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Série de séminaires d'Environnement Canada en recherche sur les politiques

Rattacher les buts internationaux du développement durable aux objectifs nationaux


Angela Cropper
21 janvier 2004

Le 21 janvier 2004, dans le cadre de sa série de séminaires en recherche sur les politiques, Environnement Canada a reçu Mme Angela Cropper pour une communication intitulée « Rattacher les buts internationaux du développement durable aux objectifs nationaux ». Mme Cropper a relaté son expérience de diverses tables d’études politiques aux niveaux national (Trinité-et-Tobago), régional (Caraïbes), et mondial. Elle a parlé des points communs dans les questions de développement durable à ces différents niveaux, et a effectué à l’intention des agents des politiques plusieurs démonstrations pratiques de l’importance cruciale de l’équité dans un objectif de développement durable. Voici un résumé de sa présentation.


Nous en connaissons beaucoup sur le développement durable au niveau théorique, mais nous avons beaucoup à apprendre sur l’application des notions liées à ce concept. Malgré de très grandes différences d’échelle, plusieurs des difficultés centrales liées au développement durable se ressemblent beaucoup aux niveaux national, régional ou mondial. Une de ces difficultés consiste à définir le rôle de l’équité.

L’importance de l’équité
La plupart des gens s’entendent pour dire que l’équité joue un rôle essentiel pour la paix et la justice dans une société. Par contre, on réalise moins que l’absence d’équité enlève aussi tout espoir de progrès en ce qui concerne les questions environnementales ou les autres questions de développement social. Pour illustrer cette affirmation, Angela Cropper a utilisé un exemple de niveau national provenant de son pays d’origine, Trinité-et-Tobago. Un récent boom dans l’économie du pays a été suivi d’un accès de violence causé par un ressentiment chez les laissés-pour-compte de la prospérité. Cette séquence d’événements permet de tirer une leçon de base importante : pour que le développement économique soit durable, il doit aussi être équitable.

Définir l’équité
Étant donné l’importance de l’équité dans le développement durable, il est naturel de se demander : Quels sont les critères à atteindre pour parvenir à l’équité? L’équité est souvent plus perceptible lorsqu’elle est absente. Même si beaucoup diraient que certaines réalisations socioéconomiques sont caractérisées par des iniquités, il n’existe aucun moyen reconnu universellement pour mesurer définitivement l’équité. Il y a vraisemblablement de la place pour plus de recherche sérieuse visant l’élaboration de mesures d’équité. Par exemple, l’indice du développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement pourrait inclure d’autres aspects du bien être que le revenu réel par habitant, le rendement scolaire et l’espérance de vie. Définir concrètement l’équité n’est pas facile. Malgré cela, il importe que cette difficulté conceptuelle ne fasse pas obstacle à nos efforts pour faire de la réduction des iniquités une priorité stratégique, car ces efforts sont essentiels pour l’atteinte de progrès économiques, sociaux et environnementaux.

Pour tenter de pallier l’absence de définition de l’équité, Mme Cropper décrit celle-ci comme une notion politique. L’équité a trait à l’atteinte de la justice et à l’élimination de la discrimination. L’équité englobe davantage que la distribution du revenu et de la richesse. En effet, pour parvenir à l’équité, il faut reconnaître que les personnes sans revenu et sans richesse sont souvent les mêmes qui sont privées des éléments de base permettant de vivre en santé et de prospérer (accès à l’eau potable, à des soins de santé et à l’éducation). Il s’agit souvent des mêmes membres d’une société qui sont exclus des processus décisionnels publics. L’obtention d’une représentation pour ces groupes est primordiale afin que leurs problèmes persistants d’inégalité structurelle soient reconnus, que l’on porte attention à ces problèmes, et, ultimement, que des solutions soient trouvées. En conséquence, atteindre l’équité signifie rendre accessible les processus politiques, et assurer une voix dans les institutions aux membres de la société qui n’y ont pas un accès direct. L’équité signifie que l’accès à l’éducation, au logement et aux soins de santé doit reposer sur un droit, et non sur la compassion. L’équité implique une jouissance égale et consciencieuse des ressources d’un pays, avec une considération pour les besoins des générations futures.

Inégalités parmi les pays
Le principe de la réciprocité stipule que les bénéfices des rapports entre les humains doivent être appropriés et proportionnels. Toutefois, Aristote fut parmi les premiers à constater que, dans des situations d’inégalités préalables, la réciprocité a parfois un effet aggravant. Lors de sa communication à Environnement Canada, William Rees a démontré que, lorsque nous examinons les tendances économiques et environnementales mondiales, nous constatons que les résultats deviennent de plus en plus inéquitables entre les pays. Compte tenu des modèles de développement actuels, les décennies de croissance ont en général mené à des augmentations des inégalités entre les pays, et non à des baisses.

Pour quelle raison les rapports internationaux n’avantagent-ils pas les défavorisés et ne leur donnent-ils pas l’occasion d’effectuer un rattrapage au lieu de les laisser prendre encore plus de retard? Dans le passé, les traités internationaux ont parfois joué un rôle dans l’accroissement des inégalités entre les pays. Aujourd’hui, il en va de même. Les grandes économies sont en mesure de prendre des positions fermes sur des questions de commerce, contrairement aux petits pays, comme ceux des Caraïbes. Il arrive que l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) amplifie les inégalités entre les pays développés et les pays en voie de développement. L’Équateur a protesté contre le brevetage, par une entreprise américaine de médicaments, de l’aya huasca, une boisson médicinale utilisée depuis des siècles par les Indiens de l’Amazonie dans des cérémonies religieuses. D’autre part, les États-Unis contestent le droit de la Thaïlande de demander une rétribution pour le savoir traditionnel de ses guérisseurs et de ses herboristes, même si ce droit est reconnu par la Convention sur la diversité biologique.

La réduction des inégalités entre les pays devrait être un objectif fondamental des traités internationaux. Pour ce faire, des clauses particulières pour les pays marginalisés et vulnérables sur le plan économique devront être adoptées. Par exemple, dans l’accord proposé de libre-échange des Amériques, on devrait permettre la continuation des accords sur le café entre les pays des Caraïbes au lieu de les éliminer.

Inclure l’équité dans les politiques
En ce moment, l’équité constitue rarement un objectif explicite des programmes de développement ou des traités internationaux. Dans les travaux liés à l’élaboration de politiques, le seul fait de mentionner l’équité semble être suffisant. C’est pourquoi des projets de développement entraînent souvent des iniquités que n’avaient pas prévues les planificateurs. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, la construction de barrages dans le cadre du projet de bassin de la rivière Sénégal a eu pour conséquence de réduire la disponibilité des terres et de l’eau pour plusieurs collectivités locales.

Comment mettre l’équité à l’avant-plan dans le discours de demain sur les politiques? Afin d’explorer plus en détail le rôle de l’équité dans l’atteinte du développement durable, la Cropper Foundation, que préside Mme Cropper, a organisé en septembre 2001 une conférence à la Guyana sur le thème de l’importance de l’équité dans le développement [Development As If Equity Mattered]. Un des principaux objectifs de la rencontre était d’élaborer un ordre du jour et de soumettre des sujets de discussion clés pour le Sommet mondial sur le développement durable, qui aurait lieu à Johannesburg en 2002. La principale conclusion tirée lors de cette conférence a été que le manque de participation et d’autonomisation des collectivités locales constituent le problème central. Par une triste ironie, les recommandations et les conclusions de la conférence ont été éclipsées par d’autres menaces au développement durable. En effet, le 11 septembre, l’attention de la planète se tournait vers les États-Unis en raison des attaques terroristes qui, selon certaines interprétations, étaient elles-mêmes une manifestation tragique d’une frustration profonde causée par un manque d’accès aux processus politiques.

L’intérêt pour le bilan et les recommandations de la conférence n’ont peut être pas été à la hauteur des aspirations initiales des participants, mais ceux ci se sont engagés à mettre à l’avant-scène la question de l’équité dans le discours national et international ainsi que dans les initiatives de développement. Ce progrès, s’il semble mineur, pourrait s’avérer efficace à long terme. En effet, c’est avec une démarche semblable qu’Amnistie internationale a graduellement acquis une influence et attiré l’attention internationale sur des questions importantes. Ce groupe de pression a débuté tout simplement en soulignant les exemples de non-respect des droits humains. Au fil du temps, il s’est bâti une crédibilité de chien de garde relativement aux injustices, et ce, par ses seuls appels à ceux qui ont une conscience. En augmentant l’attention sur les questions des droits humains, il a réussi à en faire une priorité politique.

La mer des Caraïbes : tragédie des ressources d’usage commun
Angela Cropper a décrit des expériences de développement de niveau régional pour les pays de la mer des Caraïbes. Cette mer apporte des avantages énormes aux 33 pays qui en font partie. Les pays de la région sont devenus très dépendants des fonctions écologiques de base. Une industrie touristique particulièrement dynamique a émergé dans ces pays, dont entre 4 et 44 pour cent du PIB est associé aux pêches et à l’agriculture.

La mer des Caraïbes unit et divise les pays qui en font partie. Malgré les richesses qu’elle offre, l’usage qui en est fait s’avère malheureusement un exemple classique du sort réservé aux ressources d’usage commun : les stocks de poisson font l’objet d’une surpêche, et les récifs coralliens sont détruits pour faciliter l’accostage des bateaux de touristes.

La gestion durable dans la région inclut tous les enjeux et tous les pays. Une vaste gamme d’intérêts économiques, dont certains incompatibles, devront être représentés. Les anciens colonisateurs, c’est-à-dire les États-Unis, le Royaume Uni et la France devront aussi s’impliquer. Pour certains acteurs importants, tels que les deux premiers pays susmentionnés, de la persuasion sera peut-être nécessaire compte tenu de l’incertitude de leurs intérêts à long terme dans la région.

Plusieurs concertations ont eu lieu pour assurer un développement durable dans la région. Un comité d’évaluation de la mer des Caraïbes a été créé pour examiner les moteurs et les obstacles dans la région. Le Groupe des petits États insulaires en développement des Nations Unies, qui tente lui aussi de favoriser la coopération pour une gestion durable de la mer des Caraïbes, vise à faire désigner celle-ci zone spéciale dans le contexte du développement durable. Pour sa part, le Canada a activement participé à une initiative ayant pour but de créer une fédération des Antilles. Malheureusement, cet effort a fait long feu, en grande partie à cause d’un manque de leadership et de vision politiques.

Un rôle pour le Canada?
Compte tenu du peu de succès dans la mise en place d’une gestion durable de la mer des Caraïbes, force est de constater que le rôle de chef de file est actuellement vacant. Mme Cropper affirme que cette situation représente pour des pays comme le Canada une occasion de relever un défi. Toutefois, la conférencière reconnaît que les pays de la région doivent faire preuve de plus d’initiative, et ce, même au moment où ils demandent de l’aide.

Le Canada pourrait être particulièrement bien placé pour assurer ce leadership, étant donné les nombreuses caractéristiques clés qu’il partage avec les pays des Caraïbes. Tant le Canada que les pays des Caraïbes ont été fondés pour approvisionner leur mère patrie en ressources naturelles. Le Canada pourrait être un exemple de réussite dans le passage entre un satellite colonial et un État indépendant. Comme les pays des Caraïbes, le Canada a atteint son indépendance graduellement et pacifiquement. De plus, même s’il constitue une puissance économique mondiale relativement petite, il est devenu un joueur influent dans les affaires internationales. Enfin, il a grandement bénéficié du commerce international, même avec de gros partenaires dotés de pouvoirs de négociation beaucoup plus importants que lui.

En 2004, le Canada se trouve à un moment particulier de son histoire. L’arrivée d’une nouvelle administration s’accompagne d’une réévaluation des programmes et d’une occasion de prendre des orientations stratégiques nouvelles et prometteuses. Un accent sur les Caraïbes pourrait s’avérer un élément productif et enrichissant de l’ordre du jour international à long terme du Canada.


Conclusions
Comment pouvons-nous nous consacrer au développement durable aux niveaux national, régional et global? La réduction des inégalités à l’intérieur des sociétés et des pays constitue un moteur qui promet d’ouvrir sur d’autres améliorations, non seulement dans les efforts déployés pour assurer une justice, mais aussi sur les plans économique, social et environnemental.

La seule référence à l’équité dans les politiques de développement ne suffit pas. Cette notion doit s’infiltrer dans toutes les discussions portant sur des politiques de développement durable. Nous nous devons d’inclure les questions d’équité dans les ordres du jour nationaux et internationaux à long terme. À défaut d’accorder à l’équité l’attention qu’elle mérite dans l’ensemble de la question du développement, nous risquons d’effectuer un rapiéçage rapide qui n’entraînera aucune amélioration durable.

Les pays des Caraïbes, notamment beaucoup de petits États insulaires, ont connu de nombreux succès et échecs en essayant de se défaire de leur héritage d’ancienne colonie aux prises avec la pauvreté et les inégalités. Le Canada, qui figure très bien au niveau international dans les comparaisons en matière d’égalité, pourrait éventuellement mettre à profit son rôle de leader crédible et expérimenté en persuadant les pays des Caraïbes des avantages de la promotion de l’équité dans leur société, et en leur montrant comment canaliser le développement pour passer d’économie coloniale d’approvisionnement à État diversifié et dynamique qui entretient des relations internationales mutuellement profitables.


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