Agence de santé public du Canada / Public Health Agency of Canada
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Agence de santé publique du Canada

 

Qualité de l'eau potable et utilisation des services de santé pour des troubles gastro-intestinaux dans le Grand Vancouver

J. Aramini1, M. McLean2, J. Wilson1, J. Holt3, R. Copes4, B. Allen3, W. Sears5



1 Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Agence de santé publique du Canada, Santé Canada
2 Vancouver/Conseil de santé de Richmond
3 Département de mathématiques et de statistiques, Université de Guelph
4 Département de soins de santé et d'épidémiologie et École de santé au travail et d'hygiène du milieu, Université de Colombie-Britannique
5 Département de médecine des populations, Université de Guelph


Résumé


Le risque de maladie microbienne associé à l'eau potable est actuellement un sujet hautement prioritaire parmi les autorités responsables de la gestion des eaux en Amérique du Nord. Les nombreuses éclosions observées par le passé, parallèlement à la parution d'études récentes donnant à penser que l'eau potable pourrait contribuer de façon significative à la gastro-entérite endémique (non liée à une éclosion), ont fait ressortir la vulnérabilité de nombreuses villes nord-américaines face aux maladie d'origine hydrique. Elles ont également suscité, au Canada comme aux États-Unis, des débats toujours en cours au sujet de la nécessité de renforcer les lignes directrices relatives à la qualité de l'eau, des changements à apporter aux politiques de gestion des bassins hydrographiques, et de la nécessité d'assurer un meilleur traitement des eaux. Le système d'approvisionnement en eau du District régional du Grand Vancouver (DRGV) dessert environ deux millions de consommateurs à partir d'un réseau de trois bassins d'alimentation en eau superficielle non filtrée. Bien que les politiques rigoureuses adoptées par les autorités du DRGV réduisent au minimum la possibilité d'une contamination fécale humaine des approvisionnements en eau, les bassins hydrographiques de la région abritent de nombreuses espèces fauniques qui pourraient éventuellement transmettre des microorganismes pathogènes aux humains. Comme la stratégie de traitement des eaux du Grand Vancouver repose essentiellement sur la protection des bassins hydrographiques et la chlorationb de l'eau et que ces deux stratégies ne permettent pas d'éliminer tous les risques de transmission de maladies d'origine hydrique, il se pourrait que certains microorganismes pathogènes atteignent les consommateurs.

Nous nous sommes servis ici d'une approche de modélisation additive généralisée pour étudier et quantifier les associations entre, d'une part, les problèmes de santé de type gastro-intestinaux observés dans le Grand Vancouver au cours d'une journée donnée (établis en fonction du nombre d'hospitalisations, de consultations médicales et de visites à l'urgence de l'Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique) et, d'autre part, les paramètres de qualité de l'eau relevés par les autorités du DRGV (principalement la turbidité) de 1 à 39 jours plus tôt, entre 1992 et 1998. À cette fin, nous avons également contrôlé d'autres variables significatives et confusionnelles, dont les effets saisonniers et à long terme et les effets propres à chaque jour de la semaine. Les tendances saisonnières et à long terme, de même que la turbidité ont été toutes deux modélisées de façon non paramétrique à l'aide de lisseurs de régression. Nous avons utilisé deux approches de modélisation différentes, mais apparentées : une régression de Poisson et une régression binômiale (cas-témoins). Dans l'approche axée sur la régression de Poisson, nous avons analysé le rapport entre, d'une part, le nombre quotidien de problèmes de santé tel que mesuré par le nombre d'hospitalisations et de visites à l'urgence et, d'autre part, la qualité de l'eau établie par la DRGV. Dans l'approche binômiale (cas-témoins), c'est le rapport entre l'état des cas (affections gastro-intestinale vs affections respiratoires) et la qualité de l'eau établie par la DRGV qui a été étudié pour chaque groupe de résultats sur la santé.

Nous avons pu ainsi mettre en évidence une relation entre la turbidité et la gastro-entérite. En effet, nous avons observé des relations statistiquement significatives entre ces deux variables au sein de multiples groupes d'âge, dans les trois séries de données administratives sur les soins de santé ainsi que dans les populations desservies par les trois sources d'approvisionnement en eau. Des constantes entre les associations ont en outre été observées entre les deux approches de modélisation (régression de Poisson et régression binômiale). En général, la probabilité de trouble gastro-intestinal (telle qu'établie par les taux relatifs et les rapports de cotes) augmentait avec la turbidité, et parmi plusieurs groupes de résultats sur la santé, les taux relatifs/rapports de cotes atteignaient des valeurs supérieures à deux. Parmi les quatre groupes d'âge évalués, c'est chez les 2 à 18 ans et les 18 à 65 ans que le rapport apparent entre la turbidité et la gastro-entérite était le plus marqué; quatre importantes périodes de décalage (temps écoulé entre le moment où la turbidité a été observée et celui où le résultat sur la santé a été observé) ont par ailleurs été relevées : 3-6 jours, 6-9 jours, 12-16 jours et 21-29 jours. Ces périodes de décalage concordent avec les périodes d'incubation des microorganismes causant des gastro-entérites bactériennes et protozoaires courantes d'origine hydrique, ou avec des multiples de ces périodes d'incubation, et viennent donc étayer les résultats des recherches connexes sur les maladies endémiques et épidémiques d'origine hydrique. Il faudra faire d'autres recherches sur les issues propres à chaque pathogène pour confirmer la nature étiologique des associations observées.

Vu les implications potentielles des relations observées pour la santé publique, nous avons tenté d'évaluer les impacts relatifs et absolus de l'eau potable du Grand Vancouver sur la santé gastro-intestinale de la population. Pour obtenir des estimations prudentes (sous-estimation), nous avons posé que les eaux dont la turbidité était égale ou inférieure à 1 unité de turbidité néphélométrique (uTN) ne pouvaient provoquer d'épisodes gastro-intestinaux. La comparaison des impacts relatifs estimatifs sur la santé des eaux provenant des trois sources d'approvisionnent pour toute la période d'étude a montré que les variations observées dans la qualité de l'eau potable du DRGV expliquaient 2,1 %, 0,8 % et 0,9 % des consultations médicales liées à une gastro-entérite, et 1,3 %, 0,2 % et 0,3 % des hospitalisations liées à la gastro-entérite chez les sujets consommant l'eau provenant respectivement des rivières Capilano, Seymour et Coquitlam. En extrapolant à partir de ces chiffres sur une période de six ans, il est apparu que les variations dans la qualité de l'eau potable du DRGV expliquaient environ 17 500 consultations médicales (1,6 % de toutes les consultations médicales liées à la gastro-entérite), 85 cas d'hospitalisation (0,6 % de toutes les admissions liées à la gastro-entérite) et 138 consultations à l'urgence de l'hôpital pour enfants (1,6 % de toutes les visites à l'urgence de l'hôpital). Compte tenu des limitations inhérentes tant aux sources de données qu'aux méthodes d'analyse disponibles, les estimations présentées ci-dessus doivent toutefois être interprétées avec prudence. Les estimations justes de l'impact sur la santé pourraient en effet être beaucoup faibles ou élevées que celles qui ont été calculées. Nous nous efforçons toujours de mieux évaluer la variabilité et de raffiner ces estimations.

Les résultats de cette étude concordent avec ceux de plusieurs études épidémiologiques et microbiologiques effectuées en Amérique du Nord et viennent renforcer certaines croyances des autorités de santé publique et de gestion des approvisionnements en eau, soit : 1) que des niveaux significatifs d'épisodes gastro-intestinaux endémiques (au jour le jour) pourraient être dus à l'eau, 2) que la protection des bassins hydrographiques alliée à la chloration de l'eau pourrait ne pas suffire à assurer une protection suffisante contre la transmission hydrique des pathogènes entériques, et 3) que la turbidité semble être un indicateur valable de la qualité de l'eau. Bien que d'autres recherches doivent être faites pour estimer avec plus de précision les impacts sanitaires associés à l'eau potable du Grand Vancouver, valider les associations observées et clarifier le rôle de chacun des pathogènes d'origine hydrique, cette étude apporte des preuves à l'appui de l'hypothèse selon laquelle, durant la période étudiée, les pathogènes entériques d'origine hydrique présents dans chacune des trois sources d'approvisionnement en eau potable du Grand Vancouver avaient contribué à la gastro-entérite endémique chez les résidents de la région.



b En juillet 2000, une nouvelle usine de désinfection primaire par l'ozone a commencé à traiter les eaux provenant de la rivière Coquitlam.

 

Mise à jour : 2000-11-06 haut de la page