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Relevé des maladies transmissibles au Canada

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Volume : 27S3 • septembre 2001

L'hépatite virale et des nouveaux agents pathogènes transmissibles par le sang au Canada


Les virus porcins et les xénozoonoses*


Dongwan Yoo, Antonio Giulivi


Les progrès récents réalisés dans le domaine de la xénotransplantation en tant que modalité thérapeutique pourraient être bénéfiques pour la santé humaine. Un jour, le cancer du foie et la cirrhose pourraient être traités par l'implantation d'un foie de porc, tandis que le diabète pourrait être guéri par la transplantation de cellules pancréatiques et des greffes de tissus neuronaux pourraient permettre de guérir des maladies neurodégénératives. Les primates sont généralement considérés comme une mauvaise source d'organes pour les humains, surtout pour des raisons d'ordre éthique et en raison des risques de transmission d'agents infectieux. Le porc est l'espèce animale qui suscite le plus d'intérêt pour la xénotransplantation clinique. Ces animaux sont faciles à reproduire, économiques à produire et leur physiologie est semblable à celle de l'homme.

Risques inhérents à la xénotransplantation

Il faut reconnaître toutefois que la xénotransplantation peut entraîner des risques pour les humains. La transplantation d'organes animaux à des humains permettra aux micro-organismes qui sont présents dans les organes du donneur d'échapper aux mécanismes de défense normaux du receveur. Après la transplantation, un contact prolongé de l'organe avec le corps  humain pourrait permettre  aux micro-organismes de s'adapter et de s'implanter chez le receveur et ainsi un micro-organisme qui n'est pas pathogène pour son hôte naturel pourrait le devenir chez le receveur. Les traitements immunosuppresseurs sont monnaie courante chez les greffés et le déficit immunitaire induit chez le receveur du xénogreffon peut avoir des conséquences imprévisibles.

De tous les micro-organismes qui infectent le porc, ce sont les virus qui suscitent le plus d'inquiétude, étant donné que les autres agents peuvent pour la plupart être supprimés au moyen d'une antibiothérapie courante. Les agents pathogènes qui causent des maladies apparentes chez le porc devraient être les premiers qu'il faudrait tenter d'éliminer des troupeaux de donneurs. Il s'agit d'une tâche relativement facile et, par conséquent, ces agents pathogènes suscitent moins d'inquiétudes pour la xénotransplantation. En revanche, les virus qui ne provoquent pas de maladies évidentes chez le porc et ceux qui causent des maladies latentes sont plus difficiles à éliminer et sont donc plus inquiétants parce que la xénotransplantation pourrait fournir une occasion unique à ces virus de franchir la barrière d'espèce qui sépare le porc de l'homme. On est parvenu à identifier jusqu'ici 25 virus différents chez le porc. La plupart de ceux-ci ne causent aucune maladie apparente, à l'exception du virus Nipha qui a récemment été à l'origine d'éclosions et de décès en Malaisie(1). Les virus qui ont un potentiel oncogène, ceux qui peuvent être transmis verticalement et par le sperme sont particulièrement préoccupants et doivent faire l'objet d'un dépistage serré. Font partie de cette catégorie le virus de l'hépatite E porcine, le rétrovirus porcin endogène, le cytomégalovirus porcin, les circovrus porcins de types 1 et 2 et deux herpèsvirus nouvellement identifiés(2). À l'exception du circovirus porcin de type 2, tous ces virus sont généralement considérés comme non pathogènes chez le porc.

Virus de l'hépatite E porcine

L'hépatite E est l'un des nombreux types d'hépatite virale reconnus chez l'homme. Le virus de l'hépatite E (VHE) est excrété dans les selles des personnes infectées, et ces selles contaminées sont vraisemblablement la principale source de la transmission. Le taux de mortalité se situe entre 1 % et 3 %, mais il peut être de 20 % plus élevé chez les femmes enceintes(3). L'hépatite E est habituellement observée dans les pays où les conditions d'hygiène sont mauvaises. Dans ces pays, les chercheurs ont reconnu deux types antigéniques du VHE, soit le type asiatique et le type mexicain. Un troisième type de VHE a été isolé dans les pays où le VHE n'est pas endémique et semble distinct des types asiatique et mexicain.

Récemment, on a isolé un virus apparenté au VHE chez le porc et, fait étonnant, ce VHE du porc est très semblable au troisième type de VHE humain(4) et ne présente qu'une similitude limitée avec les types asiatique et mexicain. On a recueilli de plus en plus de données indiquant que le VHE porcin est probablement un agent causant une zoonose qui est capable d'infecter les primates et de causer l'hépatite(5). En revanche, le VHE humain, qui est semblable du point de vue génétique au VHE porcin, infecte les porcs mais tel n'est pas le cas du VHE humain qui est distinct génétiquement du VHE porcin(6). La transmission peut se produire par contact direct ou par l'entremise d'aliments ou d'eau contaminés par des fèces de porc contenant le VHE. L'infection croisée du porc à l'homme peut être dose-dépendante.

La possibilité qu'une infection par le VHE franchisse la barrière d'espèce suscite certaines inquiétudes sur le plan de la santé publique. Les groupes à risque englobent les praticiens qui s'occupent des porcs, les éleveurs et les soigneurs de porcs, les personnes qui manipulent la viande, celles qui sont chargées de l'élimination du lisier dans les porcheries et tout autre personne qui entre en contact étroit avec des porcs. Étant donné que les porcs présentent un très grand intérêt pour la xénotransplantation, le VHE du porc suscite beaucoup d'inquiétude en tant qu'agent xénogénique potentiel. Les xénogreffes d'organes porcins aux humains permettront la transmission directe du VHE porcin. Bien que chez le porc et les primates les infections causées par le VHE soient asymptomatiques(5), on ignore si le virus deviendra pathogène chez l'humain, en particulier chez les receveurs sous traitement immunosuppresseur. Ce virus devrait être considéré comme un agent xénogénique potentiel.

Circovirus

Les circovirus sont souvent retrouvés chez les oiseaux et les plantes, mais le porc est le seul mammifère chez qui le virus a été isolé jusqu'ici. Chez le porc, on a identifié deux types de  circovirus, le type 1 et le type 2. Le circovirus porcin de type 1 serait très répandu dans les populations porcines du monde entier, mais ne cause aucune maladie chez cet animal(7). En revanche, le circovirus de type 2, qui a été reconnu pour la première fois dans l'Ouest du Canada, causerait chez les porcelets un syndrome cachectique généralisé après le sevrage(8). Les deux types de virus sont étroitement apparentés mais distincts. Le circovirus de type 2 est très répandu dans le monde entier. Il est capable de transformer des cellules porcines primaires mais le risque éventuel de transmission à l'homme par suite d'une xénotransplantation demeure inconnu. Les anticorps spécifiques du circovirus ont été mis en évidence chez l'homme, la souris et les bovins, mais ni le virus ni le génome viral n'a encore été détecté dans une espèce autre que le porc. Rien n'indique que les humains ont été infectés par un circovirus par suite d'un contact normal avec des porcs ou des produits du porc. On ne sait donc toujours pas si les receveurs d'une xénotransplantation sous traitement immunosuppresseur seront à risque d'infection par des circovirus porcins. Néanmoins, il faudrait faire subir un dépistage aux troupeaux de porcs, et les troupeaux positifs devraient être exclus des protocoles de xénotransplantation.

Herpèsvirus

Les herpèsvirus sont répandus dans la nature, et on les trouve chez les insectes, les reptiles, les amphibiens et dans toutes les espèces d'oiseaux et de mammifères, y compris les humains et les primates. L'une des caractéristiques des infections dues aux herpèsvirus est que le virus persiste chez l'hôte infecté pendant toute sa vie et est fréquemment réactivé et excrété. Chez le porc, on a identifié quatre herpèsvirus : le virus de la pseudorage, le cytomégalovirus porcin et deux virus lymphotropes récemment identifiés. Le virus de la pseudorage est un agent  pathogène chez les animaux. Le Canada a été exempt de la pseudorage pendant de nombreuses années et, étant donné que chez le porc l'infection est apparente cliniquement, son risque xénogénique est diminué et représente moins un problème dans la xénotransplantation.

Le cytomégalovirus (CMV) porcin cause la rhinite chez les porcelets tandis que chez les porcs plus âgés, l'infection est infraclinique. À l'instar du CMV humain, le CMV porcin traverse le placenta et infecte le foetus donnant lieu à des infections congénitales. Le CMV porcin est endémique dans le monde entier, y compris au Canada(9). Le CMV porcin peut être sécrété dans le sperme. Parce que le CMV porcin est capable d'infecter les macrophages pulmonaires, on craint qu'il modifie les mécanismes de défense de l'hôte et qu'il se révèle pathogène pour l'homme. Il faudrait effectuer d'autres études sur le potentiel pathogène du CMV porcin chez l'homme. Malgré son importance éventuelle pour l'infection xénogénique, on connaît peu de choses relativement à la pathogenèse du CMV et à son tropisme cellulaire. On ne possède aucune donnée sur l'exposition humaine au virus.

Outre la pseudorage et le CMV, deux autres virus ont récemment été identifiés chez le porc. Les deux séquences d'herpèsvirus trouvées dans la rate de porc(10) étaient distinctes l'une de l'autre et, de plus, elles se distinguaient nettement de celles de tout autre herpèsvirus porcin. La prévalence des deux nouveaux types peut atteindre 90 % chez le porc domestique. En se fondant sur l'information recueillie sur la séquence, on a provisoirement baptisé les deux virus  herpèsvirus lymphotrope de types 1 et 2(11). Les virus pourraient se répliquer dans les cellules lymphoblastoïdes et auraient une spécificité soit pour les lymphocytes T ou B. Bien qu'on ait identifié les séquences spécifiques, on n'est pas encore parvenu à isoler les virus et, par conséquent, leur tropisme pour d'autres espèces animales, pour les tissus ou les lymphocytes n'est pas clair.

Le dépistage des virus porcins

La xénotransplantation pourrait apporter des bienfaits thérapeutiques uniques en médecine moderne. L'une des principales préoccupations est la transmission éventuelle de virus porcins aux humains et leur propagation subséquente à la communauté par le receveur de la xénogreffe(2). Par conséquent, les virus qui suscitent des inquiétudes doivent faire l'objet d'un dépistage serré. La liste des tests disponibles pour la recherche de virus chez le porc doit être complète et il y aurait lieu de maximiser leur sensibilité de même que leur spécificité. Il faudrait promouvoir la recherche sur les virus inconnus qui pourraient être transmis par la xénotransplantation. Le développement et l'utilisation de modèles animaux représenteront le meilleur moyen de comprendre le mécanisme du franchissement de la barrière d'espèce et de la pathogénèse virale. En outre, il sera nécessaire de mettre sur pied un système national approprié pour dépister et surveiller les sources animales et les virus connus chez les receveurs, découvrir de nouveaux virus et mettre au point des méthodes diagnostiques nouvelles et plus efficaces. Il faudra établir des laboratoires diagnostiques de référence pour les virus individuels afin de fournir des données de dépistage. Lors d'un atelier organisé récemment par le Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses de Santé Canada, les participants ont discuté de stratégies générales de surveillance nationale et de coordination internationale pour la xénotransplantation et les xénozoonoses et des lignes directrices ont été élaborées par la suite. Ces lignes directrices seront fondées sur les principes de la sécurité xénogénique par rapport aux risques et aux avantages tant pour l'individu que pour la société et indiqueront  les orientations futures de la xénotransplantation.

Références

  1. Herrera JL, Hill S, Shaw J et coll. Outbreak of Hendra-like virus - Malaysia and Singapore, 1998-1999. MMWR 1999;48:265-69.

  2. Yoo D, Giulivi A. Xenotransplantation and the potential risk of xenogeneic transmission of porcine viruses. Can J Vet Res 2000;64;193-203.

  3. Hussaini SH, Skidmore SJ, Richardson P et coll. Severe hepatitis E infection during pregnancy. J Viral Hepat 1997;4:51-4.

  4. Meng XJ, Purcell RH, Halbur PG et coll. A novel virus in swine is closely related to the human hepatitis E virus. Proc Natl Acad Sci USA 1997;94:9860-65.

  5. Meng XJ, Halbur PG, Shapiro MS et coll. Genetic and experimental evidence for cross-species infection by the swine hepatitis E virus. J Virol 1998;72:9714-21.

  6. Meng XJ, Halbur PG, Haynes JS et coll. Experimental infection of pigs with the newly identified swine hepatitis E virus (swine HEV), but not with human strains of HEV. Arch Virol 1998;143:1405-15.

  7. Tischer I, Mields W, Wolff D et coll. Studies on epidemiology and pathogenicity of porcine circovirus. Arch Virol 1986;91:271-76.

  8. Harding JSC, Clark EG. Recognizing and diagnosing post-weaning multisystemic wasting syndrome (PMWS). Swine Health Prod 1997:5:201-03.

  9. Hamel AL, Lin L, Sachvie C et coll. PCR assay for detecting porcine cytomegalovirus. J Clin Microbiol 1999;37:3767-78.

  10. Ehlers B, Ulrich S, Goltz M. Detection of two novel porcine herpesviruses with high similarity to gammaherpesviruses. J Gen Virol 1999;80:971-78.

  11. Ulrich S, Goltz M, Ehlers B. Characterization of the DNA polymerase loci of the novel porcine lymphotrophic herpesviruses 1 and 2 in domestic and feral pigs. J Gen Virol 1999; 80:3199-205.

* Avec la permission de l'Association canadienne des médecins vétérinaires, certaines sections de cet article ont été tirées de la publication : Yoo D, Giulivi A. Xenotransplantation and the potential risk of xenogeneic transmission of porcine viruses. Can J Vet Res 2000;64:193-203.

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Dernière mise à jour : 2001-10-12 début