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Relevé des maladies transmissibles au Canada

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Volume : 27S3 • septembre 2001

L'hépatite virale et des nouveaux agents pathogènes transmissibles par le sang au Canada


Le virus SEN et le Système de surveillance et d'intervention rapide


Leslie Forrester, Shimian Zou, Antonio Giulivi


Entre 80 % et 90 % de toutes les hépatites virales contractées dans la communauté ou lors d'une transfusion sont causées par les virus de types A, B, C, D, et E, tandis que dans 10 % à 20 % des cas, l'agent pathogène est inconnu. Une hépatite de cause inconnue est généralement appelée hépatite non A- non E ou hépatite NANE, et les chercheurs dans le domaine tentent d'en identifier la ou les cause(s). Les progrès récents réalisés dans le domaine de la biologie moléculaire ont rendu possible la découverte de plusieurs nouveaux virus. Au cours des 5 dernières années, trois virus candidats de l'hépatite NANE ont été découverts, notamment le virus GBV-C/virus de l'hépatite G (GBV-C/VHG), le virus TT et le tout dernier virus, le SEN (SEN-V). Le présent article fait la synthèse de ce que nous savons actuellement sur le virus SEN et décrit le système de surveillance mis sur pied par Santé Canada pour faire face au problème des agents pathogènes transmissibles par le sang, à la fois nouveaux et réémergents.

La découverte du SEN-V par un groupe de chercheurs italiens dirigé par le Dr Daniele Primi a été annoncée lors d'une conférence de presse en juillet 1999 sans l'appui de données empiriques publiées(1). Jusqu'ici, il n'existe qu'un seul article connu qui ait été évalué par des pairs sur le SEN-V(2). Outre cet article, les seules informations dont dispose la communauté scientifique ont été des communiqués de presse, des résumés de conférences et les données fournies à l'appui d'une demande de brevet pour l'identification des génotypes du SEN-V. Jusqu'à ce que d'autres données soient publiées dans des revues scientifiques sérieuses, les informations sur le SEN-V qui sont contenues ici et dans d'autres rapports devraient être considérées comme préliminaires.

Le SEN-V tire son nom des initiales du patient chez qui le virus a été isolé. Le SEN-V est un virus circulaire à ADN monocaténaire dont la longueur moyenne est de 3 900 nucléotides(2). La séquence ainsi que des études physiques semblent indiquer qu'il s'agit d'un virus non enveloppé(3). Jusqu'ici, les méthodes de séquençage courantes ont permis de mettre en lumière huit génotypes très divergents, soit SEN-V A à H. Les huit membres de la famille SEN-V sont codés pour au moins trois cadres de lecture ouverts (ORF) codant chacun une protéine(4). La longueur de chaque ORF peut varier pour chaque génotype du SEN-V(4). Pour ce qui est des méthodes diagnostiques, on a mis au point des amorces générales de la PCR qui sont capables de déceler la présence de tout membre de la famille SEN-V ainsi que des amorces spécifiques pour chaque sous-type du virus(2-5). De plus, une épreuve sérologique spécifique faisant appel à la PCR a été développée et permet aux chercheurs d'obtenir de l'information épidémiologique sur la prévalence et la distribution du SEN-V dans la population générale ainsi que dans certains groupes particuliers de malades(2). Des études qui font appel à la détection de l'ADN par PCR indiquent que le SEN-V existe dans le sang et est transmis par voie parentérale(2,3,6,7).

Le SEN-V et l'hépatite

Certains résultats préliminaires évoquent la possibilité d'un lien entre le SEN-V et l'hépatite non-A à non-E post-transfusionnelle. Dans le premier article sur le SEN-V évalué par des pairs, Umemura et coll.(2) ont signalé une incidence beaucoup plus élevée de l'infection due au SEN-V chez les transfusés (30 %; 86 sur 286) que chez les témoins non transfusés (3 %; 3 sur 97). En outre, ils ont noté une relation significative entre le nombre d'unités transfusées et le risque transfusionnel, et le lien entre les donneurs et les receveurs a été confirmé par l'homologie des séquences(2). En collaboration avec les National Institutes of Health et d'autres, le groupe de chercheurs italiens a analysé des échantillons de sang provenant de donneurs de sang normaux et de patients, atteints ou non d'hépatite, qui ont fait l'objet d'un suivi prospectif après une chirurgie à coeur ouvert(6). Les résultats ont montré une prévalence de 2,1 % (5 sur 243) chez les donneurs de sang normaux aux États-Unis et de 3,8  % (10 sur 262) chez les patients avant une transfusion ou une chirurgie. Si l'on exclut ceux qui étaient déjà porteurs de l'infection, on note un taux beaucoup plus élevé d'infection due au SEN-V après l'intervention (p < 0,0001) chez les patients transfusés (40 %) que chez ceux qui n'ont pas reçu de transfusions (3,1 %). Chez les patients transfusés qui n'avaient pas une virémie préexistante, on a décelé une infection récente par le SEN-V chez 83 % des patients (10 sur 12) qui ont eu une hépatite NANE, 41 % des patients (20 sur 49) souffrant d'hépatite C chronique et 34 % des patients (32 sur 94) qui n'ont pas été atteints d'hépatite(6). S'il est vrai que l'incidence de l'infection par le SEN-V était beaucoup plus élevée dans le groupe de patients atteints d'une hépatite NANE que chez ceux qui étaient exempts de la maladie (p < 0.003), cela ne signifie pas nécessairement que le SEN-V cause une hépatite. Il demeure que 34 % des personnes qui n'ont pas été atteintes d'hépatite étaient porteuses de ce virus. Pour pouvoir démontrer qu'il existe un lien de causalité, il faudrait effectuer des études mettant en évidence la réplication intrahépatique(6).

Dans une étude sur l'incidence de l'infection par le SEN-V chez 143 patients séropositifs pour le VIH et 80 patients séropositifs pour le VHB et le VHC, Pirovano et coll.(7) ont découvert que l'incidence du SEN-V était semblable dans les deux groupes de patients, s'établissant à 45 % et 47 % respectivement. Mais un examen plus approfondi a révélé que la prévalence du  SEN-V était beaucoup plus élevée (p < 0,0001) chez les utilisateurs de drogues injectables (UDI) (68,6 %) que chez les sujets séropositifs pour le VIH homosexuels ou hétérosexuels (28,9 %), ce qui évoque la possibilité d'une transmission efficace par des aiguilles ou des seringues contaminées. On ne sait toujours pas s'il existe des modes de transmission du virus autres que le sang et les injections, comme la transmission nosocomiale et sexuelle.

Enfin, dans une étude transversale étudiant la séroprévalence du SEN-V chez un échantillon de greffés du foie, Yoshida et coll. ont découvert que l'infection par le SEN-V était répandue, 51,7 % ou 30 patients sur 58 étant séropositifs(8). Aucune différence significative n'a été observée pour ce qui est de l'indication principale de la transplantation. De plus, aucune différence biochimique imputable au SEN-V n'a été détectée. Les auteurs ont conclu que même si le SEN-V était très répandu chez les greffés du foie, il ne semblait pas associé à une dysfonction du greffon(8).

Système de surveillance et d'intervention rapide

Étant donné que le SEN-V est présent dans le sang et que les données préliminaires indiquent qu'il est répandu chez les patients présentant une hépatopathie, les chercheurs ont déterminé que le virus représentait une menace potentielle pour la santé des Canadiens. Devant cette conclusion, Santé Canada a constitué un groupe de travail spécial pour évaluer le risque de SEN-V au Canada. Pour déterminer le degré de risque lié à un virus comme le SEN-V, il faut établir la prévalence de l'infection dans divers groupes de population, suivre l'évolution de l'infection et explorer des facteurs qui pourraient entraîner un risque d'infection pour les Canadiens. Une évaluation rapide des risques nécessite habituellement une analyse des échantillons de sang dans les plus brefs délais. Étant donné qu'on ne peut analyser les échantillons en réserve à cette fin à cause de l'absence de consentement pour la recherche d'un nouvel agent pathogène, il est devenu indispensable de mettre sur pied un Système de surveillance et d'intervention rapide pour les agents pathogènes nouveaux et réémergents. Plus précisément, le système a été conçu pour recueillir des échantillons de sang en vue de l'identification du SEN-V ainsi que les données cliniques et épidémiologiques pertinentes pour l'évaluation du risque associé au virus(9). Afin de garantir l'anonymat et le caractère confidentiel de l'information recueillie, Santé Canada ne reçoit aucun renseignement personnel sur les patients recrutés dans le système par les médecins participants. On attribue plutôt aux échantillons un numéro d'identification personnel (NIP), ce qui permet de les relier de façon anonyme aux données cliniques et épidémiologiques recueillies par voie de questionnaire.

La population cible du système se compose de deux catégories d'individus : les patients qui consultent les médecins de famille pour des examens médicaux de routine et/ou pour le traitement d'affections courantes et les patients qui font partie de groupes spéciaux, comme ceux qui sont atteints d'hépatite virale de cause inconnue, les hémophiles et d'autres groupes ayant des facteurs de risque qui font qu'ils sont davantage susceptibles d'être porteurs d'infections transmissibles par le sang. On utilisera les résultats de la surveillance de la première catégorie de patients pour évaluer le risque que représente le nouvel agent pathogène pour la population en général, tandis que les résultats de la dernière catégorie permettront d'évaluer l'importance clinique de l'agent pathogène ainsi que le risque associé à certains sous-groupes spécifiques.

Le Système de surveillance et d'intervention rapide est composé de la Division des pathogènes à diffusion hématogène, qui joue le rôle de coordonnateur national, des groupes de professionnels dans le domaine des soins de santé, qui sont des collaborateurs et des facilitateurs, de membres de ces groupes, qui agissent comme enquêteurs et recruteurs, et des agences provinciales et territoriales de santé publique, qui jouent le rôle d'experts-conseils. À l'heure actuelle, le réseau de surveillance englobe le Centre scientifique canadien de santé humaine et animale, à Winnipeg, l'Unité des maladies hépatiques de l'Université du Manitoba, le laboratoire provincial de Cadham, au Manitoba, la British Columbia Transplant Society, la Canadian Association of Hepatologists, l'Association canadienne pour l'étude du foie, le Collège des médecins de famille du Canada et la Canadian Hemophiliac Physicians Association.

Bien qu'il ait été mis sur pied en réponse à l'émergence du SEN-V, une fois qu'il sera pleinement établi le système sera en mesure d'intervenir rapidement pour déterminer le risque associé avec tout agent pathogène transmissible par le sang, qu'il soit nouveau ou émergent : en plus de recueillir er d'analyser des échantillons de sang (après avoir obtenu le consentement spécifique pour le SEN-V) et d'obtenir l'information pertinente, des aliquotes des échantillons de sang sont conservés dans des laboratoires centralisés (avec le consentement des intéressés) en vue d'être analysés dans l'avenir. Si un nouvel agent pathogène transmissible par le sang devait être identifié, les personnes dont le sang est ainsi conservé seraient avisées par l'intermédiaire de leur médecin afin qu'elles consentent à ce que leur sang soit analysé. Si elles accordent leur consentement, on procédera immédiatement à la recherche du nouvel agent pathogène dans leur échantillon.

Jusqu'ici, plus de 1 000 échantillons de sang ont ainsi été recueillis et la collecte des données cliniques et épidémiologiques pertinentes se poursuit. Les résultats préliminaires des épreuves effectuées sur les échantillons recueillis jusqu'ici au Canada indiquent que le SEN-V est répandu chez les patients atteints d'hépatite chronique de cause inconnue (31,3 %), ceux qui souffrent d'hépatite B (50,0 %) et, comme nous l'avons indiqué précédemment, chez les greffés du foie (51, 7 %). Il importe toutefois de souligner que 18 % des personnes composant un échantillon de 50 témoins issus de la communauté étaient également porteuses du SEN-V. Les résultats préliminaires semblent aussi indiquer que le fait d'être infecté par le SEN-V peut être associé à des antécédents de transfusion sanguine chez les patients ayant subi un test de dépistage. Il faudra cependant effectuer d'autres recherches, en particulier des études épidémiologiques longitudinales auprès de personnes infectées par ce virus et de personnes qui en sont indemnes pour déterminer l'importance clinique du SEN-V. Il faudrait plus particulièrement recueillir des données pour établir que les personnes qui sont porteuses du SEN-V risquent davantage d'être atteintes d'une certaine maladie que les témoins comparables (qui ne sont pas infectés par le SEN-V).

Remerciements

Les auteurs souhaitent témoigner leur reconnaissance aux personnes suivantes : Dre Madgy Dawood du laboratoire provincial de Cadham, au Manitoba, Dr Gerry Minuk de l'Unité des maladies hépatiques de l'Université du Manitoba et Dr Eric Yoshida de la British Columbia Transplant Society, pour leurs contributions passées et continues au Système de surveillance et d'intervention rapide.

Références

  1. Allain J-P. Emerging viruses in blood transfusion. Vox Sanguinis 2000;78(suppl 2):243-48.

  2. Umemura T, Yeo AET, Sottini A et coll. SEN virus infection and its relationship to transfusion-associated hepatitis. Hepatology 2001;33(5):1303-11.

  3. Primi D, Sottini A. Identification and characterization of SEN virus, a family of novel DNA viruses. Antiviral Therapy 2000;5(Suppl. 1):G.7.

  4. Fiordalisi G, Bonelli M, Olivero P et coll. Identification of SENV Genotypes. Demande de brevet WO0028039, 18 mai 2000.

  5. Chan I, Diaz-Mitoma F. SEN virus. Rapport préparé pour la Division des pathogènes à diffusion hématogène, Santé Canada, 2000.

  6. Umemura T, Donahue P, Sottini A et coll. The incidence of SEN virus infection in transfusion-associated hepatitis. Antiviral Therapy 2000;5(Suppl. 1):Abstract G.11.

  7. Pirovano S, Sottini A, Bianchi V et coll. Incidence of the SENV-A subtype in different cohorts of patients. Antiviral Therapy 2000;5(Suppl. 1):Abstract 81.

  8. Yoshida EM, Buczkowski AK, Giulivi A et coll. A cross-sectional study of SEN virus in liver transplant recipients. Liver Transplantation (sous presse).

  9. Zou S, Forrester L, Giulivi A, and the Working Group on Emerging Bloodborne Agents. Surveillance and risk assessment for emerging bloodborne agents in Canada. Presented at the 10th International Symposium on Viral Hepatitis and Liver Disease in Atlanta, Georgia, and in Antiviral Therapy 2000;5(Suppl 1):G.5.

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Dernière mise à jour : 2001-10-12 début