Rédaction :
Frederick Mathews, Ph.D., C. Psych.
© Mars 1995
Première édition Aucune partie de ce document ne peut
être reproduite, stockée dans un système d'interrogation
ou transmise sous quelque forme que ce soit par des moyens électroniques,
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par tout autre moyen sans l'autorisation de l'éditeur.
Ce projet a été financé par la Division de la
prévention de la violence familiale à Santé Canada.
Les opinions exprimées dans ce document ne reflètent
pas nécessairement celles de Santé Canada ou du Centre
national d'information sur la violence dans la famille.
Illustration de la couverture : Karen Demers
Cat. No. : H72-21/137-1995F
ISBN : 0-662-80343-4
(available in English)
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au
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Division de la prévention de la violence familiale
Direction générale des programmes et des services de
santé
Santé Canada
Ottawa (Ontario) K1A 1B4
Téléphone : (613) 957-2938 Télécopieur
: (613) 941-8930
ou composez sans frais : 1-800-267-1291
Par *ATS (613) 952-6396 ou composez sans frais : 1-800-561-5643
*Appareils de télécommunication pour sourds
Là où l'on trouve un grand désir d'apprendre,
là aussi trouve-t-on nécessairement de nombreuses discussions,
de nombreux écrits, de nombreuses opinions; car l'opinion de
bonnes personnes n'est qu'une connaissance en devenir.
adaptation de MILTON
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements
Conseil consultatif national
Avant-propos
Introduction
Définition de l'agression sexuelle
Victime ou survivant
Autres termes utilisés
Chapitre 1 Un domaine en évolution
Perspectives limitées
Meilleure définition, meilleure réponse
Perception de l'agression sexuelle modelée par l'histoire
Chapitre 2 Fréquence des
actes d'agression sexuelle contre les enfants
Pourquoi l'agression sexuelle est si peu rapportée
Les agresseurs
Chapitre 3 Impact de d'agression sexuelle
sur les survivants
Conséquences de l'agression sexuelle
Stigmate
Le cycle victime-agresseur
Intérioriser et passer à l'acte
Facteurs affectant le niveau d'impact
Chapitre 4 Soins et appui à
apporter aux survivants adultes
Un voyage unique
La guérison, une démarche sociale
Faire face aux essais antérieurs de guérison
Aider les survivants à se préparer
Arriver au counseling
Interventions privilégiées dans la démarche
Interventions auprès des survivants autochtones
Les survivants parents uniques
Interventions auprès du survivant agresseur
Choix du conseiller, du thérapeute ou de l'intervenant
Sexe du conseiller, du thérapeute ou de l'intervenant
Thérapeutes survivants ou survivantes
Thérapies de groupe
Étapes inhérentes à une démarche de
groupe
Types de groupes
Toxicomanie des survivants
Prise en charge
Agression perpétrée par l'intervenant
Etapes de guérison
Caractéristiques de l'intervenant influant sur la guérison
Chapitre 5 Entraves au développement
d'appui et de services
Ressources humaines et financières
Interventions dans une vision de vie globale
Recherche, contrôle de la qualité et avancement de
la cause
La normalisation de la violence
Un domaine en pleine évolution et encore divisé
Voix en harmonie
Annexes
Annexe A: Références
Annexe B: Ressources pour survivants
adultes
Annexe C : Survivantes - bibliographie
choisie
Annexe D : Survivants,- bibliographie
choisie
Annexe E: Association canadienne
des familles d'accueil résumé du sondage
REMERCIEMENTS
Voix en harmonie : Soutien et démarche de guérison
à l'intention des survivants et survivantes d'agression sexuelle
ainsi que le manuel accompagnateur intitulé Répertoire
des services aux survivants et survivantes adultes d'agression sexuelle
pendant l'enfance ont été préparés par
l'Association canadienne des familles d'accueil pour le Centre national
d'information sur la violence dans la famille.
L'Association canadienne des familles d'accueil remercie particulièrement
les gens du Comité consultatif national pour leur expertise
et leur sensibilité. aux questions; Santé Canada - la
Division de la prévention de la violence familiale et le Centre
national d'information sur la violence dans la famille pour la confiance
et l'encouragement manifestés et pour leur aide financière
qui a permis de mener à bien le projet; ainsi que les agent
de projets, John Meston, Marlene MacDonald, Allen Istvanffy et Frederick
Mathews pour leur persévérance et leur dévouement.
Linda Lelièvre
Présidente
l'Association canadienne des familles d'accueil
CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL
M. Rick Morris, Co-directeur
Institute for Human Resource Development
321, avenue Hamilton
St. John's (Terre-Neuve) A1E 1K1
Veronica Marsman, Coordonnatrice
Children in Care
Department of Community Services
C.P. 696
Halifax (Nouvelle- Écosse) B3J 2T7
Maggie Fietz, Directrice générale
Services à la famille Canada
220, avenue Laurier ouest
Bureau 600
Ottawa (Ontario) K1P 5Z9
Leah Mantha, Présidente sortante
Association canadienne des familles d'accueil
251,rue Bank, Bureau 608
Ottawa (Ontario) K2P 1X3
Thomas M. Lebeau, Chef
Centre de Services sociaux
Laurentides-Lanaudière
630, rue Marseilles
Repentigny (Québec) J6A 7A3
Jill Lightwood, Coordonnatrice
Community Development
Health and Community Services Agency
C.P. 2000
Charlottetown (Î.-P.-E.) C1A 7N8
Marlene MacDonald
Directrice administrative et recherche
ACFA
251, rue Bank
Bureau 608
Ottawa (Ontario) K2P 1X3
Len Kushnier, Consultant
Group Treatment Program for Adult Male
Survivors
80, Archer Crescent
London (Ontario) N6E 2A5
Michael Graydon
Comité sur le SIDA d'Ottawa
245, rue Queen, 4e étage
Ottawa (Ontario) KlP E5
Fred Mathews
Gestionnaire, Politique et recherche,
Central Toronto Youth Services
65, rue Wellesley est, Bureau 300
Toronto (Ontario) M4Y lG7
Anita Klochko
1er Vice-Présidente
Association canadienne des familles d'accueil
C.P. 1013
Kamsack (Saskatchewan) S0A 1S0
Elizabeth Adkins
Directrice clinique adjointe
Children's Home of Winnipeg
777 du Portage, 4e étage
Winnipeg (Manitoba) R3M 1V8
Catherine Hedlin, Directeur
Sexual Assault Centre of Edmonton
9939, avenue Jasper
Bureau 400
Edmonton, Alberta T5J 2W8
Wally Pasloski
Travailleur social
Dept. of Social Services
72, rue Smith est
Yorkton (Saskatchewan) S3N 2Y4
Catharine O'Connor
2532 Fox Hollow Lane
Gloucester (Ontario) K1T 1X3
Ann Enge
Superintendante régionale
Department of Social Services, Inuvik Region
Bag 1
Inuvik (T.N.-O) X0E 0T0
Allen Istvanffy
Association canadienne des familles d'accueil
4212, rue St-Urbain
Montréal (Québec) H2W 1V5
Marie Anderson
Directrice générale
Hey Way Noq Healing Circle
33, rue Broadway est
Bureau 206
Vancouver (Colombie-Britannique) V5T 1V4
Elise Poudrette
Centre des femmes de Montréal
3585, rue St-Urbain
Montréal (Québec) H2X 2N6
John Meston, Consultant
Projet survivants et survivantes adultes
Association canadienne des familles d'accueil
11136, 80e Avenue
Edmonton (Alberta) T6G 0R5
Judith Urquhart
Agent de probation
Soliciteur général Nouveau-Brunswick
15, Place au marché, 4e étage
Saint Jean (Nouveau-Brunswick) E2L 1E8
Liette Lalonde, Consultante
Division de la prévention de la violence familiale
Santé Canada
Parc Tunney
Ottawa (Ontario) K1A lB5
Voix en harmonie
AVANT-PROPOS
Voix en harmonie n'est pas un manuel d'instructions et
n'offre pas non plus une analyse exhaustive de toutes les questions
relevant du domaine des agressions sexuelles contre les enfants ou des
survivants et survivantes adultes. Il existe déjà de nombreux
et excellents livres, articles, travaux de recherche, modèles
de programmes et autres ressources pouvant offrir au lecteur des renseignements
précieux. Ce document s'adresse plutôt à tous -
le grand public, les professionnels, les intervenants, les survivants
ainsi que leurs partenaires - et se veut une introduction à certaines
recherches, questions et concepts, ainsi qu'aux controverses découlant
du soutien et des soins des survivants et survivantes d'agression sexuelle.
On y trouve un bref résumé de quelques-unes des pensées
actuelles dans un domaine en pleine évolution et des essais entrepris
afin de respecter tant les différences que les similitudes au
niveau des expériences vécues par les survivants et les
survivantes. Ce document a aussi pour but de se porter à la défense
des survivants et survivantes afin que nous soyons plus à l'écoute
de leurs besoins et mieux équipés pour les appuyer dans
leur démarche de guérison.
Voix en harmonie se propose également de rassembler,
dans un seul document, des histoires d'hommes et de femmes qui en
sont arrivés à surmonter de très difficiles expériences
de vie. Ce document tente enfin de trouver un langage commun qui puisse
exprimer la diversité des expériences, un langage pouvant
rassembler les survivants, survivantes et non-survivants et non-survivantes,
les professionnels et autres intervenants, les hommes et les femmes,
tous ces êtres partageant une même vision, à savoir
la suppression de la violence sexuelle, sous toutes ses formes. Son
but est, d'abord et avant tout, d'offrir un message d'espoir.
L'hypothèse de base de ce travail est que l'agression sexuelle
constitue un problème répandu qui exige toute notre
attention. Il s'agit donc d'une question que l'on doit prendre au
sérieux.
Les voix des survivantes et de leurs défenseurs ont rompu
le silence entourant le phénomène des agressions sexuelles
au Canada. Leur bataille fut longue, les victoires durement gagnées.
Il est temps de saluer le travail de pionnières et le courage
de ces femmes et de prendre position ensemble afin de faire cesser
toutes les formes de violence à l'égard de toute personne
dans notre société. Le meilleur moyen de souligner les
efforts des femmes sera de laisser de côté nos peurs
et nos refus et de prendre sur nous la tâche parsemée
de défis qui s'élève devant nous.
Il est aussi important de reconnaître la contribution fort
importante du féminisme dans le discours entourant l'agression
sexuelle, la violence et la victimisation. Les féministes,
écrivant selon divers points de vue, ont été
à l'avant-garde de la lutte pour sensibiliser le public à
ces questions.
Toute discussion au sujet de l'agression sexuelle doit d'abord citer
clairement qu'il y a une dimension de genre à ce phénomène.
Même si les femmes ont plus de chance d'être celles qui
vont agresser physiquement les enfants, les hommes représentent
la grande majorité des agresseurs sexuels tant des femmes
que des enfants. Ceci n'implique nullement que tous les hommes
soient des agresseurs sexuels ou des violeurs en puissance. La plupart
des hommes sont des maris, des amants, des partenaires, des collègues,
des pères et des amis des femmes à la fois bons, honnêtes
et aimants. Ce fait indique néanmoins que certains aspects
de la «masculinité» méritent qu'on s'y attarde
davantage et qu'on y consacre nos efforts en vue d'en arriver à
la guérison.
Nous vivons dans une période où les femmes demandent
aux hommes d'explorer leur coeur et leur esprit et d'être attentifs
aux véritables inquiétudes, craintes et expériences
des femmes quant à la violence dans les relations interpersonnelles.
Elles demandent à tous les hommes de s'intéresser à
cette question et de se pencher sur leurs attitudes, leurs comportements,
leur humour ou sur toute autre question qui peut contribuer et accepter
en douceur la violence à l'égard des femmes ou des enfants.
Il s'agit évidemment d'une demande à la fois juste et
honnête.
Les hommes, les garçons et les jeunes adolescents ont aussi
leur vécu de violence et de victimisation à raconter,
des témoignages qu'il nous faut écouter avec humilité
et compassion. Ces témoignages diffèrent des expériences
des femmes sous certains aspects et méritent qu'on prenne le
temps de les écouter. L'isolement que les hommes ressentent
face au discours sur la violence et la victimisation prolonge la séparation
artificielle entre les survivants et les survivantes et retarde aussi
le travail urgent que nous devons faire ensemble à la recherche
de solutions au problème de violence sexuelle, d'agression
physique, de négligence et de violence sous toutes ses formes.
Le document Voix en harmonie est né d'une réunion
historique qui a eu lieu à Ottawa à l'automne de 1993.
Un groupe consultatif comprenant des hommes et des femmes de différents
milieux et de toutes les provinces et territoires s'est trouvé
réuni à la même table suite à l'invitation
lancée par l'Association canadienne des familles d'accueil
pour offrir des idées et des appuis à l'élaboration
d'un répertoire national de services à l'intention des
femmes et des hommes ayant survécu à l'agression sexuelle.
Pour les besoins de ce document, nous définissons un survivant
ou une survivante «adulte» comme toute personne de plus
de 16 ans. Au point de départ, le répertoire devait
comporter deux volets - un pour les survivantes, un deuxième
pour les survivants - et de là le projet a évolué
pour en arriver à se fondre en un seul document. Voix en
harmonie a été rédigé à titre
de document d'accompagnement pour le répertoire national.
La lecture de Voix en harmonie peut s'avérer difficile
ou troublante pour certaines personnes, enrichissante ou instructive
pour d'autres. Lorsqu'on n'a aucune connaissance préalable
du domaine des agressions sexuelles, ces pages peuvent contenir de
tristes commentaires sur le sort des adultes et des enfants au sein
de notre société. D'autres peuvent y puiser un encouragement
et des moyens utiles d'élargir leur travail de guérison
auprès de leur clientèle.
D'aucuns s'inquiéteront du fait qu'associer les questions
de survivants et survivantes pourra éloigner des questions
et des inquiétudes relevant spécifiquement du vécu
des femmes, en matière de violence et en fin de compte créera
une situation où des ressources limitées pour le traitement
des survivants deviendront encore de plus en plus rares. C'est une
possibilité très réelle qu'il nous faut prévenir.
Le mouvement pour les victimes masculines doit beaucoup au mouvement
des femmes qui a su sortir de l'ombre la question des agressions sexuelles.
La défense des gains et l'appui au développement continu
du volet féminin se doit aussi de participer à l'important
travail du mouvement regroupant les survivants dans leur diversité.
Il ne s'agit pas d'une compétition afin de déterminer
qui a souffert le plus. Il y a tellement de travail à accomplir
et tant de défis à relever que tous, hommes et femmes,
peuvent travailler de concert et s'exprimer d'une seule voix.
La grande générosité d'esprit manifestée
parmi les membres du groupe consultatif afin de boucler la boucle,
d'initier un dialogue et de combiner les histoires des survivants
et des survivantes illustre bien que les hommes et les femmes peuvent
unir leurs efforts et oeuvrer ensemble dans la lutte pour faire cesser
la violence sexuelle envers toutes les personnes. Ils ont offert une
vision bénéfique pour l'avenir et une première
étape très importante sur la route que nous devons tous
parcourir ensemble afin de trouver la voie de la guérison -
pour nous-mêmes et pour nos collectivités.
INTRODUCTION
Définition de l'agression sexuelle
Il n'existe pas de définition unique de l'agression sexuelle
cernant tous les aspects juridiques et cliniques du phénomène
ou des expériences subjectives propres aux survivants et survivantes.
Le terme agression sexuelle s'utilise dans les poursuites selon
des lois strictes de preuve et de procédures judiciaires et
normalement dans des causes impliquant les actes d'agression sexuelle
perpétrés contre des enfants. Le code criminel compte
16 infractions sexuelles que l'on peut appliquer à l'agression
sexuelle contre les enfants (Wells, 1990)
Contact sexuel
Invitation aux attouchements sexuels
Exploitation sexuelle d'un adolescent ou d'une adolescente
Relations sexuelles anales
Bestialité
Le parent ou le gardien d'un enfant servant d'entremetteur
Le maître de maison permettant les activités sexuelles
Exhibitionnisme face à un enfant
Vagabondage
Inceste
Corruption d'enfants
Actions indécentes
Agression sexuelle
Agression sexuelle avec une arme, menace à un tiers ou
lésions
corporelles
Agression sexuelle grave
Infractions se rapportant à la prostitution de mineurs
- vivre des produits de la prostitution d'un enfant
- tentative d'obtenir les services sexuels d'un enfant
On peut trouver d'autres définitions des agressions sexuelles
contre les enfants dans les lois provinciales en matière
de protection de l'enfance. Ces définitions peuvent varier d'une
province à l'autre.
L'agression sexuelle est aussi un terme clinique dont les
règles de preuve ne relèvent pas de strictes définitions
judiciaires. Dans certains cas, où il n'y a aucune preuve légale
indépendante corroborant les dires de la victime en ce qui
a trait à une agression sexuelle, il y a souvent des preuves
cliniques prouvant que quelque chose s'est produit.
Pour définir l'agression sexuelle, il faut tenir compte de
nombreux points. La plupart de ces points se situent dans les catégories
de comportement, de relations et de pouvoir. Crowder (1993) offre
un cadre de travail utile pour définir l'agression sexuelle:
«l'agression sexuelle est un comportement sexuel caché
ou déclaré entre deux individus lorsque nous sommes
en présence des conditions suivantes :
la nature des actes sexuels est inopportune pour au moins l'un
des deux participants;
l'équilibre de pouvoir et d'autorité (dans le sens
de pouvoir psychologique, pouvoir économique, pouvoir relié
au statut, etc.) entre les deux individus est inégal; et
les deux personnes ont un lien affectif établi (comme
entre un enfant et la personne chargée de s'en occuper, ou
un enfant et le symbole d'autorité).»
Certains penseurs et auteurs féministes offrent un cadre de travail
théorique selon lequel l'agression sexuelle serait le résultat
d'une «culture patriarcale de pouvoir masculin, de prérogatives
masculines et d'une tendance masculine à sexualiser toutes les
relations» (Hyde, 1990). Ce point de vue découlant de l'écart
entre les sexes n'explique pas complètement, néanmoins,
les cas d'infractions sexuelles commises par les femmes, comme tout
particulièrement les agressions infligées aux garçons
par leur mère, par des femmes ou des adolescentes, la séduction
des garçons mineurs par des femmes ou des adolescentes plus âgées,
et l'agression sexuelle perpétrée contre les enfants par
des enseignantes, des préposées aux garderies, des préposées
aux bénéficiaires dans les établissements de santé
et d'autres femmes détenant des postes de pouvoir ou d'autorité.
Cela n'explique pas non plus l'agression sexuelle et l'exploitation
sexuelle dans les relations entre lesbiennes (Renzetti, 1992).
Un modèle des agressions sexuelles caractérisé
par un déséquilibre de pouvoir ou un mauvais usage de
celui-ci constitue un bon point de départ pour notre recherche
d'une définition acceptée de tous puisqu'elle nous encourage
à :
rendre les agresseurs tant féminins que masculins responsables
de leur comportement;
donner aux survivants la possibilité de prendre en charge
le contrôle de leur démarche de guérison et
de leur vie;
reconnaître et valider l'expérience des survivants;
affirmer que la connaissance de soi des survivants est primordiale;
associer la lutte personnelle des survivants à une lutte
collective afin de transformer les rapports de force au sein de
notre société; et
mettre l'accent sur les dynamiques de pouvoir dans une relation
thérapeutique.
L'agression sexuelle contre les enfants revêt parfois de nombreux
aspects. Certains enfants sont séduits lentement et graduellement
pendant une longue période de temps, tandis que d'autres sont
menacés de blessures ou forcés à faire des actes
sexuels.
Certains comportements sexuels violents sont évidents et impliquent
un contact physique direct et envahissant. Ces types de comportement
peuvent provoquer de la souffrance, des maladies vénériennes,
et des blessures physiques permanentes. Ils font naître des
sentiments très forts de peur, de vulnérabilité
ou d'inconfort chez la victime. Par exemple :
la pénétration anale ou vaginale avec le doigt,
le pénis ou un objet
les relations orales forcées
la masturbation
les attouchements être forcé à sucer les
seins de l'agresseur
être forcé à avoir des relations sexuelles
avec un autre enfant
D'autres impliquent des contacts physiques qui peuvent sembler moins
évidents tout en causant la même détresse chez les
victimes. Par exemple
se faire chatouiller les organes génitaux
être embrassé ou caressé d'une façon
déplacée
se faire frotter contre les organes génitaux de l'agresseur.
Certaines formes de violence sexuelle n'impliquent aucun contact physique.
Par exemple :
montrer des films ou des magazines pornographiques à un
enfant
faire de l'exhibitionnisme devant un enfant
se masturber devant un enfant
être forcé à regarder d'autres personnes
avoir des relations sexuelles
être forcé à poser nu pour des photographies
À la surface, d'autres comportements peuvent sembler bien inoffensifs
même si le but non avoué est de donner à son instigateur
une forme de plaisir sexuel. Par exemple :
insister pour regarder un enfant se déshabiller ou aller
aux toilettes
laver de manière compulsive le derrière ou les
organes génitaux d'un enfant
avoir des conversations érotiques ou de nature sexuelle
avec un enfant
donner un caractère sexuel aux activités normales
quotidiennes
forcer un enfant à porter des vêtements qui ne cachent
presque rien.
Enfin, l'agression sexuelle contre les enfants peut prendre la forme
de prostitution des enfants et des jeunes, de pornographie, de réseaux
de prostitution juvénile et de pratiques ou cérémonies
rituelles sexuelles. Chacune des formes de violence sexuelle citée
peut provoquer différents types de problèmes à
différentes étapes de la vie du survivant ou de la survivante
et peut aussi avoir un fort impact sur les choix posés pour ce
qui est de l'adaptation ou de voies à choisir pour atteindre
la guérison.
Même si la discussion qui précède porte surtout
sur les enfants, il est important de se rappeler que de nombreux survivants,
surtout des survivantes, ont été agressés à
l'âge adulte. Les hommes subissent aussi des actes d'agression
sexuelle, quelques-uns lors de relations intimes de même sexe,
beaucoup d'autres en prison ou dans d'autres milieux carcéraux.
En fait, le viol des hommes en prison constitue peut-être la
forme de viol la moins rapportée et celle sur laquelle on se
penche le moins.
Les formes les plus courantes d'agression sexuelle à l'égard
des femmes sont (Wyatt et al.,1992) :
exposition aux organes génitaux de l'agresseur
observation de quelqu'un qui est en train de se masturber
tentative de viol
viol
Comme pour les enfants, il y a aussi des formes subtiles et moins évidentes
d'agression sexuelle dont peuvent faire l'objet un adulte, par exemple:
examens anaux, vaginaux ou des seins inutiles
des rapports sexuels forcés, même dans une relation
amoureuse
des rapports sexuels forcés avec un collègue de
travail, un superviseur ou un employeur.
Victime ou survivant
Il importe d'utiliser les termes victimes ou survivants avec une
certaine prudence. On ne devrait jamais les utiliser pour indiquer
une relation hiérarchique de l'un par rapport à l'autre
ou pour sous-entendre un jugement de valeur. Ils ne servent qu'à
décrire des étapes différentes, mais non nécessairement
distinctes du processus de guérison. Ils sont qualitatifs et
non quantitatifs. Une personne peut être les deux à la
fois ou se déplacer d'une étape à l'autre, à
d'autres moments. Pour les besoins de ce document, la notion de survivant
comprend à la fois le féminin et le masculin.
Les personnes agressées devraient déterminer elles-mêmes
où elles en sont dans leur démarche de guérison
ainsi que les mots qu'elles désirent utiliser afin de décrire
leur place dans ce cheminement. Ces termes, ainsi que tout autre terme
descriptif, devraient être utilisés seulement à
titre de référence à une étape du processus
de guérison dans la vie de la personne agressée plutôt
que comme synonyme de la somme totale de son identité personnelle.
La famille, les amis, les intervenants, ainsi que les victimes et
les survivants eux-mêmes peuvent parfois perdre de vue le fait
que leur existence ne se limite pas seulement au seul fait d'avoir
subi des actes d'agression, et que leur vie s'inscrit dans un cadre
beaucoup plus large d'intérêts, de plans, de rêves,
de vocations et de relations. La vie compte en fait des facettes multiples,
l'agression sexuelle n'en représente qu'un seul volet.
Abstraction faite de ces réserves, les définitions
suivantes de victime et de survivant se veulent un point
de départ afin de nous aider à reconnaître le
mouvement le long cheminement vers la guérison entrepris par
les personnes.
Les victimes sont des personnes qui ont vécu, ou vivent,
des intrusions sexuelles non désirées ou non demandées
dans leur être affectif et physique. Ces personnes se sentent
typiquement sans défense, sans contrôle et débranchées
de leur vie. Les victimes ont tendance à être dépassées
par leurs sentiments de rage, de colère, de tristesse et de
dépression. Elles sont prises dans un cycle de réaction
et souvent se tournent vers l'auto-destruction et les moyens maladaptés
pour s'en tirer.
Les survivants sont des personnes qui ont pris une décision
consciente de passer du statut de victime passive à celui d'agent
de changement. Ils se prennent en charge dans le but de redevenir
maîtres de leur destin. Ces personnes ont commencé à
prendre possession de leurs expériences pénibles, ont
commencé un processus de deuil face à leurs pertes,
ont accepté ce dont elles ont besoin afin de vivre le quotidien,
et sont prêtes à vivre pleinement. Ce sont des personnes
qui ont dépassé l'étape de simplement réagir
à la vie. Elles ont décidé de faire le point
sur leur vécu et de rassembler les diverses pièces manquantes
ou éparpillées de leur identité personnelle et
de se mettre à la recherche de leur être total. Les survivants
sont des personnes à la recherche de courage, de force et de
sagesse puisées à même leurs expériences
et elles sont engagées dans une recherche consciente afin de
retrouver leur espoir, leur pouvoir personnel, leur sexualité,
leur personne, leur féminité, leur masculinité,
leur richesse spirituelle et leur volonté de s'épanouir.
Il est essentiel que les thérapeutes ou les intervenants,
et que chacun d'entre nous reconnaissent que le point d'équilibre
où ces deux étapes se séparent est fonction des
ressources tant personnelles que sociales mises à la disposition
de ces personnes. Les personnes n'ayant jamais vécu d'agressions
ont rarement conscience du courage et de la force incroyables nécessaires
afin d'intégrer les expériences de mauvais traitements
dans sa vie et d'en sortir comme être complet. C'est pourquoi
il est si important d'appuyer les personnes qui ont subi des agressions
dans leur cheminement.
Autres termes utilisés
Du fait que la recherche dans le domaine de l'agression sexuelle
contre les enfants et de la survie des adultes à ces agressions
évolue, nos concepts, nos définitions et notre langage
changent aussi continuellement. Aucun mot ne saurait à lui
seul englober toute la complexité des expériences individuelles
des survivants ou les subtilités des divers points de vue au
sujet de la violence sexuelle. Toutefois, nous sommes sans aucun doute
plus près qu'on ne le croit de trouver un langage plus complet
quant à la violence et la victimisation. Plus nous serons prêts
à appuyer et a encourager le dialogue entre les hommes et les
femmes, plus nous serons prêts et ouverts à nous engager
sur la route menant à un consensus, et ainsi, plus vite nous
trouverons le langage approprié.
En attendant, il faut continuer le travail entrepris malgré
le manque de précision de nos termes. Dans ce document, les
termes suivants seront utilisés :
Guérison/traitement/thérapie. Les termes
«guérison», «traitement» et «thérapie»
seront utilisés de façon interchangeable pour se référer
à la démarche entreprise par les survivants pour atteindre
la paix de l'esprit, le bien-être physique et affectif, la croissance
spirituelle et l'unité de leur être. Seul ou avec d'autres,
la voie choisie par le survivant pour atteindre la guérison
peut prendre la forme de counseling ou de psychothérapie conventionnelle
ou faire appel à d'autres méthodes incluant une approche
corporelle comme le yoga ou la bioénergie, les thérapies
d'expression artistique, l'imagerie guidée, pour n'en nommer
que quelques-unes.
Intervenant/conseiller/thérapeute. Les termes
«intervenant», «conseiller» et «thérapeute»
seront utilisés pour se référer au rôle
que joue une certaine personne «facilitant» la démarche
de guérison ou la thérapie choisie par le survivant.
Ce «facilitateur» pour ainsi dire peut être un professionnel
comme un psychiatre, un psychologue ou un travailleur social ou toute
personne dûment formée et ayant les compétences
voulues pour offrir un certain type de thérapie en matière
d'agression sexuelle. Ce pourrait aussi être un membre de la
famille, un partenaire, ou toute autre personne présente qui
travaille de concert avec le thérapeute afin de faciliter le
processus de guérison du survivant.
Autochtone. Le terme «autochtone» sera
utilisé dans ce document lorsqu'on discutera des besoins ou
des questions se rapportant aux divers membres des communautés
autochtones.
Chapitre 1
Un domaine en évolution
Les problèmes sociaux de la complexité des agressions
sexuelles n'apparaissent pas du jour au lendemain. Longtemps avant qu'ils
ne fassent leur apparition dans le domaine public, la recherche scientifique,
les manchettes ou dans les politiques et les lois gouvernementales,
ces problèmes existent et ont fait partie des expériences
vécues, pénibles et réelles de personnes qui en
ont été affectées pendant des années, voire
des décennies.
Les voix de ces personnes et de leurs défenseurs sont typiquement
celles qui font surface d'abord, leurs histoires étant souvent
trop choquantes ou dérangeantes. C'est alors que le public
les rejettent ou les nient tout simplement. Même si le problème
existe depuis longtemps, il ne fait surface dans les médias
ou dans la conscience publique que lorsqu'il y a une crise majeure,
ou lorsqu'il a pris tellement d'ampleur ou est si remarquable qu'on
ne peut plus le passer sous silence. Malheureusement, les gouvernements
sont trop souvent les derniers à reconnaître l'existence
du problème ou à se joindre aux personnes affectées
afin de commencer à trouver des solutions.
Au fur et à mesure que le problème prend de l'ampleur
ou que les personnes affectées et leurs défenseurs persistent,
on voit apparaître un «domaine» d'étude et
de connaissances qui se penche sur la problématique. Les professionnels,
les chercheurs, les médias et d'autres intervenants commencent
alors le processus d'analyse, de dissection, et de construction de
modèles conceptuels, de théories et d'élaboration
de stratégies d'intervention. Au début, ces stratégies
d'intervention se limitent typiquement à des solutions superficielles
conçues pour contenir le problème ou pour s'occuper
des conséquences les plus urgentes et les plus évidentes.
Le domaine évolue et l'on voit alors apparaître des «experts»
qui peuvent offrir au public inquiet certaines réponses. Et,
non loin derrière, vient la recherche de quelqu'un ou de quelque
chose à blâmer. C'est à ce moment-là que
commence la chasse aux sorcières.
Le problème posé par cette soi-disant recherche est
le fait qu'elle est rarement ce qu'elle prétend être,
soit impartiale ou objective, comme dans le cas des sciences sociales,
«sans préjugé», comme dans le cas des médias,
ou s'adressant vraiment aux besoins de tous comme dans le cas des
agents de changements sociaux. Lorsque ce processus atteint son apogée,
la voix originale de la victime est normalement noyée, et les
personnes vivant avec le problème doivent typiquement se battre
afin de se voir représentées lors des discussions. Il
faut alors retrouver sa place dans le discours entourant la problématique.
Perspectives limitées
Que nous en soyons conscients ou non, toutes les idées, les
théories ou les modèles de programmes offrent un point
de vue influencé ou suscité par des préjugés,
l'ignorance, l'idéologie ou l'historique de la personne ou
d'un groupe culturel. En soi, cela ne constitue pas vraiment un problème.
Ce qui inquiète, c'est lorsque nous ne reconnaissons pas le
fait que ceci limite notre perspective. Cela devient également
problématique lorsque nos idées deviennent si ancrées
que nous devenons dogmatiques et que nous refusons de reconnaître
ou d'accepter les alternatives raisonnables et valables ou les défis
lancés à notre point de vue.
Il faut se rappeler que les opinions peuvent diverger puisque les
gens sont tous différents. Leurs besoins varient, et leurs
expériences de vie tant individuelle que culturelle et historique
remettent toujours en cause nos idées de ce qu'ils sont ou
de ce qu'ils devraient être. Ceci n'est nulle part plus apparent
que dans le domaine des agressions sexuelles.
Meilleure définition, meilleure réponse
Notre façon de traiter des problèmes sociaux les plus
complexes est simplement d'avoir d'abord recours à la panique.
Trop souvent, nous réagissons à cause de la peur ou
nous appliquons des façons de penser étroites ou dépassées
provenant d'autres périodes ou d'autres domaines d'étude.
Les stratégies d'intervention reposent rarement sur la recherche
empirique, une évaluation en profondeur des besoins de la collectivité
ou l'établissement d'un consensus au sein de tous les intervenants.
Les stratégies qui en découlent sont donc rarement conçues
pour s'attaquer à la racine du problème. Il en résulte
que nous nous retrouvons avec un sens de satisfaction, pensant avoir
maîtrisé le phénomène. Il faut toutefois
se rendre compte qu'on ne le maîtrise pas vraiment tout à
fait. On ne fait que le décortiquer et, trop souvent, on fait
taire les voix discordantes ou on met simplement fin aux discussions.
Lorsque l'opinion publique a été apaisée par
un semblant d'action, le problème tombe alors dans le domaine
des services sociaux et des professionnels en relation d'aide. On
s'attend à ce qu'ils éloignent les aspects désagréables
du problème. Il tombe aussi dans le domaine des organismes
populaires qui savent trop bien, à ce moment-là, que
la bataille pour traiter du problème efficacement ne vient
que d'être entamée.
En dépit du fait que nous pouvons tous être d'accord
quant à la nécessité d'éliminer l'agression
sexuelle, de nombreuses personnes hésitent à en discuter
ouvertement. Sans dialogue et sans appui du grand public, nous ne
pourrons jamais mettre en branle le type de ressources communautaires
nécessaires pour traiter de cette problématique à
sa source.
En tant que société, nous n'avons pas encore réussi
à nous regrouper afin de travailler pour une compréhension
commune ou un but vraiment partagé afin de faire cesser l'agression
sexuelle. Nous avons laissé aux professionnels, aux chercheurs,
aux organismes populaires et aux médias le travail de filtrer
et d'interpréter les histoires et les expériences des
survivants et des survivantes. En conséquence, nous n'avons
pas encore su atteindre un consensus sur les composantes de la problématique
et nous avons permis la croissance d'un discours compartimentalisé,
fragmenté et divisible qui ne semble jamais cerner la problématique
dans son ensemble.
Perception de l'agression sexuelle modelée par l'histoire
Nous ne pouvons comprendre le domaine de la violence sexuelle ou
de survivants adultes sans en saisir les racines historiques. En résumé,
l'histoire du domaine de l'agression sexuelle est reliée à
celle du mouvement féministe. Il y a à peu près
vingt cinq ans, des femmes courageuses ont commencé à
sortir de l'ombre afin de rompre le silence entourant leurs expériences
de violence aux mains de partenaires masculins agressifs. De ce mouvement
est sorti un réseau de refuges pour les femmes. Au fur et à
mesure que le militantisme entourant la condition féminine
a pris de l'ampleur, un mouvement semblable a mis l'accent sur les
agressions contre les enfants.
Du fait que l'histoire du domaine de. l'agression violence sexuelle
contre les enfants est inextricablement liée à l'histoire
du mouvement féministe, nous avons hérité d'une
conscience de ce qu'est une victime et de ce qu'est un agresseur,
modelée par l'histoire; les victimes sont des femmes, les agresseurs
sont des hommes. Cette conscience a grandement orienté l'élaboration
de concepts quant à l'impact, l'évaluation et le traitement
des survivants; elle a aussi affecté la conception de programmes
et l'allocation du financement en matière de recherche. Elle
a également influencé le contenu des programmes de prévention
de la violence et du matériel éducatif en plus de façonner
l'élaboration des politiques et des lois gouvernementales dans
ce domaine. Notre perception actuelle de l'agresseur et de la victime
découle essentiellement d'un modèle centré sur
la femme, modèle qui ne reflète qu'une partie de la
problématique.
Cette perception a pour conséquence qu'on a laissé
de côté les expériences d'autres personnes victimes
de violence. Par exemple, les voix des survivants adultes commencent
à peine à se faire entendre. On a très peu entendu
les voix des jeunes filles et des adolescentes agressées par
d'autres jeunes filles et d'autres femmes, celles des garçons
agressés par les jeunes filles et les femmes, celles des adolescents
agressés par leurs pairs de même sexe, celles des personnes
handicapées, des jeunes de la rue, des personnes vivant dans
des établissements, en famille d'accueil, en résidence
ou en prison et victimes aussi de violence sexuelle. Dans les silences
qui se prolongent, de nombreuses personnes blessées attendent
que nous portions à leur égard inquiétude et
compassion.
Chapitre 2
Fréquence des actes d'agression
sexuelle contre les enfants
Il est impossible de déterminer avec précision l'étendue
réelle des agressions sexuelles au Canada. De nombreuses personnes
ne sont pas encore conscientes de la portée du problème.
De nombreux Canadiens et Canadiennes n'acceptent pas ou ne croient pas
les statistiques en matière de violence sexuelle lorsqu'on les
présente dans les médias.
Toutefois, les statistiques gouvernementales et autres en matière
de violence sexuelle ne nous présentent qu'une partie de la
problématique. La plupart des cas ne sont pas rapportés
et donc ne font pas partie des statistiques officielles. Au Canada,
on estime que les cas non rapportés s'élèveraient
à 75 % pour les femmes et à 90 % pour les hommes (Badgley,
1984).
Le comité sur l'étude des agressions sexuelles contre
les enfants, utilisant une définition large de violence sexuelle
comme étant «des actes sexuels non souhaités»,
a déterminé que le taux de fréquence d'agression
sexuelle au Canada était de 54 % pour les femmes et de 31 %
pour les hommes (Rapport Badgley, 1984). Quatre victimes sur cinq
avaient été agressées avant l'âge de 21
ans. La définition d'«acte sexuel non souhaité»
englobe l'exhibitionnisme, la menace afin d'avoir des relations sexuelles,
les attouchements non souhaités, les tentatives de relations
sexuelles et l'agression sexuelle comme telle.
Si les taux de fréquence de violence sexuelle de l'échantillon
rapporté dans le Rapport Badgley sont exacts, alors étant
donné une population de 26 millions, divisée également
selon les sexes, il y aurait probablement 7 020 000 victimes féminines
et 4 030 000 victimes masculines au Canada, ou à peu
près 43 % de l'ensemble de la population du pays.
Les taux de fréquence varient et cela pour diverses raisons,
incluant la définition de l'agression sexuelle contre les enfants
utilisée par les chercheurs ou les échantillons de population
utilisés pour leurs études. Les échantillons
au niveau de la population en général différeront
des échantillons recueillis auprès d'une population
carcérale. Les échantillons de femmes universitaires
différeront de ceux recueillis dans un refuge pour les femmes
violentées.
Les populations des régions rurales ou éloignées
du pays, où l'isolement géographique limite la mobilité,
peuvent être particulièrement vulnérables à
tous les types de problèmes sociaux, dont l'agression sexuelle.
Les collectivités où l'alcoolisme est généralisé
deviennent parfois des endroits plus dangereux pour les femmes, les
hommes et les enfants. Certaines collectivités n'ont tout simplement
pas les ressources voulues pour offrir de l'aide ou d'autres types
de services aux alcooliques, aux survivants d'agression sexuelle ou
aux agresseurs. Conséquemment, la violence sexuelle peut se
produire plus fréquemment et affecter plus de membres, hommes
et femmes, de cette collectivité.
Les résultats de recherche dans le domaine de l'agression
sexuelle peuvent parfois sembler contradictoires de par le fait que
l'on utilise une vaste gamme d'échantillons. Le domaine est
jeune et à chaque année de nouvelles études apparaissent
pour remettre en question quelques-unes des idées et des croyances
établies quant à la définition de la personne
victime et celle qui victimise. Par exemple, nous croyions que la
grande majorité des enfants victimes d'agression sexuelle étaient
des filles. Toutefois, nous commençons maintenant à
voir des preuves qui laisseraient croire que les fillettes et les
garçonnets avant leur puberté sont à risque égal
pour ce qui. est des agressions sexuelles aux mains tout particulièrement
de membres de la famille élargie (Reinhart, 1987; Baker &
Duncan, 1985; Farber et al., 1984; et DeJong, 1983)
Nous croyions que les filles étaient les victimes des formes
les plus sérieuses d'agression sexuelle. Nous découvrons
maintenant que les garçons subissent plus souvent des rapports
sexuels avec pénétration, qu'ils sont plus sujets aux
agressions répétées. Ils sont victimes d'un plus
grand nombre et d'une plus grande variété d'actes d'agression
sexuelle et peuvent être agressés à un plus jeune
âge, plus sérieusement et pour de plus longues périodes.
(DeJong et al., 1983; Farber et al., 1984; Baker & Duncan,
1985; Reinhart, 1987; Tong et al., 1987; Finkelhor et al.,
1990; Gordon, 1990; Bentovim, 1987; Condy et al., 1987; Badgley,
1984; DeJong et al., 1982; Dubé 1988; Ellerstein &
Canavan, 1980; et Kaufman et al., 1980)
Toutefois, dans l'ensemble, et certainement après la puberté,
les femmes représentent la grande majorité des victimes
de violence sexuelle et d'agression sexuelle. Cette proportion augmente
d'ailleurs de façon remarquable lorsque les jeunes filles et
les jeunes garçons entrent dans l'adolescence. Il est en outre
important de ne pas perdre de vue le fait que le risque d'agression
sexuelle reste très élevé pour les jeunes filles
après la puberté.
Pourquoi l'agression sexuelle est si peu rapportée
Même si nous commençons à mieux comprendre l'étendue
du problème des agressions sexuelles, le taux de divulgation
demeure toujours plutôt bas. La plupart des victimes et des
survivants restent encore dans l'ombre avec leurs histoires de viol
et d'exploitation. De plus, les services et les autres ressources
diminuent de plus en plus un peu partout au pays. La possibilité
d'obtenir de l'aide devient donc par le fait même aussi de plus
en plus difficile.
On peut attribuer l'absence de divulgation dans l'enfance à
l'âge de la victime. De très jeunes enfants ont souvent
de la difficulté à communiquer aux adultes ce qui leur
est arrivé, même s'ils peuvent réussir à
démontrer la violence sexuelle lors d'un procès en utilisant
des poupées reproduisant fidèlement la physionomie humaine,
des dessins ou autres types de méthodes non verbales. Heureusement,
les changements récents apportés à la loi canadienne
facilitent les témoignages des enfants. Toutefois, cela n'a
pas éliminé le fait que certains adultes ne croient
toujours pas les jeunes ,enfants, même si ceux-ci peuvent fournir
des descriptions détaillées et graphiques de l'agression
sexuelle subie, même s'ils peuvent démontrer des connaissances
sophistiquées qui dépassent leur âge ou s'ils
ont des blessures physiques typiquement associées à
la pénétration ou à une tentative de pénétration.
À cause de leur dépendance envers les adultes pour
leur survie et autres besoins très fondamentaux, des parents
manipulateurs ou d'autres personnes ayant des enfants à leur
charge peuvent forcer les enfants à garder le silence. Pour
certains enfants, on cache l'agression sexuelle sous forme de «jeu».
Pour d'autres, cela se produit lentement et au fil des jours et de
telle façon qu'ils ne peuvent clairement faire le point sur
leurs perceptions de ce qui leur arrive. Ceci se produit tout particulièrement
lorsque l'agresseur est une personne aimée et en qui l'on a
confiance.
Les enfants deviennent aussi très confus s'ils font l'expérience
de sensations physiques agréables d'attouchements inopportuns.
Le manque de renseignements en ce qui concerne les façons de
toucher qui sont «bonnes» ou «mauvaises» et
ce qu'on doit faire si quelqu'un nous fait quelque chose qui nous
met mal à l'aise empêche de nombreux enfants d'expliquer
les agressions sexuelles qu'ils subissent.
Certaines autres victimes ne divulguent rien parce qu'elles ne se
rendent même pas compte qu'elles ont été victimes
d'agression sexuelle. Par exemple, certains survivants considèrent
leur traitement comme faisant partie de leur introduction aux relations
sexuelles.
Les enfants (et les adultes), victimes de violence sexuelle particulièrement
traumatisante, apprennent parfois à se dissocier de l'expérience
en engourdissant psychologiquement leur corps ou leurs sentiments
et en s'échappant dans un monde de rêve situé,
loin au fond d'eux-mêmes. Lorsque les souvenirs de cette violence
risquent de remonter à la surface, ces survivants utilisent
leur vieux modèle familier pour se protéger. Cette réaction
garde éloignée la conscience de la violence et les empêche
par le fait même de la dévoiler.
Les agressions sexuelles survenant dans les relations intimes', dont
une forme est la «violence lors de sorties», «le
viol lors de sorties» ou «le viol lors de fréquentations»,
soulèvent une autre question. De nombreuses jeunes femmes ne
se rendent tout simplement pas compte que le fait d'être forcée,
manipulée par la ruse ou menacée pour avoir des relations
sexuelles par la personne qui les invite ou par une connaissance constitue
bel et bien une forme d'agression sexuelle. Elles ne comprennent pas
que tout ce qui leur arrive après qu'elles aient dit «non»,
soit explicitement ou en résistant physiquement ou en repoussant
le jeune homme, constitue une agression sexuelle. De nombreuses adolescentes
considèrent encore le comportement sexuel agressif de la part
de certains de leurs amis ou collègues de classe comme «normal»
ou «ce à quoi l'on peut s'attendre» (Mathews, 1993).
Les jeunes femmes qui finissent par avoir une relation sexuelle contre
leur gré avec un jeune homme qui les attire se sentent normalement
honteuses ou embarrassées et même responsables de ce
qui leur est arrivé. Même si cela commence à changer,
peu de jeunes femmes trouvent attrayante l'idée de dévoiler
l'agression sexuelle parce qu'elles ont peur de la réaction
de leurs parents. De nombreuses jeunes femmes sentent que le fait
de divulguer l'agression subie fera en sorte qu'on les qualifiera
de «marchandises usagées ou endommagées»
ou que cela ternira leur réputation aux yeux de leur famille
ou de leurs amis. Quelques-unes ont peur d'être punies par leurs
parents du fait qu'elles ont fait entrer la honte au sein de leur
famille. Elles peuvent aussi avoir peur qu'on ne les croie pas ou
qu'on les stigmatise à l'école ou dans leur collectivité.
Trois raisons principales expliquent l'hésitation des femmes
à rapporter les actes d'agression sexuelle : la victime a peur
de représailles; elle croit que le système de justice
pénale ne l'aidera pas vraiment; et elle n'est pas certaine
que le fait de dévoiler tout lui apportera quelque avantage
(Solliciteur général du Canada 1985). Par le passé,
la subjectivité déployée dans les mises en accusation
de la police était un facteur expliquant pourquoi les agressions
sexuelles perpétrées à l'endroit des femmes échangeant
des faveurs sexuelles, des femmes alcooliques, des chômeuses,
et des femmes toxicomanes n'étaient pas inscrites aux registres
officiels (Clark et Lewis, 1967). La formation reçue par le
personnel canadien appliquant la loi dans les domaines des agressions
sexuelles a amélioré de façon significative la
situation.
Les femmes qui travaillent à titre de domestiques et qui sont
peut-être entrées illégalement au Canada ou dont
les visas sont peut-être périmés rapportent rarement
les actes d'agression sexuelle perpétrés contre elles.
De nombreuses immigrantes et femmes issues de minorité visible
craignent de ne pas recevoir de traitement égal face au système
judiciaire et donc ne déposent pas de plainte. Plusieurs de
ces femmes sont tellement contrôlées par leur famille,
leur partenaire ou leur employeur qu'elles n'oseraient pas risquer
divulguer l'agression qu'elles ont subie.
Les femmes agressées par leur mari ne portent pas plainte
parce qu'elles ne croient pas pouvoir le faire ou parce qu'elles ne
se rendent pas compte que l'agression sexuelle dans le cadre du mariage
va à l'encontre de la loi (Russell, 1982).
En plus de certaines raisons communes pour ne pas dévoiler
les agressions que les survivants et les survivantes partagent, à
savoir la honte, le stigmate, le refus, la dissociation, les souvenirs
réprimés, ou le manque d'information quant à
ce qu'est réellement l'agression sexuelle, les victimes masculines
se taisent aussi à cause de certains aspects de leur socialisation
et de nos croyances culturelles, ainsi que nos stéréotypes
au sujet de la masculinité.
Si un jeune homme a une érection, ou vit un orgasme ou toute
autre sensation agréable suite à l'agression infligée
par un homme, il est fort probable qu'il interprétera cette
réaction physique comme une indication qu'il est peut-être
homosexuel. En fait, les agresseurs utilisent souvent les réactions
physiques des jeunes garçons afin de les convaincre que c'est
la «preuve» qu'ils sont gais ou qu'ils aiment en fait
les mauvais traitements. On croit que le fait d'avoir une réaction
physique ou sexuelle augmente de beaucoup le traumatisme vécu
par les victimes d'agression sexuelle.
Un garçon peut se convaincre qu'il est homosexuel s'il est
agressé par une femme et s'il n'en retire que de la souffrance
au lieu du plaisir qu'il croyait ressentir. En raison des tabous rattachés
à l'homosexualité dans notre culture, les victimes masculines
peuvent hésiter à rapporter les agressions sexuelles
dans ces deux situations. Les garçons ou les jeunes hommes
sont rarement pris au sérieux lorsqu'ils essaient de partager
leurs sentiments de confusion, de peur ou de douleur lorsqu'ils sont
agressés par une femme ou une adolescente plus âgée.
On croit encore que les garçons sont «séduits»,
mais que les femmes sont violées ou agressées sexuellement.
Pour ce qui se rattache à la sexualité dans notre culture,
on enseigne aux hommes à prendre soin d'eux-mêmes et
à se montrer entreprenants. Lorsqu'un garçon ou un jeune
homme est agressé, on peut le condamner, le ridiculiser ou
lui faire honte de ne pas être «assez homme» pour
se protéger et pour se défendre (Mathews, 1994).
Les questions reliées à la race et l'appartenance à
une culture minoritaire peuvent aussi affecter les taux de divulgation,
en plus de rendre d'autant plus difficiles la recherche d'aide et
de services et le processus de guérison lui-même. Il
est souvent difficile pour les gens de comprendre que certaines de
nos interventions thérapeutiques et juridiques conçues
pour aider et protéger les victimes d'agression sexuelle peuvent
être inefficaces ou sembler dures ou étranges pour les
personnes issues de cultures autres qu'européennes.
Par exemple, des groupes ethniques plaçant une grande valeur
sur la famille peuvent s'opposer à ce que certains membres
de leur famille -victime ou agresseur soient retirés par les
autorités de protection de l'enfance. Des membres de certains
groupes s'inquiètent du traitement que les membres de leur
famille recevront dans un système de service social sans aucune
connaissance de leurs valeurs culturelles ou de leurs croyances. C'est
pourquoi ces personnes ne rapportent pas les agressions sexuelles.
Les survivants issus de groupes ethniques minoritaires dont les membres
se méfient de la police, de la justice et des représentants
de la protection de l'enfance peuvent hésiter à rapporter
les agresseurs ou peuvent préférer régler la
situation en utilisant des moyens autres que ceux offerts par les
systèmes de justice pénale ou de protection de l'enfance.
Les survivants de groupes de minorité culturelle peuvent ne
pas désirer voir le comportement d'un de leur membre criminalisé
de peur du préjugé qui découlera sur l'ensemble
du groupe. Aussi difficile que ce soit à comprendre, le fait
de garder le silence au sujet des agressions sexuelles peut sembler
le moindre des deux maux.
Les survivants de groupes ethniques non dominants peuvent se sentir
mal à l'aise dans les groupes de traitement ou dans les bureaux
où tout le monde semble différent, s'habille différemment
et parle des langues inconnues. Pour certaines personnes, issues de
groupes minoritaires, le fait de partager des secrets familiaux avec
des étrangers ou de s'asseoir devant un thérapeute et
de répondre à des questions intimes et profondément
personnelles peut sembler une invasion et un manque de respect. La
barrière linguistique peut aussi empêcher les survivants
de groupes minoritaires de s'adresser aux agences conventionnelles
ou traditionnelles mêmes si ces personnes en connaissent l'existence.
Les agresseurs
Il importe de s'attarder un peu sur le profil des agresseurs sexuels
qui s'en prennent à des enfants en raison des mythes et des
malentendus qui existent à leur égard. Il est important
de traiter de ces malentendus car ils entravent notre capacité
d'identifier les agresseurs qui pourraient être à risque,
d'élaborer et de diriger des services pour leur réhabilitation
et d'aider et protéger les victimes en croyant ce qu'elles
nous disent et en rendant les agresseurs imputables de leurs gestes.
On croit habituellement que les agresseurs sont typiquement pauvres,
alcooliques, malades mentaux, plus probablement d'une minorité
visible, homosexuels, «de vieux cochons», ou seulement
des hommes. En fait, les agresseurs sexuels proviennent de toutes
les classes, toutes les races, de tous les antécédents
religieux et des deux sexes. Un grand pourcentage des agresseurs sexuels
qui s'en prennent à des enfants sont eux-mêmes adolescents,
pour la plupart hétérosexuels. La maladie mentale, quant
à elle, ne joue que dans une infime proportion des cas.
Il est vrai, néanmoins, qu'abstraction faite du sexe de la
victime, les hommes représentent la majorité des agresseurs.
Même si les jeunes garçons et les jeunes filles sont
tous deux agressés par des membres de leur famille ou des connaissances,
il semble que les pères ou les symboles paternels agressent
leurs filles beaucoup plus que leurs garçons. Les hommes semblent
plus susceptibles de subir la violence sexuelle aux mains d'autres
hommes. Certaines recherches indiquent également que les adolescents
ont plus tendance à agresser les garçons que les adolescentes
(Finkelhor, 1979; Friedrich et Luecke, 1988; Showers et al., 1983;
Russell, 1984; Porter, 1986; Reinhart, 1987; Spencer et Dunklee, 1986;
Stermac et Mathews, 1989; Rogers et Terry, 1984; Ellerstein et Canavan,
1980; Risin et Koss, 1987; et Showers et al , 1983).
Toutefois, les agressions sexuelles perpétrées par
les mères contre les garçons viennent tout juste de
faire leur apparition dans les écrits (Krug, 1989; Nasjleti,
1980; Banning, 1989; Lawson, 1993). Ceci s'explique en partie du fait
que les comportements d'agression sexuelle perpétrés
contre les garçons ne sont pas toujours reconnus comme tels.
Il est facile de ne pas tenir compte des relations inopportunes comme
la façon de dormir, des conversations sexuelles et de l'attouchement
des organes génitaux de l'enfant.
Ruth Mathews, une psychologue féministe américaine
qui a été parmi les premières à étudier
les agressions sexuelles perpétrées par les femmes,
rapporte que les femmes adoptent certains comportements dans le but
de créer des réactions sexuelles qui, à la surface,
ne semblent pas être des réactions sexuelles. Par exemple,
entrer dans une pièce lorsque l'enfant se baigne ou se déshabille
pour se coucher, laisser une porte ouverte afin que l'enfant voit
la femme se baigner, prendre sa douche, se déshabiller ou se
moquer des développements physiologiques des organes génitaux
de l'enfant (1989). Risin et Koss (1987) ont trouvé que 42,7
% des agresseurs de jeunes garçons étaient des professeurs
féminins, des voisines, des gardiennes et des amies de la famille.
Chapitre 3
Impact de l'agression sexuelle sur les survivants
On a beaucoup plus écrit sur les expériences des survivantes
que sur celles des survivants, même si ce volet du sujet se développe
toujours plus à chaque année. Malgré' que certains
aspects de leurs expériences diffèrent, la recherche semble
indiquer que survivants et survivantes ont beaucoup plus en commun qu'on
ne serait d'abord porté à le croire.
Lorsqu'on compare les expériences des survivants et des survivantes,
il faut utiliser avec soin les mots «plus» ou «moins».
Il est important de se rappeler que les expériences subjectives
ou individuelles des agressions ne peuvent jamais être complètement
enregistrées ou évaluées par la recherche empirique.
Conséquences de l'agression sexuelle
Il est important de ne pas porter de jugements de valeur quant aux
choix privilégiés par les survivants afin de composer
avec leurs expériences d'agression sexuelle. Ces mécanismes
et ces défenses constituent des réactions normales
face à des situations anormales. Ce sont les moyens
choisis par ces personnes afin de composer avec le traumatisme.
Les conséquences de l'agression sexuelle varient selon les
individus. Ces conséquences peuvent affecter tous les aspects
de la vie affective, physique, spirituelle ou mentale du survivant
ou de la survivante. Elles peuvent prendre la forme de comportements
pour se blesser soi-même, notamment les tentatives de suicide,
la toxicomanie, ou le travail poussé à l'extrême.
Quant à la vie affective des survivants, plusieurs font l'expérience
d'une estime de soi limitée, de la peur de l'intimité,
de la colère et de l'agressivité, de la dépression,
de l'anxiété ou d'émotions gelées ou réduites.
Quelques survivants vivent des cauchemars, de la dissociation et des
troubles du sommeil ou d'alimentation. Quelques personnes développent
des comportements compulsifs ou auto-destructeurs. D'autres deviennent
malades et peuvent souffrir d'une gamme de maladies dont les ulcères,
les maux de tête et les infections. Une autre conséquence
possible est une sexualité anormale, dysfonctionnelle ou non
existante.
Il est difficile de prédire avec certitude la façon
dont les personnes seront affectées par leurs expériences
de violence puisque les conséquences dépendent de nombreux
facteurs agissent parfois de pair. Les effets de l'agression sexuelle
peuvent aussi prendre des formes différentes selon l'âge
ou les étapes de développement dans la vie de la personne.
Parfois, les effets de l'agression sexuelle peuvent être cachés
ou protégés par de vieux systèmes de défense
ou de vieux modèles. Ces mécanismes de protection peuvent
aider à empêcher que les souvenirs des agressions remontent
à la conscience. Mais ces moyens d'auto-défense empêchent
aussi les survivants de faire face à leurs blessures et à
leur douleur.
Les effets de la violence sexuelle, oubliés ou enterrés
depuis longtemps, peuvent revenir à la surface tout à
coup ou être réveillés lors d'événements
marquants de la vie ou dans des situations de stress comme la naissance
d'un enfant, une nouvelle relation, la perte d'un être cher,
un divorce ou une séparation. Trop souvent les survivants et
les gens qui les entourent éprouvent de la difficulté
à comprendre la réaction parce qu'ils ne savent pas
que cela découle d'une vieille blessure qui n'était
pas cicatrisée.
Il existe également des conséquences sociales de l'agression.
La violence sexuelle affecte chacune de nos vies même si nous
n'en sommes pas nécessairement conscients. La quantité
de ressources humaines et financières que l'on consacre aux
conséquences de l'agression sexuelle auprès des survivants
est énorme. Le système de justice pénale, l'assistance
sociale, les services de santé médicale et mentale,
et les agences de travail social offrent tous des services aux victimes
ou aux agresseurs qu'ils en soient conscients ou non. Nous dépensons
déjà une large part de la richesse de notre pays en
soins hospitaliers et psychiatriques pour les personnes dont les symptômes
d'agression sexuelle sont camouflés. La maladie suite à
une agression sexuelle non diagnostiquée et non traitée
nous coûte déjà beaucoup. Le fait de prendre des
décisions conscientes d'orienter les ressources vers l'intervention
dès le début, avec des services complets et multidisciplinaires
pour les victimes et les agresseurs, se rentabiliseraient tout simplement
en aidant les gens à s'en sortir plus rapidement.
Toute discussion quant aux conséquences ou aux résultats
de l'agression sexuelle ne serait complète sans dire un mot
de la force et du ressort des survivants. Avec de l'aide et des soins,
de nombreuses personnes en arrivent éventuellement à
faire face à leur expérience d'agression sexuelle pour
ensuite mener une vie heureuse, productive et enrichissante. Quelques
personnes y arrivent seules. Pour certains survivants et survivantes,
la guérison les amène à des changements de vie
importants, à un engagement à travailler pour des changements
sociaux positifs ou à une vision spirituelle nouvelle et renouvelée
de leur vie.
Stigmate
L'un des poids les plus lourds à porter pour les survivants
est celui associé au stigmate. Les survivants se considèrent
souvent différents des autres ou un peu comme des «marchandises
endommagées». Cette façon de voir est souvent
renforcée par les amis, les membres de la famille, les partenaires
ou d'autres qui les considèrent de cette façon ou interprètent
leurs comportements pour faire face à la situation comme une
preuve de séquelle permanente.
L'expérience de stigmate peut varier sous certains angles
des survivants aux survivantes. De par notre norme de deux poids deux
mesures en matière de permission sexuelle, les femmes sont
souvent celles que l'on juge le plus durement pour des indiscrétions
sexuelles parfois mineures (Schur, 1984; Russell, 1975). Cette attitude
permet de jeter le blâme aux femmes victimes des agressions
pour le traitement qu'elles ont subi. Cette attitude ne se limite
d'ailleurs pas au public en général. Des professionnels
perçoivent parfois les victimes féminines comme des
séductrices ou des personnes blâmables, une perception
qui trop souvent peut être intériorisée par la
femme en ce qui concerne ce qui lui est arrivé et peut s'attaquer
à sa perception d'elle-même.
Nos doubles mesures quant à la vie sexuelle sont aussi désavantageuses
pour les victimes masculines que pour les survivants. A certains points
de vue,, cette attitude augmente les chances qu'a un jeune garçon
de subir des actes d'agression sexuelle en encourageant l'intérêt
et la participation aux activités sexuelles. Cela encourage
aussi le secret puisque les victimes masculines se sentent responsables
de ce qui leur arrive lorsque la situation tourne mal. Cela produit
le blâme de la victime parce que nous nous attendons à
ce que les hommes puissent exercer leur pleine volonté dans
leurs rapports sexuels et qu'ils soient capables de se débrouiller
tout seuls. Cela appuie la minimisation des hommes quant à
la violence sexuelle masculine ou à l'agression sexuelle perpétrée
par des femmes. Cela encourage la bravache masculine afin de minimiser
ou de cacher l'impact ou les sentiments d'inconfort associés
aux agressions. Cela crée les conditions où les jeunes
garçons trouvent normal d'avoir des relations sexuelles avec
les femmes (Mathews, 1994).
L'homophobie, ou les préjugés à l'égard
des gais et des lesbiennes, qui prédomine tellement dans notre
société a un effet dévastateur et réduit
au silence les personnes agressées par des partenaires du même
sexe. Non seulement les gais et les lesbiennes ont-ils à dévoiler
leurs expériences pénibles d'agression, mais ces personnes
doivent aussi révéler leur orientation sexuelle en même
temps. Ceci ajoute un fardeau supplémentaire et peut provoquer
des peurs et des inquiétudes d'attirer encore plus d'attention
négative et de préjugés. L'homophobie a ainsi
réduit de nombreuses victimes, lesbiennes, gaies et hétérosexuelles
au silence.
Le cycle victime-agresseur
De nombreux survivants et survivantes se demandent si, à leur
tour, ils ne deviendront pas agresseurs. À moins que les intervenants
ou les thérapeutes ne s'y connaissent suffisamment pour aborder
cette problématique, ils peuvent actualiser ce danger pour
les survivants. Il semble donc indiqué d'explorer brièvement
le cycle victime-agresseur.
La recherche empirique n'a pas encore établi de liens spécifiques
entre le fait que quelqu'un ait été victime et qu'ensuite
cette même personne développe un comportement d'agression
sexuelle. Ce modèle n'explique pas le fait que certains agresseurs
n'ont pas été victimes et que la majorité des
survivants qui ont subi des actes d'agression sexuelle dans leur enfance
ne font pas subir le même sort à leurs propres enfants
(Herman, 1992). Ce modèle ne tient pas compte non plus des
variables au niveau des situations qui peuvent jouer un rôle
important dans la décision prise par une personne d'infliger
de mauvais traitements, comme des actions impulsives et opportunes
d'adolescents lorsqu'ils gardent de jeunes enfants (Mathews, 1993b).
D'aucuns diront que si cette explication de comportement menant à
une infraction sexuelle ne suffit pas, alors, étant donné
le grand nombre de victimes féminines, pourquoi n'y a-t-il
pas plus de contrevenantes? Même si cette critique a une certaine
valeur, elle ne tient pas compte de certains points importants. D'abord,
on n'enseigne pas aux femmes à manifester leurs impulsions
agressives de façon physique dans notre société.
En revanche, on accepte ce comportement chez les hommes.
Deuxièmement, nous n'avons que des concepts masculins de comportements
d'agression sexuelle et d'états d'excitation déviante
à transposer aux femmes, des concepts qui ne nous permettent
pas de reconnaître de nombreux types communs de comportements
d'agression sexuelle chez les femmes. Ceux-ci peuvent être camouflés
de bien des façons. Par exemple, une femme peut négliger
son enfant ou délibérément se détacher
de lui.
Troisièmement, la société prépare les
victimes masculines à trouver agréables les rencontres
sexuelles avec les femmes et à considérer les contacts
sexuels avec les femmes «plus âgées» comme
des rites de passage à envier. Donc, de nombreux hommes ne
qualifient pas leurs expériences de «violence sexuelle»
ou «d'agression sexuelle» et, par conséquent, ne
les rapportent pas de peur que, du fait que l'agresseur est une femme,
on ne les perçoive comme faibles ou peu virils.
Quatrièmement, tant les femmes que les hommes victimes d'inceste
hésitent à rapporter leur mère, leurs soeurs,
leurs cousines, leurs tantes ou leurs grands-mères à
cause. de la honte et du stigmate rattaché à l'inceste
dans notre société (Mathews, 1993).
Finalement, une partie de notre hésitation ou de notre incapacité
à reconnaître les femmes coupables d'agression découle
peut-être du fait que la société nous habitue
à voir seulement les femmes dans leur rôle nourricier.
Mises à part ces réserves, c'est un concept utile qui
mérite plus de recherches compte tenu du taux élevé
d'agressions découverts dans l'historique de nombreux types
d'agresseurs, tout particulièrement les violeurs et les agresseurs
violents.
Intérioriser et passer à l'acte
Il ressort de certains travaux de recherche que les hommes ayant
souffert d'agression sexuelle dans leur enfance ou dans leur jeunesse
sont plus à risque que les femmes d'agresser sexuellement les
autres (Finkelhor, 1979). Lors de discussions au sujet des conséquences
de l'agression sexuelle, il est normal d'entendre que les hommes «passent
à l'acte» ou extériorisent leur comportement en
réponse aux agressions. Ce qui veut dire qu'ils se tournent
vers la violence sexuelle, réagissent violemment ou agressivement,
ou commettent des crimes et ont un comportement anti-social. Les filles,
quant à elles, intériorisent leur comportement, c'est-à-dire
qu'elles pleurent, qu'elles deviennent déprimées ou
malades. Même si ces comportements sont jusqu'à un certain
point, un résultat de notre processus de socialisation, il
s'agit aussi de stéréotypes puisque ces généralisations
ne tiennent pas compte des différences individuelles.
S'il est vrai que les hommes agressés dans leur enfance et
leur jeunesse sont plus sujets à maltraiter les autres que
les femmes ne le sont, ceci peut relever de leurs expériences
de mauvais traitements ou de la façon dont ils ont été
traités par les professionnels, les parents et les familles,
la police, les professionnels de la protection de l'enfance ou d'autres
adultes auxquels ils ont été confiés. Les victimes
masculines d'agression sexuelle ont plus de chance que les victimes
féminines de subir de mauvais traitements physiques aussi (Vander
Mey, 1988; Finkelhor, 1984). Les hommes sont victimes de types plus
généralisés d'agression sexuelle, reçoivent
plus de menaces des agresseurs, sont maltraités avec plus de
force, sont moins souvent retirés de leur foyer pour être
placés en détention préventive et reçoivent
moins de counseling (Pierce and Pierce, 1985). On semble aussi moins
s'inquiéter de l'impact de la victimisation auprès des
hommes (Eisenberg, 1987) et les agresseurs s'attaquant aux hommes
sont tenus moins responsables de leur comportement (Broussard, 1988).
Certaines recherches semblent indiquer que les victimes qui ont subi
des actes d'agression sexuelle étant enfant constituent un
fort pourcentage des admissions psychiatriques. On constate chez ces
personnes des taux élevés de psychose ou de problèmes
psychiatriques chroniques ou actuels (Alpert, 1990; Stein et al.,
1988; Brière et Runtz, 1988; Brière et al., 1988;
Fromuth, 1986; Bagley et Ramsey, 19851986).
On remarque également un taux élevé d'agression
sexuelle subie au cours de l'enfance chez un grand nombre de détenus
des prisons fédérales (Elizabeth Fry Society, 1992;
Diamond et Phelps, 1990; Spatz-Widom, 1989; Condy et al., 1987).
Dans certains sous-groupes de contrevenants, les hommes semblent à
plus haut risque de contrevenir s'ils ont souffert de mauvais traitements
dans leur enfance. Petrovich et Templer (1984) ont trouvé que
59 % des violeurs ont subi des agressions sexuelles aux mains de femmes.
Groth (1979) et Freeman-Longo (1986) ont aussi trouvé une grande
fréquence d'agression sexuelle chez les contrevenants, parfois
allant jusqu'à 80 % à 100 %.
Les survivantes en règle générale sentent qu'elles
n'ont aucun contrôle sur leur vie et le monde qui les entoure.
Elle trouve impossible de croire en elles-mêmes ou en leur capacité
de guérir (Bass et Davis, 1988). Ces auteurs font valoir aussi
que les survivants cessent de ressentir de la douleur physique et
apprennent que leur corps ne leur appartient plus. D'autres apprennent
à détester leur corps et se tournent vers toutes sortes
de formes de comportements auto-destructeurs ou négligent leur
santé physique.
La plupart des personnes vivant dans la rue, particulièrement
les adolescents, semblent avoir survécu à une forme
ou une autre de négligence ou de violence. De nombreuses jeunes
femmes et jeunes hommes vivant de prostitution pour survivre ont été
victimes d'agression sexuelle dans leur enfance ou au début
de leur adolescence (Mathews, 1987).
Le fait d'avoir été victime d'agression sexuelle peut
parfois conduire une personne à adopter des stratégies
de survie mal adaptées et à se lancer dans des comportements
à risque, notamment la toxicomanie ou d'autres comportements
autodestructeurs. Par ailleurs, il est fréquent de remarquer
que la personne éprouve une incapacité d'établir
et de maintenir des limites en plus de ressentir un sentiment d'impuissance
et de désespoir. Enfin, les victimes d'actes d'agression sexuelle
sont généralement moins portées à se protéger
des maladies transmissibles sexuellement. Compte tenu de ces faits,
il n'est pas surprenant de découvrir que la violence sexuelle
apparaît dans les antécédents de 42 % des personnes
séropositives (Allers et Benjack, 1991; Allers et al., 1993).
Une étude a trouvé que les survivantes adultes qui
redevenaient des victimes à l'âge adulte affichaient
des taux plus élevés de grossesses non planifiées
et d'avortement. (Wyatt et al., 1992)
Facteurs affectant le niveau d'impact
De nombreuses variables peuvent affecter la façon dont réagit
la personne face à l'agression sexuelle. Il s'agit notamment
des ressources personnelles de la personne, de la disponibilité
de l'aide affective, de l'accès aux ressources financières
pour payer les traitements, du temps écoulé entre l'acte
et le commencement de la thérapie, des facteurs culturels ou
ethniques, des éléments de vie stressants actuels ou
chroniques, de l'âge et la maturité de la victime. La
réponse de la personne peut varier également selon qu'on
croit ou non à son témoignage.
Certaines études ont dégagé des facteurs chez
les survivants et leur environnement familial et social permettant,
semble-t-il, de réduire le traumatisme de l'agression sexuelle.
Parmi ces facteurs l'on compte : la réaction des membres de
la famille ou des autres personnes importantes; un point de contrôle
intérieur; une force personnelle positive; une connaissance
antérieure au sujet du sexe et de la sexualité; le degré
perçu de contrôle sur ce qui leur arrivait; la capacité
de replacer leurs expériences négatives dans un cadre
positif; l'accès à des relations de soutien auprès
d'autres adultes ou personnes importantes; le fait d'avoir de l'espoir
et une vision optimiste de l'avenir; recevoir des moyens d'éviter
les situations à risque à l'avenir; et la possibilité
de prendre des risques débouchant sur des expériences
d'efficacité personnelle et de contrôle de sa propre
vie (Peters, 1988; Conte et Schuerman, 1987; - Mrazek et Mrazek, 1987;
Zimrin, 1986; Fromuth, 1986; Wyatt et Mickey, 1988; Harter, Alexander
et Neimeyer, 1988).
Les actes d'agression sexuelle surviennent également dans
un contexte familial, culturel et social. Un ensemble de facteurs
tels la race, la classe sociale, le sexe, la pauvreté peuvent
influer sur l'impact de ces agressions. Pour ces raisons, il est impossible
de pondérer avec exactitude chacune des variables qui exercent
une influence.
Parmi les autres facteurs pouvant influer sur l'impact des agressions,
on retrouve le type de traitement, la relation entre la victime et
l'agresseur, la durée du mauvais traitement, la différence
d'âge entre la victime et l'agresseur, l'utilisation de la violence
ou les menaces de blessure ainsi que le fonctionnement de la famille.
Chapitre 4
Soins et appui à apporter aux survivants
adultes
Ce chapitre décrit quelques-unes des démarches et des
stratégies les plus communes. Même si le contenu de ce
chapitre provient d'abord des écrits relevant du travail auprès
de femmes ayant subi des actes d'agression sexuelle dans leur enfance,
il s'applique en grande mesure aux survivants masculins aussi.
Il y a de nombreuses voies qui s'ouvrent aux survivants dans leur
démarche de guérison. Il n'y a pas de voie «unique».
Lorsque nous avons commencé à oeuvrer auprès
des survivants, nous avions tendance à suivre un «modèle
médical» qui considérait les mécanismes
ou les défenses permettant aux survivants de faire face à
la situation comme des preuves de «pathologie» nécessitant
«un traitement». Ce point de vue a quelque peu évolué
et comprend maintenant un modèle beaucoup plus centré
sur la personne. Dans le cadre de ce modèle, il revient à
la personne de diriger sa démarche, de définir le sens
de ses expériences, de valider ses expériences individuelles
et de mettre l'accent sur ses forces et ses capacités de faire
face à ce qui lui arrive.
Les professionnels, les thérapeutes non' accrédités,
les survivants et les intervenants de tout milieu peuvent ne pas être
d'accord quant à ce qui constitue la «guérison»,
le «traitement» ou la «thérapie» qui
convient le mieux. Toutefois, la plupart seront d'accord pour accepter
une règle fort simple : commencer avec la personne, ses besoins,
là où elle se trouve dans son cheminement, ses ressources,
ses sources de soutien et sa propre intuition quant à ce qu'elle
a besoin de trouver ou quant au mieux-être recherché.
Les intervenants doivent se rappeler que, pour les survivants, le
passage de la frontière de la peur à la décision
de reprendre leur vie en main exige à la fois courage et espoir.
Cela exige aussi un acte d'amour de soi de la part des personnes qui
en sont peut-être venues à trouver l'idée d'amour
même un concept étrange qui leur est étranger.
Appuyer le processus de guérison des survivants exige
une acceptation inconditionnelle de la personne;
la foi en la capacité qu'ont les survivants de faire face
aux circonstances et de guérir;
la validation de l'expérience de mauvais traitements des
survivants;
le respect des limites personnelles de l'intervenant et de celles
de la personne qui chemine;
de garder l'accent sur le fait que le client doit rester le maître
de sa démarche;
d'aider la personne à comprendre qu'elle n'est pas la
première à vivre cette expérience.
Un voyage unique
Chaque démarche de guérison diffère d'une personne
à l'autre. Tout cheminement peut exiger d'aider les survivants
à avancer et à dépasser leurs expériences
passées pour découvrir les liens avec leurs comportements
et leurs sentiments actuels. Il faut parfois aborder les préoccupations
immédiates centrées sur la vie très concrète
comme trouver un logement ou un travail.
Les thérapies favorisant l'introspection peuvent s'avérer
utiles à un certain moment, les approches cognitives et comportementales
à d'autres. Certains survivants et survivantes sont plus axés
sur l'action et plus concrets dans leur approche face à la
vie et ne réagissent pas bien au point de départ avec
le travail orienté vers le retour en arrière. Ils peuvent
trouver ces approches un peu comme s'ils devaient conduire une voiture
vers l'avant en regardant dans le rétroviseur. Le travail sur
leurs pensées et leurs sentiments actuels ou sur les questions
vitales à l'heure actuelle peut les amener à revenir
en arrière pour déchiffrer la cause ou le sens de leurs
actions. Plus les intervenants disposent d'«outils» thérapeutiques
et plus ils font preuve de souplesse dans leurs interventions, plus
ils seront en mesure d'aider la personne dans sa démarche.
La guérison, une démarche sociale
Dans sa forme la plus fondamentale, la guérison ou la «thérapie»
s'inscrit dans un processus social. Pour établir une relation
fonctionnelle - le lien thérapeutique exige de nombreux éléments
apparentés à ceux qui sont nécessaires pour qu'une
relation prenne son envoi; l'accueil bienveillant, la communication
ouverte et directe, le réconfort, la mutualité, et le
respect. Les thérapeutes rigides et distants seront probablement
incapables de créer l'encadrement sécurisant et réconfortant
dont les survivants ont besoin pour mieux cheminer. Ceci ne veut nullement
dire que l'on doive laisser tomber les frontières professionnelles
et les normes de pratique professionnelles. Ceci veut simplement dire
que les intervenants doivent être plus à l'écoute
du vécu des survivants et de leurs besoins.
Les intervenants doivent comprendre que la confiance peut s'établir
très lentement sans qu'elle ne devienne complètement
inconditionnelle, et ce tout au long de la démarche. Les survivants
ont probablement été maltraités aux mains de
personnes qu'ils connaissaient, qu'ils aimaient ou en qui ils avaient
confiance, ou encore par quelqu'un en position d'autorité à
leur égard. La rupture du lien de confiance peut influer sur
la personne tout au long de sa vie et peut affecter vraiment sa capacité
de faire confiance aux autres. Il n'est pas rare de constater que
la personne, en fait, croit que les autres exercent un certain contrôle
sur sa vie ou qu'ils affectent la façon dont elle se perçoit
ou dont elle se sent.
Les thérapeutes peuvent probablement se trouver dans une situation
où ils doivent se défendre pour garder une certaine
perspective face aux projections des survivants qui peuvent leur attribuer
les mêmes caractéristiques que celles qu'ils ont vues
chez leur agresseur. Il est essentiel que les thérapeutes soient
patients afin de surmonter les arrêts et les départs
parsemant la route des survivants. Il s'agit alors simplement d'aborder
ensemble ces questions de confiance et de sécurité.
Si les survivants n'ont jamais entrepris de démarche de counseling
auparavant, les thérapeutes ne devraient pas s'attendre à
une révélation immédiate des faits ou des circonstances
entourant l'agression, de la description de l'agresseur (particulièrement
si c'est un membre de la famille), ou de ce qu'ils pensent ou ressentent
suite à leur expérience. La révélation
peut s'échelonner sur une longue période de temps. Les
survivants ont besoin d'entendre d'un thérapeute qu'il est
naturel de minimiser ou de rejeter la violence et les sentiments ou
expériences qui s'y rattachent. On devrait toujours laisser
une porte ouverte afin de permettre aux personnes survivantes de risquer
de révéler ce qu'elles veulent, et ce quand elles sont
bien prêtes à le faire. Pousser les personnes survivantes
à tout révéler lorsqu'elles ne sont pas prêtes
constitue en soi une forme d'agression et peut les forcer à
mentir ou à réprimer leurs pensées ou leurs souvenirs.
Si elles mentent une première fois, il peut être difficile
pour elles de s'ouvrir à l'avenir car maintenant il y a fausse
représentation.
Faire face aux essais antérieurs de guérison
Les personnes qui ont déjà entrepris une démarche
de counseling par le passé peuvent être encouragées
à revenir sur leurs expériences, sans toutefois jeter
un blâme à qui que ce soit, afin d'apprendre comment
améliorer le travail de guérison actuel. De nombreux
éléments de la démarche thérapeutique
peuvent conduire à un échec. Parfois c'est parce qu'on
n'arrive pas à répondre aux besoins de la personne.
Il arrive également que le conseiller manque de formation.
Il faut alors aborder ces questions ouvertement et honnêtement
afin d'améliorer les chances de la personne d'atteindre le
mieux-être auquel elle aspire maintenant dans le cadre de sa
thérapie.
Aider les survivants à se préparer
Il est important de reconnaître que les survivants et survivantes
ne s'engagent pas tous de la même façon et ne poursuivent
pas tous leur cheminement jusqu'au bout. Il revient à l'intervenant
d'évaluer si la personne est prête à entreprendre
ou à continuer sa démarche. Les toxicomanes auront besoin
de soins ou de ressources supplémentaires. Les survivants sans
famille, amis, ou partenaires pour les épauler lorsqu'ils entrent
dans le processus de guérison peuvent aussi avoir besoin d'aide
supplémentaire. Les survivants devant assumer des comportements
mésadaptés à la fois chroniques et débilitants
peuvent avoir besoin d'une vaste gamme d'appuis et de services afin
de faciliter leur processus de guérison.
Arriver au counseling
Le plus grand obstacle pour amener les victimes au counseling est
le problème posé par l'évaluation des agressions
dans leur vécu. De nombreuses personnes ayant subi des actes
d'agression sexuelle ne se confient pas. Il en résulte qu'elles
sont mal diagnostiquées ou mai étiquetées par
des cliniciens, qui, eux, ne se doutent de rien. On dira alors que
la personne est psychotique, hystérique, à la limite,
ou antisociale. Les cliniciens ne voient pas souvent que les problèmes
interpersonnels et psychologiques graves découlent des agressions
sexuelles (Mennen, 1992).
Interventions privilégiées dans la démarche
Il est possible de privilégier différentes interventions,
et ce selon les besoins individuels, les désirs exprimés
par la personne, ou la disponibilité du soutien et des ressources.
La plupart des interventions se rejoignent à la fin, qu'on
soit un homme ou une femme. Il subsiste toutefois quelques différences.
Il faut en outre tenir compte de certaines données. L'agresseur
fait-il partie de la famille? Est-il connu de la victime?
Des survivants peuvent préférer faire face aux conséquences
affectives de l'expérience de violence. Ceci peut signifier
qu'on va aborder les peurs et les phobies, la dépression, la
culpabilité, le manque de confiance, ou les sentiments d'isolement.
D'autres survivants peuvent aussi choisir de traiter des problèmes
d'image corporelle, de sexualité, de toxicomanie et de relations
et des questions de confiance. Enfin, certains peuvent choisir d'acquérir
les habiletés voulues pour devenir un meilleur parent, les
techniques de relaxation, d'affirmation de soi et les techniques de
communication.
Certains survivants et survivantes intègrent aussi leurs croyances
religieuses et leur croissance spirituelle dans leur travail de guérison.
D'autres font appel au soutien de leur conjoint. D'autres encore écrivent
un journal, utilisent des portraits de famille, des souvenirs d'enfance,
et autres événements significatifs et positifs pour
reconstruire et réorienter leur vie en plaçant les agressions
en contexte (Mennen, 1992).
Interventions auprès des survivants autochtones
Toutes les personnes oeuvrant auprès des survivants se doivent
d'être sensibilisées aux défis et aux questions
relevant de la culture, de l'ethnicité et de la langue qui
entourent l'aide à apporter aux survivants.
Les collectivités autochtones au Canada ne font que commencer
à reprendre leur patrimoine. Elles s'éveillent au pouvoir
bénéfique de certaines de leurs traditions et elles
reviennent aux valeurs, aux pratiques culturelles et à un sens
collectif qui ont été perdus lorsque les familles et
les collectivités ont été séparées
lors d'essais d'assimilation des enfants autochtones par l'entremise
de l'éducation dans les pensionnats.
Les survivants autochtones doivent surmonter des entraves considérables
seulement pour divulguer les agressions subies. Dans certaines collectivités
rurales, isolées ou fort petites, les intervenants peuvent
être apparentés à l'agresseur. Lorsque porter
plainte peut conduire à l'emprisonnement, les survivants et
les guérisseurs peuvent, tous deux, ressentir une forte pression
pour éviter d'avoir à traiter avec le système
de justice pénale (Hodgson, 1990).
Au fur et à mesure que les collectivités autochtones
chemineront dans leur démarche de guérison, elles dépendront
de moins en moins des professionnels non autochtones. De nombreuses
collectivités sont déjà bien en place. D'autres
exigent encore un certain soutien afin de les aider à poursuivre
leurs efforts. Il est important pour les professionnels non autochtones
de reconnaître le pouvoir qu'ils ont dans de telles situations.
Une partie du travail de guérison n'est pas seulement de «traiter»
les survivants mais de travailler afin d'aider les collectivités
autochtones à retrouver confiance dans leurs propres traditions
culturelles et dans leurs moyens de guérison qui peuvent non
seulement s'ajouter aux méthodes occidentales, mais éventuellement
les remplacer. Pour en arriver à ces partenariats, il faut
de la générosité d'esprit, de la patience et
du respect. Puisque la confiance est un ingrédient essentiel
au développement du respect, les professionnels non autochtones
ont besoin de comprendre les défis auxquels doivent faire face
les intervenants autochtones dans ce processus.
Il est important de développer le respect mutuel entre les
intervenants autochtones et non autochtones. Hodgson croit que ceci
est difficile parce que les cliniciens non autochtones croient souvent
savoir ce qui est meilleur pour la personne autochtone. Elle croit
aussi que les intervenants autochtones souvent ne font pas confiance
à leurs propres idées lorsqu'il s'agit de déterminer
les méthodes les plus efficaces.
Les stratégies de traitement qui semblent les plus efficaces
auprès des survivants autochtones incluent les thérapies
par le geste, les dessins et la visualisation. Selon Hodgson,
La peur refoulée, contenue dans le corps, peut
être libérée par la thérapie par le geste.
On peut ainsi rompre le silence d'une façon moins menaçante
par l'entremise des dessins et de la visualisation. On trouve ainsi
une voix dans le silence, une absence de contrôle qui peut se
transformer en prise de contrôle.
Les survivants parents uniques
De nombreux survivants, surtout des femmes, sont des parents uniques.
Ils doivent s'occuper de leur famille, souvent dans la pauvreté
et dans des circonstances extrêmement difficiles. Le fait d'être
parent ajoute un stress important à tout adulte, même
si les parents vivent ensemble. Les survivants parents uniques, doivent
faire face aux demandes de la famille seuls en plus d'éprouver
de la difficulté à se garder du temps à consacrer
à leur démarche de guérison. Une fois le travail
de guérison entrepris, cela peut s'avérer une tâche
insurmontable simplement de trouver le temps pour assister aux séances
de counseling pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, faire les
tâches ménagères, garder un emploi rémunéré
et élever les enfants. De plus, il faut payer la gardienne.
À la longue, cela peut revenir assez cher.
Les parents de familles monoparentales se retrouvent souvent seuls
et se sentent très isolés. Ils ont peut-être perdu
leur partenaire. Il arrive qu'ils aient été rejetés
de leur famille. Quelquefois, leur famille ne croit pas à leur
témoignage. Enfin, ils ont peut-être aussi perdu de vieux
amis qui ne peuvent faire face à l'expérience d'agression
sexuelle des survivants. Leurs craintes sont multiples. Ils peuvent
s'inquiéter de surprotéger leurs propres enfants. Ils
peuvent craindre de rencontrer des partenaires agressifs ou de placer
leurs enfants dans des situations où ils vivront de la violence.
Les enfants peuvent aussi faire surgir des questions avec leurs exigences
affectives et leur demande de temps ou par des comportements précis.
Les survivants de familles monoparentales doivent aussi décider
s'ils doivent se confier à leurs enfants. Ceci est particulièrement
délicat lorsque les enfants connaissent l'agresseur.
Interventions auprès du survivant agresseur
Une question particulièrement épineuse est le traitement
des survivants qui sont maintenant des agresseurs ou qui l'ont été
dans le passé. La plupart des conseillers et des thérapeutes
refusent de travailler avec les survivants agresseurs. Certains intervenants
refuseront même de travailler avec les survivants qui ont déjà
perpétré des actes d'agression sexuelle dans le passé.
Cette exclusion s'explique lorsqu'on travaille avec des survivants
dans un groupe. Les survivants non agresseurs peuvent possiblement
se sentir menacés et insécures dans ces circonstances.
Une telle pratique peut se justifier assez facilement si l'on considère
que la plupart des conseillers, et des thérapeutes n'ont pas
la formation et les capacités voulues pour travailler auprès
des délinquants sexuels. Cela aussi justifie le retrait des
barrières artificielles qui continuent à exister entre
les domaines des victimes et des agresseurs, et l'encouragement de
tous les conseillers et les thérapeutes à travailler
avec les survivants afin d'étendre leur base de connaissances.
Nous savons que certains survivants et survivantes agressent d'autres
personnes. Ceci peut se traduire sous la forme de négligence
ou de violence affective, physique ou sexuelle. Qu'ils le réalisent
ou non, de nombreux conseillers et de thérapeutes travaillent
déjà avec des clients ayant posé ces gestes.
À cause des stéréotypes dangereux selon lesquels
les hommes sont tous préoccupés par le sexe ou l'agressivité
sexuelle, nous sommes tentés presque automatiquement de soupçonner
la possibilité de délinquance sexuelle chez les survivants.
Suite à cette croyance, il n'est pas rare pour certains thérapeutes
de chercher des indices à ce sujet. Les conseillers et les
thérapeutes, formés pour travailler les problématiques
propres aux survivants et aux agresseurs auprès d'une clientèle
masculine, vont entreprendre une vérification d'usage à
propos de la relation avec les parents. De façon régulière
également, les conseillers et les thérapeutes vont explorer
chez leur client masculin les relations avec les autres personnes
importantes ou le degré de risque qu'il peut poser à
sa femme, son ou sa partenaire ou à ses enfants. Toutefois,
en thérapie, on ne voit pas le même phénomène
se reproduire pour les femmes.
Nous commençons à peine à accepter le comportement
d'agression chez les femmes et non seulement face aux cibles évidentes
comme les jeunes garçons et les filles, les adolescents et,
même, bien que dans une moindre mesure, les hommes adultes,
mais aussi envers d'autres femmes et entre partenaires lesbiennes
(Renzetti, 1992). C'est une évolution importante au niveau
de notre compréhension car nous avons besoin d'entreprendre
des recherches qui nous mèneront au développement de
concepts portant sur les comportements d'agression féminins,
d'évaluation et de traitement qui puissent répondre
aux besoins des femmes. Accepter le fait qu'une femme puisse agresser
contribuera à la démarche de ces femmes qui peuvent
être doublement pénalisées de par notre rejet
de l'existence du phénomène.
Puisque l'agression commise par des femmes ne cadre pas facilement
dans le cadre de travail théorique et de traitement féministe
s'appuyant sur le genre, certaines féministes craignent qu'une
thérapeute ne soit tentée de minimiser, de justifier
ou de refuser de considérer le comportement agressif de ses
clientes ce qui, à la limite, pourrait empêcher la guérison
de cette femme (Lépine, 1990).
Choix du conseiller, du thérapeute ou de l'intervenant
Lors du choix d'un thérapeute, les survivants devraient se
souvenir que cette étape constitue le premier pas important
à faire sur le chemin de la guérison. Il faut également
garder à l'esprit que, parfois, il vaut mieux cesser le travail
auprès d'un certain thérapeute si on sent la relation
ne fonctionne pas, si on se sent agressé, exploité,
ou si on a l'impression que l'orientation du thérapeute face
au travail de guérison est incompatible à ses besoins.
Lorsqu'on cherche un thérapeute, on peut tenir compte des
conseils suivants.
Ne vous pressez pas à entrer en thérapie avec le
premier thérapeute rencontré.
Soyez patient. Cela prend généralement du temps
avant de trouver les bons atomes crochus entre vos besoins et les
capacités, l'expérience, la formation et la personnalité
du thérapeute.
Si vous ne savez pas où commencer, contactez un hôpital
local, consultez l'annuaire téléphonique et feuilletez
les répertoires de conseillers ou de thérapeutes,
ou demandez à votre médecin de vous référer.
Dans certaines collectivités, les survivants et les survivantes
peuvent consulter les refuges à l'intention des femmes ou
les centres d'aide pour victimes de viol pour obtenir des rendez-vous
ou des références.
De nombreuses collectivités publient des annuaires téléphoniques
spécialisés ou des répertoires de professionnels
locaux, d'agences communautaires et de services d'aide et autres
ressources pouvant aider les survivants adultes. Vous pouvez communiquer
en personne ou par téléphone.
Demandez aux thérapeutes considérés de vous
suggérer une liste de documents à lire qui portent
sur l'orientation théorique ou le modèle de pratique.
Ne craignez pas de demander aux thérapeutes considérés
où ils ont reçu leur formation et leurs références
(ceci comprend les diplômes reçus, la formation et
les stages spécialisés, les cours de perfectionnement
professionnel). De nombreux professionnels sont inscrits à
une association ou à un collège professionnel. Demandez
aux thérapeutes si vous pouvez vérifier leurs références.
Recherchez un thérapeute qui est conscient ou qui est
sensible à votre bagage culturel ou à vos besoins
linguistiques.
Demandez s'ils offrent d'autres types de services comme le counseling
pour les partenaires, la thérapie familiale, ou le travail
de groupe que vous pourriez désirer inclure dans votre démarche.
S'ils ont une liste d'attente, demandez s'ils offrent ou s'ils
peuvent faire les arrangements pour les services de soutien aux
survivants dans l'intérim.
Discutez des heures, de la longueur des séances, de la
durée du traitement, des frais, et des méthodes de
paiement. Il faudra défrayer vous-mêmes les services
du thérapeute à moins qu'il ne soit inscrit auprès
d'un régime de santé provincial, qu'il ne fasse partie
d'une agence de service social financée par le gouvernement
ou qu'il ne soit couvert par votre propre assurance santé.
De nombreux thérapeutes font preuve de souplesse et ajustent
leurs honoraires selon la capacité de payer des clients.
Sexe du conseiller, du thérapeute ou de l'intervenant
Aucune recherche empirique ne saurait justifier le bien-fondé
de recourir exclusivement à un thérapeute du même
sexe que le client. Ce qui compte surtout relève des capacités
du thérapeute, de sa formation, son expérience et sa
personnalité. Les survivants devraient toutefois peser leur
choix avec soin et baser leur décision sur leurs besoins personnels.
Il arrive que les conseillers du même sexe que les survivants
puissent être en mesure d'offrir des perceptions plus subtiles
et reliées au sexe de la personne. Toutefois, les survivants
ou survivantes ayant été agressés par une femme
peuvent trouver stressant le fait de travailler avec une femme thérapeute.
De même, les survivants ou les survivantes ayant été
agressés par un homme peuvent trouver difficile de travailler
avec un thérapeute masculin.
Le moment où les survivants font leur choix peut aussi être
important. Les hommes et les femmes qui commencent à peine
leur démarche peuvent hésiter à vouloir travailler
avec un thérapeute du même sexe que leur agresseur. Il
en va de même pour une personne qui en serait à une phase
plus difficile de sa démarche. Plus tard dans leur cheminement,
ils peuvent désirer travailler avec un thérapeute de
même sexe que leur agresseur s'ils sentent que cela leur offrira
d'autres points de vue ou d'autres renseignements.
Thérapeutes survivants ou survivantes
Les thérapeutes eux-mêmes survivants ou survivantes
peuvent offrir à leurs clients des perceptions enrichissantes
pour ce qui est de la démarche même de guérison.
Les thérapeutes survivants offrent un modèle d'espoir
et un exemple de la façon dont on peut réussir à
intégrer l'expérience dans sa propre vie. Les thérapeutes
survivants partagent une expérience commune avec leurs clients
et ont aussi accès aux sentiments, aux distorsions cognitives
et aux perceptions subtiles quant au fait d'avoir subi la violence
contrairement aux thérapeutes n'ayant pas vécu les mêmes
expériences. Les thérapeutes survivants disposent ainsi
de renseignements et d'une expérience qui peuvent s'avérer
très utiles pour leurs clients.
Ceci ne veut pas dire, néanmoins, que les thérapeutes
non survivants soient moins capables d'offrir un accueil chaleureux
aux survivants adultes d'agression sexuelle. En fait, faire appel
à un thérapeute lui-même survivant comporte parfois
certains inconvénients. Aucun survivant ou survivante ne devrait
entreprendre le travail d'aider la guérison d'une autre personne
à moins d'avoir réussi sa propre thérapie et
d'être parvenue à bien intégrer les expériences
de violence dans sa propre vie. Le fait d'être survivant d'agression
sexuelle ne saurait remplacer les compétences, la formation
supervisée, la formation et le perfectionnement continu.
Il y a des «thérapeutes naturels» parmi la population
des survivants. Toutefois, les thérapeutes survivants ont besoin
de comprendre qu'ils ne peuvent emmener l'autre personne plus loin
qu'où ils sont eux-mêmes allés dans leur démarche.
Les intervenants survivants doivent rester à l'affût
des dangers possibles de dépasser la barrière entre
client-thérapeute et de mettre en danger leur propre processus
de guérison et l'orientation de la thérapie.
Thérapies de groupe
Les thérapies de groupe peuvent s'avérer extrêmement
bénéfiques pour les survivants. Même s'il ne s'agit
que d'une approche, le travail de groupe offre beaucoup d'avantages
par rapport à d'autres formes de thérapie.
Les groupes offrent aux survivants un environnement sécurisant
et un moyen de faire face aux sentiments d'isolement et de solitude
propres à toute démarche de guérison. Puisque
le fait d'assister à des rencontres de groupe constitue en
soi une action publique, cette participation peut atténuer
le fardeau du secret, lequel fait partie du vécu émotif
des survivants, tout spécialement dans les cas d'inceste (Saxe,
1993). D'autres survivants peuvent appuyer l'ouverture, valider l'expérience
de violence, affirmer le droit des survivants à la sécurité,
et aider à naviguer dans des eaux souvent troublées
sur le chemin de la guérison. Les survivants sont plus à
même de faire face au blâme qu'ils s'adressent à
eux-mêmes et aux mécanismes dangereux chez d'autres survivants
parce qu'ils ont survécu à l'expérience. Ensemble,
les membres du groupe peuvent aussi se réjouir du chemin qu'ils
ont parcouru et de la force qu'ils en retirent.
De nombreux survivants et survivantes éprouvent des difficultés
dans leurs relations interpersonnelles. Le fait d'assister à
des rencontres de groupe permet ainsi d'établir des liens intimes
avec d'autres personnes (Yalom, 1985).
Le groupe peut offrir aux survivants d'inceste, espoir et optimisme
face à l'avenir, affirmer l'universalité de l'expérience,
développer les techniques de socialisation, imiter le comportement,
faire l'expérience de l'apprentissage interpersonnel et la
cohésion du groupe, trouver un sens d'appartenance et revivre
le groupe familial principal (Roberts & Gwat-Yong, 1989). Les
groupes permettent aux membres de faire l'expérience de la
vision du voyage vers la guérison des autres membres, de former
des liens communs et de partager les méthodes pour confronter
la situation (Roth & Newman, 1993).
Les groupes offrent aux survivants une façon de pratiquer
le travail sur les questions de frontières. Pour citer McEvoy
(1990),
Les frontières nous donnent un sens de sécurité,
un moyen de régler nos interactions avec les autres. Elles
nous disent qui nous sommes et quels sont nos droits et nos responsabilités
en tant que personnes. Les frontières nous disent que nous
sommes des individus uniques, ayant droit à des besoins et
à ce qu'on satisfasse ces besoins. Les frontières nous
disent notre valeur. Toutes les formes d'agression sexuelle contre
les enfants, incluant l'inceste, impliquent l'invasion à répétition
et le viol des frontières personnelles des victimes.
On croit que les femmes ont moins le sens des frontières personnelles
que les hommes et qu'elles ont besoin de travail plus axé sur
la restauration ou l'établissement de ces frontières.
Il est important de faire le lien, dans l'esprit des survivants, entre
la perte ou le viol de leurs frontières personnelles et leur
agression.
La taille des groupes peut varier allant de trois ou quatre personnes
à douze ou plus. En règle générale, plus
le groupe est petit, mieux c'est. Les petits groupes permettent davantage
à tous de se pencher sur son propre vécu de façon
personnelle, tout en bénéficiant de plus de rétroaction
et de soutien. Les groupes animés par deux intervenants permettent
à l'un d'eux de travailler le contenu de la séance tandis
que l'autre fait le suivi du processus de groupe et des signaux non
verbaux de détresse. Les groupes à temps limité
introduisent un élément de conscience du temps qui améliore
le processus de création de liens entre les membres du groupe
en plus d'offrir une structure et une approche centrée à
l'intervention (Roberts & Gwat-Yong, 1989).
Les groupes peuvent être de courte durée (de huit à
douze semaines) ou de durée continue. Les séances d'une
heure et demie s'échelonnant sur 15 semaines semblent offrir
les plus grands avantages (Knight, 1990). L'auteur de cette étude
fait valoir entre autres que bien qu'un groupe de 15 semaines ne dure
pas assez longtemps pour compléter le processus thérapeutique,
il peut aider les membres à s'accepter eux-mêmes et peut
leur offrir un guide et une direction pour le travail thérapeutique
à venir.
Lorsqu'on organise des groupes pour les survivants adultes, il est
possible de réunir les survivants d'inceste et ceux à
l'extérieur de la famille, les groupes d'âge différents
(mais non les enfants de moins de 18 ans), les survivants et les survivantes,
et les personnes de différentes cultures et d'orientation sexuelle.
On devrait déterminer l'à-propos de combiner les survivants
de milieux et d'expériences variés selon les besoins
des membres du groupe et des survivants.
Il y a des circonstances où le travail de groupe peut s'avérer
ne pas être le meilleur choix pour un client. Il se peut que
le travail de groupe ne convienne pas aux survivants violents et agressifs,
aux personnes très timides, ou aux personnes ayant été
victimes de violence aux mains d'un groupe d'agresseurs.
Étapes inhérentes à une démarche de
groupe
Toute démarche de groupe comprend normalement certaines étapes.
Lors des premières séances, il faut d'abord s'attarder
à la création d'un environnement d'appui mutuel, de
confiance et de sécurité où les survivants peuvent
commencer à former un lien avec le thérapeute et les
autres membres du groupe. Typiquement, la première séance
comporte les questions d'usage et l'établissement des règles
du jeu. Les premières séances comptent habituellement
des exercices permettant aux membres et aux thérapeutes de
mieux se connaître. On discute normalement à cette étape
des sentiments associés avec l'expérience de violence.
On n'explore normalement pas les détails de la violence lors
de ces premières étapes.
Les survivants qui plongent directement et commencent à dévoiler
leurs expériences en grands détails sont parfois encouragés
à doser leur partage afin d'éviter d'effrayer ou de
dépasser les autres membres du groupe et pour empêcher
la personne de se sentir surexposée et vulnérable. Après
un témoignage plutôt lourd sans avoir eu la chance de
traiter le flot de sentiments qui suivent normalement le dévoilement
et le partage, certains survivants et survivantes se sentent honteux
ou embarrassés et fuient le groupe ou la thérapie.
Après la création d'un environnement non menaçant
et mutuellement encourageant, les membres sont invités à
commencer à partager leur vécu plus en profondeur. Au
fur et à mesure que les survivants commencent à se rappeler
les événements traumatisants entourant leurs mauvaises
expériences, il arrive fréquemment que les sentiments
de tristesse ou de dépression s'intensifient. Certains adoptent
alors des stratégies de survie mal adaptées pour faire
face à ces sentiments. Si on explique le déroulement
normal d'un cheminement thérapeutique, ils peuvent se sentir
plus aptes à persévérer en dépit des turbulences
et continuer en espérant qu'ils pourront dépasser ces
crises. Plus ils sont capables de faire face à chaque nouvelle
crise, plus ils auront d'espoir et de confiance en eux.
L'étape suivante nécessite habituellement qu'il faille
aller plus loin dans l'exploration des émotions reliées
à l'agression. On encourage les membres à commencer
à travailler les limites et même de confronter les personnes,
les sentiments ou les distorsions cognitives qui peuvent nuire à
leur démarche de guérison.
La prochaine étape met normalement l'accent sur l'aide à
apporter aux survivants pour établir des buts et un plan d'action
visant à les aider à intégrer les expériences
d'apprentissage dans leur vie quotidienne. À cette étape,
il importe de valider et de reconnaître les objectifs de croissance
et de rendement établis pour ce qui est de la démarche
de groupe. La dernière étape implique typiquement la
préparation à la séparation du groupe et de l'animateur
ou de l'intervenant.
Types de groupes
Il y a plusieurs formes ou types de groupes que les survivants peuvent
utiliser dans leur processus de guérison. Les groupes de thérapie
à court terme ou à long terme peuvent s'avérer
utiles à différents moments. Les groupes spéciaux
mettront l'accent sur des questions précises pour les survivants,
comme par exemple l'affirmation de soi, le soutien au partenaire du
survivant ou de la survivante, la préparation au procès,
ou les questions légales relevant de la responsabilité
des agresseurs. Ces groupes seront utiles à d'autres moment.
D'autres exemples comptent : les groupes de pairs, les groupes d'entraide,
les groupes de même orientation sexuelle, les groupes mixtes,
les groupes culturels, les groupes religieux et spirituels.
Toxicomanie des survivants
De nombreux thérapeutes croient qu'il est impossible de traiter
les survivants toxicomanes avant qu'ils n'aient commencé à
travailler sur leur dépendance. La toxicomanie constitue, après
tout, un mécanisme de défense, une défense contre
la conscience ou l'acceptation des sentiments de douleur ou des expériences
de vie. Il s'agit parfois de la seule défense qui s'offre aux
survivants à ce moment-là. Il importe alors d'aider
les survivants à élaborer des stratégies pour
faire face à la situation qui n'ajouteront pas aux difficultés
de leur vie en les encourageant et les appuyant à se débarrasser
des stratégies destructrices. Les survivants agresseurs, ou
qui se lancent dans la consommation abusive de drogues ou d'alcool
auront le plus de difficulté à donner une orientation
précise à leur démarche thérapeutique.
Les agences ou les thérapeutes de certaines collectivités
considèrent prioritaire la sécurité collective
et insisteront pour que les survivants terminent un traitement pour
leur toxicomanie ou leur comportement agressif avant que le counseling
ne puisse être offert.
Toutefois, il est possible de travailler sur les deux problèmes
simultanément. Tout survivant ou survivante essayant ce type
de travail et son intervenant doivent s'assurer qu'il y a une grande
collaboration entre le thérapeute de la personne et le conseiller
en toxicomanie, le cas échéant.
Prise en charge
Ce que l'on entend par prise en charge varie souvent d'un auteur
à l'autre. Essentiellement, la prise en charge vise à
donner ou redonner aux personnes un sens d'auto-efficacité.
Cela veut dire leur offrir les outils et la conscience nécessaire
pour négocier leur environnement social. Dans le cadre d'une
prise en charge, on peut choisir d'agir seul ou de s'engager avec
d'autres afin de travailler à changer les pratiques sociales
plus vastes, les pratiques systémiques ou institutionnelles
qui peuvent avoir donné lieu à l'agression, ou qui peuvent
encourager ou soutenir la victimisation ou entraver la route vers
la guérison.
Parfois, les essais des thérapeutes pour la prise en charge
se soldent par un échec. Le sentiment de prise en charge découle
normalement de l'expérience du succès et le fait de
se savoir maître de son destin. Les survivants, en fin de compte,
doivent trouver leur propre voix, leur propre cheminement, et leur
propre rythme. Si les thérapeutes sont trop directifs dans
leur définition du chemin que les survivants doivent suivre,
dans leur interprétation du sens de leurs expériences,
ou s'ils donnent une portée trop étroite quant au travail
de guérison qui ne cadre pas avec le propre groupe de référence
culturelle des survivants, leurs actions à ce moment créent
l'effet contraire, et ce que les thérapeutes soient bien intentionnés
ou non.
La prise en charge signifie qu'il faut construire l'estime de soi.
On doit encourager les survivants à reconnaître leur
mérite lorsqu'ils réalisent des progrès. Il faut
également rappeler à la personne que le thérapeute
ne fait qu'accompagner la démarche, il n'en est que le témoin
pour ainsi dire. Voilà ce qui replace les frontières
personnelles et offre un sens de soi et de son pouvoir personnel (McEvoy,
1990).
Agression perpétrée par l'intervenant
Les personnes qui ont subi des actes d'agression sexuelle au cours
de leur enfance demeurent très vulnérables aux éventuelles
agressions sexuelles de la part de ceux ou celles avec qui elles entreprennent
leur démarche de guérison. Les survivants manquent souvent
de liens sécurisants ou de bases nécessaires pour la
séparation psychologique, comme l'empathie, le toucher, l'attention,
la constance, la protection ou le soin (Armsworth, 1989). Ceci peut
les mener à former des liens imprégnés d'anxiété
(Krugman, 1987). Les survivants peuvent donc ne pas être capables
de maintenir la frontière entre eux-mêmes et le thérapeute.
Il en résulte qu'ils peuvent se servir de la relation avec
le thérapeute pour répondre à leurs besoins développementaux
qui n'ont pas été satisfaits dans leur enfance (Armsworth,
1989). Ceci laisse les survivants vulnérables face à
l'exploitation et aux agressions ainsi qu'à tout autre manquement
déontologique du thérapeute.
Les clients dans le besoin peuvent revenir à de vieilles méthodes
d'attachement au sein de la relation d'aide, notamment par l'entremise
de la sexualité. Si le thérapeute est perçu comme
un adulte puissant, les vieux modèles de réponses face
aux personnes puissantes peuvent amener les victimes à tout
simplement régresser ou accepter les demandes des thérapeutes
et de suivre aveuglément leurs directives.
Les thérapeutes ne sont pas à l'abri des problèmes
psychologiques. lis peuvent manquer de formation ou se trouver dans
une période de détresse. Il leur arrive également
d'avoir à affronter des problèmes personnels et professionnels
qui les dépassent. Dans de telles circonstances, ils courent
de plus grands risques de faire subir certaines agressions à
leurs clients (Pope and Bouhoutsos, 1986). Les clients qui risquent
de subir ces agressions aux mains de leur thérapeute sont ceux
qui ont vécu dans un environnement qui a nui au développement
de leur personne, ceux qui ont vécu des expériences
de dépersonnalisation qui ont accentué l'état
de non-personne, et ceux qui ont adopté un «modèle
d'abandon» pour faire face aux agressions, y compris celles
perpétrées par le thérapeute (Armsworth, 1989).
Ce type d'agression constitue une sérieuse question légale,
morale et déontologique. Il s'agit également d'un terrible
abus de pouvoir. Il faut également se rappeler que la violence
du thérapeute ne mène pas toujours à l'agression
sexuelle proprement dite. Il existe d'autres formes subtiles de violence,
comme la violence affective, c'est-à-dire, une forme de minimisation,
de rejet ou de distorsion de l'expérience des survivants ou
de manque de respect.
Les survivants vulnérables qui nouent des liens imprégnés
d'anxiété avec leur thérapeute, ceux qui sont
aux prises avec les difficultés à établir des
frontières personnelles, ou ceux qui ne trouvent aucun autre
soutien pour les appuyer peuvent ne pas savoir comme faire face à
la violence affective. Toutefois, peu importe ce qu'ils pensent vivre,
il est important pour eux d'exprimer leurs inquiétudes auprès
de leur thérapeute. S'ils ne sont pas satisfaits de la réponse
de celui-ci et s'ils ne sentent pas que leurs inquiétudes se
résolvent, ils doivent cesser immédiatement de le voir.
S'ils sentent que le thérapeute leur porte un intérêt
sexuel, ou s'ils ont des rapports sexuels avec cette personne, il
vaut mieux rompre immédiatement tout contact. De toute façon,
ils devraient immédiatement rapporter le thérapeute
à l'organisme professionnel avec lequel il est associé.
Ils peuvent aussi désirer consulter un avocat.
Recommencer le travail de guérison après une expérience
d'agression aux mains d'un thérapeute peut représenter
un grand défi. Les survivants dans de telles situations ont
besoin de se donner le temps de reconnaître et de faire face
à leurs sentiments de colère ou de trahison et doivent
procéder lentement. Il existe de nombreuses personnes capables,
honnêtes qui peuvent les aider dans leur démarche de
guérison. Trouver un autre thérapeute peut prendre du
temps, mais cela en vaut vraiment la peine.
Étapes de guérison
Même si peu de survivants cheminent exactement de la même
façon, la plupart passent par certaines étapes communes
à toute démarche de guérison. Ces étapes
ne sont pas nécessairement linéaires ni ne suivent de
progression logique. En voici quelques exemples :
Décider d'entreprendre une démarche de guérison
Reconnaître l'agression sans distorsions
Reconnaître tous les sentiments qui en découlent
Cesser de se blâmer
Faire le deuil de sa perte
Prendre contact avec sa rage et sa colère
Transformer la colère en action positive
Si opportun, et si le moment est à propos, confronter
son agresseur et (ou) ceux qui n'ont pas offert leur protection
(cela peut se faire de façon symbolique ou en personne)
Se faire confiance
Créer et maintenir des frontières fortes et saines
Intégrer les acquis du cheminement dans le quotidien et
dans ses rapports avec autrui
Recréer la personne complète en esprit et en corps.
Caractéristiques de l'intervenant influant sur la guérison
l'accueil personnel et chaleureux
l'approche sans porter de jugement
l'engagement à aider les survivants dans sa démarche
jouer le rôle de facilitateur et non un rôle directif
affirmer ses propres frontières
accepter l'homosexualité
parier de sexualité avec aisance et naturel, être
à l'aise face à sa propre sexualité
clarifier les attentes dès le début pour ce qui
est du travail thérapeutique et des contraintes quant à
l'aspect confidentiel des renseignements
tenir compte des besoins de la personne sur les plans de la culture
et de la langue
disposer de connaissances et de formation sûres dans le
domaine des agressions sexuelles contre les enfants.
Chapitre 5
ENTRAVES AU DEVELOPPEMENT D'APPUI ET DE
SERVICES
Les survivants à la recherche de traitement ou d'autres formes
d'aide sont vites confrontés aux obstacles. De nombreuses collectivités
n'ont tout simplement pas de programmes de traitement. Quelques unes
offrent seulement les services sociaux généraux qui ne
comportent pas d'intervention spécifiquement pour la violence
sexuelle ou peuvent offrir de l'aide seulement en temps de crise. De
nombreuses collectivités manquent de professionnels ou d'autres
thérapeutes dûment formés. Dans les grands centres
urbains où les services existent, les survivants sont confrontés
à de longues listes d'attente. Les populations de survivants
aux besoins spéciaux comme les handicapés, les minorités
linguistiques et culturelles, les autochtones canadiens, les lesbiennes
et les gais éprouvent davantage de difficulté à
trouver les ressources appropriées.
On a besoin de plus de groupes d'entraide, de services et de programmes
axés sur un traitement à long terme. Les programmes
destinés aux gens qui ont été témoins
d'actes d'agression sexuelle et les programme de préparation
au procès ne sont pas disponibles dans la plupart des collectivités.
Peu de collectivités ont des programmes pour aider les adolescents
plus âgés faisant la «transition» aux services
adultes. L'aide aux parents d'enfants victimes de violence est rare,
comme l'appui aux membres de la famille qui ne sont pas les agresseurs.
Il est rare de trouver des ressources et de la formation pour les
familles d'accueil des victimes et des survivants. Les clients doivent
souvent avoir un «diagnostic» et une référence
d'un médecin pour avoir accès aux services de santé
mentale, plutôt que de pouvoir y aller d'eux-mêmes.
Aider les survivants à trouver des traitements et appuyer
leur processus de guérison n'est qu'une partie du travail que
l'on doit faire. Toute discussion de travail auprès des survivants
adultes ne saurait être complète sans que l'on examine
les barrières systémiques et autres qui à l'heure
actuelle empêche le développement de services et d'appui
nécessaires.
Ressources humaines et financières
On presse de toute part les gouvernements de couper les dépenses
et de réduire les déficits, une situation qui n'annonce
rien de bon pour les victimes et les survivants d'agression sexuelle.
Les personnes qui veulent élaborer de nouveaux programmes pour
les survivantes et les survivantes, pour les agresseurs, hommes et
femmes, sans compter la recherche et le développement et la
formation professionnelle des nouveaux thérapeutes, vont se
retrouver dans une longue file avec les groupes ayant des intérêts
parallèles. Voilà une réalité politique
inévitable à laquelle tous ceux qui oeuvrent dans le
domaine doivent faire face. Il est aussi important de reconnaître
les politiques sous-tendant l'octroi de ces ressources. Les manques
perçus au niveau des ressources humaines et financières
sont rarement ce qu'ils semblent.
Dans le climat politique actuel, les défenseurs et les survivants
doivent devenir de meilleurs collaborateurs et doivent construire
des partenariats avec les services sociaux et de santé, le
domaine correctif, et l'éducation afin que nous puissions nous
associer et mettre ensemble nos énergies collectives pour attaquer
les problèmes sociaux qui font partie intégrante de
la problématique des agressions sexuelles.
Nous devons nous engager à trouver des moyens de travailler
d'une meilleure façon avec les ressources en place, d'éliminer
les dédoublements de services, de partager les locaux, et de
mettre à profit la créativité et la force inutilisée
jusqu'à maintenant de nos membres afin d'en arriver à
créer de nouveaux partenariats de travail et des entreprises
coopératives. Nous devons aussi encourager la diversité
dans le «travail» afin de permettre l'évolution
et le développement du domaine.
De nombreuses barrières bloquent encore l'accès aux
services. Certaines régions du pays, à cause de la population
et des ressources disponibles, sont capables d'offrir un niveau de
service que d'autres collectivités ne peuvent avoir. Nous devons
travailler plus fort à construire de meilleures liens entre
les différents domaines de services aux personnes, des domaines
qui ont la chance de toucher à différents aspects du
problème d'agression sexuelle. Par exemple : former les professeurs
à reconnaître les premiers signes d'agression sexuelle;
accroître les avantages des programmes d'aide aux employés
afin de couvrir les coûts, incluant la garde d'enfants, associés
au counseling; ou travailler avec le gouvernement, les entreprises
et les médias pour décourager l'utilisation d'images,
en publicité ou dans le monde artistique qui appuient, acceptent,
ou suggèrent la violence.
Enfin, les problèmes de certains survivants et survivantes
sont profondément difficiles à traiter parce que l'agression
s'est produite associée à d'autres problématiques.
Par exemple, les survivants souffrant du syndrome d'alcoolisme foetal,
ou qui ont des problèmes d'apprentissage, de développement
ou des incapacités physiques ont beaucoup d'obstacles à
surmonter. Les services pour ces survivants sont presque inexistants.
Accès
Si nous sommes sérieux dans notre désir d'encourager
les victimes à dénoncer les agressions, nous devons
nous assurer de disposer des ressources pour les aider dans leur démarche,
sinon nous risquons de les placer dans une situation d'échec.
Donner de l'espoir aux survivants pour ensuite le retirer plus tard
est cruel et immoral. Les conseillers peuvent facilement se retrouver
devant un dilemme lorsqu'ils savent que des survivants sont prêts
et capables de commencer une démarche de guérison, mais
quand ils savent aussi que les appuis et les services nécessaires
pour faire le travail ne sont pas disponibles. Peut-être y a-t-il
aussi le fait, encore plus insidieux, que cette situation se trouve
à reproduire l'expérience de trahison que les survivants
ont vécue au cours des agressions.
L'accès dans les régions rurales et éloignées
du pays demeure problématique. Les problèmes de distance,
de confidentialité, de manque de thérapeutes formés,
et de protection des survivants face à une autre victimisation
après avoir rapporté l'acte, toutes ces questions soulèvent
d'énormes défis pour les intervenants dans les petites
collectivités.
Le fait d'établir ou d'offrir des ressources supplémentaires
pour les fonds de compensation des victimes aiderait les survivants
à recevoir du counseling plus rapidement. De tels fonds pourraient
aussi être utilisés pour aider les survivants à
intenter un procès aux agresseurs pour dommages afin de recouvrir
les coûts associés au counseling.
À un niveau fondamental, l'accès aux services relève
également des considérations politiques. Les personnes
à revenus modiques ne peuvent se permettre des thérapeutes
privés, et de nombreux professionnels ayant la formation et
l'expérience pour offrir ces services sont exclus des régimes
provinciaux d'assurance-maladie.
Il ne s'agit pas seulement d'argent. Ceux qui songent élaborer
des services à l'intention des survivants adultes, ou adapter
des programmes actuels, doivent être consciencieux quant à
la structure de la prestation des services. Des services froids et
peu accueillants pourraient décourager les survivants d'y venir
même s'ils peuvent se les permettre. Ils doivent se sentir bienvenus,
se sentir chez eux.
De nombreux survivants et survivantes travaillent le jour ou le soir.
D'autres sont aux études. Les programmes de 9 h à 17
h rendent l'accès difficile. Les survivants qui ont des familles
peuvent aussi avoir de la difficulté à trouver des gardiennes
pour leurs enfants le jour ou le soir. Offrir des services de garde
d'enfants ou aider les survivants de toutes les façons possibles
dans ce domaine peut faire en sorte que la personne assistera ou non
aux séances de counseling. Les programmes situés loin
des résidences des survivants peuvent rendre les déplacements
en voiture ou par transport public trop chers ou impossibles.
De nombreux survivants et survivantes ne savent tout simplement pas
qu'il existe des services conçus à leur intention. En
raison du stigmate, certains survivants et survivantes en viennent
à croire qu'ils ne méritent ni aide ni services. Les
survivants sont typiquement des personnes isolées qui peuvent
être dépassées par la peur et la méfiance
et elles ont besoin d'ouverture et d'encouragement pour les aider
à faire les premiers pas. Il faut donc tenter de les rejoindre
dans leur milieu par une action d'ouverture sur la collectivité.
Il faut également tenir compte de la philosophie ou de l'énoncé
de mission du programme, du processus de fonctionnement et de sa prestation,
sans toutefois oublier l'habileté, les attitudes et la formation
des intervenants pour n'en nommer que quelques aspects. Même
le nom du programme devrait être choisi avec soin. Tous ces
détails communiquent un message aux survivants quant à
leur valeur, à l'importance que l'on accorde à leur
travail de guérison et quant à la vision du programme
dans un contexte social plus vaste.
En d'autres mots, les programmes qui prônent la prise en charge
doivent vraiment être facilitateurs et non directifs dans leur
orientation thérapeutique. Les programmes dits spécialisés
dans la relation d'aide doivent traiter leur personnel avec le même
soin, c'est-à-dire avec considération et appui. Les
programmes qui parlent d'espoir et de guérison ne devraient
pas être en guerre avec d'autres groupes de survivants ou d'autres
programmes qui traitent les agresseurs. Les intervenants devraient
toujours se souvenir de l'hypervigilance de la plupart des survivants.
Si les clients trouvent des contradictions et de l'hypocrisie auprès
de leurs guérisseurs, ils peuvent en sortir découragés
et méfiants.
Il importe également de créer un milieu accueillant
pour tous. À titre d'exemple, il arrive que les gais et les
lesbiennes se sentent exclus des programmes qui ne tiennent pas compte
de leur perspective.
Le principe d'équité doit se trouver au coeur de tout
programme et de toute relation entre le personnel et les clients.
L'équité se rapporte aussi à la portée
du programme. L'équité dans son sens le plus fondamental
parle de responsabilité. Les services de soutien aux survivants
appartiennent en quelque sorte aux survivants eux-mêmes. Le
personnel est là pour offrir un service aux clients.
Lorsqu'on peut le faire, les programmes de traitement et de soutien
devraient avoir un personnel reflétant la démographie
de la population et les besoins de la collectivité locale.
Les services aux survivants se doivent de rester sensibles à
la fluctuation démographique et aux nouvelles demandes imposées
aux services par les survivants de différents groupes ethniques.
Les personnes qui ont complété le programme, les membres
des groupes ethniques locaux, et les minorités sexuelles devraient
toujours être représentés auprès du personnel,
des conseils d'administration et des comités consultatifs communautaires.
Les survivants devraient être consultés régulièrement
quant à leurs idées au sujet de l'élaboration
et de l'évaluation des programmes.
Interventions dans une vision de vie globale
Aider et soutenir les survivants ne demande pas simplement qu'on
leur offre un traitement. Toute agression comporte normalement une
constellation d'autres formes de violence comme par exemple, la négligence,
la violence affective et physique, la violence familiale, les perturbations
scolaires, l'arrêt du développement et la séparation
de leur famille.
On doit aussi se pencher sur la façon dont ces événements
sont intériorisés dans la vie des survivants. De nombreux
survivants et survivantes ont besoin, entre autres choses, de formation
pour le travail, de logement, d'emploi, d'accès à l'éducation
et de renseignements fondamentaux sur la nutrition, les soins des
enfants, les soins personnels, l'aide financière temporaire
pour les aider à se remettre sur pied et laisser la dépendance
institutionnelle. L'absence d'approche coordonnée et en collaboration
entre la vaste gamme d'agences communautaires et les ministères
gouvernementaux complique le processus de guérison des survivants
dont les besoins sont variés et souvent urgents.
Formation et supervision des intervenants
Les thérapeutes doivent aussi prendre soin d'eux-mêmes.
Cet aspect du travail revêt la même importance que les
interventions faites auprès des clients, mais cela reste à
devenir une norme de travail. Les intervenants oeuvrant auprès
des survivants sont souvent surmenés, stressés et affichent
un taux élevé d'épuisement professionnel. Le
taux de roulement dans ce domaine est d'ailleurs fort inquiétant.
Lorsque les intervenants partent, ils emportent avec eux une formation
valable et une expérience trop souvent difficile à remplacer.
Peu de programmes ont les ressources financières afin de donner
une formation continue à leur nouveau personnel. Et même
s'ils avaient ces ressources, la formation n'est pas toujours disponible.
La plupart des collèges et des universités n'offrent
pas la formation spécialisée pour le travail auprès
des survivants à leurs étudiants en services sociaux,
en santé mentale, en nursing, en médecine , en éducation
et en droit. Les ateliers qui présentent des formats spécialisés
d'une seule session sont trop souvent très éloignés
ou trop chers.
La supervision du travail des thérapeutes constitue une partie
essentielle de la responsabilité personnelle et professionnelle.
La supervision ramène une certaine perspective aux thérapeutes
qui peuvent être aux prises avec les questions de frontières
et de limites entre le client et le thérapeute, ou qui peuvent
se sentir incertains quant à la thérapie des survivants
à cause d'un manque de connaissances ou de formation face aux
problèmes précis de la personne. Un superviseur adroit
peut aider à la fois les débutants et les thérapeutes
d'expérience à évaluer de façon réaliste
leurs capacités, leur formation et leur expérience pour
ensuite comprendre clairement dès le départ le type
de personnes qu'ils devraient aider.
La supervision s'avère aussi essentielle pour les thérapeutes
qui sont eux-mêmes en thérapie. Les intervenants qui
sont en thérapie courent le risque de confondre leurs propres
problématiques, besoins, et processus de guérison avec
ceux de leurs clients.
Le travail auprès des survivants devient parfois épuisant.
Placés, comme ils le sont, devant les nombreuses demandes de
leurs ressources personnelles, devant l'ignorance et la résistance
du public quant à cette question, et devant le manque de validation
de l'importance du travail, les intervenants peuvent souffrir de surmenage
et d'épuisement professionnel. Les thérapeutes ont donc
besoin d'établir des liens positifs et solides avec leurs proches
afin de nourrir leur vie affective, de leur redonner de la vitalité,
et d'aider à leur bien-être. Les loisirs, les activités
physiques, le jeu et l'humour sont nécessaires pour garder
leur perspective sur leur vie et leur travail. Des thérapeutes
stressés et en mauvaise santé constituent de mauvais
modèles à suivre pour leurs clients surtout lorsqu'ils
essaient d'encourager le mieux-être et la guérison.
La supervision peut se faire dans le cadre de rencontres officielles
ou décontractées avec un clinicien plus expérimenté,
l'appui des pairs, le visionnement de vidéos de son travail,
et si opportun, la rétroaction du client. Il importe que cette
supervision s'inscrive dans le cours normal et prévu du travail
professionnel.
Les administrateurs de programmes doivent épauler leur personnel
dans la gestion des programmes de survivants adultes. Offrir une formation
continue, prévoir à l'horaire une supervision, faire
le suivi du stress auprès des employés, et inviter la
participation des intervenants du milieu à la prise de décision
sont autant de façons de réduire l'éventualité
des maladies reliées au travail et d'éviter le roulement
et l'épuisement du personnel.
Recherche, contrôle de la qualité et avancement de
la cause
Dans une période de contraintes budgétaires, la recherche
perd normalement la priorité. Malheureusement, le domaine étant
si récent, le domaine des survivants a besoin d'engagements
accrus pour ce qui est de la recherche afin de peaufiner les définitions,
les concepts et les modèles de pratique reliés à
l'évaluation, aux soins et à la guérison. La
recherche et la pratique ne s'excluent pas mutuellement, mais sont
plutôt interdépendantes. Il est impossible pour un domaine
d'évoluer sans révision continue et systématique
de sa base de connaissances.
Il faut également prendre au sérieux les normes de
qualité des soins dans ce domaine. L'élaboration de
normes de pratique pour la formation des thérapeutes, les soins
et l'évaluation ainsi que l'évaluation des programmes
aurait dû être entreprise il y a longtemps.
De nombreux survivants et survivantes ne savent pas comment traiter
avec les bureaucraties gouvernementales intimidantes ou comment avoir
accès aux services communautaires locaux. Les intervenants
devraient être prêts à défendre les droits
des clients et à leur enseigner les habiletés voulues
pour le faire eux-mêmes lorsqu'ils cesseront de recevoir des
soins.
Les intervenants devraient songer sérieusement à étendre
le travail d'appui aux survivants pour dépasser le niveau de
thérapie individuelle et s'engager à faire avancer la
cause auprès du grand public. Il faut se rappeler que celui-ci
voit premièrement le travail des intervenants. À moins
que ceux-ci ne s'engagent à parier publiquement de ces question
affectant la vie des victimes d'agression sexuelle et des survivants,
personne d'autre ne le fera. Les tribunes publiques, le développement
communautaire pour coordonner les services, le lobbying pour établir
de nouvelles ressources, la formation des pairs, l'ouverture auprès
des écoles et des groupes communautaires, cultiver les bonnes
relations avec les médias locaux, et le développement
de ressources pour les survivants, les familles, les partenaires et
autres personnes intéressées représentent d'autres
façons de sensibiliser le public et de faire avancer la cause.
La normalisation de la violence
Une des plus grandes entraves à laquelle nous nous heurtons
dans notre lutte pour créer des collectivités sécuritaires
est la normalisation et l'invisibilité de la violence, sexuelle
ou autre, dans notre société. Nul besoin de chercher
très loin pour constater l'exploitation de la sexualité
féminine et masculine dans la pornographie violente, dans les
annonces publicitaires, les films, la télévision, les
livres et les magazines. La sexualisation de l'enfance et de l'adolescence
dans les messages publicitaires est parfois si évidente qu'elle
frôle la pornographie. La violence dans la musique rock, les
vidéos et autres formes de sous-cultures des jeunes nous assure
du fait que les jeunes «à risque» auront suffisamment
de scénarios à suivre le jour où ils décideront
de réagir violemment.
Au Canada, trop de femmes subissent encore des actes d'agression
et de violence. De fait, la violence envers les femmes est tellement
normale qu'elle est devenue une forme de divertissement. Le fait de
représenter, sans raison, le sexe et la violence envers les
femmes dans les films des adolescents, les jeux vidéos, et
autres types de films provoque peu de réactions du grand public.
La publicité de toute part fait appel au concept de la femme
objet. Les normes idéalisées de beauté et de
féminité représentées dans ces images
médiatiques ont conduit de nombreuses femmes et jeunes filles
à endommager leur santé du fait de régime, de
purge et de chirurgie cosmétique.
Le phénomène de la violence touche également
les hommes. Contrairement a ce que l'on pourrait croire, les hommes
sont plus souvent victimes de la plupart des formes de violence physique
(Statistique Canada, 1992). Dans les films, la plupart des scènes
où on se tire au fusil, où des personnages meurent dans
des explosions, dans les combats ou par la torture mettent en cause
des personnages masculins, parfois même des adolescents. Les
jeunes gens qui essaient de se mesurer aux impossibles normes établies
par certains athlètes et culturistes commencent à se
tuer en utilisant des stéroïdes. La violence entre hommes
de tout âge semble si normale dans notre société
qu'il est courant d'entendre dire qu'on n'y peut rien et que, dans
le fond, les garçons sont faits comme ça.
Le meilleur exemple de notre manque de sensibilité face aux
victimes masculines peut se voir dans la façon de représenter
les mauvais traitements à l'égard des hommes dans les
médias populaires, particulièrement dans les comédies
et les émissions de télévision et dans les bandes
dessinées de journaux canadiens. Le viol des hommes en prison,
les blessures infligées aux testicules, la violence sexuelle
à l'égard des garçons infligée par des
femmes sous le couvert d'initiation, et d'autres comportements facilement
qualifiables d'agression sexuelle ou physique et d'agression lorsqu'on
parle de jeunes filles ou de femmes, sont traitées avec humour
si régulièrement qu'elle sont presque devenues la norme
dans les comédies (Mathews, 1993a).
Il n'y a aucun remède miracle ou de solutions simples qui
puissent enrayer la violence de notre société. La résolution
de la problématique des agressions sexuelles nécessite
un cadre de travail élargi; il faut aborder de plus grands
changements sociaux et changer notre culture dans son ensemble. Une
partie du travail doit se faire au niveau politique, d'autres interventions
doivent se faire au niveau social et systémique, ou personnel.
La tâche s'échelonnera sur des périodes variables
et exigera l'engagement de tous.
Un domaine en pleine évolution et encore divisé
L'étude des agressions sexuelles contre les enfants n'en est
qu'à ses premiers balbutiements. Nos connaissances continuent
à évoluer et sont loin d'être complètes.
La plupart des intervenants du milieu, des professionnels des traitements
et des chercheurs ayant un intérêt professionnel dans
le domaine savent trop bien combien d'efforts sont requis pour raffiner
nos définitions, nos concepts et nos idées au sujet
de l'évaluation des besoins des survivants et des soins à
leur apporter.
Le public en général est plus conscient du problème
des agressions sexuelles en raison de la couverture médiatique
et de la dissémination d'études financées par
le gouvernement fédéral sur cette question. Toutefois,
en dépit de tous ces efforts et des programmes d'éducation
du public, l'apathie généralisée et le refus
de prendre cette problématique au sérieux perdurent.
Ce jeune domaine exige notre attention constante si l'on veut qu'il
survive et qu'il se développe. Toutefois, récemment,
il est devenu de plus en plus politisé et malheureusement,
divisé selon des considérations féminines et
masculines.
En compétition pour les ressources, le financement gouvernemental,
la sympathie publique et l'attention des médias, des «camps»
se sont formés. Il y a un camp de victimes féminines,
un camp de victimes masculines et un camp d'agresseurs masculins.
Nous verrons bientôt apparaître des camps d'agresseurs
féminins, des camps d'enfants agresseurs sexuels, et même
d'autres. Les mauvaises relations entre ces groupes ont nui au développement
du domaine en général, à la coopération
et à la création des consensus voulus pour élaborer
une stratégie communautaire complète visant en enrayer
la violence sexuelle en général. La compétition
entre les différentes parties du domaine draine l'énergie
qui pourrait être beaucoup mieux utilisée au service
des clients. L'aspect le plus tragique est peut-être qu'en nous
empressant de diminuer les besoins des autres ou les expériences
des autres nous reproduisons le même type de comportement dysfonctionnel
au niveau des relations et de la communication que celui qu'ont vécu
de nombreux survivants et survivantes au sein de leur famille.
Les batailles entre les camps nous ont aveuglés quant au sexisme
qui s'est faufilé dans la pratique professionnelle et dans
les écrits. On peut observer ce fait dans les écrits
au sujet de la violence à l'égard des enfants qui parlent
de l'impact et de la domination en ce qui concerne les survivants.
Bien des gens, incluant des professionnels du domaine, seraient surpris
d'apprendre qu'il y a des milliers de livres et d'articles consacrés
aux victimes masculines. En dépit des nombreux écrits
des dernières années, dans le cadre des conférences
sur la violence, la victimisation ou la violence sexuelle, on ne s'est
guère penché sur les besoins des victimes masculines.
Le sexisme demeure une force puissante qui minimise les expériences
des femmes. Nous avons encore à valider les peurs et les inquiétudes
des femmes en ce qui a trait à l'agression sexuelle, le harcèlement
sexuel, et l'agression des épouses. Les refuges pour les femmes
battues et agressées continuent à lutter pour obtenir
des fonds et d'autres ressources nécessaires pour assurer aux
femmes et à leurs enfants les soins adéquats.
Voix en harmonie
Ne soyons pas naïfs quant aux communications difficiles qui
existent entre les deux camps. Ne croyons pas ce que les médias
affirment quand ils parlent de guerre ouverte entre les sexes. Ce
n'est pas vrai. Le temps est venu pour les hommes et les femmes de
bonne volonté de trouver un passage l'un vers l'autre et de
créer un mouvement puissant de guérison avec une vision
pour faire cesser la violence sous toutes ses formes et pour parler
d'une voix commune.
Nous avons besoin de passer de la rhétorique à un discours
plus global sur la violence et la victimisation; un discours qui reconnaît
les inégalités, qui ne s'approprie pas la voix d'un
survivant et qui essaie d'en arriver à un même discours,
une compréhension commune au niveau des expériences.
Nous avons besoin d'une nouvelle dynamique fondamentale pour modeler
et donner un sens à nos relations sociales, un nouveau modèle
de pouvoir qui nous rapprochera de l'équilibre entre les droits
et les intérêts des individus et des collectivités,
et un modèle qui saura promouvoir les relations égales,
et un sens communautaire renouvelé. La tâche est loin
d'être facile, mais elle est néanmoins fondamentale au
travail que l'on doit faire pour traiter des agressions sexuelles
et de toute autre forme de violence, et ce à la source.
Annexe A
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Annexe B
Ressources pour survivants adultes
Ressources à l'intention des femmes
The Courage to Heal: A Guide For Women Survivors of Child Sexual
Abuse
Bass, E. et L.. Davis, New York, Harper & Row, 1988.
I Never Told Anyone: Writings By Women Survivors of Child Sexual
Abuse
Bass, E. et L. Thornton, New York, Harper & Row, 1983.
Don't: A Woman's Word
Danica, E., Charlottetown, Î-P-É, Gynergy Books, 1988.
When You're Ready: A Woman's Healing From Physical and Sexual
Abuse by Her Mother
Evert, K., Walnut Creek, CA, 1987.
Woman, Why Do You Weep? Spirituality For Survivors of Childhood
Sexual Abuse
Flaherty, S., New York, Paulist Press, 1992.
Healing Voices: Feminist Approaches to Therapy With Women
Laidlaw, T. et C. Malmo, San Francisco, Jossey-Bass, 1990.
De victime à survivante : Un modèle de traitement
de groupe pour femmes ayant survécu à l'inceste, Saxe,
B., Ottawa Santé Canada - Centre national d'information sur
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Ressources à l'intention des hommes
Males at Risk: The Other Side of Child Sexual Abuse
Bolton, F., London, Angl., Sage, 1989.
Quand la porte s'ouvre : Modèle de traitement de personnes
de sexe masculin qui ont survécu à l'abus sexuel Crowder,
A., Ottawa, Santé Canada - Centre national d'information sur
la violence dans la famille, 1993.
Abused Boys: The Neglected Victims of Sexual Abuse
Hunter, M., Lexington, Mass., Lexington Books, 1990.
Victims No Longer
Lew, M., New York, Harper & Collins, 1990.
Male Victims of Abuse: An Annotated Bibliography
Mathews, F. et A. Lefresne, Toronto, Central Toronto Youth Services,
1994.
Suffer Little Children
O'Brien, D., St. John's, T.-N., Breakwater, 1991.
Men Surviving Incest
Thomas, T., Walnut Creek, CA, Launch Press, 1989.
Ressources à l'intention des hommes et des femmes
Adult Survivors of Child Sexual Abuse: A Fact Sheet
Kathryn Ann Hill, Ottawa, Santé Canada - Centre national d'information
sur la violence dans la famille, 1993.
Adults Molested As Children: A Survivor's Manual For Men &
Women
Bear, E. et P. Dimmock, Orwell, VT, Safer Society Press, 1988.
Therapy For Adults Molested as Children
Breire, J., New York, Springer, 1989.
Adult Survivors of Sexual Abuse: Treatment Innovations
Hunter, M., Newbury Park, CA, Sage, 1995.
Reclaim Yourself: A Manual For Survivors of Sexual Victimization
Davidson, B., Kamloops, C.B., McDade Resources, 1992.
Hope in Healing
Edwards, T. et D. Mary, Toronto, Source Re Source, 1994.
Adult Children of Abusive Parents
Farmer, S., Los Angeles, Lowell House, 1989.
For Four Own Good: Hidden Cruelty in Child-Rearing and the
Roots of Violence
Miller. A., New York, Farrar, Strauss, & Giroux, 1983.
Harm's Way: The Many Faces of Violence and Abuse Against Persons
With Disabilities
Roeher Institute, North York, ON, Roeher Institute
Ritual Abuse
Smith, M., San Francisco, Harper, 1993.
Ressources à l'intention des Autochtones
The Spirit Weeps
Martens, T., B. Dailey et M. Hodgson, Edmonton, AB, Nechi Institute,
1988.
Ressources à l'intention des groupes ethniques
Breaking The Silences: Considering Culture in Child Sexual
Abuse
Aronson-Fontes, L... Newbury Park, CA, Sage, 1995.
Ressources portant sur la sexualité
The Sexual Healing Journey: A Guide For Survivors of Sexual
Abuse
Maltz, W., New York, Harper & Collins, 1991.
Women's Sexuality After Childhood Incest
Westerlund, E., New York, Norton, 1992.
Ressources à l'intention des partenaires
Allies in Healing: When the Person You Love Was Sexually Abused
As a Child
Davis, L., New York, Harper & Collins, 1991.
Ghosts in the Bedroom: A Guide For Partners of Incest Survivors
Graber, K., Deerfield Beach, FL, Health Communications.
Ressources portant sur la toxicomanie
Out of the Shadows: Understanding Sexual Addiction
Carnes, P., Minneapolis, CompCare, 1990.
A Male Grief: Notes on Pornography and Addiction
Mura, D., Minneapolis, Milkweed Editions, 1987.
Adult Children of Alcoholics
Woititz, J., Deerfield Beach, FL., Health Communications, 1983
Anorexia, Bulimia, and Compulsive Overeating: A Practical Guide
for Counsellors and Families
Zraly, K. et D. Swift, New York, Continuum, 1990.
Ressources portant sur les agresseurs
Rompre le silence, faire naître l'espoir : une aide aux
adultes qui abusent sexuellement des enfants,
Mathews, F., Ottawa Santé Canada - Centre national d'information
sur la violence dans la famille, 1995.
Décider de réagir : les adolescents et les agressions
sexuelles
Mathews, F., Ottawa, Santé Canada - Centre national d'information
sur la violence dans la famille, 1993.
Female Sexual Offenders: An Exploratory Study
Mathews, R., J. Matthews et K. Spelt, Orwell, VT, Safer Society Press,
1989.
Violent Betrayal: Partner Abuse in Lesbian Relationships
Renzetti, C., Newbury Park, CA, Sage, 1992.
Learning to Live Without Violence: A Handbook For Men
Sonkin, D. et M. Durphy, San Francisco, Volcano Press, 1985.
Annexe C
Survivantes - bibliographie choisie
Armsworth, M. A qualitative analysis of adult incest survivors' responses
to sexual involvement with therapists. Child Abuse and Neglect,
no 14, 1990.
Armsworth, M. Therapy of incest survivors: Abuse or support? Child
Abuse and Neglect, no 13, 1989.
Bayer, T., et R. Connors. The emergence of child sexual abuse from
the shadow of sexism. Response to the Victimization of Women
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Berliner, L. Commentary: Sexual abuse effects or not? Journal
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Clark, K. Season of light/season of darkness: The effects of burying
and remembering traumatic sexual abuse on the sense of self. Clinical
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Wyatt, G., D. Guthrie, et C. Notgrass. Differential effects of women's
child sexual abuse and subsequent sexual revictimization. Journal
of Consulting and Clinical Psychology, no 60(2), 1992.
Annexe D
Survivants - bibliographie choisie
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Great Britain. Child Abuse & Neglect, no 9(4), 1985.
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Wahl, W. The psychodynamics of consummated maternal incest. Archives
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Woods, S. et K. Dean. Final Report. Sexual Abuse of Males Research
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Centre on Child Abuse and Neglect, 1984.
Annexe E
Association canadienne des familles
d'accueil - résumé du sondage des survivants adultes
d'agression sexuelle
L'association canadienne des familles d'accueil a mené un
sondage auprès de près de 2,800 organismes de services
sociaux à l'échelle du Canada. Les réponses de
ce sondage furent utilisées pour compiler un répertoire
national des services à l'intention des survivants adultes d'agression
sexuelle. Suit un bref résumé des résultats du
sondage.
Au total, 535 sondages furent remplis et retournés à
l'ACFA. De ce nombre, 357 organismes ont indiqué qu'ils offraient
un soutien et un service d'aide aux survivants adultes; 335 ont accepté
d'être inscrits au répertoire national. Parmi les 357
organismes, 223 offrant des services aux survivants adultes ont rapporté
qu'ils offraient aussi des services conçus pour les enfants.
PÉRIODE DE PRESTATION DE SERVICE. Près
de 35 % offrent des services depuis 1 à 5 ans, 24 % depuis
6 à 10 ans, et 36 % depuis plus de 10 ans. Un peu moins de
5 % offre des services depuis moins d'un an.
SEXE DES CLIENTS. Même si les 335 organismes
offrent des services aux survivantes, seulement 232 offrent de l'aide
ou du soutien aux survivants. Le Québec, l'Ontario et la Colombie
Britannique ont les niveaux de services les plus bas pour les services
offerts aux hommes comparativement aux femmes. Les Territoires du
Nord-Ouest et le Nouveau-Brunswick sont les seules régions
du pays où les services offerts semblent répartis dans
la même proportion aux hommes et aux femmes.
Toutefois, même si les services sont offerts aux hommes et
aux femmes partout à travers le pays, les chiffres prêtent
à confusion. Les résultats du sondage révèlent
que peu de services sont appelés spécifiquement des
programmes pour les survivants et encore moins de services ont un
personnel spécialement formé pour répondre aux
besoins des survivants. La plupart des programmes sont conçus
pour les survivantes et essaient tout simplement d'accommoder les
hommes qui demandent leurs services.
SERVICES. Les organismes offrent une gamme variée
de services aux survivants adultes. Le tableau suivant indique le
pourcentage selon les organismes offrant des types précis de
services de soutien.
85 % |
Counseling individuel |
67 % |
Counseling de groupe |
59 % |
Intervention de crise |
25 % |
Entraide |
53 % |
Consultation à court terme |
33 % |
Consultation à long terme |
51 % |
Aide à la famille |
11 % |
Traitement en résidence |
36 % |
Services de suivi |
10% |
Garderie |
61 % |
Références |
55% |
Défense des droits |
58% |
Formation professionnelle |
42% |
Information juridique |
81 % |
Réseau inter-organisme |
50% |
Défense (client) |
70% |
Éducation publique |
42% |
Préparation au procès |
62% |
Développement réseaux et ressources |
|
|
AUTRES SERVICES D 'AIDE. Certains organismes offrent
aussi des services de soutien au personnes autres que les thérapeutes
qui se spécialisent dans le soin des survivants.
63 % |
Partenaires des survivants |
63 % |
Famille |
41 % |
Amis des survivants |
|
|
TYPES DE CLIENTÈLE DESSERVIE. Les organismes
rapportent aussi qu'ils travaillent auprès de groupes variés,
comme l'indique la liste suivante :
71 % |
Minorités visibles |
69 % |
Ancien jeunes en soins |
67% |
Ancien résidant d'institution |
72 % |
Gais, lesbiennes |
63% |
Personnes handicapées physiques |
|
|
71 % |
Personnes handicapées mentales |
|
|
75% |
Premières Nations, Métis |
|
|
80% |
Personnes peu scolarisées |
|
|
LISTE D'ATTENTE. Près de 59 % des organismes
ayant répondu ont une liste d'attente pour leurs services.
De ce groupe, seulement la moitié pouvait offrir des services
à ceux qui étaient sur la liste.
TYPE D'ORGANISMES. La plupart des organismes offrant
des services aux survivants adultes sont des organismes communautaires
financés par le gouvernement.
67% |
Organisme communautaire à but non lucratif |
3% |
Service d'entraide |
2% |
Organisme religieux |
10 % |
Pratique privée |
1 % |
Organisme ethnique |
15 % |
Gouvernement |
2% |
Autres |
|
|
FRAIS. La plupart des organismes à l'échelle
du pays peuvent offrir des services gratuits pour leurs clients. D'autres
organismes ajustent les frais selon la capacité de payer du
client. Certains organismes demandent que celui-ci fasse un don.
72 % |
Gratuit |
19 % s |
Frais pour les service |
17 % |
Frais ajustés |
6 % |
Autres |
5 % |
Don |
|
|
SOURCES DE FINANCEMENT. Les organismes disposaient parfois
d'une seule source de financement tandis que d'autres avaient plusieurs
sources.
28 % |
Gouvernement fédéral |
77 % |
Gouvernement provincial |
20 % |
Gouvernement municipal |
26 % |
Centraide |
40 % |
Dons |
27 % |
Frais des clients |
9 % |
Assurance maladie |
36 % |
Levées de fonds |
3 % |
Autres |
|
|
ÉVALUATION. Seulement 45 % des organismes ont
été évalués de façon systématique.
PARTICIPATION DES USAGERS À L'ORGANISME. Auprès
de 61 % des organismes, les usagers participaient à différentes
fonctions; 69 % à titre de bénévoles, 39 % à
titre de employés rémunérés et 53 % comme
membres du conseil d'administration.
LACUNES DANS LES SERVICES AUX SURWVANTES ADULTES. Les
réponses au sondage indiquent un besoin d'accroître les
services. Les domaines précis visés : listes d'attente
plus courtes; plus de programmes de groupe; plus de counseling individuel;
garde d'enfants pour que les survivants puissent aller à leurs
séances de counseling; meilleur publicité pour les programmes
et les ressources; programmes plus accessibles; ressources de traitement
à long terme; plus de groupes d'entraide; plus de groupes d'intervention
en situation de crise; plus de services pour ceux qui souffrent de
syndrome de personnalités multiples; plus de ressources pour
le traitement de l'abus rituel; plus de personnel mieux formé;
plus de programmes gratuits ou à prix abordables; plus de programmes
de traitement résidentiels et plus de refuges; plus de programmes
pour les agresseurs féminins; plus de programmes pour les survivantes
lesbiennes; et plus de types de services à l'intention des
groupes ethniques.
Certaines personnes ont pointé du doigt des lacunes systémiques
comme : le besoin d'avoir plus de policières et davantage de
femmes médecins; une meilleure coordination et intégration
des services; plus de financement disponible pour les fonds de compensation
criminelle; plus d'appui et de défense de la part de la profession
juridique; plus de réseautage entre les organismes et les systèmes;
une meilleure formation pour les professionnels du système
de justice pénale pour aider à éviter de traumatiser
à nouveau les survivants lors du processus judiciaire; et des
modèles de programmes multi-services.
D'autres lacunes mentionnées souvent font état du besoin
d'avoir plus de soutien ou de services pour les autres. Par exemple
: le besoin d'éducation du public; l'appui pour les partenaires,
les membres non impliqués dans la violence familiale et les
enfants; et le counseling en relations.
LACUNES DANS LES SERVICES AUX SURVIVANTS ADULTES. Les
répondants ont indiqué un besoin généralisé
de créer plus de programmes et des services à l'intention
des survivants. Ils ont mentionné spécifiquement: le
besoin de formation pour les dispensateurs de traitement au sujet
des questions reliées aux survivants; les services d'intervention
en situation de crise; l'intervention précoce; le counseling
à long terme; les programmes spécifiquement axé
sur la condition masculine; des listes d'attente plus courtes; le
besoin d'auto-référence; des refuges pour les hommes
victimes d'agression sexuelle; plus de traitements de groupe; des
services dans les régions rurales; des services gratuits, plus
abordables et plus accessibles; des services pour les minorités
sexuelles; une meilleure publicité pour les programmes actuels;
le manque de services pour les jeunes hommes; le counseling en toxicomanie;
les habiletés à développer pour gérer
la colère; les services aux survivants agresseurs; des programmes
appuyant la transition des adolescents survivants aux programmes adultes;
les programmes d'ouverture pour les hommes; les services pour les
personnes handicapées; et le soutien des partenaires des survivants.
D'autres lacunes au niveau de l'aide ou des services offerts aux
hommes : le besoin d'accroître la conscience publique de la
violence sexuelle à l'égard des hommes; une meilleure
coordination et intégration des services pour les survivants;
des services pour les hommes agressés en prison ou dans d'autres
établissements; plus de conseillers masculins; plus de services
communautaires de santé mentale pour les hommes; et des services
pour les contrevenants qui ne sont pas dans le système judiciaire.
POINTS IMPORTANTS À CONSIDÉRER RELATIFS À
LÉLABORATION DES SERVICES POUR LES SURVIVANTES ADULTES. Les
répondants au sondage sont d'avis qu'il y a un nombre de questions
que l'on devrait toucher lorsqu'on élabore des services pour
les survivantes. Elles ont rapporté qu'à la différence
des hommes, les femmes sont : plus susceptibles à vivre de
la prostitution; plus susceptibles à diriger une famille monoparentale
ou d'avoir la responsabilité d'un ménage; plus susceptibles
de souffrir de dépression et de faible estime de soi; plus
susceptibles de subir des agressions dans une relation; plus susceptibles
de redevenir victimes; qu'elles ont plus de difficulté à
rester en contact ou à exprimer leur colère; sont plus
prêtes à s'engager dans une démarche de guérison
à long terme; ont plus tendance à se mutiler elles-mêmes;
s'inquiètent moins des questions d'orientation sexuelle et
sont plus souvent en crise lorsqu'elles arrivent pour se faire traiter.
POINTS IMPORTANTS À CONSIDERER RELATIFS À L'ÉLABORATIONS
DES SERVICES POUR LES SURVIVANTS ADULTES. Les répondants
au sondage ont indiqué que les services aux survivants adultes,
d'agression sexuelle ne sont pas toujours disponibles. Ils attribuent
cette situation à un certain nombre de facteurs : la difficulté
qu'ont les hommes à reconnaître l'agression sexuelle
ou à la divulguer; le manque de formation des intervenants
en matière de victimisation masculine; la croyance populaire
que la violence sexuelle à l'égard des hommes ne mérite
pas qu'on y accorde une attention spéciale; un ressac contre
le mouvement des victimes masculines; et le peu de connaissances ou
de compréhension du public envers les survivants masculins
en général. Les répondants croient qu'il y a
au sein de la société un désir d'aider les femmes
parce qu'elles sont plus facilement acceptées comme «victimes».
Les survivants aussi manquent de défenseurs pour élaborer
le travail qui débouchera sur les programmes et les services
nécessaires. Certains ministères provinciaux limitent
les organismes à la prestation de services aux survivantes
seulement. Les hommes sentent souvent que le système juridique
appuie moins les hommes qui désirent intenter un procès
à leur agresseur.
Certains répondants indiquent que les survivants : sentent
trop de colère et de honte pour entrer en thérapie;
font l'expérience de stigmates, à savoir «ne pas
être assez homme» pour se protéger; reçoivent
peu de validation sociale face à leur état de «victime»;
ont plus tendance à se maltraiter eux-mêmes ou à
adopter des comportements anti-sociaux comme réaction à
leur victimisation que les femmes; et ils sont plus susceptibles à
nier qu'ils ont subi l'agression sexuelle craignant de devenir agresseurs
à leur tour.
D'autres croient que : les hommes ont tendance à ne pas obtenir
les services voulus jusqu'à ce qu'ils soient traités
pour des comportements agressifs; des survivants remettent en question
leur orientation sexuelle et leur sexualité, surtout s'ils
ont été agressés par un homme; les hommes se
cachent fréquemment dans des groupes pour alcooliques ou toxicomanes;
ne reconnaissent pas leur agression comme telle, surtout si elle met
en cause des femmes plus âgées ou des adolescentes. Certains
croient que les hommes ont plus de difficulté à s'intégrer
et à rester dans un traitement de groupe parce que socialement
ils doivent faire face à leur douleur seuls.
POINTS À CONSIDÉRER RELATIFS À L'ÉLABORATION
DES SERVICES POUR TOUS LES SURVIVANTS D'AGRESSION SEXUELLE À
LÉGARD DES ENFANTS. Les répondant sont indiqué
en grand nombre que les services d'aide devraient être conçus
pour répondre aux besoins réels des survivants et pour
permettre aux clients de décider du ton et du rythme de leur
cheminement. Les répondants étaient d'avis que les services
devraient offrir : choix, prise en charge des clients; répondre
aux plus hautes normes de déontologie; être égaux;
sans jugement, empathiques et s'appuyant sur le respect des clients;
l'accent devrait porter sur les forces des clients; être sensibles
aux questions de pouvoir dans la relation thérapeutique; être
ouverts; encourager l'entraide; aider les clients à répondre
à leurs besoins juridiques, d'emploi, de logement; impliquer
les partenaires et les membres de la famille du survivant; offrir
une composante psycho-éducative sur les effets de la violence
sexuelle; offrir une évaluation complète des besoins
des clients; être sensibles aux besoins des deux sexes; et assurer
une confidentialité totale.
Certains répondants ont mis l'accent dans leurs réponses
sur la structure des programmes et ils étaient d'avis que les
services devraient offrir : des heures souples; un milieu sécuritaire
et confortable; la défense des clients et des questions d'agression
sexuelle; être accessibles par transport public; avoir le personnel
formé voulu pour répondre aux besoins de la collectivité;
assurer des soins d'entraide au personnel; recevoir un financement
stable; off rir les services les plus discrets possibles; tenir compte
des besoins sur les plans linguistique et ethnique; et offrir des
services divers et reliés aux autres services dans la collectivité.