation : d'actes de violence psychologique (34%) d'exploitation financière (30 %) de violence physique (25 %) de négligence (25 %) de violation des droits (25 %) (la forme la plus fréquente était l'institutionnalisation forcée)
  • 57 % des professionnelles et professionnels consultés avaient eu connaissance d'au moins un cas de mauvais traitements 
  • 35 % des cas de violence ont été observés dans des établissements publics 
  • 28 % des cas de violence sont survenus dans des foyers non autorisés, p. ex. des foyers d'accueil non subventionnés 
  • 43 % des actes ont été commis par un membre du personnel dans un établissement public 
  • 14 % ont été commis par des personnes ayant la charge des personnes âgées (établissements privés, etc.) 
Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario
  • brutalité (31 %) cris et jurons (28 %) commentaires blessants ou gênants(28 %) coups ou bousculade (10 %) 
  • plus de 90 % de ces incidents ont été vus par la personne même 
  • 40 % des incidents n'étaient pas considérés comme isolés 
  • 54 % des victimes étaient des femmes 
  • souvent, les victimes d'actes violents : étaient confinées à leur lit (32 %) avaient besoin d'aide pour se déplacer (32 %) étaient désorientées (57 %) recevaient des médicaments de force (58 %) 
Pillemer et Moore (Étude américaine) Violence physique
  • imposer des contraintes excessives (24%) (les deux tiers ont affirmé avoir observé ce genre de comportement à de nombreuses occasions) 
  • pousser, empoigner, bousculer ou pincer un pensionnaire (17 %) frapper un pensionnaire (12 %) frapper ou tenter de frapper un pensionnaire avec un objet (2 %) 
Violence psychologique
  • crier de rage sur un pensionnaire (70%) insulter un pensionnaire ou lui proférer des injures (50 %) (incidents ayant eu lieu plus d'une fois) 
  • isoler des pensionnaires plus qu'il ne l'est nécessaire pour les maîtriser (23%) 
  • menacer de frapper un pensionnaire ou de lui lancer un objet (15 %) 
  • priver un pensionnaire de nourriture ou lui refuser ses privilèges (13 %) 
  • les auteurs d'actes violents se sont montrés très insatisfaits de leur travail (ils pensaient démissionner) 
  • les auteurs d'actes violents avaient tendance à considérer les pensionnaires comme des personnes incapables de faire quoi que ce soit par elles-mêmes et qu'il faut discipliner comme des enfants 
  • la violence physique est le plus souvent liée à des conflits entre le personnel et les pensionnaires (l'agressivité des pensionnaires est aussi en cause, mais moins fréquemment) 
  • seulement 13 % des membres du personnel ont signalé que les pensionnaires n'avaient jamais été frappés, empoignés, pincés ou bousculés au cours de l'année précédente 

Pourquoi se produit-il des cas de violence et de négligence en milieu institutionnel?

«Il est important de souligner que le fait qu'une situation puisse être qualifiée de «cause» de violence ou de négligence ne rend pas excusable le geste de violence. La violence ne s'excuse pas13.»

On en est encore au premier stade de la compréhension des causes générales des mauvais traitements et de la négligence. Certains des modèles établis dans la collectivité peuvent s'appliquer au milieu institutionnel. Il s'agit, notamment, des traits de caractère, de l'apprentissage social, de la dépendance et du stress, et du milieu.

Traits de caractère

On explique en partie les actes de violence et de négligence par les traits de caractère des agresseurs. Une personne violente est considérée comme étant «anormale», ayant des lacunes sur le plan du développement ou un trouble de la personnalité, et peut-être même des problèmes psychiatriques ou de consommation de drogue ou d'alcool 14.

En général, les solutions visent principalement la personne. On peut par exemple choisir de la congédier, de lui offrir de suivre un programme de traitement de l'alcoolisme ou de la toxicomanie ou des séances d'orientation familiale, ou encore on utilise des mesures de sélection préliminaire pour vérifier les casiers judiciaires ou les antécédents de congédiement. Bien que la présélection soit une étape légitime et nécessaire pour réduire l'éventualité d'actes de violence et de négligence, elle ne tient pas compte de la possibilité qu'un employé dont le dossier ne fait mention d'aucun incident relatif à des actes de violence puisse commettre de tels actes. Cette mesure ne tient pas compte non plus des conditions prévalant dans les établissements plus grands qui peuvent favoriser des actes de violence ou de négligence.

Apprentissage social

Selon une deuxième explication des causes de la violence, on invoque que lors de ses années de formation, la personne violente a observé le recours à la violence aux fins de contrôle. Elle adopterait donc un comportement semblable afin de se faire obéir. Cette explication est appuyée de descriptions sur la façon dont la violence, les problèmes et les pressions de la vie personnelle peuvent parfois empiéter sur la vie professionnelle. Toutefois, elle ne précise pas pourquoi toutes les personnes qui ont vécu dans des milieux violents ne deviennent pas elles-mêmes violentes, ni pourquoi les personnes violentes ne sont pas systématiquement issues d'un milieu violent.

Une explication semblable, mais plus générale, soutient que l'on ferme plus facilement les yeux sur les méthodes moins flagrantes de contrôle des personnes, particulièrement à l'égard des plus faibles 15. Les techniques d'autorité et de contrôle, comme l'intimidation, l'agression verbale, la dévalorisation, le reproche et le refus, sont utilisées pour garder les personnes «à leur place». Par exemple, les recherches ont démontré que la forme d'agression verbale employée le plus souvent contre le personnel infirmier venait des médecins; il s'agit notamment d'injures et d'insultes16. La façon dont les pensionnaires sont traités peut s'imbriquer dans la culture institutionnelle générale qui découle d'un manque de respect entre les membres du personnel des divers échelons. À titre d'exemple, si les aides-soignants et soignantes se font insulter par les médecins et le personnel infirmier, ils pourraient à leur tour adopter le même comportement envers les pensionnaires, ce comportement étant en quelque sorte légitime puisque cette pratique se fait même aux échelons supérieurs 17

Dépendance et stress

Une troisième explication met l'accent sur la dépendance et le stress. A mesure que leurs facultés cognitives et leurs capacités physiques déclinent, les personnes âgées peuvent devenir

progressivement plus dépendantes des personnes qui leur dispensent des soins en ce qui concerne le soutien émotif et physique. Cette dépendance peut susciter, chez les dispensateurs de soins, le sentiment qu'ils doivent répondre, chacun de son côté, à de très grandes exigences. Toutefois, comme les relations de dépendance entre les personnes âgées et les dispensateurs de soin ne se soldent pas toutes par des actes de violence ou de négligence, d'autres facteurs, comme le tempérament et les valeurs personnelles, peuvent inciter les personnes à mal réagir face au stress18.

Certains sont d'avis que les cas de violence et de négligence dans les établissements sont tributaires du stress lié au travail, spécialement lorsque le personnel a le sentiment d'être surmené ou de manquer de soutien au travail parce que l'effectif est insuffisant. Les explications axées sur le stress font ressortir que la plupart du temps, la majorité des dispensateurs de soins professionnels sont en mesure de gérer les situations stressantes. Par contre, il arrive que des situations de graves crises personnelles coïncident avec des périodes de travail très exigeantes. Le cas échéant, une réaction disproportionnée face au stress, telle que la violence, est plus susceptible d'être dirigée contre les pensionnaires que les superviseurs.

Les manifestations de stress lié au travail peuvent inclure :

  • l'indifférence marquée envers les pensionnaires,
  • la catégorisation des pensionnaires comme étant exigeants, inutiles et représentant une perte de temps;
  • l'usage sans discernement de moyens de contraintes,
  • le refus de parler aux pensionnaires au moment de leur apporter des soins;
  • le refus de répondre rapidement aux besoins des pensionnaires;
  • le refus de répondre aux demandes des pensionnaires19.
Pour surmonter le stress, on peut utiliser les méthodes suivantes :
  • insister sur le fait que, en tant que professionnelles et professionnels de la santé, il ne convient pas de répondre au stress ou à l'agressivité d'un pensionnaire par la violence;
  • modifier l'atmosphère et les lignes de conduite de l'établissement afin de répondre aux préoccupations des employés;
  • intégrer des mesures de sensibilisation et de perfectionnement du personnel concernant la gestion des conflits;
  • promouvoir la consultation et les groupes de soutien20.

Milieu

Une quatrième explication est axée sur les facteurs liés au milieu et indique que même si le mauvais traitement survient dans les relations individuelles, par exemple si un membre du personnel frappe un pensionnaire, cet acte peut révéler un problème plus grave. En prenant soigneusement en considération l'ensemble du système institutionnel, on pourra examiner les réactions en chaîne conduisant aux cas de violence ou de négligence. Par exemple, une faible rémunération peut signifier un taux de roulement élevé du personnel, entraînant un accroissement du nombre d'employés temporaires qui ne possèdent pas nécessairement la formation adéquate. De plus, un taux de roulement élevé peut faire en sorte que la formation vise l'orientation plutôt que la sensibilisation accrue du personnel2l.

Une autre façon d'expliquer cette situation est fondée sur les attitudes négatives envers certains groupes (les femmes, les personnes âgées et les personnes vulnérables mentalement ou physiquement) qui pourraient signifier que l'on peut avoir envers ces personnes des comportements qui seraient autrement condamnés, ou considérés inacceptables, au sein de la population en général. «Ces attitudes négatives déshumanisent les personnes [âgées] et font qu'elles deviennent des victimes plus faciles, alors que l'agresseur n'éprouve pas de culpabilité ni de remords22.» Les personnes âgées peuvent même considérer qu'elles méritent le mauvais traitement, ou qu'il est inévitable ou sans conséquence, puisqu'elles assimilent aussi les attitudes négatives et les stéréotypes.

Une autre explication liée au milieu met l'accent sur le profil démographique de la prestation des soins. Dans les milieux collectif et institutionnel, les femmes prodiguent la plupart des soins destinés aux personnes âgées. Dans les milieux tels que les hôpitaux, les foyers de soins infirmiers et les autres établissements de soins, les propriétaires, les cadres supérieurs, les médecins et les membres des conseils sont principalement des hommes. Les femmes occupent surtout les postes d'infirmières, d'aides-infirmières ou de responsables de l'entretien, ou elles sont pensionnaires23. Certains prétendent que la dévalorisation de la position sociale et économique des femmes dans la société et la famille signifie qu'on s'attend à ce qu'elles soient responsables des soins, officiels ou non, en recevant peu d'appui dans cette tâche. Ce manque de soutien peut entraîner des réactions malencontreuses face au stress et accroître ainsi l'éventualité que des actes de violence ou de négligence soient commis.

Dans l'analyse, on se penche en outre sur les iniquités de la structure sociale et l'on examine les actes de violence et de négligence comme des gestes englobant plus que les interactions entre l'auteur de l'acte et la personne âgée. Les actes de violence et de négligence peuvent découler des anciennes attitudes solidement ancrées envers les femmes et la vieillesse, de l'économie, de la complexité du droit criminel et civil (témoignage, habilité, mémoire) et de la prestation des services sociaux24.

Notes en fin de chapitre 3

  1. Bohuslawsky, M., End of the Line: Inside Canada's Nursing Homes, Toronto, J. Lorimer, 1989).
  2. Concerned Friends of Ontario Citizens in Care Facilities, Report Card on Ontario Nursing Homes, January '90 to March '91, Toronto, The Association, avril 1991.
  3. Podnieks, E., K. Pillerner, J.P. Nicholson, T. Shilling» et A. Frizzel, Enquête nationale sur le mauvais traitement des personnes âgées au Canada, l'étude Ryerson, Toronto, Ryerson Polytechnical Institute, 1990, p. 61.
  4. Les données sont fondées sur les chiffres recueillis lors du recensement de 1991 de Statistique Canada: 3 169 965 personnes âgées de plus de 65 ans vivent au Canada. Âge, sexe et état matrimonial.- Le pays, Statistique Canada, no de cat. 93-3 10, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada. Pour des renseignements sur les estimations prudentes, voir les commentaires de M. Couture dans le rapport de Greene B. et E. Anderson, Rompre le silence sur les mauvais traitements infligés aux Canadiens âgés : la responsabilité de tous, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1993, p. 18.
  5. Podnieks et coll., p. 1. Les personnes ayant déclaré qu'elles avaient été maltraitées ont confirmé avoir été victimes d'au moins un acte de violence ou de négligence.
  6. Békanger, L., Th. Darche, H. de Ravinel et P. Grenier, «Violence et personnes âgées. Rapport du comité sur la violence et les personnes âgées. Les cahiers de l'Association québécoise», Gérontologie, 1981, examiné par Brillon Y., Victimization and Fear of Crime Among the Elderly, Toronto, Butterworths, 1987, p. 80.
  7. Brillon, p. 80.
  8. Pillemer, K. et D. W. Moore, «Abuse of patients in nursing homes: findings from a survey of staff», Gerontologist, vol. 29, no 3, 1989, p. 314-320; Pillemer K. et R. Bachman-Prehn, «Helping and hurting: predictors of maltreatment in nursing homes», Research and Aging, vol. 13, no 1, 199 1, p. 74-95.
  9. Pillemer, K. et D. W. Moore, «Highlights from a study of abuse of patients in nursing homes», J. of Elder Abuse and Neglect, vol. 2, no 1/2, 1990, p. 2 1.
  10. Moore, D. W. et K. Pillemer, Final Report on "Inappropriate Patient Management", Washington, American Association of Retired People, Andrus Foundation, 1987.
  11. Pillemer et Moore, «Highlights», p. 17.
  12. Pillemer et Moore, «Highlights», p. 17 et 21.
  13. Hudson, B., B. Soffer et D. Menio, Ensuring an Abuse Free Environment, Philadelphie, CARIE, 199 1, p. 33.
  14. MacNamara, R. N., Freedomfrom Abuse in Organized Care Settingsfor the Elderly and Handicapped, Springfield, Charles C. Thomas, 1988.
  15. Les responsables du Domestic Abuse Intervention Project, à Duluth (Minnesota), ont élaboré une «roue du pouvoir et du contrôle» en comparant ces techniques à celles de «l'équité». Une roue semblable a été créée pour le milieu institutionnel par l'auteure du présent document, au centre de recherche gérontologique de l'université Simon Fraser, à Vancouver.
  16. Cox, H C., «Verbal abuse in nursing: report of a study», Nursing Management, vol. 18, no 11, 1987,24 p. 52-54.
  17. Sobsey, D., «An integrated ecological model of abuse», dans Violence and Abuse in the Lives of People with Disabilities, Baltimore (Maryland), P.H. Brooks Publishing, 1994, p. 145-175.
  18. Quinn, M. J. et S. Tomita, Elder Abuse and Neglect: Causes, Diagnosis and Intervention Strategies, New York, Springer, 1986.
  19. Heine, C., «Burnout among nursing home personnel», J. of Gerontological Nursing, no 12, 1986, p. 14- 18.
  20. Heine, p. 12-18.
  21. Office of Evaluations and Inspections, Resident Abuse in Nursing Homes, Washington, Office of Inspector General, Department of Health and Human Services, avril 1990, p. 20.
  22. Mcdonald, P.L., J.P. Hornick, G.B. Robertson et J.E. Wallace, Elder Abuse and Neglect in Canada, Toronto, Butterworths, 199 1, p. 3 3.
  23. Cohen, L., Small Expectations: Society's Betrayal of Older Women, Toronto, McLelland & Stewart, 1984, p. 104.
  24. Yllo, K., et M.A. Strauss, «Patriarchy and violence against wives: the impact of structural and normative factors» dans Strauss M. et R. Gelles (éd.), Physical Violence in American Families, New Jersey, Transaction Publishers, 1990, p. 386.

Chapitre 4 Le milieu institutionnel

Caractéristiques des établissements

Vie en groupe

Les établissements sont des endroits où des personnes, sans lien de parenté ni lien affectif, vivent et habitent en groupe. La vie en groupe vise principalement à fournir à des personnes des soins ou des services, qui ne pourraient être dispensés efficacement si ces personnes n'étaient pas regroupées. Les personnes ayant des besoins considérables sont concentrées dans un seul lieu où l'on peut répondre à leurs besoins d'une manière plus rentable. Pour les pensionnaires, la vie en groupe peut représenter l'une des principales caractéristiques de la vie en établissement, parce qu'elle peut signifier l'abandon d'un mode de vie autonome ou familiale. La vie en groupe peut gêner un pensionnaire quant à son intimité, à son autonomie, à son estime de soi et à son identité personnelle. Pour les cadres et le personnel, la vie en groupe signifie qu'il faut équilibrer les besoins et les intérêts de nombreuses personnes, tout en établissant des priorités. La conséquence de la vie en groupe est que l'attention portée aux besoins de groupes particuliers (conseils d'administration, pensionnaires, personnel) peut supplanter l'attention donnée aux besoins individuels à des membres de chaque groupe.

Normalisation des services

Dans les établissements, on normalise souvent les services et les activités afin de les rendre plus rentables, et cela signifie souvent qu'on s'attache à répondre aux besoins du pensionnaire «moyen». En revanche, il ne faut pas en induire que l'établissement n'est pas en mesure de répondre à des besoins spéciaux, mais plutôt que la capacité de l'établissement à satisfaire ces besoins est empreinte d'une certaine rigidité.

La normalisation peut susciter chez les pensionnaires l'impression qu'ils sont dominés, à cause par exemple d'un horaire rigide ou d'activités imposées I. Pour le personnel, la normalisation peut signifier un manque de flexibilité en regard de ce qu'il peut offrir aux pensionnaires, ainsi qu'un manque d'autonomie au travail.

Les pensionnaires considérés comme une population homogène

L'un des effets de la normalisation est la tendance à traiter les pensionnaires comme une population homogène. Les personnes âgées qui vivent en établissement sont des personnes aussi différentes les unes des autres que dans la population en général; à part leur âge et le fait qu'elles vivent en groupe et nécessitent une forme quelconque de soins, elles ont souvent peu de choses en commun2. Lorsque les pensionnaires sont considérés homogènes, on vient à penser qu'ils sont tous semblables (leur passé, leur origine, leur identité) ou qu'ils sont «vieux, impotents et dénués de personnalité»3.

L'hétérogénéité des pensionnaires signifie que le personnel traite avec des personnes qui ont différentes personnalités et des expériences de vie variées. Bon nombre de pensionnaires, bien que physiquement fragiles, ont encore besoin de stimulations sociales et intellectuelles et d'une reconnaissance soutenue de leur expérience de vie et de leur culture. L'hétérogénéité signifie également que le personnel doit faire preuve d'excellentes aptitudes interpersonnelles et d'une sensibilisation aux diverses cultures. Si les membres du personnel n'ont pas ces compétences, ils pourraient éventuellement être négligents. Bien qu'ils puissent répondre aux besoins physiques élémentaires des pensionnaires, ils peuvent manquer de tisser d'autres types de relations bénéfiques, telles le fait de partager des expériences personnelles.

Certains établissements reconnaissent les besoins uniques des pensionnaires par la mise en place de régimes de soins individualisés en vertu desquels les options et les services sont fonction des besoins. Ces régimes de soins représentent alors une entente conclue entre le pensionnaire et l'établissement, le pensionnaire étant perçu comme un consommateur de services, et non simplement comme un bénéficiaire4. Dans d'autres établissements, les régimes de soins ne sont considérés que comme un autre élément de documentation, et ils existent davantage en théorie qu'en pratique5.

Normes officielles en matière de qualité des soins

Les établissements sont assujettis à des normes de soins qui sont souvent promulguées par les gouvernements provinciaux ou territoriaux en vertu de mesures législatives sur les soins de santé et les soins infirmiers. Les administrations municipales peuvent quant à elles régir les normes de protection contre les incendies et les normes de sécurité. Ces normes gouvernementales mettent principalement l'accent sur les exigences quantifiables et objectivement mesurables (besoins élémentaires quant à la nutrition, à l'hygiène ou au milieu physique), plutôt que sur des mesures qualitatives et subjectives comme le bonheur des pensionnaires. Les cadres ou les conseils d'administration peuvent faire converger leurs efforts sur l'atteinte des exigences quantifiables du gouvernement, des organismes de financement ou d'autres organisations, au détriment des caractéristiques moins tangibles de la vie en milieu institutionnel6.

Obligation de rendre des comptes

En tant que société, nous connaissons assez bien le concept de l'obligation de rendre des comptes : les personnes et les organismes qui fournissent des services doivent rendre des comptes à ceux qui paient ces services. Les utilisateurs de services possèdent des pouvoirs de négociation considérables, car si la personne utilisant un service trouve qu'il est déficient, elle peut s'adresser ailleurs pour obtenir la même chose.

Toutefois, en milieu institutionnel, la dynamique est assez différente car souvent les pensionnaires ne sont pas considérés comme les acquéreurs de services institutionnels. Bien qu'il arrive souvent que les pensionnaires paient des services directement, les responsables des établissements estiment généralement qu'ils ne sont redevables qu'envers le gouvernement. Les services sont fournis pour les personnes âgées, plutôt qu'à elles. Par exemple, on peut planifier les services avec une considération générale des «meilleurs intérêts des pensionnaires», sans consulter ces derniers quant au sens de cette expression ou sans se demander si les services en question sont désirés. Si les services semblent déficients d'une façon ou d'une autre, souvent il n'y a pas de recours offert aux pensionnaires, ou à d'autres personnes agissant en leur nom, pour préconiser un changement. De même, les pensionnaires n'ont pas toujours le choix de refuser des services en faveur d'autres mesures en raison du nombre limité d'options relativement aux soins de longue durée.

Structure hiérarchique

Les établissements comportent une structure hiérarchique et des voies de communication officielles. Cela peut signifier un système où les renseignements sont interprétés et filtrés, où il faut passer par des voies déterminées et où la «légitimité» des plaintes est parfois remise en question. La structure hiérarchique rend également difficile la diffusion des renseignements entre la direction et la base, et inversement7. Les lignes de communication officielles peuvent agir comme un tampon entre l'administration et les pensionnaires ou le personnel, car il existe peu d'occasions de parler directement à la personne qui peut remédier à la situation. Cette situation peut creer une relation d'autorité entre le personnel et les pensionnaires ou entre le personnel et les cadres. («Nous procédons de la sorte parce que c'est notre façon de faire8.») La hiérarchie signifie également une division du travail entre les membres du personnel, et aussi entre le personnel et les cadres, ce qui peut engendrer des attitudes de responsabilité réduite qui vont à l'encontre du travail en équipe. («Ce n'est pas mon boulot.»)

Structure du pouvoir

La hiérarchie du pouvoir peut exister au sein de tout établissement, y compris dans les établissements de soins de santé. Le conseil d'administration et les cadres élaborent des directives et mettent en application des règles de fonctionnement et d'administration. Un certain nombre de représentants de diverses professions, chacune possédant sa structure de pouvoir interne, définissent les besoins des pensionnaires. Comme on ne consulte habituellement pas les pensionnaires pour définir leurs besoins, ils peuvent être les personnes ayant le moins d'influence quant à leurs propres soins9. Un exemple de la différence de pouvoir entre les conseils d'administration et les cadres, et entre le personnel et les pensionnaires, est que les cadres peuvent décider de changements majeurs quant au fonctionnement de l'établissement, tels que sa vente, sans consulter les pensionnaires ni le personnel, ou sans prendre en considération l'incidence directe sur les pensionnaires et les soins qu'ils reçoivent.

Au niveau individuel, l'exercice du pouvoir au sein d'un établissement peut être très subtil et survenir au cours d'une communication verbale ou non verbale (le choix des mots, le ton de la voix, qui a commencé l'entretien et qui y a mis fin) et transparaître dans la distribution des ressources (combien de temps le personnel accorde-t-il aux pensionnaires). Les membres du personnel peuvent ne pas être conscients d'exercer ce pouvoir et peuvent eux-mêmes se sentir impuissants10.

Relations professionnelles ou de travail

Bien qu'elle soit souvent amicale et empreinte de compréhension, la relation entre le personnel, les cadres et les pensionnaires est axée sur le travail, et non sur les relations sociales. Parfois, la façon de désigner l'ensemble des membres du personnel peut différer de celle utilisée pour les pensionnaires, ce qui créée une impression de division («nous» et «eux»). Dans certains établissements, le contraire se produit, et la démarcation entre les relations professionnelles et sociales est floue. Peut-être pour cette raison, certains membres du personnel peuvent oublier leur formation professionnelle et réagir de façon inadéquate à la détérioration physique ou mentale d'un pensionnaire. («Je considère Mme Bernard comme une amie. Elle m'a frappé, et je ne laisserai jamais une amie me traiter de la sorte.»)

Modèle de soins médicaux ou de soins en milieu surveillé

Les pensionnaires dans les établissements de soins sont généralement soignés selon des modèles de soins médicaux et de soins en milieu surveillé. Ces modèles peuvent présenter le. vieillissement comme une «détérioration», renforcer la dépendance des pensionnaires envers les dispensateurs de soins pour toute chose, mettre l'accent sur la santé physique au détriment d'autres aspects de la vie d'une personne (p. ex. l'aspect psychosocial) et ne pas reconnaître et encourager l'autonomie.

Les modèles évaluent les résultats positifs sous l'angle des degrés de soins médicaux et de soins en milieu surveillé fournis. On récompense le personnel en fonction des tâches accomplies dans la prestation des soins. Les modèles de soins médicaux et de soins en milieu surveillé incitent également le personnel à recourir à des solutions médicales lorsque des problèmes surgissent. On doit «gérer» les difficultés, et il en résulte parfois une surconsommation de médicaments et une discipline excessive 11. Ces modèles favorisent également la passivité et la complaisance chez les pensionnaires parce que ceux-ci sont souvent exclus du processus de prise de décisions relativement à leur propre santé et à leurs besoins.

Dualité des établissements en tant que résidence de la personne et établissement de soins

Outre le fait de fournir des soins, de nombreux établissements peuvent également devenir un foyer pour leurs pensionnaires. Si les responsables d'un établissement mettent l'accent sur «les soins et la propreté» plutôt que sur l'aspect résidentiel, les capacités des pensionnaires à faire leur marque personnelle sur leur milieu de vie sont limitées, ce qui entraîne le sentiment d'une perte permanente du «chez-soi»12.

Séparation par rapport à la collectivité

Sur le plan conceptuel, les établissements sont souvent considérés comme étant distincts de la collectivité. Les établissements peuvent être régis par des règlements différents et relever d'organismes de réglementation professionnelle autres que les établissements de soins communautaires. Certains établissements peuvent ne pas être régis du tout. Tous ces règlements différents, ou l'absence de règlements, ont une incidence sur l'obligation de rendre des comptes des responsables d'un établissement : à qui doit-on rendre des comptes, doit-on rendre des comptes à qui que ce soit et de quelle façon s'assure-t-on que les comptes sont rendus?

Comme les établissements sont traités distinctement du reste de la collectivité, la surveillance extérieure de leur mode de fonctionnement peut être moins rigoureuse, augmentant ainsi les risques que se produisent des cas de violence non détectés. Il se peut aussi que les gens de la collectivité ne participent pas au processus décisionnel de l'établissement. La collectivité peut estimer ne pas avoir de responsabilité à l'égard des personnes âgées vivant en milieu institutionnel. Pour les pensionnaires, la séparation par rapport à la collectivité peut signifier l'isolement par rapport à leur quartier, à leur collectivité, à leur famille, à leurs amis, à leur groupe religieux ou à d'autres relations personnelles, ce qui suscite chez eux le sentiment que leur vie n'a plus de sens précis.

En partie, la séparation physique des établissements par rapport à la collectivité peut renforcer l'ambivalence de la société quant à la vieillesse. Comme actuellement la société s'efforce d'atteindre des objectifs tels que d'assurer une vieillesse à domicile, on réévalue la séparation des établissements et de la collectivité. On modifie graduellement les perceptions traditionnelles quant aux établissements de soins de longue durée comme étant des endroits ou «parquer les personnes âgées» et où elles vivent avec des étrangers. Dans la nouvelle perspective, les établissements font partie intégrante de la collectivité et représentent un reflet positif des normes qui y prévalent en ce qui concerne le traitement des personnes âgées.

Caractéristiques du personnel

Dans la documentation principalement américaine sur les mauvais traitements et la. négligence en milieu institutionnel, on insiste lourdement sur les caractéristiques démographiques des dispensateurs de soins et les liens possibles entre ces caractéristiques et les cas de violence et de négligence. Souvent, les personnes qui dispensent des soins et sont en contact le plus direct avec les pensionnaires ont un faible niveau de scolarité, de revenu et de formation. Aux États-Unis, on accorde également beaucoup d'importance à la disparité culturelle entre les dispensateurs de soins et les bénéficiaires 13. (En général, ce sont des personnes de race noire ou d'origine hispanique qui fournissent des soins a une majorité de pensionnaires de race blanche.) Certains soignants, formés dans d'autres pays comme infirmières ou infirmiers, pharmaciennes ou pharmaciens ou d'autres professions de la santé, doivent prendre des emplois considérés comme de statut moindre ou de niveau d'entrée en raison de barrières linguistiques et d'un manque de reconnaissance officielle de leur formation dans leur pays d'adoption. Étant donné les différences entre le Canada et les États-Unis sur le plan du soutien social et des aspects démographiques en général, on doit étudier ces conclusions en profondeur avant d'y souscrire.

L'étude de Chappell et Novak sur les aides-infirmières et les aides-infirmiers travaillant dans 25 foyers de soins personnels de Winnipeg fournit un aperçu de la situation sociale du personnel soignant rémunéré au Canada14. Des 245 personnes qui ont participé à la recherche :

  • 93 p. 100 étaient des femmes;
  • 47 p. 100 n'étaient pas nées au Canada (27 p. 100 venaient de l'Asie, et 10 p. 100 des Antilles, de l'Amérique centrale ou du Sud);
  • 1 p. 100 était d'origine autochtone;
  • le tiers environ a déclaré avoir un revenu mensuel moyen variant entre 1000 et 1499 dollars;
  • la majorité n'avait pas fait d'études supérieures;
  • 31 p. 100 avaient terminé une 12e année;
  • 18 p. 100 avaient terminé une 1 le année;
  • 14 p. 100 avaient terminé une 10e année.
Ces observations touchent la question de la violence et de la négligence de plusieurs façons.
  • L'insuffisance du revenu peut causer de graves difficultés financières et du stress chez le personnel, problèmes qui peuvent se refléter au travail.
  • L'insuffisance du revenu peut également avoir une incidence sur le taux de roulement des employés, car ceux-ci sont à la recherche d'emplois mieux rémunérés.
  • Un manque de scolarité ou le fait d'être originaire de l'extérieur du Canada ne prédispose d'aucune façon une personne à être un agresseur.
  • Des différences culturelles et des attitudes racistes peuvent créer des conflits entre certains pensionnaires et le personnel. Par exemple, un ou une pensionnaire peut refuser d'être soigné par un dispensateur de soins d'une autre race. Comme l'ont affirmé les membres de l'Abuse Committee du Winnipeg Municipal Hospital, on doit tenir compte des différences culturelles dans l'élaboration des programmes de formation et de soutien 15.
Discussion :

De quelles façons les responsables des établissements peuvent-ils le mieux réagir au fait qu'un grand nombre de personnes âgées ont passé leur vie dans des collectivités relativement homogènes et que les expériences de vie des pensionnaires peuvent influer sur leurs attentes quant aux soins? Comment peut-on atténuer les différends culturels et raciaux dans le milieu institutionnel?

Caractéristiques des pensionnaires

Bien que le nombre de personnes âgées vivant en établissement ait augmenté entre 1981 et 199 1, passant de 153 880 à 203 695, le pourcentage de la population des personnes âgées vivant en établissement a en fait diminué, passant de 8 à 6,4 p. 100. En 1991, 72 p. 100 des personnes âgées vivant en établissement étaient des femmes et 85 p. 100 étaient âgées de 75 ans et plus 16. On ne dispose que de très peu de renseignements à jour sur les caractéristiques générales des pensionnaires.

Sexe et état civil

Le fait que les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes a un effet considérable sur la démographie des populations vivant en établissement. Par exemple, les femmes représentent 57 p. 100 de la population vivant en établissement âgée de 65 à 74 ans et 76 p. 100 du groupe des 75 ans et plus 17. Les femmes sans conjoint (veuves, divorcées, séparées ou célibataires) qui ont plus de 75 ans représentent le groupe de population le plus important dans les établissements de soins. La moitié des femmes pensionnaires dans des établissements de soins de longue durée sont sans conjoint, comparativement à 13 p. 100 des pensionnaires masculins. Cet écart est peut-être attribuable au fait que les femmes vivent en général plus longtemps que leur conjoint. En outre, les hommes sont moins susceptibles de fournir des soins et plus susceptibles d'abandonner ce rôle plus tôt18.

Les populations en milieu institutionnel peuvent courir des risques de mauvais traitements parce qu'elles proviennent de deux groupes démographiques qui, statistiquement, sont plus vulnérables à la violence et à la négligence dans l'ensemble de la collectivité : les personnes fragiles sur le plan physique ou mental, et les femmes 19. En outre, les personnes ayant le moins de liens avec la collectivité, soit les personnes sans conjoint vivant en établissement et celles qui n'ont pas de parent proche, peuvent également être plus vulnérables aux mauvais traitements.

Une étude effectuée en Alberta20 a révélé que peu de pensionnaires en établissement de soins sont abandonnés ou totalement isolés; moins de 6 p. 100 des pensionnaires âgés de plus de 65 ans n'avaient aucun membre de leur famille prenant part à leurs soins. Des pensionnaires ayant un membre de leur famille participant à leurs soins, 61 p. 100 recevaient de l'aide d'un membre de leur famille plus d'une fois par semaine, alors que 33 p. 100 recevaient de l'aide moins d'une fois par semaine. Les taux de relations et de participation entre le personnel et la famille étaient également élevés.

Bien que cette étude donne une indication de la fréquence de la présence familiale, elle ne démontre pas la portée ni la nature de la participation. Malheureusement, dans certains cas, la participation familiale peut être négative, particulièrement lorsque des facteurs comme l'argent ou les biens entrent en ligne de compte. La présence familiale donne un espoir pour l'élaboration de stratégies axées sur la famille en vue de prévenir la violence et la négligence en milieu institutionnel, car le risque de mauvais traitements s'atténue lorsque la famille ou les amis s'intéressent au bien-être de la personne âgée.

Bien-être physique

En général, les pensionnaires sont en mauvaise santé, facteur qui est en fait l'une des principales raisons de leur présence en établissement2l. Un nombre élevé de pensionnaires nécessitent des soins assidus en raison de troubles locomoteurs ou sensoriels, ou encore de problèmes d'incontinence urinaire. On considère les personnes de tout âge ayant un handicap physique comme un groupe à risque élevé quant à la violence et à la négligence car elles n'ont pas toujours la capacité physique de se défendre; par ailleurs, elles peuvent fréquemment être victimes d'autres formes de violence, telles que le non-respect de leurs droits22.

Plusieurs données indiquent que les pensionnaires qui sont en meilleure santé sont traités avec plus de respect par le personnel, car ils démontrent une plus grande capacité d'autonomie et le personnel trouve plus facile d'établir des rapports avec eux. Dans les établissements où les pensionnaires sont plus compétents sur le plan social et fonctionnel, on fait état d'un moins grand nombre de différends entre le personnel et les pensionnaires23. De même, lorsque le ratio des pensionnaires nécessitant des soins assidus par rapport aux pensionnaires nécessitant des soins intermédiaires ou élémentaires est faible, la qualité des soins est meilleure. En revanche, les données indiquent que certains membres du personnel estiment que les pensionnaires les plus aptes sur le plan fonctionnel sont les plus difficiles à traiter, peut-être parce qu'ils refusent d'accepter un rôle passif et de se faire aider. Dans ces cas, le personnel peut réagir en adoptant une attitude de confrontation.

Bien-être mental

Dépression : Les recherches démontrent systématiquement que l'incidence de dépression

est supérieure chez les personnes âgées qui vivent en milieu institutionnel comparativement à celles qui vivent au sein de la collectivité. Une étude albertaine24 réalisée en 1988 a révélé que 10 p. 100 des personnes vivant en établissement de soins montrent les signes d'une dépression clinique majeure, alors qu'une étude américaine25 a révélé que près de 40 p. 100 des personnes âgées vivant en établissement de soins démontraient des signes de dépression mineure ou majeure.

La dépression est un motif courant d'admission en établissement de soins, et l'on a soutenu que, dans de nombreux cas, il s'agit d'une solution inadaptée au problème. Les taux relativement élevés de dépression déclarés dans les établissements soulèvent d'intéressantes questions au sujet des réactions des personnes âgées face à la vie en milieu institutionnel. Souffraient-elles de dépression grave avant d'être admises en établissement (donc était-ce l'une des raisons de leur admission) ou sont-elles devenues déprimées après leur admission? La première possibilité accroît les besoins en soins et traitements spéciaux; la seconde indique que la nature des établissements, ou la séparation de la collectivité, peut laisser les personnes âgées vulnérables face à la dépression. Par exemple, les personnes âgées qualifient souvent les établissements comme étant «la fin de la route». Ces facteurs mettent en évidence le besoin de soutien à l'intention des pensionnaires et d'une formation adéquate pour le personnel afin qu'il puisse traiter les pensionnaires en dépression.

Les pensionnaires dépressifs peuvent être plus vulnérables à la violence et à la négligence car les comportements de non-collaboration associés à la dépression peuvent être exaspérants pour le personnel. De même, le personnel peut réagir négativement au fait de côtoyer une personne constamment déprimée.

Des conclusions de recherche ont fait un lien entre les médicaments, la dépression et les «comportements difficiles». Chez les personnes âgées, certains médicaments, les interactions entre les médicaments ou des posologies inadéquates peuvent engendrer ou perpétrer la dépression26. Le personnel et la famille ont observé que l'on administre souvent aux pensionnaires un nouveau régime de médicaments en réaction à un problème général, tel que l'agitation, sans interrompre la prise de médicaments prescrits antérieurement, ce qui compromet davantage la capacité fonctionnelle du bénéficiaire. Certains médicaments, comme que les stéroïdes, peuvent provoquer des comportements violents, ce qui peut causer des réactions semblables chez les membres du personnel.

Troubles cognitifs : La moitié des personnes atteintes de démence vit au sein de la collectivité; l'autre moitié vit en établissement de soins27. Bien que bon nombre des personnes âgées vivant en établissement soient mentalement aptes, il existe peu de consensus sur le pourcentage de pensionnaires atteints de troubles cognitifs modérés ou importants. Les estimations s'élèvent à 30 p. 100, 40 p. 100 et même 68 p. 100, et elles varient considérablement en fonction du type d'établis sement28. En outre, le degré de troubles cognitifs peut varier considérablement de jour en jour. Les troubles cognitifs peuvent découler de causes réversibles telles que la malnutrition, la dépression, l'infection ou la prise de médicaments29.

Les exploitants d'établissements de soins signalent qu'en général, la santé et le bien-être des nouveaux pensionnaires laissent passablement à désirer comparativement à la situation d'il y a 10 ans. Plus particulièrement, une proportion plus élevée de pensionnaires ont un certain degré de déficience mentale. Ce phénomène est entre autres attribuable aux facteurs interdépendants suivants.

  • Les personnes vivent plus longtemps.
  • La fréquence des maladies touchant la faculté cognitive, telles que la maladie d'Alzheimer, s'accroît considérablement avec l'âge.
  • Actuellement, l'état de santé des personnes qui sont admises en établissement est plus détérioré que celui des pensionnaires admis antérieurement.
Au cours des 20 ou 30 dernières années, une croissance importante de services communautaires améliorés a permis aux personnes de demeurer dans leur domicile beaucoup plus longtemps, ce qui reflète la tendance vers une désinstitutionalisation (transfert des établissements aux collectivités) ou la non-institutionalisation (ne pas admettre les personnes en établissement au départ)30. Bien que cette tendance signifie que les personnes âgées demeurent autonomes plus longtemps, elle veut également dire que les pensionnaires éprouvent des besoins bien plus grands qu'il y a à peine cinq ans31.

Le nombre de personnes âgées ayant des déficiences ou des maladies mentales chroniques, épisodiques ou aiguës augmente plus rapidement que la capacité des établissements de les recevoir avec l'appui d'un personnel spécialement formé ou dans des espaces adaptés à leur situation. Le personnel doit parfois composer avec un regroupement incongru de personnes âgées fragiles et de personnes un peu plus jeunes atteintes de troubles cognitifs. Les membres du personnel peuvent posséder des connaissances rudimentaires sur la démence et la dépression et, de ce fait, les attitudes qu'ils adoptent face aux personnes ayant ces maladies sont souvent mauvaises32. L'accès à la consultation psychogériatrique est également limité.

Des recherches indiquent que les personnes atteintes de troubles cognitifs peuvent être particulièrement vulnérables à la violence et à la négligence33. Le personnel peut estimer qu'il est plus stressant de traiter ce type de pensionnaires que de traiter des pensionnaires ayant un handicap physique34. Certaines personnes atteintes de démence ou de la maladie d'Alzheimer peuvent réagir agressivement aux situations qu'elles trouvent déroutantes et tel comportement peut parfois produire des réactions de violence ou de négligence chez le personnel en vue de «gérer» le pensionnaire35

Des études ont démontré qu'une formation visant l'acquisition d'attitudes, de connaissances et de compétences par le personnel peut contribuer à réduire les cas de violence et de négligence à l'égard des pensionnaires36. Des renseignements précis sur les capacités mentales des pensionnaires peuvent aider le personnel des établissements à éviter d'émettre des hypothèses non fondées sur les capacités des pensionnaires à prendre des décisions quant à leur propre bien-être. De plus, la compétence à prendre des décisions dépend grandement du type de décision à prendre. Un ou une pensionnaire peut être apte à prendre certaines décisions (ce qu'il ou elle doit porter), à prendre d'autres décisions avec de l'aide (questions financières) ou peut être tout à fait incapable de prendre certaines autres décisions37.

Différences linguistiques et culturelles

Certains pensionnaires ne parlent ni le français, ni l'anglais. Par exemple, l'étude sur les pensionnaires en établissement de soins de longue durée en Alberta38 a démontré que près du quart d'entre eux préféraient utiliser une langue autre que l'anglais; 2,8 p. 100 des pensionnaires ne parlaient pas du tout l'anglais; 56,9 p. 100 avaient une compréhension partielle de l'anglais et pour 11 p. 100 encore, la langue constituait un obstacle important. Cette conclusion fait ressortir le risque d'un isolement culturel ou linguistique imposé socialement à un nombre considérable de pensionnaires39. En outre, même des cas de démence faible ou modérée peuvent provoquer chez certaines personnes âgées un retour à leur langue maternelle et la perte de la langue acquise. Environ 54 p. 100 des pensionnaires souffrent d'un handicap plus ou moins grave, soit des troubles cognitifs comme la maladie d'Alzheimer, soit physiques comme la maladie de Parkinson ou la perte de leur acuité auditive40.

La capacité de communiquer est nécessaire pour une interaction sociale efficace, et une capacité réduite ou affaiblie peut contribuer à l'isolement de la personne. Lorsque des personnes âgées éprouvent des difficultés de communication, il y a alors risque qu'elles soient traitées comme des enfants et qu'on leur impose une discipline et qu'on ne les traite pas avec la dignité à laquelle les adultes ont normalement droit4l

Les difficultés de communication peuvent augmenter le risque de violence et de négligence aux mains du personnel et d'autres pensionnaires42. Par exemple, un ou une pensionnaire peut être ignoré si le personnel estime qu'il est difficile et fastidieux de communiquer avec lui ou avec elle, particulièrement lorsque d'autres pensionnaires sont en concurrence avec cette personne pour obtenir l'attention du personnel43. Le ou la pensionnaire peut alors s'isoler ou devenir aliéné si les frustrations liées à la communication entraînent un comportement perturbateur, combatif ou déplacé. Les problèmes de communication peuvent être aggravés si la langue maternelle des dispensateurs de soins n'est pas le français ou l'anglais, particulièrement dans les centres urbains. En outre, étant donné les importantes différences culturelles, qui peuvent être d'ordre social, religieux, familial ou alimentaire, il est possible que les besoins particuliers des pensionnaires ne soient pas comblés en milieu institutionnel, ce qui, en l'absence du soutien familial ou communautaire, peut exacerber leur sentiment d'isolement.

Notes en fin de chapitre 4

  1. Une description colorée, mais révélatrice, de la «tyrannie de la r6glementation» de la vie dans un foyer de soins infirmiers est donnée par Kane, R.A. et A.L. Caplan (éd.), Everyday Ethics: Resolving Dilemmas in Nursing Home Life, New York, Springer, 1990, p. 79-89.
  2. Smith, D.L., C. Schalm, S. Shaw, S. Wellock et M. Lyle, Residents of Alberta Long Term Care Facilities: A Descriptive Profile, Edmonton, Long Tenn Care Branch, Alberta Health, 199 1, p. 66; Committee on Nursing Home Regulation, Improving Quality of Care in Nursing Homes, Washington, National Academy Press, 1986, p. 8.
  3. Cohen, L., Small Expectations: Society's Betrayal of Older Women, Toronto, McLelland & Stewart, 1984, 13 P. 101.
  4. Nouvelle loi de la. Colombie-Britannique, Health Care (Consent) and Care Facility (Admission) Act, projet de loi 51, 1993, art. 20.
  5. Bohuslawsky, M., End of the Line: Inside Canada's Nursing Homes, Toronto, J. Lorimer, 1989.
  6. La Canadian Health Facility Accreditation intègre des mesures qui portent sur la question de la qualité prise aussi du point de vue des pensionnaires. Malheureusement, certains directeurs d'établissement considèrent que le coût du respect de ces mesures est trop élevé compte tenu de la période actuelle de restrictions budgétaires.
  7. Creedon, M.A., «Enhancing worker morale in long terni cure», Ontario Association of Homes for the Aged Quarterly, revue sur les soins de longue durée, octobre 1985, p. 15-18.
  8. Corporation canadienne des retraités concernés, Brief to the Interministerial Committee on Elder Abuse: Based on a Series of Six Follow-up Workshops on Different Aspects of Abuse of the Elderly, Toronto, The Association, juin 1992, p. 15; Corporation canadienne des retraités concernés, What's Going on Here? Different Aspects of Abuse of the Elderly, Toronto, I'lie Association, 199 1, p. 15.
  9. Hugman, R., Power in Caring Professions, Lancaster, Macmillan, 1991.
  10. Hugman, p. 38.
  11. Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, Vieillir.. en toute liberté : Rapport du Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, 1990, p. 7 1. Pour une bonne description de l'attitude du personnel en Angleterre au sujet de la surveillance comparativement aux soins sociaux, ainsi que sur les tâches les plus détestées, voir Donovan, T. et D. Wynne-Harley, Not a Nine to Five Job: Staffing and Management in Private and Residential Care Homes, Londres, Centre for Policy on Aging, 1986, p. 39-45. Pour une discussion sur les comportements liés à l'établissement des ordonnances, voir Schwartz, R.K., S.B. Soumerai et J. Avorn, «Physicians' motivations for nonscientific drug prescribing», Soc. Sei. Med., vol. 28, 1989, p. 577-582; aussi Davidson, W., W. Molloy, G. Somers et M. Bédard, «Relation between physician characteristics and prescribing for elderly people in New Brunswick», Revue de l'Association médicale canadienne, vol. 150, no 6, 1994, p. 917-921.
  12. Williams, C. C., «The experience of long term care in the future», J. of Gerontological Soc. Work, vol. 14, no 1/2, 1989, p. 5.
  13. Kasteler, J.M., M.H. Ford, M.A. White et M.L. Carruth, «Personnel turnover: a major problem for nursing homes», Nursing Homes, vol. 28, no 1, 1979, p. 20-25. Cet article révèle qu'aux États-Unis, le taux moyen de roulement des employés dans les foyers de soins infirmiers varie entre 60 et 70 p. 100, atteignant 400 p. 100 dans quelques foyers californiens. D'autres études plus récentes font état de taux de roulement allant de 46 à 70 p. 100 : Bredenburg, D., C. Larsen, «Low turnover rates reap great rewards», Nursing Homes, vol. 40, no 6, 1991, p. 5-7; Brennan P. L. et M. H. Moos, «Physical design, social climate, and staff turnover in skilled nursing facilities», J. of Long Term Care Administration, vol. 18, no 2, 1990, p. 22-27.
  14. Chappell, N. et M. Novak, «The role of support in alleviating stress among nursing assistants», Gerontologist, vol. 33, no 3, 1992, p. 353. Dans cette étude, on signale que 3 p. 100 des aides-infinnières et des aides-infirmiers auraient moins de sept années de scolarité.
  15. Wierucka, A., B. Barnett, E. Boutscha, D. Goodridge, B. Hack, E. McKean et L. Wolf, Institutional Abuse Report. Document inédit du Winnipeg Municipal Hospital, (maintenant appelé le Riverview Health Centre), le 27 novembre 1992.
  16. Statistique Canada, Aperçu national, Chiffres de population et des logements, no de cat. 93-301, Ottawa, 1982 et 1992.
  17. Statistique Canada. Aperçu national.
  18. Shapiro, E. et R. Tate, «Who is really at risk of institutionalization?», Gerontologist, vol. 28, 1988, p. 237-245. Un rapport préparé en Saskatchewan indique que les hommes courent plus de risques d'être admis en établissement, même après avoir bénéficié d'un soutien social et de services destinés aux personnes âgées, Health Services Utilization and Research Coirunission, Long Term Care in Saskatchewan, Saskatoon, The Coiyunission, janvier 1994, p. 21.
  19. Macpherson, C., «Responding to the abuse of people with disabilities» dans Nagler, M. (éd.), Perspectives on Disability, Palo Alto, Health Markets Research, 1994, p. 73-498. Un vaste débat s'est amorcé sur la question de savoir si les femmes sont plus susceptibles que les hommes de faire l'objet de violence ou de négligence. Dans la collectivité, les fournisseurs de services traitent plus de femmes que d'hommes concernant des cas de violence et de négligence, mais on a émis l'hypothèse que les fournisseurs de services peuvent se montrer plus disposés à intervenir lorsqu'une femme âgée a subi des mauvais traitements. En revanche, les hommes âgées peuvent être moins disposés à signaler qu'ils font l'objet de violence ou de négligence. À la lumière du nombre disproportionné de femmes âgées en établissement, il peut être prudent de présumer qu'un nombre plus élevé de femme que d'hommes font l'objet de violence et de négligence, même si les risques sont les mêmes. La violence et la négligence peuvent toucher l'un ou l'autre des sexes, et ce sont les conséquences, et non pas la personne, qui méritent une attention particulière. Voir aussi Sobsey, D., Violence and Abuse in the Lives of People with Disabilities, Baltimore, Maryland, P.H. Brooks Publishing, 1994.
  20. Smith et coll. Pour un aperçu de la continuité des relations familiales, voir Duncan, M. et D.L. Morgan, «Sharing the caring: family caregivers' view of their relationships with nursing home staff», Gerontologist, vol. 34, no 2, 1994, p. 235-244.
  21. Saskatchewan Domestic Violence Committee, Institutional Abuse Prevention Project, Regina, université de Regina, en cours d'impression.
  22. Sobsey, D., «An integrated ecological model of abuse», Violence and Abuse in the Lives of People with Disabilities, Baltimore, Maryland, P.H. Brooks Publishing, 1994, p. 145-175.
  23. Wierucka et coll.
  24. Bland, R.C., S.C. Newman et H. Orn, «Prevalence of psychiatric disorder in the elderly in Edmonton», Acta Psychiatr. Scand., vol. 338, 1988, p. 57-63.
  25. Parmelee, D.A., I.R. Katz et M.P. Lawton, «Depression among institutionalized aged: assessment and prevalence estimation», J. of Gerontology, vol. 44, 1989, p. 22-29.
  26. McEwan, K., M. Donnelly, D. Robertson et C. Hertzman, Troubles mentaux chez les personnes âgées au Canada : considérations démographiques et épidémiologiques, Ottawa, Direction générale des services et de la promotion de la santé, 199 1, pour une description de la façon dont certain médicaments peuvent provoquer des effets semblables à la dépression. Dans certains établissements, le personnel demande que l'on administre un médicament à un pensionnaire pour régler un problème, alors que celui-ci continue de prendre ses autres médicaments. Voir Cohen, L., Small Expectations: Societys Betrayal of Older Women, Toronto, McLelland & Stewart, 1984, p. 102. Également, Dr W . Molloy du Geriatric Research Centre de l'université McMaster à Hamilton fait remarquer l'utilisation excessive et à mauvais escient de médicaments dans les foyers de soins infirmiers de l'Ontario dans un article devant être publié sous peu.
  27. McEwan et coll., p. 16.
  28. Robertson, D., K. Rockwood et P. Stoles, «The prevalence of cognitive impairment in an elderly Canadian population», Acta Psychiatr Scand., no 80, 1989, p. 308. Cette étude effectuée en Saskatchewan mentionne qu'une proportion de 54 p. 100 des pensionnaires seraient atteints de troubles cognitifs modérés ou graves. L'étude menée par Sinith et ses collaborateurs situe ce pourcentage entre 30 et 40 p.100, les résultats variant en fonction du type de test effectué. L'étude réalisée par Bland et ses collaborateurs indique une proportion de 68 p. 100.
  29. Butler, R.N., M. Lewis et T. Sunderland, Aging and Mental Health: Positive Psychosocial and Biomedical Approaches, 4e éd., Toronto, Collier Macmillan, 199 1, p. 176-178.
30.Lightman, E., A Community of Interests: The Report of the Commission of Inquiry into Unregulated Residential Accommodation, Toronto, Publications Ontario, 1992, p. 47.

31. «ontinuing Care Trends», Continuing Care Connection's Newsletter, août 1993. Cet article précise qu'à Vancouver, entre 1988 et 1992, le nombre de clients nécessitant des «soins personnels» a diminué de 13 p. 100, mais que le nombre de clients appelés «Intermediate Care 3» (soins assidus) a augmenté de 50 p. 100. Pendant la même période, le nombre de lits offrant un cadre sécuritaire pour les pensionnaires atteints de démence a plus que doublé, passant de 190 en 1998 à 411 en 1992.

32. Robertson et coll., p. 308.

33. Coyne, A. C., «The relationship between cognitive impairment and elderabuse», Findings of five Elder Abuse Studies, Washington, National Aging Resource Centre on Elder Abuse, 199 1, p. 3 -30; Redknap, R., «Potential for abuse of Alzheimer victims is great», Alzheimer Rapport, vol. 11, no 3, 1988, p. 5.

34. Chappell, N., M. Novak et C. Miles-Tapping, «Nursing assistant stress and the cognitively impaired elderly», The Gerontologist, no 30, numéro spécial, octobre 1990, p. 359A.

35. Cahill, S. et M. Shapiro, «I think he might have hit me once: aggression towards caregivers in dementia care», Australian J. on Ageing, vol. 12, no 4, 1993, p. 10-15; Paveza, J., D. Cohen, C. Eisendorfer, S. Freels, T. Sernla, J. Ashford, P. Gorelick, R. Hirshman, D. Luchins et P. Levy, «Severe family violence and Alzheimer's disease: prevalence and risk factors», Gerontologist, vol. 32, no 4, 1992, p. 493-497.

36. Feldt, K.S. et M.B. Ryden, «Aggressive behaviour: educating nursing assistants», J. of Gerontological Nursing, mai 1992, p. 3-12; Skinkle, R.R. et P. Grant, «An outcome evaluation on in-service training program for nursing home aides», Revue canadienne du vieillissement, vol. 7, no 1, 1988, p. 48-57.

37. Joint Working Committee (Interministry Committee on Issues Affecting Dependent Adults and Project to Review Adult Guardianship), How Can We Help? A New Look at Self Determination, Interdependence, Substitute Decisionmaking and Guardianship in B.C., Vancouver, Interministry Committee on Issues Affecting Dependent Adults and Project to Review Adult Guardianship, 1992, p. 56-57; Harvey, W., R. Pepper-Smith et L. Landry, «Competency in the elderly)», Focus on Aging, vol. 13, no 2, Toronto, University of Toronto Centre for Studies on Aging, 1992, p. 12; Etmanski, A., «Competence, capability, capacity: an alternative definition», Burnaby, Planned Lifetime Advocacy Network, le 11 février 1992; Morantz, A., «The right to decide»),, Today's Health, septembre 1990, p. 39-43.

38. Smith et coll.

39. Selon le document publié par le Secrétariat d'État (Multicultundisme), Le vieillissement dans un Canada multiculturel : Aperçu graphique, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1989, 24 p. 100 de tous les Canadiens qui ne parlent ni l'anglais ni le français sont des adultes âgés de plus de 65 ans. Ce bassin représente une forte proportion de la population des personnes âgées. Parmi eux, on compte deux fois plus de femmes que d'hommes qui ne parlent aucune des deux langues officielles.

40. Smith et coll.

41. Saskatchewan Interhospital Domestic Violence Conunittee.

42. Lum, D., «Asian-Americans and Their Age& dans McNeely, R.L. et J.L. Cohen (éd.), Aging in Minority Groups, Beverly Hills, Sage, 1983; Koh, J.Y. et W.G. Bell, «Korean elders in the United States: intergenerational relations and living arrangements», Gerontologist, no 27, 1987, p. 66-71.

43. Saskatchewan Interhospital Domestic Violence Committee.

Chapitre 5 Repérage, signalement et enquête

La nécessité d'un système de repérage

Dans de nombreux cas, les établissements sont pourvus de systèmes qui peuvent contribuer à réduire le risque de violence et de négligence. Par exemple, un établissement peut offrir des séances de planification des soins à l'intention des membres du personnel afin de leur permettre de repérer les difficultés touchant les pensionnaires avant qu'elles ne deviennent un problème. L'énoncé de mission d'un établissement peut être axé sur la dignité et le respect des pensionnaires et du personnel dans le cadre de la prestation des soins. Comme l'ont souligné les membres du Hastings and Prince Edward Council on Aging, dans le sud de l'Ontario, «il est extrêmement important que les responsables des établissements élaborent et mettent en oeuvre des politiques qui tiennent compte de l'existence des cas de violence [et de négligence]. Il est aussi indispensable qu'ils traitent chaque incident de façon consciencieuse et efficace» 1.

La constatation des cas de violence et de négligence dans un établissement se fonde sur deux concepts connexes :

  • le besoin de normes reconnues;
  • la reconnaissance qu'un certain type de comportement contrevient à ces normes.
La norme en place doit être établie dans l'optique d'un milieu humain et soulever des questions importantes.
  • Qui devrait-être responsable de l'élaboration des normes s'appliquant à la prestation de soins?
  • Les cadres? Le personnel?
  • Les pensionnaires de l'établissement? Les familles de ces pensionnaires?
  • La collectivité? Les organismes externes, comme les ministères?
  • Quels critères devraient s'appliquer à ces normes?
  • Qui devrait veiller au respect de ces normes?
On repère généralement les cas de violence et de négligence comme suit:
  • en les constatant de visu ou
  • en reconnaissant la présence de signes révélateurs dans le comportement, l'état psychologique et le milieu.
Signes révélateurs : Quels sont-ils?

Une liste des signes révélateurs de violence et de négligence en milieu institutionnel est fournie à l'annexe C. Ces signes sont très proches de ceux que l'on peut observer au sein de la collectivité2. Toutefois, les établissements doivent tenir compte d'autres éléments qui peuvent compliquer le repérage des cas de violence et de négligence.

Dans les milieux institutionnels officiels, il peut être plus difficile de repérer un agresseur puisqu'un grand nombre de personnes interagissent avec les pensionnaires. Certaines peuvent habiller un ou une pensionnaire, d'autres l'aideront à se déplacer ou à manger et d'autres encore lui feront prendre un bain. Les employés changent d'un quart de travail à un autre et des membres du personnel autres que ceux qui dispensent directement les soins directs (p. ex. les employés chargés de l'entretien) côtoient également les pensionnaires. Les contusions sur le corps d'un ou d'une pensionnaire peuvent avoir été causées par n'importe laquelle de ces personnes, ou encore par aucune d'entre elles. Il peut aussi y avoir plus d'un agresseur3.

Le repérage des cas de violence et de négligence en milieu institutionnel peut être difficile, car bon nombre de personnes âgées sont atteintes de problèmes de santé mentale ou physique. Cette situation fait qu'il n'est pas aisé de faire la distinction entre les effets de la violence et de la négligence, d'une part, et ceux qui découlent de l'état de santé mentale ou physique sous-jacent, d'autre part4. Les recherches démontrent que, souvent, les indications de violence ou de négligence passent inaperçues parce que les professionnelles et professionnels ont tendance à remarquer les mauvais traitements seulement lorsqu'ils en cherchent délibérément la preuve5. Les examens physiques combinés aux renseignements sur les antécédents de la personne et à un interrogatoire approfondi par l'intervenante ou intervenant peuvent contribuer à vérifier si la plainte relative à des mauvais traitements est symptomatique de problèmes de confusion ou de démence du pensionnaire, ou si celui-ci fait vraiment l'objet de violence ou de négligence. «Par conséquent, on ne peut pas trop insister sur l'importance d'obtenir des renseignements exhaustifs et objectifs sur les antécédents [de la personne âgée]6.»

Signes révélateurs liés au comportement, à l'état psychologique et au milieu

La violence et la négligence peuvent être repérées par une personne qui reconnaît la présence de signes révélateurs relatifs au comportement, à l'état psychologique et au milieu. Pour cela, il faut connaître le comportement habituel des pensionnaires et remarquer tout écart considérable qui pourrait présager une tension liée à la violence ou la négligence, comme des changements dans le tempérament, des sautes d'humeur ou une irritabilité soudaine.

Les signes comportementaux et psychologiques comprennent notamment :

  • «paradoxalement, [les personnes âgées violentées] peuvent devenir euphoriques ou «bêtes» en réaction aux mauvais traitements7»;
  • les personnes habituellement loquaces peuvent devenir réservées, renfermées, passives ou déprimées;
  • les personnes âgées peuvent s'affoler, se lamenter ou pleurer en silence au cours des activités quotidiennes, comme au moment de prendre un bain ou de s'habiller;
  • la qualité du sommeil peut se détériorer;
  • l'état de santé général peut commencer à se détériorer mystérieusement.
  • Les signes relatifs au milieu comprennent notamment :
  • un manque d'intimité;
  • une personne de l'extérieur qui a de la difficulté à communiquer avec un pensionnaire âgé,
  • la censure du courrier.
Problèmes de repérage particuliers au milieu institutionnel

Il faut aborder d'autres problèmes de repérage dans le milieu institutionnel afin de définir clairement ce qui est considéré comme de la violence et de la négligence. Par exemple, quand l'utilisation de moyens de contrainte est-elle non pertinente et quand ces moyens de contrainte deviennent-ils des manifestations de violence ou de négligence'! À quel moment est-ce que le fait de ne pas fournir certains types de soins ou un certain niveau de soins constitue-t-il de la négligence physique!

Contraintes

Les traitements ou les méthodes valables peuvent devenir des actes de violence ou de négligence lorsqu'ils sont mal utilisés; la démarcation est faible entre une bonne et une mauvaise utilisation8. Les moyens de contrainte physique ou de contention, comme les barres de maintien ou les chaises gériatriques, ainsi que les moyens de contrainte chimique, tels que les fortes doses de médicaments, sont couramment utilisés dans les établissements. Bien que les moyens de contrainte puissent servir a prévenir un type de problème, s'ils sont mal employés, ils peuvent en causer d'autres. Par exemple, les moyens de contrainte physique peuvent empêcher une personne d'errer, mais elles peuvent aussi brimer la liberté personnelle ou causer des blessures (p. ex. la strangulation)9. Une mauvaise utilisation de médicaments comme moyen de contrainte chimique peut nuire à la capacité de prendre des décisions et peut frapper d'incompétence des adultes en possession de leurs moyens10.

Afin de déterminer si un moyen de contrainte est utilisé de façon abusive ou négligente, il est essentiel d'établir d'abord si le moyen de contrainte est nécessaire. Ensuite, on doit examiner les contraintes physiques et chimiques en regard des solutions les plus efficaces tout en étant les moins restrictives pour aider un pensionnaire dans des circonstances données Les critères suivants sont importants pour évaluer l'utilisation adéquate de moyens de contrainte :

  • la contrainte est nécessaire pour assurer la sécurité du pensionnaire ou d'autres personnes et ne vise pas à accommoder le personnel;
  • des solutions moins contraignantes ont été essayées, comme l'orientation à la réalité, les thérapies adéquates, la stimulation sensorielle, les aides mécaniques, les exercices, la modification et la surveillance du milieu, mais elles n'ont rien donné;
  • le pensionnaire faisant l'objet de moyens de contrainte est surveillé attentivement;
  • les moyens de contrainte n'ont pas été utilisés plus longtemps que nécessaire;
  • l'usage des moyens de contrainte a été autorisé par le personnel compétent.
Le manque de certitude concernant le respect de ces critères entraîne la possibilité évidente d'une mauvaise utilisation de moyens de contrainte. Par conséquent, les dossiers médicaux et les autres documents deviennent des outils importants pour confirmer ou démentir les soupçons de cas de violence ou de négligence liés à l'utilisation de moyens de contrainte.

Négligence physique

La négligence physique, c'est le fait de ne pas dispenser à un ou une pensionnaire les soins dont il ou elle a besoin. Outre les signes évidents comme la propreté du pensionnaire, il y a d'autres moyens de repérer les cas de négligence physique :
  • en observant le pensionnaire et son entourage (réceptivité et bien-être général),
  • en effectuant des examens médicaux ou dentaires. Par exemple, un examen médical peut révéler un cas de malnutrition. Une mauvaise hygiène bucco-dentaire ou l'état des dents peuvent indiquer si le pensionnaire est bien nourri ou s'il reçoit des soins physiques convenables 12.
On peut aussi repérer les cas de négligence physique par des moyens autres que des signes médicaux, par exemple en vérifiant si :
  • les besoins alimentaires du pensionnaire sont comblés;
  • la nourriture offerte est de bonne qualité et suffisante;
  • une aide pour se nourrir est apportée, au besoin;
  • les aliments sont variés;
  • les repas servis correspondent au menu proposé.
Bien que les problèmes physiques ne découlent pas tous de la négligence, un examen médical ou dentaire peut servir à prouver que l'état du pensionnaire est attribuable à d'autres causes. La constatation de la négligence physique en milieu institutionnel peut aussi être compliquée par les problèmes de laisser-aller volontaire. Par exemple, le fait qu'un pensionnaire refuse systématiquement de manger peut cacher une décision de se laisser mourir. Par contre, il se peut que ce soit parce que le pensionnaire a un dentier mal ajusté qui le fait souffrir ou parce que le personnel essaie de le faire manger trop rapidement.

Le signalement

Les signalements et les enquêtes sont indispensables pour régler le problème de violence et de négligence en milieu institutionnel. Les responsables du centre de soins infirmiers Taché ont formulé l'observation suivante :

Il est habituellement difficile de signaler un cas présumé de violence à l'égard d'un ou d'une pensionnaire et d'effectuer une enquête à ce sujet. Souvent, les droits, la sécurité et le bien-être de plusieurs personnes sont en jeu. Les membres du personnel visés par la présomption de violence doivent donc prendre des décisions délicates, non seulement en évaluant les éventuelles retombées positives de leur geste sur les parties en cause, mais aussi en tenant compte des droits des pensionnaires par rapport aux droits et à la réputation des autres personnes13.

Principes

  • Les principes suivants peuvent guider les décisions du personnel au moment d'effectuer une enquête ou une intervention dans les cas Présumés de violence à l'égard d'un ou d'une pensionnaire 14 .
  • Peser tous les aspects relatifs à la sécurité, au bien-être, a la réputation et aux droits (y compris le droit à la confidentialité) des pensionnaires, ainsi que les droits des autres (membres du personnel, cadres, famille et établissement).
  • Les droits et la réputation des personnes accusées d'actes de violence doivent être respectés et protégés autant que possible. En cas de conflit, les droits de l'accusé n'ont pas préséance sur les droits de la présumée victime de violence.
  • Les responsables de l'établissement doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que la réputation d'une personne faussement accusée de violence ou de négligence soit rétablie dans toute la mesure du possible.

Démarche

Le signalement, l'enquête et l'intervention sont des éléments indispensables du règlement des cas de violence et de négligence dans le milieu institutionnel. Bien que la première étape soit souvent le signalement, il arrive, en situation de crise, qu'une intervention immédiate s'impose de façon plus pressante. Parfois, tous ces éléments se réalisent simultanément. Une fois qu'un cas de violence ou de négligence a été observé ou est soupçonné, il faut qu'il soit signalé le plus tôt possible, de vive voix ou par écrit, à une personne désignée au préalable. Dans de nombreux cas, un pensionnaire ou un membre de sa famille peut ne pas savoir qui est la personne désignée. Le personnel doit alors transmettre les renseignements à la bonne personne.

Le choix de la personne désignée dépend de la taille de l'établissement et de sa structure organisationnelle. Habituellement, il s'agira d'un membre de la haute direction ou d'un cadre (infirmière ou infirmier en chef, directeur ou directrice des soins infirmiers, chef de service, directeur administratif ou directrice administrative). La personne désignée doit posséder la formation et les compétences nécessaires pour assumer les responsabilités liées aux enquêtes et aux interventions. La personne soupçonnée de violence ne peut être chargée de l'enquête.

Le signalement immédiat contribue à assurer la sécurité des pensionnaires et l'exactitude des renseignements 15. La consignation des renseignements par écrit permettra:

  • d'établir les faits;
  • de rafraîchir la mémoire ou d'avoir les renseignements frais à l'esprit;
  • de déterminer exactement la portée de l'enquête;
  • de permettre à la personne soupçonnée ou accusée d'apprendre la nature de la plainte;
  • d'aider à cerner les contradictions éventuelles dans la preuve (venant de la personne soupçonnée ou accusée, du ou de la pensionnaire ou d'un autre membre du personnel).
Dans les cas où il n'y pas assez de preuves pour appuyer une plainte, l'existence d'un rapport écrit peut fournir un soutien indirect dans le cadre d'une autre enquête s'il s'agit d'un comportement répété. En outre, un rapport écrit qui énonce les détails exacts de l'incident et sa gravité peut faciliter la tâche des responsables d'un établissement au moment de soutenir ou de défendre leur position ou de congédier un employé.

Signalement et consignation16

Dans un rapport, tout comme dans une enquête, il est important de documenter les huit questions suivantes :
  • Qui a prétendument commis l'acte de violence ou de négligence?
  • Qui est la victime de cet acte?
  • Quel est l'acte qui aurait été empreint de violence ou de négligence?
  • Quand l'acte a-t-il été commis (heure/date)?
  • Où l'acte a-t-il été commis (endroit précis)?
  • Que s'est-il produit? Rendre compte de l'incident en ordre chronologique : tout ce que la personne a vu avant que l'incident ne se produise (pour déterminer le contexte), pendant et après l'incident, y compris les réactions des gens.
  • Que s'est-il passé ensuite? Décrire la suite des événements (mesures prises, p. ex. séparation des deux personnes, offre de soins médicaux au pensionnaire, observation du pensionnaire et collecte de renseignements auprès du pensionnaire, déterminer s'il y a eu des blessures).

Soutien au signalement

Le signalement des cas de violence ou de négligence représente une démarche importante pour n'importe qui, et celui ou celle qui décide de l'entreprendre a besoin de soutien au cours du processus. Ce soutien consiste à reconnaître qu'il est difficile de signaler un incident, à informer la personne du résultat général de l'enquête et à remercier cette personne. Les pensionnaires peuvent avoir besoin d'un plus grand appui durant le processus, particulièrement si l'enquête, l'intervention et le suivi se déroulent sur une longue période. Les pensionnaires peuvent aussi avoir besoin de soutien au moment de parler à des membres de leur famille concernant l'acte de violence ou de négligence.

L'enquête

Il doit systématiquement avoir enquête dès que l'on soupçonne un cas de violence et de négligence. La responsabilité de cette enquête revient au membre désigné de la haute direction. Dans les établissements plus modestes et moins structurés, la majeure partie de la responsabilité concernant l'enquête et l'intervention revient probablement à la même personne. Cependant, peu importe la taille de l'établissement, l'objectif visé doit être l'équité à l'égard du pensionnaire et du présumé agresseur. On trouvera à l'annexe D des suggestions visant à guider le déroulement d'une entrevue.

La personne chargée de l'enquête sur le cas de violence ou de négligence assume six responsabilités.

  • Veiller à la sécurité du ou de la pensionnaire.
  • Interroger la ou le pensionnaire seul, ou en présence d'un intervenant de son choix, et en l'absence du présumé agresseur. Évaluer l'existence d'un autre danger, la gravité du cas de violence ou de négligence, la fréquence des actes de violence ou de négligence et les répercussions sur le pensionnaire.
  • Prévoir des soins médicaux ou d'autres formes de traitement (p. ex. une orientation en cas de crise) à l'intention du ou de la pensionnaire ou de toute autre personne touchée, au besoin.
  • Interroger les témoins.
  • Interroger la personne accusée pour obtenir sa version des faits. Aviser les cadres supérieurs. Si la gravité de la situation le justifie, demander à la personne de quitter les lieux. Si un crime a été commis, communiquer avec la police.
  • Aviser les autorités visées, le plus proche parent de la ou du pensionnaire (à moins d'une demande contraire du pensionnaire) et les organismes externes, lorsque les dispositions sur la dénonciation obligatoire l'exigent17.

Poser «la question»

Bien qu'il puisse être extrêmement difficile pour un employé de demander à une personne si elle a fait l'objet de violence ou de négligence, cette question peut avoir des conséquences profondes sur le déroulement de toute discussion ultérieure. Les personnes âgées sont généralement directes si elles croient que les renseignements qu'elles avancent seront gardés confidentiels et que des mesures ne seront prises qu'à leur demande. «Le fait de poser la question équivaut à ajouter foi à la situation vécue par la personne âgée en lui laissant savoir que d'autres personnes sont victimes de violence et de négligence et que leur nombre est suffisamment élevé pour qu'on songe à poser la question 18. »

Il faut des compétences particulières pour savoir comment interroger une personne qui est peut-être victime de violence ou de négligence. La personne qui pose les questions doit être sensibilisée aux sentiments partagés que le ou la pensionnaire pourrait ressentir, et elle doit les comprendre. Le fait de poser les questions à la ou au pensionnaire dans une pièce ou celui-ci ou celle-ci se sent à l'aise, ainsi que la présence d'une personne en qui la personne âgée a confiance, peut contribuer à recueillir des renseignements plus précis19. En raison de troubles cognitifs ou de la vue, les pensionnaires peuvent parfois avoir de la difficulté à reconnaître les personnes et hésiter à désigner une personne en particulier comme agresseur, par peur de se tromper. Néanmoins, une simple description fournie par le ou la pensionnaire peut souvent mettre l'enquêteur sur la bonne voie.

Documentation

Les faits doivent être consignes par écrit, sans que l'on y ajoute d'opinions personnelles, de suppositions ou de conjectures concernant l'incident. Les renseignements doivent être pris en note dans un rapport général sur les incidents et dans le dossier du ou de la pensionnaire. En outre, les déclarations factuelles des témoins peuvent être consignées sous forme de notes de service pour les dossiers administratifs.

Une fois l'enquête terminée, le superviseur doit rencontrer le membre du personnel en présence d'un représentant syndical ou d'une autre personne afin de discuter des allégations. Cet entretien a pour but d'aider l'employé a comprendre les allégations et leurs conséquences. Les conclusions tirées de l'enquête doivent être divulguées à l'employé. Elles peuvent déterminer si la preuve est suffisante pour appuyer la plainte en rapport à l'acte allégué de violence ou de négligence, s'il est nécessaire de poursuivre l'enquête, ou les mesures qui doivent être prises.

Preuve

Les actes de violence et de négligence sont souvent commis lorsqu'il n'y a pas de témoin, ce qui complique l'obtention de preuves. Dans certains cas, il est possible de recueillir des renseignements aux fins de corroboration en consultant différentes sources, comme les rapports médicaux. La preuve circonstancielle revêt aussi de l'importance. Par exemple, si chaque fois qu'un ou une pensionnaire quitte l'établissement en compagnie d'un membre de sa famille, il ou elle revient bouleversé, il peut y avoir lieu de soupçonner que le ou la pensionnaire fait l'objet de mauvais traitements lors de ces visites. Cette démarche a fait ses preuves dans les cas d'agression sexuelle. Bien qu'il puisse y avoir d'autres explications à la situation (comme un ou une pensionnaire qui prend plaisir aux visites et qui ne veut pas réintégrer l'établissement ou la confusion due au changement de milieu), la preuve circonstancielle peut permettre au personnel de déceler des problèmes.

Issue

Dans tous les cas de violence ou de négligence, l'objectif final est de résoudre le problème, de veiller à la sécurité du ou de la pensionnaire et de faire en sorte que le problème ne se reproduise pas. Un groupe structuré au sein de l'établissement pourrait évaluer l'incident et formuler des recommandations quant à la modification des politiques, des procédés ou des pratiques dans le but de prévenir des situations semblables. La consultation de ressources et d'organismes de l'extérieur peut aussi être utile pour assurer l'objectivité des démarches et élaborer des recommandations. Les allégations de mauvais traitements infligés par des visiteurs ou d'autres pensionnaires doivent aussi faire l'objet d'une enquête et être documentées et prouvées, comme on l'a mentionné plus haut.

Les obstacles au signalement et à l'enquête20

En milieu institutionnel, une déclaration, une plainte ou un rapport d'un ou d'une pensionnaire, d'un membre du personnel ou d'une autre personne sont les façons les plus directes de repérer un cas de violence et de négligence. Malheureusement, il est rare que les pensionnaires et le personnel signalent aux autres l'existence d'un problème ou l'occurrence d'un incident. De même, durant les enquêtes, le personnel peut constater que les personnes sont réticentes ou hésitent à paler21. Plusieurs raisons expliquent cette réticence.

Obstacles pour les pensionnaires

Réticence générale : Les pensionnaires des établissements peuvent hésiter autant que quiconque à signaler les cas de violence et de négligence. Au sein de la collectivité, on évalue à aussi peu que 1 cas sur 16 la proportion de cas de violence et de négligence à l'égard des personnes âgées qui sont signalés à un organisme quelconque 22. On remarque que la société, que ce soit par les habitudes acquises ou l'expérience, encourage les personnes âgées, et particulièrement les femmes, à rester tranquilles et passives et à accepter ce que la vie leur apporte. Dans bon nombre de cas, le milieu institutionnel aussi encourage et récompense la passivité. L'estime de soi ou la confiance d'un ou d'une pensionnaire peut souffrir si la violence ou la négligence qu'il ou qu'elle subit est intériorisée et que la responsabilité ou le blâme est rejeté sur lui ou sur elle23. Les personnes âgées peuvent accepter la violence ou l'humiliation comme des actes normaux en raison de leurs expériences antérieures à cet égard. Certaines personnes âgées croient aussi que le fait de demander de l'aide démontre une faiblesse et que le signalement des mauvais traitements pourrait miner leur autonomie.

Loyauté familiale : Lorsque les actes de violence ou de négligence sont commis par des membres de la famille, les pensionnaires peuvent ne pas les signaler par loyauté, par attitude protectrice ou par crainte de révéler leur «inefficacité» en tant que parent. La trahison de l'honneur familial est parfois considérée comme étant une humiliation pire que les mauvais traitements. Dans les collectivités rurales ou isolées, il arrive souvent que les membres de la famille ou les amis travaillent (ou connaissent quelqu'un qui travaille) au sein de l'établissement en question. À cause de cette situation, il est difficile pour les pensionnaires de séparer le rôle professionnel de l'agresseur de son rôle familial ou social. Lorsqu'ils signalent un cas de violence ou de négligence, les pensionnaires peuvent s'attirer la critique des agresseurs, ainsi que celle de tout le cercle social. Par conséquent, ils peuvent choisir de garder le silence plutôt que de provoquer de la discorde dans la famille ou la collectivité.

Difficultés à reconnaître l'agresseur : Parfois, les pensionnaires ne signalent pas les cas de violence ou de négligence par crainte de désigner par inadvertance la mauvaise personne. Les pensionnaires intellectuellement alertes, tout comme ceux qui ont des troubles mentaux, considèrent souvent qu'il est difficile de distinguer les membres du personnel, particulièrement s'ils portent un uniforme.

Manque de connaissances : Bon nombre des cas de violence ou de négligence en milieu institutionnel ne sont pas signalés parce que les pensionnaires ne connaissent pas leurs droits. Parfois, ce manque de connaissances peut représenter un volet de la situation problématique si le personnel ou la famille, de façon directe ou indirecte, ne transmet pas l'information au pensionnaire. La situation peut empirer si les membres de la direction et du personnel n'informent pas les pensionnaires de leurs droits.

Fiabilité et crédibilité : Souvent, lorsque les pensionnaires dénoncent une situation, la fiabilité et la crédibilité de leur déclaration peuvent être mises en doute. Les plaintes d'un ou d'une pensionnaire peuvent ne pas être minutieusement examinées ou ne pas être crues s'il ou elle est considéré inapte. Bien que certains pensionnaires soient atteints de la maladie d'Alzheimer ou de démence, ou encore qu'ils ou elles aient des troubles de la mémoire ou délirent, la majorité d'entre eux sont mentalement aptes. La capacité de décrire des événements de façon exacte n'est pas statique et les pensionnaires peuvent être tout à fait lucides pendant plusieurs jours d'affilée. Tous les pensionnaires, peu importe leur état de santé mentale, méritent que leur allégation soit examinée de façon objective.

Système : Le milieu institutionnel décourage souvent subtilement (et parfois même, sans aucune subtilité) les pensionnaires de signaler les problèmes. Les signalements peuvent être considérés comme étant sans intérêt ou exagérés. Un ou une pensionnaire qui porte plainte peut être perçu comme un «plaignard» ou un «pensionnaire à problème». Le personnel peut alors le réprimander, l'ignorer, le mettre de côté ou l'éviter.

Mesures de représailles : Certains pensionnaires ont peur d'éventuelles représailles s'ils dénoncent un mauvais traitement, comme de perdre leur chambre ou leur lit préféré, d'être changé de place dans l'établissement ou de perdre des privilèges. Les représailles peuvent aller jusqu'au renvoi à un autre établissement si l'agresseur n'est pas renvoyé. Les mesures de représailles peuvent également prendre la forme de désinformation, alors que l'agresseur tente de faire paraître le pensionnaire comme une personne difficile.

Manque de solutions : Le fait de ne pas connaître toutes les solutions peut effectivement dissuader le signalement des problèmes. Généralement, toutes les options qui existent au sein de la collectivité en matière de soins ont été évaluées avant l'admission dans un établissement. Dans certaines régions rurales ou isolées, il peut n'y avoir qu'un établissement situé près de la famille et les pensionnaires peuvent s'inquiéter de leur sort si le cas de violence ou de négligence est signalé.

Manque de sensibilisation : Certains incidents de violence et de négligence ne sont pas signalés parce que la personne âgée ne sait pas en quoi consistent des mauvais traitements. À titre d'exemple, un fils ou une fille adulte peut effectuer des retraits d'un compte bancaire sans la connaissance ni le consentement de son parent âgé. Le problème passe inaperçu jusqu'à ce que les responsables de la banque ou quelqu'un d'autre remarquent les transactions inhabituelles. En milieu institutionnel, le premier signe d'exploitation financière peut être que les frais du ou de la pensionnaire ne sont pas réglés à temps.

Les troubles mentaux causés par la négligence ou la détérioration physique et intellectuelle peuvent faire en sorte que le ou la pensionnaire n'est pas conscient de ce qui se passe24. Par exemple, dans un cas signalé, un membre du personnel s'est rendu compte qu'une pensionnaire ayant des troubles cognitifs avait été agressée sexuellement. Un pensionnaire se rendait à sa chambre pour avoir des relations sexuelles. La pensionnaire n'avait pour seul souvenir de l'incident que son «mari» (qui est décédé) était venu lui rendre visite.

Incapacité de signaler les problèmes : Le ou la pensionnaire qui a fait l'objet de violence ou de négligence peut être incapable de signaler l'incident si un handicap physique ou une barrière linguistique l'empêche de s'exprimer. Dans les situations où des problèmes de communication existent, d'autres personnes peuvent constater le problème en s'apercevant que quelque chose ne va pas (p. ex. en remarquant des ecchymoses inexpliquées au début de leur quart de travail).

Méfiance : Parfois, les pensionnaires ne font pas assez confiance au personnel pour lui signaler un problème. Ils peuvent avoir entendu parler de cas où des plaintes ont été ignorées ou minimisées ou n'ont pas été traitées de façon satisfaisante, particulièrement si les professionnelles ou professionnels de la santé sont considérés comme étant plus crédibles que les pensionnaires.

Obstacles pour le personnel

Les membres du personnel peuvent ne pas signaler des cas de violence ou de négligence ou collaborer à une enquête à cet égard. Les raisons suivantes montrent combien il importe de protéger le personnel et les autres personnes lorsque des cas de violence ou de négligence sont signalés.

Dénégation : De nombreux employés nient que des cas de violence ou de négligence se produisent ou pourraient se produire dans l'établissement où ils travaillent. Selon une enquête menée en Saskatchewan, bon nombre d'employés dans des établissements ont expressément nié la possibilité de cas de violence ou de négligence, affirmant que «tous ceux et celles qui travaillent ici se soucient du bien-être des pensionnaires» 25. Bien qu'il s'agisse là d'une impression assez courante, le «souci des pensionnaires» et les mauvais traitements ne s'excluent pas mutuellement. Certains cas de non-respect des droits se produisent lorsqu'une ou un employé croit protéger un pensionnaire ou agir dans son «intérêt». Même si cette situation montre que les employés se soucient des pensionnaires, l'autonomie de ceux-ci est quand même minée. La dénégation des cas de violence ou de négligence en milieu institutionnel peut découler de l'ignorance qu'un type d'action ou d'inaction constitue un mauvais traitement, particulièrement lorsqu'il s'agit d'attitudes ou de méthodes bien ancrées. Les employés sont en outre susceptibles de nier les cas de violence et de négligence s'ils ne connaissent pas les solutions ou la marche a suivre quand de telles circonstances se présentent. Par exemple, si les membres du personnel ne connaissent pas de moyens moins restrictifs que les moyens de contrainte chimique ou physique, ils ne se rendent peut-être pas compte que leurs gestes peuvent être violents. L'existence de lignes de conduite et de directives précises aidera le personnel à reconnaître les cas de violence et de négligence.

Inutilité : Comme les pensionnaires, certains employés peuvent penser qu'il est inutile de signaler les cas de violence et de négligence parce qu'aucune mesure corrective ne sera prise. Certains employés qui ont déjà signalé en vain des incidents à la direction ou à des organismes de réglementation peuvent éprouver le sentiment que la démarche est inutile. Par exemple, une étude de l'Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario 26 a démontré que des mesures de suivi n'étaient prises que dans 42 p. 100 des cas où le personnel avait signalé des cas de violence ou de négligence. Si les responsables de l'établissement ne prennent pas les mesures qui s'imposent, le personnel, les pensionnaires et les autres personnes touchées doivent pouvoir faire état de leurs préoccupations à un représentant ou à un organisme indépendant et neutre sans craindre de subir des représailles. Il pourrait s'agir du protecteur des citoyens, d'un intervenant externe, d'une commission des droits de la personne ou d'un organisme de réglementation professionnelle.

Système Les autres raisons possibles expliquant le non-signalement d'un problème sont les suivantes il y a plus d'un employé impliqué (particulièrement dans les cas de violence psychologique); le personnel peut considérer que la violence, l'autorité et le contrôle sont des éléments inhérents à leur milieu de travail; le personnel peut croire que les problèmes sont insurmontables et qu'ils ne peuvent être réglés sans la restructuration complète du milieu institutionnel.

Mesures de représailles : Les membres du personnel peuvent aussi craindre les représailles du collègue accusé ou la perte de la confiance des autres employés. Le milieu de travail pourrait devenir intolérable si la personne accusée découvrait qui était l'auteur de la plainte, particulièrement si l'accusé possède plus d'ancienneté que le plaignant27. Un employé peut craindre de perdre son emploi s'il n'existe pas de mesures de protection en cas de signalement.

Loyauté partagée : Certains employés peuvent ne pas signaler un incident en raison d'un sentiment déplacé de loyauté envers leurs collègues. Dans certaines collectivités rurales, les membres du personnel se connaissent bien, sont de bons amis ou sont apparentés, de sorte que le problème de violence ou de négligence peut devenir un «secret de famille». Dans d'autres milieux de travail, la division des tâches peut être telle que les employés ne considèrent pas que le travail des autres est lié à leurs propres tâches «puisqu'il s'agit d'un quart de travail ou d'un service différent». Les membres du personnel peuvent croire qu'ils n'ont pas à signaler les problèmes relatifs aux autres employés et «se mêlent de leurs affaires» ou «se ferment les yeux». La décision de signaler ou non un problème peut représenter un vrai dilemme pour les employés.

Un employé qui observe par hasard un incident ou un cas de violence doit faire un choix : il peut ne rien faire et devenir un complice silencieux, susceptible de faire l'objet de mesures disciplinaires pour ne pas avoir signalé l'incident, ou il peut signaler l'incident, au risque de s'attirer la colère et peut-être des représailles de l'agresseur et de subir l'hostilité de se concrétiser, mais les conséquences négatives du second recours seront certainement réelles et immédiates 28.

Intimidation : Les employés ou les cadres peuvent aussi être intimidés par l'agresseur 29. Cela arrive généralement lorsque l'agresseur soupçonné est un membre de la famille du pensionnaire qui menace les employés ou les cadres de les poursuivre en justice s'ils commencent à faire enquête.

Liens avec la collectivité : Dans certaines collectivités, il peut arriver que les employés doivent prendre en considération les conséquences de leur geste sur leur milieu de travail et sur la collectivité. Les allégations de violence pourraient avoir des répercussions sur l'employé et sa famille durant des années à venir. Dans le cas de certaines personnes, le fait de ne pas être nées dans la collectivité peut signifier qu'on ne leur fera jamais confiance et qu'elles seront considérées comme des fauteurs de troubles si elles tentent de dénoncer des comportements incorrects. Afin de faire taire ces «fauteurs de troubles», les membres de la collectivité peuvent essayer de les discréditer et de les intimider. Par voie de conséquence, l'employé pense qu'il ne vaut pas la peine de signaler les problèmes parce que : «si c'est ce qu'ils veulent, après tout, c'est leur collectivité»30.

Isolement : Comme certains établissements sont isolés de la collectivité, des familles et des organismes externes, les employés peuvent être incapables de porter un regard objectif sur leur comportement, ou sur celui des autres employés, pour déterminer s'ils commettent des actes de violence ou de négligence. De même, lorsqu'ils sont isolés, les employés n'ont recours qu'à peu de soutien, voire aucun, pour les aider à signaler les actes de violence et de négligence.

Manque de soutien : Les employés sont plus susceptibles de signaler les cas de violence et de négligence s'ils se sentent appuyés par la direction et leur syndicat. Dans certains cas, le signalement d'un problème peut se transformer en une confrontation entre la direction et le syndicat, et la personne qui a signalé les incidents mettant en cause un autre employé peut être traitée comme un «délateur à la solde des patrons».

Equité : Les employés sont peu susceptibles de signaler les actes de violence et de négligence s'ils croient que les mesures disciplinaires sont injustes. Par exemple, un chercheur se pose la question suivante : Est-ce que le système emprunte la voie où il y a le moins de résistance, et met-il l'accent sur le stagiaire ou l'employé subalterne pour assumer la responsabilité principale du comportement violent? Ou est-ce que les mesures disciplinaires visent en toute conscience à définir la responsabilité des superviseurs à l'égard des lacunes sur les plans de la formation et de la supervision qui ont pu contribuer à l'incident de violence 31?

Surmonter les obstacles au signalement des problèmes

Malgré les obstacles, il est possible de créer un milieu dans lequel les personnes se sentent libres de signaler les cas éventuels de violence et de négligence sans subir de préjudice et sans être ignorées ou critiquées. Un milieu positif et qui inspire la confiance facilite le signalement des problèmes au fur et à mesure qu'ils surgissent, avant qu'ils ne prennent des proportions considérables. Des lignes de conduite qui préconisent la responsabilité du personnel quant au signalement des cas soupçonnés de violence et de négligence peuvent permettre de changer la présomption selon laquelle ces «problèmes» sont personnels La mise en application des directives de façon équitable et constante peut dissiper la méfiance ou les craintes de représailles. Le soutien offert aux employés qui signalent les incidents est indispensable, au même titre que le traitement équitable de l'agresseur. Le fait de favoriser la liberté d'action des pensionnaires et de les sensibiliser à ce qu'ils doivent attendre du personnel peut aussi contribuer à surmonter les obstacles qui entravent le signalement des incidents et le déroulement d'une enquête.

Conséquences du non-signalement d'un cas éventuel de violence ou de négligence 32

  • La situation pourrait empirer.
  • Le ou la pensionnaire pourrait être gravement blessé.
  • Le ou la pensionnaire pourrait tomber malade.
  • Le ou la pensionnaire pourrait mourir.
  • L'agresseur pourrait maltraiter d'autres pensionnaires.
  • Les médias pourraient publiciser l'incident et la population pourrait ne plus faire confiance à l'établissement.
  • Les employés pourraient être accusés.
  • Les employés auraient l'incident sur la conscience.
  • L'établissement pourrait perdre son permis ou son droit d'exploitation.

Autres raisons de signaler un incident ou d'effectuer une enquête

Plaintes non fondées

De temps à autre, les responsables d'un établissement peuvent entendre des plaintes non fondées déposées par des pensionnaires, du personnel, des familles ou d'autres personnes. Parfois, l'état de santé d'un pensionnaire explique ce genre de situation. Par exemple, les personnes ayant la maladie d'Alzheimer, au stade le plus avancé, peuvent souffrir d'hallucinations, de délire ou de paranoïa et peuvent accuser faussement des employés, des membres de leur famille ou d'autres personnes de leur infliger des mauvais traitements33. En outre, les membres de la famille peuvent ne pas comprendre la raison d'utiliser un traitement particulier et considérer qu'il s'agit d'un mauvais traitement. En enquêtant sur chaque plainte de violence ou de négligence, on peut souvent résoudre les plaintes non fondées en établissant une meilleure communication entre les membres du personnel, les cadres, les membres des familles et les pensionnaires.

Plaintes délictueuses

Les cadres reçoivent parfois des plaintes délictueuses. Bien que la plupart des gens ne porteraient pas intentionnellement de fausses plaintes, de graves conflits entre les employés, ou même entre la famille d'un pensionnaire et le personnel, peuvent entraîner des signalements de «faux» incidents. Chaque situation doit être examinée, car une plainte délictueuse peut ne pas être fausse. Si les allégations sont fausses et visent à nuire à la réputation d'une personne, les cadres doivent alors jouer le rôle de médiateurs entre les personnes engagées dans des conflits.

Plaintes sans importance

Certains incidents signalés peuvent sembler sans importance. Par contre, chaque plainte doit être prise au sérieux jusqu'à ce qu'une enquête ait eu lieu. Le plaignant peut éprouver une fausse impression de sécurité et des retards indus peuvent être causés quant à la résolution du problème si la personne qui signale un incident croit à tort que le cas a été examiné et que la situation est rentrée dans l'ordre.

Considérations morales liées à la constatation et au signalement des incidents

Caractère confidentiel

Lorsque des cas de violence ou de négligence sont constatés en milieu institutionnel, des questions de confidentialité peuvent être soulevées. Les employés doivent assumer deux types de responsabilités : les responsabilités envers les pensionnaires et les responsabilités envers l'établissement et la société en général34. Bon nombre de professions sont régies par des codes de déontologie ou des normes de pratique interdisent la divulgation des renseignements que les clients fournissent en privé. Cette protection est essentielle au maintien de la confiance et de la communication libre.

La règle de la confidentialité comporte deux exceptions, soit lorsqu'un pensionnaire autorise la divulgation d'un incident et lorsque la loi exige que les renseignements soient divulgués35. À l'occasion, un ou une pensionnaire peut vouloir parler d'une situation de violence ou de négligence à une personne en qui il ou elle a confiance, mais sans que ses propos aillent plus loin. La question qui se pose est la suivante : si le personnel est tenu par la loi, ou autrement, de signaler un incident, comment peut-il alors respecter le caractère confidentiel des propos tenus?

Il y a deux façons de régler ce dilemme :

  • il faut d'emblée informer le ou la pensionnaire de la responsabilité du personnel en ce qui concerne les cas de violence et de négligence;
  • il faut offrir au pensionnaire un appui constant et le rassurer. Il faut lui faire comprendre que le problème doit être réglé pour sa propre sécurité et celle des autres. Bien que le soutien et le réconfort puissent contribuer à entretenir la confiance, ils n'apportent pas de réponse sur la façon d'aborder la situation si le ou la pensionnaire choisit d'exiger la confidentialité.

Dénonciation36

La «dénonciation» consiste à dévoiler une situation préoccupante qui prévaut dans le milieu de travail à des sources extérieures, comme les médias, les organisations ou les organismes gouvernementaux, qui ont le pouvoir et la responsabilité de régler cette situation. On ne considère pas qu'il y a eu dénonciation lorsqu'un ou une employé signale un incident aux responsables désignés. Si une marche à suivre est établie et respectée, la dénonciation n'est pas nécessaire.

Dans ce genre de situation, les employés se sentent souvent déchirés entre leur loyauté envers l'établissement et leurs inquiétudes quant à la sécurité des pensionnaires et des autres employés, voir la leur. En général, la dénonciation dans les cas de violence ou de négligence survient dans les situations suivantes : un ou une employé pense qu'un problème n'a pas été traité de façon adéquate par les responsables de l'établissement; l'agresseur occupe un poste de cadre supérieur et le problème n'a pas du tout été abordé37.

La dénonciation ne devrait être envisagée que lorsque les faits ont été vérifiés et que tous les recours à l'interne ont été vains38.

La dénonciation comporte des facettes sur les plans moral et juridique. Du point de vue moral, les responsables de l'établissement ont le devoir de défendre ce qu'on appelle communément l'intérêt public. Quant au personnel, il a une obligation morale envers les pensionnaires et le publie. Pour ce qui est de l'aspect juridique, il existe divers types de comportement violent de la part des employés qui pourraient mener à des mesures disciplinaires39. Les employés sont tenus, en vertu de la loi, de signaler les cas de violence et de négligence, car le défaut de signaler une pratique dangereuse, l'incompétence ou la négligence d'un membre du personnel pourrait constituer un acte de négligence par omission si un préjudice était causé40. Le manquement aux normes juridiques obligatoires expose l'établissement à des poursuites.

L'éthique, la loi et le signalement

Certaines formes d'actes de violence et de négligence sont criminelles. Bien que la plupart des gens soient d'accord pour dire qu'il existe une obligation morale de signaler les crimes, mises à part quelques exceptions importantes, il n'y a aucune obligation légale en ce sens. Cette situation entraîne un dilemme éthique inquiétant dans les établissements. Les employés sont parfois conscients d'incidents de violence ou de négligence et se sentent en devoir de les signaler, mais de nombreuses pressions, personnelles, sociales et probablement professionnelles, peuvent les contraindre au silence.

Lorsque des lignes de conduite et des protocoles en matière de violence et de négligence sont en vigueur le signalement des incidents est considéré comme un devoir professionnel et un comportement acceptable en milieu institutionnel. Les dilemmes moraux peuvent s'atténuer lorsque le personnel évolue dans un milieu qui appuie le signalement, les enquêtes et l'intervention.

Lois sur le signalement des cas de violence et de négligence en établissement

Les cadres et les membres du personnel dans les établissements sont parfois tenus de signaler les cas de violence et de négligence en vertu :
  • des lois qui régissent les établissements, p. ex., en Ontario, les exploitants de maisons de soins infirmiers sont tenus par la loi de signaler les incidents de violence et de négligence qui entrent dans le champ d'application de la Loi modifiant la Loi sur les maisons de soins infirmiers41;
  • des lois sur la protection des adultes qui visent précisément à protéger les personnes «ayant un handicap physique ou mental» ou «les personnes âgées». Actuellement, des mesures législatives sur la protection des adultes sont en vigueur en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et à l'Île-du-Prince-Édouard. Le Nouveau-Brunswick a adopté des dispositions semblables aux termes de sa Loi sur les services à la famille42. Dans certaines provinces, toutefois, la loi met seulement l'accent sur la violence au sein de la collectivité ou des familles, sans tenir compte de la violence en milieu institutionnel.
Les lois de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve comportent des dispositions sur le signalement obligatoire. Les peines pour défaut de signaler des incidents varient, allant d'amendes à l'emprisonnement43. La loi prévoit aussi une mesure de protection contre les poursuites en responsabilité civile (diffamation) à l'intention des personnes qui signalent des cas, à moins qu'elles n'agissent par malveillance et sans motif raisonnable. À l'Île-du-Prince-Édouard, la personne qui contribue à l'enquête est aussi protégée44

Les lois provinciales sur la protection des adultes diffèrent quant à la nature des actes de violence et de négligence qui sont visés. Certaines dispositions législatives en vigueur au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse s'appliquent aux agressions physiques et sexuelles, mais elles ne tiennent pas compte de l'exploitation financière et du non-respect des droits et libertés. À l'Île-du-Prince-Édouard, avant que les autorités ne puissent enquêter, l'adulte nécessitant une protection doit faire l'objet d'actes de violence ou de négligence «continus ou répétés» ou doit être menace par une personne ayant une «responsabilité reconnue de supervision». La loi de Terre-Neuve ne porte que sur les adultes «négligés» et non sur ceux qui sont victimes de violence45. Seule l'Île-du-Prince-Édouard fournit une définition légale des termes «mauvais traitements» et «négligence».

Les lois sur la protection des adultes exigent en général que, sur réception d'une plainte, un organisme désigné (habituellement les services sociaux) fasse une enquête. L'organisme a le pouvoir de demander une ordonnance du tribunal s'il y a entrave à l'enquête. Une fois l'enquête terminée, l'organisme règle le cas sur une base volontaire, avec le consentement et la collaboration des parties visées, ou se rend devant les tribunaux pour demander une ordonnance de protection de la personne qui fait l'objet de violence ou de négligence.

Notes en fin de chapitre 5

1.Hastings et Prince Edward Council on Aging, Elder Abuse Community Response Protocol: Information and Guidelines, Belleville, The Council, 1992, p. 35.

2. Sengstock, M.C., M.R. McFarland et M. Hwalek, «Identification. of elder abuse in institutional settings: required changes in existing protocols», J. of Elder Abuse and Neglect, vol. 2, no 1/2, 1990, p. 31-50.

3. Sengstock et coll.

4. Sengstock et coll.

5. Sengstock, M.C. et S. Barrett, «Domestic abuse of the elderly» dans Campbell, J. et J. Humphreys (éd.), Nursing Care of Victims of Family Violence, Reston, Reston Publishing, 1984, p. 180.

6. Sengstock et Barrett, p. 180.

7.MacNamara, R.N., Freedom from Abuse in Organized Care Settingsfor the Elderly and Handicapped, Springfield, Charles C. Tbomas, 1988, p. 19.

8.Strumpf, N.E. etL.K. Evans, «Physicalrestraintof the hospitalized elderly: perceptions of patients and nurses», Nursing Research, no 37, 1988, p. 132-136 (nota : les moyens de contrainte sont parfois utilisés pour punir ou pour se faire obéir d'un patient).

9.Brower, T.,«Physical restraints: a potential form of abuse», Journal of Elder Abuse & Neglect, vol. 4, no 4, 1992, p. 47-58; Bock, K. et E. Schilder, «Physical restraints», Canadian Nurse, vol. 84, no 7, 1988, p. 34-37; Lever, J.A., D.W. Molloy, D.J. Eagle, G. Butt, M. Bédard, P. Millar et T. Stiles, «Use of physical restraints and the relationship to medication use in four different institutional settings», Humane Medicine, vol. 10, no 1, 1994, p. 17-26.

10. Gold, M.F., «Eliminating chemical restraints; through proper prescribing», février 1992, p. 14-24.

11. Gold.

12. L'Association dentaire canadienne collabore avec ses membres afin de déterminer les indices qui pourraient être utiles pour détecter dans la bouche des signes de violence ou de négligence. Le D r M. Tenenbatun a rédigé un document intitulé «Passive Neglect of the Oral Health of Older Adults Living in Institutional Settings» (communication personnelle).

13. Cette section résume l'approche précise choisie par le centre de soins infirmiers Tache, 185, Despins, Winnipeg (Manitoba) R2H 2B3, dans son manuel administratif. Une version à jour du protocole en vigueur dans ce centre est jointe à l'annexe D.

14. Knelsen, K., «Establishing an institutional policy on -tbuse», Long Term Care Monitor, vol. 2, no 9, 199 1, p. 66-69.

15. Division de la santé mentale, Sensibilisation et réaction de la collectivité : violence et négligence à l'égard des aînés, Ottawa, Direction générale des services et de la promotion de la santé, Santé Canada, 1993, P. 5.

16. Newfoundland Hospital and Nursing Home Association, Abuse of People: A Manualfor Health Care Facilities in Newfoundland and Labrador, Snow, J.M. (éd.), St. John's (Terre-Neuve), The Association, 1988, p. 3 1.

17. Sengstock et Barrett, p. 81.

18. Division de la santé mentale, Sensibilisation et réaction de la collectivité, p. 6.

19. Attorney General's Family Violence Task Force, Violence Against Elders: A Report to LeRoy S. Zimmerman, Attorney General of Pennsylvania, Philadelphie, n.p., 1988.

20. Sundram, C., «Obstacles to reducing patient abuse in public institutions)», Hospital and Community Psychiatry, vol. 35, no 3, 1984, p. 238-243.

21. Interhospital Domestic Violence Committee, Elder Abuse: Information and Protocolsfor Hospitals, Regina, Saskatchewan Health, janvier 1989.

22. Mise a jour de 1994 présentée au Committee for the Prevention of Elder Abuseand Neglect, décembre 1989, Leader's Kit, Vancouver (C.-B.), Social Plariningand Research Council of British Colurnbia and B.C. Old Age Pensioners Organization.

23. Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, Vieillir.. en toute liberté : Rapport du Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, 1990, p. 4 1.

24. Beatty, H., vice-présidente, Patients'Rights Association, tel que mentionné dans «Patients'rights group seek action on abuse by nurses», Toronto Star Syndicate, le dimanche 26 septembre 1993.

25. Renseignements provenant de l'enquête sur les besoins du Saskatchewan Interhospital Domestic Violence Committee, qui a été effectuée en phase préliminaire de l'élaboration du matériel de formation à l'intention du personnel. Un résumé du questionnaire est fourni dans le rapport du Saskatchewan Interhospital Domestic Violence Committee, Institutional Abuse Prevention Project, Regina, université de Regina, en cours d'impression.

26. Ordre des mfirmières et infirmiers de l'Ontario, Abuse of Clients by RNs and RNAs: Report to Council on Results of Canada Health Monitor Survey of Registrants, Toronto, The College, le 17 septembre 1993, P. I -11.

27. Jones, I.H., «Cruelty and neglect», Nursing Times, vol. 95, no 4, 1989, p. 52-54.

28. Sundram, p. 241.

29. McKenzie, P., Guide to Legal Issues in Elder Abuse Prevention, North Vancouver, North Shore Community Services, 1990, p. 4-4.

30. Stevenson, D., Goodwill Manor, Duck Lake (Saskatchewan) (communication personnelle).

31. Sundram, p. 24 1.

32. Hudson, B., B. Soffer et D. Menio, Ensuring an Abuse Free Environment, Philadelphie, CARIE, 199 1, p. 73.

33. Haley, W.E. et M.I. Coleton, «Special issues in elder abuse and neglect», J. of Elder Abuse and Neglect, vol. 4, no 4, 1992, p. 79.

34. Registered Nurses Association of British Columbia, Duty to Report Unsafe Conduct: A Discussion Paper, Victoria, The Association, novembre 1989, p. 2.

35.Loi sur les maisons de soins infirmiers de lOntario, ch. N.27, loi de la Colombie-Britannique, Community Care Facilitv Act, les règlements afférents et les lois sur la protection des adultes en général.

36. Registered Nurses Association of British Columbia, p. 2.

37. Jones.

38. Fry, S.T., «Whistleblowing by nurses: a matter of ethics»;,, Nursing Outlook, vol. 37, no 1, 1989, p, 56; Murphy, E., «On nursing law: legal aspects of whistle blowing», Association of Operating Room Nurses Journal, vol. 49, no 2, 1989, p. 480, 482, 484; Feliu, A., «Tliinking of blowing the whistle?», American J. of Nursing, octobre 1983, p. 1540-1542,; Rothrock, J., «Whistleblowing: is it worth the consequences?», Association of Operating Room Nurses Journal, vol. 48, no 4, 1988, p. 757-758, 760, 762.

39. La Registered Nurses Association of British Columbia énumère plusieurs actes passibles de mesures disciplinaires: vol de biens personnels des pensionnaires; préjudice intentionnel (physique ou psychologique) ou agression sexuelle contre des pensionnaires; délaissement ou négligence d'un ou d'une pensionnaire; détournement de fournitures ou de médicaments à l'usage d'un ou d'une pensionnaire ou d'une personne qui dispense des soins; inscription de renseignements inexacts dans le dossier médical d'un ou d'une pensionnaire ou modification d'un tel dossier; défaut de prendre les mesures adéquates, notamment de ne pas veiller à la sécurité d'un ou d'une pensionnaire en le laissant sans surveillance ou de ne pas signaler des changements considérables de son état de santé; et privation par négligence pour avoir intentionnellement refusé des commodités et des droits fondamentaux comme la nourriture, le chauffage, l'hygiène personnelle et les contacts avec d'autres personnes.

40. Registered Nurses Association of British Columbia, p. 2.

41. S.O. 1987, ch. 20. W. 17(a)1). En Colombie-Britannique, bien que la loi ne prévoit pas directement le signalement des actes de violence, les exploitants d'établissement autorisés conformément aux règlements pris en application de la loi intitulée Community Care Facility Act (sur les soins aux adultes) (C.-B., règ. 536/80, al. 4(4)h)) sont tenus de signaler les «incidents graves». La Community Care Facility Act (R.S.B.C. 1979, ch. 57, art. 9) exige que la personne responsable de la délivrance des permis d'exploitation enquête sur les incidents signalés. Ces incidents sont des faits non habituels, comme lorsqu'un pensionnaire ayant des troubles cognitifs part se promener. Cette façon d'analyser les actes selon qu'ils sont «habituels ou inhabituels» semblerait empêcher de considérer les problèmes systémiques comme des cas de violence ou de négligence.

42. Family Services Act S.N.B. 1980, ch. F-2.2, art. 34.

43. Loi de la Nouvelle-Écosse, Adult Protection Act R.S.N.S. (1989) ch. 2; loi de Terre-Neuve Neglected Adults'Welfare Act; R.S. Terre-Neuve (1990) ch. N-3. Le signalement obligatoire des incidents peut entraîner des problèmes si aucun service de soutien n'est offert aux victimes une fois le problème signalé. Cayley, C., D. Jones et N. Booth, Elder Abuse and Neglect in Victoria County, 1992, p. 27. D'autres problèmes constatés concernant le signalement obligatoire comprennent le non-respect du caractère confidentiel (p. ex. entre un médecin et son patient) et la prolifération de l'âgisme au sein de la société (les personnes âgées sont considérées comme étant incapables de signaler les actes de violence). Mcdonald, P.L., J.P. Hornick, G.B. Robertson et JE Wallace, Elder Abuse and Neglect in Canada, Toronto, Butterworths, 1991, p. 57.

44. Gordon, R. et S. Verdun-Jones, Adult Guardianship in Canada, Toronto, Carswell, 1992, p. 2-16.

45. Gordon et Verdun-Jones, p. 2-12.

Chapitre 6 Interventions

Il faut intervenir lorsqu'il y a raison de soupçonner qu'une personne est victime de mauvais traitements ou de négligence. La rapidité de l'intervention varie en fonction de l'urgence de la situation et des risques courus par le ou la pensionnaire. Par ailleurs, les mesures particulières de l'intervention dépendent en grande partie de la situation. (Qui est responsable? Quels gestes ont été posés, ou ont failli l'être? Quel est le préjudice causé?)

Lignes directrices concernant les interventions

Évaluer la gravité du cas

Les mauvais traitements et la négligence qualifient un enchaînement d'actes variant entre des incidents relativement mineurs et des actes graves qui mettent en danger la vie des pensionnaires. Les actes ou les omissions varient en nature, en durée et en gravité. Les actes peuvent également avoir des conséquences très différentes selon les personnes. Par exemple, une femme de 65 ans en bonne santé qu'un membre du personnel empoigne par le bras parce qu'elle refuse de s'asseoir peut être outrée du geste. Par contre, une femme fragile de 87 ans qui est empoignée de la même façon peut tomber et se fracturer la hanche. Les actes violents sur le plan psychologique, tels que les insultes, la dérision ou la dépréciation, peuvent également avoir des conséquences différentes selon les pensionnaires. Compte tenu de l'extrême variabilité des conséquences des actes de violence, la personne chargée de l'intervention doit évaluer la gravité du mauvais traitement en fonction des effets sur le pensionnaire.

En évaluant les conséquences, l'intervenant doit être sensible aux valeurs qu'il attribue à chaque cas. Par exemple, certaines personnes qui sont très tolérantes face au recours à des menaces physiques ou à la force peuvent considérer le fait de crier ou de frapper un pensionnaire comme un moyen légitime d'accomplir son travail.

La gravité relative de la violence ou de la négligence aura également une incidence sur les décisions concernant les mesures appropriées pour traiter l'agresseur : les employés ont le droit juridique de remettre en question le bien-fondé d'un acte disciplinaire. Des cas d'arbitrage du travail ont été favorables à des employeurs dont les lignes de conduite prévoyaient des sanctions de plus en plus sévères selon la gravité relative de l'incident et le fait qu'un incident antérieur ait impliqué le même agresseur.

Soutenir la personne violentée ou négligée

Les pensionnaires violentés ou négligés peuvent nécessiter diverses formes de soutien en vue d'assurer leur sécurité et de leur fournir l'assurance que ce genre de comportement n'est pas mérité. Parfois, le soutien peut consister à réduire au minimum le contact entre l'agresseur et le pensionnaire en gardant l'agresseur sous surveillance ou en le mutant temporairement à un autre secteur. Le soutien peut également consister à apprendre au pensionnaire des façons de s'affirmer avec l'agresseur, surtout ci celui-ci est un membre de sa famille. Une autre forme importante du soutien est de promouvoir des normes relatives à la qualité des soins et à la qualité de vie, ainsi que des connaissances de base en matière de soutien. La consultation avec des spécialistes d'autres domaines, l'examen des recours juridiques ou la modification du régime de soins du pensionnaire sont aussi des formes de soutien.

Ne pas porter de jugement1

Lorsqu'elles dénoncent un cas de violence, les personnes âgées constatent souvent qu'elles sont confrontées à de l'indifférence ou à de l'incrédulité. Il est important de ne pas porter de jugement et d'écouter les déclarations telles quelles, sans sauter à la conclusion que la personne n'est pas victime de violence ou de négligence. Ne pas porter de jugement signifie également être à l'écoute, c'est-à-dire poser des questions de façon à ne pas blâmer la personne âgée ou à démontrer de la frustration quant à ses décisions, à ses hésitations ou à sa confusion. Offrir de l'aide ou intervenir sans porter de jugement signifie ne pas s'attendre que la personne âgée change brusquement, et l'aider à reconnaître la situation et à faire face à ses sentiments de culpabilité, de peine, de peur et de trahison.

Éviter d'agir en «sauveteur»

Les personnes qui aident les personnes âgées qui sont maltraitées ou négligées doivent éviter de se comporter en «sauveteur» en prenant des décisions pour elles et en les mettant en oeuvre à leur place. «Les efforts de "sauvetage" minent la confiance que les personnes âgées ont en leur capacité de surmonter les problèmes et peuvent conduire à des choix qui ne leur conviennent pas. Les personnes âgées ont besoin de prendre elles-mêmes les décisions qui les touchent2.» Plutôt que de «sauver» les pensionnaires âgés, le personnel peut les aider d'autres façons :

  • aider à trouver des solutions;
  • aider un ou une pensionnaire à explorer les avantages et les inconvénients des diverses solutions;
  • expliquer au pensionnaire comment il ou elle peut mettre en oeuvre la solution choisie;
  • inciter le pensionnaire à adopter un plan d'action une fois qu'il a choisi les solutions à explorer;
  • n'intervenir que lorsque les obstacles ne peuvent être surmontés sans aide;
  • aider le ou la pensionnaire maltraité ou négligé à comprendre qu'il n'est pas responsable des mauvais traitements qu'on lui fait subir;
  • savoir quelles autres ressources sont disponibles et aider le ou la pensionnaire à y accéder.
Éviter la victimisation de la personne violentée ou négligée

Une mesure prise pour «régler» le problème peut détériorer la qualité de vie d'un ou d'une pensionnaire plus que l'acte de violence ou de négligence initial. Prenons par exemple le cas d'une femme de 80 ans atteinte de troubles cognitifs qui apprécie le fait qu'elle peut se promener dans l'établissement pour parler aux gens. Un jour, elle est attaquée par un autre pensionnaire lorsqu'elle entre dans la chambre de celui-ci. Comme interventions possibles, on peut transférer la pensionnaire ou l'obliger à rester dans sa chambre, afin qu'elle ne puisse plus se promener. Or, de telles interventions entraîneraient une détérioration nette de la qualité de vie de la femme, car elle éprouvait un grand besoin d'être active sur le plan physique et social.

Discussion :

  • Que peuvent faire le personnel et les cadres lorsqu'un pensionnaire ayant un handicap mental ne veut pas que l'établissement intervienne de quelque façon que ce soit dans un cas de violence'!
  • Qu'arrive-t-il lorsqu'un pensionnaire tire des avantages du fait de côtoyer un auteur d'acte violent? Par exemple, que faire lorsque l'auteur de l'acte violent est le seul membre de la famille qui rend visite au pensionnaire, et que celui-ci attend avec impatience ces visites?
  • En quoi l'intervention est-elle différente, le cas échéant, si l'auteur présumé de l'acte violent est un visiteur? Un membre du personnel?
  • Quelles sont les responsabilités de l'établissement envers les pensionnaires? Quelles sont les responsabilités de l'établissement pour se protéger contre les poursuites en responsabilité? Dans quels cas les responsabilités sont-elles les mêmes? Quand entrent-elles en conflit?
  • Que faire lorsqu'un ou une pensionnaire a un handicap mental et refuse les interventions proposées?

Autres épineux aspects des interventions

Rôle des syndicats et des associations professionnelles

Parfois, les syndicats et les employeurs ne s'accordent pas quant à la nature d'une sanction disciplinaire appropriée dans les cas de violence ou de négligence. Bien que certains employeurs aient déclaré que la norme de l'industrie exige une «tolérance zéro» pour la violence, le renvoi étant automatique, les syndicats et les associations professionnelles perçoivent cette pratique comme un simple moyen pour les employeurs de congédier des employés à leur gré. La tolérance zéro ne tient pas en arbitrage. La sanction disciplinaire imposée doit correspondre à la gravité de la plainte à la lumière des circonstances atténuantes qui se présentent. Il doit y avoir un «motif raisonnable» pour renvoyer un employé.

L'opposition entre certains syndicats et cadres est souvent injustifiée. Dans de nombreux cas, les syndicats tentent d'améliorer les conditions de travail du personnel et, comme conséquence non négligeable, d'améliorer les conditions de vie des pensionnaires. Les solutions conjointement mises de l'avant par les syndicats et les cadres, même avec des ressources limitées, peuvent contribuer à réduire la tension ou le surmenage chez les membres du personnel et à mieux faire connaître les objectifs communs. Les efforts de collaboration peuvent également diminuer le risque que les mauvais traitements ou la négligence ne se produisent.

Toutefois, cette situation soulève une question importante. Qui décide du caractère approprié des définitions et des interventions? Les syndicats, les membres du personnel et les cadres devraient-ils élaborer conjointement les définitions de violence et de négligence en milieu institutionnel? Bien que la collaboration puisse réduire le nombre de cas soumis en arbitrage, la définition établie à la suite d'une tentative de consensus peut être trop limitée pour protéger les pensionnaires.

Le renvoi par rapport à d'autres options

Dans les cas d'arbitrage et de renvoi injustifié, la commission ou le tribunal du travail ne sanctionnera le renvoi d'un employé que s'il existe une «preuve claire et convaincante» établissant le bien-fondé de la responsabilité du membre du personnel quant aux mauvais traitements. La violence et la négligence se produisent souvent lorsqu'il n'y a pas de témoin, et les normes juridiques de fiabilité de la preuve excluent souvent les déclarations de personnes âgées très vulnérables. Pour éviter de perdre un cas d'arbitrage parce que la commission du travail pourrait exiger que l'agresseur réintègre son ancien poste, les cadres envisagent parfois de négocier avec l'employé une «démission volontaire». Toutefois, cette solution ne permet pas de protéger les autres pensionnaires si l'employé travaille ailleurs. Aux États-Unis, il existe des systèmes de dossiers qui rendent compte des antécédents de violence, mais on considère qu'ils comportent d'importants inconvénients, notamment la possibilité pour les employeurs d'accuser injustement des employés3.

Cas d'arbitrage du travail

De nombreux cas d'arbitrage concernant la violence ou la négligence se sont transformés en luttes sans fin entre les syndicats et les cadres. Comme on l'a mentionné plus haut, au moment de l'arbitrage, la personne qui entend la cause exige des preuves convaincantes des mauvais traitements. Les cadres peuvent aller au-devant de cette exigence en mettant en place des mécanismes appropriés pour signaler les cas et les documenter.

Dans l'examen de l'équité d'une sanction disciplinaire particulière, la commission d'arbitrage du travail tient compte des éléments suivants :

  • si l'employeur a institué une ligne de conduite en matière de violence et de négligence à l'égard des pensionnaires qui est uniformément respectée;
  • si l'employé a été informé de cette ligne de conduite et des conséquences d'une dérogation;
  • s'il s'agit d'un incident isolé ou si l'acte s'inscrit dans un comportement type,
  • si l'employé a antérieurement fait l'objet de mesures disciplinaires pour le même comportement; la gravité de la situation.
Les arbitres examinent alors chaque incident dans son contexte particulier et tiennent compte de tous les facteurs pertinents avant de rendre une décision sur le bien-fondé du renvoi. Lorsqu'ils évaluent les sanctions prises, les arbitres ne se fondent pas sur les apparences de l'incident, mais examinent les points suivants :
  • la nature de l'agression;
  • s'il y avait une intention de blesser la personne;
  • si l'employé accusé était en état de légitime défense;
  • la réaction du pensionnaire;
  • l'incidence de l'agression sur les autres employés, les pensionnaires et «d'autres intérêts qu'il incombe à l'employeur de préserver»;
  • la situation financière de l'employé accusé, ainsi que la durée de son service et ses antécédents professionnels4.
Protection juridique concernant le signalement de cas et l'intervention

Les agresseurs exercent souvent un contrôle sur leurs victimes au moyen de menaces et d'intimidation. Les agresseurs soupçonnés menacent parfois d'intenter des poursuites lorsque la direction enquête ou fait un suivi sur un cas présumé de violence ou de négligence. Ces menaces proviennent plus souvent de membres de la famille des pensionnaires que de membres du personnel. Il est important pour la direction et le personnel de comprendre que ces menaces ne sont, dans la plupart des cas, rien de plus que des menaces.

Même aux États-Unis, pays qui possède un cadre juridique beaucoup plus litigieux que le Canada, il est extrêmement rare d'être poursuivi à la suite d'un examen d'un cas présumé de violence5. En fait, la direction et le personnel courent de plus grands risques s'ils n'enquêtent pas sur un cas de violence ou de négligence, ou s'ils n'y réagissent pas, parce que le fait de ne pas agir peut constituer une preuve de négligence. Des menaces de poursuites sont une mesure de dissuasion importante pour les établissements, et lorsqu'une affaire est abandonnée sans être résolue, le ou la pensionnaire est laissé sans protection.

Si les cadres sont tenus par la loi de signaler les cas ou d'enquêter sur des cas présumés de violence ou de négligence, cette responsabilité juridique peut atténuer l'effet des menaces proférées par les agresseurs, parce qu'elle transforme des situations purement privées en des questions d'ordre public. La loi contre la diffamation protège également la direction et le personnel des menaces de poursuite en diffamation lorsqu'ils tentent d'intervenir dans les cas de violence ou de négligence, pourvu qu'ils n'agissent pas avec l'intention de nuire ou à mauvais escient6. (Voir à l'annexe F, «La loi en rapport à la violence et à la négligence en milieu institutionnel», un examen approfondi de la question.)

Un second genre de menace dans une tentative d'intervention consiste à révoquer le titre professionnel de la personne. Sans titre, celle-ci ne peut travailler et certaines personnes ont refusé d'intervenir à la suite de menaces. La meilleure protection contre ce type de menaces est le soutien fourni par l'établissement et les associations professionnelles aux membres du personnel qui signalent des cas, qui enquêtent ou qui interviennent dans les cas de violence ou de négligence. Les membres du personnel qui ont le sentiment de prendre constamment des risques en intervenant et peuvent éventuellement renoncer à tenter d'aider les personnes.

Notes en fin de chapitre 6

1 .Division de la santé mentale, Sensibilisation et réaction de la collectivité : Violence et négligence à l'égard des aînés, Ottawa, Direction générale des services et de la promotion de la santé, Santé et Bien-être social Canada, 1993, p. 14.

2. Division de la santé mentale, Sensibilisation et réaction de la collectivité, p. 15.

3. Hegland, A., «Mixing the good with the bad: abuse registry irregularities threaten aides rights», Contemporary Long Term Care, vol. 15, no 2, 1992, p. 52-55,78.

4. Registered Nurses Association of British Columbia et Mission Meinorial Hospital Society, le ler août 1980, Labour Arbitration Award A-320/80 (non publié), p. 18 et 21.

5. Pour une bonne description des questions relatives à la responsabilité, notamment la crainte d'être poursuivi, voir Kapp, M.B. et J.A. Detzel, Alternatives to Guardianshipfor the Elderly: Legal Liability Disincentives and Impediments, Dayton, Wright State University, Office of Geriatric Medicine and Gerontology, 199?.

6. Fleming, J.G., The Law of Torts, 7 e édition, Agincourt, Carswell, 1987, p. 550.

Chapitre 7 Prévention

«La violence ne se limite pas à une gifle, à un coup de pied ou à un coup de poing. Le harcèlement ne se manifeste pas toujours par de vives remontrances. La violence peut être subtile ou dissimulée derrière une attitude, son existence étant impensable ou embarrassante1.»
On peut prévenir la violence et la négligence en milieu institutionnel. Les mesures de prévention sont relativement simples et économiques, particulièrement si on les compare à ce qu'il en coûte de faire face aux répercussions des actes de violence ou de négligence une fois ceux-ci commis. Le présent chapitre examine des stratégies de prévention qui peuvent s'appliquer à l'interne et des stratégies de prévention qui valent à l'échelle de la collectivité.

Stratégies de prévention à l'interne

En milieu institutionnel, on distingue trois catégories de stratégies : les stratégies administratives, les stratégies axées sur les pensionnaires et les stratégies axées sur le personnel.

Stratégies administratives

Les propriétaires, les conseils d'administration et les cadres Peuvent aider à prévenir les cas de violence et de négligence dans les établissements en préconisant l'assurance de la qualité ainsi qu'en élaborant et en mettant en oeuvre des lignes de conduite s'y rattachant.

La reconnaissance du problème: La première étape de la prévention est d'apprendre à reconnaître que les risques existent et à rejeter des attitudes telles que : «ce qui se passe dans cet établissement nous regarde» ou «aucun membre du personnel ici n'est capable de commettre un acte de violence». Cela signifie également qu'il faut chercher plus loin que les explications hâtives, telles que d'attribuer le blâme des mauvais traitements aux pensionnaires «difficiles à traiter», particulièrement si on ne peut modifier leur comportement. Lorsque les cadres reconnaissent la complexité de la violence et de la négligence, ils sont en mesure de remédier aux problèmes.

Si aucun cas de violence ou de négligence n'a jamais été signalé à un cadre expérimenté, celui-ci peut, lorsqu'il est confronté à ce genre de situation, croire que de tels incidents sont inhabituels. En outre, lorsqu'un cas survient, le cadre peut avoir tendance à protéger la réputation de l'établissement en traitant la situation le plus discrètement possible afin d'éviter toute mauvaise presse.

On doit également accroître la sensibilisation du conseil d'administration, parce qu'il lui incombe de superviser le fonctionnement et la gestion de l'établissement. Une conviction honnête, mais erronée, selon laquelle la violence et la négligence ne se produisent pas, aura une incidence négative sur les capacités décisionnelles lorsque des allégations de fait sont révélées.

Ces attitudes peuvent être à l'origine des poursuites en responsabilité civile ou criminelle intentées contre l'établissement si aucune mesure n'est prise. Les renseignements concernant l'incident finiront toujours par se savoir (particulièrement dans les collectivités plus petites) et peuvent être extrêmement déformés, portant ainsi davantage atteinte à la réputation de l'établissement. Par contre, si celui-ci prend des mesures proactives quant aux lignes de conduite et à la formation du personnel, l'établissement sera perçu sous un jour favorable.

«Personne ne sollicite la violence; il s'agit rarement d'une décision consciente, sauf dans des conditions très graves ou lorsqu'il s'agit de personnes sans coeur, mais l'éventail des formes de violence et l'ingéniosité des agresseurs sont malheureusement presque illimités2.»
Assurance de la qualité : Les cadres, les conseils d'administration et les propriétaires peuvent donner le ton à l'établissement en élaborant des énoncés de mission qui reflètent une philosophie de soins humaine. Ils ont le pouvoir, l'occasion et les ressources pour veiller qu'un milieu humain soit offert aux pensionnaires et que les personnes vivant et travaillant dans l'établissement entretiennent des relations saines. Les membres du personnel ne peuvent se méprendre sur leurs obligations professionnelles lorsque des normes ou des lignes de conduite exhaustives ont été instituées quant aux suivants :
  • ce que constitue les bons soins ou les soins de qualité, y compris les aspects techniques et interpersonnels;
  • le consentement informé aux traitements;
  • le recours à des moyens de contrainte;
  • la sécurité.
En poursuivant le but principal qui consiste à améliorer la qualité de vie des pensionnaires, l'objectif de l'assurance de la qualité sera atteint de façon optimale. Les mesures que peuvent prendre les cadres, les propriétaires ou les conseils d'administration afin d'améliorer l'assurance de la qualité dans l'établissement sont les suivantes :
  • observer la lettre et l'esprit des normes gouvernementales en matière de prestation de soins;
  • veiller à ce que les normes sectorielles soient observées grâce à un consensus entre les syndicats et le personnel quant au contenu de ces normes;
  • adopter une ligne de conduite visant l'élaboration, la mise en oeuvre et la révision périodique des régimes de soins avec chaque pensionnaire, sa famille et l'équipe multidisciplinaire.
Élaboration, mise en oeuvre, évaluation continue et examen des protocoles, des lignes de conduite et des procédés en matière de violence et de négligence : Les cadres, les propriétaires et les conseils d'administration peuvent contribuer à éliminer la violence et la négligence en mettant en place des solutions proactives. Les solutions proactives comprennent l'élaboration de protocoles, de lignes de conduite et de procédés sur la façon d'intervenir en cas de violence et de négligence, en s'inspirant des commentaires du personnel, des pensionnaires et de la collectivité. Une fois ces documents élaborés, la direction doit absolument veiller à ce que les renseignements contenus dans ces protocoles et ces lignes de conduite soient transmis aux nouvelles personnes embauchées. Les lignes de conduite et les protocoles doivent également être révisés et mis à jour périodiquement, en fonction des modifications apportées aux lois3.

Des lignes de conduite, des procédés et des protocoles portant sur le signalement et le traitement des cas de violence et de négligence permettent de tenir les conseils d'administration, les propriétaires et les cadres au courant des problèmes qui surviennent au sein de l'établissement. Il est fort peu probable que ceux-ci soient directement témoins d'un acte de violence ou de négligence, parce que leur contact direct avec les pensionnaires est limité. Ils se fient donc en grande partie au personnel de première ligne pour leur signaler les cas de mauvais traitements. En l'absence d'une ligne de conduite particulière en ce sens, les membres du personnel sont moins susceptibles d'informer de leur propre chef la direction des cas de violence ou de négligence et ils peuvent s'en remettre à leur propre jugement pour traiter les problèmes, ce qui peut comprendre la protection de leurs collègues de travail au détriment des pensionnaires. Des lignes de conduite, des procédés et des protocoles bien pensés, élaborés avec l'entière participation ou consultation du personnel, peuvent contribuer à l'élimination de ces problèmes. Des recherches ont montré que si une personne participe à la définition des règles à suivre, elle est plus portée à les observer que si ces règles lui sont «imposées par l'échelon supérieur4».

L'ensemble des lignes de conduite, des procédés et des protocoles sert de code de déontologie établissant les normes de comportement, particulièrement lorsque le personnel a pu bien apprendre à y avoir recours. Ce code de déontologie peut également susciter des échanges au sein de l'établissement sur les moyens positifs de gérer des relations interpersonnelles tendues. Il peut aussi faire état de procédés particuliers visant à s'assurer que les cas de mauvais traitements sont traités de façon rapide, équitable, ouverte et pragmatique, et contribuer à la mise en place d'un processus d'enquête uniforme.

Les lignes de conduite, les procédures et les protocoles devraient :

  • informer tous les membres du personnel de leur devoir de signaler les cas présumés de violence ou de négligence;
  • préciser les rôles relativement à l'intervention;
  • stipuler les responsabilités du personnel en ce qui a trait au repérage et au signalement des cas de violence,
  • au soutien de la victime et aux fins de l'enquête et de l'intervention; déterminer quelles compétences doivent être saisies du cas;
  • refléter toute exigence législative quant au signalement de cas5;
  • respecter la liberté d'action des pensionnaires.
Des groupes particuliers, comme les bénévoles, peuvent également avoir besoin de lignes de conduite et de protocoles qui stipulent les types de comportement acceptables et inacceptables.

Sélection du personnel : On peut diminuer les cas de violence et de négligence en choisissant les meilleurs employés possibles : des gens qui comprennent les besoins des personnes âgées et qui s'emploient toujours à améliorer la qualité de vie des pensionnaires. Les cadres peuvent éprouver des difficultés à choisir et à conserver le meilleur personnel. Les personnes qui acquièrent des aptitudes peuvent changer d'emploi et être remplacées par des travailleurs moins expérimentés. Certains membres du personnel peuvent détester leur travail, mais le conserver pour des raisons financières. Des ententes syndicales peuvent mener à l'affectation de certains membres du personnel à des postes qui ne leur conviennent pas. Par exemple, la préséance pour des raisons d'ancienneté peut signifier que certains employés possédant peu d'expérience en gériatrie sont placés aux services gériatriques. Dans les collectivités rurales ou isolées, il peut y avoir une penurie de personnel en mesure de prodiguer des bons soins ou apte à faire ce genre de travail. Certains membres du personnel peuvent également avoir acquis de mauvaises méthodes de travail qui sont maintenant enracinées et qu'ils transmettent aux nouveaux membres du personnel (ce phénomène est parfois reflété par l'affirmation suivante : «Oubliez ce qu'ils vous ont enseigné, en pratique c'est de cette façon que ça se passe»),

On peut surmonter les obstacles à la sélection du personnel par les moyens suivants :

  • évaluer les attitudes et la formation éducationnelle des candidats au moment de l'embauche;
  • prévoir pour le personnel et les employés mutés des programmes d'orientation et de formation qui mettent l'accent sur les soins aux personnes âgées;
  • recourir à des programmes de recyclage ou de mise à jour des compétences pour les employés en place.
L'amélioration du rapport employés-pensionnaires et l'accroissement de la valeur du travail accompli par le personnel, concrétisés par des augmentations de salaire, peuvent également contribuer à la création d'un milieu sans violence6

Les programmes d'orientation du personnel peuvent également devenir plus exhaustifs. Des recherches indiquent que, dans bon nombre d'établissements, le nouveau personnel reçoit moins d'une demi-journée d'orientation, sans aucune autre forme de soutien ou de formation7. La formation du personnel doit comprendre un volet sur les mesures de prévention, telles que la façon d'examiner les conséquences de leur comportement sur les pensionnaires et de gérer efficacement les conflits. De même, il y a peut-être lieu de réorienter la formation. Actuellement, la formation du personnel tend à être fondée sur le modèle médical plutôt que sur le modèle psycho-social et, en conséquence, le personnel met davantage l'accent sur les tâches à accomplir et sur le traitement des problèmes d'ordre médical.

Stratégies axées sur les pensionnaires

Une stratégie visant à atténuer la vulnérabilité des pensionnaires quant aux actes de violence et de négligence consiste à élaborer des approches au sein de la collectivité qui responsabilisent les pensionnaires et accroissent leurs capacités individuelles. Dans de nombreux cas, les personnes âgées ont simplement besoin d'aide pour être en mesure de prendre des décisions8. Une seconde stratégie est de renseigner les pensionnaires sur leurs droits et sur ce à quoi ils doivent s'attendre de la part de l'établissement. Un dépliant intitulé Every Resident: Bill of Rights For People Who Live in Ontario Nursing Homes9 a été conçu dans un format facile à comprendre afin d'expliquer les droits des pensionnaires âgés. Des déclarations de droits semblables peuvent être élaborées dans n'importe quel établissement, dans n'importe quelle province ou territoire.

Défense des droits : La défense des droits est extrêmement importante au chapitre de la prévention de la violence et de la négligence parce qu'elle met l'accent sur le fait d'«aider chaque adulte vulnérable afin de faire respecter ses droits et de répondre à ses besoins10». La défense des droits prend deux formes principales :

  • l'auto-défense des droits (les personnes défendent leur propre cause);
  • la défense sociale des droits (d'autres personnes qui comprennent la situation du pensionnaire lui offrent un soutien afin qu'il prenne des décisions éclairées) 11.
Les pensionnaires ont besoin des deux formes de défense des droits.

La défense des droits peut être de nature non officielle, se déroulant de façon relativement non structurée et volontaire, et mettant à contribution, par exemple, des membres de la famille, des amis, des voisins et des bénévoles. L'auto-défense des droits est également qualifiée de défense non officielle des droits.

La défense des droits peut aussi être officielle. Le cas échéant, les défenseurs de droits sont en général des personnes qui sont rémunérées pour offrir des services de défense des droits, qui possèdent les ressources pour répondre aux besoins des clients et qui exercent parfois leur mandat en vertu de la loi. Selon la nature de l'organisme de défense des droits, ces défenseurs peuvent s'attacher à soutenir les personnes ou à provoquer d'importantes modifications aux lignes de conduite.

Au Canada, on accorde de plus en plus d'importance à la défense des droits. L'Ontario, par exemple, a adopté de nouvelles mesures législatives en matière de défense des droits qui devraient entrer en vigueur en janvier 1995. La Colombie-Britannique a expressément reconnu certaines circonstances fondamentales dans lesquelles une personne vulnérable nécessite un défenseur de droits, comme lorsque l'on s'apprête à ne pas respecter ses droits lors d'une mise en tutelle ou d'une admission non volontaire à un établissement, ou lorsqu'il s'agit d'une question grave, comme le fait de consentir à des traitements importants ou de les refuser12.

Soutiens aux pensionnaires (techniques de responsabilisation) : Lorsqu'il existe des relations harmonieuses entre les pensionnaires, le personnel et la direction d'un établissement, les problèmes peuvent être solutionnés rapidement, ce qui évite ainsi leur aggravation. On incite activement les pensionnaires à exprimer leurs opinions, à se fixer des buts particuliers et à déterminer le mode de fonctionnement souhaité de l'établissement.

Conseils de pensionnaires : Les conseils de pensionnaires sont des groupes officiellement reconnus de pensionnaires qui travaillent ensemble pour modifier le fonctionnement quotidien de l'établissement. Les conseils de pensionnaires :

  • responsabilisent les pensionnaires;
  • permettent d'équilibrer le pouvoir;
  • renforcent les liens sociaux entre les pensionnaires13.
En Ontario, les conseils de pensionnaires sont obligatoires aux termes de la Loi sur les maisons de soins infirmiers, et une loi relativement nouvelle au Québec reconnaît également les conseils de pensionnaires14. Le principe fondamental qui sous-tend les conseils de pensionnaires est que les pensionnaires sont les personnes qui, collectivement, peuvent le mieux représenter leurs propres besoins et ceux des autres pensionnaires, particulièrement lorsqu'aucune famille ne supervise le milieu institutionnel 15.

Habituellement, les pensionnaires des établissements ne tiennent pas les rênes; en effet, bien qu'il arrive que le personnel prenne en considération les souhaits exprimés par les pensionnaires, il prend souvent des décisions et les met en oeuvre sans demander l'avis de ceux-ci16. Les conseils de pensionnaires visent à contrer cette tendance. Pour que ces conseils soient efficaces, les pensionnaires peuvent nécessiter beaucoup d'encouragement de la part du personnel et des cadres.

Bien que l'impulsion pour fonder un conseil de pensionnaires découle souvent des efforts initiaux d'un membre du personnel, les conseils de pensionnaires doivent demeurer indépendants du personnel. Les pensionnaires ne sont pas habitués à traiter directement avec la direction et, par conséquent, il peut exister moins d'occasions de forger une relation de confiance entre les pensionnaires et le personnel ou la direction.

Pour que les conseils de pensionnaires soient efficaces, il faut qu'il existe un mécanisme officiel de communication des opinions et des décisions du conseil aux cadres ou aux conseils d'administration, sans que ces derniers soient présents aux réunions du conseil de pensionnaires. La présence de la direction ou d'employés à ces réunions peut influer sur la franchise des propos tenus et certains pensionnaires peuvent craindre d'exprimer des plaintes par peur, justifiée ou non, de représailles17. Dans certains établissements, le personnel et les cadres ont travaillé assidûment pour créer une relation de confiance, et les pensionnaires ont régulièrement invité un représentant de la direction à assister à leurs réunions.

Les conseils de pensionnaires peuvent apporter des avantages importants aux personnes âgées, notamment :

  • parler d'une voix unie et suivant une structure établie pour faire valoir les décisions touchant leur vie;
  • accroître les sentiments de confiance en soi, d'estime de soi et d'accomplissement;
  • permettre la création d'une atmosphère moins institutionnelle et plus personnelle dans l'établissement;
  • créer un milieu où les pensionnaires peuvent faire valoir leurs talents et qui leur permet de maintenir des rôles sociaux traditionnels et d'en créer de nouveaux;
  • être une source importante de liens interpersonnels et de relations entre égaux.
Pour les administrateurs, un conseil de pensionnaires :
  • favorise au sein de l'établissement des relations axées sur la collaboration plutôt que sur l'affrontement;
  • crée des possibilités d'apporter rapidement des solutions aux problèmes, solutions qui seront appuyées par les pensionnaires;
  • permet aux pensionnaires d'exprimer aux cadres leurs commentaires en ce qui concerne le rendement du personnel et la qualité des soins18.
Conseils de famille : Les conseils de famille ressemblent aux conseils de pensionnaires du fait qu'ils défendent les droits des pensionnaires, individuellement ou collectivement, qu'ils déterminent leurs besoins et qu'ils travaillent à la modification progressive du fonctionnement de l'établissement. En matière de violence et de négligence, les conseils de famille visent principalement à représenter les pensionnaires qui ne peuvent pas s'exprimer eux-mêmes en réagissant à leurs plaintes ou en logeant directement des plaintes auprès des membres de l'administration19.

Si les intérêts des pensionnaires et des familles ne coïncident pas, les besoins et les préférences des pensionnaires doivent toujours avoir préséance. Pour les pensionnaires, les conseils de famille démontrent que des personnes de l'extérieur de l'établissement se préoccupent de leur sort.

La plupart des établissements possèdent un conseil de pensionnaires par lequel ceux-ci peuvent s'exprimer sur leur vie quotidienne. Lorsqu'un ou une pensionnaire prend conscience de l'existence d'un conseil de famille, elle ou il est porté à croire que la qualité de vie sera améliorée grâce à des porte-parole qui agissent tant de l'intérieur que de l'extérieur de l'établissement20.

Les cadres peuvent faciliter la création de conseils de famille. Initialement, certains membres du personnel peuvent se sentir menacés par le concept du conseil de famille et le percevoir comme un moyen à la disposition des familles de s'unir en vue de loger des plaintes. Les cadres peuvent aider le personnel à se rendre compte que les familles désirent un moyen de l'appuyer et de contribuer au fonctionnement de l'établissement. Les familles peuvent aussi désirer clarifier les lignes de conduite et déterminer les voies de communication2l.

Stratégies axées sur le personnel

L'une des stratégies axées sur le personnel consiste à sensibiliser celui-ci aux cas de violence et de négligence en organisant des ateliers où l'on voit des exemples puisés dans l'expérience vécue par le personnel des établissements. Parmi les initiatives efficaces, mentionnons le programme de formation du Saskatchewan InterHospital Committee on Family Violence et le programme de prévention de la Coalition of Advocates for the Rights of Infirm Elderly (CARIE)22.

Les programmes de formation comportant un volet de base sur le vieillissement ainsi que sur la violence et la négligence doivent être flexibles sur le plan de l'horaire et de la méthode afin que tous les employés puissent y prendre part. La formation est très efficace lorsque le personnel ne doit pas sacrifier ses congés pour y assister, ni s'y rendre après avoir terminé son quart de travail, ni se dépêcher de retourner à son poste23.

Une part importante de la formation du personnel peut mettre l'accent sur les attentes quant à la façon dont les pensionnaires réagiront. Lorsqu'ils essaient d'accomplir leur travail, les membres du personnel récompensent souvent par inadvertance des comportements passifs et, parfois, émettent leurs propres opinions sur les pensionnaires qui sont considérés comme des «moutons noirs» par les autres membres du personnel24. Plutôt que de percevoir les refus des pensionnaires comme des mises en doute de leur pouvoir, les membres du personnel peuvent apprendre à voir ces refus comme un moyen pour les pensionnaires de faire valoir leur autonomie ou leurs choix.

Une formation qui fournit des renseignements à jour sur le vieillissement et la maladie peut aider le personnel à traiter efficacement les pensionnaires qui sont considérés comme ayant un comportement difficile25. On peut améliorer le milieu de travail en offrant une formation sur les bonnes réactions à avoir face dans des situations difficiles, sur les moyens de les éviter et sur les techniques pour gérer l'agressivité. On doit montrer aux employés les comportements appropriés et ceux qui ne le sont pas envers les pensionnaires, allant d'actes insignifiants en apparence, comme le fait d'emprunter de l'argent ou des vêtements, jusqu'à des cas de violence plus évidents, comme le fait de frapper un pensionnaire.

Les programmes de formation peuvent également porter sur les stéréotypes négatifs à l'endroit des personnes âgées et sur la façon de contrer des réactions préjudiciables. Le personnel peut aussi apprendre des moyens de défendre les pensionnaires en vue de mieux protéger leurs droits. Les associations professionnelles peuvent également jouer un rôle dans la formation sur la violence et la négligence en transmettant des renseignements à leurs membres.

Il est extrêmement important que toutes les personnes qui travaillent dans les établissements, ou en leur nom, (soit le personnel infirmier, les diététistes, les membres du conseil d'administration) disposent de temps et d'un lieu pour parler des difficultés éprouvées et pour obtenir un soutien en ce qui a trait aux problèmes qui sont liés de près ou de loin à la violence et à la négligence.

«La violence est un problème systémique humain. Elle résiste aux solutions simples, aussi nobles que puissent être leurs visées ou leur conception. Pour réussir à éliminer la violence [et la négligence], on doit examiner l'ensemble du contexte de la prestation des soins et le redéfinir en prenant des mesures de protection adaptées aux clients et aux dispensateurs de soins26.»
Stratégies de prévention au sein de la collectivité

Les stratégies au sein de la collectivité mettent l'accent sur la participation de la collectivité et sur le rôle progressiste du gouvernement qui influent sur la façon dont les pensionnaires sont soignés en milieu institutionnel.

Rôle de la collectivité

Les groupes qui s'occupent de personnes âgées, ainsi que la population, ont une incidence considérable sur le mode de fonctionnement des établissements. Ces personnes et ces groupes peuvent être des agents d'influence et de changement en ce qu'ils établissent des limites quant à ce qui est ou n'est pas un comportement acceptable dans la collectivité et en milieu institutionnel. Les membres de la collectivité peuvent présenter leurs points de vue au palier de gouvernement approprié au sujet de leurs préoccupations et défendre les droits des pensionnaires27. En contribuant à déterminer quelles sont les options d'une personne âgée en matière de soins, les membres de la collectivité peuvent également influer sur le passage de celle-ci de la collectivité à l'établissement de soins, et inversement.

Sensibilisation des bénévoles et des familles

Un moyen important de prévenir la violence et la négligence en établissement consiste à faciliter l'accès aux établissements en augmentant le nombre de bénévoles et en encourageant des défenseurs de droits de l'extérieur, tels que des comités d'action communautaire, à y être présents. Cette pratique peut réduire l'isolement des pensionnaires âgés et nuancer l'affirmation voulant que les établissements sont détachés de la collectivité, faisant en sorte que ceux-ci soient plutôt perçus comme son prolongement. Les corps policiers, les fournisseurs de services de santé et les représentants de groupes religieux et communautaires peuvent contribuer à l'éducation du personnel et des pensionnaires en favorisant une sensibilisation et en abordant le sujet ouvertement avec les deux groupes28. De cette façon, on incite également la collectivité à accroître son sentiment d'«appartenance» et de participation au fonctionnement de l'établissement.

La Corporation canadienne des retraités concernés, un organisme national représentant des retraités, affirme que les personnes âgées et d'autres personnes vivant dans la collectivité ont la possibilité de devenir des «témoins éclairés» en visitant des établissements locaux et en y travaillant bénévolement29. En supervisant les soins de façon non officielle, les visiteurs peuvent devenir les yeux et la conscience de la collectivité. Comme l'a fait judicieusement remarquer la Corporation canadienne des retraités concernés : «En fait, si nous craignons déjà de faire enquête sur des violations possibles des droits des pensionnaires (actuels), qui défendra nos droits (futurs) lorsque nous serons dans la même situation?»30. Avant que cela ne se produise, les bénévoles et les familles doivent bien comprendre les questions relatives à la violence et à la négligence.

Supervision des établissements

La délivrance de permis, la réglementation professionnelle et l'assurance de la qualité, compétences qui relèvent généralement du gouvernement provincial ou territorial, existent en tant que normes sociales minimales d'acceptabilité et visent à protéger les pensionnaires. Elles existent aussi, en partie, pour assurer une certaine responsabilité de la part de l'établissement envers le gouvernement. Les gouvernements provinciaux et territoriaux contrôlent l'application des normes, soit de façon proactive par des inspections ou des rapports périodiques, soit de façon réactive, à la suite de préoccupations ou plaintes particulières. Ces procédés et règles correspondent à des normes particulières que doivent respecter les établissements au moment de prodiguer des soins; elles sont aussi des caractéristiques importantes de la prévention de la violence et de la négligence à l'égard des personnes âgées.

Afin de respecter les normes, on doit assurer la mise en application des règlements. Il peut être plus difficile de veiller à l'observation intégrale de ces normes lorsque les établissements sont officiellement ou officieusement avertis d'inspections imminentes ou lorsque le gouvernement tarde à intervenir lorsque des plaintes ou des préoccupations précises sont formulées. Ces règlements peuvent être renforcés au moyen de mécanismes intermédiaires, tels que des amendes pour chaque jour de non-conformité, des avis publics de non-conformité et des peines plus sévères pour les cas plus graves3l.

Certains établissements ne sont pas tenus de satisfaire aux exigences en ce qui concerne la délivrance d'un permis ou l'agrément, par exemple les «familles d'accueil» privées au Québec. D'autres exploitants d'établissement ne tiennent pas compte des exigences officielles relatives à la délivrance de permis ou à l'agrément. Dans les deux cas, le manque de réglementation gouvernementale ou d'examen externe peut exacerber le risque de violence et de négligence32. Actuellement, lorsqu'ils apprennent qu'un établissement offre des soins infirmiers, certains organismes gouvernementaux peuvent tenter de collaborer avec l'établissement et l'inciter à demander un permis. Ces efforts de collaboration peuvent aider les pensionnaires de l'établissement à long terme, mais ils les laissent aussi sans mesure de protection à court terme.

Protecteur des citoyens

Presque la totalité des provinces et des territoires bénéficient d'un protecteur des citoyens, qui dirige un organisme indépendant ayant le pouvoir d'examiner les problèmes des personnes dans leurs relations avec le gouvernement. Dans certaines provinces, le protecteur des citoyens a la compétence sur les établissements de soins de longue durée, mais il est en général saisi des cas en dernier recours. Une stratégie de prévention consiste à accroître le rôle du protecteur des citoyens en vue d'étendre sa compétence aux hôpitaux, ainsi qu'aux établissements privés ou non autorisés.

«Dans notre culture, l'élimination de la violence [et de la négligence] représente le triomphe ultime de notre humanité sur les vulnérabilités et faiblesses individuelles. »33

Notes en fin de chapitre 7

  1. MacNamara, R.N., Freedomfrom Abuse in Organized Care Settings for the Elderly and Handicapped, Springfield, Charles C. Thomas, 1988, p. 21.
  2. MacNamara, p. 21.
  3. Newfoundland Hospitaland Nursing Home Association, Abuse of People: A Manualfor Health Care Facilities in Newfoundland and Labrador, St. John's, The Association, 1988, p. 1.
  4. Beaulieu, M., «Understanding abuse in an institutional setting», rapport présenté lors du XV' congrès de l'Association internationale de gérontologie, Budapest, le 8 juillet 1993.
  5. Newfoundland Hospital and Nursing Horne Association, p. 1.
  6. Wahl, J., comme indiqué dans Elder Abuse in Institutions, Toronto, Concerned Friends of Ontario Citizens In Care Facilities, avril 1992.
  7. Moore, D.W. et K. Pillemer, Final Report on "Inappropriate Patient Management", Wwshington, American Association of Refired People, Andrus Foundation, 1987, p. 27.
  8. Agabayewa, M.O., A. Ong et B. Wilden, «Empowering long term care facility residents using a resident-staff group approach», Mental Health in Nursing Homes, vol. 9, no 3/4, 1990, p. 191-201; Grossman, H.D. et A.S. Weiner, «Quality of life: the institutional culture defined by administrative and residents values», Journal of Applied Gerontology, vol. 7, no 3 29, 1988, p. 389-405; Gibson, D., G. Turrell et A. Jenkifts, «Regulation and reform: promoting residents' tights in Australian nursing homes», Australian and New Zealand J. of Soc., vol. 29, no 1, 1993, p. 73-90.
  9. Chemin, S., J. Jenkinson et T. Lobu, Every Resident: Bill of Rightsfor People Who Live In Ontario Nursing Homes, Toronto, Infonnation juridique communautaire de l'Ontario, 1990.
  10. Mcdonald, P.L., J.P. Hornick, G.B. Robertson et J.E. Wallace, Elder Abuse and Neglect in Canada, Toronto, Butterworths, 199 1, p. 99.
  11. Comité de travail mixte (Interministry Committee on Issues Affecting Dependent Adults and Project to Review Adult Guardianship), How Can We Help? A New Look at Self Determination, Interdependence, Substitute Decisionmaking and Guardianship in B.C., Vancouver, éditeur, 1992).
  12. Loi de la Colombie-Britannique intitulée Adult Guardianship Act, projet de loi 49, 1993.
  13. Strathpoulos, P.A., «Consumer Advocacyand Abuse of Elders in Nursing Homes» dans Kosberg, J.I. (éd.), Abuse and Maltreatment of the Elderly, Londres, John Wright, 1983, p. 335-354.
14. Loi sur les maisons de soins infirmiers de l'Ontario, ch. N.7. art. 30.; projet de loi du Québec no 120 (Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives), Gazette Officielle du Québec, le 2 octobre 199 1, vol. 123, no 40, p. 3715. Les articles 209-212 portent sur les comités d'usagers. Larticle 233 du projet de loi stipule en outre que chaque établissement devrait posséder un code de déontologie.

15. Corporation canadienne des retraités concernés, «Reaching Out to the Neglected, Vulnerable & Abused Elderly», What's Going on Here? Different Aspects of Abuse of the Elderly, Toronto, The Association, 1991, p. 15. Atelier tenu le 14 janvier 1991 A Toronto (Ontario).

16. Wells, L. et C. Singer, «Quality of life in institutions for the elderly: maximizing wellbeing», Gerontologist, vol. 28, no 2, 1988, p. 267.

17. Christian Labour Association of Canada, Serving Seniors: An Inquiry into Working and Living Conditions in Ontario Nursing Homes, Toronto, The Association, 1985, p. 16.

18. Raper, A.T., Resident Decisionmaking in Homesfor the Aging, Washington, Americati Association for Homes for the Aging, 1982, p. 11.

19. Horsman, M.N. et B. Echtenacher, «Working with the family council», American Health Care Association Journal, vol. 10, no 6, 1984, p. 20-22.

20. Horsman et Echtenacher, p. 22.

21. Wells et Singer, p. 267.

22. Hudson, B., «Ensuring an abuse free environment: a learning program, for nursing home staff», J. of Elder Abuse and Neglect, vol. 4, no 4, 1992, p. 25-36.

23. Wahl, p. 6.

24. Butler, B.M., «When nurse and patient battle for control», RN, vol. 49, no 9, 1986, p. 67-68.

25. Whall, A.L., G.L. Gillis, D. Yankou, D.E. Booth et C.A. Beel-Bates, «Disruptive behaviour in elderly nursing home residents: a survey of nursing home staff», Journal of Geronfological Nursing, vol. 18, no 10, 1992, p. 13-17.

26. MacNamara, p. 92.

27. Wahl, p. 6.

28. Wahl, p. 6.

29. Corporation canadienne des retraités concernés, What's Going on Here?

30. Corporation canadienne des retraités concernés, What's Going on Here?, p. 2.

31. Wahl, p. 6.

32. Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, Vieillir.. en toute liberté : Rapport du Comité sur les abus exercés à l'endroit des personnes âgées, Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, 1990; Lightman, E., A Community of Interests: The Report of the Commission of Inquiry into Unregulated Residential Accommodation, Toronto, Publications Ontario, 1992.

33. MacNamara, p. 82.

Chapitre 8 Conclusion

Dans le présent document de travail, on a abondamment fait référence au milieu humain et à la façon dont la violence et la négligence individuelles et systémiques détériorent ce milieu humain. Non seulement la qualité de vie d'un ou d'une pensionnaire s'en trouve amoindrie, mais le personnel et les autres pensionnaires sont également touchés. La confiance des pensionnaires et du personnel dans un établissement peut diminuer si le milieu humain est menacé.

Les mauvais traitements et la négligence en milieu institutionnel ne sont pas rares. On a avancé, dans le présent document, des raisons qui expliquent les actes de violence ou de négligence, notamment des théories quant aux caractéristiques des agresseurs, à l'apprentissage social, à la dépendance et au stress ainsi qu'aux facteurs liés au milieu.

Jusqu'à maintenant, les recherches portant sur les mauvais traitements et la négligence en milieu institutionnel sont très limitées. La plupart des recherches ont mis l'accent sur la violence, et non pas sur la négligence. Les renseignements servant aux travaux de recherche proviennent souvent de sources indirectes, comme les dispensateurs de soins de santé, plutôt que des pensionnaires. Non seulement les handicaps physiques et mentaux de nombreux pensionnaires limitent-ils les recherches, mais souvent, les cadres font preuve de prudence quant à l'autorisation d'effectuer ce genre de recherches dans leur établissement.

Les recherches dans ce domaine sont extrêmement importantes. Des entrevues effectuées avec doigté auprès du personnel et des pensionnaires peuvent permettre l'acquisition de connaissances plus précises quant à la nature interactive de la violence et de la négligence. La recherche systémique axée sur le milieu peut contribuer à cerner les explications causales qui représentent ce qui se passe en milieu institutionnel.

Le présent document de travail met en évidence de nombreuses options pour la gestion et la prévention des cas de violence et de négligence.

À l'échelle de la collectivité :

  • Les organismes et les personnes qui s'intéressent à la promotion d'un milieu humain peuvent agir avec les pensionnaires afin de réintégrer les établissements dans la collectivité.
  • Les organismes gouvernementaux, qui sont chargés de veiller à la qualité des soins, peuvent travailler à élaborer des nouvelles normes qui donnent à la qualité de vie des pensionnaires une priorité égale à celle accordée à leurs besoins physiques.
  • Les cadres peuvent favoriser un milieu propice au bien-être émotionnel et physique des pensionnaires.
Au sein de l'établissement:
  • La formation du personnel peut mettre l'accent sur les types de comportements qui sont acceptables ou inacceptables, accroître la compréhension du vieillissement et améliorer la résolution des conflits, ainsi que les relations interpersonnelles et les compétences en gestion de la colère.
  • Le personnel doit disposer des ressources qu'il lui faut pour accomplir ses tâches. Parmi ces ressources, citons :
  • le temps qu'il faut pour accomplir les tâches quotidiennes de façon à répondre au plus grand nombre de besoins physiques, psychologiques, spéciaux et intellectuels des pensionnaires;
  • un rapport personnel-pensionnaires réaliste, qui reflète adéquatement le niveau de soins qu'exigent les pensionnaires;
  • une équipe multidisciplinaire à laquelle les membres du personnel peuvent faire appel lorsqu'ils font face à des problèmes particuliers qui dépassent leurs capacités.
  • On a besoin de procédures clairement établies et de ressources humaines afin d'enquêter et de résoudre les plaintes équitablement. Une fois que les procédures seront en place, le personnel et les pensionnaires devront tous en apprendre le contenu. Grâce à la collaboration entre les cadres, le personnel, les pensionnaires et les groupes communautaires intéressés, on peut élaborer une série de normes progressistes qui sont dans l'intérêt de tous.
Bien que les établissements possèdent des caractéristiques qui peuvent influer sur la façon dont les pensionnaires sont traités et que les pensionnaires puissent posséder des caractéristiques qui les rendent vulnérables aux mauvais traitements, la violence et la négligence n'ont pas leur raison d'être. On peut prévenir les mauvais traitements. Toutes les personnes qui participent à la vie de l'établissement (cadres, personnel, familles, pensionnaires et collectivité en général) ont un rôle à jouer dans le traitement et la prévention des cas de violence et de négligence en milieu institutionnel.

Annexe A Principes des Nations Unies pour les personnes âgées

Mieux vivre les années gagnées

Résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1991 (résolution no 46/91).

Indépendance

  1. Les personnes âgées devraient avoir accès, en suffisance, aux vivres, à l'eau, au logement, aux vêtements et aux soins de santé grâce à leur revenu, au soutien des familles et de la communauté et à l'autoassistance.
  2. Les personnes âgées devraient avoir la possibilité de travailler ou d'avoir accès à d'autres sources de revenu.
  3. Les personnes âgées devraient pouvoir prendre part à la décision qui détermine à quel moment et à quel rythme elles se retireront de la vie active.
  4. Les personnes âgées devraient avoir accès à des programmes appropriés d'enseignement et de formation.
  5. Les personnes âgées devraient pouvoir vivre dans un environnement sûr qui puisse s'adapter à leurs préférences personnelles et à la modification de leurs capacités.
  6. Les personnes âgées devraient pouvoir vivre au foyer aussi longtemps que possible.

Participation

7. Les personnes âgées devraient rester intégrées dans la société, participer activement à la définition et à l'application des politiques qui touchent directement leur bien-être et partager leurs connaissances et leur savoir-faire avec les jeunes générations.

8. Les personnes âgées devraient être en mesure de rechercher et de faire fructifier les possibilités de rendre service à la collectivité et d'offrir bénévolement leurs services, conformément à leurs intérêts et à leurs capacités.

9. Les personnes âgées devraient pouvoir se constituer en mouvements ou en associations de personnes âgées.

Soins

10. Les personnes âgées devraient bénéficier des soins et de la protection des familles et de la collectivité dans le respect du système de valeurs culturelles de chaque société.

11. Les personnes âgées devraient avoir accès à des soins de santé qui les aident à conserver ou à retrouver un niveau de bien-être physique, mental et émotionnel optimal et qui servent à prévenir ou à retarder l'arrivée de la maladie.

12. Les personnes âgées devraient avoir accès à des services sociaux et juridiques capables de renforcer leur capacité d'autonomie, ainsi que la protection et les soins dont elles disposent.

13. Les personnes âgées devraient avoir accès à des services hospitaliers capables d'assurer leur protection, leur réadaptation et leur stimulation sociale et mentale dans un environnement humain et sûr.

14. Les personnes âgées devraient pouvoir jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales lorsqu'elles sont en résidence dans un foyer ou dans un établissement de soins ou de traitement; il convient en particulier de respecter pleinement leur dignité, leurs croyances, leurs besoins et leur droit à la vie privée et celui de prendre des décisions en matière de soins et à propos de la qualité de leur vie.

Épanouissement personnel

15. Les personnes âgées devraient avoir la possibilité d'assurer le plein épanouissement de leurs possibilités.

16. Les personnes âgées devraient avoir accès aux ressources de la société sur les plans éducatif, culturel, spirituel et en matière de loisirs.

Dignité

17. Les personnes âgées devraient avoir la possibilité de vivre dans la dignité et la sécurité sans être exploitées ni soumises des sévices physiques ou mentaux.

18. Les personnes âgées devraient être traitées avec justice, quels que soient leur âge, leur sexe, leur race ou leur origine ethnique, leurs handicaps ou autres caractéristiques, et être appréciées indépendamment de leur contribution économique.

Annexe B 
Exemples de violence et de négligence en milieu institutionnel

La liste qui suit contient des exemples de violence et de négligence en milieu institutionnel, allant d'incidents mineurs jusqu'à des cas extrêmement graves.

Exemples de violence psychologique

user de familiarité excessive, en employant des appellations comme «pépère», «mémère», «cher» ou «chère»
  • employer des sobriquets péjoratifs qui font référence à des caractéristiques, à des habitudes, à l'apparence ou à des handicaps des personnes âgées
  • ne pas saluer les personnes âgées, ou les traiter sans égard ni respect
  • ne pas frapper avant d'entrer
  • ne pas consulter un pensionnaire quant au choix d'un ou d'une partenaire de chambre ou au changement de partenaire de chambre
  • ne pas informer le ou la pensionnaire du décès de son ou de sa partenaire de chambre
  • parler du ou de la pensionnaire comme s'il ou elle était sa maladie ou son état («le Parkinson est à la chambre 212» ou «la hanche fracturée est à la chambre 17»)
  • imiter la façon de parler d'un ou d'une pensionnaire ou son handicap
  • refuser de parler à un ou une pensionnaire
  • enfermer un ou une pensionnaire dans une pièce pendant de longues périodes crier, faire peur au pensionnaire menacer le ou la pensionnaire
  • isoler socialement le ou la pensionnaire
  • ne pas respecter le besoin d'intimité du ou de la pensionnaire
  • traiter le ou la pensionnaire comme un enfant (infantilisation)
  • interdire toute prise de décisions au pensionnaire
  • traiter le ou la pensionnaire sans égard à son sexe
  • traiter le ou la pensionnaire comme un objet, un «travail à accomplir»
  • ne pas donner le choix au pensionnaire quant au sexe de la personne qui le soigne, particulièrement pour les aspects très personnels comme le bain
  • utiliser le ou la pensionnaire pour jouer des tours, comme lui donner des laxatifs pour que le personnel de relève doive nettoyer
  • traiter le ou la pensionnaire comme s'il ou elle n'existait pas, parler littéralement «au-dessus de sa tête»
  • laisser le ou la pensionnaire au lit à longueur de journée
  • harceler le ou la pensionnaire

Exemples de violence médicale

  • ne pas donner de médicaments
  • ne pas contrôler les effets des médicaments
  • administrer de nouveaux médicaments sans réévaluer ni arrêter les médicaments prescrits antérieurement
  • ne pas observer les ordonnances médicales renouvelables
  • utiliser les médicaments comme punition si les pensionnaires sont bruyants ou agités
  • administrer une dose excessive de sédatifs, au pensionnaire
  • traiter un ou une pensionnaire mentalement capable sans son consentement informé
  • diagnostiquer ou traiter des troubles mentaux ou physiques de façon inadéquate
  • ne pas informer un ou une pensionnaire de son état de santé
  • effectuer des expériences médicales de façon inadéquate ou sans le consentement du ou de la pensionnaire

Exemples de violence physique

  • être brusque au moment de prodiguer des soins ou forcer le ou la pensionnaire à faire des mouvements, particulièrement lorsque le sujet souffre de douleurs à cause de certaines maladies (p. ex. contractures, arthrite)
  • asperger d'eau froide pour faire une «blague»
  • utiliser des actes médicaux effractifs pouvant être évités plutôt que d'autres solutions, p. ex. poser une sonde parce que c'est plus pratique plutôt que de penser au bien-être de la personne
  • renverser de la nourriture ou de l'eau sur le ou la pensionnaire
  • nourrir le ou la pensionnaire trop rapidement ou lui faire ingérer de force la nourriture
  • tirer les cheveux du ou de la pensionnaire
  • utiliser des moyens de contrainte non nécessaires, ou serrer à l'excès les ceintures de force
  • donner des coups de pied au pensionnaire
  • ébouillanter le ou la pensionnaire (le forcer à entrer dans un bain trop chaud)
  • utiliser de façon inadéquate des obstacles physiques qui isolent le ou la pensionnaire,
  • comme des portes verrouillées ou des portes ne pouvant être ouvertes qu'avec une aide extérieure

Exemples de négligence

  • garder les pichets d'eau hors d'atteinte du ou de la pensionnaire ou les laisser vides
  • servir la nourriture froide
  • ne pas relever les couvertures; les laisser au pied du lit
  • ne pas tenter de retrouver des effets personnels (vêtements, prothèses dentaires, lunettes) lorsque le ou la pensionnaire ne les trouve pas
  • a ne pas accorder assez d'attention
  • exclure les pensionnaires d'activités sociales
  • faire la sourde oreille aux demandes
  • ne pas répondre aux besoins médicaux en général
  • laisser le ou la pensionnaire dans un bain froid
  • ne pas répondre à l'appel d'un ou d'une pensionnaire jusqu'à ce qu'il urine ou déféque au lit
  • abandonner le ou la pensionnaire
Exemples d'exploitation financière
  • prendre «l'allocation pour menues dépenses» du ou de la pensionnaire pour ses propres besoins
  • demander de l'argent (pour les «suppléments»)
  • empêcher la personne âgée de dépenser ses économies sur des objets qu'il ou elle apprécie
  • 0 voler de l'argent ou des effets personnels
  • ne pas faire état au pensionnaire des dépenses effectuées en son nom
  • ne pas permettre au pensionnaire de gérer ses finances personnelles

Exemples de non-respect des droits

  • censurer le courrier
  • empêcher le ou la pensionnaire de côtoyer ses amis, des membres de sa famille et ses petits-enfants
  • forcer le pensionnaire à «se fondre dans le groupe», plutôt que de respecter son individualité
  • ne pas reconnaître certaines exigences culturelles ou alimentaires
  • forcer des traitements hospitaliers ou l'admission dans un établissement contre le gré du ou de la pensionnaire
  • ouvrir le courrier du pensionnaire sans son consentement
  • ne pas respecter le caractère privé d'une visite du conjoint ou d'autres personnes
  • ne pas respecter l'intimité au moment de donner un traitement ou de prodiguer des soins personnels
  • interdire à des conjoints de partager une chambre
  • interdire des activités sociales, religieuses ou communautaires
  • ne pas informer les pensionnaires a propos de leurs droits, des traitements ou des options offertes, telles que le droit de consulter un avocat, un défenseur des droits ou une personne-ressource
  • forcer le pensionnaire à recevoir des soins qu'il préfère ne pas avoir, tels qu'un bain à un moment donné afin de respecter l'horaire
Exemples d'autres formes de violence et de négligence particulières aux établissements
  • mal réagir à un ou une pensionnaire qui résiste plutôt que d'en cerner la cause
  • éviter de prodiguer des soins aux pensionnaires les plus actifs, indépendants, agressifs ou difficiles à traiter, ou leur dispenser un minimum de soins
  • refuser de donner au pensionnaire ses effets personnels ou ses vêtements
  • observer un horaire rigide pour le réveil, les repas ou les bains, qui ne tiennent pas compte des besoins individuels
  • ne pas disposer de personnel ni d'autres personnes pouvant parler la langue d'un ou d'une pensionnaire
  • forcer le ou la pensionnaire à agir à l'encontre de ses habitudes de vie, comme le fait de forcer une personne introvertie à devenir sociable
  • ne pas donner l'occasion aux pensionnaires de prendre soin d'eux-mêmes ou de prendre en charge leur situation
  • transférer le ou la pensionnaire sans son consentement (contre sa volonté)
  • ne pas consulter les pensionnaires ou leur famille concernant des changements importants qui auront une incidence directe sur eux et sur les soins qui leur sont prodigués, comme le fait de vendre un établissement sans les informer
  • ne pas respecter le caractère confidentiel des services fournis aux pensionnaires
  • adopter des directives administratives qui limitent l'accès à une quantité suffisante de produits de base, tels que des aliments ou des savons personnels
  • refuser aux pensionnaires l'accès à des services offerts par des dentistes, des travailleuses et travailleurs sociaux ou des thérapeutes

Annexe C

Indicateurs communs de la violence et de la négligence en milieu institutionnel

Une liste des indicateurs de la violence et de la négligence en milieu institutionnel est fournie dans cette annexe. Ces indicateurs ne signifient pas toujours qu'il y a violence ou négligence; d'autres causes peuvent expliquer leur présence. Par exemple, des chercheurs ont découvert que les fractures, soit l'un des indicateurs de violence les plus fréquemment cités, peuvent se produire spontanément chez les personnes âgées 1. Certains indicateurs peuvent révéler un état physique non diagnostiqué précédemment. Il est difficile de décrire les indicateurs de violation des droits, parce que ce sont les actes proprement dits qui constituent les indicateurs.

Négligence

  • déshydratation, malnutrition
  • prothèses dentaires, lunettes ou appareils acoustiques manquants
  • absence de vêtements, de matériel ou d'appareils nécessaires, ainsi que de confort
  • privation de services médicaux ou sociaux
  • pensionnaire laissé sans surveillance pendant de longues périodes ou indûment attaché à son lit ou à son fauteuil
  • vêtements sales, déchirés ou non appropriés
  • problèmes de santé non traités
  • manque d'hygiène
  • ne pas répondre à la demande ou à l'appel d'un ou d'une pensionnaire, ou tarder à y répondre
  • entretien inadéquat du milieu environnant
  • le ou la pensionnaire n'est pas changé ou nettoyé immédiatement, ou reste avec de la nourriture sur le visage ou sur ses vêtements aptes les repas
  • les rendez-vous pour un examen de la vue, de l'ouïe ou des dents ne sont pas pris lorsque le pensionnaire en éprouve le besoin, parfois sur l'avis d'un membre de la famille qui prétend que le ou la pensionnaire est trop âgé ou fragile pour justifier cette dépense
  • peau en mauvais état
  • le ou la pensionnaire vole ou quémande de la nourriture
  • ne pas superviser ou adapter les moyens de contrainte
  • possibilités limitées de stimulation cognitive
1. Kane, R.S. et J.S. Goodwin, «Spontaneous fractures of the long bones in nursing homes patients)), The American Journal of Medicine, vol. 90, no 2, 1991, p. 263-266.

Violence physique

  • blessures inexpliquées, telles que fractures, contusions, bosses, lacérations, brûlures, marques de coup, ulcères ou marques de serrement
  • types inhabituels de blessures
  • retard à demander ou à recevoir un traitement
  • chutes inexpliquées
  • indices de comportement, telles que des expressions de peur en présence de certaines personnes
  • preuve de l'usage non autorisé ou inadéquat de moyens de contrainte, par exemple, pendant de longues périodes, et recours à des moyens de contrainte pratiques pour le personnel, à défaut d'envisager d'autres solutions
  • indices de comportement; le ou la pensionnaire semble agité et a des tendances agressives lorsque des membres du personnel ou de la famille s'en approchent ou, à l'opposé, il ou elle adopte des comportements passifs ou nerveux

Violence psychologique

  • peur
  • passivité extrême
  • piètre estime de soi
  • sentiments de honte et de culpabilité
  • sentiment de désespoir
  • repli sur soi
  • détournement du regard
  • passivité crainte
  • symptômes de dépression exclusion de la famille ou des réunions au sein de l'établissement
  • refus de recevoir des visiteurs et de participer à des activités de groupes religieux ou sociaux
  • décisions prises pour le ou la pensionnaire menaces de punition proférées au pensionnaire défaut d'offrir des stimulations
  • exclusion du ou de la pensionnaire d'activités importantes recours à des châtiments
  • chez le ou la pensionnaire, sentiment de rejet par le personnel, la famille ou d'autres pensionnaires

Exploitation sexuelle

  • douleur, enflure ou saignement dans la région des parties génitales
  • crainte de certaines personnes ou d'être seul avec elles
  • retrait ou recul face aux touchers au moment de prodiguer des soins
  • maladie transmise sexuellement

Exploitation financière

  • manque d'articles ou de produits de base que le ou la pensionnaire pourrait se payer
  • preuve de l'utilisation non autorisée de l'argent ou des biens du pensionnaire par d'autres personnes
  • disparition de biens du ou de la pensionnaire
  • mesures inadéquates de l'établissement pour assurer la protection des biens du ou de la pensionnaire
  • preuve de changements dans la situation financière, comme la modification d'un acte ou d'un testament
  • absence d'états de compte ou de reçus indiquant la façon dont l'argent du pensionnaire a été dépensé
  • aucune preuve que des méthodes existent pour protéger les effets personnels du ou de la pensionnaire dans l'établissement
  • le ou la pensionnaire manque constamment d'argent pour acheter des petits effets personnels

Non-respect des droits civils et humains

  • il est difficile de rendre visite ou de téléphoner à la personne âgée ou de communiquer avec elle ou avec lui de toute autre façon
  • la personne âgée trouve des prétextes pour expliquer son isolement social
  • on interdit à la personne âgée de gérer ses finances personnelles
  • manque d'options dans la vie
  • signes indiquant le non-respect de la confidentialité des dossiers médicaux
  • manque de respect de la vie privée
  • preuve que des décisions ont été prises au sujet du ou de la pensionnaire sans son consentement
Usage préjudiciable de médicaments et exploitation médicale
  • activité physique ou intellectuelle réduite
  • état dépressif
  • absence de réaction thérapeutique ou diminution de cette réaction
  • un pensionnaire mentalement capable n'est pas mis au courant des raisons d'un traitement particulier
  • incohérences ou manque de documentation dans les dossiers médicaux
  • preuve d'administration inadéquate de médicaments

Annexe D
Protocole type relatif à la gestion de la violence et de la négligence

[Adaptation autorisée du protocole adopté par le centre de soins infirmiers Taché, situé à Winnipeg, au Manitoba.]

Violence et négligence à l'égard des pensionnaires

Objet
Le présent protocole vise : à renforcer le fait que, conformément à la philosophie de l'établissement, la violence et la négligence à l'égard des pensionnaires ne seront pas tolérées;

clarifier la définition de ce que constituent la violence et la négligence;

à assurer que toute indication de violence ou de négligence fasse l'objet d'une enquête et soit traitée de façon appropriée.

Définitions de la violence
Les définitions suivantes de la violence ne s'excluent pas mutuellement et ne sont pas nécessairement exhaustives.

Violence physique : fait d'infliger volontairement de la douleur physique ou des blessures; p. ex. manipulation brusque, bousculade, gifle, pincement, coups de pied, restriction des mouvements.

Violence psychologique : comportement engendrant une tension émotionnelle débilitante ou une angoisse mentale;

  • p. ex. insultes, intimidation, menaces, infantilisation, humiliation, harcèlement, isolement social, non-respect de l'intimité.
Exploitation financière ou matérielle : détournement de fonds, conversion indue ou illégale d'argent ou d'autres biens matériels,
  • p. ex. vol, extorsion, modification forcée d'un testament, usage à mauvais escient d'une procuration ou d'autres biens matériels.
Négligence (passive ou active) : défaut ou refus de la personne soignante d'assumer son rôle et de répondre aux besoins essentiels d'autrui;
  • p. ex. ne pas fournir les vêtements, la nourriture, les activités physiques et sociales, les médicaments ou l'aide nécessaire pour les soins personnels ou les activités de la vie quotidienne.
Exploitation sexuelle : tout acte sexuel où l'agresseur profite de la vulnérabilité d'un pensionnaire pour s'adonner à des activités sexuelles avec ou sans le consentement de la personne;
  • p. ex. abus de pouvoir, harcèlement sexuel, exhibitionnisme, caresses, baisers, relations sexuelles bucco-génitales, pénétration.
Indicateurs de la violence
Les indicateurs suivants de la violence ne s'excluent pas mutuellement et ne sont pas nécessairement exhaustifs, mais ils représentent les indicateurs les plus communs des cas de violence.
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Marche à suivre
Il est obligatoire d'effectuer une enquête dans tous les cas soupçonnés de violence ou de négligence. La responsabilité de l'évaluation incombe à une personne désignée, qui habituellement occupe un poste de cadre au sein de l'établissement. Cette personne peut être, par exemple, l'infirmière ou l'infirmier en chef, la coordonnatrice principale ou le coordonnateur principal, ou le chef de service. L'enquêteur ne peut pas être la personne accusée de violence ou de négligence.

Une intervention est nécessaire lorsqu'il y a des motifs de soupçonner un cas de violence ou de négligence. L'échéancier varie en fonction de l'urgence de la situation et des risques courus par le ou la pensionnaire.

Dispositions générales
Il est généralement difficile d'effectuer un compte rendu et une enquête sur un cas présumé de violence ou de négligence à l'égard d'un ou d'une pensionnaire. Souvent, les droits, la sécurité et le bien-être d'un certain nombre d'intervenants sont mis en jeu. Le personnel prenant part à l'enquête sur la violence présumée doit, par conséquent, prendre des décisions difficiles, en prenant en considération non seulement les avantages ou les préjudices possibles de leurs actes pour les personnes, mais également les droits des pensionnaires par opposition aux droits et à la réputation des autres personnes.

Pour orienter les interventions du personnel en ce qui a trait à un cas présumé de violence ou de négligence à l'égard d'un ou d'une pensionnaire, les principes suivants doivent être mis en application.

  • La sécurité, le bien-être, la réputation et les droits (y compris le respect du caractère confidentiel) des pensionnaires doivent être pris en compte avant ceux de toute autre personne et de tout établissement.
  • La réputation et les droits des personnes accusées de violence à l'égard d'un pensionnaire doivent être respectés et préservés autant que possible, mais, en cas de conflit, ils n'ont pas préséance sur ceux de la victime présumée.
  • S'il appert qu'une plainte de violence logée contre une personne est sans fondement, l'établissement prend alors toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que la réputation de cette personne soit rétablie autant que possible.
  • Si la plainte logée contre un membre du personnel est de nature clairement vexatoire, l'établissement doit contribuer pleinement à toute mesure corrective raisonnable souhaitée par l'employé.
Évaluation et intervention immédiates

Lorsqu'un cas de violence ou de négligence se produit, ou si l'on soupçonne qu'il vientjuste d'avoir lieu, on doit prendre immédiatement les mesures suivantes. Selon les circonstances, on doit faire preuve de jugement pour décider de la priorité des étapes à suivre.

  • Veiller à la sécurité du pensionnaire. Parmi les mesures possibles, on peut séparer le ou la pensionnaire de l'agresseur soupçonné, demander à une autre personne de demeurer avec le pensionnaire, ou appeler la police, au besoin.
  • Interroger le pensionnaire et évaluer son état. Interroger la ou le pensionnaire seul, ou en présence d'un défenseur des droits de son choix, mais en l'absence de la personne soupçonnée de violence. Fournir un soutien et ne pas porter de jugement. Tenter de déterminer, sans porter d'accusation, l'incident de violence vécu. Evaluer les points suivants :
  • l'urgence de la situation (autres dangers courus);
  • la portée de la violence ou de la négligence;
  • la fréquence de la violence et de la négligence;
  • l'effet que l'incident a eu sur le ou la pensionnaire.
  • Faire appel à des services médicaux pour le ou la pensionnaire ou l'autre personne en cause, au besoin. Cette mesure est particulièrement importante dans les cas de violence physique (y compris l'abus sexuel) causant des blessures corporelles ou lorsque la réaction du pensionnaire traduit une angoisse extrême. On peut réagir en avisant simplement un médecin ou en lui demandant une évaluation immédiate.
  • Interroger des témoins. Leur demander
  • Qui est en cause ?
  • Que s'est-il passé ?
  • Quand cela s'est-il passé ?
  • Où l'incident a-t-il eu lieu ?
  • Y a-t-il eu des facteurs précipitants?
  • Demander au témoin de signer une déclaration.
  • Intervenir auprès de la personne accusée de violence ou de négligence. Les mesures à prendre sont fonction de la gravité de la situation et des risques subséquents courus par le pensionnaire.
  • Interroger la personne pour obtenir sa version de l'incident, si cela ne comporte pas de risque et que la situation n'est pas grave.
  • Demander à la personne de quitter les lieux et de ne pas y revenir jusqu'à ce qu'on la convoque à une entrevue afin de discuter de la question, si la gravité de la situation le justifie.
  • Communiquer immédiatement avec la police si la personne présente un danger pour autrui, ou si un acte criminel a été commis.
  • Signaler le cas aux personnes compétentes. Dans les situations où l'intervention de la police s'avère nécessaire, la directrice ou le directeur de l'établissement, comme la ou le propriétaire, la directrice administrative ou le directeur administratif, ou la directrice ou le directeur des soins infirmiers, et le plus proche parent du pensionnaire ou son tuteur légal, doivent être avisés dans les plus brefs délais. La seule exception à cette règle s'applique au cas où le pensionnaire demande de ne pas le faire. L'intervention ne doit pas être retardée à cause de l'impossibilité de communiquer avec les personnes concernées. Dans les cas où la situation n'est pas critique, ces personnes peuvent être informées après les consultations et l'évaluation subséquente.
  • Les documents ne doivent refléter que les faits. Ne pas émettre de jugement d'opinion, d'hypothèses ou de spéculations quant aux circonstances entourant l'incident.
  • Rapport général sur l'incident consigner ce qui s'est produit, le moment et l'endroit où l'incident a eu lieu, le nom des personnes en cause et le nom des témoins, et déterminer les facteurs précipitants.
  • Dossier du pensionnaire : indiquer les faits allégués par le pensionnaire, sa réaction, les observations sur son état, les mesures prises et les résultats obtenus.
  • Notes : dans une note de service, reprendre les déclarations des faits telles qu'énoncées par le témoin, et demander sa signature. Si le témoin est réticent à signer, ne pas exercer de pression. Mentionner dans la déclaration que les renseignements ont été divulgués confidentiellement.
Transmettre le rapport d'incident et toute déclaration écrite à la personne compétente désignée, comme le chef de service. Il peut être opportun d'en fournir un exemplaire à la directrice administrative ou au directeur administratif.
Interventions subséquentes
  • Soins soutenus au pensionnaire :
  • Consulter les professionnels d'autres domaines, au besoin.
  • Examiner le régime de soins du ou de la pensionnaire en relation avec l'incident, et s'il y a lieu, y apporter des modifications.
  • Évaluer la nécessité d'une protection pour le ou la pensionnaire (recours judiciaires).
  • Offrir le soutien nécessaire au pensionnaire.
  • Enquête au sujet d'allégations portées contre des membres du personnel et des bénévoles :
  • Aviser le superviseur immédiat.
  • Le superviseur (dans le service des soins infirmiers, le directeur ou la directrice des soins infirmiers) rencontre ensuite l'employé (et le représentant syndical ou une autre personne de soutien, si l'employé le désire) afin de discuter des allégations.
  • Les conclusions de l'enquête doivent être communiquées à l'employé et doivent indiquer :
  • Si la preuve est suffisante pour établir le bien-fondé du cas de violence.
  • Si une enquête subséquente est nécessaire et en quoi elle consistera.
  • Quelles mesures seront prises (cela doit être écrit et porté à l'attention de l'employé). On prendra des mesures de discipline si les allégations semblent bien fondées.
Conformément à cette procédure, l'employé fera l'objet de mesures de discipline pouvant aller jusqu'au renvoi.
  • Enquête au sujet d'allégations portées contre des visiteurs :
  • L'infirmière ou l'infirmier en chef, ou la personne déléguée par elle ou par lui, doit informer la travailleuse ou le travailleur social, s'il y en a un à l'établissement.
  • S'il n'y en a pas, il est peut être souhaitable de communiquer avec une travailleuse ou un travailleur social externe.
  • Rencontrer le visiteur et la travailleuse ou le travailleur social et d'autres membres du personnel concernés (comme l'infirmière ou l'infirmier en chef ou la directrice administrative ou le directeur administratif) pour discuter des allégations.
  • Inscrire ensuite les décisions concernant le plan d'action dans le dossier du ou de la pensionnaire. Prendre des mesures, si les allégations s'avèrent fondées, afin d'utiliser des recours judiciaires Pour protéger le ou la pensionnaire, ou fournir des directives précises relativement à des visites ultérieures. On doit tenir compte des besoins et des souhaits exprimés par le ou la pensionnaire.
  • Enquête au sujet d'allégations portées contre des pensionnaires :
  • Aviser la travailleuse ou le travailleur social. S'il existe un service spécial ou connexe dans l'établissement, tel qu'un service de psychologie, l'intervention des professionnels de ce service peut être souhaitable, particulièrement s'ils ont déjà traité le ou la pensionnaire.
  • Rencontrer le ou la pensionnaire (s'il est en mesure de participer) et les membres concernés de l'équipe pour discuter des allégations et des recours possibles en vue de prévenir d'autres incidents. Si le ou la pensionnaire est incapable de participer à la démarche, l'équipe multidisciplinaire doit examiner l'incident afin d'empêcher qu'il se reproduise. Il incombe à l'équipe de décider de la personne chargée de la coordination et d'attribuer les tâches. L'infirmière ou l'infirmier en chef veillera à ce que le régime de soins des pensionnaires reflète les décisions prises.
  • Renseignements à consigner dans le dossier du ou de la pensionnaire :
  • Évaluation continue et intervention(s) en rapport à l'incident.
Issue
  • La crise est résolue et la sécurité du ou de la pensionnaire est assurée.
  • Des membres du personnel chargés de la supervision veillent à la sécurité et à la prévention d'autres incidents.
  • L'incident devrait être examiné par le personnel dans le cadre de la gestion de cas ou par un comité d'examen spécial en vue d'évaluer la façon dont l'incident aurait pu être prévenu. Ces renseignements généraux peuvent alors être inclus dans une analyse globale et repris dans les recommandations visant à modifier les lignes de conduite, les procédés ou les pratiques. Si l'établissement a un comité chargé de l'assurance de la qualité, ces renseignements peuvent également contribuer à redéfinir les structures ou les lignes de conduite en vigueur.

Annexe E Tenue d'entrevues dans les cas de violence et de négligence soupçonnes et fondes

[Adaptation autorisée du document intitulé Age & Opportunity, Elder Abuse Resource Centre. Noté

également dans Abuse of the Elderly: A Guidefor the Development of Protocols, Interdepartmental

Working Group on Elder Abuse and Manitoba Seniors Directorate, février 1993, annexe B1.]

  • Interroger séparément le pensionnaire et l'agresseur présumé le plus tôt possible après le signalement du cas de violence.
  • Interroger le pensionnaire en premier, et ensuite le présumé agresseur.
  • Il est essentiel que les entrevues se déroulent en privé. S'assurer que le local où se tiendront les entrevues est un endroit où l'on ne peut être entendu ou interrompu par d'autres personnes.
  • Être ouvert aux valeurs et aux traditions ethnoculturelles et religieuses de la personne, particulièrement si elles renvoient à des attentes concernant les rôles féminins et masculins ou ceux de la famille, ou encore l'acceptation de l'aide, et s'informer à ce sujet.
  • Mener l'entrevue calmement et sans hâte. Poser des questions objectives pour que le pensionnaire soit libre d'exprimer ses sentiments, de fournir des descriptions et de faire part de ses attentes.
  • S'abstenir d'émettre des suppositions ou de tirer des conclusions avant d'avoir pris connaissance de tous les faits.
  • Porter une attention particulière à toute incohérence ou contradiction dans la déclaration relative au cas de violence ou de négligence obtenue du pensionnaire, de l'agresseur présumé et de toute autre source de renseignements.
  • Sans compromettre la confidentialité à l'égard du client, obtenir l'autorisation de communiquer avec des membres de sa famille, des amis, des organismes externes nécessaires ou des sources de renseignements connexes.

Annexe F La loi en rapport à la violence et a la négligence en milieu institutionnel

La loi, dans son sens le plus large, énonce les droits et les responsabilités des personnes et jette les bases des systèmes qui forment le cadre de la société. Bien peu de cas de violence seraient hors de la portée du système juridique. Il existe des lois pour réprimer certains comportements, punir les agresseurs et recouvrer de l'argent ou des biens. Certaines lois ouvrent la voie à l'autonomie sous forme d'avantages et d'accès aux services2.

Le présent aperçu général vise à permettre aux cadres et au personnel ainsi qu'aux personnes âgées, à leurs amis et à leur famille, de reconnaître certains des enjeux juridiques qui sont présents dans les cas de violence et de négligence, et de connaître les réactions qui conviennent pour aider les personnes âgées a affirmer leurs droits et à les protéger.

La loi énonce certaines responsabilités incombant aux établissements et à leur personnel. Certaines de ces responsabilités ont trait aux pensionnaires en général; d'autres concernent la marche à suivre dans les cas soupçonnés de violence ou de négligence. La loi vise également à protéger les cadres et le personnel qui s'efforcent d'intervenir dans les cas de violence et de négligence dans les établissements.

Droit criminel et droit civil

Le système juridique est fondé sur certains régimes de lois qui énoncent les responsabilités ou stipulent les normes quant au comportement des personnes3.
  • Le droit civil régit principalement la relation privée entre les personnes; il englobe les délits civils (inconduites) et les contrats.
  • La loi de nature réglementaire vise a régir le comportement et à rétablir certains genres de torts prévus par la législation, les règlements qui se rapportent aux lois sur les foyers de soins infirmiers ou sur les hôpitaux en sont des exemples types. La loi de nature réglementaire est habituellement mise en application par des ministères précis des gouvernements provinciaux ou territoriaux. Certains règlements prévoient des sanctions, mais comme leur but principal est d'inciter les parties à observer les règlements, on a souvent recours à des solutions de rechange, telles que l'arrangement ou le compromis.
  • Le droit criminel régit la relation entre une personne et la société. Une infraction aux dispositions contenues dans le Code criminel est considérée comme étant dirigée contre la société et contre la victime de l'acte criminel.
Régler les cas de violence et de négligence par l'entremise du droit civil

Le droit civil régit les responsabilités des personnes qui dispensent des soins. Le droit de la responsabilité civile délictuelle peut offrir une certaine protection aux adultes qui font l'objet d'actes de violence ou de négligence en milieu institutionnel, particulièrement lorsque les actes de négligence ont été posés par des personnes de l'établissement. On peut dire de beaucoup d'actes ou d'omissions survenant au sein des établissements, notamment la négligence, les agressions, les coups et blessures et la séquestration, qu'ils vont à l'encontre du droit civil.

La négligence représente le défaut de respecter certaines normes de soins à l'égard d'une personne envers laquelle on a des responsabilités, défaut qui a pour conséquence que cette personne subit un préjudice4.

Les voies de fait consistent à provoquer intentionnellement la crainte ou l'appréhension d'être agressé chez une personne (p. ex. un aide-infirmier ou une aide-infirmière qui lève la main comme pour frapper un pensionnaire). Si la menace est mise à exécution, on qualifie l'incident de «coups et blessures»5. Dans les cas de voie de fait, c'est l'intention d'engendrer la peur d'être frappé qui prime, non pas nécessairement le fait d'exécuter le geste. Les actes de violence se produisent aussi lorsque le personnel ou les médecins n'obtiennent pas d'un ou d'une pensionnaire capable de le donner ou de la personne autorisée par la loi à prendre des décisions en son nom le consentement éclairé quant au traitement.

Le délit civil qu'est la «séquestration» vise à protéger des personnes contre des mesures de contrainte physique ou de coercition. Conformément au droit civil, la séquestration n'a pas nécessairement besoin d'être jumelée à de la violence ni à un contact physique direct, Une personne peut être «séquestrée» pendant qu'elle dort, qu'elle est inconsciente ou qu'elle a des troubles cognitifs6.

Lorsqu'un employé d'un établissement agresse un pensionnaire, l'établissement peut être tenu responsable du fait d'autrui si l'employé a commis le geste durant son travail. Il se peut que l'établissement doive verser un montant adjugé pour le préjudice, même s'il n'avait pas vraiment la possibilité de prévoir l'incident de violence ou de négligence avant qu'il ne se produise. Toutefois, il est beaucoup plus probable que l'établissement soit mêlé à une situation dans laquelle ses dirigeants ont été trouvés négligents pour le défaut d'avoir mis en oeuvre des lignes de conduite et une marche à suivre qui reflètent les normes de soins exigées. Bien que des lignes de conduite et une marche à suivre en matière de violence et de négligence ne puissent prévenir toutes les poursuites, elles en réduisent considérablement le risque, particulièrement si les responsables de l'établissement peuvent démontrer que les normes qui y sont prescrites sont conformes à celles de la collectivité. Par conséquent, les cadres peuvent limiter les dommages lorsqu'ils peuvent prouver qu'un acte particulier a été commis en dépit de directives exhaustives.

Régler les cas de violence et de négligence par l'entremise du droit contractuel

Le droit contractuel stipule les responsabilités des personnes qui dispensent des soins. Les contrats que les personnes signent à l'admission énoncent les responsabilités de l'établissement, particulièrement les clauses qui portent sur le degré de soins et peuvent éventuellement prévoir que l'établissement puisse être poursuivi pour rupture de contrat si les clauses ne sont pas respectées. L'existence d'un contrat peut engendrer des normes et des attentes objectives à l'égard des soins fournis dans l'établissement.

En Ontario, les groupes de défense des intérêts soulignent qu'il est important que les personnes âgées ou les familles ne signent aucune clause de renonciation des droits dans le contrat d'admission. Dans cette province, si les personnes ne signent pas de contrat, les dispositions de la Loi sur les maisons de soins infirmiers l'emportent, offrant ainsi une certaine protection aux pensionnaires si l'établissement ne respectent pas les normes de soins. Malheureusement, on remarque souvent un pouvoir de négociation inégal entre une ou un pensionnaire éventuel, sa famille et les responsables d'un établissement, particulièrement lorsque les options sont peu nombreuses au sein de la collectivité. En Colombie-Britannique, en vertu des dispositions de la loi Consent to Health Care and Care Facilities (Admission) Act (loi sur le consentement aux soins de santé et les établissements de santé), les régimes de soins constitueront un aspect obligatoire de l'admission.

Le droit contractuel peut contribuer à régler les cas de violence et de négligence d'une autre façon. Dans de nombreux cas, il existe une entente entre le gouvernement provincial, territorial ou fédéral et un établissement particulier selon laquelle le gouvernement subventionne ou finance un certain nombre de lits. Dans de telles circonstances, le marché de

services conclu entre le gouvernement et l'établissement peut comporter diverses clauses de contrôle de la qualité. La possibilité de perdre un marché peut fortement encourager les responsables d'un établissement à régler les problèmes de non-conformité aux normes.

La violence et la négligence peuvent aussi être des crimes

Le droit criminel régit les responsabilités particulières des personnes qui dispensent des soins. Quiconque n'assume pas ses responsabilités est passible d'une peine en vertu du Code criminel. Par exemple, l'article 216 du Code reconnaît l'obligation légale pour les médecins, les infirmiers et les infirmières, les aides-infirmiers et les aides- infirmières, ainsi que les autres personnes qui s'apprêtent à administrer un traitement chirurgical ou médical, d'apporter, en ce faisant, des connaissances, des compétences et une attention raisonnables. L'alinéa 215(1)c) reconnaît l'obligation légale de fournir les nécessités de la vie (nourriture, logement, médicaments ou aide médicale, etc.) à une personne à sa charge si cette personne est incapable de se soustraire à cette charge et de pourvoir aux choses nécessaires a sa propre existence. Ce genre de situation peut survenir en raison de l'âge, de la maladie ou de l'état mental d'une personne.

Des exploitants d'établissement ont été tenus responsables en vertu d'un article connexe, soit l'article 219 du Code criminel, qui porte sur la négligence criminelle7. Par exemple, en 1991, des exploitants d'une maison de repos non autorisée située près de Dorset (Ontario) ont été déclarés coupables de négligence criminelles8. Une pensionnaire est décédée à la suite d'un bain brûlant; un autre pensionnaire a souffert d'engelures après avoir quitté l'établissement pendant la nuit, en plein hiver. Pour obtenir la condamnation, le procureur devait prouver que les exploitants, en omettant de faire leur devoir, ont fait preuve d'une insouciance et d'un mépris flagrants à l'égard de la vie ou de la sécurité des pensionnaires. Le tribunal a jugé qu'il incombait aux exploitants de l'établissement d'embaucher du personnel compétent et qualifié pour s'occuper des pensionnaires qui lui était confiés; dans ce cas, le juge a souligné que le personnel n'était pas ou peu formé. Le tribunal a reconnu que des accidents peuvent se produire, mais a conclu qu'en acceptant de dispenser des soins à des personnes très fragiles et en n'assurant pas une surveillance suffisante, les exploitants de l'établissement avaient fait preuve de négligence criminelle.

On a peu souvent recours à des poursuites pour négligence criminelle dans les cas relatifs aux pensionnaires d'établissements de soins de santé, ou bien on ne les utilise qu'en dernier ressort. Habituellement, les organismes administratifs gouvernementaux ne recommandent pas les poursuites. Les plaintes concernant la négligence ou d'autres situations éventuellement criminelles sont plutôt portées à l'attention du personnel médical et des cadres de l'établissement d'abord, et parfois des groupes de défense des intérêts ou d'un ministère approprié de la province ou du territoire. Les familles et les groupes de défense ont connu bon nombre de frustrations parce que des incidents qui auraient normalement été considérés comme criminels ont été vraisemblablement résolus dans le cadre de règlements adoptés par des ministères provinciaux ou territoriaux (comme la santé ou les services sociaux) et que le ministère pertinent n'a pas réussi à protéger les pensionnaires. Ils font valoir que, en tout et pour tout, les personnes âgées n'ont pas bénéficié de toute la protection prévue par le droit criminel et que les incidents dont ils ont été victimes n'ont pas été reconnus9. Ils affirment que les personnes âgées victimes de violence et de négligence font face à un cercle vicieux : «En l'absence de visibilité, il n'y a pas de reddition de comptes et, s'il n'y pas de comptes à rendre, il n'y a pas de responsabilité 10».

On admet généralement que le droit criminel peut s'avérer un instrument dangereux pour protéger les pensionnaires des établissements de soins ou pour réparer un tort qui leur a été fait. «Cependant, le pire contrevenant peut être condamné dans certains cas. Il est certain que la condamnation dans ce cas peut devenir un moyen dissuasif contre les pires comportements de certains exploitants de foyers 11 »,

On considère que les poursuites criminelles comportent certains avantages par rapport à d'autres moyens de régler les cas de violence et de négligence lorsque la poursuite est intentée contre un établissement ou son personnel et que l'on obtient gain de cause. Premièrement, on note un effet dissuasif. En plus de d'entraîner un changement de la façon dont l'établissement est exploité, la publicité entourant la condamnation modifie aussi le fonctionnement des autres établissements. Deuxièmement, certains dont avancé que la poursuite est susceptible d'entraîner des changements de condition plus positifs que si l'on se fie aux mécanismes actuels de mise en application des ministères provinciaux ou territoriaux. Dans certains cas, les ministères provinciaux ou territoriaux visent à négocier des ententes et font des compromis dans l'intérêt à long terme des futurs pensionnaires. En procédant de la sorte, ils peuvent ne pas satisfaire les intérêts immédiats des pensionnaires victimes de violence. Troisièmement, la présence de responsables externes de la mise en application de la loi peut contrecarrer la familiarité acquise et le réflexe de compromis quant aux actes de «violence» qui se produisent actuellement dans les foyers de soins infirmiers12.

Toutefois, deux types d'obstacles s'opposent à la réussite des actions ou des poursuites civiles.

Fardeau de la preuve

Il peut être très difficile d'établir un lien de causalité entre les pratiques institutionnelles et les risques pour la vie ou la santé des pensionnaires âgés en raison du grand nombre de causalités possibles. Par exemple, l'élimination de plusieurs postes à plein temps augmente les risques de blessures physiques ou fait diminuer la vitesse de réponse aux appels d'urgence. L'insuffisance de l'effectif peut être à l'origine de malnutrition, d'inanition et de déshydratation, ainsi que d'une atrophie des articulations, qui rend les pensionnaires fragiles et, en bout de ligne. met en danger leur santé et leur vie.

De plus, la croyance universelle veut que les taux élevés de mortalité dans les foyers de soins infirmiers soient prévisibles; toutes les personnes âgées meurent13. Or ce n'est pas tant le fait que les gens meurent, mais plutôt le

moment où ils meurent ainsi que la façon dont ils meurent qui importent. Susan Mercer observe, dans Consequences of Institutionalization of the Aged, que les taux élevés de mortalité dans les foyers de soins infirmiers peuvent souvent être attribuables à la négligence du milieu même de l'établissement mauvaise nutrition, exposition aux infections, maladies, soins médicaux non adéquats et manque de surveillance et de stimulation sensorielle 14.

Peur

Le deuxième obstacle, la peur évidente des pensionnaires et des témoins qui veulent porter plainte, a de fortes répercussions sur la disponibilité des preuves nécessaires15. Bien que cette lacune puisse empêcher de porter des accusations criminelles ou d'intenter une poursuite, elle ne signifie pas que la loi est inutile. De plus, si le ou la pensionnaire bénéficie d'un appui, on peut calmer sa peur, voire l'éliminer16.

Protection juridique concernant le signalement de cas et l'intervention

L'un des risques que courent les conseils d'administration, les cadres ou les employés lorsqu'ils enquêtent sur un cas présumé de violence ou de négligence ou qu'ils interviennent, c'est la menace d'une poursuite. Il importe que les cadres et les employés sachent que ces menaces ne sont, dans la plupart des cas, que des menaces. L'une des méthodes classiques qu'utilisent certains agresseurs pour conserver leur pouvoir est de proférer des menaces et de faire de l'intimidation. Même aux États-Unis où le cadre juridique est passablement plus litigieux qu'au Canada, il est extrêmement rare qu'il y ait des poursuites parce que quelqu'un est intervenu dans un cas présumé de violence. En réalité, les cadres et les employés s'exposent davantage à des poursuites s'ils n'enquêtent pas et ne réagissent pas à un cas de violence ou de négligence, car l'absence de réaction peut être une preuve de négligence de la part de l'établissement.

Néanmoins, les menaces de poursuite se sont révélées d'excellents moyens de dissuader les établissements. Le droit de la diffamation offre un certain nombre de protections ou de justifications sur lesquelles peuvent s'appuyer les cadres ou les employés s'ils sont menacés de poursuite pour diffamation alors qu'ils essaient d'intervenir dans un cas de violence ou de négligence. Plus particulièrement, ces justifications sont les suivantes :

  1. La vérité - si ce qui a été dit se trouve à être vrai 17.
  2. L'«immunité relative» - dans certains cas, il existe un devoir moral ou social (selon les normes de la collectivité) de communiquer certains types de renseignements. La règle adoptée par les tribunaux est de se demander si «la collectivité croirait raisonnablement que la personne devrait communiquer ces renseignements». Un cas d'immunité parmi les plus courants est un ancien employeur qui fournit des références morales sur un employé congédié, à la demande de quelqu'un qui se propose d'embaucher ce dernier 18.
  3. L'information publique - la loi reconnaît que certains renseignements sont d'ordre public, par exemple l'information qui doit être communiquée à la police concernant un crime présumé, et que les personnes qui assument ce devoir doivent être protégées 9.
Tant pour ce qui est de «l'immunité relative» que de l'information publique, les cadres et les employés sont fort vraisemblablement protégés contre une poursuite pourvu qu'ils n'agissent pas avec l'intention de nuire ou sans motif valable20.

Une autre menace, qui peut être extrêmement efficace, pesant sur les cadres ou les employés qui essaient d'intervenir (surtout si l'agresseur présumé est de l'extérieur de l'établissement), c'est celle de se faire retirer ses titres professionnels. Sans ces titres, le cadre ou l'employé ne peut travailler, et certaines personnes se sont retenues d'intervenir en raison de cette menace. La meilleure façon de la contrer, c'est d'offrir un appui au sein de l'établissement et des associations professionnelles aux membres du personnel qui signalent des cas de violence ou de négligence, enquêtent à leur sujet ou interviennent. Les membres du personnel qui ont l'impression de constamment «prendre des risques» s'ils interviennent peuvent éventuellement renoncer à essayer d'aider.

Questions juridiques particulières

  • Quelles personnes le personnel et les cadres devraient-ils écouter lorsque des décisions doivent être prises concernant le bien-être d'un pensionnaire?
  • Qui a réellement le pouvoir de prendre ce genre de décisions'!
Lorsqu'ils se trouvent au sein de la collectivité, les gens sont habituellement présumés capables de prendre leurs propres décisions. En milieu institutionnel, cette présomption est parfois oubliée. Les personnes âgées peuvent céder le pouvoir de prendre des décisions, ils peuvent le partager, ou ce pouvoir peut leur être enlevé. On fournit ci-dessous une description de base de la tutelle, de la procuration et des ententes de représentation afin d'aider la population à comprendre à qui ils doivent se fier et qui détient le pouvoir.

Tutelle

Les établissements ont une obligation légale de respecter les directives d'un tuteur légal. La tutelle représente une forme d'aide offerte, dans certains secteurs de compétence, aux adultes qui, en raison d'un handicap mental ou physique, sont incapable d'agir en leur nom propre2l. La tutelle peut être assurée par un particulier, comme un conjoint, un proche parent ou un ami, ou par un organisme public. Les termes employés pour désigner la tutelle varient d'une région à l'autre au Canada et peuvent comprendre la curatelle, la tutelle et l'administration fiduciaire22. Essentiellement, chaque terme renvoie à un ensemble de circonstances communes un tribunal désigne une personne ou un organisme, comme le bureau du curateur public, afin qu'il exerce le pouvoir et l'autorité de prendre en main les biens, la situation financière et, souvent, la personne physique des adultes qui sont jugés par un tribunal comme étant «mentalement incapables» ou «mentalement handicapés» et, par conséquent, jugés incapables de prendre des décisions en leur propre nom23.

Dans certaines provinces, par exemple en Colombie-Britannique, on confie aux tuteurs seulement la succession d'une personne, seulement les soins de la personne, ou les deux à la fois24. Dans d'autres provinces, comme le Manitoba, on ne permet à un tuteur d'avoir qu'une seule forme d'autorité, soit le pouvoir d'administrer la succession de l'adulte (argent, situation financière, propriétés)25. En pratique, la démarcation entre le pouvoir sur les finances et le pouvoir sur la personne devient souvent imprécise parce que les questions financières peuvent avoir une incidence sur l'endroit où la personne vlt26. Dans tous les cas, l'ordonnance du tribunal établira les domaines pour lesquels le tuteur possède l'autorité.

Cadre juridique d'intervention du tuteur

Un tuteur doit protéger l'adulte et agir en fonction de ses «meilleurs intérêts». Cependant, les exigences provinciales ou territoriales ne fournissent pas des directives claires et sans équivoque sur la façon dont le tuteur do 1 t mettre en application cette règle dans l'exercice de ses fonctions. Beaucoup d'aspects sont laissés à la discrétion du tuteur27. Malheureusement, l'opinion du tuteur quant aux meilleurs intérêts de l'adulte et l'opinion de l'adulte à ce sujet, ou celle qu'il aurait eue, peuvent être fondamentalement opposées. Afin de tenir compte de cette situation, la ColombieBritannique a récemment adopté une loi qui exige que les tuteurs et les décideurs substituts consultent l'adulte autant que possible et prennent des décisions, ou aident l'adulte à prendre des décisions, selon l'ordre de priorité suivant :
  • les volontés actuelles de l'adulte;
  • les valeurs et les croyances de l'adulte;
  • les meilleurs intérêts de l'adulte (seulement si les volontés actuelles de l'adulte, ses valeurs ou ses croyances sont inconnues). Même lors, les meilleurs intérêts de l'adulte doivent être pris en compte à la lumière de tout ce qui est connu à propos de la personne, de ses valeurs, de ses préférences, etc.
Personnes âgées confiant à un tiers le pouvoir de gérer leurs finances personnelles ou de prendre des décisions quant à leurs soins de santé

Parfois, les pensionnaires cèdent à d'autres personnes le pouvoir de prendre des décisions concernant leurs finances personnelles. Par exemple, toutes les provinces permettent actuellement à un adulte mentalement capable de nommer un tiers pour prendre des décisions en son nom, et ce, même après que l'adulte qui avait initialement accordé ce pouvoir n'est plus mentalement capable28. On fait souvent référence à cette nomination comme une «procuration durable». Les procurations durables peuvent se limiter à certains genres d'actes ou de transactions ou être de portée générale. Elles ne prévoient que le transfert de la compétence juridique à une autre personne pour des questions financières.

Le Québec et la Nouvelle-Écosse ont adopté des dispositions limitant la compétence des personnes à prendre des décisions relatives aux soins de santé prodigués à une autre personne29 En Nouvelle-Écosse, en vertu de la Medical Consent Act3O, une personne A peut conférer à la personne B le pouvoir de prendre des décisions relatives aux soins de santé prodigues à la personne A. Ce pouvoir est prévu dans l'éventualité que la personne A devienne mentalement incapable. L'autorisation doit être écrite et signée, et des personnes indépendantes doivent en être témoin3l. Au Québec, le Code civil prévoit maintenant un document juridique par lequel un adulte peut accorder une procuration globale et permanente concernant sa personne et sa succession. Désigne comme «mandat en cas d'inaptitude du mandant», ce document autorise le «mandataire» (la personne désignée) à prendre les décisions concernant l'adulte, ainsi que sa successions. Un mandataire doit agir conformément au mandat, faire preuve de compétence et d'une attention raisonnables, donner un compte rendu au mandant et remplir les obligations stipulées au Code civil. Le Code civil confirme que la personne ne peut pas recevoir de traitements sans son consentement, mais un consentement substitut peut être donné par le mandataire33.

La Colombie-Britannique met actuellement en vigueur un nouveau document reconnu par la loi, appelé «representation agreement» («entente de représentation»), dans lequel un adulte peut autoriser une personne en qui elle a confiance à prendre des décisions concernant ses finances, ses soins personnels, ses soins de santé ou à peu près toute chose ne contrevenant pas à la loi34. L'entente de représentation, qui comporte de nombreuses protections implicites, prévoit une norme de compétence passablement plus élargie pour signer l'entente. Comme elle vise à soutenir quiconque pouvant désirer ou nécessiter de l'aide pour prendre des décisions, l'entente convient bien à bon nombre de personnes âgées en milieu institutionnel.

Droits de la personne

La législation relative aux droits de la personne confie des responsabilités au personnel et aux cadres des établissements sous deux aspects.

Premièrement, toutes les provinces et les territoires, ainsi que le gouvernement fédéral, interdisent la discrimination par des organismes privés ou publics dans l'offre de logements, de services ou d'établissements qui sont conçus spécialement pour le public. Les lois en matière de droits de la personne peuvent s'appliquer lorsqu'un établissement offre des services et au moment de décider de l'admission d'une personne. La portée précise d'une compétence particulière varie considérablement. À certains endroits, il est interdit de faire de la discrimination en fonction de l'âge, du sexe, de l'état civil, d'un handicap physique ou mental, soit tous des critères pouvant s'appliquer aux personnes âgées en établissement. Les personnes reconnues coupables de discrimination (en général, l'employeur, car en principe il doit répondre de tous les actes du personnel) peuvent devoir dédommager la victime pour les actes discriminatoires. Les peines peuvent varier de quelques centaines de dollars à des dizaines de milliers de dollars. Les dispositions législatives des provinces et des territoires varient en ce qui a trait à la personne qui peut loger une plainte : parfois, il faut que ce soit la personne âgée, alors que dans certains endroits, ce peut être toute personne qui est au fait de la situation.

Deuxièmement, il existe des mesures de protection autres que les dispositions relatives à la discrimination dans les mesures législatives relatives aux droits de la personne. La législation de la Saskatchewan reconnaît une série de droits, y compris le droit à la vie privée et à l'association. En vertu de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, toute personne âgée, handicapée ou atteinte d'un trouble ou d'une maladie mentale a droit à une protection contre toute forme d'exploitation35. Au Québec, des pensionnaires dans un établissement ont intenté avec succès une poursuite en recours collectif en vertu de cet article de la Charte québécoise. Ce recours a entraîné l'imposition de la peine relative aux droits de la personne la plus élevée de l'histoire du Canada, soit un million de dollars en dommages.

2. McKenzie, P., Guide to Legal Issues in Elder Abuse Prevention, North Mancouver, North Shore

3. McKenzie,p.3-1. Coininunity Services, 1990, p. 3-1.

4.Fleming, J.G., The Law of Torts, 6e édition, Agincourt, Carswell, 1986, p. 99. Voir la définition de la négligence proposée par un jury.

5. Fleming, (1986), p. 25.

6. Meering contre Graham White Aviation Co. (1919) 122 L.T. 44, 53, par L.J. A"; appuyé par Prosser, «FaIse imprisonment: consciousness of confinement», 55 Col L.Rev 847 (1955), tel que mentionné dans Fleming J. G., The Law of Torts, 7e édition, Agincourt, Carswell, 1987, p. 27.

7. Article 202, Code criminel, Négligence criminelle: (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque a) soit en faisant quelque chose; b) soit en omettant de l'aire quelque chose qu'il est de son devoir d'accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui. (2) Pour l'application du présent article, «devoir» désigne une obligation imposée par la loi. L'article 203 stipule que la peine maximale pour quiconque, par négligence criminelle Cause la mort d'une autre personne est l'emprisonnement à perpétuité. L'article 204 établit que la peine pour quiconque, par négligence criminelle cause des lésions corporelles à autrui est l'emprisonnement maximal de dix ans.

8. R. contre Berry et Berry, raisons verbales non publiées dans le jugement de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale), municipalité du district de Muskoka (Hogg, O.C.J.).

9. Jorgensen, B., Crimes against the Elderly in Institutional Care, Concerned Friends of Ontario, Toronto, Concerned Friends, 1986, p. K-42.

10.Hahn, P. H., Crimes Against the Elderly: A Study in Victimology, Santa Cruz, Davis Publishing Company, 1976,p.119.

11.Lightman, E., A Community of Interests: The Report of the Commission of Inquiry into Unregulated Residential Accommodation, Toronto, Publications Ontario, 1972, p. 173.

12.Jorgensen, p. K-43.

13.Jorgensen, PK-28; Reirnan, J.M., «Aging as victimization: reflections on the Arnerican way of (ending) life» dans Goldsmith, J. (éd.), Crime and the Elderly, Toronto, Lexington Books, 1976.

14.Mercer, S., «Conséquences of Institutionalization of the Aged» dans Koserg, J. L. (éd.), Abuse and Maltreatment of the Elderly: Causes and Interventions, Boston, John Wright, 1983, p. 84.

15. Doty, P. et E.W. Sullivan, «Coimnunity involvernent in combatting abuse, neglect, and mistreatment in nursing homes», Ilealth and Society, vol. 62, no 2, 1988, p. 239.

16.Jorgenson, p. K-3 1, indique la possibilité que l'aidé doive différer de celle que l'on cherche actuellement pour les autres personnes violentées, tout en étant du même type.

17.Fleming, J.G., (1978), The Law of Torts, 7e éd., Carswell, Agincourt, Ontario, p. 527.

18.Fleming, J. G., 1978, ibid., p. 539.

19. Fleming, J. G., 1978, ibid., p. 539.

20. Ibid., p. 550.

21. Gordon, R. et S. Verdun-Jones, Adult Guardianship in Canada, Toronto, Carswell, 1992, p. 1-3.

22. Au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et dans les Territoires du Nord-Ouest, on utilise le terme «curatelle» (commiteeship); à Terre-Neuve, a l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta et en Saskatchewan, on emploie le tenue «tutelle» (guardianship); par contre, en Alberta, on fait une distinction entre la tutelle ou guardianship (le contrôle d'une personne) et l'administration fiduciaire ou trusteeship (le contrôle de son patrimoine, de ses biens ou de ses affaires financières); au Québec, on renvoie a trois tonnes de «surveillance protectrice» : la «curatelle», la «tutelle» et le «conseil de tutelle». Une nouvelle loi de la Colombie-Britanique, qui sera bientôt en vigueur, renvoie aussi a trois niveaux d'autorité : les décideurs, les décideurs substituts et les tuteurs. Gordon et Verdun-Jones, p. 1-3.

23. Gordon et Verdun-Jones, p. 1-2.

24. Gordon et Verdun-Jones, p. 3-17.

25. En vertu de la Loi sur la santé mentale du Manitoba, le bureau du Curateur public peut recevoir l'autorité d'administrer la succession et la personne.

26. Dans tout le Canada, la Cour supérieure possède toujours un pouvoir inhérent sur l'autorité légale quant à la prise de décisions concernant la succession d'une personne incapable, les soins qui lui sont prodigués, ou les deux aspects. Cette question a été soulevée dans certaines instances, comme le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.

27. Gordon et Verdun-Jones, p. 1-7.

28.Toutefois, l'administration territoriale du Yukon n'a pas adopté ce genre de disposition.

29. Gordon et Verdun-Jones, p. 1 -11.

30. Medical Consent Act, R.S.N.S. 1989, ch. 279.

31. Gordon et Verdun-Jones, p. 3-113.

32. Art. 1701.1 et 1731.1-7131.11.

33. Gordon et Verdun-Jones, p. 3-113.

34. Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique, projet de loi 48, 1993.

35. Charte québécoise des droits et libertés de la personne, chapitre C-12, tri. 48.

Annexe G Membres des groupes de consultation et de planification Les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées en milieu institutionnel

D'après deux consultations tenues à Toronto (Ontario), les 10 et 11 décembre 1992 et les 22 et 23 juin 1993 ainsi que des études documentaires subséquentes.

Marie Beaulieu
Département des sciences humaines
Université du Québec à Rimouski
Rimouski (Québec)

Elizabeth Boustcha
Département de gériatrie
Hôpital général de Saint-Boniface
Winnipeg (Manitoba)

Pauline Chartrand
Division des systèmes de services de santé
Direction des services de santé
Santé Canada

Joan Cronkwright
Nursing Office
Bayerest Geriatric Centre
Toronto (Ontario)

Irene Ens
Nursing Services
Baycrest Geriatric Centre
Toronto (Ontario)

Reg Gabriel
Division of Services to Senior Cifizens
Departinent of Health
St. John's (Terre-Neuve)

Sandra Hirst
Faculté des sciences infirmières
Université de Calgary
Calgary (Alberta)

Edmée Korsberg
Living Sky Health District
Lanigan (Saskatchewan)

Paulette Larocque
Unité des soins de longue durée
Stanton Yellowknife Hospital
Yellowknife (T.N.-O.)

Pearl McKenzie
North Shore Community Services
North Vancouver (Colombie-Bri tannique)

Claire Milette
Service de longue durée
Ministère de la Santé et des Services sociaux
Québec (Québec)

Judi Murakami
Assurance de la qualité
Continuing Care Division
Ministère de la Santé de la C.-B.
Victoria (Colombie- Britannique)

Joan Simpson
Division de la santé mentale
Direction des services de santé
Santé Canada

Mish Vadasz
Seniors Advisory Council
Vancouver (Colombie-Britannique)

Linda Wacker
Social Work Department
Wascana Rehabilitation Centre
Regina (Saskatchewan)

Sharon Wilford
Manitoba Seniors Directorate
Winnipeg (Manitoba)