Gouvernement du CanadaAgence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
   
Sauter toute navigation -touch directe z Sauter au menu vertical -touch directe x Sauter au menu principal -touch directe m  
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil - ASPC Centres Publications Lignes directrices Index A-Z
Santé - enfants Santé - adultes Santé - aînés Surveillance Santé Canada
   

Volume 21, No 4 - 2000

 


Recensions de livres





Qualitative Research Methods: A Health Focus


par Pranee Liamputtong Rice et Douglas Ezzy
South Melbourne (Australie) : Oxford University Press, 1999;
x + 295 pages; ISBN 0-19-550610-3; 37,95 $ (couverture souple)


Cet ouvrage conçu à l’intention d’étudiants du premier cycle renferme une introduction à différentes méthodes de recherche qualitatives et à leurs fondements théoriques, dans le contexte de la recherche en santé. Il paraît à un moment fort opportun, étant donné la hausse de popularité asymptotique des méthodes de recherche qualitatives. En fait, cette tendance est particulièrement évidente dans le domaine de la santé, où des chercheurs comme les auteurs australiens de cet ouvrage font de nombreuses contributions empiriques fort utiles à l’aide de méthodes qualitatives et offrent d’excellentes analyses de la méthodologie qualitative.

L’ouvrage de Rice et Ezzy s’ouvre par un chapitre intitulé Théorie de la recherche qualitative : traditions et innovations [traduction]. On y trouve une vue d’ensemble fort instructive des perspectives théoriques dont s’inspirent les différentes méthodes de recherche, notamment le positivisme logique, l’ethnographie, la phénoménologie, l’interactionnisme symbolique, le féminisme, le post-modernisme et l’herméneutique. Ces renseignements généraux sont extrêmement utiles car ils aident le lecteur à comprendre les raisons d’utiliser les différentes méthodes qualitatives présentées dans l’ouvrage et ce que ces méthodes peuvent apporter aussi bien au chercheur qu’aux participants des études.

Le deuxième chapitre, Rigueur, éthique et échantillonnage [traduction], présente un survol théorique des divers critères utilisés pour évaluer la qualité (c’est-à-dire la validité et la fiabilité) de recherches qualitatives, critères qui varient selon les différentes perspectives théoriques décrites dans le premier chapitre. Ces critères vont du coefficient d’objectivité à la position relativiste et réflexive du post-modernisme, en passant par les pistes de vérification, la présence de citations directes et la triangulation. Les auteurs abordent la rigueur de la recherche en même temps que l’éthique, ce qui mérite d’être salué, puisque toute recherche doit à tout le moins être rigoureusement éthique. Vers la fin de ce chapitre, ils présentent un bref survol de diverses questions liées à l’échantillonnage (taille de l’échantillon, généralisabilité, etc.) et consacrent un paragraphe à chacune de douze stratégies d’échantillonnage (tels cas déviant, variation maximale, cas typique et échantillonnage par critère). Deux pages de ce chapitre traitent de l’échantillonnage théorique.

Ensuite, Rice et Ezzy consacrent un chapitre (d’une vingtaine de pages) à chacune de sept méthodes de recherche qualitatives, dont les méthodes classiques (interviews en profondeur, groupes de discussion, méthodes discrètes et ethnographie), quelques approches plus complexes (analyse narrative et cycle de vie, recherche participative) et une méthode relativement nouvelle, le travail de mémoire. Dans chaque cas, ils situent la méthode dans les différentes perspectives théoriques décrites dans le premier chapitre, en définissent les termes de base et en décrivent les principales étapes et démarches. De plus, ils donnent des exemples courts mais clairs illustrant l’application de chaque méthode dans des études sur différents sujets relevant de la santé (p. ex., le sida, la santé mentale, la santé publique, la santé des enfants et la santé des femmes). Enfin, ils présentent une liste concise mais utile des avantages et des limites de chaque méthode, quelques lectures conseillées et un exercice dirigé permettant au lecteur de mettre en application ce qu’il vient d’apprendre.

Les sept chapitres portant sur les méthodes qualitatives sont suivis d’un chapitre sur l’analyse de données qualitatives. Parmi les méthodes d’analyse présentées figurent l’analyse du contenu, la théorie à base empirique (grounded theory) et certaines approches sémiotiques et post-structuralistes. Différentes techniques de codage et l’analyse informatisée des données sont aussi abordées. Dans cette partie, les auteurs clarifient avec raison la différence entre l’analyse déductive et inductive du contenu. Malheureusement, ils brouillent par ailleurs la distinction entre l’analyse thématique et la théorie à base empirique, affirmant que la principale différence entre ces deux approches tient au fait que, contrairement à l’analyse thématique, la théorie à base empirique comporte un échantillonnage théorique (page 193). Parce qu’elle fait une large place à l’élaboration de théories, la théorie à base empirique diffère sensiblement de l’analyse thématique. Comme l’expliquent Strauss et Corbin1, «si la construction de théories est effectivement le but d’un projet de recherche, les conclusions doivent alors être présentées comme un ensemble de notions interreliées, et non comme une simple énumération de thèmes» [traduction].

Les deux derniers chapitres, fort instructifs, traitent de la rédaction d’un projet de recherche qualitative et d’un rapport de recherche qualitative. Tous les principaux éléments d’une proposition de projet de recherche y sont clairement expliqués, exemples à l’appui : importance de l’étude, information générale pertinente et raison d’être de l’étude, méthodologie, diffusion des conclusions, échéancier et justification du budget demandé. Dans la même veine, les principaux facteurs dont il faut tenir compte au moment de rédiger un rapport d’étude qualitative sont décrits de façon structurée, notamment l’auditoire auquel le rapport ou l’article s’adresse et les règles de présentation du manuscrit (selon qu’il s’agit d’un rapport d’étude, d’un article destiné à paraître dans une revue ou d’un livre). Les modalités de la proposition d’articles à des revues scientifiques, souvent absentes dans des ouvrages de ce genre, sont décrites. Autre gage du caractère pratique de ce livre, on y trouve la liste des critères d’évaluation des comptes rendus d’études qualitatives, qui peut servir d’aide-mémoire utile pour tous.

Dans l’ensemble, Rice et Ezzy ont su expliquer avec brio l’éventail des méthodes qualitatives et leurs fondements théoriques respectifs. Qui plus est, vu l’accessibilité de cet ouvrage, il est probable que les auteurs réussissent, comme ils le souhaitent, à stimuler l’intérêt des étudiants pour la réalisation de recherches qualitatives en santé.

Cependant, le dicton «Qui trop embrasse, mal étreint» s’applique en l’occurrence, car si les auteurs ont réussi à donner une portée très large à cet ouvrage, cela s’est fait aux dépens de la profondeur. Par conséquent, ce livre n’apprendra vraisemblablement pas grand-chose aux personnes qui ont déjà une bonne connaissance des méthodes de recherche qualitatives. Cependant, il n’en demeure pas moins une lecture utile pour les auteurs de recherches quantitatives en santé qui souhaitent mieux comprendre les méthodes sur lesquelles reposent les études qualitatives. Cela est d’autant plus vrai que, contrairement à certains chercheurs dont la préférence pour les méthodes qualitatives découle d’une réaction de rejet à l’égard de la nature décontextualisée et théorique des méthodes de recherche déductives, Rice et Ezzy ne prétendent pas que les méthodes de recherche qualitatives devraient être appliquées à tous les programmes et études du domaine de la santé (page 251). Bien au contraire, ils reconnaissent que les méthodes de recherche qualitatives peuvent être inadéquates dans beaucoup de cas, par exemple quand il faut recueillir des données épidémiologiques, quand des essais contrôlés randomisés peuvent fournir des données très diverses ou quand il faut généraliser les données à de grandes populations. Par ailleurs, il existe aussi des cas où il faut combiner des méthodes de recherche qualitatives et quantitatives pour répondre de façon satisfaisante aux questions des chercheurs. Les méthodes de recherche qualitatives s’avèrent précieuses lorsqu’il s’agit de comprendre et d’interpréter le sens que les gens accordent à la santé ou à la maladie. Quand c’est ce sens qu’il importe de saisir, il faut recourir aux méthodes de recherche qualitatives (pages 251–252).

Cote globale :  Excellent
Points forts : Vue d’ensemble complète et accessible des méthodes de recherche qualitatives utilisées dans le domaine de la santé
Exercices dirigés et glossaire extrêmement utiles pour les enseignants et les étudiants
Points faibles : Manque de profondeur
Lecteurs : Étudiants du premier cycle et personnes peu au fait des méthodes de recherche qualitatives
   

Référence

1. Strauss A, Corbin C. Basics of qualitative research: Techniques and procedures for developing grounded theory. Thousand Oaks (Californie): Sage Publications, 1998:145.


Connie M. Kristiansen
Professeure agrégée
Department of Psychology
Carleton University
Ottawa (Ontario) K1S 5B6


Social Epidemiology


Recueil d’articles publié sous la direction de Lisa F. Berkman et d’Ichiro Kawachi
New York : Oxford University Press, 2000;
xxii + 391 pages; ISBN 0-19-508331-8; 104,00 $ (couverture rigide)

Depuis dix ans, l’épidémiologie connaît une période fertile quoique remplie de défis. Le paradigme classique de cette discipline repose sur la mesure des expositions et des facteurs de risque chez les individus et sur l’évaluation de la contribution de ces expositions au risque de survenue d’affections particulières. Malgré la mise au point de techniques poussées d’évaluation des expositions et les progrès des méthodes d’analyse, les limites du paradigme classique pour ce qui est de fournir des explications complètes de la fréquence de maladies chez les individus et de la santé de populations ont fait l’objet de bien des critiques au cours des dix dernières années.

Face à ces limites, les connaissances conceptuelles et méthodologiques dans le domaine de l’épidémiologie ont progressé sur deux fronts à priori distincts : l’épidémiologie moléculaire et l’épidémiologie sociale. L’épidémiologie moléculaire s’attache à l’interaction des expositions individuelles et du patrimoine biologique de l’individu au niveau cellulaire ou moléculaire; elle intègre de plus en plus la mesure des variations génétiques entre les individus dans les hypothèses sur l’étiologie des maladies. Pour sa part, l’épidémiologie sociale s’intéresse au milieu social dans lequel l’individu évolue, milieu qui conditionne la nature des facteurs auxquels l’individu sera exposé et influence la résistance de ses mécanismes de défense.

La collection d’articles publiés dans Social Epidemiology (sous la direction de Lisa Berkman et d’Ichiro Kawachi de la Harvard School of Public Health) figure parmi les plus populaires des nombreux ouvrages récents qui offrent une synthèse des cadres conceptuels et des données empiriques dans ce domaine. L’ouvrage a quatre points forts.

Premièrement, les seize chapitres de ce volume illustrent de façon éloquente la nature interdisciplinaire de l’épidémiologie sociale. Bien que l’adhésion aux méthodes empiriques de l’épidémiologie soit le fil conducteur de l’ouvrage, les auteurs sont issus de disciplines très diverses qui vont de la sociologie à la médecine, en passant par la psychologie, les sciences politiques et la physiologie. Comme le volume publié il y a quelques années par des membres du Programme de santé de la population de l’Institut canadien des recherches avancées, intitulé Why are some people healthy and others not?1, ce recueil d’articles montre à quel point il est impératif que l’épidémiologie s’allie à d’autres disciplines des sciences humaines et des sciences de la vie pour favoriser une meilleure compréhension de la santé de la population.

Deuxième point fort : chaque chapitre fait une large place aux travaux qui ont marqué l’histoire de l’épidémiologie sociale. Cet historique est une contribution importante qui fait d’ailleurs l’objet d’un chapitre rédigé par les directeurs de la publication. S. Leonard Syme, qui a considérablement influencé l’évolution de ce domaine (et qui a grandi dans le quartier nord de Winnipeg) lui consacre sa préface.

Troisième point fort : bon nombre des auteurs des articles de ce recueil sont des sommités mondiales de l’épidémiologie sociale. Le chapitre que signent John Lynch et George Kaplan sur la position socio-économique est une synthèse contemporaine particulièrement brillante des questions conceptuelles et empiriques qui éclairent les rapports entre la situation socio-économique et la santé. Le chapitre de Sally Macintyre et d’Anne Ellaway, ainsi que celui de Michael Marmot, illustrent avec éloquence les répercussions conceptuelles de l’incorporation de mesures du milieu physique et social dans des études sur les déterminants de la maladie. Enfin, le chapitre signé par Eric Brunner présente un excellent sommaire des données prouvant l’existence d’effets directs du milieu social sur la régulation des fonctions homéostatiques endocriniennes et immunitaires.

Le quatrième point fort de cet ouvrage réside dans sa structure conceptuelle. Les différents chapitres décrivent la conceptualisation et la mesure des principaux facteurs sociaux qui influencent la santé (position socio-économique, répartition des revenus, discrimination liée à la race, à l’origine ethnique ou au sexe, réseaux sociaux et soutien social, capital social et cohésion sociale, milieu de travail et transitions de la vie) plutôt que des catégories de maladies. Cette structure fait clairement ressortir l’influence généralisée et persistante du milieu social sur l’état de santé et le bien-être des populations humaines. Elle souligne aussi sans équivoque l’importance des mesures et des politiques gouvernementales qui déterminent la qualité et la forme des milieux sociaux dans lesquels nous évoluons aux différentes étapes de notre vie.

Référence

1. Evans RG, Barer ML, Marmor TR. Why are some people healthy and others not? Determinants of health of populations. New York, Aldine de Gruyter, 1994.

Cam Mustard
Professeur agrégé, Public Health Science
Faculty of Medicine, University of Toronto, et
Directeur scientifique
Institut de recherche sur le travail et la santé
250 Bloor Street East
Toronto (Ontario) M4W 1E6

[Précédente] [Table des matières][Prochaine]

Dernière mise à jour : 2002-10-02 début