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6. MÉCANISMES ASSOCIANT LES MALADIES CHRONIQUES ET LES INIQUITÉS

Message clé : Les mécanismes qui associent les iniquités et les maladies chroniques sont multiples et interdépendants.

Comme nous l’avons vu, les facteurs qui influent sur la santé sont nombreux et complexes. Des facteurs sociaux et économiques se manifestant dans différents mécanismes ou processus peuvent avoir une incidence sur les résultats de santé. Pour la plupart des chercheurs, il existe trois principaux types de processus : le mécanisme matérialiste, le mécanisme psychosocial et le mécanisme politico-économique. Bien que la cause directe et l’effet soient difficiles à établir, la corrélation entre les mécanismes et la santé de la population est claire.

Par exemple, les personnes plus pauvres présentent des taux plus élevés de maladies cardiovasculaires. Selon une récente étude, 6 366 morts attribuables à des maladies cardiaques par année au Canada seraient associées à la pauvreté, et des coûts de soins de santé de près de quatre milliards de dollars seraient attribuables à des maladies cardiaques reliées à la pauvreté. Les chercheurs s’entendent moins sur la façon dont ces conditions se traduisent en maladies chroniques particulières ou sur les interventions les plus appropriées.

Les chercheurs observent que la privation matérielle, les facteurs sociaux et psychologiques, les comportements à risque et les résultats de santé sont associés et interdépendants. Ils observent que les inégalités en santé sont le résultat d’une accumulation de facteurs réunis. La pauvreté peut être le reflet d’un sous-investissement de l’infrastructure sociale et économique. La pauvreté se traduit par un manque de ressources, telles que l’accès à l’éducation, aux loisirs et à l’emploi, qui a son tour peut entraîner une dégradation et une fragmentation du tissu socioéconomique de la société. Ces désavantages socioéconomiques comprennent le développement malsain des enfants, les disparités en matière de développement économique, le chômage, la criminalité, la violence, les facteurs psychologiques, tels que la dépression et le stress, et un sentiment général d’exclusion sur le plan socioéconomique.

Les inégalités sociales et économiques, à leur tour, ont des conséquences biologiques telles que l’affaiblissement des fonctions immunitaires. Elles entraînent une augmentation de la prévalence des risques pour la santé et des comportements malsains, tels que le tabagisme, l’alcoolisme, la toxicomanie, la mauvaise alimentation et le manque d’exercice physique, qui sont souvent des précurseurs des maladies chroniques. La relation bilatérale qui existe entre les iniquités et la maladie est démontrée par le fait que la mauvaise santé et l’incapacité peuvent elles-mêmes être des causes de pauvreté. L’incapacité générée par la maladie peut bloquer des possibilités d’emploi et aggraver la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion. Toutefois, bien que cette situation puisse souvent se produire, les résultats de recherches empiriques n’ont pas permis de montrer que le fonctionnement bilatéral serait un important facteur déterminant dans la relation entre les iniquités et les maladies. Simultanément, les variables sociales intermédiaires telles que les solides réseaux et soutiens sociaux peuvent également atténuer certaines répercussions négatives des circonstances économiques défavorables.

Le mécanisme politico-économique permet d’examiner plus en profondeur les causes fondamentales des iniquités matérielles et psychosociales de même que leurs répercussions sur la santé. Des chercheurs ont récemment suggéré que la compréhension de ces causes fondamentales plus profondes dépend de l’analyse des structures, des systèmes et des politiques de la société. Ceci comprend le nouvel examen de diverses économies de marché, de la mondialisation et des problèmes de l’État providence qui pourraient mener à la pauvreté et aux maladies chroniques. Les valeurs sociales communes, de même que les structures historiques, culturelles, économiques et politiques peuvent considérablement contribuer à la création de pauvreté et d’iniquités et déterminer quels groupes sont touchés de façon disproportionnée. Des études ont démontré que les niveaux plus élevés de dépenses sociales sont associés à une plus longue espérance de vie. Ces dépenses comprennent les investissements dans des facteurs structurels, tels que l’éducation, le transport, les logements à prix abordable, les bibliothèques, les installations récréatives à prix abordable, les parcs et l’amélioration du décor dans les quartiers.

Voici une brève description des mécanismes matérialiste, psychosocial et politico-économique. Il est essentiel de comprendre ces mécanismes pour déterminer les points d’intervention potentiels où les stratégies seraient les plus efficaces. Les ensembles de données existantes ne permettent pas d’établir un lien entre les virages macroéconomiques et les résultats de santé. Ainsi, nous devons nous fier ici sur les statistiques et les indicateurs plus classiques, tels que les taux de chômage et l’incidence de faible revenu, pour évaluer les relations qui existent vraisemblablement entre les iniquités et les maladies au Canada atlantique.

6.1 MÉCANISME MATÉRIALISTE

6.1.1 Pauvreté et accès aux ressources

L’explication matérialiste met l’accent sur les façons dont les iniquités socioéconomiques privent les groupes défavorisés des ressources matérielles nécessaires à la santé. Le mécanisme matérialiste permet de repérer de quelles façons la pauvreté réduit l’accès aux ressources de base nécessaires au maintien d’une bonne santé, notamment les nécessités de base telles que la nourriture, l’eau potable, le logement et les vêtements, ainsi que les possibilités limitées en matière d’éducation, de subsistance, de transport et de loisirs. Il a été démontré à l’échelle internationale que des niveaux plus élevés de dépenses sociales sont associés à une plus longue espérance de vie.

La majorité des preuves empiriques du lien entre les iniquités et les maladies font référence à l’influence de la pauvreté et des inégalités de revenu sur la santé. Les Canadiens à faible revenu sont plus susceptibles d’être en moins bonne santé et de mourir plus jeunes que les autres Canadiens. Les Canadiens vivant dans les ménages dont les revenus sont les plus faibles sont quatre fois plus susceptibles de signaler une santé correcte ou mauvaise comparativement à ceux vivant dans les ménages les plus favorisés, et ils sont deux fois plus susceptibles d’être atteints d’une limitation d’activités prolongée.

Mené par les responsables du Projet sur les inégalités en matière de santé cardiovasculaire, un examen des études du lien qui existe entre l’état de santé et le niveau de revenu a montré que l’espérance de vie des Canadiens les plus défavorisés était presque huit ans plus courte que celle des mieux nantis et que l’incidence de l’incapacité était nettement plus élevée chez les Canadiens les plus pauvres. Les hommes canadiens dont le revenu figure parmi les 5 p. 100 des revenus les moins élevés étaient deux fois plus susceptibles de mourir avant l’âge de 70 ans comparativement aux hommes dont le revenu figure parmi les 5 p. 100 des revenus les plus élevés. Raphael a montré qu’au Canada, les différences de revenu expliquaient 23,7 p. 100 des morts prématurées avant l’âge de 75 ans attribuables à des maladies cardiovasculaires.

Une étude de 10 ans menée auprès de personnes vivant avec le VIH/sida à Vancouver a montré que le faible statut socioéconomique avant l’infection était associé à la progression de la maladie et aux chances de survie. Une autre étude menée à Vancouver a montré que les personnes qui adoptent des comportements à risque élevé obtenaient des résultats plus défavorables que celles qui ne prenaient pas de risques.

En 1999, le San Francisco Department of Public Health a analysé les répercussions d’une augmentation du salaire vital pour déterminer dans quelle mesure cette initiative pourrait améliorer la santé et favoriser le rendement scolaire des enfants. Les auteurs de cette analyse ont montré qu’un salaire minimum de 11 $ l’heure permettait de prédire une baisse de 5 p. 100 du risque de mort prématurée chez les adultes de 24 à 44 ans et une hausse de 34 p. 100 du nombre de diplômés de l’enseignement secondaire chez les enfants de ces travailleurs.

L’insécurité alimentaire est un problème chez les personnes à faible revenu, comme le prouve le recours de plus en plus fréquent aux banques alimentaires et aux programmes d’alimentation des enfants. L’insécurité alimentaire est définie comme [traduction] « l’incapacité d’acquérir ou de consommer des aliments d’une qualité nutritive adéquate ou en quantité suffisante de façons acceptables sur le plan social ou l’incertitude d’une personne d’être en mesure de le faire ». Une récente étude sur l’insécurité alimentaire et la faim a été menée au Canada atlantique auprès de 141 mères seules à faible revenu ayant des enfants. Elle a permis de montrer que 96,5 p. 100 des familles avaient éprouvé de l’insécurité alimentaire au cours de l’année de l’étude. Dans cet échantillon, 87 p. 100 des familles dépendaient de l’aide sociale.

L’étude susmentionnée a fourni d’autres preuves qui suggèrent que les prestations d’aide sociale versées au Canada atlantique ne sont pas suffisantes pour permettre aux familles d’acheter les nécessités de base. De nombreux chercheurs utilisent les seuils de faible revenu (SFR) de Statistique Canada comme un outil de mesure de la pauvreté. Les SFR représentent le montant d’argent dont une famille a besoin pour se nourrir, se vêtir et se loger. En 2000, l’année de l’étude susmentionnée, les prestations d’aide sociale versées à un parent seul avec un enfant correspondaient à 72 p. 100 des SFR à Terre-Neuve-et- Labrador, à 64 p. 100 des SFR en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et à 63 p. 100 des SFR à l’Île-du-Prince-Édouard. Neuf régions sociosanitaires du Canada atlantique présentaient des proportions nettement plus élevées de familles économiques vivant sous le seuil de faible revenu en 1996 comparativement à la moyenne canadienne. Ces régions comprennent trois des cinq régions sociosanitaires rurales de Terre-Neuve-et- Labrador et les quatre régions sociosanitaires rurales du Nouveau-Brunswick. En Nouvelle-Écosse, seul le Cap-Breton (N.-É. 5) affichait une proportion plus élevée de familles économiques vivant sous le seuil de faible revenu comparativement à la moyenne nationale. Parmi les 21 régions sociosanitaires du Canada atlantique, la région ouest de Terre-Neuve-et-Labrador (T.-N. 4) avait le taux le plus élevé de familles à faible revenu en 1996, soit 23,2 p. 100 (figure 14).

Figure 14. Régions de l’Atlantique affichant des taux de familles économiques à faible revenu supérieurs à la moyenne nationale, 1996 (%)

Figure 14. Régions de l’Atlantique affichant des taux de familles économiques à faible revenu supérieurs à la moyenne nationale, 1996 (%)

Source : Statistique Canada, Recensement de 1996 (échantillon de 20 %).

Les possibilités de pratiquer des activités physiques peuvent également être limitées dans les collectivités à faible revenu où les résidents ne se sentent pas en sécurité de marcher dans leur quartier ou n’ont pas les moyens de profiter des installations récréatives.

6.1.2 Emploi

Il existe de nombreuses preuves des effets néfastes du chômage sur le bien-être mental, physique et social des personnes, ainsi que sur celui de leur famille et collectivité. Une étude du chômage et de l’état de santé attribuable aux fermetures de la pêche sur la côte est a montré que les chômeurs avaient des niveaux très élevés de stress, un facteur de prédiction des maladies chroniques. Les chômeurs ont tendance à être en moins bonne santé que les personnes au travail. Selon Statistique Canada, [traduction] « les chômeurs sont atteints d’une part disproportionnée de problèmes de santé, tels que la dépression, la morbidité et une plus courte espérance de vie ». Une étude menée à Terre-Neuve-et-Labrador a montré que 67 p. 100 des personnes séropositives pour le VIH étaient sans emploi, et 62 p. 100 de celles-ci avaient un revenu inférieur à 15 000 $ par année.

Dans son étude majeure de la dépression des années 1930, Marie Jahoda a montré que l’emploi fournit beaucoup plus qu’un revenu. La citation suivante de Jahoda illustre une interconnexion entre le mécanisme matérialiste et le mécanisme psychosocial décrit à la prochaine section :

    [Traduction] L’emploi donne inévitablement lieu aux catégories d’expérience suivantes : il impose une structure temporelle des heures d’éveil; il oblige les travailleurs à avoir des contacts et à partager des expériences avec d’autres personnes en dehors du noyau familial; il démontre l’existence de buts et d’objectifs hors de la portée d’une personne et pour lesquels une collectivité est nécessaire; il impose un statut et une identité sociale au moyen de la division du travail dans le secteur moderne de l’emploi; il contraint à l’activité.

Par contre, Jahoda a démontré que le chômage nuit à la santé mentale en raison de la déchéance psychologique et de l’absence de soutiens psychologiques.

L’Institut canadien d’information sur la santé, à l’occasion de la Conférence consensuelle nationale sur les indicateurs de la santé de la population, a confirmé que le chômage chez les jeunes est un déterminant clé de la santé. Dans ce cas, on fait référence uniquement aux personnes qui recherchent activement un emploi et l’on exclut les étudiants à temps plein. Chaque année depuis 1997, les taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans ont été plus du double des taux enregistrés chez les personnes de 25 ans et plus. En 2001, 12,8 p. 100 de jeunes Canadiens étaient sans emploi, comparativement à 6.1 p. 100 des personnes de 25 ans et plus. En somme, ces iniquités fondées sur l’âge sont cachées par les statistiques mixtes sur l’emploi.

Les quatre provinces de l’Atlantique présentent des taux de chômage plus élevés que la moyenne canadienne (7,2 p. 100 en 2001) : 16,1 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador, 11,9 p. 100 à l’Île-du-Prince-Édouard, 9,7 p. 100 en Nouvelle-Écosse et 11,2 p. 100 au Nouveau-Brunswick. Mais à nouveau, ces moyennes provinciales masquent d’importantes différences intraprovinciales. À quelques exceptions près, comme le taux élevé de chômage dans la région industrielle du Cap-Breton et le faible taux de chômage dans la vallée de l’Annapolis en Nouvelle-Écosse, les disparités correspondent largement au clivage entre les régions urbaines et rurales. Par exemple, l’Île-du-Prince-Édouard rurale a un taux de chômage de 15 p. 100 comparativement à 9 p. 100 à Charlottetown et à Summerside. À St. John’s, le taux de chômage est de 9,4 p. 100 alors que dans les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador il est supérieur à 20 p. 100. En Nouvelle-Écosse, le chômage dans l’ensemble du Cap-Breton (18,6 p. 100) et à Sydney (19,1 p. 100) est 2,5 fois plus élevé qu’à Halifax (7,1 p. 100) et dans la vallée de l’Annapolis (7,5 p. 100). En fait, le taux de chômage à Halifax est inférieur à la moyenne canadienne.

Au Canada atlantique, les taux de chômage chez les jeunes sont plus élevés : 24,7 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador, 17,7 p. 100 en Nouvelle-Écosse, 17,2 p. 100 au Nouveau-Brunswick et 16,3 p. 100 à l’Île-du-Prince-Édouard. Il n’est pas surprenant que l’Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-1995 ait montré les taux les plus élevés de dépression et de piètre bien-être psychologique chez les jeunes et observé une amélioration du bien-être mental avec l’âge. Fait remarquable, il s’agit d’un revirement de situation par rapport aux modèles de la précédente génération au Canada, où les aînés étaient plus susceptibles que les jeunes d’être déprimés. Le fait que les taux de faible revenu chez les aînés ont baissé de moitié depuis 1980, alors que la pauvreté et le chômage chez les jeunes ont fortement augmenté, peut avoir contribué à ce changement de l’état de santé mentale.

Figure 15. Taux de chômage, régions sociosanitaires du Nouveau-Brunswick, 1996 et 2001 (%)

Figure 15. Taux de chômage, régions sociosanitaires du Nouveau-Brunswick, 1996 et 2001 (%)

Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active, tableaux spéciaux.

Note : Dans le sud du Nouveau-Brunswick, avec ses trois importants centres urbains, les taux de chômage ont baissé entre 1996 et 2001 à moins de 10 p. 100, comme dans la majorité des régions du Canada. Par ailleurs, dans les régions rurales et du nord du Nouveau-Brunswick, les taux de chômage ont augmenté durant cette période, la région de Bathurst ayant enregistré un taux de chômage de 18,2 p. 100 en 2001.

6.1.3 Éducation

Le rendement scolaire est positivement associé tant au statut économique qu’à des résultats de santé favorables. Il est également positivement associé à l’état de santé auto-signalé et à des modes de vie et des comportements sains. Par exemple, les taux d’obésité sont inversement proportionnels au rendement scolaire. Seulement 19 p. 100 des répondants de l’Enquête nationale sur la santé de la population de 1996-1997 qui n’avaient pas terminé leurs études secondaires signalaient que leur santé était « excellente », comparativement à près de 30 p. 100 des diplômés universitaires. Par ailleurs, il a été montré que la santé auto-signalée est un facteur de prédiction fiable des problèmes de santé et de longévité.

Il existe également un lien fiable entre le rendement scolaire et l’utilisation des soins de santé. George Kephart a montré qu’en Nouvelle-Écosse, les personnes qui ne détiennent pas un diplôme d’études secondaires ont recours aux services d’un médecin 49 p. 100 plus souvent que les détenteurs d’un diplôme de premier cycle universitaire. Et les personnes qui ont terminé leurs études secondaires y ont recours 12 p. 100 plus souvent que les diplômés universitaires. En ce qui concerne les déterminants de la santé, l’éducation est clairement un bon investissement qui peut réduire les coûts à long terme des soins de santé.

Les grands centres urbains du Canada atlantique ont un taux d’obtention du diplôme d’études secondaires comparable ou supérieur à la moyenne canadienne, alors que ce taux est inférieur dans les plus petites villes et les villages des nombreuses régions rurales. St. John’s (75 p. 100), Halifax (75 p. 100) et Fredericton (76 p. 100) ont des taux d’obtention du diplôme d’études secondaires supérieurs à la moyenne nationale (72 p. 100). Le Cap-Breton industriel est une région urbaine d’exception, où le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires est seulement de 60,5 p. 100, bien en deçà de la moyenne canadienne. En Nouvelle-Écosse, la vallée de l’Annapolis est une région rurale d’exception, affichant le taux le plus élevé d’obtention du diplôme d’études postsecondaires (53,9 p. 100) de tous les districts de santé ruraux au Canada atlantique et supérieurs à la moyenne nationale des régions rurales (51,5 p. 100).

À la figure 16, on indique les régions où une proportion nettement inférieure de la population âgée entre 25 et 29 ans a terminé les études secondaires comparativement à la moyenne nationale. Les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse rurale à l’exception de la vallée de l’Annapolis et le nord du Nouveau-Brunswick présentent de faibles taux comparables d’achèvement des études secondaires. Le centre de Terre-Neuve (52,6 p. 100) affiche un taux d’achèvement des études secondaires considérablement plus faible que la moyenne nationale (71,8 p. 100). En Nouvelle-Écosse, la région sud-ouest (Yarmouth-Digby) présente le taux le plus faible d’achèvement des études secondaires (55,2 p. 100) de la province.

Figure 16. Régions sociosanitaires du Canada atlantique affichant des taux d’achèvement des études secondaires inférieurs à la moyenne, 1996 (%)

Figure 16. Régions sociosanitaires du Canada atlantique affichant des taux d’achèvement des études secondaires inférieurs à la moyenne, 1996 (%)

Source : Statistique Canada, Recensement de 1996 (échantillon de 20 %).

Dans le présent document, nous ne visons pas à examiner tous les déterminants sociaux et économiques de la santé, tels que le logement, les transports et les loisirs, et ainsi de suite. Toutefois, nous examinerons brièvement les facteurs environnementaux. Ces facteurs, tels que l’exposition à des toxines et l’absence d’air pur et d’eau potable, peuvent également favoriser l’apparition de maladies chroniques. Chernomas a analysé les changements observés dans la société depuis 1900 lorsque les maladies transmissibles, et non les maladies cardiaques et le cancer, étaient les principales causes de décès. En 1950, les maladies cardiovasculaires et le cancer étaient les causes de deux tiers de tous les décès, et moins de 10 p. 100 des décès étaient attribuables aux maladies infectieuses. Chernomas fait valoir que les conditions de production et de distribution déterminées sur le plan socioéconomique ont grandement contribué à ce changement. Il affirme qu’en raison de la mécanisation, on utilise davantage d’énergie et de produits chimiques dans la production, ce qui [traduction] « a transformé les aliments, l’eau, l’air et les processus du travail en médiums qui favorisent l’apparition de maladies cardiaques et du cancer ».

Chernomas explique que la nourriture donnée aux animaux contient beaucoup de produits chimiques, notamment des hormones de croissance et des hormones qui transforment leurs graisses en gras saturés, un important facteur contribuant à l’apparition de maladies coronaires. Ces carcinogènes artificiels sont omniprésents dans notre société. Des produits chimiques sont ajoutés dans l’eau, l’air, la nourriture, les vêtements, les meubles, les médicaments et ainsi de suite. Les personnes qui vivent dans des circonstances médiocres sont particulièrement vulnérables à ces risques pour la santé.

Les quartiers pauvres sont souvent situés dans des régions industrielles contaminées, où les facteurs environnementaux, tels que l’exposition à des toxines et le manque d’air pur et d’eau potable, peuvent également constituer des mécanismes d’apparition des maladies. Une récente étude des maladies cardiovasculaires et de la mortalité attribuable au cancer à Sydney, en Nouvelle-Écosse, a montré que la région avait un long historique d’exposition à des produits polluants. Bien que les preuves ne soient pas probantes, l’étude a montré que [traduction] « les expositions aux substances carcinogènes trouvées dans le milieu ambiant de Sydney pourraient avoir contribué à une augmentation du risque de cancer ».

6.2 MÉCANISME PSYCHOSOCIAL

Pour comprendre pourquoi les groupes à faible revenu ont des taux plus élevés de maladies chroniques et de morts prématurées, peu importe les facteurs de risque comportementaux, les chercheurs ont examiné les facteurs psychologiques comme étant des variables intermédiaires clés. Dans la documentation épidémiologique, il existe à l’heure actuelle des preuves convaincantes de la forte influence des facteurs psychologiques sur la santé.

Contrairement au mécanisme matérialiste, qui met l’accent sur les ressources matérielles nécessaires au maintien de la santé, le mécanisme psychologique examine les processus sociaux et psychologiques intermédiaires qui peuvent être les précurseurs de maladies physiques. Il tient également compte du fait que les iniquités sociales et économiques peuvent produire des problèmes de santé mentale, tels que la dépression, l’anxiété, l’incertitude, l’insécurité et l’absence de lien avec autrui, avec le sens de la vie ou avec quelque chose de plus grand que soi.

Le mécanisme psychosocial a été utilisé par les chercheurs pour expliquer dans quelle mesure les iniquités à l’endroit des immigrants ou des personnes d’ethnie et de race différentes peuvent donner lieu à des résultats de santé défavorables. Il permet également d’examiner l’effet du stress chronique sur les groupes défavorisés, tels que les Autochtones, les minorités visibles, les mères seules, les enfants et les jeunes, qui sont particulièrement touchés par la pauvreté et d’autres iniquités. Ce mécanisme prend également en considération le développement durant la petite enfance, les groupes professionnels à risque, les avantages sociaux du rendement scolaire et d’autres questions sociales telles que la criminalité et la violence.

Le mécanisme psychosocial met particulièrement en lumière les répercussions sur la santé des stress chroniques produits par les circonstances défavorables de la vie et est donc complémentaire au mécanisme matérialiste. Des recherches approfondies ont montré que le stress nuit à la santé, affaiblit le système immunitaire et augmente la prédisposition à une gamme élargie de maladies. Le stress semble nuire à la santé principalement de deux façons. Premièrement, le stress entraîne des modifications des comportements liés à la santé, tels que la consommation d’alcool et l’usage du tabac, la toxicomanie ou l’alimentation. Ces comportements aggravent l’état de santé directement, en endommageant les organes du corps, et indirectement, en augmentant la prédisposition à certaines maladies. Par exemple, la corrélation entre le stress élevé et l’usage du tabac est bien documentée. L’Enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada a montré que parmi les Canadiens qui signalent des taux de stress très faible, seulement 21 p. 100 des femmes et 27 p. 100 des hommes sont des fumeurs, Parmi les personnes signalant des taux de stress élevé, 45 p. 100 des femmes et 46 p. 100 des hommes consomment des produits du tabac, montrant ainsi une relation directe presque linéaire entre le niveau de stress et la prévalence du tabagisme chez les deux sexes.

La deuxième façon par laquelle le stress nuit à la santé est liée au domaine de la psychoneuroimmunologie. Les chercheurs dans ce domaine ont montré l’existence de liens directs et mesurables entre la santé et les réponses physiologiques de l’organisme au stress. Le stress déclenche la sécrétion d’hormones stéroïdes à l’origine d’une série de réponses physiologiques, généralement connue sous le nom de réaction de combat ou de fuite. Par exemple, leur sécrétion entraîne une augmentation de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle et du flux sanguin vers les muscles. Lorsque ces réponses au stress sont persistantes, elles peuvent favoriser l’apparition de maladies ou rendre une personne plus vulnérable à la maladie en limitant la production des cellules clés du système immunitaire. Des études ont montré que les réponses au stress influent sur les processus et les fonctions qui peuvent causer ou aggraver des troubles graves, tels que l’insuffisance cardiaque et l’accident vasculaire cérébral.

Chaque personne éprouve un certain niveau de stress dans sa vie. Cependant, le stress constant et chronique est plus fréquent chez les défavorisés. La British Whitehall Study a montré que tous les travailleurs subissaient des niveaux élevés de stress au travail.

Toutefois, lorsque les administrateurs principaux revenaient à leur domicile, leur tension artérielle baissait alors que celle des travailleurs de niveaux inférieurs de retour à leur domicile demeurait élevée. En raison de sa nature chronique, le stress a des conséquences qui s’accumulent au fil du temps et favorisent l’apparition de maladies.

De nombreuses études ont permis de déterminer que le stress au travail est un important facteur de prédiction de l’hypertension et de la maladie coronarienne. Il peut découler de faibles niveaux de responsabilité, d’un manque de contrôle, d’un manque de coopération de la part des supérieurs, des contraintes de temps et/ou de la surcharge de travail. Dans une étude américaine, les travailleurs masculins subissant les niveaux les plus élevés de contraintes professionnelles présentaient un risque de crise cardiaque quatre fois plus élevé que ceux qui avaient les plus faibles niveaux de contraintes, soit un niveau de risque équivalent à celui associé au tabagisme et à l’hypercholestérolémie.

Il existe également de nombreuses preuves indiquant que l’absence de soutiens sociaux peut favoriser l’apparition de maladies. Les personnes isolées sur le plan social ont tendance à être en moins bonne santé et sont plus susceptibles de mourir prématurément comparativement à celles qui entretiennent de solides relations sociales. On a également montré qu’un solide soutien social améliore la résistance aux maladies et favorise le rétablissement. À l’inverse, l’absence de soutien social de la part de la famille, des amis et des collectivités est associée à des taux plus élevés de maladies cardiovasculaires, de mort prématurée, de dépression et d’incapacité chronique. Selon Santé Canada :

    Les familles et les amis procurent un soutien affectif nécessaire en période de stress, en plus d’aider à fournir les préalables de base à la santé comme la nourriture, le logement et les vêtements. La sollicitude et le respect que démontrent les réseaux sociaux, et le sentiment de bien-être qui en résulte semblent protéger contre les problèmes de santé. En effet, certains experts du domaine croient que les relations sociales peuvent affecter autant la santé que des facteurs de risque éprouvés comme le tabagisme et l’hypertension.

Figure 17. Districts de santé du Canada atlantique affichant un pourcentage nettement plus élevé de la population de 12 ans et plus atteinte d’hypertension artérielle, chez les deux sexes, comparativement au Canada, 2000-2001 (%)

Figure 17. Districts de santé du Canada atlantique affichant un pourcentage nettement plus élevé de la population de 12 ans et plus atteinte d’hypertension artérielle, chez les deux sexes, comparativement au Canada, 2000-2001 (%)

Source : Statistique Canada, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2000-2001, fichier santé, accessible en ligne à l’adresse www.statcan.ca/francais/freepub/82-221-XIF/00502/hlthstatus/conditions2_f.html#high (données extraites le 30 décembre 2002).

Une étude montréalaise a permis de conclure que les hommes gais séropositifs pour le VIH étaient plus en mesure d’adopter des pratiques sexuelles sans risque lorsqu’ils profitaient d’un soutien social, appartenaient à un groupe d’amis et avaient une forte estime de soi. L’effet du deuil chez les conjoints qui avaient perdu leur partenaire a été examiné dans un groupe de 12 522 personnes entre 1964 et 1987. Durant cette période, 1 453 hommes (12 p. 100) et 3 294 femmes (26 p. 100) ont perdu leur conjoint. De ce nombre, 30 p. 100 des hommes endeuillés et 15 p. 100 des femmes endeuillées sont décédés entre sept et douze mois après la mort de leur conjoint.

Wilkinson observe que la détérioration des relations sociales se produit lorsque la hiérarchie sociale devient plus inégale :

    [Traduction] En effet, dans le développement humain, l’adaptation à l’environnement social a été tout aussi exigeante que l’adaptation à l’environnement matériel, ce qui explique pourquoi les facteurs de risque intensément sociaux, tels que l’affiliation sociale, le faible statut social et le développement émotionnel durant l’enfance, ont, selon les spécialistes de l’épidémiologie moderne, des influences clés sur la santé de la population dans les sociétés développées.

Bien que certains de ces indicateurs puissent être quantifiés, d’autres chercheurs accordent davantage d’importance aux expériences subjectives individuelles de privation relative et aux réactions émotionnelles qui surviennent lorsque les personnes se comparent à d’autres membres de leur culture. La comparaison elle-même peut ne pas être faite consciemment, mais elle se manifestera sous forme de stress, de désespoir, de colère et de sentiments d’insuffisance et d’exclusion, chacune de ces manifestations pouvant avoir des conséquences sur la santé.

Des études menées sur des populations américaines et finnoises ont permis de déterminer que le désespoir est un important facteur indépendant de prédiction de la morbidité et de la mortalité attribuables aux maladies cardiovasculaires. L’hostilité, l’agression, le cynisme et l’isolement sont également associés au risque de maladies cardiaques; la colère rentrée a été reliée au cancer et à l’hypertension; et on a montré que les émotions refoulées étaient un facteur de prédiction du cancer et des maladies cardiaques. Ces états émotionnels sont étroitement associés aux iniquités sociales et économiques.

Plus d’un Canadien sur quatre éprouve un niveau assez élevé de stress dans sa vie, les niveaux de stress élevé étant plus fréquents chez les femmes que chez les hommes (26,8 p. 100 comparativement à 25,3 p. 100). Dans l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2000-2001, les quatre provinces de l’Atlantique ont enregistré un taux plus faible de stress comparativement au reste du Canada. Comme dans les enquêtes sur la santé de la population précédentes, les résidents de Terre-Neuve-et-Labrador ont enregistré en 2000-2001 les plus faibles niveaux de stress au pays, alors que les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard affichaient les deuxièmes niveaux les moins élevés de stress.

En 1985 et 1991, on observait clairement un gradient de stress d’est en ouest au pays, des niveaux plus élevés étant signalés en Ontario et dans l’Ouest, alors que les quatre provinces de l’Atlantique affichaient des niveaux nettement inférieurs aux moyennes nationales. Mais au cours des années 1990, l’écart entre les niveaux de stress de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick et les niveaux nationaux s’est graduellement estompé.

Mais les moyennes provinciales cachent de fortes disparités. Les femmes à Charlottetown et à Summerside, par exemple, présentent des taux de stress nettement plus élevés que les hommes de ces deux villes. De plus, la proportion des résidents qui subissent des niveaux élevés de stress au Cap-Breton et dans la vallée de l’Annapolis, la région de Sussex/Saint-Jean dans le sud du Nouveau-Brunswick et la région de Campbellton dans le nord du Nouveau-Brunswick s’approche des niveaux nationaux. La région d’Edmundston dans l’ouest du Nouveau-Brunswick est la seule région sociosanitaire du Canada atlantique où les niveaux de stress surpassent considérablement les niveaux de stress nationaux. Les plus faibles niveaux de stress sont enregistrés dans les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Île-du-Prince-Édouard.

Une analyse plus détaillée des régions spécifiques des provinces de l’Atlantique est nécessaire pour déterminer dans quelle mesure les mécanismes matérialiste et psychosocial contribuent à l’incidence des maladies chroniques transmissibles et non transmissibles et des troubles chroniques de santé mentale.

6.3 MÉCANISME POLITICO-ÉCONOMIQUE

Les sphères sociale, économique et politique sont interreliées et intégrées les unes aux autres. Un nombre croissant de recherches suggèrent à l’heure actuelle que les iniquités existantes sont le résultat de processus historiques, culturels, économiques et politiques et qu’on ne peut pas réduire de façon efficace ces iniquités sans comprendre leurs origines systémiques. Ainsi, les chercheurs suggèrent que les vastes structures sociales, notamment les économies de marché, la mondialisation et l’État-providence, doivent être analysées pour comprendre les causes fondamentales plus profondes des iniquités en matière d’état de santé. Selon un analyste :

    [Traduction] Les états et les particuliers doivent absolument trouver l’équilibre fragile entre (...) un monde axé sur les hautes technologies, les communications instantanées, l’idolâtrie des marchés et des investissements, la « brutale loi darwinienne » (...) et (...) un monde caractérisé par un sentiment sincère d’appartenance, d’enracinement, de collectivité et d’identité.

Il est nécessaire de comprendre de quelle façon les mécanismes matérialiste et psychosocial peuvent favoriser l’apparition de maladies chroniques pour être en mesure d’élaborer des stratégies de prévention efficaces. Comme nous l’avons vu, le manque de ressources suffisantes pour mener une vie saine rend les groupes particulièrement vulnérables plus susceptibles à une gamme élargie de maladies chroniques – transmissibles, non transmissibles et mentales. Comme Lynch le signale, les conditions matérielles structurent l’existence quotidienne, mais les processus politico-économiques déterminent ces conditions. Les politiques qui peuvent générer des inégalités existent avant que leurs effets soient sentis par les particuliers.

Selon le consensus général observé dans la documentation spécialisée en matière de santé de la population, la stratégie qui consiste à s’attaquer à un seul facteur de risque à la fois serait vraisemblablement inefficace. S’attaquer à un groupe de facteurs de risque pourrait s’avérer une stratégie plus pratique. Cependant, ces facteurs de risque ne sont pas les causes fondamentales, mais plutôt des iniquités qui entraînent d’abord un stress et une souffrance physique et mentale et contribuent ensuite à la détérioration de l’état de santé et à l’apparition de maladies chroniques. Intervenir dans le mécanisme matérialiste ou psychosocial – par exemple, en soutenant les programmes d’alimentation pour les enfants – peut être une stratégie très efficace pour soulager la souffrance. Cette stratégie peut également être un investissement pour l’avenir des enfants, ainsi qu’une mesure visant à ne pas les laisser souffrir de la faim. Ces types de programmes sont donc très utiles. Toutefois, pour contrer la faim chez les enfants, il est important d’en connaître la cause fondamentale. Par exemple, pourquoi les enfants avaient-il besoin d’un programme d’alimentation au départ? Pourquoi ces enfants ne mangent-ils pas à leur faim? Les politiques existantes ont-elles des répercussions négatives sur la santé?

Le mécanisme politico-économique laisse entendre que, pour changer une situation inéquitable, les analystes doivent examiner les processus d’exclusion. De plus, il est nécessaire d’examiner le fonctionnement de ces processus. Coburn fait valoir que les amélioration de la santé de la population dépendent d’une compréhension de l’idéologie de marché qui sous-tend les idéologies dominantes de l’heure. Puisque les soutiens sociaux sont reconnus comme étant un déterminant clé de la santé, une idéologie de marché qui valorise l’individualisme pourrait nuire à la santé de la population. Les chercheurs observent que les revenus sont principalement le résultat de répartitions tributaires du marché et de redistributions de revenu commanditées par le gouvernement. Ainsi, toute diminution des iniquités dépend d’une intervention gouvernementale active. Selon Coburn :

    [Traduction] Les degrés d’inégalités sont clairement influencés par les ensembles de politiques locales, nationales et internationales, qui peuvent faire l’objet de modifications. Nous pouvons soit faire abstraction de ces processus soit chercher à comprendre et commencer à les modifier.

Muntaner et Lynch soutiennent qu’une société qui utilise le marché comme son principal guide et sa principale doctrine crée de plus grandes inégalités de revenu, réduit la cohésion sociale et détériore l’état de santé. Le marché produit en partie cet effet en affaiblissant l’État-providence qui, dans cette optique, nuit au fonctionnement normal du marché. Toutefois, les analystes montrent que la mondialisation n’a pas entraîné une diminution de la pauvreté. Avec la montée de la mondialisation, les inégalités augmentent dans la majorité des pays, mais il semble qu’elles sont modérées dans les pays ayant de solides politiques d’aide sociale et des systèmes moins axés sur le marché. Comme le signale Davey Smith :

    [Traduction] À l’échelle transnationale, les niveaux plus élevés de dépenses sociales et de taxation exprimés sous forme d’une proportion du produit intérieur brut sont associés à une plus longue espérance de vie, à un taux moins élevé de mortalité maternelle et à une plus faible proportion de poids insuffisant à la naissance.

Ces analyses et d’autres analyses de vaste portée des causes fondamentales plus systémiques révèlent que les Canadiens par tradition valorisent la diversité culturelle, la justice sociale et l’État-providence. Traditionnellement, ils résistent aux pressions exercées par les puissantes économies de marché. Depuis le milieu des années 1970, les analystes observent un changement de ces valeurs directrices et des pratiques d’État en vigueur actuellement au Canada. Les valeurs qui étaient fondées sur les notions de risque partagé et de droits sociaux sont maintenant axées sur les notions de risques et de responsabilités individuels et de droits des consommateurs. Ce changement peut avoir des répercussions sur la santé des Canadiens.

La dépendance croissante de l’emploi, de la répartition du revenu, de la gestion budgétaire et de la privatisation à l’égard des mécanismes du marché a donné lieu à des réductions de services dans la sphère de la santé et à des écarts socioéconomiques croissants entre les Canadiens. Selon l’opinion générale, les prestataires de l’aide sociale abusent du système, et les soutiens fédéraux compromettent les initiatives individuelles. Dans cette optique, les politiques sont justifiées puisqu’en laissant les riches profiter d’un revenu disponible plus élevé, particulièrement en baissant les impôts et en continuant à offrir de faibles salaires aux travailleurs, les profits et les revenus plus élevés des mieux nantis se traduiront par davantage d’investissements, une meilleure affectation de ressources et donc davantage d’emplois et un bien-être accru pour l’ensemble de la société. Selon l’autre vision, cette richesse redistribuée ne se retrouvera pas dans l’économie locale ou nationale mais dans les bourses de valeurs mobilières à l’échelle internationale.

James Dunn, dans un récent article intitulé Are Widening Income Inequalities Making Canada Less Healthy?, prévenait que si les gouvernements ne réinvestissaient pas dans les programmes publics, on observera une baisse de l’inventaire de « capital humain » du Canada et une dégradation de la santé de sa population. Il fait valoir qu’il n’y a pas de compromis à faire entre la santé et la prospérité économique et que les politiques peuvent être structurées pour améliorer simultanément la santé et la productivité économique. Dans cette optique, Dunn recommande que les principes d’action puissent s’appliquer à une grande variété de stratégies de prévention des maladies et de promotion de la santé dans de nombreux secteurs.

Comme l’affirme le sociologue John Gray :

    [Traduction] Il est vrai que les restrictions à l’égard du libre-échange mondial ne favorisent peut-être pas une hausse de la productivité, mais la productivité maximale au prix de la désolation sociale et de la misère humaine est une idée anormale et dangereuse.

Ces idées font l’objet d’un débat considérable, mais ont des répercussions profondes sur l’inclusion sociale et économique et l’équité, et en bout de ligne sur les résultats de santé.

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Mise à jour : 2006-02-14

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