PRB 98-8F
FISCALITÉ
DES PRODUITS DU TABAC
Rédaction :
Jean Dupuis
Division de l'économie
Décembre 1998
Structure
des taxes fédérales et provinciales sur le tabac
Le gouvernement fédéral
frappe les produits du tabac dun droit daccise(1) et dune taxe daccise. Les
droits daccise sont imposés sur une liste précise de produits canadiens, dont les
plus importants sont les spiritueux, la bière, les cigarettes et les autres produits du
tabac. Le droit daccise sur les cigarettes est un certain montant par millier de
cigarettes normalisées (cest-à-dire pesant au plus 1,361 kilo, ou trois livres,
par millier de cigarettes). Le droit daccise est plus élevé pour les cigarettes
contenant plus de tabac(2).
Les taxes daccise sont
soit un montant fixe imposé sur une certaine quantité de produits, soit une taxe ad
valorem qui sapplique à une liste prescrite de produits canadiens et importés,
et certaines taxes particulières. Ces taxes sajoutent aux taxes sur la vente en
gros ou au détail. Du 1er avril 1981 au 1er septembre 1984, la taxe
fédérale daccise sur les produits du tabac a été indexée chaque année en
fonction de lindice des prix à la consommation. Cette indexation automatique a
été éliminée en mai 1985 et remplacée par des hausses prévues par voie législative.
Après 1984, les cigarettes ont
également été soumises à la taxe fédérale de vente, appelée taxe sur les ventes des
fabricants. Un taux de 19 p. 100 a alors été imposé, au lieu du taux normal
de 13,5 p. 100. En 1991, la taxe sur les produits et services (TPS) a remplacé
la taxe sur les ventes des fabricants, et son taux uniforme a été fixé à
7 p. 100.
Toutes les provinces appliquent
également leurs propres taxes de consommation ou daccise sur les produits du tabac;
il sagit dhabitude dun certain montant par millier de cigarettes.
Exception faite de lÎle-du-Prince-Édouard, de lAlberta, de la
Colombie-Britannique, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, les provinces frappent
les produits du tabac de taxes sur la vente au détail ou de taxes à la valeur ajoutée.
Le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve englobent la TPS dans
le calcul du montant sur lequel les taxes provinciales sont prélevées alors que
lOntario, le Manitoba et la Saskatchewan ne le font pas(3).
Chronologie
des mesures fiscales sur le tabac de 1987 à 1998 (4)
1987 : LAlberta, la
Saskatchewan, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse relèvent leurs taxes sur le tabac.
1989 : Le gouvernement fédéral
relève substantiellement ses taxes sur les cigarettes et le tabac, et un certain nombre
de provinces suivent son exemple. Le total de la taxe et du droit daccise fédéraux
passe le 1er avril 1989 à 48,851 $ pour un millier de cigarettes contre
les 31,901 $ imposés le 11 février 1988, ce qui représente une augmentation de
plus de 53 p. 100. Lensemble des taxes sur les produits manufacturés du
tabac a plus que doublé, passant à 26,637 $ pendant la même période(5).
1990 : Alors que les taxes
fédérales restent inchangées, neuf provinces relèvent les taux des leurs.
1991 : Le gouvernement fédéral et
sept provinces augmentent leurs taxes sur le tabac, suscitant la crainte dachats
outre-frontière, de contrebande et de vol. Le Nouveau-Brunswick réduit ses taxes sur le
tabac et la Colombie-Britannique renonce à sa formule de rajustement semestriel de ces
taxes en fonction de linflation. Le gouvernement fédéral applique, puis retire une
taxe dexportation pour les fabricants de tabac.
1992 : Augmentation notable des
activités de contrebande du tabac et des vols simples ou avec violence de produits du
tabac. Quatre provinces relèvent leurs taxes sur le tabac; on estime que le fisc
fédéral et les provinces perdent des recettes fiscales de deux milliards de dollars par
année à cause de la contrebande.
1994 : Dans un effort pour contrer un
trafic illégal de cigarettes se chiffrant par milliards de dollars, le gouvernement
fédéral réduit sa taxe daccise de 5 $ la cartouche. Les provinces sont
invitées à faire une réduction égale; si la réduction provinciale va au-delà de la
réduction fédérale, le gouvernement central sengage à apporter une réduction
équivalant à la différence, jusquà concurrence de 5 $ de plus. Les
provinces les plus durement touchées par la contrebande de tabac acceptent cette
offre : Québec, Nouveau-Brunswick, Ontario, Île-du-Prince-Édouard et
Nouvelle-Écosse. Les autres ne modifient pas la structure de leurs taxes sur le tabac. Le
gouvernement fédéral prend dautres mesures fiscales : la réimposition
dune taxe de 8 $ la cartouche sur les exportations, une surtaxe de 200 millions
de dollars sur les bénéfices des fabricants de tabac et ladoption de divers
programmes dapplication de la loi et de sensibilisation(6).
1995 : À peine un an après la
réduction des taxes fédérales et provinciales, le Québec augmente sa taxe
daccise de 1,32 $ la cartouche et lÎle-du-Prince-Édouard de 1 $ la
cartouche. La Nouvelle-Écosse supprime la taxe de vente de 11 p. 100 sur
les produits du tabac et augmente à proportion sa taxe daccise, ce qui laisse la
ponction fiscale inchangée. La contrebande de tabac diminue beaucoup.
1996 : Le gouvernement fédéral
relève sa taxe daccise de 0,70 $ le 29 novembre sur les cigarettes vendues au
Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle- Écosse. Ces provinces relèvent
leurs propres taxes du même montant. Deux semaines plus tard, le gouvernement fédéral
et lÎle-du-Prince-Édouard relèvent leurs taxes daccise sur le tabac de
0,70 $.
1998 : En février, le gouvernement
fédéral annonce une augmentation de 0,60 $ la cartouche de 200 cigarettes pour la
vente au détail en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse et dans
lÎle-du-Prince-Édouard; la hausse est de 0,40 $ pour la vente au détail au
Nouveau-Brunswick. Des augmentations comparables des taxes provinciales sur les cigarettes
sont imposées parallèlement par les gouvernements de ces cinq provinces. Il y a
également dautres mesures, dont des augmentations de la taxe daccise
fédérale sur les bâtonnets de tabac, certaines provinces imposant des augmentations
semblables de la taxe daccise(7).
Effets des
taxes sur le rendement de lindustrie du tabac (8)
Depuis 1982, la valeur des
livraisons de produits du tabac(9) augmente
chaque année denviron 5 p. 100. Cette augmentation de la valeur tient à
des hausses régulières des prix des produits. Par contre, si on tient compte de
linflation, la valeur a diminué pendant cette période, en réalité, car la
consommation des produits du tabac et des cigarettes a constamment diminué. Les
préoccupations en matière de santé publique, les pressions des groupes antitabac ainsi
que la réglementation gouvernementale sur létiquetage et lemballage et des
hausses constantes dans les taxes sur le tabac ont contribué à réduire la demande de
ces produits.
La production canadienne de
tabac est destinée essentiellement aux marchés intérieurs, et il y a peu de concurrence
étrangère. Les exportations sont habituellement denviron 6 p. 100 et les
importations de quelque 3 p. 100 de la valeur totale des expéditions. Cette
tendance a changé vers la fin des années 80, car les fabricants canadiens ont commencé
à exporter une partie croissante de leur production, surtout vers les États-Unis, afin
de maintenir leur niveau de production malgré laugmentation des taxes sur les
produits du tabac au Canada et le fléchissement des ventes sur le marché intérieur.
Le nombre de cigarettes
exportées, qui était resté inférieur à un milliard jusquen 1986, a plus que
doublé en 1991 et en 1992, et presque doublé de nouveau en 1993, atteignant un niveau
record de 17 milliards de cigarettes, soit 37 p. 100 des ventes totales.
En 1993, la progression des
exportations avait fait augmenter le nombre total de cigarettes vendues pour la première
fois depuis 1981. Les ventes nationales ont totalisé 48 milliards de cigarettes, soit
6 p. 100 de plus que lannée précédente. Cependant, malgré
laugmentation des ventes, la valeur des livraisons de tabac a diminué de
deux milliards de dollars, en recul de 2 p. 100 sur les chiffres de 1992.
Une partie non quantifiée de
ces exportations est toutefois revenue sur le marché intérieur canadien par la
contrebande au lieu dêtre consommée dans le pays de destination. Le volume total
des ventes a été peu touché par les augmentations dans les exportations, étant donné
les diminutions équivalentes observées dans les ventes au Canada.
Réagissant à
laugmentation du trafic illégal de produits du tabac et aux pertes de recettes
fiscales (estimées à deux milliards de dollars)(10) quil occasionnait, le gouvernement fédéral,
avec la collaboration des provinces les plus durement frappées par la contrebande du
tabac, a appliqué en 1994 une série de mesures visant à limiter et à réduire le
trafic illégal de produits du tabac. Ces mesures comprenaient une diminution importante
des taxes daccise fédérales sur le tabac, à laquelle devait correspondre une
baisse parallèle des taxes daccise provinciales sur ces produits, un prélèvement
sur les exportations de tabac des fabricants ainsi que diverses mesures législatives et
réglementaires visant à mettre un frein à la contrebande.
Ces mesures ont beaucoup fait
diminuer la contrebande. Le nombre de cigarettes exportées est tombé dun record de
17 milliards en 1993 à sept milliards en 1994 et à cinq milliards en 1994 et
1995.
En 1994, année des diminutions
de taxe daccise, les ventes totales ont atteint 53 milliards de cigarettes, soit
12 p. 100 de plus quen 1993, et la valeur des livraisons totales a
augmenté de 23 p. 100 pour atteindre 2,5 milliards de dollars. Après
1994, cependant, lindustrie est revenue aux tendances davant 1990 :
augmentations modestes de la valeur des livraisons, diminution du volume des ventes
totales et exportations faibles.
Depuis 1994, le gouvernement
fédéral et les provinces de lEst et du centre ont imposé une série
daugmentations relativement faibles des taxes sur le tabac, ce qui, jusquà
maintenant, ne sest pas traduit par des augmentations appréciables de la
contrebande du tabac(11). Cependant,
daprès le témoignage de la GRC au Comité sénatorial permanent des affaires
sociales, des sciences et de la technologie(12),
il faut sattendre à une intensification des activités de contrebande si les taxes
sur le tabac continuent daugmenter.
(1) Robin W. Boadway et Harry M. Kitchen, La politique
fiscale au Canada, Association canadienne des études fiscales, no 63,
1980.
(2)
J. Harvey Perry, La fiscalité au Canada, 5e édition, document no
89, Association canadienne des études fiscales, 1990.
(3)
Association canadienne des droits des non-fumeurs (Canada), 17 février 1995.
(4)
Le tabac au Canada, Conseil canadien des manufacturiers du tabac, divers numéros.
(5)
Finances of the Nation 1988-89, Association canadienne des études fiscales, 1989.
(6)
Finances of the Nation 1995, Association canadienne des études fiscales, 1995.
(7)
Ministère des Finances, Communiqué, 13 février 1998.
(8)
Statistique Canada, Industries des boissons et du tabac, 1995, no de
catalogue 32-251 XPB.
(9)
La valeur des livraisons de produits est définie comme : « La somme de la
valeur des livraisons des produits fabriqués par létablissement, des recettes
provenant de la fabrication à façon et des réparations, ainsi que de la valeur nette,
sans les rabais, retours, remises, taxes de vente, taxes et droits daccise et frais
de livraison, payés à des transporteurs publics ou à forfait. » Statistique
Canada, Industries des boissons et du tabac, 1995, no de catalogue
32-251-XPB.
(10) Revenu Canada, PRESS33, Plan national de lutte
contre le tabagisme, le 8 février 1994.
(11) Sénat, Comité permanent des affaires sociales,
des sciences et de la technologie, Délibérations, 2e session, 35e
législature, 18 mars 1998, p. 3.
(12) Ibid. p. 3.
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