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Évaluation des besoins fondée sur des données épidémiologiques pour les services aux victimes d'accident vasculaire cérébralRésuméL'accident vasculaire cérébral (AVC) est justiciable de toute la gamme des services de santé, allant de la prévention des facteurs de risque, au traitement de l'AVC aigu, à la réadaptation et aux soins de soutien. La présente étude avait pour objet de déterminer le nombre de victimes d'un AVC qui pourraient tirer profit de services efficaces fondés sur des données probantes. Nous avons utilisé des données tirées d'enquêtes en population et de registres ainsi que des recommandations publiées qui sont fondées sur des données probantes pour déterminer le nombre de personnes dans l'Est de l'Ontario ayant subi un AVC (facteurs de risque, AVC aigu et AVC chronique) et les besoins de services découlant de leur état (dont des programmes de prévention, des services diagnostiques, des traitements en présence de l'AVC aigu et des services de réadaptation). Nous avons ensuite comparé ces estimations aux services effectivement offerts. Les estimations des besoins en services efficaces dépassaient l'offre de tous les services, à l'exception du traitement pharmacologique du diabète et de l'endartériectomie carotidienne en présence d'un AVC aigu. Cette méthode a permis de déterminer la « surprestation » et la « sous-prestation » de services jugés efficaces selon des données probantes aux victimes d'AVC. Elle a montré qu'une évaluation des besoins fondée sur des données épidémiologiques pourrait s'avérer utile dans la planification des services de santé. Mots clés : AVC, évaluation des besoins, prestation de services de santé IntroductionQuelle est la quantité et la nature des services à fournir aux victimes d'AVC à l'échelle de la population? Les réponses à ces questions dépendent largement des « besoins » en services et de la façon dont les besoins sont définis. Définir les besoins soulève certaines difficultés en raison des nombreuses façons dont le terme est utilisé. Le sens du terme « besoins » diffère selon qu'il est défini par des experts (normatif) ou des personnes dont l'état de santé est mauvais (perçu ou exprimé) et de la façon dont il est mesuré (par comparaison, demande et utilisation)1,2. Ces distinctions sont théoriques et leur utilité pratique est discutable. La question est rendue encore plus complexe par la confusion qui existe entre les besoins en termes de santé, qui sont comblés par des améliorations sociales d'envergure, et les besoins en services de santé, c'est-à-dire les interventions qui sont généralement pratiquées par des médecins, des infirmières et d'autres professionnels de la santé. Dans les faits, on a recours a quatre méthodes pour évaluer les besoins en services de santé. La première, et peut-être la plus répandue, est l'opinion, et celle-ci est obtenue lorsqu'on sonde les fournisseurs de services de santé ou les représentants de la communauté pour connaître leur avis sur le type et la quantité de services requis. Bien que ces opinions soient éclairées par l'expérience, elles ne sont pas nécessairement fondées sur des mesures objectives ou preuves d'efficacité. Bien qu'il s'agisse de la façon la plus courante d'évaluer les besoins en santé, elle est souvent critiquée parce qu'elle est jugée peu objective et qu'elle repose sur l'opinion de personnes qui ont un intérêt direct dans le maintien d'un service. La deuxième façon d'évaluer les besoins en services de santé fait appel à une formule de financement fondée sur la capitation ou sur les besoins, il s'agit plus précisément d'un processus d'affectation des ressources. Son usage découle d'observations faites au Royaume-Uni selon lesquelles les régions affichant les taux d'utilisation les plus élevés étaient également les plus pauvres et celles qui recevaient le moins de ressources en santé. Cette situation a été à l'origine de la création du Resource Allocation Working Party (RAWP), qui a été chargé de trouver des façons plus équitables de distribuer des ressources aux régions dont les besoins étaient les plus importants3. Les formules utilisées contiennent généralement de l'information sur la composition par âge et par sexe de la communauté et sont habituellement modifiées par les ratios standardisés de mortalité (RSM), qui sont une mesure indirecte de l'état de santé de la population4. Les formules de financement par capitation ont aussi été utilisées pour attribuer d'autres ressources, en particulier pour estimer les besoins en médecins5. Troisièmement, les besoins en services de santé sont définis en termes d'utilisation des services de santé (p. ex., le nombre de personnes recevant leur congé de l'hôpital) ou en attente de traitement (demande). L'utilisation dans chaque région peut être comparée à une norme ou une valeur de référence générale. La difficulté inhérente à cette approche est que la norme peut être arbitraire ou fondée sur des profils historiques de l'utilisation qui ne rendent pas nécessairement compte de la réalité actuelle, p. ex., en raison de l'avènement de nouveaux traitements et de preuves que les traitements couramment acceptés sont peut-être inefficaces6. En outre, les profils de soins fournis indiqueront à la fois un usage inapproprié par les consommateurs et une demande inappropriée imputable aux pourvoyeurs de soins, qui ne sont ni l'un ni l'autre des composantes de l'offre de soins nécessaires7. Enfin, la dernière méthode a été appelée « l'évaluation des besoins reposant sur des données épidémiologiques » ou les « services requis par la population »8,9. Les principales caractéristiques de cette méthode sont 1) qu'elle est basée sur la population; 2) qu'elle permet l'intégration de preuves de l'efficacité (revues systématiques, déclarations de consensus, lignes directrices); et 3) qu' elle fournit des estimations des nombres absolus d'interventions requises. Une intervention peut englober la promotion de la santé, la prévention de la maladie, les soins primaires, les soins secondaires, les soins de réadaptation et les soins palliatifs. Le UK National Health Service a été le chef de file dans ce domaine depuis ses réformes de 1991 qui ont mis en lumière l'importance d'évaluer les besoins en santé de la population10. Si les estimations des besoins qui ont été définis dans le cas de la prostatectomie, de la chirurgie primaire de remplacement de la hanche, de la chirurgie de la cataracte et de la radiothérapie pour le cancer du poumon, il reste que la méthode n'a jamais été utilisée pour estimer les besoins de services en cas d'AVC11-15. L'AVC représente une cause importante de morbidité et de mortalité chez les Canadiens. On estime qu'il s'agit de la troisième cause en importance de décès au Canada10. En outre, l'AVC est justiciable de la gamme complète des services de santé, allant de la prévention des facteurs de risque, au traitement de l'AVC aigu, à la réadaptation et aux services de soutien en présence d'un AVC chronique. Serait-il possible d'estimer le nombre de personnes dans la population qui se trouvent à chacun de ces stades et de les aiguiller vers des services efficaces éprouvés? L'objet de la présente étude consiste à examiner la faisabilité de procéder à une évaluation des besoins reposant sur des données épidémiologiques dans le contexte canadien en se fondant sur des données sur la santé de la population dans le cas de l'AVC, par exemple. Plus précisément, les objectifs consistent à 1) estimer le nombre de personnes au sein de la population qui sont victimes d'un AVC et qui pourraient bénéficier d'interventions efficaces (besoins de la population) et 2) à déterminer le nombre de services de santé liés aux AVC qui sont fournis à la population afin d'examiner s'il existe des écarts entre les deux. MéthodesNous avons utilisé un certain nombre de données sur la population ainsi que des recommandations publiées qui sont fondées sur des données probantes pour déterminer le nombre de personnes dans la population qui présentaient des facteurs de risque d'AVC, d'AVC aigu et d'AVC chronique ainsi que les besoins connexes en matière de services de santé (programmes de prévention, services diagnostiques, traitement de l'AVC aigu et réadaptation). La population étudiée était la population de l'Est de l'Ontario de 1996 qui était âgée de 25 ans et plus (n = 1 021 910). Nous avons ensuite comparé les estimations des services requis par la population aux données sur les services fournis, qui ont été tirées des données administratives recueillies systématiquement. Les cinq principales étapes étaient :
Chacune de ces étapes est décrite en détail ci-dessous. Estimation de la survenue de l'AVCNous avons estimé la prévalence de l'AVC en appliquant des estimations de la prévalence selon l'âge et la sexe pour chaque facteur de risque à la population de l'Est de l'Ontario de 199616 puis nous les avons additionnées pour obtenir la fréquence totale de chaque facteur de risque. Nous avons utilisé l'enquête sur la santé en Ontario de 1996-199717 et la base de données de l'Enquête canadienne sur la santé cardio-vasculaire18 pour estimer la prévalence des facteurs de risque d'AVC, à l'exception de la fibrillation auriculaire et des ischémies cérébrales transitoires, dont les données ont été tirées d'autres sources publiées19-23. En l'absence de données canadiennes sur l'incidence, nous avons tiré les données sur l'incidence de l'AVC aigu d'un registre des AVC à Auckland, Nouvelle-Zélande, et les avons appliquées à la population de l'Est de l'Ontario24-27. Les estimations de la survie à 7 jours et à 28 jours ont été tirées de plusieurs registres internationaux portant sur un total de 7 984 AVC28-32. La prévalence de l'AVC chronique associé à une ou plusieurs incapacités a été tirée de l'Enquête sur la santé en Ontario de 199033. Nous avons appliqué ces estimations de la prévalence selon l'âge et le sexe à la population de l'Est de l'Ontario de 1996 pour calculer la fréquence estimative des cas d'AVC chroniques dans la région. Pour ce qui est des données sur le nombre de victimes d'AVC dans l'Est de l'Ontario qui décédaient dans les 1 à 28 jours, nous avons relié les données sur les congés des hôpitaux de l'Institut canadien d'information sur la santé et de la base de données sur les personnes enregistrées (Registered Persons Database) qui fournit la date de décès, s'il y a lieu, des personnes qui ont une carte valide du régime d'assurance-maladie de l'Ontario35. Le lecteur trouvera dans le tableau 1 un sommaire des sources de données utilisées pour mesurer la prévalence des facteurs de risque, les cas d'AVC aigus et chroniques ainsi que les références pertinentes.
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TABLEAU 1
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Identification des services recommandés dans les cas d'AVCNous avons compilé une liste des services à fournir aux victimes d'AVC en procédant à une revue approfondie de la littérature publiée dans des revues de médecine et de soins et en consultant des experts recrutés auprès de groupes de professionnels de la santé et de groupes appropriés de défense des intérêts des consommateurs. Ensuite, nous avons effectué d'autres recherches bibliographiques dans les bases de données Medline et Cochrane afin de recueillir des preuves de l'efficacité des interventions. Pour les fins de la présente étude, un service de santé « efficace » correspond à un service pour lequel il existe des preuves témoignant de son efficacité en ce qui concerne la prévention ou le traitement de l'AVC et/ou l'atténuation d'un facteur de risque lié à l'AVC. Les premières recherches ont mis en lumière des lignes directrices pour la pratique clinique et des déclarations de consensus concernant les services étudiés, car ces rapports fournissaient des résumés utiles de l'ensemble des preuves. Nous avons également fait des recherches pour trouver des revues systématiques ou des méta-analyses d'essais cliniques portant sur l'efficacité de chaque service. Quand les recherches ne permettaient pas de trouver des méta-analyses, nous les répétions pour trouver le niveau le plus élevé de preuves suivant, soit des essais comparatifs randomisés (ECR). Pour les services qui n'avaient pas fait l'objet d'ECR, nous avons procédé à une troisième recherche de la littérature qui n'imposait aucune limite quant au plan d'étude. Nous avons coté la qualité des preuves relatives à l'efficacité des services de santé au moyen d'une échelle à quatre niveaux qui est une adaptation de celle de la U.S. Agency for Health Care and Policy Research35. Nous avons ensuite résumé chaque étude dans des tableaux en utilisant l'information suivante : 1) intervention non-pharmacologique ou pharmacologique; 2) type de service particulier; 3) niveau de preuves, 4) résultat mesuré et 5) effet du traitement. En tout, nous avons évalué 150 études différentes. Le lecteur trouvera au tableau 2 un sommaire des interventions efficaces de même que les sources des recommandations.
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TABLEAU 2
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Estimation des services requis par la populationLes services de santé axés sur les facteurs de risque ont été classés en trois catégories : les interventions non pharmacologiques, les interventions pharmacologiques et les interventions chirurgicales. Les estimations de l'utilisation de ces services de santé par les personnes présentant des facteurs de risque spécifiques ont été tirées de la littérature et utilisées pour déterminer la proportion de personnes à risque qui pourraient bénéficier de chaque type d'intervention. Les services de santé destinés au traitement de l'AVC aigu ont été regroupés en trois grandes catégories : les services essentiels, les services restreints et les services de réadaptation (c.-à-d. orthophonie, ergothérapie, physiothérapie). Les services restreints ont été définis comme des services qui devraient être fournis uniquement à une certaine proportion des victimes d'un AVC aigu, en raison des coûts, de l'offre, des risques d'effets indésirables et de l'absence de bienfaits prévus. Ces services englobent les traitements thrombolytiques, les services d'imagerie du cerveau et des vaisseaux, l'endartériectomie carotidienne et les services de réadaptation. Nous avons ensuite estimé la fréquence de ces indications chez les patients ayant subi un AVC par une recherche bibliographique et la consultation d'experts dans le domaine. Ces estimations ont alors été utilisées pour déterminer la proportion des cas d'AVC qui avait besoin de chacun de ces services restreints. Estimation des services fournisNous avons examiné les interventions préventives fournies dans le but de modifier les facteurs de risque existants. Toutes les estimations des interventions pharmacologiques en présence de facteurs de risque d'AVC ont été tirées de la base de données de l'Index canadien des maladies et traitements de 1996, des données sur la pharmacothérapie recueillies trimestriellement auprès d'un échantillon de 652 médecins canadiens travaillant en cabinet et ventilés par spécialité36. Ces données peuvent être utilisées pour estimer le nombre total de cas traités par diagnostic. Les estimations des médicaments utilisés pour traiter le diabète et l'hypertension ont été tirées des données de l'Enquête sur la santé en Ontario de 1996-199737. Les informations sur les traitements fournis aux cas d'AVC hospitalisés proviennent de la base de données sur les hôpitaux de l'Institut canadien d'information sur la santé38. Nous avons examiné la base de données des demandes de paiement des honoraires à l'acte du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario pour obtenir une estimation du nombre de cas d'AVC qui n'ont pas été hospitalisés dans l'Est de l'Ontario en 199639. Nous avons eu recours aux bases de données sur les patients hospitalisés et les chirurgies d'un jour pour estimer le nombre de personnes de l'Est de l'Ontario en 1996 ayant reçu un diagnostic d'AVC qui ont subi une imagerie du cerveau, une imagerie vasculaire non invasive ou une endartériectomie carotidienne40. Aucune base de données provinciale ne recueille de l'information sur des interventions restreintes en cas d'AVC, c'est-à-dire l'angiographie cérébrale classique et la thérapie thrombolytique. Par conséquent, l'information sur ces deux modalités a été recueillie auprès de chacun des quatre centres locaux qui ont pratiqué des angiographies cérébrales classiques en 1996. Le nombre de personnes ayant reçu de l'activase, un activateur du plasminogène tissulaire recombinant (r-tPA) au cours des premières années où ce traitement était offert a été tiré du Canadian Activase for Stroke Effectiveness Study41. Nous avons sondé toutes les unités de réadaptation de l'Est de l'Ontario pour recueillir de l'infor-mation sur les traitements de réadaptation dans les cas d'AVC. Nous avons utilisé la base de données sur les systèmes d'administration des soins à domicile de l'Ontario (Ontario Homecare Administrative Systems Database) pour déterminer le nombre de personnes présentant une incapacité liée à un AVC en 1996. Ce nombre a été calculé à partir du nombre de personnes recevant des services de soins à domicile chez qui l'AVC était le diagnostic primaire ou secondaire42. RésultatsFacteurs de risqueIl est estimé que 203 000 personnes (19,9 % de la population âgée de 25 ans et plus) de l'Est de l'Ontario souffre d'hypertension, le principal facteur de risque de l'AVC, car entre 23 % et 48 % de l'AVC sont liés à la présence d'une hypertension. La prévalence estimée des autres facteurs de risque de l'AVC s'établissait ainsi : sédentarité (397 300), obésité (343 100), tabagisme (282 500), hypercholestérolémie (177 200), cardiopathies ischémiques (55 200), diabète (41 200), forte consommation d'alcool (35 500), fibrillation auriculaire (17 800) et ischémies cérébrales transitoires (13 600). Nous avons identifié un certain nombre d'interventions pharmacologiques et non pharmacologiques bénéfiques. L'AVC aiguIl est estimé que 3 525 personnes ont été victimes d'un AVC en 1996. De ce nombre, 3 419 personnes qui ont survécu immédiatement après la survenue de l'AVC ont eu besoin de services de base pour un AVC aigu. Ces services englobaient des épreuves diagnostiques, la prévention de récurrences, la prévention d'une thrombo-embolie veineuse, des services de soutien au patient et à la famille, l'évaluation des incapacités et une évaluation en vue de la réadaptation en milieu hospitalier. Sur les 3 419 survivants à court terme, il est estimé que 3 031 ont dû être hospitalisés et que 2 926 étaient toujours vivants 28 jours après la survenue de l'AVC. Les modalités diagnostiques requises englobaient l'imagerie du cerveau par tomographie assistée par ordinateur (n = 3 419), l'imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) (n 342) et d'autres techniques d'imagerie invasives (n = 273). Trois cent trente-trois des 3 419 survivants auraient pu éventuellement bénéficier d'un traitement à base de r-tPA alors que 137 auraient pu subir une endartériectomie carotidienne. AVC chroniqueIl a été estimé que 1 846 survivants d'un AVC aigu ont eu besoin de traitements de réadaptation en raison de leur AVC en 1996. Ces thérapies étaient requises pour le traitement de plusieurs troubles dont une paralysie, des déficits cognitifs, des troubles du langage, des troubles de déglutition, une atteinte des fonctions vésicale ou intestinale, des troubles du sommeil et des dysfonctions sexuelles. On estime que 4 312 personnes qui ont survécu à un AVC en 1996 ou avant ont eu besoin d'une aide permanente pour exécuter leurs activités de la vie quotidienne (AVQ). Comparaison des besoins estimés et des services fournisLorsque nous avons comparé ces besoins aux services effectivement fournis, nous avons noté un léger excédent net de l'offre par rapport au besoin d'endartériectomie carotidienne (137 interventions requises comparativement à 196 pratiquées) et un important excédent net en ce qui concerne la pharmacothérapie pour le diabète (18 500 interventions requises comparativement à 28 600 fournies). Quant à tous les autres services de santé pour l'AVC aigu et chronique, nous avons noté que les besoins n'étaient pas satisfaits, c'est le cas notamment du traitement à base de r-tPA (333 interventions requises comparativement à 52 fournies), de la tomographie (3 419 interventions requises contre 1 006 fournies), l'IRM (342 interventions requises contre 145 fournies), l'imagerie vasculaire par échographie (3 419 interventions requises contre 432 fournies), l'angiographie vasculaire radiographique (274 interventions requises contre 168 fournies) et l'assistance dans l'exécution des AVQ (4 312 interventions requises contre 1 435 fournies). Le lecteur trouvera dans le tableau 3 un aperçu sommaire des écarts entre les services requis et les services fournis aux victimes d'AVC.
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TABLEAU 3
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AnalyseCette étude a établi qu'il était possible d'utiliser des données sur la santé de la population pour estimer les besoins en matière de services de santé. Les estimations des services requis par la population pour les cas d'AVC dépassaient les services fournis, et ce pour tous les services, à l'exception au traitement pharmacologique du diabète et de l'endartériectomie carotidienne en présence d'un AVC aigu. La détermination des écarts entre les besoins estimés et les services effectivement fournis dans des populations locales peut être un moyen utile de planifier la prestation des services de santé. Avant de tirer quelque conclusion que ce soit, il faut définir les limites éventuelles de la présente étude. Celles-ci englobent :
Nous avons utilisé les données locales pour estimer les services requis par la population lorsque ces données étaient disponibles. Dans certains cas (p. ex., fibrillation auriculaire et ischémie cérébrale transitoire) nous ne disposions pas de données locales, aussi avons-nous appliqué des données provenant de l'étranger aux populations locales. Par exemple, nous avons eu recours à des données sur l'utilisation provenant de Rochester au Minnesota pour estimer les besoins en soins hospitaliers de courte durée. Étant donné que la proportion des cas d'AVC de Rochester qui ont nécessité une hospitalisation (86 %) est relativement plus élevée que les autres proportions signalées, il est possible que nous ayons surestimé les besoins en services hospitaliers pour l'AVC dans l'Est de l'Ontario. Nous avons compilé des listes exhaustives de services de santé pour chaque état découlant d'un AVC et pour chaque service de santé, nous avons établi un sommaire des meilleures preuves d'efficacité disponibles. Notons cependant que pour la majorité (plus de 150) des services de santé recensés, nous avons trouvé trop peu de détails pour être en mesure de décrire les preuves de l'efficacité de chaque service de santé. Dans de nombreux cas, il a été difficile d'obtenir des mesures des services fournis, en particulier dans le cas du nombre de personnes touchées par les programmes de promotion de la santé ciblant certains facteurs de risque particuliers d'AVC, parce qu'on ignore la proportion des personnes touchées par ces programmes qui présentaient effectivement le facteur de risque en question. Par conséquent, les estimations que nous avons pu obtenir des unités de santé publique concernant le nombre de personnes qui avaient une forte consommation d'alcool, un mode de vie sédentaire ou qui fumaient ont été jugées peu fiables et ont été exclues du présent rapport. La plupart des estimations du nombre de personnes qui ont fait l'objet d'interventions pharmacologiques pour les divers facteurs de risque d'AVC ont été tirées de la base de données de l'Index canadien des maladies et traitements de 1996. Lorsqu'on compare les estimations des besoins aux services fournis, sauf pour le diabète, on note une sous-utilisation apparente considérable des interventions pharmacologiques. L'Enquête sur la santé en Ontario de 1996-1997 a signalé une utilisation de médicaments qui correspond plus étroitement à nos estimations des besoins. Des lignes directrices strictes ont été établies concernant le recours à la r-tPA au Canada56. La proportion des cas d'AVC aigus arrivant dans un service d'urgence dans les trois heures suivant la survenue de l'AVC qui seraient justiciables d'un traitement à base de r-tPA n'a pas encore été établie au Canada57, aussi l'estimation du modèle selon laquelle 333 pourraient éventuellement bénéficier de la r-tPA pourrait-elle être une surestimation. FIGURE 1
Notre estimation du nombre de survivants d'un AVC aigu recevant des services de réadaptation est tirée de rapports des unités de réadaptation de l'Est de l'Ontario. Ces unités ont fourni des données uniquement pour les personnes qui ont reçu des services d'ergothérapie, d'orthophonie et de physio-thérapie. En outre, toutes les unités de réadaptation n'ont pas fourni des statistiques sur les personnes recevant des services de réadaptation en consultation externe. La sous-déclaration de ces services pourrait donner lieu à une sous-estimation du nombre de personnes traitées. Si nous avons estimé l'ensemble des services requis et fournis, il reste que nous n'avons aucun moyen de savoir si les services fournis l'ont été à des personnes qui en avaient besoin. En d'autres termes, il existe vraisemblablement un décalage entre les services requis et les services fournis à l'échelle individuelle, qu'il est convenu d'appeler un biais écologique. Un manque apparent de services indique donc un manque net de services, et correspond alors à la limite inférieure des besoins non satisfaits : dans la mesure où les services ont été fournis à des personnes qui n'en avaient pas besoin, les besoins non satisfaits sont encore plus grands. Des arguments semblables s'appliquent à la fourniture excessive de services. L'examen des dossiers médicaux d'un échantillon de personnes recevant une intervention donnée pourrait permettre de déterminer dans quelle proportion des cas l'intervention était indiquée. Il serait alors possible d'estimer par soustraction les services qui ont été fournis à bon escient, les besoins non satisfaits et la surprestation de services. Une dernière limite de la présente étude est le décalage temporel qui existe entre le moment auquel on effectue une recherche bibliographique et l'émergence de nouveaux traitements. Par exemple, l'administration d'ancrod par voie intraveineuse et le traitement endovasculaire sont deux traitements de l'AVC aigu qui font actuellement l'objet d'une revue de la littérature, mais ne sont pas encore répandus en Ontario50,58-61. Les difficultés inhérentes à la réalisation d'évaluations des besoins fondées sur des données épidémiologiques tiennent à suivre les changements de l'environnement des soins de santé tout en se fiant à des preuves rigoureuses revues par des pairs. En général, les estimations des services requis par la population en présence d'un AVC dépassent les services qui sont effectivement fournis. Nombre des indications des traitements ont été tirées de sources américaines, où le système de santé est davantage mené par la technologie, ce qui entraîne une fourniture plus intensive de services. L'application de normes américaines de prestation de services aux populations canadiennes pourrait donner des estimations des services requis qui sont jugées excessives d'après les normes canadiennes. Néanmoins, les résultats de cette étude donnent à entendre qu'il y a une certaine sous-prestation de services destinés aux victimes d'un AVC dans l'Est de l'Ontario. Un rapport examinant les résultats d'enquêtes auprès des hôpitaux sur les soins aux victimes d'AVC en Ontario attribue le manque de services à l'affectation des ressources et aux délais d'attente62 . Ce rapport a noté que tous les hôpitaux ne possèdent pas l'équipement nécessaire, comme des tomographes et des scanners d'imagerie par résonance magnétique, pour diagnostiquer les causes de l'AVC aigu. Chez les cas classés « urgents », le délai d'attente médian pour une tomographie s'établissait à deux heures dans les hôpitaux qui possédaient un tel équipement et 12 heures dans ceux qui n'en possédaient pas. Le délai d'attente médian pour tous les patients était de 12 heures dans les hôpitaux possédant l'équipement nécessaire et 24 heures dans les autres63. Le même argument s'applique aux interventions comme l'imagerie vasculaire invasive et non invasive. Si un centre ne possède pas les installations diagnostiques adéquates ni le personnel qualifié pour pratiquer ces interventions, les patients qui bénéficieraient éventuellement de ces interventions pourraient ne pas recevoir les services requis. Cette façon de mesurer les besoins constitue une amélioration en ce qui concerne la planification des services dans une région, et ce pour deux raisons. D'abord, elle mesure les besoins essentiellement sans recourir aux données sur l'utilisation des services de santé qui, en tant que mesure indirecte des besoins, peut être biaisée par l'offre de services et les données historiques sur les soins. Ensuite, elle estime les besoins en utilisant les caractéristiques récentes de la population (p. ex., les données du recensement de la population de 1996). La précision de ces estimations des besoins projetés est limitée par la capacité de prédire les changements futurs de la population ainsi que tout changement dans la prévalence des troubles liés aux AVC. Les recherches futures utilisant la méthode axée sur les besoins de la population pourraient emprunter plusieurs avenues. Les fréquences des facteurs de risque ne sont pas indépendantes l'une de l'autre, il est donc difficile d'additionner les estimations de la fréquence de différents facteurs de risque calculées au moyen de ce modèle. Par exemple, la somme des fréquences estimées de l'hypertension artérielle et du tabagisme dans l'Est de l'Ontario ne donnera pas une approximation du nombre de personnes dans la région qui fument ou sont hypertendues. Nous avons choisi de considérer les facteurs de risque un à la fois. Étant donné l'importance des effets synergiques de facteurs de risque multiples, il faudra faire d'autres recherches pour examiner la distribution des personnes présentant des facteurs de risque ou des types d'incapacités multiples afin de pouvoir mieux planifier les services. Cette étude a mis à l'essai une méthode pour estimer les besoins de la population et la fourniture de soins efficaces aux victimes d'AVC dans l'Est de l'Ontario. Ces résultats donnent à penser qu'il y a un nombre excessif d'interventions liées au diabète et à l'endartériectomie carotidienne, alors qu'il y avait une pénurie de tous les autres services liés à l'AVC. La présente étude a démontré qu'une évaluation des besoins fondée sur des données épidémiologiques pouvait être un instrument utile pour la planification des services de santé. RemerciementsCe projet a été financé par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario au moyen d'une subvention de base pour le programme des unités de renseignements sur la santé de l'Ontario (Ontario Health Intelligence Units Program) et pour le centre de recherche sur les services et les politiques de santé de Queen's (Queen's Centre for Health Services and Policy Research). Les opinions exprimées dans le présent article sont celles des auteurs et rendent pas nécessairement compte de la position du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario ni de Santé Canada. Références
Coordonnées des auteurs Duncan JW Hunter, John L Dorland, Department of Community Health and Epidemiology, Queen's University, Kingston (Ontario) Canada Heather J Grant, Mark PH Purdue, Nam Bains, Health Information Partnership, Eastern Ontario Region, Kingston (Ontario) Canada Robert A Spasoff, Département d'épidémiologie et médecine sociale, Université d'Ottawa, Ottawa (Ontario) Canada Correspondance: Duncan JW Hunter, Department of Community Health and Epidemiology, Abramsky Hall, Queen's University, Kingston (Ontario) Canada K7L 3A6; télécopieur : (613) 533-6353; courriel : hunter@post.queensu.ca [Précédent] [Table des matières] [Prochaine]
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Dernière mise à jour : 2005-01-28 |