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[ndca_rep_cnma_rap_2005-08-25_f.pdf]
pages : 7, taille : 110 K, date : 2005-08-26

Rapport du « Comité sur le nouveau médicament Adderall XR »

Préambule

Le Comité sur le nouveau médicament (CNM) Adderall XR a été mis sur pied à la demande de Santé Canada (SC) et de Shire BioChem Inc (Shire). Le comité est composé des personnes suivantes : le Dr Mitchell Levine (président), pharmacoépidémiologiste, le Dr Robert Gow, pédocardiologue, et la Dre Sarah Shea, médecin consultant en troubles du développement et du comportement chez l'enfant. Le comité a été chargé de faire des recommandations au ministre de la Santé concernant la décision de suspendre l'avis de conformité (AC) d'Adderall XR, formulation composée de sels d'amphétamine à action prolongée, utilisée dans la prise en charge du trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (THADA). Afin de s'acquitter de ce mandat, le comité s'est fondé sur un examen approfondi de la documentation fournie à ses membres par SC et par Shire, sur les exposés et les discussions qui ont eu lieu le 19 juillet 2005 lors d'une rencontre entre SC, Shire et le comité, et sur l'information communiquée par SC et Shire à la demande du CNM après cette réunion.

Le CNM a été principalement chargé de procéder à une évaluation du risque de mort subite/cardiaque et/ou d'accident cérébrovasculaire chez les patients prenant Adderall XR. Le comité a indiqué d'emblée que les questions entourant l'innocuité et l'efficacité d'Adderall XR seraient évaluées par rapport à d'autres traitements médicamenteux disponibles contre le TDAH. En d'autres termes, on ne procéderait pas à une évaluation des effets bénéfiques ou des risques supplémentaires éventuellement associés à Adderall XR comparativement à l'absence de traitement (ou au placebo).

Il était manifeste, pour le CNM, que la principale source de désaccord entre SC et Shire concernant les risques associés à Adderall XR était liée au fait que chaque partie avait procédé à une analyse du risque en se fondant sur des ensembles de données différents et, par conséquent, avait par la suite tiré des conclusions différentes de ces données. Il était donc essentiel que le CNM évalue les différentes analyses et détermine laquelle était la plus susceptible de refléter fidèlement le risque relatif associé à Adderall XR comparativement aux autres traitements actuellement offerts.

Le présent rapport ne prétend pas exposer en détail les données présentées par les deux parties. Il vise plutôt à mettre en évidence les caractéristiques des analyses qui pourraient influer sur la validité interne ou externe des résultats obtenus à partir des différentes analyses. Dans ce rapport faisant état des constats et des recommandations du comité, nous tenterons d'aborder d'un point de vue comparatif (c. à d. Adderall XR en regard d'autres traitements médicamenteux) les questions posées conjointement au CNM par SC et par Shire.

Constats

SC a suspendu l'avis de conformité d'Adderall XR le 9 février 2005 en raison des inquiétudes suscitées par des rapports de cas de mort subite/cardiaque et/ou d'accident cérébrovasculaires chez des sujets prenant Adderall. Vu la responsabilité qui incombe à SC de réduire au minimum les risques associés aux pharmacothérapies et compte tenu du fait que les patients canadiens pouvaient immédiatement avoir accès à d'autres traitements du THADA, le retrait du marché d'Adderall XR a semblé être, à ce moment là, une mesure appropriée, fondée sur le principe de précaution qui guide SC.

L'analyse initiale a fait ressortir un taux plus élevé d'événements en ce qui a trait à la mort subite/cardiaque et/ou à l'accident cérébrovasculaire chez les utilisateurs d'Adderall comparativement aux sujets recevant un autre traitement médicamenteux contre le THADA. En outre, il ne semblait pas être une solution acceptable de minimiser cette augmentation perçue du risque, étant donné que nombre des événements signalés étaient survenus chez des patients qui ne présentaient pas de facteurs de risque identifiables. Par ailleurs, l'option qui aurait consisté à réduire la dose n'était étayée par aucune donnée indiquant que cette mesure se solderait par une réduction du risque sans altération de l'efficacité.

Étant donné que les rapports de cas ne permettent ni de confirmer ni de réfuter un lien présumé entre un médicament et un effet indésirable, des analyses plus poussées s'imposent. En ce qui concerne les événements rares, comme la mort subite/cardiaque, les données tirées d'essais contrôlés randomisés effectués antérieurement seraient insuffisantes, et l'analyse nécessiterait également des comparaisons avec des traitements actifs et pas seulement avec un placebo. Les plans non expérimentaux, comme les études de cohorte et les études cas/témoins, seraient la deuxième solution. Ni SC ni Shire n'ont réalisé ces types d'études. Les analyses effectuées jusqu'ici semblent être un « hybride » d'études écologiques, d'études de cohorte et de rapports de cas, étant donné que l'exposition et le résultat ne sont pas distinctement liés pour les sujets et que l'on ne connaît pas le résultat pour toutes les personnes. Par conséquent, on pourrait considérer qu'il s'agit d'une méthode relativement faible d'évaluation du risque. Dans les analyses effectuées par SC et par Shire, le nombre de rapports de cas relevés pour un médicament donné (assortis d'une évaluation suffisante de la causalité) a été divisé par une estimation de la population exposée, pour obtenir un rapport de taux de déclaration. Une comparaison des rapports de taux de déclaration a été effectuée entre Adderall XR et les autres traitements, exprimée sous la forme d'un risque relatif.

Les analyses initiales de SC semblent présenter certaines limitations importantes qui mineraient la validité interne du risque relatif calculé. La période utilisée pour l'identification des cas et la détermination de la population exposée était très différente entre Adderall XR (1996-2004) et les autres traitements (1976-2004). On note également certaines différences dans la façon dont les dénominateurs ont été calculés. Dans les études épidémiologiques, il est primordial que les deux cohortes (définies en fonction de leur exposition) aient la même possibilité d'être visées par le résultat à l'étude, lequel, dans cette analyse, est la production d'un rapport de cas. En raison des différences dans la détermination des dénominateurs, l'analyse ne garantit pas qu'il y a eu une possibilité identique de donner lieu à un rapport de cas, aussi les résultats risquent-ils d'être faussés. Il ne convient pas, dans le présent rapport, d'expliquer de manière exhaustive les sources de biais et les facteurs confusionnels dans l'analyse de SC.

Pour résoudre le problème du biais, le CNM a demandé à SC d'analyser de nouveau les données en utilisant un dénominateur plus comparable pour les deux groupes. Le risque relatif ainsi obtenu s'établissait à 2,2 pour Adderall comparativement à Concerta (méthylphénidate), mais ce résultat n'était pas statistiquement significatif (c.-à-d. l'intervalle de confiance à 95 % comprend 1,0). En raison des taux d'événements rares dans les deux groupes, la précision de l'estimation du risque relatif est assez faible, ce qui signifie qu'une augmentation réelle du risque pourrait être passée inaperçue.

L'analyse présentée par Shire présente également d'importantes limitations en ce qui a trait aux conclusions tirées de ces résultats. Il existe un certain nombre de facteurs confusionnels potentiels et de biais de déclaration qui pourraient avoir influé sur les résultats. La sous-déclaration est un facteur clé, étant donné que le taux d'événements dans la population exposée est inférieur à ce à quoi l'on pourrait s'attendre en l'absence d'exposition à un médicament. Si la sous-déclaration est asymétrique pour les groupes comparés, on obtiendra alors des résultats faussés. Les données de Shire font état d'un risque moindre de mort subite/cardiaque pour Adderall que pour Concerta, mais l'intervalle de confiance à 95 % comprend 1,0, et, par conséquent, aucun effet « bénéfique » relatif d' Adderall n'a été démontré. étant donné que Shire n'a pu fournir de preuves objectives qu'Adderall XR est cliniquement supérieur aux autres traitements, on ne peut alléguer un effet bénéfique supplémentaire pour contrebalancer l'augmentation perçue du risque. Il n'existe pas non plus de preuves suffisantes qu'Adderall XR est particulièrement bénéfique chez les patients qui ne répondent pas aux autres traitements utilisés contre le THADA.

Le CNM est donc contraint de tirer des conclusions en se fondant sur des analyses faibles sur le plan méthodologique, des résultats qui ne sont pas solides et peuvent facilement être influencés par des nuances dans les méthodes de détermination, et des analyses statistiques dont la précision laisse à désirer. Avec les réserves susmentionnées, le CNM arrive à la conclusion que le risque accru de mort subite/cardiaque et/ou d'accident vasculaire cérébral associé à Adderall XR comparativement à d'autres traitements actifs n'a pas été établi. Toutefois, le CNM reconnaît également qu'une telle augmentation n'a pas été exclue en raison des limitations des données actuellement disponibles pour analyse. Malheureusement, il est peu probable que l'on puisse arriver dans un proche avenir à une conclusion plus définitive concernant le risque relatif de mort subite/cardiaque et/ou d'accident vasculaire cérébral associé à Adderall XR.

Le présent rapport ayant essentiellement pour objet de procéder à une analyse comparative d'Adderall XR et des autres traitements médicamenteux actuellement offerts, nous ne nous sommes pas penchés sur le risque absolu accru associé à un traitement donné ou à tous les traitements par rapport à un placebo (ou à l'absence de traitement). Néanmoins, le comité reconnaît qu'il est théoriquement possible que tous les stimulants utilisés dans la prise en charge du THADA augmentent le risque de mort subite/cardiaque. On ignore dans quelle mesure ce risque accru est analogue à celui associé à la pratique d'exercices ou d'autres activités vigoureuses ou est dépendant de facteurs de risque cardiaque initiaux prédisposants, congénitaux ou acquis. En outre, un événement qui survient chez un individu exposé ne peut jamais être séparé du taux de fond de mort subite/cardiaque présent chez les sujets non exposés. Il n'existe pas d'épreuve clinique permettant de déterminer l'attribution, et comme les taux de rapport de cas sont inférieurs aux taux bruts d'événements dans la population totale, il est impossible de calculer le pourcentage de risque attribuable pour Adderall XR ou pour d'autres stimulants.

Recommandations

Le CNM a constaté que l'on ne dispose pas de données suffisantes pour appuyer l'allégation d'un risque accru de mort subite/cardiaque associé à Adderall XR comparativement à d'autres traitements actifs, mais il reconnaît également qu'une telle augmentation est biologiquement plausible et n'a pas été scientifiquement réfutée dans le cas d' Adderall XR ainsi que d'autres stimulants. Le CNM formule donc les recommandations suivantes :

  1. que le ministre mette fin à la suspension de l'avis de conformité d'Adderall XR (parallèlement à la mesure énoncée au point 2 ci-après);
  2. que Shire révise la monographie du produit et la notice destinée aux patients, de la manière indiquée dans le préavis de modification, n o de contrôle 095253;
  3. que Shire adopte les mesures énoncées dans la lettre datée du 21 juillet 2005 expédiée au CNM par Bonnie Cockhill, directrice des Affaires réglementaires et scientifiques;
  4. que le ministre améliore la surveillance après commercialisation pour TOUS les stimulants utilisés dans la prise en charge du THADA;
  5. que TOUS les stimulants prescrits dans la prise en charge du THADA soient utilisés avec prudence chez les patients qui a) pratiquent des activités ou des exercices vigoureux ou b) prennent d'autres stimulants ou c) ont des antécédents familiaux de mort subite/cardiaque. Bien que l'existence d'un risque supplémentaire d'événements cardiaques indésirables attribuables au traitement faisant appel à des stimulants n'ait pas été confirmée, et malgré l'absence de cette information, il serait tout de même prudent d'effectuer un ECG de référence avant d'amorcer la pharmacothérapie chez les patients présentant au moins un des facteurs de risque énoncés plus haut.

Rapport respectueusement soumis par,

Mitchell Levine, MD, MSc, FRCPC, FISPE
Robert Gow, MD, FRCPC
Sarah Shea, MD, FRCPC

Mise à jour : 2005-08-26 Haut de la page