Agence de santé public du Canada / Public Health Agency of Canada
Skip first menu Skip all menus English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil Centres et labs Publications Lignes dirctrices Index A-Z
Check the help on Web Accessibility features Santé - enfants Santé -adultes Santé aînés Surveillance Santé Canada
Agence de santé publique du Canada
1993

Le fardeau économique de la maladie au Canada, 1993


Considérations générales

La maladie et les blessures peuvent retentir sur bien des aspects de la vie d'une personne. La nature complexe de la maladie et des blessures pose un formidable défi aux auteurs d'études sur les coûts de la maladie, qui cherchent à quantifier selon des critères économiques les répercussions de la maladie et des blessures sur les individus et la société.

Avant d'amorcer une étude sur le coût de la maladie, il faut tout d'abord déterminer quels éléments seront comptabilisés dans les coûts considérés, quelles méthodes seront utilisées et quelles sources de données sont accessibles. La période choisie et la perspective adoptée doivent convenir tant aux données dont on dispose qu'à l'objet de l'analyse.

Définition et calcul des coûts

Les coûts directs correspondent à la valeur des biens et des services pour lesquels des sommes ont été payées et des ressources utilisées, alors que ces sommes et ces ressources auraient pu être consacrées à d'autres fins, en l'absence de maladie 1 . Ces coûts, qui sont moins contestables que les coûts indirects, comprennent le coût des soins dispensés par des médecins et d'autres professionnels de la santé, des soins donnés dans les hôpitaux et dans d'autres établissements de santé, des médicaments et des appareils, de la recherche en sciences de la santé, des immobilisations et de l'administration, ainsi que d'autres dépenses liées aux soins de santé. Entrent aussi dans la catégorie des coûts directs les sommes déboursées par le patient et sa famille (comme les frais de déplacement pour consulter un professionnel de la santé, les frais de déménagement, les services d'aide domestique, les aides ou les vêtements adaptés et les diètes spéciales).

De prime abord, les coûts directs semblent simples à calculer à l'aide des sources de données secondaires existantes. S'il est vrai que les dépenses nationales totales de santé sont faciles à obtenir, il reste qu'on ne trouve pas aisément de données systématiques sur des catégories diagnostiques précises, et même les données ponctuelles sont rares. Il est encore plus difficile d'obtenir des données fiables sur les coûts déboursés par le patient et sa famille.

Les coûts indirects représentent quant à eux la valeur que la société attribue à la «santé» et à la «vie». Ils sont plus sujets à controverse que les coûts directs, puisqu'une évaluation quantitative, selon des critères économiques, de la santé et de la vie suppose inévitablement un jugement quant à la valeur relative des personnes dans notre société. Cependant, ignorer ces coûts reviendrait à sous-estimer la valeur que la société accorde à la santé et à la vie. Il y a deux grandes approches pour calculer les coûts indirects : l'approche dite du capital humain et l'approche fondée sur la volonté de payer 2,3 .

Si on opte pour l'approche du capital humain, on tâche d'évaluer la productivité perdue par suite de l'invalidité ou d'un décès prématuré, en se servant du manque à gagner (revenus perdus) comme mesure indirecte des répercussions du décès prématuré et de l'invalidité sur les individus et l'ensemble de la société. En revanche, l'approche fondée sur la volonté de payer vise à déterminer la somme d'argent que les gens sont prêts à payer pour garder des personnes en vie et en santé; en règle générale, les estimations fondées sur la volonté de payer sont plus élevées que celles qui reposent sur les revenus perdus 4-8 .

La principale critique formulée à propos de l'approche du capital humain est qu'elle ne tient pas compte de la souffrance et des conséquences psychosociales de la maladie. Elle pose au départ qu'une mesure unique, le montant en dollars courants, est un critère approprié pour évaluer l'ensemble des répercussions de la maladie et des blessures sur tous les aspects de la vie des personnes touchées. Qui plus est, les revenus ne sont pas toujours un reflet juste de la capacité de produire, et certaines catégories de personnes sont sous-évaluées : les femmes, les jeunes et les personnes âgées 1,4,5,6 .

Beaucoup d'économistes privilégient l'approche fondée sur la volonté de payer parce qu'à leur avis, l'approche du capital humain ne tient pas compte du comportement des consommateurs dans l'achat de biens et de services 9 . La décision d'offrir ou non un programme de santé dépend, en dernière analyse, de la mesure dans laquelle les bénéficiaires de ce programme sont disposés à assumer des coûts pour profiter des avantages qu'il comporte. À titre d'exemple, une famille ou une société peut être disposée à payer pour garder en vie une personne âgée qui ne sera plus un élément productif de l'économie 10,11 .

L'approche fondée sur la volonté de payer peut être critiquée parce qu'il est extrêmement difficile d'évaluer le coût qu'on est prêt à assumer pour réduire légèrement les risques de décès 1,4,5,6 . Cette approche peut également être critiquée parce que la valeur attribuée à la vie d'une personne est fonction de la répartition des revenus, les riches étant plus en mesure de payer que les pauvres.

Nous avons choisi l'approche du capital humain pour estimer les coûts indirects de la maladie. Cette approche est plus utilisée dans les analyses coûts-avantages et les analyses coûts-efficacité, parce qu'il existe des statistiques fiables, parce que les calculs sont relativement simples et les résultats cohérents, ce qui permet de comparer différentes catégories diagnostiques ou différentes études sur le coût de la maladie fondées sur la même approche 2,3,12 .

Néanmoins, les coûts indirects sont des indicateurs moins fiables que les estimations des coûts directs, que l'on peut calculer directement à partir des données relatives à l'utilisation. Toute estimation du manque à gagner doit se fonder sur des hypothèses quant aux revenus que des personnes auraient pu gagner si elles n'étaient pas tombées malades. Ces hypothèses varient et peuvent avoir un effet substantiel sur l'estimation conséquente des coûts 6 . Si on se fonde strictement sur les coûts indirects pour fixer des priorités dans le domaine de la santé, sans user de discernement, on risque de canaliser les ressources vers les groupes les plus productifs (c'est-à-dire les riches, les personnes dans la force de l'âge, les hommes) plutôt que vers les groupes les plus vulnérables (comme les pauvres, les personnes âgées, les jeunes et les femmes). Une telle politique accentuerait les inégalités dans le domaine de la santé, allant à l'encontre des objectifs sociaux 10,11 .

Période de référence : la prévalence plutôt que l'incidence

Dans les études sur le coût de la maladie, on utilise deux méthodes reconnues pour définir la période de référence : la prévalence et l'incidence 1,4 .

Les études fondées sur la prévalence examinent les coûts engagés pendant une période donnée, généralement une année, peu importe le moment où la maladie est apparue 1 . En revanche, les études fondées sur l'incidence évaluent tous les coûts futurs liés aux cas de maladie diagnostiquée pendant l'année de référence 1 . Quand la pratique médicale et la technologie n'évoluent pas, les deux méthodes donnent les mêmes résultats. Cependant, si on prévoit des changements dans la pratique et la technologie médicales, les estimations de coûts fondées sur l'incidence refléteront ces changements 11 .

L'approche fondée sur la prévalence convient davantage lorsqu'il s'agit de trouver réponse à des questions de principe sur le contrôle des coûts. Par exemple, les autorités décisionnelles peuvent souhaiter fixer des cibles quant aux ressources totales à consacrer à une catégorie diagnostique, et voir dans quelle mesure l'objectif a été atteint. Par contre, l'approche fondée sur l'incidence convient mieux lorsqu'il faut décider des stratégies à privilégier sur le plan du traitement ou de la recherche, puisqu'elle reflète de façon plus réaliste les conséquences d'une baisse de l'incidence ou de l'amélioration de l'issue des interventions par rapport aux coûts futurs 13 .

L'approche fondée sur l'incidence nécessite la collecte de données primaires reposant sur la connaissance de l'évolution probable d'une maladie et de sa durée (par exemple, les taux de survie à compter de l'apparition de la maladie, la nature et le coût des soins médicaux nécessaires pendant toute la durée de la maladie et les répercussions de la maladie sur le revenu d'emploi et le travail non rémunéré)8 . Ces données peuvent seulement être estimées sur la base de prévisions; les estimations fondées sur l'incidence sont encore plus tributaires des hypothèses formulées que les estimations fondées sur la prévalence 6 .

Dans cette étude, nous avons utilisé l'approche fondée sur la prévalence pour deux raisons. Premièrement, il existe des données nationales sur des facteurs économiques et sur la santé qu'on peut obtenir facilement de différentes sources. Deuxièmement, les résultats sont plus faciles à comprendre, ils ont un rapport plus direct avec d'autres données et un seuil de confiance plus élevé que les estimations fondées sur l'incidence 6 .

Nous avons utilisé 1993 comme année de référence pour le calcul des coûts. Bien que la mortalité prématurée soit survenue en 1993, une partie de la perte de productivité se fera sentir au cours des années suivantes et ne peut être attribuée comme telle à 1993. Par contre, la mortalité prématurée survenue avant 1993 et qui a donné lieu à une perte de productivité en 1993 n'est pas prise en considération dans ce modèle. Un modèle plus complexe de la perte de productivité sur toute la durée de la vie tiendrait certes compte de tous ces facteurs, mais ses résultats ne devraient pas être significativement différents de ceux obtenus à l'aide d'un modèle simple.

Perspective d'analyse : la société ou l'État?

Dans toute analyse du coût de la maladie, il faut aussi tenir compte du contexte dans lequel les données seront utilisées. En termes plus précis, les répercussions de la perte de productivité résultant de blessures ou de maladies sont perçues de façon tout à fait différente par les gouvernements et par la société.

Les prestations d'invalidité versées, notamment, dans le cadre du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Régime des rentes du Québec (RRQ), de même que les indemnités d'accidents du travail, qui visent à compenser le manque à gagner résultant d'une maladie ou d'une blessure, sont des transferts de fonds de la société à l'individu. Du point de vue de l'État, ce transfert de fonds est un coût net (direct) : s'il n'y avait pas eu de maladie, les paiements de transfert auraient pu être consacrés à d'autres fins 14-17. Les coûts indirects de la maladie et des blessures (c'est-à-dire la productivité perdue) sont donc exclus lorsqu'on les considère du point de vue de l'État.

Cependant, du point de vue de la société, le coût de la maladie ou de la blessure n'est pas la prestation d'invalidité en soi, mais plutôt la perte de productivité (et de revenus) qu'elle vise à compenser : le paiement de transfert ne fait que déplacer le fardeau de l'invalidité en le faisant passer de l'individu à la société. Si on incluait les paiements de transfert dans le coût de la maladie, on se trouverait à compter deux fois les mêmes coûts, en calculant d'abord la perte de productivité de l'individu, puis la redistribution des ressources de la société, opérée pour indemniser l'individu pour cette perte 4,6 .

Nous avons choisi la perspective sociétale pour calculer les coûts de la maladie : elle englobe tous les coûts assumés par les individus, par les employeurs, par la collectivité par l'entremise de l'État ou par plusieurs de ces parties à la fois en vertu de mécanismes de partage des coûts. Nous avons toutefois exclu les paiements de transfert pour éviter de comptabiliser deux fois certains coûts indirects.



[Précédente] [Prochaine]

[Table des matières]

Mise à jour : 1997-07-06 haut de la page