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Relevé des maladies transmissibles au Canada

[Table des matières]

 

Volume : 27S3 • septembre 2001

L'hépatite virale et des nouveaux agents pathogènes transmissibles par le sang au Canada


La surveillance de la xénotransplantation au Canada


Marian P. Laderoute


La xénotransplantation est la transplantation, l'implantation ou la perfusion à un receveur humain de a) cellules, de tissus ou d'organes vivants provenant d'une source animale (non humaine) ou b) de liquides organiques, de cellules ou de tissus d'origine humaine qui ont été en contact ex vivo avec des cellules, des tissus ou des organes vivants provenant d'animaux(1). Les valvules cardiaques de porc fixées, qui ont été utilisées couramment comme matériels médicaux au Canada, ne sont pas considérées comme des produits de xénotransplantation ou des « xénogreffons » parce qu'il ne s'agit pas de tissu vivant et que les virus ont été détruits par le procédé de fixation.

Le porc est une espèce animale commune qui est étudiée dans le monde entier comme source éventuelle de matériel en vue de la xénotransplantation, même si, dans le passé, on a parfois eu recours à des primates non humains et à d'autres sources. Les milieux de culture à base de fibroblastes de souris ont été utilisés dans certains cas aux États-Unis pour soutenir l'expansion de la peau humaine (autologue) destinée à être greffée aux grand brûlés. C'est ce qui a incité le United States Public Health Service (PHS)(1) à inclure ces produits dans la définition de xénotransplantation (ci-dessus) ainsi que dans la réglementation pertinente. S'il est vrai que certains pays, comme les États-Unis, ont autorisé la tenue d'essais cliniques sur la xénotransplantation, aucun essai du genre n'a été autorisé au Canada jusqu'ici. En outre, les demandes de xénotransplantation ne sont pas prises en considération par le Programme d'accès spécial, même dans des circonstances extrêmes(2).

Mesures de surveillance de la xénotransplantation

Des travaux sont en cours pour établir des mesures de surveillance de la xénotransplantation au Canada. C'est à Santé Canada qu'il incombe d'assurer cette surveillance, en particulier par l'entremise du Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, qui fait partie de la Agence de santé publique du Canada, ainsi que des organismes de réglementation au sein de la Direction générale des produits de santé et des aliments.

S'il est vrai que les produits de xénotransplantation seraient assujettis aux dispositions des règlements sur les produits biologiques et les matériels médicaux, y compris à l'obligation d'obtenir une autorisation de Santé Canada avant de procéder à des essais cliniques, on croit que les protocoles de xénotransplantation présentent certains risques biologiques et devraient donc faire l'objet de mesures de surveillance plus rigoureuses(3,4). D'aucuns estiment que l'existence de ces risques justifie l'élaboration de normes canadiennes sur la xénotransplantation, en particulier pour faire face aux questions de zootechnie, d'approvisionnement en animaux sources, d'archivage des échantillons, etc, et c'est pourquoi des normes provisoires ont été élaborées(5). Pour ce qui est de la surveillance accrue, celle-ci va bien au-delà du signalement des incidents et des évaluations de l'innocuité, qui sont requises pour tous les essais cliniques. Ces préoccupations supplémentaires ont surtout trait aux risques essentiellement inconnus, mais néanmoins théoriques, de transmission d'agents infectieux par la source non humaine, comme le porc, aux populations humaines (6). De nombreux virus exogènes qui causent des maladies cliniques chez le porc peuvent faire l'objet d'un dépistage ou encore être éliminés par des techniques de sélection dans des troupeaux isolés biologiquement des autres animaux, mais il y a trois catégories de virus qui posent plus de problèmes. Il s'agit des virus endogènes, des virus endémiques et des virus porcins encore inconnus.

Transmission des virus endogènes

Les virus endogènes englobent les rétrovirus endogènes porcins (PERV). Tous les troupeaux de porcs étudiés jusqu'ici expriment au moins un sous-type de PERV, et il a été établi que certains de ces virus sont capables d'infecter des cellules humaines in vitro(4). Des études préliminaires effectuées sur des populations humaines exposées à des xénogreffons semblent toutefois indiquer que les agents infectieux qui franchissent la barrière d'espèce sont rares sinon inexistants, bien que ces essais n'aient pas évalué la transmission de sources transgéniques, pour lesquelles on croit que le risque serait plus élevé. Dans certains cas, on a retrouvé de l'ADN de porc ou de PERV chez des receveurs humains, mais aucun signe de virémie ou d'infection. Dans cet état appelé « microchimérisme », on suppose que des cellules du porc ont survécu et circulent chez l'hôte. Que le microchimérisme signifie que des cellules porcines circulent librement chez les receveurs humains ou non, la question importante consiste à établir si les receveurs courent un risque plus grand ou moins grand de contracter une infection due au PERV ou à d'autres agents infectieux(6). De plus, quels sont les risques de transmission de ces virus à d'autres humains dans l'éventualité où ils seraient en mesure de se répliquer?

Transmission des virus endémiques

Les virus porcins endémiques sont traités de façon plus détaillée ailleurs dans le présent supplément et ont récemment été étudiés(7). La plupart des virus endémiques sont présents dans tous les troupeaux, ne sont que peu ou pas associés à des maladies connues chez le porc, mais peuvent théoriquement être transmis à l'homme, chez qui ils pourraient causer des maladies. Le risque est probablement plus élevé si l'hôte présente un déficit immunitaire ou si d'autres obstacles au franchissement de la barrière d'espèce sont absents, ce qui se produit lorsque du matériel de porc transgénique est implanté. On pense qu'il serait possible d'éliminer ces virus au moyen de procédés de sélection génétique, mais aucune donnée aucun renseignement sur le succès de programmes semblables n'a encore été publiée. Par exemple, personne n'a encore décrit un troupeau qui serait exempt de cytomégalovirus porcin (CMVp). On ne sait pas encore si le CMVp ou d'autres virus endémiques du porc peuvent causer ou causeront effectivement des maladies transmissibles chez l'homme. Les connaissances au sujet de la transmission de ces virus endémiques et leur capacité de causer des maladies chez l'homme sont encore très fragmentaires.

Dépistage de virus inconnus

Une troisième catégorie, et la plus controversée, est celle des virus inconnus pour lesquels il n'existe actuellement aucune méthode de dépistage. La technologie moderne permet toutefois de rechercher certains types de virus, même s'ils n'ont pas encore été caractérisés. Par exemple, des épreuves destinées à détecter l'activité enzymatique de la transcriptase inverse, dans lesquelles le produit est amplifié par PCR (test PERT), fournissent une méthode de détection très sensible des rétrovirus (ADN ou ARN). De plus, il est possible de concevoir des amorces pour la PCR qui permettront de détecter la plupart des herpèsvirus, même ceux qui sont inconnus. Néanmoins, il reste qu'on n'a pas encore trouvé le moyen de protéger les Canadiens contre les agents infectieux d'origine porcine qui pourraient théoriquement devenir de nouveaux agents pathogènes émergents transmissibles par le sang. Il importe de noter que ce risque est bien réel, que des xénotransplantations soient pratiquées ou non en sol canadien. À cet égard, Santé Canada envisage actuellement d'ajouter les receveurs de xénogreffons au nombre des donneurs de sang exclus, en dépit du fait qu'il n'y a pas d'essais cliniques sur la xénotransplantation en cours au Canada.

Mesures de surveillance accrue

Pour déterminer quelles mesures de surveillance accrue peuvent être indiquées ou réalisables, la Division des pathogènes à diffusion hématogène, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, a tenu un atelier d'une journée sur la surveillance de la xénotransplantation en mars 2000(4). L'un des problèmes importants qui a été soulevé est qu'une xénozoonose (transmission d'un agent infectieux d'une espèce à une autre lors d'une transplantation) pourrait entraîner des symptômes divers ou être asymptomatique. Aussi, les participants ont-ils établi que le fait de se fonder sur la présence de symptômes cliniques pour déterminer s'il y a lieu de rechercher la présence d'un agent infectieux connu ou inconnu constituait un système de détection précoce inefficace. Aucun marqueur de substitution particulier d'une zoonose n'a été identifié, bien que tout résultat anormal d'une analyse de laboratoire puisse être le premier indice de la présence d'une maladie infectieuse. L'analyse du sondage réalisé dans le cadre de l'atelier a révélé qu'il faudra procéder au dépistage actif d'agents viraux présents dans les troupeaux de porcs, comme le PERV et les virus endémiques, chez les receveurs de xénogreffes pour évaluer si ces agents franchissent la barrière d'espèce et s'ils peuvent causer des maladies(4). Dans ses lignes directrices révisées, le PHS des États-Unis a fait une recommandation semblable(1).

On a en outre jugé qu'il était très important d'effectuer une recherche complète de maladies infectieuses dans les principaux tissus examinés à l'autopsie chez les receveurs de xénogreffes décédés afin d'évaluer la capacité des virus porcins endémiques et endogènes de franchir la barrière d'espèce pour s'implanter chez l'homme. Jusqu'ici, ces enquêtes, si elles ont été réalisées, n'ont pas été publiées en dépit du fait que des décès se sont produits aux cours des essais cliniques sur les xénotransplantations(4) et, dans au moins un cas, des échantillons ont été prélevés lors de l'autopsie(8). L'une des principales conclusions de l'atelier a été la nécessité d'une collaboration internationale, notamment d'une harmonisation des définitions, de la normalisation des déclarations d'incidents et des méthodes de dépistage, et du partage des données, des expériences et des résultats. Les participants à la réunion de consultation sur la surveillance de la xénotransplantation, tenue conjointement par l'OCDE et l'OMS du 4 au 6 octobre 2000 à Paris, sont arrivés à la même conclusion et ont réclamé une surveillance accrue de la xénotransplantation à l'échelle internationale.

Déjà un certain nombre d'activités se rapportant à la surveillance de la xénotransplantation sont en voie de préparation. Certains chercheurs sont à élaborer des plans pour fournir une évaluation scientifique du risque que des agents infectieux porcins endogènes et endémiques franchissent la barrière d'espèce et s'introduisent chez les humains. Plusieurs centaines de personnes à haut risque qui sont exposées, dans le cadre de leurs activités professionnelles ou pour des raisons médicales, à du sang ou du matériel provenant de porcs, subiront des analyses destinées à déterminer si elles sont porteuses des divers virus porcins endogènes ou endémiques connus au moyen de technologies PCR modernes et, dans certains cas, d'épreuves sérologiques. Les chercheurs compareront ensuite leurs résultats à ceux de personnes à faible risque qui n'ont pas été exposées à du sang de porc, sauf pour avoir préparé et consommé des produits à base de porc. Parallèlement, on tentera de trouver une méthode sensible pour déterminer si une personne a effectivement été exposée à du sang de porc. On espère que toutes les personnes chez qui on détecte la présence d'agents infectieux porcins ou une exposition antérieure obtiendront un résultat positif au test de détection de l'exposition à du sang de porc. S'il est possible d'en obtenir la confirmation ou d'en faire la démonstration en laboratoire, on pourra peut-être utiliser le « test d'exposition au sang de porc » comme marqueur de substitution pour les virus porcins connus et inconnus dans la population générale.

Étant donné que les méthodes de détection des virus porcins endémiques et endogènes ainsi que les tests non spécifiques de dépistage d'autres virus seraient réalisés et validés sur des échantillons humains, Santé Canada disposerait alors de la capacité nécessaire pour se préparer en vue d'éclosions d'agents pathogènes porcins transmissibles par le sang dans des populations humaines, que ceux-ci soient associés à un essai clinique sur la xénotransplantation ou non.

En résumé, Santé Canada suit de près la situation en ce qui concerne la xénotransplantation et le risque de maladies infectieuses découlant potentiellement de ce type d'intervention. Le cadre de surveillance internationale est en voie d'être établi et l'on travaille actuellement à mettre au point la capacité de détection en laboratoire des agents infectieux porcins connus et inconnus. Santé Canada est déterminé à s'acquitter de son mandat en ce qui concerne la prévention et le contrôle des risques infectieux dans le milieu médical.

Références

  1. United States Public Health Service. Guideline on infectious disease issues in xenotransplantation. May 26, 2000. See Website http://www.fda.gov/cber/gdlns/xeno0500.pdf

  2. Santé Canada, Programme des produits thérapeutiques. Avis au hôpitaux : programme des produits thérapeutiques, le 29 mars 1999 : Utilisation thérapeutique de cellules, de tissus ou d'organes viables d'origine animale sur des êtres humains. Voir site Web http://www/hc-sc.gc.ca/
    hpb-dgps/zfiles/french/btox/notices/noticetohospitals_f.html

  3. Santé Canada, Programme des produits thérapeutiques. Forum national sur la xénotransplantation : questions relatives aux aspects cliniques déontologiques et réglementaires : les 6 et 7 novembre 1997. Voir site Web http://www/hc-sc.gc.ca/hpb-dgps/therapeut/zfiles/french/btox/
    reports/frmrptx_f.html

  4. Santé Canada, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses. Rapport de l'atelier de surveillance de la xénotransplantation : Base de données sur la prévention des infections et archivage des échantillons. Mars 31, 2000.

  5. Proprosition d'une norme canadienne pour la xénotransplantation, voir le site Web http://www.hc-sc.gc.ca/hpb-dgps/therapeut/zfiles/french/
    btox/standards/xeno_std_f.html

  6. Tackaberry ES, Ganz PR. Xenotransplantation: assessing the unknown. Can Med Assoc J 1998;159:41-3.

  7. Yoo D, Giulivi A. Xenotransplantation and the potential risk of porcine viruses for xenogeneic transmission. Can J Veterinary Res 2000;64:193-203.

  8. Deacon T, Schumacher J, Dinsmore J et coll. Histological evidence of fetal pig neural cell survival after transplantation into a patient with Parkinson's disease. Nature Medicine 1997;3:350-53.

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Dernière mise à jour : 2001-10-12 début