Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
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Volume 19, No3- 2000

 

  Agence de santé publique du Canada

Énoncé de position
Une eau potable saine : un défi pour la santé publique

Donald T. Wigle


Résumé

L'une des grandes réalisations en santé publique a été la désinfection de l'eau de boisson, depuis la fin du siècle dernier, par des procédés incluant la filtration et la chloration. La présence de chloroforme et d'autres sous-produits de la désinfection par le chlore (SPC) a été signalée dans l'eau potable pour la première fois en 1974. Ces produits sont réputés causer le cancer chez les animaux de laboratoire et, comme le montrent un nombre croissant de données épidémiologiques, ils seraient responsables du cancer chez l'humain, en particulier du cancer de la vessie. Il est estimé que 14 à 16 % des cancers de la vessie signalés en Ontario seraient attribuables à l'eau potable contenant des concentrations relativement élevées de SPC; selon l'Environmental Protection Agency des États-Unis, le risque attribuable serait de 2 à 17 %. Ces estimations reposent sur l'hypothèse selon laquelle les associations observées entre le cancer de la vessie et l'exposition aux SPC indiquent une relation de cause à effet. Un groupe d'experts (voir le Rapport d'atelier dans ce numéro) ont conclu qu'il est possible (60 % du groupe), voire probable (40 %), que les sous-produits de la chloration présentent un risque notable de cancer, en particulier de cancer de la vessie. Le groupe a conclu que le risque du cancer de la vessie et possiblement d'autres types de cancer est un problème de santé publique d'importance moyenne. Il faut impérativement résoudre cette question et envisager des mesures fondées sur l'ensemble des preuves qui, au moins, suggèrent qu'une réduction des niveaux de SPC permettrait de prévenir une proportion notable des cancers de la vessie. En fait, les preuves pourraient, en bout de ligne, permettre de considérer les SPC comme les contaminants environnementaux les plus cancérigènes pour ce qui est du nombre de cas de cancers causés par année.

Mots clés : cancer; chlorination; chlorine; disinfection by-products; epidemiology; ozonation; reproductive health; risk assessment; toxicology; trihalomethanes


Historique de la désinfection de l'eau de boisson

Au 19e siècle, d'importantes épidémies de maladies d'origine hydrique étaient courantes au Canada, aux États-Unis et dans les autres pays développés. L'approvisionnement de l'eau de boisson chlorée au début du 20e siècle a pratiquement éliminé la fièvre typhoïde, le choléra et autres maladies d'origine hydrique. C'est d'ailleurs l'une des grandes réalisations en santé publique.

Le chlore a été découvert en 1774 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele, puis a été confirmé comme élément en 1810 par sir Humphry Davy1. C'est Semmelweis qui, en 1846, fut le premier à utiliser le chlore comme désinfectant, à la maternité de l'hôpital général de Vienne, pour le nettoyage des mains du personnel médical, à titre préventif contre la fièvre puerpérale. En 1881, Koch montra que les hypochlorites détruisaient les cultures pures de bactéries1.

Aux États-Unis, le premier usage continu de la chloration a commencé en 1908 pour l'approvisionnement en eau de Jersey City, New Jersey, et pour les parcs à bestiaux de Chicago, dans les zones d'isolement du bétail que l'eau contaminée par les effluents d'égouts avait rendus malades1. Au Canada, selon cet auteur-ci, c'est en 1916, à Peterborough (Ontario), que le chlore aurait été utilisé continuellement pour la première fois comme désinfectant2. Depuis plusieurs décennies, la chloration constitue la principale méthode de désinfection de l'eau de boisson au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Le chlore est efficace contre la plupart des pathogènes d'origine hydrique.

Effets des sous-produits de la chloration sur la santé

À cause de son fort pouvoir oxydant, le chlore réagit avec des matières organiques inoffensives présentes dans l'eau non traitée, produisant ainsi des centaines de composés organiques chlorés regroupés sous l'appellation générique «sous-produits de désinfection par le chlore» (SPC). Les trihalométhanes (THM) sont l'un des groupes de SPC les plus fréquents et ce sont Rook3 ainsi que Bellar et coll.4 qui, pour la première fois, les ont détectés à des concentrations plus élevées dans l'eau potable chlorée que dans l'eau naturelle.

La mutagénicité de l'eau de boisson non traitée est faible, mais elle augmente dans une proportion relativement importante après la chloration5. L'activité mutagène de l'eau chlorée est principalement attribuable aux réactions du chlore avec les substances humiques naturelles libérées par la décomposition de la végétation dans les sources d'approvisionnement en eau6. On a montré récemment que les hydroxyfuranones chlorés (p. ex., MX) sont responsables d'une grande partie de l'activité mutagène. Les  autres SPC, y compris les THM bromés et les acides haloacétiques, sont également mutagènes. La concentration des THM présente une forte corrélation avec la quantité de précurseurs organiques dans les eaux non traitées et pourrait être un indicateur utile, quoiqu'imparfait, du niveau de SPC dans l'eau traitée.

Bien que de nombreux SPC aient été détectés dans l'eau potable chlorée, seuls quelques-uns d'entre eux ont fait l'objet d'études de cancérogénicité. Le chloroforme a entraîné d'importantes augmentations du nombre de tumeurs rénales chez les rats mâles qui consommaient de l'eau potable contenant de fortes concentrations de ce produit7. Le chloroforme a également causé des tumeurs rénales chez des rats mâles et des tumeurs du foie chez les souris mâles et femelles qui en ont ingéré par gavage dans l'huile de maïs8. Contrairement aux THM bromés, la cancérogénicité du chloroforme ne semble pas dépendre d'un mécanisme réactif direct de l'ADN, le produit induisant plutôt une prolifération des cellules regénératives, avec peut-être un seuil d'exposition9. Dans des études portant sur trois autres THM, le bromoforme administré par gavage dans l'huile de maïs a provoqué des tumeurs intestinales chez des rats mâles et femelles; le chlorodibromométhane administré par gavage dans l'huile de maïs a induit des tumeurs du foie chez des souris des deux sexes; et le bromodichlorométhane administré par gavage dans l'huile de maïs a entraîné des tumeurs intestinales et rénales chez des rats mâles et femelles, des tumeurs rénales chez des souris mâles et des tumeurs du foie chez des souris femelles10-12.

Après les THM, les acides haloacétiques (HAA) constituent le groupe de SPC que l'on rencontre le plus souvent dans l'eau potable. Si l'on compare les résultats des études publiées sur les deux HAA les plus étudiés, on constate que le dichloroacétate dans l'eau potable a induit des tumeurs hépatiques chez les rats comme chez les souris, mais que le trichloroacétate a causé des tumeurs hépatiques seulement chez les souris13-17. Les deux composés ont joué le rôle de promoteurs de tumeurs, mais ont emprunté probablement différents mécanismes : il a été démontré que le trichloroacétate était un proliférateur de peroxisome, alors que le dichloroacétate influe sur la cinétique du cycle cellulaire18. Bien qu'aucun des HAA bromés n'aient fait l'objet d'études de cancérogénicité, des tests de dépistage préliminaires ont mis en évidence un risque d'induction de tumeurs hépatiques associé au bromochloroacétate, au dibromoacétate et au bromodichloroacétate, ainsi qu'un risque de tumeur du poumon associé au bromodichloroacétate et un risque de tumeur du côlon associé au dibromoacétate18,19.

Un autre SPC connu sous le nom de MX (3-chloro-4-(dichlorométhyl)-5-hydroxy-2(5H)-furanone) est, d'après le test d'Ames, l'un des plus puissants mutagènes connus20. MX est retrouvé à des concentrations beaucoup plus faibles que les THM ou les HAA, mais il semble être responsable d'environ le tiers de la mutagénicité de l'eau potable chlorée21. DeMarini et coll.22 ont découvert que MX produit de 50 à 70 % de délétions de 2 bases en des points chauds et de 30 à 50 % de déphasages complexes; nul autre composé ou mélange ne produit des déphasages complexes à une telle fréquence. MX a été à l'origine de plusieurs types de cancer ou de tumeurs bénignes chez les rats, notamment de tumeurs au niveau de la thyroïde, du foie, des surénales, du poumon, du pancréas et du sein, ainsi que de lymphomes et de leucémies23.

Comme il est indiqué dans le rapport qui suit, les résultats des études épidémiologiques sur le cancer concordent : elles montrent une association entre l'exposition aux THM et le cancer de la vessie. Certains résultats au sujet des cancers du côlon et du rectum sont contradictoires. En 1996, King et Marrett24 ont fait état des résultats d'une vaste étude cas-témoins menée en Ontario, basée sur une population et portant sur le cancer de la vessie. Les personnes exposées à des eaux de surface chlorées pendant au moins 35 ans présentaient un risque accru de cancer de la vessie, par rapport à celles qui avaient été exposées pendant moins de 10 ans (rapports de cotes = 1,41 [IC : 1,10-1,81]). Les personnes exposées à des niveaux de THM d'au moins 50 µg/L pendant 35 ans ou plus couraient un risque 1,63 fois plus élevé que celles dont l'exposition était inférieure à 10 ans (IC : 1,08-2,46). Les auteurs ont conclu que le risque de cancer de la vessie augmente tant avec la durée de l'exposition aux sous-produits de la chloration qu'avec leur concentration, et que les risques attribuables dans la population sont de 14 à 16 % en Ontario. Environ 1 150 cas de cancer de la vessie seront diagnostiqués en Ontario en 199825. Si les SPC causent effectivement le cancer de la vessie, environ 160 à 185 cas de cancer de la vessie en Ontario par année seront attribuables à une exposition à ces substances.

Depuis 1978, il s'est effectué environ 20 études épidémiologiques cas-témoins et de cohorte portant sur les SPC et le risque de cancer. L'Environmental Protection Agency (EPA) aux États-Unis a examiné ces études26 et relevé cinq études cas-témoins (dont celle de King et Marrett) qui répondaient aux critères d'études basées sur une population qui étaient bien conçues et évaluaient adéquatement l'exposition. L'EPA a conclu qu'à la lumière de l'ensemble des données sur l'épidémiologie du cancer, les données sur l'association entre l'exposition à l'eau de surface chlorée et le cancer sont plus probantes dans le cas du cancer de la vessie que dans le cas des autres types de cancer.

L'EPA a reconnu que l'existence d'une relation causale entre l'exposition à l'eau de surface chlorée et le cancer de la vessie n'a pas encore été établie de façon concluante dans des études épidémiologiques, mais a conclu que l'hypothèse d'une relation causale possible est étayée par des données toxicologiques et épidémiologiques. Tablant sur cette hypothèse, l'EPA a estimé que le risque de cancer de la vessie attribuable à une exposition à de l'eau chlorée aux États-Unis variait entre 2 et 17 %; on a estimé que le nombre annuel de cancers de la vessie attribuables à une telle exposition aux États-Unis variait entre 1 100 et 9 300. Selon l'EPA, dans l'ensemble, les données provenant d'études épidémiologiques et toxicologiques sur l'eau de surface chlorée militent encore en faveur de l'existence d'un risque pour la santé et justifient l'adoption d'une approche réglementaire prudente visant à protéger la santé publique26.

Selon le groupe d'experts invité par le Laboratoire de lutte contre la maladie (voir le Rapport d'atelier dans ce numéro), les quelques études épidémiologiques portant sur l'exposition aux SPC et l'issue de la grossesse révèlent une association entre l'exposition aux THM et l'avortement spontané, le retard de croissance et les malformations congénitales. Toutefois, ces études présentent des faiblesses quant à l'évaluation de l'exposition et à la prise en compte des facteurs de confusion potentiels. Chez le rat, le lapin et la souris, le chloroforme ne s'est pas révélé tératogène, mais le bromodichlorométhane et le chlorodibromométhane se sont tous deux révélés foetotoxiques. D'autres SPC ont donné lieu à des effets indésirables sur les testicules et la production de sperme chez le rat et à des malformations cardiaques congénitales chez le rat exposé in utero à ces produits.

Une étude prospective publiée récemment27 et incluant des données d'un échantillonnage concomitant de trihalométhane a montré que, pour les femmes qui buvaient chaque jour au moins cinq verres d'eau froide du robinet dont la concentration en THM totaux est d'au moins 75 µg/L, le rapport de cotes ajusté était de 1,8 pour les avortements spontanés (IC : 1,1-3,0). Des quatre trihalométhanes considérés individuellement, seule l'exposition au bromodichlorométhane (consommation quotidienne d'au moins 5 verres d'eau froide du robinet dont la concentration en bromodichlorométhane est d'au moins 18 µg/L) était associée aux avortements spontanés, tant isolément (rapport de cotes ajusté = 2,0 [IC : 1,2-3,5]) qu'en tenant compte des autres trihalométhanes (rapport de cotes ajusté = 3,0 [IC : 1,4-6,6]).

Le groupe d'experts a conclu qu'il est possible (60 % des membres) voire probable (40 % des membres) que les SPC posent un risque important de cancer, en particulier de cancer de la vessie. Les participants ont conclu que le risque de cancer de la vessie, et peut-être aussi d'autres types de cancers, représente un problème de santé publique d'importance moyenne. Ils ont aussi conclu qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour établir une relation causale entre les SPC et les troubles de la reproduction chez l'humain, mais que si les données restreintes accumulées à ce jour se confirmaient, les SPC constitueraient un important problème de santé. Enfin, le groupe d'experts a conclu qu'on ne disposait pas de données suffisantes pour effectuer une évaluation quantitative des risques, des avantages et des coûts et a recommandé qu'on se tienne au fait des nouvelles données sur les risques pour la santé afin de pouvoir déterminer lorsqu'une telle évaluation sera possible.

Dans la mesure où les études épidémiologiques comportent des erreurs aléatoires touchant la classification des expositions individuelles aux SPC, les estimations du risque résultantes peuvent être inférieures aux risques réels. Il est vraisemblable que de nombreuses études épidémiologiques publiées à ce jour contiennent effectivement des erreurs importantes de classification de l'exposition individuelle à l'eau chlorée ou aux SPC. Pour réduire l'impact de ce type d'erreurs de classification, Lynch et coll.28 ont recommandé que les futures études épidémiologiques de ce type quantifient les expositions de façon plus détaillée.

Étapes à venir

Presque partout au Canada, les autorités provinciales, territoriales et locales doivent veiller à offrir de l'eau potable saine et salubre. Le Sous-comité fédéral-provincial sur l'eau potable (SPC) du Comité consultatif fédéral-provincial de l'hygiène du milieu et du travail élabore et publie des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada29. Santé Canada sert de secrétariat pour le SPC et fournit des conseils en matière de santé et de sécurité touchant les risques pour la santé associés à l'eau potable au Canada. En 1993, le SPC a abaissé la concentration maximale recommandée de THM dans l'eau potable au Canada, qui est passée de 350 µg/L à une moyenne annuelle maximale de 100 µg/L, calculée à partir de dosages au moins trimestriels, et a recommandé que les concentrations de THM soient réduites le plus possible lorsqu'on agrandit ou rénove des usines de traitement. La concentration maximale de THM a été établie en fonction d'une combinaison de critères d'évaluation du risque et de gestion du risque, comme c'est le cas pour toutes les recommandations relatives à l'eau potable.

Les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada n'ont pas en soi force de loi; toutefois, les provinces et les territoires les utilisent pour établir leurs propres règlements concernant l'eau potable. Aux États-Unis, l'EPA promulgue des normes relatives à l'eau potable qui s'appliquent obligatoirement aux réseaux de distribution d'eau potable dans tous les États-Unis qui desservent plus de 10 000 personnes.

Le document à l'appui de la recommandation concernant les concentrations de THM dans l'eau potable indique que la méthode privilégiée de contrôle des sous-produits de désinfection est l'extraction des précurseurs, c'est-à-dire l'utilisation de méthodes telles que la floculation et la filtration pour enlever les matières organiques avant la désinfection. Dans le cas notamment des eaux de surface, le recours à la filtration et à la postchloration réduit grandement les concentrations de SPC.

La réduction des concentrations de SPC peut être réalisée d'autres manières : ozone, chloramine et filtres au charbon. Depuis plus de 90 ans, l'ozone est employé pour le traitement de l'eau en Europe, notamment en France et en Suisse1. Utilisée à une dose suffisante, l'ozone ne produit pas de composés mutagènes dans l'eau potable et peut même concourir à éliminer les éléments mutagènes présents dans l'eau non traitée30. Le traitement mixte ozone-charbon activé permet également de réduire la quantité de chlore dans l'eau traitée, et, par conséquent, la formation de SPC. DeMarini et coll.22 ont comparé diverses méthodes de traitement de l'eau : chloration, chloramination ou ozonisation individuellement et ozonisation suivie de chloration ou de chloramination. Les niveaux les plus faibles d'activité mutagène ont été observés dans l'eau traitée uniquement à l'ozone, et les niveaux les plus élevés dans l'eau traitée uniquement au chlore. Il convient cependant de mentionner que la désinfection par l'ozone peut engendrer des sous-produits, dont le bromate, un agent cancérigène génotoxique. L'efficacité de l'ozonisation comme mesure pour réduire le risque de contamination microbienne et de formation de SPC varie selon les caractéristiques de l'eau non traitée (p. ex., pH, température, particules, concentration de bromure) et l'ozonisation, à elle seule, ne permet pas au réseau de distribution d'appliquer des mesures résiduelles de désinfection.

Le chlore demeure le désinfectant le plus répandu au Canada et aux États-Unis parce qu'il est rentable, a une activité résiduelle, et est efficace à faibles concentrations. La persistance d'éclosions de maladies d'origine hydrique montre bien que la contamination de l'eau potable par des bactéries, virus et parasites pathogènes constitue toujours un risque important pour la santé. La seule épidémie de cryptosporidiose à Milwaukee (Wisconsin) en 1993, qui résultait d'une défaillance du système de filtration, a provoqué environ 400 000 cas de gastro-entérite aiguë et 100 décès31. L'eau potable insalubre sur le plan microbiologique est particulièrement dangereuse pour les enfants, les personnes âgées et les personnes présentant un déficit immunitaire.

En novembre 1998, l'EPA promulguera une règle concernant les désinfectants et sous-produits de la désinfection, qui avait été proposée à l'origine en 1994. Celle-ci aura pour effet de réduire le niveau maximal de contaminants (NMC) pour les THM totaux de 100 à 80 µg/L et établira de nouveaux NMC pour d'autres sous-produits tels que les HAA, le bromate et le chlorite. La nouvelle règle prévoira des dispositions plus strictes relatives à la coagulation pour l'extraction des précurseurs, lesquelles devraient aider à réduire le nombre de microbes de même que la concentration des précurseurs de SPC. L'EPA est en train d'instaurer également un vaste mécanisme de collecte d'information à l'échelle nationale sur la présence de contaminants, les niveaux de SPC et les contaminants microbiologiques32.

L'EPA a demandé une aide de 1,9 milliard de dollars pour que les autorités des États, des tribus et des localités puissent construire des usines conformes aux exigences fédérales. Les plans des infrastructures prévoient l'installation de capteurs permettant de surveiller en temps réel d'importants indicateurs de la qualité du réseau de distribution, comme la concentration de résidus de désinfectants, la pression d'eau, la direction du courant, la densité de microbes et la concentration d'halogénures organiques totaux.

Une enquête nationale menée en 199433 a révélé que 19,5 % des ménages au Canada disaient utiliser un filtre ou un purificateur pour leur eau potable comparativement à 13,9 % en 1991, alors que 21,9 % des ménages avaient acheté de l'eau embouteillée au cours du mois précédant l'enquête, par rapport à 16,1 % des ménages en 1991. De même, une enquête effectuée en 1997 a montré que le tiers des consommateurs américains utilisait un appareil de traitement de l'eau à domicile autre que de l'eau embouteillée, soit une augmentation de 27 % en 199534. La popularité de dispositifs comme les carafes dans lesquelles on verse de l'eau à travers des filtres au charbon a crû davantage que celle d'autres types de dispositifs de traitement de l'eau. Ces données confirment que la population est de plus en plus préoccupée par la salubrité et la qualité de l'eau potable.

Enfin, on constate qu'il faut mener d'urgence des études épidémiologiques et toxologiques pour trouver des preuves fermes concernant la nature de l'association entre l'exposition aux SPC dans l'eau potable et les effets indésirables comme les cancers, les avortements spontanés et les troubles de la reproduction. Dans l'avenir, les études épidémiologiques devraient mettre l'accent sur les associations entre les maladies et les SPC très puissants identifiées dans des biodosages chez les animaux, p. ex., les THM bromés et les HAA. Les effets des SPC et de leurs métabolites pourraient être examinés dans le cadre d'études in vitro de cellules épithéliales provenant de vessies humaines.

Les marqueurs biologiques de la susceptibilité, de l'exposition et des effets sur la santé pourraient renforcer les études épidémiologiques sur les expositions aux SPC et les risques de maladie. Certains marqueurs comme les produits d'addition de l'ADN ou certains types spécifiques de mutations pourraient confirmer le rôle joué par l'exposition à certains SPC dans chacun des cas de cancer et ainsi permettre d'estimer le risque de façon plus précise, de mieux cibler les mesures de contrôle et d'accroître leur efficacité. Par exemple, MX réagit avec l'ADN in vitro pour former des produits d'addition très particuliers35; bien qu'on ne connaisse pas le rôle éventuel de ces produits d'addition, ceux-ci pourraient servir de marqueurs biologiques de l'exposition à des produits spécifiques.

Même si, de toute évidence, la chloration aide à lutter contre les infections d'origine hydrique, les données épidémiologiques disponibles semblent bien indiquer que les SPC posent un risque de cancer pour les humains, en particulier de cancer de la vessie. Comme un grand nombre de Canadiens sont exposés sur une longue période à ce risque, les autorités sanitaires doivent décider si les données disponibles justifient la prise de mesures visant à tout le moins à réduire l'exposition de la population aux SPC pendant que l'on tente de trouver d'autres solutions plus sûres. Dans le rapport de la Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang au Canada36, le juge Krever a souligné l'importance d'un grand principe de gestion de la santé publique, à savoir que «il ne faut pas attendre d'avoir une certitude scientifique de réduire les risques avant d'agir».

Dans le cadre de l'évaluation des risques pour la santé publique et de la gestion du risque, les experts scientifiques doivent être convaincus que le «poids de la preuve» a franchi un certain seuil avant de s'entendre sur des mesures à prendre et avant de formuler des recommandations. Dans cette perspective, Santé Canada a créé le Groupe d'étude sur les sous-produits de la désinfection par le chlore en juillet 1998. Le nouveau groupe compte des représentants de nombreux secteurs intéressés afin de planifier et de superviser un effort concerté faisant appel à des experts dans le domaine de l'épidémiologie, de la toxicologie, du traitement de l'eau et d'autres domaines; le travail de ces derniers consistera à estimer les risques associés aux SPC et à élaborer des recommandations relatives à la gestion du risque.

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Références de l'auteur

Donald T. Wigle, Bureau des opérations, planification et politiques, Laboratoire de lutte contre la maladie, Santé Canada, Pré Tunney, IA : 0602E2, Ottawa (Ontario)  K1A 0L2; Télécopieur : (613) 941-5497; Courrier électronique : Don_T_Wigle@phac-aspc.gc.ca

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Dernière mise à jour : 2002-10-02 début