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Dans ce numéro

  Agence de santé publique du Canada

Le Bulletin du SCHIRPTSystème canadien hospitalier d'information et de recherche en prévention des traumatismes
Numéro 9
novembre 1996

La surveillance des traumatismes chez les enfants dans différents pays

par I. Barry Pless, Directeur, programme
de prévention des blessures et SCHIRPT,
Hôpital de Montréal pour enfants

La multiplication rapide des programmes de lutte contre les traumatismes à l'échelle mondiale a suscité un intérêt généralisé pour les systèmes de surveillance, tels que le SCHIRPT. Le présent article offre un compte rendu succinct des systèmes de surveillance des traumatismes qui existent dans le monde et qui tiennent compte des enfants; ceci devrait permettre de considérer le SCHIRPT dans une perspective plus large1.

La surveillance se définit ainsi : (traduction) «Analyse et interprétation constantes, avec rétroaction, de données recueillies de façon systématique, généralement à l'aide de méthodes se distinguant par leur caractère pratique, leur uniformité et leur rapidité, plutôt que par leur exactitude ou leur exhaustivité2.» Une enquête se distingue d'une activité de surveillance en ce qu'elle suppose habituellement le recours à un échantillon de population et qu'elle peut, de ce fait, produire des taux intrinsèques. La déclaration obligatoire de certaines maladies (maladies à déclaration obligatoire) peut aussi servir à des fins de surveillance. Si les blessures étaient «à déclaration obligatoire», on pourrait remédier à un déficit épidémiologique important dû au fait que de nombreux traumatismes sont uniquement traités dans le cabinet du médecin.

Si les gouvernements ont commencé à surveiller les maladies au Moyen-Âge, c'est au 18e siècle seulement, en Allemagne, qu'un système national de surveillance a été mis en place pour la première fois. En Amérique du Nord, un rapport de la National Academy of Sciences (NAS) des États-Unis, publié en 1966 et intitulé Injury in America, a beaucoup contribué aux débuts de la lutte contre les traumatismes. Ce rapport décrivait les traumatismes comme «la maladie tenue pour quantité négligeable dans la société moderne» et, plus loin, comme «le principal problème actuel de santé public en Amérique du Nord». La NAS qualifiait les systèmes de données des États-Unis de «pathétiquement insuffisants» et cette critique valait également pour le Canada avant que le SCHIRPT ne soit mis sur pied en 1990.

Bon nombre de pays assurent maintenant une forme de surveillance, mais il y a peu d'uniformité dans les méthodes de collecte des données et, donc, peu de possibilité de faire des comparaisons internationales. Les systèmes diffèrent sur de nombreux plans : gamme des traumatismes pris en compte, groupes d'âge considérés, sources des données et information obtenue, et complexité du codage. Il y a toutefois un trait commun, les tensions entre les partisans de l'acquisition de données nationales et ceux qui estiment que les données devraient être recueillies à l'échelon local. Les données nationales ont une valeur limitée aux fins de la planification des programmes régionaux. Cependant, les chiffres sont plus gros qu'ils ne le seraient si l'on se limitait à l'échelon local et, pour la recherche, les chiffres sont importants.

Le présent article vise à situer le SCHIRPT par rapport à d'autres systèmes de collecte de données sur les traumatismes. À cette fin, on a procédé à une recension systématique de la documentation scientifique et on a lancé une demande d'information sur Internet. On trouvera au tableau 1 (page 3) une récapitulation des constatations qui ont été faites et qui sont analysées dans les paragraphes qui suivent.

Tableau 1
Systèmes de surveillance des traumatismes
Nom
Canada
Groupe d'âge Type de blessure Lieu de collecte des données Échantillon? Organisme de parrainage
SCHIRPT tous tous SU non Santé Canada
États-Unis
NEISS < 18 ans produits SU oui CPSC
BARS tous navigation conducteurs de bateau non Coast Guard
FARS tous collisions de la route service de police non Nat'l Highway Traffic Safety Assoc.
NBR tous brûlures hôpital non NIBM
NFIRS tous incendies contre les incendies service de lutte non Federal Emergency Management Administration
Europe
HASS (R. - U.) tous au domicile SU (T&U) oui +/- Department of Trade & Industry
LASS (R. - U.) tous pendant les loisirs SU (T&U) oui +/- Department of Trade & Industry
EHLASS (CEE) tous au domicile et pendant les loisirs SU (divers) oui +/- CEE
PORS (Pays-Bas) tous au domicile et pendant les loisirs SU (T&U) oui Ministère de la santé
CHIPPS (Newcastle) enfants tous hôpital non Department of Child Health
CHIRPP (Glasgow) enfants tous SU (T&U) non Santé publique
CEPERI (Athènes) enfants tous SU (T&U) oui Santé publique
France enfants tous enquêtes oui Ministère de la santé
Australie et Nouvelle-Zélande
NISSP/VISS (VEMD) tous tous SU non Ministère de la santé de l'État
NMD-IS tous tous tous oui Ministère national de la santé
QISPP tous tous SU non Ministère de la santé de l'État
Nouvelle-Zélande enfants tous hôpital non Ministère national de la santé
Legend
SCHIRPT Système canadien hospitalier d'information et de recherche en prévention des traumatismes
SU Services des urgences
NEISS National Electronic Injury Surveillance System
BARS Boating Accident Reporting System
FARS Fatal Accident Reporting System
NBR National Burns Registry
NFIRS National Fire Incident Reporting System
HASS/LASS/EHLASS Home/Leisure/European (HL) Accident Surveillance System
PORS Privé Ongevallen Registratie Systeem
CHIPPS Childhood Injury Prevention and Promotion of Safety
SU (T&U) Services des urgences (Traumatologie et urgences)
CEPERI Center for Research and Prevention of Injuries
NISPP National Injury Surveillance and Prevention Project
VISS Victorian Injury Surveillance System
VEMD Victorian Emergency Minimum Dataset
NMD-IS National Minimum Dataset Injury Surveillance
QISPP Queensland Injury Surveillance and Prevention Project
   

États-Unis

Le National Electronic Injury Surveillance System (NEISS), exploité par la Consumer Product Safety Commission (CPSC) depuis 1972, met l'accent sur la sécurité des produits. Ce système présente deux caractéristiques dignes de mention : tout d'abord, les données proviennent d'un échantillon probabiliste stratifié d'hôpitaux; ensuite, le système fonctionne sous les auspices de la CPSC, il assure une large diffusion de ses résultats et il est souvent à l'origine de mesures réglementaires. Environ 40 % de tous les rapports du NEISS concernent les enfants, et les trois quarts des règlements proposés par la CPSC en 1994 visaient des produits destinés aux enfants. Il s'agit donc, sans aucun doute, d'un programme de grande valeur, qui peut influer sur la réglementation et, à ce titre, mérite d'être imité.

Les autres systèmes américains mentionnés dans le tableau ont aussi une envergure nationale, mais chacun se limite à un type spécifique de traumatisme. Le National Traumatic Occupational Fatalities Surveillance System (non indiqué) n'inclut que les traumatismes chez les plus de 15 ans. Certains États et quelques villes ont aussi des systèmes, non mentionnés dans le tableau (comme le Statewide Childhood Injury Prevention Program (SCIPP) au Massachusetts, et la Northeastern Ohio Trauma Study).

Europe

Fait à noter, aucun système européen de surveillance n'inclut tous les types de traumatismes. Au Royaume-Uni, il y a deux grands systèmes : le HASS et le LASS, consacrés respectivement aux «accidents» survenant à la maison et pendant les loisirs. Ces systèmes ont ceci de particulier que l'Irlande, le pays de Galles et l'Écosse sont chacun représentés par un hôpital, tandis que l'Angleterre est représentée par des échantillons constitués dans 18 hôpitaux, après stratification selon la région, la densité de la population et la taille de l'hôpital. Cette méthode permet d'obtenir des échantillons plus représentatifs. En revanche, il est possible que les enfants soient exclus ou surreprésentés, selon les hôpitaux choisis. Contrairement au SCHIRPT, les données sont directement recueillies auprès de patients du service des urgences SU (accident and emergency department A&E;, c'est-à-dire traumatologie et urgences TU) qui sont interviewés par un agent ou elles sont extraites des dossiers des patients. L'information obtenue est similaire à celles que recueille le SCHIRPT et elle inclut des descriptions en forme libre.

Le rapport d'un atelier du Child Accident Prevention Trust décrit les systèmes importants de collecte de données sur les traumatismes au Royaume-Uni. Ces derniers incluent le A&E; Minimum Data Set (MDS), auquel on a décidé en 1993 d'incorporer plus de données sur les blessures, et la British Paediatric Surveillance Unit (BPSU), fondée sur un échantillon de pédiatres consultants qui fournissent régulièrement des renseignements pendant une période donnée sur divers sujets.

Une initiative lancée par le Department of Child Health à Newcastle, le Childhood Injury Prevention and Promotion of Safety (CHIPPS), a mis en place un système de surveillance pour la région relevant de la Northern Regional Health Authority. Toutefois, ce système se fonde exclusivement sur les hospitalisations. Les cas sont considérés en regard des déclarations de décès et des dossiers de police sur les accidents de la route et ils sont mis en correspondance selon les caractéristiques socioéconomiques. Une autre initiative locale est le recours au CHIRPP à Glasgow.

EHLASS est une adaptation du HASS et du LASS, qui inclut tous les pays de la CEE. En Espagne et au Luxembourg, le système a pour base les hôpitaux (services des urgences), tandis qu'en Suède, en Finlande et en Autriche, il repose sur les enquêtes auprès des ménages. Environ 50 % des cas signalés dans l'EHLASS concernent les moins de 20 ans. L'équivalent hollandais, le PORS, se fonde aussi sur un échantillon représentatif. Les services des urgences de 14 hôpitaux participent à cette initiative mais entre 18 et 25 % seulement des patients ont moins de 20 ans. Enfin, à Athènes, le CEPERI recueille des données sur les traumatismes dans deux hôpitaux pédiatriques. Les données de ce système sont plus ou moins fondées sur la population, parce que pratiquement tous les enfants blessés de la ville sont examinés dans ces hôpitaux.

Australie et Nouvelle-Zélande

Le Victorian Injury Surveillance System (VISS), dont le SCHIRPT est une adaptation, a été créé en 1988. Il se fonde sur les données des services des urgences de sept hôpitaux et il a, comme le SCHIRPT, commencé avec des données sur les blessures chez les enfants. Quand le Monash University Accident Research Centre (MUARC) a pris la relève en 1990, le système actuel regroupant les données de tous les groupes d'âge a été mis en place. Le VISS passe maintenant de l'étape des données recueillies manuellement dans des services d'urgences choisis à un processus de collecte électronique programmée de données, au niveau de l'État, à l'aide du National Minimum Dataset Injury Surveillance (NMD-IS).

En 1995, le Victorian Emergency Minimum Dataset (VEMD) a été lancé. Il s'agit d'un système de codage normalisé obligatoire de tous les patients qui se présentent dans les services d'urgences. Cet ensemble de données inclut plusieurs variables administratives ainsi que l'information sur la surveillance des traumatismes recueillie à l'aide du NMD-IS. Les données de base sur les traumatismes incluent une description de l'événement, une mention de la cause externe principale, du lieu et de l'activité, une liste de 30 catégories de traumatismes et une liste de 22 parties du corps. Les données sont recueillies par le personnel des services d'urgences et pré-codées à l'aide du logiciel. Le VEMD fournit une information moins détaillée que le VISS, mais on s'attend à ce que certains hôpitaux recueillent des données plus précises à l'avenir.

Des systèmes similaires sont en place dans d'autres États australiens. Le Queensland Injury Surveillance and Prevention Project (QISPP) est un projet de collecte de données incluant les patients de tous âges et tous les traumatismes dans sept hôpitaux. En huit ans d'existence, ce projet a permis de recueillir des données sur 250 000 cas.

En Nouvelle-Zélande, le principal système de surveillance, créé en 1979, permet de recueillir dans les hôpitaux des données sur les malades hospitalisés qui ont subi des traumatismes mortels ou graves, données qui peuvent être mises en correspondance avec celles d'autres bases de données nationales.

Discussion

Le système de surveillance canadien, le SCHIRPT, est un chef de file dans ce domaine à l'échelle mondiale, mais le système australien reste à l'avant-garde. La plupart des systèmes ont à relever le défi suivant : ils doivent satisfaire aux besoins des différents groupes qui demandent l'information et ils doivent prendre en compte les divers objectifs visés en utilisant cette information. S'il est admis que le but ultime est la prévention, la mesure de tout système de surveillance est la façon dont les résultats sont traduits en actions. Seuls les Australiens ont fait leurs preuves à cet égard. La plupart des systèmes sont complexes et certaines compétences sont nécessaires pour analyser et interpréter correctement les données. En général, les groupes communautaires ont besoin de l'aide des professionnels impliqués. Au Canada, quelques groupes locaux ne connaissent pas encore le SCHIRPT ou ne savent pas à qui s'adresser pour des analyses. Or, toute analyse, quelle que soit la compétence avec laquelle elle est réalisée, demeure un exercice décourageant si on n'a pas les ressources voulues pour en appliquer les résultats à la prévention. En conséquence, une pénurie de fonds peut gêner les efforts de conception, d'exécution et d'évaluation des initiatives de prévention.

Bon nombre d'applications impressionnantes, illustrées dans le bulletin australien Hazard, ont été rendues possibles par l'imposition de taxes sur les produits du tabac. Le Canada aurait sans doute intérêt à recourir à cette source de revenu. Les données du VISS ont servi à porter les risques et les solutions potentielles à l'attention «du public et de tous ceux qui ont pour tâche de le protéger les ministères et les autorités compétentes ainsi que les fabricants, les détaillants, les assureurs, les groupes de consommateurs et de prévention des traumatismes, les enseignants, les chercheurs et les médecins spécialistes».

On accorde de plus en plus d'importance à la mise en uvre des recommandations fondées sur les constatations du VISS, et les médias ont joué un rôle de premier plan à cet égard. Dans un numéro récent de Hazard, on examine la réaction des médias face à diverses questions. On donne au tableau 2 les principaux secteurs où des progrès ont été réalisés à l'aide des données du VISS.

Table 2
De la surveillance à la prévention en Australie

Voici quelques exemples de domaines où les résultats du VISS ont débouché sur des mesures concrètes (tel que signalé dans Hazard, décembre 1995).

Prévention

  • du suicide (gaz d'échappement)
  • des brûlures (boissons chaudes)
  • des brûlures (briquets et allumettes)
  • des chutes (marchettes pour bébés, chariots à provisions)
  • des morsures de chien
  • des blessures associées à des activités équestres
  • des traumatismes crâniens (bicyclettes)
  • des traumatismes liés
    • aux vitres dans la maison
    • au patinage à roues alignées
    • aux doigts coincés dans les portes
    • aux piqûres accidentelles avec des aiguilles
    • au matériel de terrains de jeux

Conclusions

À mesure que les traumatismes supplantent les maladies transmissibles comme principale cause de décès et d'invalidité dans de nombreux pays, les systèmes de surveillance permettant d'en connaître la fréquence jouent un rôle de plus en plus important. Idéalement, un système de surveillance devrait être pratique, valide et exhaustif, se prêter à des comparaisons avec d'autres systèmes, être facile d'accès pour les usagers et être rentable. Parmi les systèmes examinés, aucun ne satisfait à cet objectif, et il semble que le Canada soit le seul pays doté de ce qu'on pourrait qualifier de «stratégie nationale» en vue de disposer d'un système de collecte qui représente raisonnablement les traumatismes chez les enfants.

En conséquence, le Canada peut à juste titre être fier du SCHIRPT. Toutefois, comme la présente analyse le fait ressortir, il est sans doute temps d'envisager certains changements. Il faudrait entre autres penser à mettre en place un système plus global, conçu sur le modèle australien, en rendant obligatoire la collecte d'un minimum de données par tous les hôpitaux. Une autre amélioration, plus modeste, à laquelle il faudrait songer consisterait à augmenter le nombre d'hôpitaux participants et à faire en sorte qu'ils soient plus représentatifs en ayant recours à des méthodes d'échantillonnage semblables à celles qu'utilisent le HASS et le LASS au Royaume-Uni et le NEISS aux États-Unis.

Parce que bon nombre d'autres ensembles de données contiennent des renseignements sur les blessures, il importe que les organismes concernés collaborent davantage les uns avec les autres, afin notamment d'assurer un meilleur couplage des données. Si Internet offre un élément de réponse, il reste nécessaire qu'un leadership solide soit exercé de façon à ce que l'on puisse pleinement tirer profit de l'information dont on dispose. Les services de santé publique devraient accepter d'assumer plus de responsabilité en matière de prévention des traumatismes, et donc d'exploitation des systèmes de surveillance nécessaires. Tant la politique du Royaume-Uni (The Health of the Nation) que celle des États-Unis (Healthy People 2000) reconnaissent la prévention des traumatismes comme l'un des grands secteurs dont il faut s'occuper à l'échelon national. Le Canada a besoin maintenant de quelque chose de similaire. Il est temps de revoir les objectifs nationaux, en matière de prévention des traumatismes, décrits dans le compte rendu d'un colloque national tenu en 1991, A Safer Canada: Year 2000 Injury Control Objectives for Canada, et de reconnaître officiellement l'importance des traumatismes et le rôle des données de surveillance pour la mise au point des programmes de prévention.


Notes

1. La plupart des références ont été retranchées de cet article. Si vous souhaitez les obtenir, vous pouvez communiquer avec l'auteur, qui pourra, sur demande, vous fournir un rapport plus détaillé. Voir l'adresse à la fin de l'article.

2. Extrait de : A Dictionary of Epidemiology (third edition), edited by John Last, Oxford University Press, 1995.


Dr Barry Pless, Directeur,
Recherche en pédiatrie communautaire
Hôpital de Montréal pour enfants, C-538
2300, rue Tupper
Montréal (Québec) H3H 1P3

Tél. : (514) 934-4465
Téléc. : (514) 934-4477
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Dernière mise à jour : 2001-02-16 début