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Relevé des maladies transmissibles au Canada

Volume 31-17
1er septembre 2005

[Table des matières]

Notes Internationales

Surveillance des maladies à caractère épidémique et action après le Tsunami dans la province d'Aceh, Indonéside

La Province d'Aceh, en Indonésie, qui compte 4,8 millions d'habitants, a été la région la plus gravement touchée par le séisme et le tsunami qui a suivi le 26 décembre 2004. Des pertes considérables en vies humaines, biens et moyens de subsistance dans les 14 des 21 districts de la province, ont fait qu'une importante partie de la population se retrouve dans un dénuement complet et exposée à des maladies pouvant donner lieu à des épidémies. Au 22 mars 2005, l'Indonésie déclarait avoir enterré 126 602 corps et déclarait 93 638 personnes disparues et 514 150 personnes déplacées dans 20 district/villes de la province de Nanggroe Aceh Darussalam. Dans le secteur public, 53 des 244 centres de santé ont été détruits ou gravement endommagés et 42 des 481 professionnels de santé sont morts. Cette catastrophe est survenue après 30 ans de troubles civils qui ont eu des conséquences économiques graves pour la province.

Au cours de la phase aiguë de la situation d'urgence, le Bureau de l'action sanitaire de la Province d'Aceh (PHO) a reçu en renfort du personnel du Ministère de la Santé de Jakarta et des équipes de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), parmi lesquelles des collaborateurs du Réseau mondial d'Alerte et d'Action en cas d'Épidémie (GOARN). Les objectifs de la collaboration étaient les suivants : aider le PHO à mettre en place un système de surveillance/alerte précoce et action (EWARN) pour détecter les maladies épidémiques; mener les investigations en cas de flambée afin de confirmer l'agent pathogène éventuel, le mode de transmission et la population exposée et de prendre les mesures de lutte appropriées, et se préparer à gérer et maîtriser une flambée.

Système de surveillance/alerte précoce et action

Un système EWARN a été rapidement mis en place. Parmi la population cible figuraient à la fois des habitants de la région et des populations déplacées. Les sources d'information étaient les établissements de santé (consultations fixes/mobiles, hôpitaux permanents/de campagne) et les laboratoires de santé publique gérés par des organisation gouvernementales et non gouvernementales (ONG) nationales et internationales dans les districts touchés. Le système de surveillance par syndromes avait pour but d'identifier les maladies pouvant donner lieu à des épidémies (diarrhée aqueuse aiguë, diarrhée sanglante, dengue, fièvre d'origine inconnue, ictère, rougeole, méningite et paludisme) ainsi que les infections respiratoires aiguës et le tétanos. Les données recueillies concernant la morbidité et la mortalité ont été compilées sur une base hebdomadaire par groupes d'âge (< 5 ans et de = 5 ans). Ce système a été complété par un système d'alerte immédiate basé sur des appels téléphoniques quotidiens, des messages ou des courriers électroniques notifiant des cas suspects de certaines maladies. Toute alerte a donné lieu à une vérification, une enquête et une intervention, mises en oeuvre conjointement par le PHO et l'OMS. Le Bureau indonésien de l'OMS à Banda Aceh a fourni des kits d'échantillonnage et assuré une formation en matière de collecte des échantillons selon les besoins. La gestion et l'analyse des données ont reposé sur une application basée sur EpiInfor 6, EpiData 3.2 et Epi2000, avec un lien vers HealthMapper 4.1 et ArcView 3.2a. Les résultats et les mesures prises ont été présentés et examinés au cours d'une réunion bi-hebdomadaire du secteur de la santé à laquelle > 50 organismes étaient représentés. Un bulletin épidémiologique hebdomadaire publié en anglais et en indonésien par le PHO/Ministère de la Santé et l'OMS a également été distribué à tous les partenaires.

Résultats

Au plus fort de la phase d'urgence (semaines 4 à 10, 2005), 19 à 27 organismes ont notifié des données, ce qui représentait de 83 à 123 unités de notification dans 10 districts. Le plus grand nombre d'organismes et d'unités de notification (c'est-à-dire les établissements de santé) ont notifié des données au cours de la septième semaine. Au 27 mars 2005 (semaine 12) un total cumulé de 184 864 consultations avaient été signalées : 33 148 (18 %) pour le groupe de 0 à 4 ans, et 151 716 (82 %) pour le groupe = 5 ans (données non reproduites). Sur ce total, 12 001 cas (29 %) ont été diagnostiqués dans le groupe 0 à 4 ans; plus du double (28 705) ont été diagnostiqués dans le groupe = 5 ans. Les infections respiratoires aiguës (62 %), la diarrhée aqueuse (23 %) et les autres fièvres (11 %) étaient les affections les plus répandues.

Flambées de maladies

Les alertes ayant donné lieu à des investigations ont porté sur : la diarrhée sanglante (11), la diarrhée aqueuse aiguë (un), la dengue (cinq), la typhoide (trois), l'ictère (11), le paludisme (quatre), la méningite (quatre), l'encéphalite (un), le typhus des broussailles (un), et la rougeole (24). Les résultats des investigations ont indiqué soit une fausse alerte (choléra, paludisme, encéphalite), soit des grappes de cas (tétanos, dengue, diarrhée sanglante, typhoide, typhus des broussailles, hépatites A et E), soit une épidémie déclarée (rougeole). Une grappe de cas de tétanos est survenue immédiatement après la catastrophe. Entre le 30 décembre 2004 et le 26 janvier 2005, 106 personnes ont été hospitalisées dans quatre districts : 39 femmes et 67 hommes (âge médian 40 ans, fourchette 1 à 70). Le taux de létalité était de 18,9 %, le pic étant survenu mi-janvier.

Une flambée de rougeole avec 35 cas chez des patients âgés de 5 mois à 15 ans a été signalée dans le District d'Aceh Utara, l'éruption étant apparue entre le 8 janvier et le 19 février. La plupart des cas (86 %) vivaient dans des camps de personnes déplacées pendant la période d'incubation. Sur ce nombre, 60 % étaient de sexe masculin; l'âge médian était de 4 ans. Les recommandations concernant la prise en charge des cas de rougeole ont été distribuées aux centres de santé locaux et aux ONG. Une campagne de vaccination d'urgence visant les enfants âgés de 6 mois à 15 ans a été entamée à Aceh Utara dès la mi-janvier pour toutes les personnes déplacées dans des camps, qui a été ensuite étendue aux communautés environnantes.

Note de la rédaction du MMWR

Après le tsunami du 26 décembre 2004, plus de 500 000 personnes déplacées ont trouvé refuge soit dans des abris temporaires, soit auprès de familles d'accueil dans toute la Province d'Aceh. Malgré la présence de facteurs de risque de transmission de maladies épidémiques, aucune flambée d'imporroutance n'est survenue pendant la phase d'urgence aiguë, situation analogue à celle observé lors de tsunamis antérieurs. Les maladies d'origine hydrique (choléra, shigellose, typhoide, hépatites A et E) dues au manque d'eau potable et d'assainissement; les maladies transmises par des vecteurs (paludisme, dengue) dues à l'augmentation des gîtes larvaires de moustiques; ainsi que la rougeole, les infections respiratoires aiguës, la grippe et la méningite, dues au surpeuplement, ont toutes été observées. L'absence de flambées majeures s'explique par plusieurs raisons. Tout d'abord, les flambées importantes de maladies transmissibles sont rares à la suite de catastrophes naturelles et sont principalement ligés à des conditions de vie médiocres, au manque d'eau potable et d'assainissement, aux changements environnementaux et à l'absence de soins de santé. Deuxièmement, la population d'Aceh était habituée à se laver les mains et à faire bouillir l'eau de boisson avant de la consommer. En outre, la population était généralement en bonne santé avec de faibles niveaux de malnutrition et de mortalité infantile. Le système EWARN a permis de déceler les flambées éventuelles et de réagir rapidement, y compris en améliorant l'approvisionnement en eau et l'assainissement, la distribution de médicaments, de savon et d'articles d'hygiène, en prodiguant des conseils sanitaires et en assurant le suivi des contacts, ce qui a sans doute joué un rôle. La petite flambée de rougeole signalée n'est pas surprenante compte tenu de la faible couverture vaccinale notifiée à Aceh avant le tsunami.

La clé du succès de la mise en place du système EWARN a été l'excellente coopération entre les ONG nationales et internationales, les institutions des Nations Unies et le Ministère de la Santé. Les réunions régulières du groupe Épidémiologie et surveillance et du groupe Coordination sanitaire ont été utiles pour diffuser l'information, encourager une notification rapide et complète, et examiner les problèmes et les interventions possibles. La surveillance active exercée par le personnel EWARN a été un facteur déterminant – le système est fragile et demande des contributions importantes pour rester efficace.

En présence de déplacements de population majeurs, les priorités en matière d'intervention sont la fourniture de moyens d'approvisionnement en eau et d'assainissement suffisants ainsi que d'abris et de nourriture, et le rétablissement des soins de santé primaires, y compris la vaccination antirougeoleuse. Des systèmes sensibles de surveillance des maladies sont nécessaires pour déceler et maîtriser des flambées de maladies transmissibles et éviter une charge de morbidité supplémentaire pour les populations touchées. Toutefois, plusieurs facteurs rendent difficiles la mise en oeuvre et le maintien des systèmes EWARN dans les situations d'urgence : une notification hebdomadaire irrégulière de la part des organismes compétents, notamment du fait de leur présence temporaire sur le terrain; l'absence de données démographiques exactes en dénominateur en raison de la grande mobilité des personnes déplacées; les difficultés d'accès aux districts ruraux; le manque de confirmation régulièere en laboratoire des cas suspects; et les notifications multiples des mêmes cas en raison des nombreuses sources émanant des services de santé. En outre, le fait que l'on se concentre davantage sur la détection des maladies endémiques à Aceh risque de se traduire par le dépistage d'un plus grand nombre de cas qu'avec le système de surveillance avant la situation d'urgence. En effet, les cas de rougeole identifiés sont certainement dus au renforcement de la surveillance et à la campagne de vaccination plutôt qu'à une véritable épidémie. Il convient de noter que les données obtenus grâce au système EWARN reflètent davantage la situation sanitaire des personnes déplacées que celle de la population générale.

Le Bureau indonésien de l'OMS à Banda Aceh a été renforcée pour pouvoir fournir à la Province d'Aceh l'appui technique nécessaire pendant au moins 1 an en matière de renforcement des capacités et des infrastructures de surveillance et d'action rapide en cas d'épidémie. Il est prévu d'intégrer le système EWARN, y compris la composante gestion des données, dans le système de surveillance systématique en place avant la catastrophe. La nécessité d'une surveillance en vue de déceler toute flambée de shigellose, de typhoide, d'hépatite, de choléra, de rougeole, de paludisme et de dengue, reste une priorité essentielle tant que les populations déplacées seront logées dans des camps ou des installations à forte densité de population. C'est pourquoi l'élément alerte précoce du système de surveillance doit être maintenu de façon intensive jusqu'à ce que les personnes déplacées aient pu être réinstallées de façon permanente.

Source : Relevé épidémiologique hebdomadaire de l'OMS, Vol 80, no 18, 2005.

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Dernière mise à jour : 2005-09-01 début