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Relevé des maladies transmissibles au Canada

[Table des matières]

 

Volume : 27S3 • septembre 2001

L'hépatite virale et des nouveaux agents pathogènes transmissibles par le sang au Canada


L'efficacité des stratégies de réduction des méfaits de l'hépatite C chez les utilisateurs de drogues injectables au Canada


Lynne Leonard, Christine Navarro, Linda Pelude, Leslie Forrester


Les populations qui sont hautement exposées à du sang potentiellement contaminé sont les plus à risque d'être infectées par le virus de l'hépatite C (VHC). Les utilisateurs de drogues injectables (UDI) risquent principalement de contracter le VHC lorsqu'ils s'injectent des drogues avec des aiguilles et des seringues contaminées par le sang infecté d'un autre utilisateur. De plus, le risque augmente lorsqu'ils partagent le matériel d'injection contaminé tel que les cuillères, les récipients ou les filtres (« cotons »). On estime qu'au Canada la prévalence moyenne du VHC parmi les UDI est d'environ 80 %(1-7).

En ce moment, le principal facteur de risque d'infection due au VHC est l'utilisation de drogues injectables. Au Canada, l'utilisation de drogues injectables est responsable de 63,2 % des cas d'hépatite C aiguë pour lesquels les facteurs de risque sont connus et qui ont été identifiés par le Système de surveillance améliorée de l'hépatite B et de l'hépatite C de Santé Canada au cours des années 1998 et 1999. De plus, 77,8 % des UDI qui ont été interrogés dans le cadre de ce système ont dit avoir partagé des aiguilles au cours des 6 mois précédant le diagnostic.

Le VHC pourrait représenter une menace plus sérieuse que le VHB ou que le VIH pour les UDI. En effet, l'infection chronique guette jusqu'à 85 % des personnes atteintes d'une infection aiguë par le VHC, alors que, dans le cas du VHB, moins de 10 % des adultes infectés souffriront d'une infection chronique. S'il est vrai que le taux d'évolution vers la chronicité est supérieur dans le cas du VIH, le réservoir d'UDI infectés par le VIH est moins important(8), et ce virus ne se transmet pas aussi facilement par voie parentérale que le VHC. Donc, les taux élevés de prévalence et d'infection chronique, ainsi que le caractère hautement transmissible du VHC sont autant de facteurs qui favorisent l'endémicité à l'intérieur de ce groupe. Si l'on considère en outre les taux élevés de séquelles à long terme, le VHC chez les UDI représente un problème de santé publique de la plus haute importance(9).

La réduction des méfaits : un modèle de base

En 1987, le gouvernement canadien a adopté la réduction des méfaits comme modèle de base pour la Stratégie canadienne antidrogue(10). L'objectif de cette approche est de réduire les méfaits associés à l'utilisation de drogues injectables pour l'individu, la collectivité et l'ensemble de la société. Les stratégies de réduction des méfaits sont axées sur les répercussions économiques, sociales et sanitaires de la consommation de drogues injectables, plutôt que sur l'élimination de celle-ci(10). Les programmes d'échange de seringues (PES), le traitement d'entretien à la méthadone (TEM) de même que les programmes d'éducation et d'intervention sur le terrain sont autant d'exemples des nombreux programmes et politiques de réduction des méfaits qui existent dans d'autres pays. Nombreux sont ceux qui considèrent les PES comme l'approche de réduction des méfaits par excellence. On croit en effet qu'en fournissant des aiguilles et des seringues stériles aux utilisateurs actuels, on contribuera à réduire le risque d'infection ou de transmission du VIH, du VHB, du VHC et d'autres agents pathogènes transmissibles par le sang. Au Canada, des PES ont été mis sur pied officieusement à Toronto, en 1987, et officiellement à Vancouver, en 1989. À l'heure actuelle, il y a plus de 200 PES en opération au Canada(11). Même s'il existe des preuves que les PES ont permis de modifier la plupart des pratiques d'injection liées au VIH(12), on ne peut en conclure que les stratégies de réduction des méfaits axées sur le VIH ont été tout aussi efficaces contre le VHC chez les UDI(13).

L'efficacité de la réduction des méfaits

Nous présentons ici la synthèse d'une étude systématique qui avait principalement pour but de documenter et de caractériser les taux de prévalence et d'incidence du VHC chez les UDI au Canada, et d'évaluer l'efficacité des stratégies de réduction des méfaits à cet égard(14). En ce qui concerne le VHC, les résultats qui ont été examinés étaient l'état de santé physique à la fin de l'étude, tant au niveau de l'individu qu'à celui de la population, de même que la modification de l'incidence et de la prévalence déclarées du VHC parmi les UDI.

Les recherches informatisées en ligne dans six bases de données électroniques, la recherche manuelle d'études pertinentes, l'examen d'études potentiellement pertinentes suggérées par des informateurs clés du gouvernement fédéral et intervenants de première ligne, et une revue des publications locales et communautaires ont permis de relever 84 études menées entre 1990 et 2000 sur l'efficacité des stratégies de réduction des méfaits. Un examen de la pertinence et de la qualité a permis d'inclure 15 études primaires qui étaient pertinentes* mais dont la méthode comportait généralement des faiblesses. Aucune d'entre elles n'était canadienne. Il convient de noter qu'aucune des études examinées ne visait expressément à évaluer directement les stratégies de réduction des méfaits à l'égard du VHC.

Parmi ces 15 études, trois étaient américaines, trois autres étaient australiennes et trois étaient européennes. Le nombre d'UDI participants (entre 46 et 673) et la composition de la population d'UDI variaient selon les études. Bien que dans toutes les études les UDI aient constitué au moins l'un des éléments de la population, une étude portait exclusivement sur les détenues d'une petite prison pour femmes en Suisse(15), et une autre sur des UDI hétérosexuels uniquement(16). Dans toutes les études, à l'exception de celle menée auprès des détenues, on comptait environ deux hommes pour une femme parmi les UDI, un ratio qui est souvent documenté dans les études sur les UDI. Peu de similitudes ont été observées d'une étude à l'autre sur le plan des interventions. Le programme d'échange de seringues et le traitement d'entretien à la méthadone (TEM) étaient les types d'intervention les plus couramment décrites. Dans une étude écossaise(17) et deux études américaines(16,18), le PES était le seul moyen d'intervention utilisé, alors que dans une étude suisse(19), une étude australienne(20) et une étude italienne(21), le TEM était l'unique moyen d'intervention. Les neuf autres études décrivaient des interventions complexes de réduction des méfaits, comprenant différentes combinaisons des éléments suivants : PES, TEM et autres formes de pharmacothérapie, éducation, counselling, campagnes de prévention ou programmes d'intervention sur le terrain**.

Quant à l'efficacité des stratégies de réduction des méfaits pour ce qui est de réduire l'incidence et la prévalence du VHC, les études examinées ont permis de relever des taux déclarés élevés de prévalence et d'incidence même si l'utilisation des stratégies de prévention de l'infection à VIH semblait largement répandue. On a notamment observé que l'effet protecteur initial de la participation à un PES à l'égard de la séroconversion au VHC, rapporté par Hagan et coll. en 1995(16), ne s'est pas maintenu de façon constante(18). De la même manière, bien que Rezza et coll.(21) aient fait état d'un faible effet protecteur du traitement d'entretien à la méthadone à l'égard de l'infection à VHC, aucune des autres études examinées n'a pu corroborer cette hypothèse, ce qui porte à croire que le simple fait de fournir de la méthadone aux UDI qui risquent de contracter ou de transmettre le VIH n'empêche pas nécessairement la propagation du VHC.

L'absence de baisse du taux d'incidence ou même la présence de nouveaux cas d'infection parmi les UDI qui participent à un programme de prévention, même si ce dernier vise avant tout à prévenir la transmission du VIH, donnent fortement à penser que les efforts actuels de prévention de la transmission de virus par le sang sont insuffisants pour enrayer l'infection par le VHC. L'analyse des études montre que les taux d'incidence varient : ils peuvent être aussi bas que 4,2 pour 100 années-personnes, comme c'est le cas dans un centre privé de traitement d'entretien à la méthadone en Suisse(22), ou atteindre jusqu'à 20,9 pour 100 années-personnes parmi les UDI qui fréquentent un établissement reconnu de prévention du VIH en Australie(23) et même 28,6 pour 100 années-personnes parmi les UDI qui fréquentent l'un des trois centres de traitement des toxicomanies situés à Naples, en Italie(21).

En résumé, les données de ces études primaires semblent indiquer que les stratégies de prévention du VIH ont été relativement inefficaces à l'égard du VHC dans la population des UDI. Même si les mesures de réduction des méfaits ont contribué à maintenir de bas taux de prévalence et d'incidence du VIH, il est clair que les taux de transmission du VHC demeurent extrêmement élevés et que, d'après les données de bon nombre des études examinées, c'est particulièrement vrai chez les jeunes UDI.

Il faut cependant considérer ces résultats en tenant compte de certaines limites. Étant donné qu'il s'agissait d'études d'observation, aucune des études examinées n'avait pour objectif formel d'évaluer directement les stratégies de réduction des méfaits par rapport à l'infection par le VHC. Pour déterminer dans quelle mesure ces stratégies permettent de modifier les taux d'infection par le VHC, il serait nécessaire d'utiliser un plan longitudinal dans lequel un grand nombre d'UDI répartis au hasard dans un groupe recevant l'intervention ou dans un autre groupe ne recevant aucune intervention de même qu'un taux de séroconversion significativement élevé dans le temps. Certaines considérations éthiques et juridiques empêchent la mise en oeuvre d'un tel plan d'étude étant donné les preuves de l'efficacité de l'intervention pour ce qui est de prévenir la transmission du VIH. En outre, la revue a évalué l'efficacité en termes de modifications des mesures de l'incidence et de la prévalence du VHC. L'importance accordée à ces résultats pourrait bien avoir occulté l'efficacité des programmes et des stratégies évaluées en ce sens qu'ils auraient modifié les mesures intermédiaires révélant des baisses de l'incidence et de la prévalence du VHC. Par exemple, il pourrait y avoir une baisse du taux de comportements entraînant un risque d'infection par le VHC, comme l'utilisation d'aiguilles et d'autre matériel d'injection déjà utilisé.

L'élimination par opposition à la réduction des comportements à risque

Des taux d'incidence et de prévalence élevés du VHC ont été signalés dans un certain nombre d'études en dépit de la mise en oeuvre apparemment répandue de stratégies de réduction des risques qui semblent avoir permis de maintenir effectivement un taux faible ou plus faible de prévalence du VIH. En particulier, la séroconversion pour le VHC parmi des participants à des programmes de réduction des méfaits porte à croire que la prévention axée spécifiquement sur la transmission du VIH n'est que partiellement efficace pour ce qui est de prévenir l'infection par le VHC chez les UDI. Les mesures de santé publique destinées à réduire les comportements à risque de transmission du VIH chez les UDI ont eu un impact sur la transmission du VIH. Mais étant donné l'important réservoir de personnes infectées par le VHC dans la population des UDI et le degré élevé d'infectivité et de transmissibilité du VHC par épisode de contact sanguin comparativement au VIH, il faudrait entreprendre des recherches pour examiner la possibilité soit de modifier les programmes déjà en place, soit d'en créer de nouveaux qui viseraient l'élimination plutôt que la réduction des pratiques d'injection à risque d'infection par le VHC. On pourrait, par exemple, faire des recherches pour évaluer l'utilité des interventions visant à inciter les UDI à renoncer à la voie parentérale et à adopter plutôt des modes moins dangereux de consommation des drogues comme fumer, renifler ou avaler. De même, on pourrait effectuer des recherches pour examiner l'efficacité et la faisabilité de mettre en oeuvre des programmes d'entretien à la méthadone dans lesquels la méthadone serait administrée aux plus hauts niveaux du gradient dose-effet associés à l'arrêt complet de l'injection de drogue plutôt qu'à une simple réduction des pratiques d'injection entraînant un risque d'infection par le VHC. Il est essentiel de reconnaître que l'infection par le VHC chez les UDI est une question de santé publique importante et hautement prioritaire afin d'encourager la mise sur pied d'interventions visant à freiner la propagation du VHC.

Références

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* On trouvera plus de précisions concernant la méthodologie, notamment la stratégie de recherche, l'évaluation de la pertinence en vue du choix des études et l'évaluation de la qualité des études pertinentes, dans l'article de synthèse intégral(14).

** Le lecteur trouvera une description complète des interventions pour ce qui est des modes de prestation des programmes, de la durée, de la cohérence et du contexte dans l'article de synthèse intégral(14).

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Dernière mise à jour : 2001-10-12 début