Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
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Volume 20, No 4- 2000

 

  Agence de santé publique du Canada

Commentaire
Le meilleur des mondes - La lutte contre le cancer et les promesses du nouveau millénaire

Anthony B. Miller


Résumé

Pour lutter contre le cancer, il faut effectuer une planification stratégique et, partant, connaître les tendances de l'incidence et de la mortalité associées au cancer de même que les prévisions pour l'avenir afin de pouvoir prendre des décisions judicieuses quant aux priorités. Pour prévenir le cancer, il faut en outre adopter des mesures anti-tabac et modifier les habitudes alimentaires. Lors du dépistage, on ne devrait avoir recours qu'aux stratégies efficaces. Les tendances au Canada devraient être en général favorables d'ici l'an 2020, si l'on fait abstraction de la hausse de l'incidence des lymphomes non hodgkiniens. L'impact des politiques anti-tabac du Canada se fait actuellement sentir, alors que les mesures visant à modifier les habitudes alimentaires exercent probablement un effet sur l'incidence du cancer colorectal. L'impact du dépistage du cancer du col utérin a atteint son point maximal, compte tenu des taux actuels d'observance, mais rien n'indique pour le moment que le dépistage du cancer du sein ait eu des retombées. Dans l'avenir, on devra accorder la priorité à la prévention, notamment encourager les jeunes adultes à cesser de fumer, et à la modification des habitudes alimentaires à un jeune âge; il faudra de plus veiller à l'application rentable du dépistage.

Mots clés : cancer; depistage; lutte; prévention; prévisions



Introduction

La lutte contre le cancer comprend cinq volets : prévention, détection précoce et dépistage, traitement, réadaptation et soins palliatifs. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis au point le concept de programmes nationaux de lutte contre le cancer dans le but de prévenir d'éventuels cancers, de diagnostiquer précocement les cancers, d'offrir des traitements curatifs lorsqu'il en existe, de libérer les gens de la souffrance et d'atteindre tous les membres de la population1.

Les programmes nationaux de lutte contre le cancer devraient reposer sur une planification stratégique, qui comporte une évaluation réaliste des besoins dans chaque pays, des ressources disponibles et des priorités d'action. Pour faciliter une telle planification, il faut bien analyser la situation - c'est-à-dire évaluer les taux actuels d'incidence du cancer et de mortalité qui y est associée à l'intérieur du pays ainsi que les tendances passées et futures. Il est difficile de prévoir les tendances futures; on utilise habituellement un modèle élaboré à partir des données historiques. Dans le rapport annuel Statistiques canadiennes sur le cancer qu'il publie chaque année, l'Institut national du cancer du Canada établit des prévisions; ces données sont fort utiles mais ne portent que sur quelques années. Pour planifier de façon adéquate la lutte contre le cancer, il faut toutefois disposer de prévisions qui visent une période supérieure à trois à cinq ans, notamment pour évaluer la situation et déterminer si les tendances seront favorables ou défavorables dans l'avenir et ainsi décider quelles seront les priorités au moment d'entreprendre la planification stratégique.

Dans cet article, nous passerons en revue les stratégies de prévention et de dépistage pour la lutte contre le cancer. Nous présenterons ensuite les résultats d'un exercice où nous avons étendu les prévisions de l'incidence du cancer et de la mortalité par cancer au Canada jusqu'à l'année 2020, dans l'espoir de susciter non seulement un débat constructif mais également d'approfondir la réflexion sur les réalisations des 25 dernières années au Canada dans le domaine de la lutte contre le cancer et sur celles qui seront possibles au cours des 20 prochaines années.

Les opinions exprimées dans cet article sont souvent personnelles, fondées sur notre propre interprétation des données. Lorsqu'aucune référence n'est citée, le lecteur devrait présumer que l'interprétation d'une tendance correspond à une opinion personnelle. S'il existe des références pertinentes à l'appui, nous les citons, même si, bien souvent, des faits bien connus ne sont pas étayés par des références, que l'on peut trouver ailleurs2.


Prévention dans le cadre de la lutte contre le cancer

Le calcul des risques attribuables dans la population (de la proportion des cas due à un facteur donné) facilite l'établissement des priorités. Le risque attribuable dans la population pour les cancers liés au tabac est de l'ordre de 30 % dans les populations occidentales, mais à l'échelle de la planète, il est plus près de 20 %. Dans le cas des cancers liés à l'alimentation, il s'établit peut-être à 30 %; dans le cas des cancers associés à une infection, à environ 15 % et, dans le cas des cancérigènes en milieu de travail et dans l'environnement, il oscille entre 3 % et 9 % selon la prévalence et l'intensité de l'exposition dans une population donnée2. Ainsi, si l'on pouvait mettre en pratique toutes les connaissances actuelles, on pourrait prévenir plus de la moitié des cancers dans le monde.

Il y a quelques années, nous avons estimé que si les effets du tabagisme pouvaient être éliminés au Canada, environ 29 % des décès par cancer pourraient être prévenus ainsi que 22 % des cas de cancer. Si l'on réussissait à convaincre les gens d'abandonner leur régime riche en matières grasses et en calories et pauvre en végétaux, on réduirait de 20 % à 24 % l'incidence et la mortalité associées au cancer. Le dépistage du cancer du sein pourrait prévenir 25 % des décès dus au cancer du sein. Le dépistage du cancer du col utérin pourrait quant à lui prévenir 60 % des cas et des décès attribuables à cette maladie3.

Ces effets ne se feront cependant pas sentir du jour au lendemain. Il faudra au moins 30 ans pour qu'on récolte les fruits des mesures anti-tabac. L'épidémie de maladies liées au tabac a pris plus de 30 ans à se développer et il s'écoulera probablement plus de temps avant que les stratégies anti-tabac aient un retentissement important.

Suivant l'âge où elle débute, la modification des habitudes alimentaires pourra commencer à faire sentir ses effets après à peine 10 ans ou après une longue période pouvant atteindre 60 ans. L'impact de la migration dans des zones à haut risque sur l'incidence du cancer nous en donne une indication : pour le cancer colorectal, le changement est assez rapide, mais pour les cancers de l'estomac et du sein, les changements sont beaucoup plus lents.

On peut s'attendre à ce que la vaccination contre l'hépatite B prévienne le cancer du foie dans les pays à haut risque où la prévalence du VHB est élevée. Ce sont toutefois les nourrissons qui doivent être vaccinés et on ne peut s'attendre à un impact majeur sur l'incidence du cancer du foie avant environ 40 ans, bien que la vaccination comporte d'autres avantages plus immédiats non liés au cancer. Parallèlement, même si un vaccin contre l'infection par le virus du papillome humain (VPH) devait bientôt être introduit, il devrait s'écouler au moins 30 ans entre la vaccination et le moment où l'effet sur le cancer invasif du col de l'utérus se fasse nettement sentir. L'impact d'un dépistage ou d'un traitement efficace serait par contre rapidement observable.

Il est particulièrement difficile de recueillir un appui pour la prévention du cancer car on ne connaît pas le futur patient et celui-ci est actuellement sous-représenté. Le tiers de la population souffrira du cancer, mais dans la majorité des cas, on ignore qui sera atteint et donc qui devrait exercer des pressions pour que les mesures nécessaires soient prises en vue de prévenir le développement d'un cancer.

La priorité en matière de prévention du cancer consiste à lutter contre le tabagisme. Dans les populations occidentales, la modification des habitudes alimentaires suppose qu'on encourage les gens à consommer plus d'aliments à base de plantes, alors que dans les pays où l'on consomme des quantités suffisantes d'aliments à base de plantes, il importe d'empêcher les gens de se mettre à consommer de grandes quantités d'aliments d'origine animale. Il faut éviter les cancérigènes connus; cet aspect est particulièrement critique dans le cas de nombreux pays en développement, car on y a tendance à importer de nouvelles activités manufacturières et les produits cancérigènes qui les accompagnent. La vaccination contre l'hépatite B est offerte depuis de nombreuses années, mais dans les pays où les enfants ont besoin d'un tel vaccin, environ 1 % seulement ont probablement été vaccinés. Les programmes de promotion de la santé doivent donc être renforcés et il faut apprendre à diffuser l'information de façon à inciter les gens à préserver leur santé.


Le dépistage dans le cadre de la lutte contre le cancer

Lorsqu'on propose d'instaurer un dépistage pour lutter contre le cancer, seules les stratégies qui se sont avérées efficaces devraient être utilisées dans la population en général. Le programme ne peut être mis en oeuvre efficacement que si le groupe cible a été bien informé. Il existe de nombreux programmes, en particulier dans les pays en développement, où la bonne information de base n'a pas été fournie à la population et où le concept de dépistage et de prévention des décès dus au cancer ne fait pas partie de la culture, de telle sorte que le dépistage ne réussit pas à atteindre les personnes qui courent le plus grand risque.

Les programmes doivent s'appuyer sur l'histoire naturelle du cancer. Le problème tient en partie au fait que l'histoire naturelle de la phase précancéreuse détectable peut n'être connue qu'une fois qu'un dépistage a été effectué. Le dépistage doit être pratiqué au bon âge et à une fréquence adéquate. Le dépistage du cancer du col utérin n'est pas encore fait à la fréquence qu'il faudrait au Canada; ainsi coûte-t-il plus cher. Il faut toujours procéder à un dépistage en portant une attention à la qualité, en utilisant des installations adéquates et de préférence dans un cadre organisé. Heureusement, les programmes canadiens de dépistage du cancer du sein ont été mis sur pied de façon organisée, contrairement aux programmes de dépistage du cancer du col utérin.

Dans le cas du dépistage du cancer du sein, la controverse concernant l'utilité d'un dépistage mammographique chez les femmes de moins de 50 ans persiste. On sait maintenant cependant qu'un dépistage qui commence dans la quarantaine n'entraîne aucune réduction de la mortalité par cancer du sein au moment où les patientes sont dans la quarantaine4-6. Deux études ont fait valoir l'efficacité de l'auto-examen des seins dans ce groupe d'âge7,8. Ces observations, combinées aux données indiquant qu'il n'y a pas d'avantage à ajouter la mammographie à l'examen physique du sein et à l'enseignement de l'auto-examen des seins9 et aux résultats du premier essai de dépistage du cancer du sein10 montrant que le dépistage chez les femmes de plus de 50 ans apportait tôt des bienfaits, semblent indiquer que le principal avantage du dépistage réside dans la détection plus précoce de cancers relativement avancés et non de cancers débutants11.

Même les meilleurs essais de dépistage du cancer du sein qui comparaient le dépistage avec l'absence d'intervention n'ont pas contribué à réduire de plus de 30 % la mortalité par cancer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans4. Il se peut que depuis qu'ont été effectués ces essais faisant ressortir l'avantage d'un dépistage par rapport à l'absence de dépistage jusqu'à l'arrivée de traitements plus modernes (chimiothérapie adjuvante et tamoxifène), les formes de cancer qui tiraient autrefois avantage d'un dépistage et d'une détection précoce sont maintenant guéries grâce aux progrès de la médecine. L'amélioration des traitements pourrait ainsi éliminer la possibilité d'observer un avantage associé au dépistage.

Maintenant en ce qui a trait au dépistage du cancer du col utérin, on dispose de plus de données sur les avantages d'un traitement conservateur des lésions de grade peu élevé12. Dans l'étude citée, on s'est servi des dossiers du plus important laboratoire de cytologie de Toronto et on a identifié les patientes porteuses de dysplasies d'après le rapport cytologique, peu importe le grade. Les dossiers ont par la suite été couplés avec le Registre d'inscription des cas de cancer de l'Ontario.

On a constaté qu'environ 11 % des cas de dysplasie légère évoluaient vers une dysplasie modérée ou plus grave dans les deux années suivantes, et cette proportion atteignait 20 % environ sur cinq ans; l'évolution se faisait vers une dysplasie sévère ou un état plus grave dans seulement 2 % des cas après deux ans et 6 % après cinq ans. Seulement 16 % des cas de dysplasie modérée évoluaient vers une dysplasie sévère ou un état plus grave en deux ans, et 25 % en cinq ans. Ainsi, la proportion de femmes présentant une dysplasie légère ou modérée dont l'état s'est aggravé est relativement faible. La majorité des femmes atteintes d'une dysplasie légère ou modérée ont vu leur état revenir à la normale dans les cinq ans.

La classification de Bethesda regroupe les dysplasies modérées et sévères dans une même catégorie : lésions de grade élevé (HSIL)13. C'est malheureux car il y aurait lieu de distinguer les dysplasies modérées et sévères, et il s'ensuit qu'un grand nombre de femmes reçoivent un traitement excessif qui entraîne des coûts inutiles. Un dépistage pratiqué chez des jeunes femmes révélera que nombre d'entre elles présentent des séquelles d'une infection à VPH, qui régresseront pour la plupart en l'absence de traitement. L'orientation de toutes les femmes classées dans la catégorie des LSIL (dysplasie légère et effets du VPH) risque d'entraîner un important «surtraitement», mais même dans le cas des lésions HSIL, bon nombre de patientes sont également traitées inutilement, parce que la majorité des dysplasies modérées régressent.

On dispose maintenant d'un bon corpus de données montrant que le dépistage du cancer colorectal par la recherche de sang occulte dans les selles réduira d'environ 20 % la mortalité par cancer colorectal14-17. On étudie encore s'il est possible d'obtenir les mêmes résultats avec la sigmoïdoscopie à sonde souple. D'autres stratégies anticancéreuses peuvent toutefois avoir un impact sur le cancer colorectal. L'instauration d'un dépistage maintenant, au moment où l'incidence et la mortalité associées à cette maladie sont déjà en déclin, risque d'entraîner beaucoup de dépenses et peu de résultats en contrepartie.

Il ne sera probablement pas facile dans l'avenir d'évaluer les nouvelles techniques de dépistage, vu que la diffusion rapide de l'information et les pressions exercées par les intérêts commerciaux pourront sembler décourager l'utilisation de la méthode d'évaluation privilégiée, à savoir l'essai randomisé de dépistage de grande envergure. C'est précisément la situation qui commence à se dessiner pour la tomodensitométrie spiralée du cancer du poumon : à la suite de premiers rapports enthousiastes18, la demande de la part des sujets à haut risque, en particulier aux É.-U., a grimpé. Il se peut qu'il ne reste que très peu de temps pour évaluer cette approche.

Il en va de même pour la situation toujours confuse entourant le dépistage du cancer de la prostate par dosage de l'antigène prostatique spécifique (APS). Il n'est pas facile d'interpréter les changements rapides dans l'incidence du cancer de la prostate et de la mortalité qui y est associée, bien qu'il semble manifeste que de nombreux artefacts pourraient être responsables des changements dans la mortalité19-21. Seuls des essais randomisés portant sur le dépistage permettront cependant de déterminer les causes précises des changements et le degré d'efficacité du dépistage. Heureusement, deux essais d'envergure ont presque terminé leur recrutement22.


Tendances passées dans l'incidence du cancer et la mortalité par cancer

Il est instructif de comparer les tendances de l'incidence et de la mortalité pour les principaux sièges de cancer au Canada et dans d'autres pays. Les données sur l'incidence sont tirées des volumes successifs de la série Cancer Incidence in Five Continents (publiée par le Centre international de recherche sur le cancer), et les données sur la mortalité proviennent de la base de données sur la mortalité par cancer de l'OMS. Les données nationales canadiennes ne sont disponibles qu'à partir de 1969, bien que dans le cas de certains registres provinciaux, des données aient été tirées du premier volume de Cancer Incidence in Five Continents, qui porte sur la période 1960-1962. De façon générale, nous avons inclus dans ces comparaisons les données des États-Unis (É.-U.) et parfois celles du Royaume-Uni (R.-U.) et du Japon et, lorsque des changements remarquables étaient survenus dans d'autres pays et semblaient faciliter l'interprétation des tendances (p. ex., certains des pays de la Méditerranée dans le cas des cancers liés à l'alimentation), nous avons également ajouté ces données.


Cancer colorectal

L'incidence du cancer colorectal est à la hausse dans de nombreux pays (figure 1), mais le Canada et la Nouvelle-Zélande ont enregistré récemment un déclin dans la population féminine. Des baisses ont également été observées aux É.-U.23.

Quant à la mortalité, des diminutions ont été notées dans de nombreux pays sur une très longue période. Le Japon fait exception à cet égard (figure 2); l'augmentation de la mortalité y reflète des hausses sous-jacentes de l'incidence. Des tendances similaires sont perceptibles en Espagne et en Grèce et, dans une moindre mesure, en Italie. La mortalité attribuable au cancer colorectal accuse un déclin par contre en France.

La figure 3 illustre ces tendances de même que celles observées pour le Canada, à partir des données présentées dans Statistiques canadiennes sur le cancer. Les diminutions de l'incidence et de la mortalité peuvent être attribuées aux effets de la prévention primaire. La première hausse de l'incidence au Canada pourrait être due à des artefacts, vu que l'enregistrement des cas s'est amélioré durant cette période, en particulier au Québec mais également dans certaines des provinces de l'Atlantique et probablement en Alberta et en Ontario. L'autre problème tient au fait que lorsque les cas (plutôt que les personnes) sont inscrits dans un registre comme ayant une maladie qui se caractérise souvent par la présence de nombreuses tumeurs primitives, l'incidence demeurera élevée à cause des enregistrements en double ou, dans certains cas, en triple.

Au nombre des changements survenus dans l'alimentation au cours des deux dernières décennies au Canada, citons ceux touchant les normes relatives au gras dans le boeuf. Ce que l'on considérait autrefois comme étant de grande qualité, soit le boeuf persillé de gras, est maintenant perçu comme du boeuf de moindre qualité; un boeuf de qualité est devenu un boeuf maigre. Par la suite, il est probable que de nombreuses personnes ont modifié leurs alimentation, soucieuses au départ de se prémunir contre les maladies cardiaques, puis influencées par la campagne de la Société canadienne du cancer qui a été lancée dans les années 80. Ainsi, peut-être au moins une partie, sinon la totalité, du déclin enregistré dans les taux de mortalité et d'incidence pour le cancer colorectal est attribuable à une modification des habitudes alimentaires.


FIGURE 1
Tendances de l'incidence du cancer colorectal, Nouvelle-Zélande, Canada, Danemark et Finlande

FIGURE 2
Tendances relatives à la mortalité par cancer colorectal, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Canada et Japon

FIGURE 3
Tendances de l'incidence du cancer colorectal et de la mortalité associée, Canada


   

Cancer du poumon

Dans le cas du cancer du poumon, on peut se limiter aux tendances dans la mortalité, car elles reproduisent assez fidèlement celles de l'incidence. Dans la figure 4, nous comparons les tendances de la mortalité par cancer du poumon au Canada, au R.-U. et aux É.-U. Aux É.-U. comme au Canada, la mortalité par cancer du poumon a augmenté chez les hommes puis a régressé; dans aucun des deux pays, on a atteint le pic de mortalité du R.-U., survenu environ 15 ans plus tôt. Aujourd'hui, la mortalité attribuable au cancer du poumon chez les hommes au Canada est très similaire à celle observée au R.-U. et est plus faible qu'aux É.-U. Ces tendances dans les taux standardisés pour l'âge reposent sur des changements remarquables associés en grande partie à certaines cohortes24, les taux chez les hommes plus jeunes ayant diminué pendant plusieurs années alors que ceux chez les hommes plus âgés ont atteint un plateau pour décliner ensuite légèrement.

Dans la population féminine, la mortalité attribuable au cancer du poumon est en hausse aux É.-U. et au Canada; les taux au Canada sont légèrement inférieurs à ceux des É.-U. Au R.-U., les taux étaient au départ plus élevés, mais ont culminé vers le milieu des années 80 pour régresser par la suite, de sorte qu'ils sont maintenant inférieurs aux taux américains et canadiens. Certaines données semblent indiquer que les taux aux États-Unis comme au Canada pourraient avoir atteint un pic récemment, mais il est trop tôt pour en être certain.

La figure 5 présente des données provenant de pays sélectionnés pour illustrer la variation de certaines tendances. La Finlande a connu les mêmes réductions que le R.-U., mais la Hongrie a maintenant le triste honneur de détenir le record du monde pour ce qui est de la mortalité par cancer du poumon. La France et la Suède semblent ne pas avoir enregistré les mêmes augmentations importantes chez les hommes que celles qu'ont connues l'Amérique du Nord et de nombreux autres pays de l'Europe du Nord et de l'Ouest. Le Japon a ravi la palme à la Suède pour les taux de cancer du poumon chez les hommes mais pas chez les femmes, et en Hongrie, les taux ont considérablement augmenté chez les femmes.

 


FIGURE 4
Tendances de l'incidence du cancer du poumon, Royaume-Uni, États-Unis et Canada


FIGURE 5
Tendances relatives à la mortalité par cancer du poumon, Hongrie, Finlande, France, Japon et Suède


   

Cancer du sein

La plupart des pays ont enregistré des augmentations de l'incidence du cancer du sein. Le Canada ne fait pas exception à la règle (figure 6). Une bonne part de cette augmentation est probablement attribuable aux divers programmes de détection précoce, à une plus grande sensibilisation de la population et des professionnels oeuvrant dans le domaine et à l'introduction du dépistage mammographique.

Le Canada affiche des taux de mortalité par cancer du sein légèrement plus élevés que ceux des É.-U. Durant la plus grande partie de la période étudiée, les taux sont demeurés stables, mais ont reculé récemment (figure 7). Au R.-U., l'augmentation a été suivie d'une chute. Les tendances n'ont pas été les mêmes dans certains autres pays; par exemple, des augmentations sont survenues en Finlande et au Japon. Au R.-U., on a allégué en général qu'au moins la moitié du déclin était attribuable au programme de dépistage du cancer du sein. Toutefois, les liens temporels avec les déclins ne semblent pas indiquer que ceux-ci soient dus au dépistage. Il importe de noter que la Suède n'a pas encore connu les baisses signalées au R.-U., au Canada et aux É.-U.; plusieurs essais d'envergure sur le dépistage ont été néanmoins effectués en Suède, et ce pays a été le premier à opter pour un dépistage organisé du cancer du sein.

Il faut près de neuf ans pour que l'impact du dépistage du cancer du sein sur la mortalité dans une population se fasse sentir, parce que la plupart des décès qui surviennent dans les premières années après l'introduction du dépistage concernent des femmes dont les cancers du sein avaient été diagnostiqués avant la mise en place du programme. Vu l'absence de réduction de la mortalité par cancer du sein en Suède, il semble peu probable que les baisses signalées au R.-U., aux É.-U. et au Canada soient dues au dépistage. Elles sont probablement imputables à l'introduction de la chimiothérapie adjuvante chez les femmes préménopausées et à l'administration du tamoxifène aux femmes ménopausées. Ce que l'on enregistre probablement c'est l'impact du traitement sur la mortalité; l'impact du dépistage, si tant est qu'il y en est un, devrait suivre.

 

FIGURE 6
Tendances de l'incidence du cancer du sein, registres du cancer des É.-U. (Connecticut), du Canada (Saskatchewan), du Danemark, de la Finlande et du Japon (Miyagi)


FIGURE 7
Tendances relatives à la mortalité par cancer du sein, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, Suède, Finlande et Japon

 

   

Cancer du col utérin

Depuis un certain temps, l'incidence et la mortalité associées au cancer du col utérin accusent une baisse au Canada. Une bonne part du déclin récent est attribuable au dépistage, mais les premières diminutions observées sont peut-être dues en partie à des améliorations au niveau de la détection précoce et du traitement, comme en Suède25. L'incidence du cancer du col utérin au Canada a connu une baisse similaire à celle enregistrée dans la plupart des pays nordiques, où les programmes de dépistage ont eu un important impact, sauf en Norvège, qui n'a pas mis sur pied de programmes organisés (figure 8). Au Canada, la baisse résulte en grande partie du dépistage annuel, mais l'impact du dépistage quinquennal en Finlande et du dépistage tous les trois ou quatre ans en Suède a été presque identique à celui observé au Canada. Le dépistage du cancer du col utérin a donc été efficace au Canada, mais ce succès a eu un prix - nous avons raté une occasion.

La figure 9 donne un aperçu des tendances de la mortalité par cancer du col utérin dans certains pays. Le R.-U., même s'il affiche une plus faible mortalité que les É.-U. et le Canada dans les années 50, a enregistré des baisses progressives beaucoup plus lentes, qui sont devenues plus abruptes seulement récemment. Une bonne part des premières baisses enregistrées au R.-U. n'étaient probablement pas dues au dépistage26. Les tendances relatives à la mortalité au Danemark et en Finlande correspondent à ce que laissaient présager les tendances de l'incidence à la figure 8. Après avoir grimpé, les taux au Japon ont décliné lentement, alors qu'en Israël, ils sont stables, bien que certaines données évoquent la possibilité d'une augmentation dans les années 70 qui aurait été neutralisée par l'introduction du dépistage.

FIGURE 8
Tendances de l'incidence du cancer du col utérin, Danemark, Canada, Norvège, Suède et Finlande

FIGURE 9
Tendances relatives à la mortalité par cancer du col utérin, Danemark, Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Finlande, Japon et Israël

   

Tendances futures de l'incidence du cancer et de la mortalité par cancer au Canada

Les figures 10 à 13 présentent les prévisions que nous avons établies pour l'incidence du cancer et la mortalité par cancer au Canada jusqu'en 2020. Dans quelques cas, ces prévisions ont été obtenues grâce à une projection linéaire simple des tendances récentes, mais dans la plupart des cas, nous avons superposé notre connaissance des changements récents et nos prévisions pour l'avenir. Ces prévisions ne sont pas basées sur un modèle statistique mais peuvent être considérées comme une «estimation éclairée», avec tous les problèmes de validité que comportent de telles hypothèses. Le tableau 1 résume les tendances passées et nos prévisions.


TABLEAU 1
Changements actuels (1970-1996) et prévus (1996-2020) dans l'incidence du cancer et dans la mortalité par cancer au Canada, selon le sexe

Siège

1970-1996

1996-2020

Estomac

Hommes :

Incidence

-43 %

-8 %

 

Mortalité

-59 %

-9 %

 

Femmes :

Incidence

-44 %

-5 %

 

Mortalité

-60 %

-7 %

Côlon et rectum

Hommes :

Incidence

+28 %

-19 %

 

Mortalité

-21 %

-27 %

 

Femmes :

Incidence

-6 %

-30 %

 

Mortalité

-38 %

-41 %

Peau (mélanome malin)

Hommes :

Incidence

+206 %

+12 %

 

Mortalité

+108 %

+8 %

 

Femmes :

Incidence

+115 %

+4 %

 

Mortalité

+45 %

+7 %

Poumon

Hommes :

Incidence

+44 %

-31 %

(-14 %)a

Mortalité

+31 %

-32 %

(-15 %)a

Femmes :

Incidence

+344 %

+22 %

 

Mortalité

+270 %

+23 %

Sein

Femmes :

Incidence

+27 %

+2 %

 

Mortalité

-8 %

-18 %

Col utérin

Femmes :

Incidence

-53 %

-2 %

 

Mortalité

-67 %

-4 %

Corps de l'utérus

Femmes :

Incidence

0 %

-12 %

 

Mortalité

-32 %

-12 %

Ovaire

Femmes :

Incidence

-3 %

0 %

 

Mortalité

-22 %

-11 %

Prostate

Hommes :

Incidence

+123 %

-3 %

 

Mortalité

+19 %

-5 %

Vessie

Hommes :

Incidence

+2 %

-23 %

 

Mortalité

-22 %

-14 %

Lymphomes non hodgkiniens

Hommes :

Incidence

+138 %

+44 %

 

Mortalité

+55 %

-9 %

 

Femmes :

Incidence

+113 %

+29 %

 

Mortalité

+49 %

+12 %

a Estimation pessimiste

    Chez les femmes, nous prévoyons surtout une stabilité ou des baisses de l'incidence des principaux cancers (figure 10). Nous n'entrevoyons pas d'augmentation continue de l'incidence du cancer du sein, vu qu'une bonne partie de la hausse passée était due à des artefacts. On pourrait s'attendre à une augmentation un peu plus tard attribuable aux changements dans les méthodes de régulation de la fécondité, mais les premières indications montrent que les «baby boomers» ne font pas face à une augmentation de l'incidence du cancer du sein à un plus jeune âge, ce qui pourrait être dû à une amélioration de leur alimentation dans leur enfance ou à un autre facteur.

FIGURE 10
Tendances prévues relativement à l'incidence des principaux cancers au Canada, chez les femmes

 

   

L'incidence du cancer du poumon chez les femmes devrait augmenter jusqu'en 2010 environ, puis commencera probablement à diminuer par la suite. Si la baisse temporaire enregistrée en 1995 s'avère être le point de départ d'une réduction de l'incidence, cette prévision serait toutefois beaucoup trop pessimiste.

Nous prévoyons que l'incidence du cancer colorectal continuera de diminuer dans la population féminine, mais nous croyons que la réduction du cancer du col utérin a atteint un plateau et que les taux demeureront probablement stables à cause de l'important impact qu'a déjà eu le dépistage au Canada (figure 8 et tableau 1). En pratique, la réduction de 60 % de l'incidence, que l'on peut prévoir d'après la clientèle des programmes de dépistage en place, s'est déjà produite, et pour l'accroître, il faut faire subir des tests de dépistage aux personnes à haut risque qui ne participent pas aux programmes. Pour ce qui est du mélanome malin chez les femmes, nous pensons que l'incidence a cessé en grande partie d'augmenter, mais pas dans le cas des lymphomes non hodgkiniens, un des principaux problèmes de l'heure.

La figure 11 résume nos prévisions pour la mortalité par cancer chez les femmes. Comme dans le cas de l'incidence du cancer du poumon, à moins que la baisse temporaire observée en 1995-1996 n'annonce que le stade initial d'une chute (comme au R.-U.), le prolongement de l'augmentation antérieure nous amènerait à prévoir une hausse continue jusqu'à environ 2010 avant que les taux ne commencent à régresser environ cinq ans plus tard. Quant au cancer du sein, nous prévoyons une baisse constante de la mortalité, due au début à l'effet persistant des traitements, puis imputable au dépistage. La baisse des taux de cancer colorectal chez les femmes peut ne pas être aussi prononcée que prévu, mais rien n'indique à l'heure actuelle quand prendra fin cette baisse de la mortalité.


FIGURE 11
Tendances prévues relativement à la mortalité par les principaux cancers au Canada, chez les femmes
    La figure 12 présente les prévisions de l'incidence du cancer chez les hommes, et la figure 13 les prévisions de la mortalité. Nous prévoyons pour le cancer du poumon des diminutions constantes, dans notre scénario optimiste, lesquelles prendront fin en général vers 2010, dans notre scénario pessimiste. Dans ce dernier cas, il faudrait inverser le déclin dans le nombre de nouveaux fumeurs et que cessent les effets de l'abandon du tabac chez les jeunes adultes, deux phénomènes qu'on espère éviter. L'incidence du cancer de la prostate marque déjà un recul, probablement à cause d'une saturation de l'effet du dépistage par dosage de l'APS, mais à moins qu'on ne mette fin à ce type de dépistage, l'incidence risque de demeurer élevée et relativement stable. Nous entrevoyons un déclin relativement léger de la mortalité par cancer de la prostate, mais ces prévisions pourraient s'avérer trop pessimistes si le dépistage a un effet plus important que prévu.

FIGURE 12
Tendances prévues relativement à l'incidence des principaux cancers au Canada, chez les hommes


FIGURE 13
Tendances prévues relativement à la mortalité par des principaux cancers au Canada, chez les hommes

   

À l'exemple de ce que nous avons prévu pour les femmes, nous anticipons une baisse constante de l'incidence du cancer colorectal chez les hommes et une hausse continue des taux de lymphomes non hodgkiniens, qui atteindront cependant un niveau plus élevé que chez les femmes. Une meilleure compréhension des raisons expliquant l'augmentation du nombre de lymphomes non hodgkiniens (facteurs environnementaux peut-être27) et l'adoption de mesures correctrices, si possible, constituent pour le moment des principales priorités de la recherche dans le domaine de la lutte contre le cancer.

Les taux d'incidence et de mortalité pour les cancers non inclus dans nos calculs demeureront probablement relativement stables. Certaines baisses pourront être observées, en particulier dans le cas des cancers liés au tabac. Il est assez probable que l'incidence du cancer des testicules continuera d'augmenter (nous ne savons pas pourquoi) et que l'incidence du mésothéliome et de la mortalité qui y est associée ne cesseront de croître.


Discussion

Bon nombre de nos prévisions comportent certains points d'interrogation. Continuera-t-on d'observer un effet bénéfique sur les cancers liés au tabac? Le renversement actuel des taux de tabagisme chez les adolescents aura-t-il un important effet négatif? L'effet de l'alimentation est-il aussi fort que ce que nous avons indiqué? Quel sera l'effet réel du dépistage?

Nous ne sommes pas trop pessimistes en ce qui concerne le tabagisme chez les adolescents, car il peut être possible d'influer sur le comportement après l'adolescence assez tôt pour éviter des augmentations importantes de l'incidence du cancer et de la mortalité par cancer. Les études sur les effets de l'abandon du tabac montrent que si les gens fument seulement jusqu'à l'âge de 30 ou 35 ans, leur risque de cancer du poumon ne sera guère majoré. Le fait de cesser de fumer à l'âge de 40 ans n'aura pas un impact aussi fort. Si l'on fume jusqu'à l'âge de 50 ans, le risque à vie sera grandement augmenté, vu l'ancienneté du tabagisme2. La lutte anti-tabac comporte donc deux défis : empêcher que les gens commencent à fumer et accélérer les mesures de lutte contre la toxicomanie, l'important étant de s'assurer que les jeunes adultes reconnaissent les bienfaits importants associés à l'abandon du tabac.

Il est fort possible que les effets de la nutrition sur certains des facteurs de risque de cancer du sein auront un profond retentissement dans l'avenir sur l'incidence du cancer du sein. Nous savons que l'alimentation de type occidental influe sur l'âge d'apparition des règles et que l'âge d'apparition des règles est un facteur de risque de cancer du sein; ce type d'alimentation a également pour effet de retarder la ménopause. Plus les ovaires fonctionnent longtemps entre l'apparition des règles et la ménopause, plus grand est le risque de cancer du sein. L'alimentation a également des répercussions sur la taille, laquelle est nettement liée au risque de cancer du sein, en particulier chez les femmes préménopausées. L'alimentation occidentale a donc une influence probablement indirecte sur le cancer du sein, car elle influe sur les facteurs qui agissent eux-mêmes sur l'activité ovarienne.

Dans le cas du cancer colorectal, le mécanisme est probablement tout à fait différent. Certaines des données semblent indiquer que les aliments riches en fibres ou à fort résidu exercent un effet sur le métabolisme intestinal des substances cancérigènes. Il se peut également que les graisses exercent, par l'intermédiaire des acides biliaires, un effet indirect sur la muqueuse du côlon, la nécrose des couches superficielles accélérant le renouvellement des cellules à la base des cryptes, ce qui augmente le risque d'erreurs et le risque de survenue de cancers. Certaines données révèlent également l'existence d'un effet médié par l'insuline.

Même si l'on connaît mal les mécanismes, on ne peut présumer qu'ils sont les mêmes pour le cancer du sein et le cancer colorectal. Le moment auquel l'effet bénéfique de l'alimentation commencera à se faire sentir diffère par ailleurs : l'effet sur l'incidence du cancer colorectal a probablement déjà commencé; l'effet sur l'incidence du cancer du sein pourrait être retardé, à moins qu'il soit déjà à l'origine de la réduction du risque chez les «baby boomers».

Nombreux sont ceux qui espèrent que le projet sur le génome humain aura d'importantes retombées. La proportion de cancers de sièges courants qui sont causés par les gènes dominants du type BRCA1 et 2 risque d'être faible, néanmoins. Dans le cas du cancer du sein, la proportion se situe probablement à environ 5 %, comme pour le cancer colorectal, mais la proportion pour les autres cancers sera beaucoup plus faible. Si l'on s'attache aux effets de ces gènes dominants, on n'observera pas d'impact majeur sur la population.

Il est de plus en plus probable que divers polymorphismes génétiques seront identifiés et permettront de mieux déterminer la susceptibilité d'un individu à divers cancers. On ignore si cela nous aidera à mieux lutter contre le cancer en général. Si un sous-groupe donné qui court un risque accru de souffrir d'un cancer spécifique peut être identifié, il pourrait être utile d'administrer certains médicaments ou d'autres agents visant à prévenir le cancer ou de concentrer le dépistage dans ce sous-groupe. Cela pourrait contribuer à rentabiliser certaines mesures de lutte contre le cancer, mais ces mesures n'auront pas nécessairement un plus grand impact sur la population.

En ce qui concerne le dépistage, la grande question qui se pose dans le cas des tests actuels est la mesure dans laquelle les effets du dépistage compléteront ceux des activités de prévention (cancer colorectal) ou de traitement (du cancer du sein). On ne pourra obtenir de réponse qu'en surveillant les tendances sur une longue période. Dans le cas du cancer de la prostate, si l'effet du diagnostic précoce est d'améliorer les résultats du traitement de la maladie à un stade avancé (comme il en va probablement pour le cancer du sein), il pourra se faire sentir plus tôt que ce qu'on pourrait le croire d'après le grand intervalle de latence dont on dispose grâce au dépistage par dosage de l'APS et il serait possible de détecter cet effet très rapidement en observant les baisses de la mortalité attribuable au cancer de la prostate. Pour le cancer du col utérin, le défi consiste, comme c'était le cas il y a plus de deux décennies, à atteindre les personnes à risque et à éviter de faire passer indûment des tests de dépistage à celles qui ne sont pas à risque. Quant au cancer du poumon, on s'intéresse de plus en plus à la tomodensitométrie hélicoïdale18, en partie parce qu'on s'inquiète de l'augmentation de la proportion de cas de cancer du poumon chez les ex-fumeurs en Amérique du Nord. De vastes essais randomisés doivent cependant être effectués pour déterminer si cette approche fonctionne vraiment et il faudra un certain temps pour mener ces essais à bien.

En conclusion, d'immenses progrès ont été réalisés au Canada au cours des 25 dernières années dans la lutte contre les cancers de l'estomac et du col utérin et le terrain est bien préparé en vue d'une éventuelle réduction des cancers associés au tabac et probablement de certains des cancers liés à l'alimentation tels que le cancer colorectal. Si l'on fait abstraction du cancer du col utérin, les progrès enregistrés sont attribuables à la prévention, à laquelle on doit accorder une priorité continue tant sur le plan des recherches que des applications. Il faut user de prudence, cependant, dans la façon d'aborder le dépistage. Le succès remporté par le dépistage du cancer du col utérin a coûté beaucoup plus cher que ce qu'il était probablement nécessaire; le rôle du dépistage du cancer colorectal n'est pas clair et on ignore encore l'utilité du dépistage en ce qui a trait au cancer de la prostate ou du poumon.


Références

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Références de l'auteur

Anthony B. Miller, chef, Division de l'épidémiologie clinique, Deutsches Krebsforschungszentrum; et épidémiologiste principal, Centre international de recherche sur le cancer; et professeur émérite, Department of Public Health Sciences, University of Toronto

Correspondance : Anthony B. Miller, Division de l'épidémiologie clinique, Deutsches Krebsforschungszentrum, Im Neuenheimer Feld 280, D - 69120 Heidelberg, Postfach 101949 . 69009 Heidelberg, Allemagne; Courriel : A.Miller@DKFZ-Heidelberg.de

Cet article est basé sur un atelier présenté au Laboratoire de lutte contre la maladie le 27 avril 1999.

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