Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
Sauter toute navigation -touch directe z Sauter au menu vertical -touch directe x Sauter au menu principal -touch directe m Sauter toute navigation -touch directe z
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil - ASPC Centres Publications Lignes directrices Index A-Z
Santé - enfants Santé - adultes Santé - aînés Surveillance Santé Canada



Volume 20, No 1- 2000

 

  Office de la santé publique du Canada

Éditorial invité sur les aspects relevant de la santé publique du dépistage génétique du cancer du sein au Canada

Simon B. Sutcliffe

 


La technologie médicale a pris le pas sur la sociologie de la médecine. [traduction]

Henry E. Sigerist (1891–1957)

Dans ce numéro de Maladies chroniques au Canada, Mark Elwood fait un tour d’horizon détaillé de nos connaissances sur les risques, les interventions, le choix des critères d’admissibilité et les modèles susceptibles de répondre aux besoins et à la demande liés aux tests de dépistage génétique du cancer du sein. Cette information a une large pertinence en santé publique tant pour les enjeux particuliers — détection des gènes BRCA1 et BRCA2 pour le dépistage du cancer du sein — que pour les enjeux généraux associés à la détermination de la prédisposition héréditaire au cancer et, peut-être, de façon plus générale, à la détermination de la prédisposition génétique au cancer sporadique.

Que pourrions-nous souhaiter d’un test de dépistage génétique du cancer? Je dirais disposer d’un essai fiable et reproductible qui, lorsqu’il est positif, indique que l’on va contracter la maladie et, lorsqu’il est négatif, que l’on ne va pas contracter la maladie; d’un essai spécifique d’un seul type de cancer, qui permette d’adopter des mesures curatives ou préventives grâce à l’identification précoce du gène avant l’apparition de la maladie, et que la population considère avec confiance comme une mesure de santé bénéfique.

C’est ce genre de test dont nous disposerions aujourd’hui d’après l’examen détaillé qu’a fait Elwood des faits entourant le test de détection des gènes BRCA1 et 2.

  • Les mutations surviennent dans le ou les gènes supresseurs de tumeur qui prédisposent au cancer du sein, au cancer de l’ovaire et à d’autres tumeurs épithéliales.

  • Le risque de cancer observé chez les porteurs de mutations génétiques pourrait être considérablement moindre dans les études récentes basées sur des populations que dans certaines études plus anciennes de familles à cas multiples.

  • La fréquence de la détection de mutations chez les cancéreux ou dans les familles présentant de lourds antécédents de cancer est plus faible dans les études récentes basées sur des populations.

  • On obtient des résultats faussement positifs à cause de l’identification de mutations dont on ignore la signification.

  • On obtient des faux négatifs (omission de mutations spécifiques, autre gène connu responsable, gène inconnu responsable, multiples gènes à faible pénétrance, facteurs familiaux et environnementaux communs, cas sporadiques dans des familles à haut risque); un test négatif n’est informatif que lorsqu’on connaît la mutation pertinente et qu’on la recherche.

  • La disponibilité du dépistage fondé sur des preuves et son accessibilité varient.

  • La qualité des preuves pour évaluer l’utilité des interventions selon qu’elles permettent ou non de déceler une mutation conférant une susceptibilité au cancer du sein est faible.

  • Parmi les femmes qui reçoivent un counselling du fait de leurs antécédents familiaux, nombreuses sont celles qui ont une perception grandement exagérée du risque qu’elles courent, dont l’anxiété est exacerbée et qui comprennent mal les avantages, les limites et les risques des tests génétiques.

  • Le counselling, aussi rigoureux et approfondi soit-il, pourrait n’avoir aucune incidence sur la perception exagérée du risque.

  • La publicité sur les facteurs génétiques conférant un risque élevé de cancer peut influer de façon positive ou négative sur la participation aux programmes de prévention et de détection précoce, selon que la perception du risque est justifiée ou non.

  • Il faudra mettre en place un système de surveillance basé sur la population si l’on veut maximiser les chances d’offrir des services aux personnes les plus susceptibles d’en profiter (c.-à-d., les porteurs de mutations génétiques), soit, en grande partie, en s’assurant d’obtenir des antécédents familiaux exacts et normalisés et en fournissant des services de counselling cohérents et vérifiables, qui permettent de sélectionner les personnes les mieux à même de profiter des tests génétiques, tout en atténuant suffisamment l’anxiété des sujets qui subissent le test et de ceux à qui le test est refusé.

Comme les gènes autosomaux dominants donnant lieu à des syndromes cancéreux semblent rares et que les syndromes de cancer héréditaire comportent souvent des supresseurs de tumeur ou des syndromes de réparation de mésappariement de l’ADN à la base de la prédisposition aux mutations et aux risques de cancer, les conclusions d’Elwood devraient aussi s’appliquer aux cancers familiaux autres que le cancer du sein. Comme en outre ce genre de mutations pourrait caractériser l’évolution génétique d’un processus cancérigène acquis, les mêmes problèmes techniques, cliniques et socio-comportementaux pourraient prévaloir.

Que pourrait-on donc attendre d’une meilleure connaissance des tests génétiques et de la prédisposition génétique au cancer et de la définition d’un nombre plus élevé de gènes associés à une prédisposition au cancer?

  • Aspects scientifiques (les paramètres de performance des «tests») : Quelles sont les mutations pertinentes? Quelle(s) maladie(s) permettent-elles de prédire? Quels sont les taux de faux positifs et de faux négatifs? Quelle est la valeur prédictive positive? Autres questions importantes : Quelles méthodes sont utilisées pour les tests? Quelles sont les normes de laboratoire? Quelle est la reproductibilité du test? En quoi ces données se comparent-elles au sein d’un même laboratoire et entre laboratoires, dans une même province et entre les provinces ou les pays?

  • Aspects cliniques : Qui devrait examiner les personnes en bonne santé présentant une prédisposition génétique au cancer : les généticiens cliniciens, les conseillers génétiques, les médecins de famille, les oncologues? Qui donne aux professionnels de la santé la formation nécessaire pour agir à titre de biologistes moléculaires et de thérapeutes auprès de la population bien portante, mais «à risque»? Quand et comment le relevé de mémoire des antécédents familiaux devient-il une carte généalogique détaillée pour les études de la prédisposition héréditaire? Qui déterminera ceux ou celles qui doivent subir des tests et/ou recevoir un counselling génétique en fonction du degré de risque (et comment s’y prendra-t-il)? Comment réglera-t-on le problème de la disponibilité et de l’évaluation des interventions (p. ex., dépistage par opposition à chimioprévention par opposition à chirurgie prophylactique) capables de modifier l’évolution et l’issue du cancer selon la prédétermination génétique du risque?

  • Aspects socio-économiques : À l’heure actuelle, la majorité des fonds affectés aux soins de santé servent à alléger le fardeau de la maladie des personnes malades. La détermination du risque de maladie au moyen de tests génétiques pose un dilemme : doit-on accroître les fonds affectés aux «bien portants» pour prévenir la maladie? Si la détermination du fardeau de la prédisposition familiale au cancer peut représenter une tâche limitée et gérable, la détermination de la prédisposition au cancer sporadique chez des séries de sujets «bien portants» pourrait par contre avoir d’énormes implications. Dans le contexte d’une médecine socialisée, l’utilisation et l’abus des tests génétiques menaceraient les ressources allouées aux laboratoires, au counselling et aux soins cliniques. Comme l’enveloppe est «limitée», comment peut-on payer à la fois pour que les bien portants demeurent en bonne santé et pour que les malades profitent de la médecine curative et palliative? Quel impact cela aura-t-il sur les cotisations et les contributions aux soins de santé... des bien portants, des malades, réparties entre tous les citoyens, adaptées aux besoins de chacun en matière de soins?

  • Pratique des soins de santé : Notre paradigme des soins de santé penche de plus en plus en faveur de l’intégration des soins chroniques et épisodiques (communautaires et tertiaires), de la prise en charge totale de la maladie et de l’agrégation du risque dans des populations entières. Nos systèmes de gestion et d’information devront surveiller les risques pour la santé et les lier au développement de la maladie, au traitement et au pronostic. Comment pourra-t-on concilier la «protection des renseignements génétiques personnels», le counselling intensif et hautement personnalisé et la confidentialité avec l’enregistrement des événements documentables au cours de la cancérogenèse, et la pratique des «soins intégrés», qui cherche à établir ce qui constitue la «meilleure pratique» pour des populations entières pendant toutes les phases reconnues du continuum du bien-être et de la maladie?

  • Aspects éthiques et juridiques : Qu’est-ce que la protection des renseignements génétiques personnels? Qui a accès à l’information et dans quelles circonstances? La situation diffère-t-elle pour les membres de la famille et pour les autres? Quelles questions éthiques soulève l’exécution de tests pour dépister des maladies pour lesquelles il n’existe peut-être aucune intervention efficace? Quelle est la nature du consentement éclairé et du counselling dans de telles circonstances? Si l’on doit «enregistrer» la prédisposition génétique comme un élément du continuum du bien-être pouvant conduire à la maladie, comment assure-t-on la confidentialité et qui a droit de savoir? ... L’employeur? La compagnie d’assurance?

  • Aspects personnels et socio-comportementaux : Comment transmet-on une information exacte et utile, qui atténue en même temps l’anxiété et conduit à adopter une attitude responsable à l’égard de la pratique des soins de santé et de l’utilisation des ressources de santé? Comment s’assure-t-on que les études appropriées sont effectuées, avec l’appui du public et sa confiance, en vue de recueillir l’information scientifique, clinique et sociologique nécessaires pour aborder un test génétique dans une perspective vraie et exacte? Comme les comportements des «bien portants» relèvent largement du domaine public, comment s’assure-t-on de la confiance et du soutien nécessaires pour confier le dépistage génétique du cancer, qu’il soit héréditaire ou sporadique, au système de santé public?

Dans les articles qui suivent, Elwood présente une interprétation personnelle de l’évolution des connaissances concernant les impacts cliniques et sociologiques de la détection des mutations génétiques conférant une susceptibilité au cancer du sein. Son opinion pourrait être teintée d’un certain pessimisme reflétant l’état peu avancé de la science ou évoquer le pire des scénarios possibles dans le cas du cancer du sein héréditaire. Mais une chose reste claire : les connaissances nouvelles n’ont pas apporté de solutions faciles. En fait, les questions sont toujours plus nombreuses que les réponses, et les problèmes soulevés doivent être abordés dans le contexte d’une recherche et d’une pratique rigoureuses et éthiques de la santé publique.

La santé n’est pas une chose que l’on peut imposer. Elle ne peut être donnée aux gens. Ceux-ci doivent vouloir préserver leur santé et être prêts à faire leur part et à collaborer sans réserves à quelque programme que leur pays décide de mettre sur pied. [traduction]

Can J Public Health 1944;35:260


Références de l’auteur
Simon B. Sutcliffe, vice-président, Services régionaux, Région de Vancouver, British Columbia Cancer Agency, 600 West 10th Avenue, Vancouver (British Columbia)  V5Z 4E6

[Table des matières] [Prochaine]

 

 

Dernière mise à jour : 2002-10-02 début