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Série de séminaires d'Environnement Canada en recherche sur les politiques

Le problème de la science

Photo de William Leiss
William Leiss
24 novembre, 2000

Le vendredi 24 novembre, la Série de séminaires de recherche sur les politiques d'Environnement Canada a accueilli William Leiss, président de la Société royale du Canada. Voici un résumé de son intervention intitulée Le problème de la science.


En étudiant les controverses sur les risques, il est instructif de commencer par des exemples précis de défaillances importantes dans la gestion des enjeux risques. Un exemple pertinent, objet d'une tempête médiatique depuis deux ans, est celui des organismes génétiquement modifiés (OGM) et des aliments génétiquement modifiés (AGM) qui en dérivent.

 En 1995, Monsanto s'est repositionnée comme entreprise « biotechnologique » sous la houlette du P.-D.G. Robert Shapiro. Au cours des trois années suivantes, elle s'est lancée dans une orgie d'acquisitions de 6 milliards de dollars américains dans les secteurs de la production et de la distribution des semences, faisant bondir ses actions de 10 $ en 1995 à 60 $ en 1998. En 1997, elle a suscité un concert d'oppositions. En 1998, des ONG européennes s'y sont jointes et, au printemps 1999, ont commencé à boycotter les détaillants et les transformateurs alimentaires qui employaient et vendaient de la nourriture contenant des OGM. En décembre 1999, alors que ses actions étaient tombées à 38 $, Monsanto a fusionné avec Pharmacia & Upjohn, s'est départie de son secteur agroalimentaire ainsi que de la désignation Monsanto et a vu partir son P.-D.G. Robert Shapiro. Par ailleurs, dans la foulée de la polémique, Novartis/AstraZeneca s'est dessaisie de son secteur agroalimentaire et Aventis a mis le sien en vente.

 La nature de la controverse sur les OGM qui a eu raison de Monsanto est bien résumée dans cette citation d'un rapport de la Deutshe Bank : « Les OGM font de la bonne science, mais de la mauvaise politique. Sont-ils sans danger, bons pour l'environnement et nécessaires face à la croissance inévitable de la population mondiale? Oui, mais les mêmes arguments valent pour promouvoir l'énergie nucléaire. Or, malgré le soutien de la communauté scientifique, il est peu probable qu'une seule nouvelle centrale nucléaire apparaisse de sitôt. »

 La gestion des enjeux risques (GER), où Monsanto a manifestement échoué, diffère de la gestion des risques (GR). La seconde porte sur un domaine où l'évaluation des risques régit la prise de décision et se pratique essentiellement sous forme de partenariats entre le gouvernement et l'industrie, tandis que la première concerne les controverses sur les risques, où les résultats viennent d'un avantage stratégique, et fait participer toutes les parties, y compris les ONG et le public. Les industries exposées aux controverses sur les risques sont notamment celles des télécommunications, de la biotechnologie agricole, des forêts et du pétrole.

 S'agissant d'un risque, la controverse peut durer longtemps après que sa gestion a écarté toute menace pour le bien-être humain. Dans le cas de la dioxine, l'évaluation des risques a suscité des mesures contre l'exposition professionnelle et l'accumulation dans l'environnement à partir de 1965. En 1985, les niveaux de dioxine avaient été réduits au point où il ne restait aucun risque majeur pour la santé ou l'environnement. Pourtant, la dioxine demeure en tête de la liste des enjeux – dont Greenpeace a l'initiative – pour les industries des produits chimiques et des matières plastiques qui investissent lourdement afin d'en ramener les émissions à des niveaux indécelables. De même, les implants mammaires en silicone ont été victimes d'une mauvaise GER. Certes, une évaluation des risques de ces implants, fondée sur l'épidémiologie des risques sanitaires « systémiques », n'a révélé aucun danger important (malgré la validation des risques non systémiques), mais un règlement judiciaire de plusieurs milliards de dollars en fonction de montants adjugés par des tribunaux américains pour des risques systémiques est intervenu à l'encontre des fabricants.

 Les changements climatiques constituent un cas un peu différent, car ils représentent un enjeu mal géré du point de vue des risques. En effet, ils comportent des incertitudes considérables et, pour peu qu'on lutte sérieusement contre eux, entraînent des coûts exorbitants. Ils mettent à rude épreuve la prise de décision, la politique de l'État et le principe de précaution. Sous l'angle de la GRE, la controverse à leur sujet s'envenimera avant de s'améliorer, à cause de la faible compréhension du public, de l'incapacité des gouvernements à expliquer la complexité, de l'incertitude, des limites du Protocole de Kyoto et des coûts éventuels de l'action et de l'inaction.

 Le cas du MMT, additif de l'essence, illustre les dangers de méconnaître la gestion des risques. Cinq évaluations distinctes et crédibles effectuées au Canada de 1970 à aujourd'hui montrent que les émissions de manganèse ne posent aucun risque majeur pour la santé ou l'environnement. Sous la pression de l'industrie automobile, qui prétend que le MMT nuit aux dispositifs anti-pollution de bord postérieurs à 1995, les élus fédéraux ont interdit le MMT comme additif de l'essence, mais ont été ensuite tenus de payer au fabricant de MMT, Ethyl Corp., 20 millions de dollars, somme beaucoup moindre que la valeur de l'atteinte à la bonne évaluation des risques inhérents à cet enjeu.

 Quelles sont les causes profondes de ces défaillances de la gestion des enjeux risques? L'évaluation des risques est censée fournir des chiffres exacts, réglant ainsi les choses, mais le public n'a pas confiance dans les chiffres, dans ceux qui les calculent ou dans ceux qui les « dorent ». La recherche sur la perception des risques vise à expliquer pourquoi la population juge les risques d'un tout autre oeil que les « experts ». Toutefois, les explications ainsi trouvées ne permettent pas de rétrécir l'écart entre l'évaluation des risques et les risques perçus. La communication des risques tend à montrer aux experts comment « emballer » leurs messages de façon plus efficace et persuasive, mais très rares sont les gens qui écoutent ces messages judicieux ou changent d'avis sur la gestion des risques. Les polémiques sur les risques sont là pour de bon. Les vieilles controverses sur les risques sévissent dans la société moderne et sont des événements « normaux ». Quelle que soit la qualité de l'évaluation et de la communication des risques, les controverses ne « s'estomperont » pas. En fait, elles empireront probablement au fur et à mesure que les risques seront mieux connus, que leur maîtrise s'avérera plus coûteuse et que les informations tirées de l'Internet exploseront.

 Jusqu'à présent, la communication des risques s'opère en sens unique, à l'issue du processus de gestion des risques. Afin d'être efficace, le dialogue sur les risques doit impliquer toutes les parties et se dérouler tout au long du développement et de la commercialisation du produit. La gestion efficace des enjeux risques doit aller au-devant de la controverse et mettre les organisations à même d'assumer leurs responsabilités, de résister à la tentation de nier et de cacher et de jouer franc-jeu auprès du public, si banals que puissent paraître les risques. Quand on aborde honnêtement les incertitudes, on accepte d'avoir à respecter des exigences du « risque nul » là où les avantages sont flous ou injustement distribués, d'expliquer sa position sur le principe de précaution et de préciser pourquoi les incertitudes devraient s'amenuiser avec le temps. Quand on aide le public à gérer l'« interface sciences-politiques », on répond à l'appel à « faire quelque chose ». À cet effet, il faut s'assurer qu'une personne crédible consacre suffisamment de ressources à expliquer la recherche scientifique sous-jacente. En outre, le gouvernement doit « délester » la communication des risques, car, à l'instar de la polémique, la méfiance sévit. Il faut utiliser des ressources crédibles, indépendantes et tierces pour aider les citoyens à s'engager en connaissance de cause dans le « dialogue » permanent sur les enjeux liés à certains risques et sur l'évaluation des options de gestion des risques en général. La gestion des enjeux risques est un processus à long terme. Ainsi, l'enjeu de la dioxine a duré 30 ans, Greenpeace en ayant été le seul maître-d'oeuvre la moitié du temps. Sans vision à long terme, on ne saurait comprendre la dynamique mouvante de la controverse et y réagir efficacement au coup par coup.

 Jusqu'à présent, les programmes de participation du public ont fait primer le processus sur le contenu. La prochaine phase devra privilégier le contenu, notamment l'explication scientifique qui étaie l'évaluation des risques. Afin de dissiper les malentendus qui avivent les controverses sur les risques, il faudra se concentrer davantage sur l'initiation scientifique. Le gouvernement, seul capable de donner au public les compétences voulues en « traduction scientifique », ne pourra s'acquitter de cette tâche qu'avec l'infographie, rendue possible par l'Internet et les CD-ROM. Le nouvel indicatif « risk-com » permet à l'usager non seulement de « voir » les sciences et d'interagir avec elles, mais aussi de disposer de liens, à travers l'Internet, avec d'autres ressources informationnelles. Un site « risk-com » prototype, qui devrait être lancé au Canada début 2001, est EM-Com, qui portera sur les modulateurs endocriniers. Bien que financé par l'industrie chimique américaine et canadienne, ce site est géré indépendamment par un consortium de centres de recherche universitaires.

Biographie

William Leiss est membre et président (1999-2001) de la Société royale du Canada et a été le président-fondateur du Comité sur les groupes d'experts de la Société. Il est actuellement professeur à l'École des études politiques, Université Queen`s et titulaire de la chaire de recherche CRSNG/CRSH/industrie sur les communications et la politique en matière de risque à la Faculté de gestion, Université de Calgary. Cette chaire est la première chaire de recherche du monde qui se spécialise dans les fonctions de divulgation des risques dans un contexte de prise de décision liée à la gestion des risques.

De 1994 à 1999, il a été professeur de sciences politiques et titulaire de la chaire d'éco-recherche en politique environnementale à l'Université Queen's, en Ontario. Les principaux domaines de recherche de ce programme quinquennal de 1,3 millions de dollars sont : la gestion des risques environnementaux, l'engagement des intervenants, les outils économiques de règlementation environnementale, les répercussions intergouvernementales sur les politiques et règlements environnementaux et l'éthique environnementale. Il a aussi été professeur de sciences politiques (Régina, York), de sociologie (Toronto), d'études environnementales (York) et de communications (Simon Fraser); il a également été vice-recteur à la recherche à Simon Fraser.

Il est auteur, co-auteur ou éditeur de onze livres et de nombreux articles et rapports. Sa plus récente publication (avec Douglas Powell), Mad Cows and Mother's Milk: The Perils of Poor Risk Communications, expose, comme la précédente, Risk and Responsibility (1994), des études de cas détaillées sur les controverses liées aux risques pour la santé et l'environnement au Canada et à l'étranger. Son nouveau livre, Risk Issue Management: A New Approach to Risk Controversies sera publié en 2001.

Depuis plus de quinze ans, il travaille comme consultant auprès de l'industrie et des ministères fédéraux et provinciaux du Canada dans les domaines de la divulgation et de la gestion des risque, des consultations publiques et de l'établissement de consensus en matière de pesticides, de produits chimiques toxiques, de médicaments d'ordonnance, de gestion des déchets, etc. Parmi les projets actuels de divulgation des risques figurent : le changement climatique, les perturbateurs endocriniens, les champs radioélectriques, le génie génétique et la règlementation de l'usage du tabac.

Liste d'articles et de livres de M. William Leiss

Compilation à l'appui d'un Séminaire d'Environnement Canada en recherche sur les politiques, tenu à Hull, le 24 novembre 2000.

  1. Leiss, W. The limits to satisfaction : an essay on the problems of needs and commodities. Toronto: University of Toronto Press, 1976.

  2. Leiss, W. Political aspects of environmental issues. Alternatives (1978) 8 (1) : 23-32, 44. Notes: Excerpt from his book Ecology versus politics in Canada. Extraits de son livre Ecology versus politics in Canada.

  3. Leiss, W., (ed.) & University League for Social Reform. Ecology versus politics in Canada. Toronto : University of Toronto Press, 1979.

  4. Leiss, W. A value basis for conservation policy. Policy Studies Journal (1981) 9 (4) : 613-622.

  5. Leiss, W. The risk management process : working paper. Ottawa : Pesticides Directorate, Agriculture Canada, 1985.

  6. Leiss, W. & Keir, A. Summary of follow-up consultations : multi-stakeholder response to toxic chemicals management issues. In : Toxic chemicals management in the Prairies : a consultative planning process : final report, part II, pp. 3-15. Edmonton : Conservation & Protection, 1987.

  7. Leiss, W., (ed.) Prospects and problems in risk communication. Waterloo, Ontario : University of Waterloo Press, 1987.
    Notes: Rédigé à partir d'un symposium tenu à Ottawa en décembre 1987.

  8. Leiss, W. The idols of technology. Transactions of the Royal Society of Canada = Mémoires de la Société royale du Canada (1989) 4 : 35-42.
    Notes: Extraits du début et de la conclusion de son livre intitulé Under technology's thumb. Montréal : McGill-Queen's University Press, 1990.

  9. Leiss, W. & Chociolko, C. Risk and responsibility. Montréal : McGill-Queen's University Press, 1994.

  10. Leiss, W. "Down and dirty" : the use and abuse of public trust in risk communication. Risk analysis (1995) 15 (6) : 685-691.

  11. Leiss, W. & Griffin, T., (web design & maintenance). William Leiss. Calgary, Alberta : University of Calgary, 1999.
    http://www.acs.ucalgary.ca/~wleiss/index2.htm
    Notes: Ce site Web abrite plusieurs écrits de l'auteur, ayant trait à la divulgation des risques et aux politiques gouvernementales.

  12. Powell, D.A. & Leiss, W. Mad cows and mother's milk : the perils of poor risk communication. Montréal : McGill-Queen's University Press, 1997.

  13. Salter, L., Leiss, W. & Canada. Agriculture Canada. Consultation in the assessment and registration of pesticides : final report and recommendations. Burnaby, British Columbia : The authors, 1984.

  14. Salter, L., Levy, E. & Leiss, W. Mandated science : science and scientists in the making of standards. Dordrecht, Holland : Kluwer Academic, 1988.

  15. Salter, L., Leiss, W. & Canadian Centre for Management Development. Guide to consultation and consensus building : abridged version. Burnaby, British Columbia : Simon Fraser University, 1989.
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