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Volume : 27S3 septembre 2001 L'hépatite virale et des nouveaux agents pathogènes transmissibles par le sang au Canada L'hépatite C au Canada
Shimian Zou, Martin Tepper, Antonio Giulivi
Il est estimé qu'environ 170 millions de personnes, soit 3 % de la population mondiale, sont infectées par le VHC. Ce virus est un flavivirus et présente un génome à ARN monocaténaire. Il existe divers génotypes dans différentes régions du globe. Jusqu'à maintenant, six grands génotypes ont été isolés : les génotypes 1 à 3 ont été identifiés mondialement, les génotypes 4 et 5, principalement en Afrique et le génotype 6, essentiellement en Asie. Au Canada, les génotypes 1, 2 et 3 sont les plus présents, le génotype 1 étant prédominant. Une caractéristique clé de l'infection à VHC est la grande fréquence (75 % à 85 %) à laquelle une infection aiguë évolue vers une infection chronique. Des études sur l'hépatite C ont démontré que la maladie évolue sur une longue période et que des séquelles graves peuvent apparaître des dizaines d'années après l'infection initiale. L'infection à VHC ne semble pas induire de réponse humorale protectrice, mais on sait maintenant que certains sujets infectés guérissent de la maladie. L'hépatite C est transmise par le sang ou des liquides organiques contaminés par le virus. Le principal facteur de risque associé à la transmission du VHC est le partage de matériel d'injection de drogues. La transmission verticale ou sexuelle est possible, quoique inefficace. L'exposition parentérale inapparente, liée notamment au tatouage, au perçage et au partage d'articles d'hygiène personnelle, n'est présumée être un facteur de risque que si les instruments ou les articles utilisés ont été contaminés par du sang ou des liquides organiques. Bien qu'ayant déjà été important, le facteur de risque associé à la transfusion sanguine et à l'usage de produits sanguins a été nettement réduit dans la plupart des pays développés grâce aux pratiques de sélection des donneurs de sang. Prévalence de l'hépatite CAu Canada, la déclaration des premiers cas d'hépatite C a débuté en Colombie-Britannique en 1992, puis elle s'est graduellement étendue à d'autres provinces (source : Division de la surveillance, Santé Canada). L'augmentation exponentielle du nombre de cas rapportés dans le temps découle essentiellement du fait que l'on reconnaît et déclare davantage les cas importés par opposition aux nouveaux cas d'infection(2). Il a été estimé que le taux de séropositivité pour le VHC est d'environ 0,8 % (0,68 % à 0,94 %) au Canada, soit de 0,96 % chez les hommes et de 0,53 % chez les femmes(3). D'après le taux de séropositivité chez les personnes ayant fait un don de sang pour la première fois en 1997 (Société canadienne de la Croix-Rouge : données inédites), il y a d'évidentes différences entre les provinces, la Colombie-Britannique enregistrant le taux le plus élevé (0,274 %) et Terre-Neuve, le taux le plus bas (0,0 %). Au Canada, la prévalence de l'infection à VHC est beaucoup plus élevée chez certaines populations à risque. Par exemple, Strathdee et coll.(4) ont révélé que 88 % de 1 006 toxicomanes de Vancouver s'étant injecté des drogues illicites au cours du mois précédent étaient séropositifs pour le VHC. Dans d'autres études, on a observé que le taux de séropositivité chez des détenus se situait entre 28 % et 40 %(5,6). Une étude effectuée auprès de 437 jeunes de la rue de Montréal relève que la prévalence est de 12,6 % pour cette population (Roy et coll., Hepatitis B and C among street youth in Montreal - rapport final, 1997) alors qu'une autre étude auprès des jeunes de la rue d'Ottawa fait état d'une prévalence moindre, soit de 4 %(7). Enfin, dans une population de patients dialysés du nord de l'Alberta, la prévalence de l'hépatite C était de 6,5 %(8). D'après des données de 1998-1999 provenant du Système de surveillance améliorée par unité de santé sentinelle à Edmonton, Calgary, Winnipeg et Ottawa-Carleton, le taux d'incidence de l'hépatite C aiguë cliniquement reconnue (présence de symptômes, niveau élevé d'enzymes hépatiques et résultats positifs au test de dépistage du VHC) était de 2,9 pour 100 000 années-personnes(9). Les hommes avaient des taux d'incidence plus élevés que les femmes, sauf dans le groupe des 15 à 29 ans. L'incidence de l'hépatite C aiguë atteint son maximum dans la tranche d'âge de 30 à 39 ans chez les hommes et de 15 à 29 ans chez les femmes. Facteurs de risqueQuelques études canadiennes se sont penchées sur les modes de transmission et les facteurs de risque de l'hépatite C. Dans le rapport de Scully et coll.(10) portant sur une étude de 63 patients consécutifs, 43 % des infections pouvaient être attribuées à l'utilisation de drogues injectables (UDI) et 33 %, à l'utilisation de sang. Parmi 54 cas rapportés à l'Île-du-Prince-Édouard entre 1991 et 1995 et suivis par le médecin-hygiéniste en chef, 46 % étaient attribués à l'UDI, 39 % à l'utilisation de sang et 6 % à l'utilisation des deux; dans 9 % des cas, le facteur de risque n'avait pas été identifié(11). Dans le Capital Regional District, de la C.-B., des 698 cas parmi la population générale ayant eu des résultats positifs au test de dépistage du VHC et ayant été rapportés au service de santé publique en 1995 et 1996, 69,6 % ont admis utiliser des drogues injectables et 16 % ont dit avoir reçu du sang (Santé Canada, données inédites). Une surveillance améliorée dans les quatre unités de santé en 1998-1999 a permis d'identifier 102 cas d'hépatite C aiguë, et 72 d'entre eux (71 %) ont été interrogés sur les facteurs de risque auxquels ils avaient été exposés au cours des 6 mois précédant le début de la maladie(9). Des 57 cas d'hépatite C aiguë présentant un ou plusieurs facteurs de risque, 36 (63 %) ont révélé des antécédents d'UDI et 28 d'entre eux (78 %) ont admis partager des aiguilles. Les rapports sexuels avec des sujets infectés par le VHC ont été identifiés comme facteur de risque dans seulement 3,5 % (2/57) des cas. L'UDI est clairement la principale voie de transmission du VHC au Canada à l'heure actuelle, puisqu'au moins 60 % de tous les nouveaux cas lui sont attribuables. Prévention et lutteLa modélisation de l'accroissement estimatif du nombre de personnes ayant des séquelles spécifiquement reliées au VHC au Canada entre 1998 et 2008 permet de prédire que le nombre de cas existants de cirrhose doublera presque (augmentation de 92 %), que le nombre de cas existants d'insuffisance hépatique et de carcinome hépatocellulaire augmentera de 126 % et 102 % respectivement et que le nombre de décès dus à une hépatopathie augmentera de 126 %(12). Ces résultats montrent bien l'importance qu'il y a à enrayer l'évolution de la maladie chez les personnes infectées par le VHC ainsi qu'à prendre des mesures de prévention primaire au pays. La prévention et la lutte contre l'hépatite C supposent qu'il faut prévenir les infections à VHC, ralentir l'évolution de la maladie et réduire les probabilités de décès prématuré. En octobre 1998, Santé Canada a tenu une conférence nationale de concertation à Ottawa : Prévention de l'hépatite C - un consensus en santé publique. Le compte rendu qui a été publié(13) peut servir de guide général pour la marche à suivre dans les domaines de la prévention de l'hépatite C et de la lutte contre cette maladie. Il n'existe pas encore de vaccin contre cette infection. Ainsi, la prévention vise principalement à freiner la transmission du virus, en éliminant surtout les comportements à risque très élevé, tels le partage d'aiguilles et d'autre matériel d'UDI. Il importe aussi de prévenir la transmission du virus par le sang, les composants sanguins, les organes, les tissus ou le sperme, ainsi que par des pratiques médicales ou des soins de santé à risque et des articles d'hygiène personnelle contaminés. Il faut soutenir les efforts sur différents fronts pour réduire les infections par le VHC et d'autres pathogènes transmissibles par le sang chez les utilisateurs de drogues injectables(13). Ces efforts incluent la prévention de l'initiation à l'UDI, la réduction des méfaits des drogues illicites, la mise sur pied de programmes visant des groupes davantage exposés à l'UDI et à l'hépatite C, tels que les jeunes de la rue, ainsi que la recherche de nouveaux moyens de limiter la transmission du VHC par l'utilisation de drogues illicites. Bien que le risque associé au sang ainsi qu'aux composants et produits sanguins soit présentement très bas (< 1/100 000), il est essentiel d'assurer la plus grande sécurité possible de ces produits. Des lignes directrices ont été élaborées pour prévenir la transmission du VHC par les voies nosocomiale et professionnelle ainsi que par d'autres voies parentérales inapparentes(14-18). Le counselling des personnes séropositives pour le VHC axé sur les risques de transmission est un autre aspect de la prévention primaire. Les femmes en âge de procréer infectées par le VHC devraient être informées qu'il y a un risque qu'elles transmettent le virus à leurs bébés, que ce risque augmente si elles sont infectées à la fois par le VIH et par le VHC et que leurs bébés devraient subir des tests de dépistage et être pris en charge de façon appropriée(13). Les personnes infectées par le VHC ne devraient pas partager leurs articles d'hygiène personnelle et ceux qui habitent avec elles devraient prendre des mesures raisonnables pour éviter les contacts avec le sang infecté. Bien que le risque ne soit pas élevé, le VHC peut être transmis par voie sexuelle, particulièrement chez les personnes davantage exposées, comme celles qui ont des relations sexuelles non protégées avec différents partenaires. Les mesures de prévention de l'hépatite C et prise en charge des personnes qui en sont atteintes incluent la réduction de la consommation d'alcool, une éventuelle vaccination contre d'autres virus de l'hépatite, tels que le VHA, ainsi qu'un traitement à l'interféron et à la ribavirine. L'Association canadienne pour l'étude du foie a élaboré des lignes directrices pour le traitement clinique des cas d'hépatite C(19). Références
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Dernière mise à jour : 2001-10-12 |